RECORD: Darwin, C. R. 1877. Des effets de la fécondation croisée et de la fécondation directe dans le règne végétal. Ouvrage traduit de l'anglais et annoté avec autorisation de l'auteur, par le Dr Edouard Heckel. Paris: C. Reinwald et Cie.

REVISION HISTORY: OCRed by John van Wyhe 2.2009. Text fully corrected by Françoise Percy 8.2023. RN3

NOTE: See record in the Freeman Bibliographical Database, enter its Identifier here. Images reproduced by permission of the Trustees of the Natural History Museum (London). Notes on the text by Françoise Percy are in square brackets.


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DES EFFETS

DE LA

FÉCONDATION CROISÉE

ET DE LA FÉCONDATION DIRECTE

DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL

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PARIS

TYPOGRAPHIE PAUL SCHMIDT

5. RUE PERRONET, 5

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DES EFFETS

DE LA

FÉCONDATION CROISÉE

ET DE LA FÉCONDATION DIRECTE

DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL

PAR

CHARLES DARWIN, M.A., F.R.S.

ETC.

Ouvrage traduit de l'anglais et annoté avec l'autorisation de l'auteur

PAR LE

Dr ÉDOUARD HECKEL

Professeur de botanique à la Faculté des Sciences de Grenoble.

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PARIS

C. REINWALD ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS

15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15

1877

Tous droits réservés

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TABLE DES MATIÈRES

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.............................................................................................. IX

CHAPITRE PREMIER.

REMARQUES INTRODUCTIVES.

Différentes circonstances qui favorisent ou déterminent la fécondation croisée des plantes. — Bénéfices réalisés par la fécondation croisée. — Fécondation croisée favorable à la propagation de l'espèce. — Historique abrégé de ce sujet. — Objet des expériences et manière dont elles ont été conduites. — Appréciation statistique des mensurations. — Expériences faites durant plusieurs générations successives. — Nature de la parenté des plantes dans les dernières générations. — Uniformité des conditions auxquelles les plantes furent assujetties. — Quelques causes d'erreur apparentes et réelles. — Somme de pollen employé. — Plan de l'ouvrage. — Importance des conclusions..................................................................................................... 1

CHAPITRE II.

CONVOLVULACÉES.

Ipomœa purpurea, comparaison entre la taille et la fécondité des plantes croisées et autofécondées pendant dix générations successives. — Vigueur constitutionnelle plus accentuée des plantes croisées. — Effets produits sur la descendance par le croisement des différentes fleurs de la même plante, au lieu du croisement par des individus différents. — Effets du croisement avec un rameau nouveau. — Descendance de la plante autofécondée nommée Héros. — Résumé de l'accroissement, de la vigueur et de la fécondité des générations successives croisées et autofécondées. — Petite quantité de pollen renfermée dans les anthères des plantes autofécondées de la dernière génération et stérilité de leurs premières fleurs. — Couleur uniforme des fleurs dans les plantes autofécondées. — L'avantage résultant d'un croisement entre deux plantes distinctes est lié à leur différence de constitution............................................ 28

CHAPITRE III.

SCROPHULARINÉES, GESNERIACÉES, LABIÉES, ETC.

Mimulus luteus, hauteur, vigueur, et fécondité des plants croisés et autofécondés de la première génération [* erreur : des quatre premières générations]. — Apparition d'une nouvelles variété grande et très-fertile [* contresens : très auto-fertile]. — Descendance résultant d'un croisement entre des plants autofécondés. — Effets du croisement avec un rameau nouveau. — Effets du croisement entre fleurs de la même plante. — Résumé des observations faites sur le Mimulus luteus. — Digitalis purpurea, supériorité des plants croisés. — Effets du croisement des fleurs du même plant. — Calceolaria. — Linaria vulgaris. —

VI TABLE DES MATIERES.

Verbascum thapsus. — Vandellia nummularifolia.— Fleurs cléistogènes. — Gesneria pendulina. — Salvia coccinea. — Origanum vulgare, grand développement par les stolons dans les plants croisés. — Thunbergia alata................................................................................................ 64

CHAPITRE IV.

CRUCIFÈRES, PAPAVÉRACÉES, RÉSÉDACÉES, ETC.

Brassica oleacera, plants croisés et autofécondés. Effet considérable d'un croisement par un rameau nouveau sur le poids de la descendance. — Iberis umbellata. — Papaver vagum. — Eschscholtzia californica, semis provenant du croisement avec un rameau nouveau n'ayant pas plus de vigueur, mais doué d'une plus grande fécondité que les semis autofécondés. — Reseda lutea et odorata, beaucoup d'individus stériles avec leur propre pollen. — Viola tricolor, effets remarquables du croisement. — Adonis œstivalis. — Delphinium consolida. — Viscaria oculata, les plantes croisées sont à peine plus grandes, mais sont plus fertiles que les autofécondées. — Dianthus caryophyllus, plantes croisées et autofécondées, comparées pendant quatre générations. Effets considérables du croisement avec un rameau nouveau. Couleur uniforme des fleurs dans les plantes autofécondées. — Hibiscus africanus....................................................... 100

CHAPITRE V.

GÉRANIACÉES, LÉGUMINEUSES, ONAGRARIÉES, ETC.

Pelargonium zonale, un croisement entre plants propagés par boutures, ne produit pas de bons effets. — Tropæoleum minus. Mimnanthes Douglasii. Lupinus luteus et pilosus. — Phaseolus multiflorus et vulgaris. — Lathyrus odoratus, ses variétés, elles ne sont jamais entre- croisées en Angleterre. — Pisum sativum, ses variétés, l'entre-croisement en est très-rare, mais il produit de très-bons effets. — Sarothamnus scoparius, effets remarquables d'un croisement. — Ononis minutissima, ses fleurs cléistogènes. Résumé sur les Légumineuses. — Clarkia elegans. — Bartonia aurea. — Passiflora gracilis. — Apium petroselinum. — Scabiosa atropurpurea. — Lactuca sativa. — Specularia speculum. — Lobelia ramosa, avantages résultant d'un croisement durant deux générations. — Lobelia fulgens. — Nemophila insignis, grands avantages d'un croisement. — Borrago officinalis. — Nolana prostata................. 143

CHAPITRE VI.

SOLANÉES, PRIMULACÉES, POLYGONÉES, ETC.

Petunia violacea, plants croisés et autofécondés comparés pendant quatre générations. Effets d'un croisement avec un rameau nouveau. Couleur uniforme des fleurs dans les plants croisés de la quatrième génération. — Nicotiana tabacum, plants croisés et autofécondés de même taille. Un croisement avec une sous-variété distincte a des effets considérables sur la hauteur mais non pas sur la fécondité de la descendance. — Cyclamen persicum, semis croisés très-supérieurs aux autofécondés. — Anagallis collina. — Primula veris. — Variété isostylée du Primula veris, sa fécondité est fortement augmentée par un croisement avec une souche nouvelle. Fagopy-

TABLE DES MATIERES.   VII

rum esculentum. — Beta vulgaris. — Canna warscewiczi, plants croisés et auto-fécondés de hauteur égale. — Zea maïs. — Phalaris canariensis............................................................188

CHAPITRE VII.

RÉSUMÉ SUR LA HAUTEUR ET LE POIDS DES PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES.

Nombre des espèces et des plants mesurés. — Tableaux. — Remarques préliminaires sur la descendance des plants croisés par un rameau nouveau. — Examen spécial de treize cas. — Effets du croisement d'un plant autofécondé, soit par un autre plant autofécondé, soit par un plant entre-croisé de la vieille souche. — Résumé des résultats. — Remarques préliminaires sur les plants croisés et autofécondés de la même souche. — Examen de trente-six cas exceptionnels dans lesquels les plants croisés ne surpassèrent pas de beaucoup en hauteur les autofécondés. — Ces cas, en majorité, sont démontrés ne pas constituer des exceptions réelles à la règle qui veut que la fécondation croisée soit favorable. — Résumé des résultats. — Poids relatifs des plants croisés et autofécondés....................................................................................................... 237

CHAPITRE VIII.

DIFFERENCE ENTE LES PLANTES CROISÉES ET LES AUTOFÉCONDÉES POUR CE QUI A TRAIT À LEUR VIGUEUR CONSTITUTIONNELLE ET À D'AUTRES POINTS DE VUE.

Vigueur constitutionnelle plus accentuée chez les plantes croisées. — Effets des grands entassements. — Compétition avec les autres plantes. — Les plants autofécondés sont plus exposés à une mort prématurée. — Les plants croisés fleurissent généralement avant les autofécondés. — Effets négatifs de l'entre-croisement des fleurs d'un même plant. — Description de différents cas. — Transmission des bons effets d'un croisement jusqu'aux dernières générations. — Effets du croisement de plants d'une parenté étroite. — Couleur uniforme des fleurs dans les plants autofécondés pendant plusieurs générations et cultivées dans des conditions semblables........................................................................................................................... 288

CHAPITRE IX.

LES EFFETS DE LA FÉCONDATION CROISÉE ET DE L'AUTO-FÉCONDATION

SUR LA PRODUCTION DES GRAINES.

Fécondité des plantes de parenté croisée et autofécondée, les deux lots ayant été fécondés de la même manière. — Fécondité des générateurs après un premier croisement et une première autofécondation, et de leur descendance soit croisée, soit autofécondée après un second croisement ou une seconde autofécondation. — Comparaison entre la fertilité des fleurs fécondées avec leur propre pollen et celles des fleurs fécondées avec le pollen d'autres fleurs de la même plante. — Plantes fécondées par elles-mêmes. — Causes de l'autostérilité. — Apparition de variétés très-fertiles par elles-mêmes. — Auto-fécondation bienfaisante à certains points de vue, indépendamment de la production assurée des graines. — Poids relatifs et degré de germination des semences issues de fleurs croisées et de fleurs autofécondées............ 316

VIII   TABLE DES MATIERES.

CHAPITRE X.

PROCÉDÉS DE FÉCONDATION.

Stérilité et fécondité des plantes après l'exclusion des insectes. — Procédés par lesquels les fleurs sont fécondées par croisement. — Dispositions favorables à l'autofécondation. — Relations entre la structure et la beauté [* contresens : visibilité (conspicuousness)] des fleurs, entre la visite des insectes et les avantages de la fécondation croisée. — Procédés par lesquels les fleurs sont fécondées par une plante distincte. — Pouvoir fécondant plus marqué d'un pareil pollen. — Espèces anémophiles. — Conversion des espèces anémophiles en entomophiles. — Origine du nectar. — Les plantes anémophiles ont généralement leurs sexes séparés. — Conversion des fleurs diclines en hermaphrodites. — Les arbres ont souvent leurs sexes séparés............. 361

CHAPITRE XI.

HABITUDES DES INSECTES AU POINT DE VUE DE LA FÉCONDATION

DES FLEURS.

Les insectes visitent aussi longtemps qu'ils le peuvent les fleurs des mêmes espèces. — Causes de cette habitude. — Moyens par lesquels les abeilles reconnaissent les fleurs de la même espèce. — Sécrétion instantanée du nectar. — Le nectar de certaines fleurs n'attire pas certains insectes. — Industrie des abeilles et nombre de fleurs qu'elles visitent dans un court espace de temps — Perforation de la corolle par les abeilles. — Habileté déployée dans cette opération. — Les abeilles profitent des trous pratiqués par les bourdons. — Effets de cette habitude. — Le motif de cette perforation des fleurs est de gagner du temps. — Les fleurs rapprochées en masses serrées sont surtout perforées......................................................................................................... 425

CHAPITRE XII.

RÉSULTATS GÉNÉRAUX.

Preuves des avantages de la fécondation croisée et des dommages causés par l'autofécondation. — Des espèces voisines diffèrent beaucoup par les moyens propres à y favoriser la fécondation croisée et à en éloigner l'autofécondation. — Les avantages et les dommages entraînés par ces deux procédés dépendent du degré de différenciation des éléments sexuels. — Les effets préjudiciables ne sont pas dus aux tendances morbides des parents. — Nature des conditions auxquelles les plantes sont assujetties lorsqu'elles végètent rapprochées ou à l'état naturel ou dans des conditions culturales ; effets de pareilles conditions. — Considérations théoriques sur l'action réciproque des éléments sexuels différenciés. — Déductions pratiques. — Genèse des deux sexes. — Concordance entre les effets de la fécondation croisée et de l'autofécondation, et ceux des unions légitimes et illégitimes dans les plantes hétérostylées, en comparaison avec les unions hybrides.............................................................................................................................. 447

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.

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Le nouveau livre de Ch. Darwin, dont nous donnons aujourd'hui la traduction, n'est à proprement parler que la suite et le complément de son étude sur la Fécondation des Orchidées dont la deuxième édition vient de paraître, enrichie d'une nouvelle série d'observations intéressantes, qui toutes viennent corroborer les premières conclusions. Il n'était pas possible qu'après avoir expérimentalement dégagé une loi dont l'action profonde semble s'être accusée d'une manière particulière dans tout le remarquable groupe des Orchidées, le savant auteur de l'Origine des espèces ne fut pas conduit à porter son observation sur les autres termes de la série pour y poursuivre dans leur manifestation les résultats de cette « horreur de la nature pour les perpétuelles autofécondations. » Le nombre des familles assujetties à l'expérimentation la plus scrupuleuse est suffisant, le choix en a été fait avec le plus judicieux discernement, tant parmi les végétaux relativement peu élevés en organisation qu'au

X   AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.

milieu de ceux qui occupent le sommet de l'échelle. Il existe cependant quelques groupes qui ont pu se dérober à l'observation et aux recherches de l'auteur, en bénéficiant d'une disposition spéciale des organes reproducteurs, qui semble interdire toute introduction ou accidentelle ou même expérimentale d'un pollen étranger.

Quoiqu'il en soit, des faits nombreux que l'auteur met au jour de la science, il se dégage sans conteste, pour tout esprit non prévenu, à la fois la loi que nous avons déjà énoncée, et cette vérité non moins importante que le croisement n'est pas favorable par lui-même, mais bien par l'introduction d'un élément cellulaire fécondateur présentant quelque différence avec les éléments propres à la plante fécondée. A tous les points de vue, ces faits bien acquis sont d'une valeur indiscutable.

De même que les fonteniers de Florence savaient que la nature a horreur du vide, nous avons conquis, par les expériences de Ch. Darwin, cette notion certaine que la nature a intérêt à éviter, par tous les moyens possibles, les autofécondations perpétuelles dont l'action est funeste au développement de l'espèce. Mais pas plus qu'eux nous ne connaissons les causes de cette horreur. Quelle est la limite exacte de cette antipathie, dans quelle direction se produit-elle, quelles conditions la guident en l'accentuant ou la font varier en troublant les résultats ordinaires de la fécondation croisée, quelle est enfin la cause vraie, matérielle, tangible de cette

AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.  XI

préférence pour un pollen étranger développé sur une plante génératrice qui a vécu dans des conditions légèrement différentes de la porte-graine ? Voilà maintenant ce qu'il nous faut apprendre, voilà ce qu'il nous faut chercher dans l'intérêt de la biologie générale. En entreprenant ces recherches dans les végétaux, dont les mystères de la reproduction sont plus accessibles à notre observation directe, n'avons-nous pas l'espérance (stimulant bien légitime !) de pouvoir étendre au règne organisé tout entier un fait qui se serait, dans cet ordre d'idées, nettement dégagé de l'expérimentation ? La voie se trouve largement et magistralement ouverte par les résultats consignés dans le présent livre, les travailleurs ne manquent pas et la gloire des Torricelli et des Pascal est bien faite pour exciter l'envie : à l'œuvre donc !

Pour nous en tenir aux plantes, il est certain qu'il existe entre espèces voisines des affinités spéciales (mots euphémiques destinés à masquer notre ignorance) qui se traduisent ouvertement par la formation constante d'un même hybride, alors que rien n'explique jusqu'ici l'inégale diffusion de la forme réciproque. Ce fait est bien évident, pour n'en citer qu'un exemple, dans le Slochys palustri-sylvatica Rchb. que l'on rencontre toujours au voisinage des générateurs, tandis que le Stachys sylvatica-palustris est excessivement rare ; et cependant les parents sont également visités par les insectes. C'est, à mon sens, en recherchant les causes

XII AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.

peut-être plus accentuées de ces anomalies bien connues 1 qu'on arrivera, par une voie indirecte mais plus rapide et plus facile, à connaître les vraies causes de l'horreur de la nature pour les perpétuelles autofécondations, car, en effet, sur ce terrain, les raisons matérielles qui excitent, toutes choses égales d'ailleurs, les préférences de l'ovule pour tel ou tel pollen se manifestent d'une façon qui, éveillant plus immédiatement l'attention, doit les faire tomber plus facilement sous nos sens.

Quant à la loi elle-même, aujourd'hui rendue indiscutable par les résultats que l'on trouve ici longuement et savamment développés, elle était déjà généralement pressentie, depuis l'apparition de la Fécondation des Orchidées, par la plupart des naturalistes philosophes. On sent qu'en dehors de toute expérimentation, la généralité s'en dégage, pour tout esprit en quête des résultats du perfectionnement organique dans la série végétale, à la suite d'un examen attentif de la direction spéciale qu'affecte ce perfectionnement dans les organes reproducteurs. Toutes les fleurs gamopétales, pour ne parler que des plus parfaites entre toutes, avec

1 C'est dans cet esprit que j'avais entrepris, l'an dernier, en Lorraine, sur la fécondation croisée des Stachys palustris et S. sylvatica, quelques recherches dont j'ai fait connaître les résultats à la section de botanique de l'association scientifique de Clermont-Ferrand (16 août 1876). Ces communications, je le dis ici avec regret, ont été mal accuillies par quelques esprits qui ne se sont pas aperçus qu'en les repoussant, ils donnaient la preuve trop évidente d'un manque absolu de portée philosophique. Je remercie M. Lamotte, le savant auteur de la flore du Centre, qui seul m'a donné son appui, d'avoir compris que ces recherches n'étaient pas inutiles.

AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.  XIII

les accessoires aussi multiples que variés qui, au dehors comme au dedans, en ornent la corolle, ne semblent-elles pas faites, en effet, pour assurer, d'une manière toute particulière, l'intervention fructueuse des insectes ? N'est-ce pas dans les Gamopétales surtout qu'on rencontre ces artifices admirables par lesquels le végétal, perdant en apparence sa nature spéciale pour se rapprocher de l'animalité, voit ses organes mâles ou femelles devenir le siège de mouvements qui ont évidemment pour but un croisement assuré ? N'est-ce pas un groupe particulier de ces mêmes Gamopétales qui est caractérisé (nouvelle et surprenante division du travail !) par le stigmate bilamellaire et irritable dont les lèvres saisissent avec avidité le pollen étranger 1 ? Une loi que consacre à la fois le raisonnement et l'expérience ne saurait être ébranlée par quelques exceptions qui ne demandent qu'à être mieux étudiées. Pour toute intelligence capable d'embrasser la nature dans une faible portion de son vaste ensemble et d'en percevoir les grandes harmonies, il n'est pas nécessaire d'insister sur l'importance de la mise au jour d'une telle vérité : si la gloire personnelle de Ch. Darwin n'avait plus à l'ambitionner, celle de l'humanité nous poussait à la désirer pour notre époque de progrès scientifique. Car, on le remarquera, nous ne sommes pas ici en

1 Je me propose de développer longuement sur ce point, dans un écrit prochain, mes vues personnelles, dont une exposition plus longue serait déplacée dans cette préface. Je me borne donc à en indiquer ici le sens.

XIV AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.

présence d'une pure conquête de l'ordre spéculatif ; toutes les sciences tributaires de la botanique devront, en effet, dans une large mesure, bénéficier immédiatement des résultats indiqués dans ce livre et de l'importante découverte qui les couronne.

On peut, sans se faire illusion, prévoir déjà que le croisement des plantes, abandonné jusqu'ici au caprice des éléments ou aux seules forces de la nature, sera désormais méthodiquement effectué, avec le succès qu'il promet, par toute la légion intelligente des praticiens, horticulteurs ou agriculteurs justement préoccupés de conserver à leurs variétés certains caractères importants obtenus à grand'peine. En un mot, toute une série d'applications nouvelles, quotidiennes et d'une utilité primordiale doit surgir de la mise en œuvre des faits observés. C'est là un des plus beaux privilèges presque toujours assurés, tôt ou tard, aux grandes découvertes péniblement acquises ; celle dont le savant anglais a enrichi la science biologique, moins que toute autre, par sa nature même, ne saurait manquer d'en profiter.

Après ce que je viens de dire, la valeur de l'ouvrage me semble démontrée et sa traduction suffisamment justifiée. Pour ce qui me concerne, je n'ai cru mieux pouvoir témoigner mon admiration pour la patience des recherches qui y sont exposées, indépendamment de toute idée philosophique, qu'en acceptant le rôle modeste de traducteur qui est peu en harmonie avec mes habitudes de travaux personnels. J'offre donc ce livre avec confiance à ce

AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.  XV

public, dont l'esprit large et indépendant sait apprécier les grandes choses, quelle qu'en soit l'origine 1 .

1. J'ai adopté pour titre du livre non la traduction littérale de celui de C. Darwin mais celle de l'esprit de ce livre. Beaucoup d'analyses de cet ouvrage l'ont présenté ainsi : Des effets de la fécondation croisée et propre dans les végétaux. Mon avis est que l'adjectif propre ne saurait, dans le cas actuel, remplacer celui de directe, que j'ai adopté parce que sous le nom d'autofécondation (self-fertilisation) l'auteur ne comprend pas seulement la fécondation propre (c'est-à-dire le pollen contenu dans la fleur), mais encore la fécondation réalisée par une fleur différente portée sur la même plante : or, ces deux variétés de l'autofécondation je les désigne cumulativement sous le nom de fécondation directe.

Grenoble, 23 mars 1877

Édouard HECKEL.

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LES EFFETS

DE LA

FÉCONDATION CROISÉE ET DIRECTE

DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL

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CHAPITRE PREMIER.

Introduction.

Différentes circonstances qui favorisent ou déterminent la fécondation croisée des plantes. — Bénéfices réalisés par la fécondation croisée. — Fécondation croisée favorable à la propagation de l'espèce. — Historique abrégé de ce sujet. — Objet des expériences et manière dont elles ont été conduites. — Appréciation statistique des mensurations. — Expériences faites durant plusieurs générations successives. — Nature de la parenté des plantes dans les dernières générations. — Uniformité des conditions auxquelles les plantes furent assujetties. — Quelques causes d'erreurs apparentes et réelles. — Somme de pollen employé. — Plan de l'ouvrage. — Importance des conclusions.

Il est de toute évidence que les fleurs du plus grand nombre des plantes sont construites de façon à être accidentellement ou habituellement fécondées par croisement au moyen du pollen d'une autre fleur située soit sur un même pied, soit plus généralement, comme nous le verrons dans la suite, sur un pied distinct. Quelquefois la fécondation croisée est assurée par la séparation des sexes ; dans un grand nombre de cas, elle l'est par la non-coïncidence de la maturité dans le pollen et dans le stigmate. De pareilles

2   INTRODUCTION.   CHAP. I

plantes sont nommées dichogames et ont été divisées en deux sous-classes : les protérandres, dans lesquelles le pollen est mûr avant le stigmate, et les protérogynes, dans lesquelles le contraire a lieu : cette dernière espèce de dichogamie n'est, du reste pas, à beaucoup près, aussi commune que la première. La fécondation croisée est aussi assurée, dans de nombreux cas, par des dispositions mécaniques d'une remarquable beauté ayant pour résultat de prévenir l'imprégnation des fleurs par leur propre pollen. Il existe une petite classe de plantes que j'ai appelées dimorphes et trimorphes, mais auxquelles Hildebrand a donné le nom mieux approprié de hétérostylées. Cette classe renferme des végétaux présentant deux ou trois formes distinctes adaptées pour la fécondation réciproque, si bien que, comme les plantes à sexes séparés, elles peuvent difficilement être privées d'entrecroisement dans chaque génération. Les organes mâles et femelles de quelques fleurs sont irritables, et les insectes qui les touchent se saupoudrent de pollen dont le transport sur les autres fleurs est ainsi effectué. D'autre part, il y a une classe de plantes dans lesquelles les ovules se refusent absolument à l'imprégnation par le pollen de la même plante, mais peuvent être fécondés par un autre individu de la même espèce. Il existe aussi quelques [* contresens : de très nombreuses (very many)] espèces qui sont partiellement stériles avec leur propre pollen. Enfin, il est une nombreuse classe dans laquelle les fleurs ne présentent aucun obstacle apparent de quelque sorte que ce soit à la fécondation directe, et cependant ces plantes sont fréquemment entre-croisées, à cause de la prépondérance du pollen provenant d'un autre individu ou d'une autre variété, sur le pollen à la plante.

Comme, par ces moyens aussi diversifiés qu'efficaces, ces plantes sont adaptées pour la fécondation croisée, il faut en conclure qu'elles doivent tirer un grand profit de cette manière d'être, et c'est l'objet du présent travail, de mon-

CHAP. I   INTRODUCTION. 3

trer la nature et l'importance de ces avantages. Il y a cependant quelques exceptions parmi les végétaux construits de façon à permettre ou à favoriser la fécondation croisée, car quelques plantes semblent être invariablement autofécondées, quoiqu'elles portent les traces indiquant qu'elles ont été autrefois adaptées pour la fécondation croisée. Ces exceptions ne sont pas de nature à jeter du doute sur la justesse de la règle ci-dessus formulée : il faudrait plus que l'existence de quelques plantes fleurissant sans jamais donner de graines, pour ébranler cette vérité que les fleurs sont adaptées pour la production des semences et la propagation de l'espèce.

Nous devrions toujours avoir présent à l'esprit ce fait évident que la fructification est le principal but de l'acte fécondatif, et que ce but peut être atteint, chez les plantes hermaphrodites, avec une certitude incomparablement plus grande, par la fécondation propre que par l'union des éléments sexuels appartenant à deux fleurs ou à deux plantes distinctes. De plus, il est d'une vérité incontestable que d'innombrables fleurs sont adaptées pour la fécondation croisée aussi bien que les dents et les serres d'un animal carnivore sont faites pour saisir une proie, ou que les aigrettes, les plumules et les crochets d'une graine sont adaptés pour sa dissémination. Les fleurs sont donc construites de façon à atteindre deux buts qui jusqu'à un certain point sont antagonistes, ce qui explique certaines anomalies apparentes dans leur structure. L'étroite proximité des anthères et du stigmate dans une multitude d'espèces favorise et rend souvent obligatoire I'auto-fécondation, mais ce but eût été atteint bien plus sûrement si les fleurs avaient été complètement closes, car alors le pollen n'eût jamais été exposé à l'action malfaisante de la pluie ou à la dent des insectes, comme cela se produit souvent. De plus, dans ce cas, une très-petite quantité de pollen eût été suffisante pour assurer la fécondation.

4   INTRODUCTION.   CHAP. I

tandis qu'il s'en produit des millions de grains. Au contraire, l'épanouissement des fleurs et la production d'une grande abondance de pollen sont nécessaires pour la fécondation croisée. Ces remarques sont bien mises en lumière par la manière d'être des plantes dites cléistogènes 1 , qui portent sur le même pied deux espères de fleurs. Les unes sont petites et complètement fermées, aussi ne peuvent-elles pas être croisées, mais elles sont très-fertiles, malgré la minime quantité de pollen qu'elles produisent. Les fleurs de l'autre espèce renferment beaucoup de pollen et sont ouvertes: celles-là peuvent être et sont, en effet, souvent, fécondées par croisement 2 . Hermann Müller a aussi découvert ce fait important qu'il existe des plantes se présentant sous deux formes, c'est-à-dire qui produisent sur des pieds distincts deux espèces de fleurs hermaphrodites. La première forme porte des petites fleurs construites pour la fécondation directe, tandis que l'autre engendre des fleurs plus grandes et plus remarquables [* contresens : plus visibles (conspicuous)], évidemment construites en vue de la fécondation croisée déterminée par l'intervention des insectes, et ne produisant pas de graines quand l'aide de ces animaux vient à manquer.

L'adaptation des fleurs à la fécondation croisée est un sujet qui m'a intéressé pendant les trente-sept années qui viennent de s'écouler, et sur lequel j'ai rassemblé une masse

1 Les fleurs cléistogènes ne sont autres que celles dont H. Mohl a fait l'étude sous le nom de dimorphes (Einige Beobachtungen über dimorphe Blüthen. Botanische Zeitung, 1863). Cette épithète a dû être changée, en raison de la signification particulière que nous avons vu l'auteur (M. Darwin) y ajouter, et celle de cléistogènes est du reste très-bien appropriée aux fleurs qu'elle qualifie (χλειστόζ , fermé ; γεννάω , j'engendre). (Traducteur.)

2 Il existe quelques plantes cléistogènes dont les grandes fleurs normales ont, comme dans les Viola, une tendance très-accusée vers l'infécondité, ou même sont tout à fait stériles, comme dans les Voandzeia : alors la reproduction de l'espèce est particulièrement ou totalement confiée aux fleurs anormales, et les fleurs normales prennent une signification qui semble échapper jusqu'ici à toute explication. (Traducteur.)

CHAP. I   INTRODUCTION. 5

considérable d'observations, rendues du reste superflues par la publication récente de plusieurs excellents mémoires sur cette matière. En 1857, j'écrivais 1 un petit article sur la fécondation du haricot [* haricot-grain (kidney bean)], et, en 1862, paraissait mon travail sur les artifices par lesquels les Orchidées exotiques et indigènes (de la Grande-Bretagne) sont fécondées par les insectes [* (On the Contrivances by which British and Foreign Orchids are Fertilised by Insects)]. Il me sembla qu'étudier un groupe de plantes aussi soigneusement que possible était un meilleur plan que de publier une longue série d'observations mêlées et imparfaites. Le présent ouvrage est le complément de mon livre sur les Orchidées, dans lequel j'ai démontré combien ces monocotylées sont admirablement construites pour permettre, favoriser ou rendre nécessaire la fécondation croisée. Les adaptations à ce genre de fécondation sont peut-être plus apparentes chez les Orchidées que dans quelques autres groupes de plantes ; mais c'est une erreur que de dire, comme quelques auteurs l'ont fait, qu'elles constituent un cas exceptionnel. L'action comparable à celle d'un levier des étamines de Salvia (décrite par Hildebrand, Dr W. Ogle, et d'autres), par laquelle les anthères se trouvent abaissées et frottées sur le dos des abeilles, montre une structure aussi parfaite que celle qu'on peut rencontrer dans quelques Orchidées [* contresens : dans quelque Orchidée que ce soit (in any orchid)]. Les fleurs papilionacées, comme l'ont décrit beaucoup d'auteurs, et en particulier M. T. H. Farrer, offrent d'innombrables adaptations fort curieuses pour la fécondation croisée. Le cas du Posoqueria fragrans (Rubiacée) est aussi remarquable que celui de la plus étonnante Orchidée. Les étamines, d'après Fritz Müller 2 , sont irritables, de façon que dès qu'un papillon visite une fleur, les anthères éclatent et couvrent l'insecte de pollen : un des filets, qui est plus

1 Gardeners' Chronicle (Chronique des jardiniers), 1857, p. 725, et 1858, p. 824 et 844. — Annals and Magazine of Natural History (Annales et magasin [* contresens : magazine] d'histoire naturelle), 3e série, [* oubli : vol. II, 1858,] p. 462.

2 Botanische Zeitung, 1866, p. 129.

6   INTRODUCTION.   CHAP. I

large que les autres, se met alors en mouvement et ferme la fleur pendant environ douze heures, pour retourner, ce temps écoulé, à sa position initiale. Dès lors, le stigmate ne peut plus être fécondé par le pollen de la même fleur, mais seulement par celui qui est apporté d'une autre fleur sur un insecte. Enfin d'autres remarquables dispositions pour le même but pourraient être encore énumérées.

Bien avant que je ne me fusse occupé de la fécondation des fleurs, avait paru, en Allemagne, l'an 1793, un remarquable livre de C.K. Sprengel : Das Entdeckte Geheimniss der Natur 1 , dans lequel il prouve clairement, par d'innombrables observations, le rôle essentiel que jouent les insectes dans la fécondation de beaucoup de plantes. Mais il était en avance sur son temps et ses découvertes passèrent longtemps inaperçues. Depuis l'apparition de mon livre sur les Orchidées, un grand nombre d'excellents travaux sur la fécondation (tels que ceux de Hildebrand, Delpino, Axell et. Hermann Müller 2 ), aussi bien que de nombreux petits articles, ont été publiés. Une liste de ces travaux remplirait plusieurs pages, et ce n'est pas le lieu de donner ici leurs titres, car nous

1 Le Mystère de la nature découvert.

2 Sir John Lubbock a donné un intéressant résumé de ce sujet tout entier dans son article intitulé : British Wild Flowers considered in relation to Insects (Fleurs sauvages de la Grande-Bretagne considérées dans leurs apports avec les insectes, 1875). Le travail d'Hermann Müller : Die Befruchtung der Blumen durch Insekten (a) contient un nombre immense d'observations originales et de généralisations. Il est, du reste [* contresens : cependant], inappréciable comme répertoire avec renvois indiquant [* oubli : presque] tout ce qui a paru sur la matière. Son travail diffère de tous ceux du même genre, par les soin qu'il prend de spécifier quelles espèces d'insectes, autant que c'est connu, visitent les fleurs de chaque espèce de plantes. Il entre également sur un terrain nouveau, en montrant que non-seulement les fleurs sont adaptées, en vue de leurs propres bénéfices, pour recevoir la visite de certains insectes, mais que les insectes eux-mêmes sont parfaitement adaptés pour se procurer le pollen ou le nectar de certaines fleurs. La valeur de d'ouvrage d'Hermann Müller peut hardiment être estimée très-haut et il est vivement à désirer qu'il puisse être traduit en anglais. Le travail de Severin Axell est écrit en suédois, de sorte que j'ai été incapable de le lire.

(a) La Fécondation des fleurs par les insectes. [* oubli : 1873]

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n'avons pas en vue les moyens, mais bien les résultats de la fécondation croisée. Quiconque s'intéresse aux mécanismes par lesquels la nature arrive à ses fins, lira ces livres et ces mémoires avec le plus vif intérêt.

Par mes propres observations sur les plantes (observations guidées jusqu'à un certain point par l'expérience des éleveurs d'animaux), je suis, depuis de longues années, arrivé à être convaincu qu'une loi générale de la nature veut que les fleurs soient adaptées pour le croisement, au moins accidentel, par le pollen d'une plante distincte. Sprengel, dans son temps, entrevit cette loi, mais en partie seulement, car il ne paraît pas qu'il fit la moindre différence entre le pouvoir du pollen de la même plante et celui d'une plante distincte. Dans l'introduction de son livre (p. 4), il dit, au sujet des sexes qui sont séparés dans beaucoup de fleurs, et au sujet de beaucoup d'autres fleurs qui sont dichogames : « Cela montre que la nature n'a pas voulu que chaque fleur fût fécondée par son propre pollen. » Du reste [* contresens : Cependant], il était loin d'avoir toujours eu cette conclusion présente à l'esprit ou, du moins, il ne lui accorda pas toute son importance (quiconque lit ses observations avec soin en est frappé) ; aussi se méprit-il sur la signification de quelques dispositions variées. Mais ses découvertes sont si nombreuses et son travail si excellent, qu'il ne perd rien à supporter quelque critique. Un juge très-compétent, H. Müller, dit également 1 : « Il est remarquable de voir le grand nombre de cas dans lesquels Sprengel a nettement compris que le pollen est nécessairement transporté sur le stigmate des autres fleurs de la

1 Die Befruchtung der Blumen, 1875. Voici ce passage : « Es ist merkwürdig, in wie zahlreichen Fällen Sprengel richtig erkannte, dass durch die besuchenden Insekten der Blüthenstaub mit Nothwendigkeit auf die Narben anderer Blüthen derselben Art übertragen wird, ohne auf die Vermuthung zu kommen, dass in dieser Wirkung der Nutzen des Insektenbesuches für die Pflanzen selbst gesucht werden müsse. »

8   INTRODUCTION.   CHAP. I

même espèce par les insectes qui les visitent, et cependant il ne s'imagina pas que ce transport pût être de quelque utilité aux plantes elles-mêmes. »

André Knight 1 vit la vérité plus clairement, quand il dit : « La nature veut que des rapports sexuels s'établissent entre des plantes voisines de la même espèce. » Après avoir fait allusion, autant que le lui permettaient les connaissances imparfaites de l'époque, aux procédés différents par lesquels le pollen est porté d'une fleur à l'autre, il ajoute : « La nature a en vue quelque chose de plus que de faire servir chaque mâle à féconder sa propre fleur. » En 1811, Kölreuter faisait clairement allusion à la même loi, comme le fit plus tard un autre célèbre hybrideur de plantes, Herbert 2 . Mais aucun de ces distingués observateurs ne paraît avoir été assez imbu de la vérité et de la généralité de cette loi pour y insister et faire partager sa croyance à autrui.

En 1862 je résumai mes observations sur les Orchidées en disant que la nature « abhorre les perpétuelles auto-fécondations ». Si le mot de perpétuel avait été omis, l'aphorisme eût été faux. Tel qu'il est, je le crois vrai, quoique exprimé peut-être trop énergiquement, et j'aurais dû ajouter cette proposition évidente par elle-même, que la propagation de l'espèce, soit par autofécondation, soit par croisement, soit par procédés asexués (bourgeons, stolons, etc.), est le but capital. H. Müller, en insistant fréquemment sur le dernier point, a rendu grand service à la science.

Il me vint souvent à l'esprit qu'il serait à propos d'essayer

1 Philosophical Transactions (Transactions Philosoph.), 1799, p. 202.

2 Kölreuter, Mémoires de l'Académie de St. Pétersbourg, t. III, 1809 (publié en 1811), p. 197. — Après avoir montré combien les Malvacées sont heureusement adaptées pour la fécondation croisée, il demande : « An id aliquid in recessu habeat, quod hujuscemodi flores nunquam proprio suo pulvere, sed semper eo aliarum suæ speciei impregnentur, merito quæritur ? Certe natura nil facit frustra. » Herbert, Amaryllidaceæ, with a Treatise on Cross-bred Vegetables (Amaryllidées, avec un traité sur les productions croisées des végétaux), 1837.

CHAP. I   INTRODUCTION. 9

si les semis des fleurs croisées seraient, en quelque façon, supérieurs à ceux provenant des fleurs autofécondées. Mais, comme il n'existe aucun exemple connu chez les animaux d'un mauvais effet apparaissant, dès la première génération, à la suite d'un croisement même le plus rapproché possible (c'est-à-dire entre frères et sœurs), je pensais que la même règle pouvait s'appliquer aux végétaux, et qu'il faudrait sacrifier trop de temps à féconder et à entrecroiser des plantes, pendant de nombreuses générations successives, pour arriver à quelques résultats. J'aurais dû réfléchir à ceci, que tant de précautions accumulées pour favoriser la fécondation croisée (on les trouve dans un grand nombre de plantes) ne pouvaient pas avoir été prises dans le but soit d'atteindre quelque avantage médiocre et éloigné, soit d'éviter un mal léger ou à longue échéance. Du reste, la fécondation d'une fleur par son propre pollen correspond à une forme plus rapprochée d'entre-croisement qu'il n'est possible de l'obtenir avec des animaux bisexuels ordinaires, de façon qu'un résultat plus prompt pouvait être attendu.

Enfin je fus conduit à commencer les expériences que je rapporte ici, par les circonstances suivantes. Dans le but d'éclaircir certains points ayant trait à l'hérédité, et sans aucune pensée d'étudier les effets des entre-croisements rapprochés, j'établis très-près l'une de l'autre deux couches de semis autofécondés et croisés provenant. du même pied de Linaria vulgaris. A ma surprise, les plants croisés parvenus à l'état adulte furent bien plus grands et bien plus vigoureux que les plants autofécondés. Les abeilles visitent incessamment les fleurs de cette linaire, transportant le pollen de l'un à l'autre stigmate : si ces insectes sont écartés, les fleurs produisent très-peu de graines, de sorte que les plantes sauvages, dont provenaient mes semis, devaient avoir été entre-croisées durant toutes les générations précédentes. Aussi me parut-il absolument inadmissible que la

10 INTRODUCTION. CHAP. I

différence entre les deux couches de semis pût être rapportée à un seul acte d'autofécondation, et j'attribuai les résultats à l'imparfaite maturité des graines autofécondées (il était cependant peu probable que toutes fussent dans cet état), ou à toute autre cause accidentelle et inexplicable. L'année suivante, j'établis dans le même but, comme antérieurement, deux grandes plates-bandes très-rapprochées contenant des semis autofécondés et croisés d'œillets (Dianthus caryophyllus). Cette plante, comme la linaire, est presque stérile en dehors de l'action des insectes, et nous pouvons tirer de ce fait la même conclusion que ci-dessus, à savoir, que les plants générateurs doivent avoir été entre-croisés à chaque génération antérieure ou à peu près. Néanmoins, les semis autofécondés furent nettement inférieurs aux croisés comme taille et comme vigueur.

Mon attention était, maintenant tout à fait éveillée, car je pouvais difficilement mettre en doute que la différence entre les deux couches ne fût attribuable à ce qu'une série de plantes était la descendance des fleurs croisées et l'autre celle des fleurs autofécondées. En conséquence, je choisis, presque au hasard, deux autres plantes qui venaient de fleurir dans ma serre : un Mimulus luteus et un Ipomœa purpurea , toutes deux, différant en cela de la linaire et de l'œillet, sont parfaitement stériles en dehors de l'action des insectes. Quelques fleurs, sur une seule plante des deux espèces, furent fécondées avec leur propre pollen ; d'autres furent croisées avec le pollen d'un individu distinct ; les deux plantes furent, du reste, protégées contre les insectes par un tissu. On sema les graines croisées et autofécondées ainsi produites dans deux points opposés du même pot [* erreur : des mêmes pots] et on les traita de la même façon : arrivées à l'état adulte, ces plantes furent mesurées et comparées. Dans les deux espèces, comme pour le cas de la linaire et de l'œillet, les semis croisés furent remarquablement supérieurs, pour la taille et pour tous les autres

CHAP. I   INTRODUCTION. 11

points, aux plants autofécondés. Je résolus alors de commencer avec des plantes variées une longue série d'expériences, qui furent continuées pendant onze années successives. Nous verrons dans la suite que les plantes croisées l'ont emporté, dans la plus grande majorité des cas, sur les plantes autofécondées. Du reste [* contresens : De plus], quelques cas exceptionnels dans lesquels les plantes croisées n'ont pas eu la victoire pourront être expliqués.

Je ferai observer que par abréviation j'ai parlé et que je continuerai à parler de graines, de semis ou de plantes croisés et autofécondés ; ces termes signifient : ceux ou celles qui sont le produit des fleurs autofécondées ou croisées. Fécondation croisée, veut toujours dire croisement entre deux plantes distinctes qui furent obtenues de graines et jamais de boutures ou de bourgeons. Autofécondation, implique toujours que les fleurs en question furent imprégnées de leur propre pollen.

Mes expériences furent faites de la manière suivante. Une seule plante, dans le cas où elle produisait suffisamment de fleurs (deux ou trois das le cas contraire), fut placée sous une gaze tendue sur un châssis et assez large pour la couvrir, elle et son pot quand elle en comportait, sans la toucher. Ce dernier point est important, car si les fleurs touchent la gaze, elles peuvent être croisées par les abeilles, comme je l'ai constaté, et quand le tissu est humide, le pollen peut être endommagé. Je me servis d'abord d'un tissu de coton blanc à mailles très-fines, mais j'employai ensuite une gaze dont les mailles avaient un diamètre de 0m0022 : ce tissu, je l'ai appris par expérience, est un obstacle pour tous les insectes, excepté pour les Thrips qu'aucune gaze ne peut arrêter. Sur les plantes ainsi protégées, beaucoup de fleurs furent marquées, puis fécondées avec leur propre pollen ; en même temps, sur la même plante, un égal nombre de fleurs marquées d'une manière différente furent croisées avec le pollen d'un plant distinct. Jamais les fleurs croisées ne furent châtrées, et cela, afin

12 INTRODUCTION. CHAP. I

de rapprocher autant que possible ces expériences de ce qui se passe dans la nature avec les plantes fécondées par l'intervention des insectes. Dans ces conditions, quelques-unes des fleurs qui furent croisées peuvent avoir manqué d'être fécondées, et ont été, plus tard, autofécondées. Mais cette source d'erreurs, et quelques autres encore, seront bientôt discutées. Dans quelques rares ras d'espèces spontanément fertiles, les fleurs étaient disposées de façon à se féconder elles-mêmes au-dessous de la gaze, et, dans un plus petit nombre de cas encore, des plants découverts durent disposés de manière à être librement croisés par les insectes qui les visitent incessamment. L'obligation dans laquelle je me suis trouvé de varier occasionnellement ma façon de procéder, présente des avantages réels et de grands désavantages ; mais lorsque j'ai dû recourir à une différence dans le mode de traitement, cela a été indiqué dans les développements afférents à chaque espèce.

Il a été pris soin que les graines fussent complètement mûres avant d'être cueillies. Plus tard, les graines croisées et autofécondées furent, dans le plus grand nombre de cas, enterrées au milieu du sable humide, en deux points opposés d'un grand verre recouvert avec une glace, en ayant soin de séparer les deux lots : le verre fut placé sur une cheminée dans une pièce chaude. Je pouvais ainsi observer la germination des graines. Il arriva quelquefois que certaines semences germèrent avant 1es autres ; elles furent rejetées. Mais, chaque fois que deux graines levèrent en même temps, elles furent semées dans le même pot, en deux points opposés et avec une séparation superficielle. Je procédai ainsi jusqu'à ce que, au total, six à vingt sujets et plus, du même âge, fussent plantés dans des points opposées de différents pots. Si un des jeunes plants devenait malade ou se trouvait endommagé d'une façon quelconque, il était arraché, puis jeté, et son antagoniste placé dans le côté opposé du même pot partageait le même sort.

CHAP. I   INTRODUCTION. 13

Comme un grand nombre de graines furent enterrées dans le sable pour y germer, beaucoup y restèrent après l'enlèvement des couples choisis. Quelques-unes étaient en état de germination et les autres intactes ; elles furent semées dru dans des points opposés d'un ou de deux pots plus grands, ou encore en pleine terre, en deux longues rangées. Dans ce cas il se produisait, d'un côté du pot, parmi les jeunes pieds croisés, et, de l'autre côté, parmi les mêmes pieds autofécondés, un combat très-acharné pour l'existence, qui avait lieu également entre les deux lots végétant en concurrence dans le même vase. Un grand nombre périt ; les plus grands, parmi les survivants des deux côtés, furent mesurés après leur complet développement. Les plants traités de cette manière furent ainsi assujettis à peu près aux mêmes conditions que ceux qui vivent à l'état de nature, dont le sort est de combattre pour la maturité au milieu d'une foule de concurrents.

Dans d'autres circonstances, par manque de temps, les graines, quoique destinées à germer [*au lieu d'être mises à germer] dans le sable humide, furent semées dans des points opposés du même pot, et les plantes complètement développées furent mesurées. Mais ce procédé est moins exact, car les graines germaient quelquefois plus rapidement d'un côté que de l'autre. Il fut, cependant, quelquefois nécessaire d'agir ainsi avec quelques espèces dont les graines ne lèvent pas bien quand elles sont exposées à la lumière, quoique les verres qui les contenaient fussent conservés sur une cheminée, d'un seul côté de la chambre, et à quelque distance de deux fenêtres qui font face au nord-est 1 . La terre des pots dans

1 Ce fait se présenta de la manière la plus nette avec les graines de Papaver vagum et de Delphinium consolida, moins nettement avec celles de l'Adonis æstivalis et de l'Ononis minutissima. Dans le sable seul, rarement il germa plus d'une ou deux graines des quatre espèces, quoiqu'elles y furent laissées pendant quelques semaines ; mais lorsque ces mêmes semences furent placées en terre dans des pots et recouvertes avec une petite couche de sable, elles germèrent immédiatement en grand nombre.

14 INTRODUCTION. CHAP. I

lesquels les sujets venus de graines furent plantés ou les graines semées, était soigneusement mêlée, afin d'offrir une composition uniforme. Les plants des deux côtés furent toujours arrosés simultanément et aussi également que possible, et même quand cette précaution n'a pu être prise, les pots n'étant pas de dimension considérable, l'eau dut être répandue presque également sur tous les points. Les plants croisés et autofécondés furent séparés par une barrière superficielle qui resta toujours orientée vers la principale source de lumière, de façon que les plants reçussent un éclairage égal des deux côtés. Je ne crois pas qu'il soit possible de soumettre deux plants à des conditions plus étroitement égales que celles dont furent entourés mes pieds croisés et autofécondés, cultivés ainsi qu'il a été décrit ci-dessus.

Dans la comparaison des termes des deux séries, l'œil ne fut jamais consulté seul. Généralement, des deux côtés, la taille de chaque plante fut mesurée avec soin et plus d'une fois, c'est-à-dire dans sa jeunesse, quelquefois à l'état un peu plus vieux, et enfin après son entier ou presque entier développement. Cependant, dans quelques cas (ils ont toujours été spécifiés), pour gagner du temps, une seulement ou deux des plus grandes plantes, de chaque coté, fut mesurée. Ce procédé, qui n'est pas recommandable, ne fut jamais suivi, si ce n'est avec les plantes provenant des graines restant après le choix des couples, et cependant [* contresens : à moins que] les plus grands pieds de chaque côté paraissent nettement [* raisonnablement (fairly)] représenter la différence moyenne entre ceux des deux côtés. Il a, du reste [* contresens : cependant], un grand avantage, c'est que les plants malades ou accidentellement endommagés, aussi bien que la descendance des graines mal mûries, se trouvent ainsi éliminés. Lorsque les plus grandes plantes seules [* seulement] de chaque côté furent mesurées, leur hauteur excéda, sans aucun doute, celle de tous les autres plants du même côté pris ensemble. Mais dans le cas des plants provenant

CHAP. I   INTRODUCTION. 15

des graines restant, la hauteur moyenne des plus grands pieds était moindre que celle des plantes accouplées, à cause des conditions défavorables auxquelles elles furent soumises par leur grand rapprochement. Du reste [* contresens : Cependant], pour notre but, qui est la comparaison entre plants croisés et autofécondés, leur hauteur absolue a peu d'importance.

Les moyennes, ou mieux les hauteurs moyennes, furent calculées par la méthode ordinaire approximative, c'est-à-dire en additionnant toutes les mesures et divisant le produit par le nombre de plantes mesurées ; le résultat est donné en fractions décimales. Comme les différentes espèces atteignent des hauteurs diverses, j'ai toujours donné par surcroît, en vue d'une comparaison facile, la hauteur moyenne pour cent des plantes croisées de chaque espèce, et la taille moyenne des plantes autofécondées a été calculée sur la même base. Pour ce qui regarde les plantes croisées provenant des graines restant après que les couples ont été prélevés, et parmi lesquelles quelques-unes seulement des plus grandes furent mesurées de part et d'autre, je n'ai pas pensé qu'il fût utile de compliquer les résultats en donnant séparément leurs moyennes et celles des couples ; j'ai seulement additionné toutes les hauteurs et obtenu ainsi un seul chiffre moyen.

Je me suis longtemps demandé s'il y avait utilité à donner les mesures de chaque plante séparément, et je me suis arrêté à cette dernière manière de faire, afin de bien montrer que la supériorité des plantes croisées sur les autofécondées ne peut ordinairement dépendre de la présence, d'un côté, de deux ou trois plantes extraordinaires, ou, de l'autre, de quelques sujets mal venus. Quoique plusieurs observateurs aient indiqué, avec insistance, en termes généraux, la supériorité de la descendance des variétés entrecroisées sur l'une et l'autre forme génératrice,

16 INTRODUCTION. CHAP. I

ils n'ont donné aucune mesure précise 1 ; aussi ai-je réuni les individus de la même variété sans aucune observation, ni sur leur croisement, ni sur leur autofécondation. Du reste [* contresens : De plus], les expériences de cette nature demandent beaucoup de temps (les miennes ont duré onze ans) ; il n'est donc pas probable qu'elles soient répétées bientôt.

Un petit nombre de plantes croisées et autofécondées ayant été mesurées, il était pour moi très-important d'apprendre jusqu'à quel point mes moyennes étaient dignes de confiance. Je demandai donc à M. Galton, qui a acquis une grande expérience dans les recherches statistiques, d'examiner quelques-uns de mes tableaux de mensuration, au nombre de sept, et surtout relatifs à l'Ipomœa, au Digitalis. aux Reseda lutea, Viola, Limnanthes, Petunia et Zea. Je puis établir que, si nous prenons au hasard une douzaine ou une vingtaine d'hommes appartenant a deux nations différentes et que nous les mesurions, il serait, je crois, téméraire de vouloir, d'après un si petit nombre, asseoir une appréciation sur leur taille moyenne. Mais le cas est quelque peu différent avec mes plants croisés et autofécondés, qui furent pris du même âge, assujettis du commencement jusqu'à la fin aux mêmes conditions, et qui enfin provenaient des mêmes parents. Lorsque les mesures n'ont été prises que sur deux à six paires seulement, les résultats n'ont manifestement que peu ou point de valeur, excepté en tant qu'ils confirment les expériences faites sur une grande échelle avec les autres espèces ou qu'ils sont confirmés par elles. Je vais maintenant reproduire ici le rapport sur mes sept tableaux de mensuration, que M. Galton a eu la bonté de rédiger pour moi.

1 On trouvera un résumé de ces propositions avec renvois dans ma Variation of Animals and Plants under Domestication (Variation des animaux et des plantes sous l'influence de la domestication), traduction française par J. Moulinié, chapitre XVII.

CHAP. I   INTRODUCTION. 17

« J'ai examiné avec soin, et par plusieurs méthodes, les mesures de plantes pour trouver jusqu'à quel point les moyennes des différentes séries représentent des réalités constantes, comme cela paraît être tant que les conditions générales de végétation restent inaltérées. Les principales méthodes qui furent adoptées sont facilement expliquées en choisissant comme exemple une des plus petites séries de plantes, celle du maïs.

Zea maïs (plantes jeunes). [*N]

Mensurations enregistrées

par M. Darwin

Plants arrangés par ordre de grandeur

En pots séparés

En une seule série

Colonne I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

Croisés

Autofécondés

Croisés

Autofécondés

Croisés

Autofécondés

Différence

Pot n° I

mètres

0,587

0,300

0,525

mètres

0,437[ *N]

0,509

0,500

mètres

0,587

0,525

0,300

mètres

0,509

0,500

0,434[ *N]

mètres

0,587

0,581

0,575

0,556

0,556

0,550

0,540

0,537

0,525

0,525

0,509

0,478

0,456

0,300

0,300

mètres

0,509

0,500

0,500

0,465

0,465

0,459

0,450

0,450

0,450

0,434

0,412

0,406

0,387

0,381

0,318

mètres

-0,078

-0,081

-0,075

-0,087[ *N]

-0,087[ *N]

-0,090[ *N]

-0,090

-0,087

-0,075

-0,090[ *N]

-0,096[ *N]

-0,071[ *N]

-0,068[ *N]

+0,081

+0,018

Pot n° II

0,550

0,481

0,537

0,550

0,459[ *N]

0,465

0,550

0,537

0,481

0,500

0,465

0,465

Pot n° III

0,553[ *N]

0,512[ *N]

0,456

0,540

0,581

0,465

0,381

0,412

0,450

0,406

0,581

0,556[ *N]

0,540

0,509[ *N]

0,456

0,465[ *N]

0,450

0,412

0,406

0,381

Pot n° IV

0,525

0,553[ *N]

0,575

0,300

0,450

0,312

0,387[ *N]

0,450

0,575

0,556[ *N]

0,525

0,300

0,450

0,450

0,487[ *N]

0,318

« Les observations, telles que je les reçus, sont indiquées dans les colonnes II et III, où elles n'ont certainement pas, à première vue, apparence de régularité. Mais dès qu'elles sont arrangées par ordre de grandeur comme dans les colonnes IV et V, le cas change essentiellement. Nous voyons maintenant qu'à peu d'exceptions près, la plus grande plante du côté croisé dépasse, dans chaque pot, la plus grande plante du côté autofécondé, que la deuxième dépasse la seconde, que la 3e dépasse la 3e, et ainsi de suite. Sur les quinze cas contenus dans ce tableau, on compte seulement deux exceptions à cette règle. Nous pouvons donc affirmer avec confiance qu'une série de plantes croisées l'empor-

[*N] Notes du correcteur : 1) la traduction par Heckel du système impérial vers le système métrique n'est pas d'une exactitude ni d'une concordance exemplaires. Pour les croisés de la colonne II dans le pot n° I, il onne au pouce une valeur de 2cm,497 ou 2cm,5 ou 2cm,625 – le reste à l'avenant, ce pour toutes les dimensions métriques données par Heckel dans cet ouvrage.

2) Selon les explications de Galton ci-dessus, les colonnes IV et V sont supposées reprendre, en ordre décroissant, les nombres donnés sans ordre dans les colonnes II et III respectivement ; ce qu'Heckel ne respecte pas non plus (pot n° I : 0,437 devient 0,434 ; pot n° II : 0,459 devient 0,465 ; pot n° III : 0,553 devient 0,556, 0,512 devient 0,509 ; pot n° IV : 0,553 devient 0,556, 0,387 devient 0,487 (typo), 0,312 devient 0,318).

De même la colonne VI est supposée reprendre tous les nombres de la colonne IV ; mais 0,481 y devient 0,478 (que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans ce tableau). Et la colonne VII doit reprendre les nombres de la colonne V, mais 0,465 devient 0,459 – par contre la typo est corrigée pour le 0,487 qui redevient 0,387.

Erreurs aussi dans la colonne VIII : la différence entre 0,556 et 0,465 est 0,091 (9cm,1) et non 0,087 (8cm,7) ; les six autres erreurs du même ordre ne portent que sur 1 mm.

Noter que dans l'édition anglaise, le tableau correspondant ne contient aucune de ces erreurs.

18 INTRODUCTION. CHAP. I

tera sur une série de plantes autofécondées, dans la limite des conditions qui ont présidé à la présente expérience.

Pots

Croisées

Autofécondées

Différence

I.

II.

III.

IV.

mètres

0,471

0,521

0,528

0,493

mètres

0,481

0,475

0,421

0,400

mètres

+0,010

-0,046

-0,107

-0,093

« En face de chaque cas un chiffre indique la valeur de cet excédant [* contresens : Ensuite pour ce qui concerne l'estimation numérique de cet excès (Next as regards the numerical estimate of this excess.)]. Les valeurs moyennes de plusieurs groupes [* contresens : des différents groupes (of the several groups)] sont si discordantes, comme c'est montré dans le tableau ci-dessus, qu'une estimation numérique juste et précise [* contresens : une estimation numérique raisonnablement juste (a fairly precise numerical estimate )] paraît impossible. Mais il se dresse cette question de savoir si la différence entre chaque pot ne serait pas d'un ordre d'importance plus considérable que celle [* contresens : pourrait ne pas être d'un ordre d'importance tout à fait égal à celui (may not be of much the same order of importance as that of)] des autres conditions qui ont modifié l'accroissement des plants. S'il en est ainsi, et seulement dans cette condition, il doit en résulter que lorsque toutes les mensurations soit des plants croisés, soit des autofécondés, seront combinés en une seule série, cette dernière aura une régularité statistique. L'expérience est faite dans les colonnes VII et VIII où la régularité est bien apparente et nous justifie, quand nous considérons ce moyen [* contresens : cette moyenne] comme parfaitement digne de confiance. J'ai remanié [* contresens : J'ai reporté (I have protracted)] ces mesures et les ai revues à la manière ordinaire, en traçant à travers ces chiffres une courbe à main levée ; mais cette révision ne fait que modifier simplement les moyens fournis par les [* contresens : modifie à peine les moyennes dérivées des (barely modifies the means derived from )] premières observations. Dans le cas présent, comme dans tous les autres rapprochés, la différence entre le procédé original et le procédé révisé [* contresens : la différence entre les moyennes originale et révisée (the difference between the original and revised means )] est au-dessous de 2 pour cent de la valeur moyenne [* contresens : 2 pour cent de leur valeur (2 per cent of their value )]. Il existe cette très-remarquable coïncidence que dans les 7 espèces [* contresens : sortes] de plantes dont j'ai examiné les mensurations, les proportions entre les hauteurs moyennes [* contresens : les hauteurs (et non les hauteurs moyennes)] des plantes croisées et des autofécondées constituent cinq cas renfermés [* contresens : sont pour cinq cas renfermées] dans des limites très-rapprochées. Dans le Zea maïs, elle est comme 100 à 84, et dans les autres elle est comprise entre 100 à 76 et 100 à 86.

« La détermination de la variabilité (mesurée par ce qu'on appelle techniquement l'erreur probable) est un problème d'une solution plus délicate que celui de la détermination de la valeur des procédés [* contresens : détermination des moyennes] ; aussi, après plusieurs [* contresens : de nombreux] essais, je doute qu'on puisse tirer quelque conclusion de ce petit nombre d'observations. Il faudrait avoir à sa disposition les mesures

CHAP. I   INTRODUCTION. 19

d'au moins 50 plants dans chaque cas, pour être en position d'obtenir des résultats certains [* raisonnables (fair)]. Un fait, du reste [* contresens : cependant], relatif à la variabilité, quoique faisant défaut dans le maïs, entre évidemment [* contresens : est très évident (is very evident)] dans le plus grand nombre des cas : c'est que les plantes autofécondées renferment le plus grand nombre de spécimens exceptionnellement petits, tandis que les croisées atteignent généralement leur entier développement.

« Cet ensemble de cas dans lesquels les mesures ont été prises sur quelques-uns des plus grands plants végétant en rangées dont chacune renfermait un grand nombre de sujets, montre très-clairement que les plants croisés surpassent en hauteur les autofécondés, mais il ne permet aucune conclusion touchant leur valeur respective moyenne [* contresens : leurs valeurs moyennes respectives] : si l'on arrivait à connaître qu'une série subit la loi de l'erreur ou toute autre loi, et, d'autre part, on savait le nombre des individus constituant les séries, il serait toujours possible de reconstruire cette série lorsqu'une fraction en aurait été donnée. Mais je n'ai pas trouvé qu'une telle méthode pût être appliquée au cas présent. Le doute relatif au nombre de plants composant chaque série [* contresens : nombre de plants dans chaque rangée (plate-bande)] est de médiocre importance, la difficulté réelle gît dans notre ignorance de la loi précise suivie par les séries [* contresens : la série]. L'expérience des plantes en pots ne peut en rien nous aider à déterminer cette loi, par cette raison que les observations qui les concernent sont trop peu nombreuses pour nous mettre en état d'obtenir autre chose que des termes moyens des séries auxquelles elles appartiennent avec quelque certitude, attendu que les cas que nous considérons maintenant se rapportent aux termes extrêmes de ces séries. Il existe encore d'autres difficultés spéciales dans lesquelles il n'est pas nécessaire d'entrer, puisque celle dont je viens de parler constitue à elle seule un obstacle infranchissable. »

M. Galton m'a envoyé en même temps des tracés graphiques qu'il a établis d'après mes mesures, et qui forment évidemment des courbes parfaitement régulières. Il a appliqué la qualification « très-bonnes » à celles du maïs et du Limnanthes. Il a aussi, dans les sept tableaux, calculé la hauteur moyenne des plantes croisées et autofécondées, par un procédé plus correct que celui dont je me servais, particulièrement en y comprenant, comme il est conforme aux règles de la statistique, les hauteurs [* oubli : estimées] de quelques plants qui moururent avant d'être mesurés, tandis que j'additionnais dans le mien tout simplement] les hauteurs des survivants et

20 INTRODUCTION. CHAP. I

divisai le total par leur nombre. La différence qui existe entre nos résultats est tr

Après mensuration, les plantes croisées et autofécondées furent quelquefois coupées à ras de terre et pesées en égal nombre des deux côtés. Cette méthode de comparaison donne de très-remarquables résultats, et il serait à souhaiter qu'elle eût été plus souvent employée. Enfin, souvent il a été pris note de toute différence sensible dans le degré de germination des plantes croisées et autofécondées, de toutes différence dans la durée relative de la floraison des plantes qui en provenaient, et de leur fécondité, c'est-à-dire du nombre des capsules séminifères qu'elles produisirent, autant que du chiffre moyen des graines contenues dans chaque capsule.

Lorsque je commençai mes expériences, je n'avais pas l'intention de cultiver des plantes croisées et autofécondées au delà de la première génération ; mais dès que les plants de cet ordre furent en fleurs, je pensai qu'il fallait en cultiver une génération de plus, et j'opérai de la manière suivante. Diverses fleurs appartenant à une ou plusieurs plantes autofécondées furent de nouveau soumises à l'autofécondation, et, d'autre part, différentes fleurs prises sur une ou plusieurs plantes croisées furent fécondées avec le pollen d'un autre plant croisé du même lot. Ayant ainsi commencé, je suivis la même méthode avec quelques-unes des espèces, pendant dix générations successives. Les graines, et les plants furent toujours exactement traités de la manière que j'ai déjà indiquée. Les plantes autofécondées provenant originellement soit d'une, soit de deux plantes

CHAP. I   INTRODUCTION. 21

mères, furent entre-croisées aussi étroitement que possible à chaque génération, et je ne crois pas avoir dépassé mon but [* contresens : « je ne crois pas que j'aurais pu améliorer mon protocole »]. Mais, au lieu de féconder une des plantes croisées avec une autre croisée, j'aurais dû croiser les plantes autofécondées de chaque génération avec un pollen |provenant d'une plante sans parenté, c'est-à-dire une plante appartenant à une famille ou branche [* oubli : distincte] de la même espèce et de la même variété. Cela fut pratiqué dans quelques cas comme expérience additionnelle, et les résultats en furent remarquables. Mais la méthode la plus usuellement suivie fut de mettre en compétition et de comparer les plantes entre-croisées (qui furent presque toujours la descendance de plants d'une parenté plus ou moins éloignée) avec les plantes autofécondées de chaque génération successive, toutes ensemble ayant, du reste, végété dans les conditions le plus strictement semblables. Au demeurant, j'ai plus appris par cette façon de procéder qui fut commencée par inadvertance et ensuite nécessairement suivie, que si j'avais toujours croisé les plants autofécondés de chaque génération successive avec le pollen d'un pied nouveau.

J'ai dit que les plantes croisés [* typo : croisées] des différentes générations successives furent presque toujours entachées de parenté. Lorsque les fleurs d'une plante hermaphrodite sont croisées avec du pollen provenant d'une plante distincte, les plants qui en proviennent peuvent être considérés comme frères ou sœurs hermaphrodites, ceux qui sortent des graines de la même capsule étant aussi rapprochés que le sont des jumeaux ou des animaux d'une même portée. Mais, dans un certain sens, les fleurs de la même plante sont des individus distincts ; aussi, toutes les fois que des fleurs d'un pied-mère seront croisées par du pollen provenant de fleurs d'un pied-père, les plants qui en viendront pourront être considérés comme demi-frères ou demi-sœurs, mais plus rapprochés cependant que ne le sont les demi-frères et demi-sœurs chez les animaux ordinaires. Les fleurs sur le pied-

22 INTRODUCTION. CHAP. I

mère furent du reste [* contresens : toutefois], ordinairement croisées avec du pollen provenant de deux ou plusieurs plantes distinctes, et, dans ces cas, les rejetons peuvent être appelés avec plus de vérité demi-frères ou demi-sœurs. Lorsque deux ou trois plantes mères furent croisées, comme cela arriva souvent, par [* oubli : du pollen provenant de] deux ou trois plantes pères (les graines ayant été toutes entremêlées), quelques-uns des rejetons de la première génération n'étaient parents en aucune façon, tandis que beaucoup d'autres étaient ou complètement ou à demi frères et sœurs. A la seconde génération, un grand nombre des rejetons doivent avoir été ce qu'on peut appeler complètement ou à demi cousins-germains, mêlés à des frères et sœurs complets ou à demi et à d'autres plants dépourvus de tout degré de parenté. Il a dû en être ainsi dans les générations suivantes, qui auraient pu compter aussi beaucoup de cousins du second degré ou d'un degré plus éloigné. Avec les dernières générations, la parenté a dû devenir de cette manière de plus en plus inextricablement complexe, soit dans le plus grand nombre des plantes très-peu parentes, soit dans quelques-unes de parenté très-rapprochée.

Je n'ai plus à noter qu'un seul point, mais d'une très-haute importance : c'est que les plantes croisées et autofécondées furent le plus strictement possible assujetties, dans la même génération, à des conditions d'une similarité et d'une uniformité complètes. Dans les générations successives, elles furent soumises à des conditions légèrement différentes suivant les variations des saisons, car leur culture fut fait à diverses périodes. Mais, à tous les autres points de vue, le traitement fut semblable, puisqu'elles végétèrent empotées dans le même sol préparé artificiellement, furent arrosés en même temps et restèrent enfermées ensemble dans la même serre froide ou chaude. Elles échappèrent donc ainsi, pendant plusieurs années successives, aux vicissitudes climatériques auxquelles sont soumises les plantes végétant en pleine terre.

CHAP. I   INTRODUCTION. 23

Sur quelques causes d'erreur apparentes et réelles dans mes expériences. — Il a été objecté contre des expériences semblables aux miennes, qu'en recouvrant des plantes avec une gaze, même pendant la courte durée de la floraison, on peut en compromettre la santé et la fécondité. Je n'ai point remarqué un pareil effet, si ce n'est dans un seul cas avec un myosotis, et encore, la cause réelle du dommage doit se trouver ailleurs que dans l'enveloppement de la plante. Mais, même en supposant que cette pratique ait été très-préjudiciable (et certainement elle ne l'était pas à un haut degré, si j'en juge par les apparences des plantes, et par 1es résultats et la comparaison de leur fécondité avec celles non recouvertes vivant dans le voisinage), elle n'a pas dû fausser mes expériences, car, dans tous les cas les plus importants, les fleurs furent croisées aussi bien qu'autofécondées sous un filet, si bien, qu'à ce point de vue, elles furent traitées exactement de la même façon.

Comme il est impossible de se garantir contre les insectes minuscules porteurs de pollen, tels que les Thrips, il a dû arriver que des fleurs destinées à être fécondées par elles-mêmes ont été croisées plus tard avec le pollen d'une autre fleur de la même plante apporté par ces insectes ; mais, comme nous le verrons bientôt, un pareil croisement doit rester sans effet ou n'en produire que bien peu. Lorsque deux ou plusieurs plantes furent placées les unes auprès des autres sous le même filet, comme cela fut pratiqué souvent, alors il y avait danger réel, quoique peu redoutable, que les fleurs réservées à l'autofécondation fussent croisées avec un pollen apporté d'une plante distincte par les Thrips. J'ai dit que le danger n'était pas redoutable, parce que j'ai constaté souvent que des plantes autostériles en dehors de l'action des insectes, restaient stériles quand plusieurs plantes de la même espèce étaient placées sous la même gaze. Du reste [* contresens : Cependant], si les fleurs que j'avais préalablement autofécondées furent, dans quelques cas, croisées par des

24 INTRODUCTION. CHAP. I

Thrips apportant du pollen d'une plante distincte, des rejetons croisés durent, d'autre part, être compris parmi les autofécondés, et l'on voudra bien remarquer que cet accident a pour effet de diminuer et non pas d'augmenter la supériorité en hauteur moyenne, en fécondité, etc., des plantes croisées sur les autofécondées.

Comme les fleurs appelées au croisement ne furent jamais châtrées, il est probable, et même peut-être certain, que je manquai quelquefois effectivement la fécondation croisée, et que ces fleurs furent ensuite spontanément autofécondées. Ce fait a dû se produire très-facilement avec les espèces dichogames, car, sans une grande attention, il est difficile de savoir si, dans ces fleurs, les stigmates sont aptes à la fécondation lorsque les anthères sont ouvertes. Mais, dans tous les cas, comme les fleurs étaient protégées contre le vent, la pluie et l'accès des insectes, le pollen déposé par moi sur la surface du stigmate, avant que cet organe fût mûr, oit généralement être resté intact jusqu'à sa maturité, et les fleurs doivent alors avoir été croisées comme je me le proposais. Néanmoins, il est très-probable que des rejetons autofécondés se sont trouvés quelquefois, de cette façon, compris parmi les plants croisés. L'effet de cet accident a été, comme dans le cas précédent, de ne pas exagérer, mais, bien au contraire, de diminuer la supériorité moyenne des plantes croisées sur les autofécondées.

Les erreurs provenant des deux causes sus-mentionnées et d'autres encore, telles que l'insuffisante maturité de quelques graines (quelque soin que l'on prit d'éviter cette erreur), la maladie ou quelque dommage inaperçu survenu à quelques plants, ont été écartées dans une large proportion pour ce qui a trait aux cas dans lesquels de nombreux plants croisés et autofécondés furent mesurés et évalués en moyenne [* contresens : furent mesurés et pour lesquels une moyenne fut déterminée]. Beaucoup de [* contresens : Certaines de] ces causes d'erreurs doivent aussi avoir été éliminées en prenant la précaution de faire germer les graines dans du sable humide, et en

CHAP. I   INTRODUCTION. 25

prélevant les plants par paires, car il n'est pas admissible [* contresens : il est peu probable] que des graines mal et bien mûries, ou malades et saines aient pu lever exactement dans le même temps. Un résultat semblable a dû être obtenu dans les nombreux cas où quelques-uns seulement des plants parmi les plus grands, les plus beaux et les plus sains, furent mesurés de chaque côté des pots.

Kölreuter et Gartner 1 ont prouvé que certaines plantes exigent beaucoup de grains de pollen (jusqu'à 50 à 60), pour assurer la fécondation de tous les ovules contenus dans l'ovaire. Naudin a trouvé aussi que, dans le cas du Mirabilis, un ou deux seulement des gros grains de pollen propres à ce végétal étant placés sur le stigmate, les plantes qui proviennent de ces graines restent rabougries. Aussi eus-je grand soin de mettre toujours ample provision de poudre fécondante sur les stigmate que je recouvrais ainsi généralement en entier, mais je ne pris pas la peine de mesurer exactement la même quantité de pollen pour l'appliquer sur les stigmates des fleurs autofécondées et croisées. Après avoir ainsi fait pendant deux saisons, je me souvins que Gärtner pensait, quoique sans preuve directe, qu'un excès de pollen était peut-être préjudiciable, et il a été prouvé par Spallanzani, Quatrefages et Newport [*2] que, chez certains animaux, un excès de fluide séminal entrave complètement la fécondation. Il était donc nécessaire d'acquérir une certitude sur ce point, à savoir, si la fécondité des fleurs est affectée par l'application d'une très-petite et d'une très-grande quantité de pollen sur le stigmate. Conséquemment, une très-petite masse de pollen fut placée sur une portion du large stigmate dans soixante-quatre fleurs d'Ipomœa purpurea, et, d'autre part, avec une grande quantité de pollen on recouvrit la surface entière du même organe dans

1 Kentniss der Befruchtung (Connaissance de la fécondation), 1844, p. 345. — Naudin, Nouvelles Archives du Muséum, t. I, p. 27.

[*2] Référence omise : Transactions of the Philosophical Society, 1853, p. 253-258.

26 INTRODUCTION. CHAP. I

soixante-quatre autres fleurs. Afin de varier l'expérimentation, la moitié des fleurs de chaque lot fut prise sur les plantes provenant de graines autofécondées, et l'autre moitié sur des plantes provenant de graines croisées. Les soixante-quatre fleurs dotées d'un excès de pollen mûrirent soixante et une capsules, et, à l'exclusion de quatre d'entre elles dont chacune contenait seulement une graine unique mal venue, toutes les autres renfermaient une moyenne de 5,07 graines par capsule. Les soixante-quatre fleurs pourvues seulement d'une petite quantité de pollen placée sur un côté du stigmate, mûrirent soixante-trois capsules et, à l'exclusion d'une d'entre elles qui fut dans le même cas que ci-dessus, toutes contenaient une moyenne de 5,129 graines. Ainsi, les fleurs fécondées avec une petite quantité de pollen donnèrent un plus grand nombre de capsules et de graines que celles qui en avaient reçu un excès ; mais la différence est trop faible pour avoir quelque importance. A un autre point de vue, les graines produites par les fleurs munies d'un excès de pollen furent un peu plus lourdes que les autres, car cent soixante-dix d'entre elles pesèrent 79,67 grains (5gr,18), tandis que 170 graines provenant de fleurs pourvues d'une très-petite quantité de pollen pesèrent 79,20 grains (5gr,14). Les deux catégories de graines, avant été placées dans du sable humide, ne présentèrent aucune différence dans leur degré de germination.

Nous pouvons donc conclure que les expériences ne furent pas troublées par une petite différence dans la qualité de pollen mise en œuvre, car, dans tous les cas, il en fut toujours employé suffisamment.

L'ordre suivant lequel notre sujet sera traité, dans le présent volume, est celui-ci. Une longue série d'expériences sera d'abord donnée dans les chapitres II jusqu'à VI. Des tableaux seront ensuite ajoutés montrant, sous une forme condensée, la hauteur, la fertilité et le poids relatif de la descendance des diverses espèces croisées et autofécondées.

CHAP. I   INTRODUCTION. 27

Un autre tableau montrera 1es résultats remarquables de la fécondation de certains plants (lesquels, durant plusieurs générations, avaient été, ou bien autofécondés, ou bien croisés avec des sujets conservés constamment dans des conditions absolument semblables) par un pollen provenant le plantes d'un rameau distinct qui avaient été exposées à des conditions dissemblables. En terminant les chapitres, divers faits rapportés et différentes questions d'un intérêt général seront discutés.

Le lecteur qui n'est pas spécialement intéressé à ce sujet pourra se dispenser de lire ces détails, quoiqu'ils portent en eux, je le pense du moins, une certaine valeur et ne puissent être complètement résumés : mais je lui conseillerai de prendre comme types les expériences sur l'Ipomœa (dans le chapitre II) auxquelles il pourra ajouter celles qui ont trait à la digitale, l'origan, la violette ou au chou commun, parce que, dans ces divers cas, les plantes croisées ont montré, à un degré élevé, sur les autofécondées, une supériorité marquée mais non pas absolument semblable. Comme exemple de plantes autofécondées égales ou supérieures au croisées, les expériences sur le Bartonia, le Canna et le pois commun devront être lues ; mais, dans ce dernier cas, et probablement dans celui du Canna, le manque de supériorité dans les plantes croisées peut être expliqué. Pour l'expérimentation, des espèces furent choisies dans des familles très-éloignées et habitant des contrées différentes. Dans quelques cas peu nombreux, plusieurs genres appartenant à la même famille furent mis à l'essai, et, alors, ces genres sont réunis ensemble ; mais les familles elles-mêmes ont été arrangées, non d'après l'ordre naturel, mais dans celui qui convenait le mieux à mon but. Les expérience furent données en entier lorsque [* contresens : car, pas 'lorsque'] les résultats me parurent d'une valeur suffisante pour justifier les détails. Les plantes qui portent des fleurs hermaphrodites peuvent être plus exactement croisées qu'on ne peut le faire

28 INTRODUCTION. CHAP. I

avec les animaux bi-sexuels ; elles sont par cela même bien agencées pour mettre en lumière et la nature et l'étendue des bons effets du croisement, aussi bien que les mauvais résultats de l'autofécondation. La plus importante conclusion à laquelle je sois arrivé est que le simple acte du croisement n'est pas avantageux par lui-même. Le bien qui en résulte dépend de la différence profonde [* contresens : légère (pas 'profonde')] de constitution qui existe entre les individus croisés, différence qu'il faut attribuer aux conditions variées qui ont été imposées aux progéniteurs pendant de nombreuses [contresens : plusieurs] générations, ou à cette chose inconnue que, dans notre ignorance, nous appelons le variation spontanée. Cette conclusion, comme nous le verrons par la suite, est intimement liée à de nombreux problèmes physiologiques importants, comme l'est la question du bénéfice réalisé par des changements légers dans les conditions de l'existence, et celle-là est en connexion très-intime avec la vie elle-même. Cette conclusion jette encore de la lumière sur l'origine des deux sexes et sur leur séparation ou leur union dans le même individu, enfin sur le sujet tout entier de l'hybridation, qui est un des plus grands obstacles à l'acceptation et au progrès du grand principe de l'évolution.

Afin d'éviter tout malentendu, je demande la permission de répéter que, dans tout ce volume, une plante, un rejeton ou une graine croisée, signifie d'une parenté croisée, c'est-à-dire un plant, une graine ou un rejeton dérivant d'une fleur fécondée avec le pollen d'une plante distincte, mais appartenant à la même espèce. Une plante, une graine ou un rejeton autofécondés, signifie d'une parenté autofécondée, c'est-à-dire une plante, un semis ou une graine dérivés d'une fleur fécondée avec le pollen de la même fleur ou quelquefois, lorsque c'est spécifié, d'une autre fleur de la même plante.

____________________

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CHAPITRE II.

Convolvulacées.

Ipomœa purpurea, comparaison entre la taille et la fécondité des plantes croisées et autofécondées pendant dix générations successives. — Vigueur constitutionnelle plus accentuée des plantes croisées. — Effets produits sur la descendance par le croisement des différentes fleurs de la même plante, au lieu du croisement par des individus différents. — Effets du croisement avec un rameau nouveau. — Descendance de la plante autofécondée nommée Héros. — Résumé de l'accroissement, de la vigueur et de la fécondité des générations successives croisées et autofécondées. — Petite quantité de pollen renfermée dans les anthères des plantes autofécondées de la dernière génération et stérilité de leurs premières fleurs. — Couleur uniforme des fleurs dans les plantes autofécondées. — L'avantage résultant d'un croisement entre deux plantes distinctes est lié à leur différence de constitution.

Un plant d'Ipomœa purpurea, ou, comme on l'appelle souvent en Angleterre, de Convolvulus major, originaire du Sud de l'Amérique, végétait dans ma serre. Dix fleurs de cette plante furent fécondées avec du pollen de la même fleur, et dix autres, portées sur le même pied, furent croisées avec du pollen d'une plante distincte. La fécondation des fleurs avec leur propre pollen était inutile, car ce Convolvulus est fécond avec lui-même à un haut degré ; mais j'agis ainsi afin de laisser à mes expériences un parallélisme complet à tous les points de vue. Pendant leur jeunesse, les fleurs présentent un stigmate faisant saillie au-dessus des anthères, et cette disposition a dû donner à penser qu'elles ne pouvaient être fécondées sans l'intervention des bourdons qui les visitent fréquemment ; mais, quand les fleurs vieillissent, les étamines croissant en longueur, leurs an-

30 FÉCONDATION CROISÉE ET DIRECTE. CHAP. II

thères frottent contre le stigmate qui, de cette façon, reçoit du pollen. Le nombre des graines produites par les fleurs croisées et autofécondées différa très-peu.

Les graines croisées et autofécondées obtenues de la manière ci-dessus indiquée furent mises à germer dans du sable humide, et les paires qui levèrent en même temps furent plantées, comme il a été décrit dans l'introduction, en des points opposés de deux pots. Cinq paires furent ainsi plantées ; et toutes les graines restant, en état de germination ou non, furent placées dans des points opposés d'un troisième pot, de façon à ce que les jeunes plants des deux côtés demeurèrent pressés en foule et exposés à une rigoureuse compétition. Des baguettes en fer ou en bois d'égal diamètre furent données à tous les plants pour s'y enrouler et aussitôt qu'un pied de chaque paire atteignait le sommet, les deux plants étaient mesurés ensemble. Une seule baguette fut placée de chaque côté du pot encombré de plants (numéro III), et le plus grand seulement de ces plants fut mesuré de part et d'autre.

TABLEAU I. Première génération.

Numéros des pots

Semis provenant

de plantes croisées

Semis provenant

de plantes autofécondées

I.

mètres

2,187

2,187

2,225

mètres

1,725

1,650

1,825

II.

2,200

2,175

1,712

1,512

III.

Plants entassés, le plus grand seul est mesuré de chaque côté.

1,925

1,425

Total.

12,900

9,650

La hauteur moyenne des six plantes croisées est ici de 2m,150, tandis que celle des six plants autofécondés est seulement de 1m,625 à 1m,650, de façon que pour la hauteur les plants croisés sont aux autofécondés comme de 100 à 76. On remarquera que cette différence n'est pas due à la taille très élevée de quelques plants croisés ou à l'extrême petitesse de quelques pieds autofécondés, mais bien à ce que les plants croisés atteignent une plus grande élévation que leurs antagonistes. Les trois paires du pot numéro I furent mesurées aux deux premières

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 31

périodes, et la différence fut quelquefois plus grande et d'autres fois plus petite qu'à la dernière mensuration. Mais un fait intéressant, et dont j'ai eu beaucoup d'autres exemples, c'est qu'une des plantes autofécondées ayant à peu près 1 pied de haut (0m,3049) était de 0m,012 plus grande que la plante croisée ; plus tard, ayant atteint 2 pieds, elle était de 0m,035 plus grande encore, mais pendant les jours suivants, la plante croisée commençait à gagner sur son antagoniste, et dans la suite elle continua toujours à affirmer sa supériorité jusqu'au point de dépasser le plant autofécondé de 0m,40.

Les cinq plants croisés, dans les pots I et II, furent couverts d'une gaze et produisirent 121 capsules ; les cinq autofécondés en donnèrent 84, de façon que le nombre des capsules fut dans le rapport de 100 à 69. Des 121 capsules développées sur des plants croisés, 65 furent le produit des fleurs croisées avec le pollen d'une plante distincte, et elles contenaient une moyenne de 5,23 graines par capsule ; les 55 fruits restants résultèrent d'une fécondation [* autofécondation] spontanée. Des 84 capsules mûries sur les plants autofécondés, résultant toutes de l'autofécondation renouvelée, 55 (les seules qui furent examinées) contenaient une moyenne de 4.85 semences par capsule. Donc, les capsules croisées comparées aux autofécondées donnèrent des graines dans la proportion de 100 à 93. Les semences croisées furent relativement plus lourdes que les autofécondées. En combinant les données ci-dessus, c'est-à-dire le nombre des capsules et le chiffre moyen des graines qu'elles renferment, les plantes croisées comparées aux autofécondées donnèrent des semences dans la proportion de 100 à 64.

Ces plantes croisées produisirent, comme nous l'avons établi déjà, 56 capsules spontanément autofécondées, et les plantes autofécondées donnèrent 29 capsules pareilles. Les premières, comparées aux dernières, renfermaient une moyenne de graines dans la proportion de 100 à 99.

Dans le pot numéro III qui, en des points opposés, renfermait un grand nombre de graines croisées et autofécondées dont les semis étaient appelés à combattre pour l'existence, les plants croisés eurent d'abord un avantage peu marqué. A un moment donné, les plus grand parmi les croisés mesurait 0m,628, et le plus grand des autofécondés 0m,535. Mais ensuite la différence devint beaucoup plus accentuée. Des deux côtés, les plants ainsi entassés [* , dû à leur entassement,] devinrent de pauvres spécimens. Les fleurs furent disposées pour la fécondation [* contresens : pour l'autofécondation] spontanée sous une gaze : les plants croisés produisirent 37 capsules et les autofécondés 18 seulement, c'est-à-dire comme 100 est à 47. Les premières contenaient une moyenne de 3.62 graines par capsules et les dernières de 3.38, c'est-à-dire comme 100 est à 93. En combinant ces

32 FÉCONDATION CROISÉE ET DIRECTE.   CHAP. II

données (c'est-à-dire le nombre de capsules et le chiffre moyen des graines), les plantes croisées entassées produisirent des graines qui, comparées aux autofécondées, sont dans le rapport de 100 à 45. Ces dernières graines, du reste [* contresens : cependant], furent décidément plus lourdes (un cent pesait 41.64 grains, 2gr,48) que celles des plants croisés, dont un cent pesa 36,79 grains (2gr,24) : ce résultat fut probablement dû au petit nombre de capsules nées sur les plantes autofécondées où elles furent mieux nourries. Ainsi, nous voyons les plantes croisées de la première génération, qu'elles végètent dans des conditions favorables ou dans des conditions rendues défavorables par leur entassement, surpasser de beaucoup en hauteur, de beaucoup aussi par le nombre de leurs capsules et faiblement par le nombre des graines de chaque capsule, les plantes autofécondées.

Plantes croisées et autofécondées de la deuxième génération. — Les fleurs, dans les plantes croisées de la deuxième génération (tableau I), furent fécondées avec du pollen de plants distincts de la même génération, et les fleurs dans les plants autofécondés furent fécondées avec du pollen de la même fleur. Les graines ainsi obtenues furent traités à tous les points de vue comme ci-dessus, et nous avons le résultat des mensurations dans le tableau suivant :

TABLEAU II. Deuxième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,175

2,075

2,075

mètres

1,687

1,712

2,012

II.

2,137

2,225

1,937

1,537

1,975

1,025

Total.

12,625

9,950

Ici encore chacune des plantes croisées est plus grande que son antagoniste. La plante autofécondée du pot numéro I, qui finalement atteignit la hauteur inusitée de 2m,012, fut pendant longtemps plus grande que son adversaire croisée, quoique devant être à la fin battue par elle. La hauteur moyenne des six plants croisés est de 2m,104, tandis que celle des six plants autofécondés est de 1m,658, ou comme 100 est à 79.

Plants croisés et autofécondés de la troisième génération. — Les graines des plantes croisées de la dernière génération (tableau II) croisées de nouveau, puis celles des plants

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 33

autofécondés de nouveau fécondés par eux-mêmes furent soumises exactement au même traitement et donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU III. Troisième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,850

1,800

1,825

mètres

1,412

1,287

1,350

II.

2,050

2,025

2,050

1,475

0,750

1,650

Total.

11,61

7,93

Ici encore toutes les plantes croisées sont plus grands que leurs antagonistes ; leur hauteur moyenne atteint 1m,935, tandis que celle des autofécondées est de 1m,320, ou comme 100 est à 68.

Je portai grande attention à la fécondité des végétaux de cette troisième génération. Sur les plantes croisées, trente fleurs furent fécondées [* oubli : croisées] avec le pollen provenant d'autres plantes croisées de la même génération, et les vingt-six capsules ainsi produites contenaient en moyenne 4,73 graines ; tandis que trente fleurs des pieds autofécondés fertilisées avec le pollen de la même fleur [* contresens : leur propre pollen] produisirent vingt-trois capsules contenant chacune 4,43 graines. Ainsi, le nombre moyen des graines dans les capsules croisées fut, comparé à celui des graines des capsules autofécondées, comme 100 est à 94. Un cent des semences croisées pesa 43,27 grains (2gr,60), tandis qu'un cent des autofécondées atteignit seulement 37,63 grains (2gr,16). Plusieurs [* contresens : Un grand nombre, many] de ces graines autofécondées plus légères placées sur du sable humide germèrent avant les croisées ; ainsi, trente-six des premières germèrent tandis que treize seulement des secondes (croisées) levaient. Dans le pot numéro I, les trois plantes croisées produisirent spontanément sous la gaze (outre les trente-six [* contresens : vingt-six] capsules artificiellement autofécondées [* contresens : fécondées par croisement artificiel]) soixante-dix-sept capsules autofécondées contenant une moyenne de 4,41 graines ; tandis que les trois plantes autofécondées ne donnèrent spontanément (outre les vingt-trois capsules artificiellement autofécondées) que vingt-neuf capsules autofécondées contenant une moyenne de 4,12 [* erreur : 4,14] graines. Le nombre moyen de graines, dans les deux lots de capsules spontanément autofécondées, fut comme 100 est à 94. Si nous prenons en considération

34 PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. II

ensemble le nombre des capsules et le nombre moyen des graines, les plantes croisées (spontanément autofécondées) produisirent des graines qui furent, comparées avec celles es plants autofécondés, (spontanément autofécondés), dans la proportion de 100 à 35. Par quelque méthode qu'on compare la fécondité de ces plantes, les croisées l'emportent de beaucoup sur les autofécondées.

J'essayai de différentes manières la vigueur comparative et le taux d'accroissement des plantes croisées et autofécondées de cette troisième génération. Ainsi, quatre graines autofécondées qui commençaient à peine à germer [* contresens : qui venaient juste de germer], furent plantées dans un côté d'un pot et, après un intervalle de quarante-huit heures, quatre graines croisées, dans le même état de germination, furent placées dans un point opposé du même pot, lequel fur conservé dans la serre chaude. Je pensais que l'avantage ainsi donné aux semis autofécondés serait assez grand pour qu'ils ne pussent jamais être battus par les croisés. Ils ne le furent pas, en effet, avant que tous eussent atteint la hauteur de 0m,450, et le degré auquel ils furent finalement vaincus est indiqué dans le tableau suivant (n° IV). Nous y voyons que la hauteur moyenne des quatre plantes croisées est de 1m,931, et celle des quatre plants autofécondés est de 1m,648, ou comme 100 est à 86, c'est-à-dire moindre que lorsque les plants des deux côtés étaient [* commencèrent (started fair)] dans des conditions égales.

TABLEAU IV. — Troisième génération, les plants autofécondés

ayant une avance de quarante-huit heures.)

Numéros des pots

[* numéro du pot]

Plantes croisées

Plantes autofécondées

III.

mètres

1,950

1,937

1,825

1,937

mètres

1,837

1,325

1,537

1,887

Total.

7,66

6,587

Des graines croisées et autofécondées de cette troisième génération furent aussi semées en pleine terre à la fin de l'été, par conséquent dans des condition défavorables, et uns seule baguette fut donnée à chaque lot de plantes pour s'y enrouler. Les deux lots furent suffisamment séparés pour ne pas nuire réciproquement à leur croissance, et la terre fut débarrassée des mauvaises herbes. Dès qu'elles furent tuées par les premières gelées (et à ce point de vue il n'y eut aucune différence dans leur résistance), les deux plus grandes plantes croisées furent trouvées avoir 0m,612 et 0m,562, tandis que les deux plus grands

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 35

plants autofécondés mesurèrent seulement 0m,375 et 0m,312 en hauteur, soit comme 100 est à 59.

Je semai pareillement, dans le même temps, deux lots des même graines dans une partie du jardin qui était ombragée et remplie de mauvaises plantes. Les semis croisés de prime abord parurent les mieux portants, mais ils ne s'enroulèrent qu'à une hauteur de 0m,183, tandis que les autofécondés ne purent même pas grimper, les plus grands ayant atteint seulement 0m,087 de haut.

Enfin, deux lots des mêmes graines furent semées au milieu d'une couche d'Iberis végétant vigoureusement. Ces graines levèrent, mais tous les plants autofécondés périrent aussitôt, excepté un seul qui ne grimpa jamais et n'atteignit qu'une hauteur de 0m,10. Au contraire, beaucoup d'entre les plants croisés survécurent, et quelques-uns s'enroulèrent sur les tiges d'Iberis à la hauteur de 0m,275. Ces différents cas prouvent que les semis croisés ont sur les autofécondés un immense avantage, soit lorsque les uns et les autres s'accroissent isolément dans des conditions défavorables, soit quand ils entrent en compétition avec eux-mêmes ou avec d'autres plantes, comme cela se produit dans des conditions naturelles.

Plantes croisées et autofécondées de la quatrième génération. — Des semis provenant, comme antérieurement, des plantes croisées et autofécondées de la troisième génération portées dans le tableau III, donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU V. Quatrième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,100

1,175

mètres

2,000

1,112

II.

2,075

1,475

1,837

1,287

III.

2,050

1,637

1,700

1,412

1,575

1,300

Total.

12,212

10,525

Ici la hauteur moyenne des sept plantes croisées est de 0m,1741, et celle des sept plantes autofécondées de 0m,151, ou comme 100 est à 86. La différence moindre que l'on constate, entre ces plants et ceux des premières générations, doit être attribuée à ce que les sujets ont été élevés au cœur de l'hiver et par suite n'ont pu végéter vigoureusement, ce qui était démon-

36 PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. II

tré par une apparence générale mauvaise et une impossibilité absolue d'atteindre le sommet des baguettes [* contresens : de ce que plusieurs d'entre eux n'atteignirent pas le sommet des baguettes]. Dans le pot numéro II, un des plants autofécondés fut pendant longtemps plus grand de 0m,050 que son adversaire, mais il fut finalement battu par lui [* par ce dernier], de façon que tous les plants croisés dépassèrent en hauteur leurs antagonistes. Parmi les 28 capsules produites par les plantes croisées fécondées avec le pollen d'une plante distincte, chacune contenait une moyenne de 4,75 graines ; parmi les 27 capsules autofécondées mûries sur les plantes autofécondées, chacune contenait une moyenne de 4,47 semences, de façon que la proportion des graines dans les capsules croisées et autofécondées fut de 100 à 94.

Quelques-unes de ces mêmes graines, desquelles provinrent les plants indiqués dans le tableau V, furent semées après leur germination en sable humide dans une caisse carrée où un grand Brugmansia avait longtemps végété. La terre en était extrêmement pauvre et pleine de racines ; 6 graines croisées furent semées dans un coin et 6 autofécondées dans le coin opposé. Tous les semis provenant de ces dernières [* des autofécondées] périrent immédiatement [* contresens : rapidement], excepté un seul, qui atteignit seulement la hauteur de 0m,037. Parmi les plantes croisées, trois survécurent, et elles atteignirent la taille de 0m,062, mais sans pouvoir cependant s'enrouler autour d'une baguette ; néanmoins, à ma grande surprise, elles produisirent quelques misérables petites fleurs. Les plantes croisées eurent donc un avantage marqué sur les plantes autofécondées [* oubli : dans ces conditions extrêmement mauvaises].

Plantes croisées et autofécondées de la cinquième génération. — Elles furent obtenues de la même manière que ci-dessus, et après mensuration donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU VI. Cinquième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,400

2,150

1,725

mètres

1,825

1,825

0,725

II.

2,100

2,100

1,903

1,275

2,100

1,475

Total.

12,38

9,35

La hauteur moyenne des six plantes croisées est de 2m,064, et celle des six plants autofécondés de 1m,558 seulement, c'est-à-dire comme 100 est à 75. Chaque plante croisée dépassa

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 37

en hauteur son antagoniste. Dans le pot numéro I, la plante centrale parmi les croisées fut légèrement endommagée pendant sa jeunesse par un coup ; elle fut pendant un certain temps battue par son adversaire, mais finalement elle recouvra la supériorité ordinaire. Les plants croisés produisirent spontanément un plus grand nombre de capsules que les autofécondés, et les capsules des premières contenaient en moyenne 3.37 graines, tandis que celles des dernières en comptaient seulement 3.0 par capsule, c'est-à-dire comme 100 est à 89. Mais pour ce qui regarde seulement les capsules artificiellement fécondées, celles des plantes croisées de nouveau fécondées par croisement contenaient en moyenne 4.46 graines, tandis que celles des plantes autofécondées de nouveau fécondées directement en comptaient 4.77 ; de façon que les capsules autofécondées furent les plus fertiles des deux, et c'est là un fait inaccoutumé dont je ne puis donner aucune explication.

Plants croisés et autofécondés de la sixième génération. — Ils furent obtenus de la manière ordinaire et donnèrent le résultat suivant. Je dois dire que, dans le cas actuel, nous avions d'abord huit plantes des deux côtés ; mais, comme deux des auto-fécondées devinrent très-malades et ne recouvrèrent jamais leur entière santé, elles furent, comme leurs adversaires, écartées de la liste. Si elles y avaient été conservées, elles auraient injustement rendu la hauteur moyenne des plantes croisées plus grande que celles des autofécondées. J'ai agi de la même manière dans quelques autres cas, lorsqu'une plante des paires expérimentées devenait manifestement très-malade.

TABLEAU VII. Sixième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,32

2,27

mètres

1,27

1,62

II.

1,97

2,16

2,20

1,25

2,175

1,55

III.

2,187

1,613

Total.

13,125

9,48

Ici la hauteur moyenne des six plantes croisées est de 2m,18, et celle des six autofécondées est de 1m,58, c'est-à-dire comme 100 est à 72. Cette grande différence fut due surtout à ce que le plus grand nombre des plantes, et particulièrement les autofécondées, devinrent malades presque à la fin de leur crois-

38 PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. II

sance et furent profondément attaqués par les pucerons. En raison de cette circonstance, rien ne peut être conclu au point de vue de leur fécondité relative. Dans cette troisième génération, nous avons le premier exemple d'une plante autofécondée (dans le pot numéro II) dépassant, quoique de 0m,012 seulement, son adversaire croisée. Cette victoire fut loyalement gagnée après un long combat. Tout d'abord, le plant autofécondé dépassait de plusieurs centimètres son adversaire ; mais ce dernier ayant atteint 1m,37, la croissance en devint égale et il arriva même à une hauteur un peu plus grande que celle de l'autofécondé, pour être finalement battu de 0m,0125, comme c'est indiqué dans le tableau. Je fus tellement surpris de cette circonstance que, conservant les graines autofécondées de cette plante, à laquelle je donne le nom de « Héros », j'expérimentai sur sa descendance, comme je le dirai ensuite.

Outre les plantes indiquées dans le tableau VII, neuf plants croisés et [* oubli : neuf] autofécondés du même lot furent élevés dans deux pots, IV et V. Ces pots furent conservés dans la serre chaude, mais le besoin de place s'étant fait sentir, ils durent, quoique jeunes encore, être transportés par un temps très-rigoureux dans la partie la plus froide de la serre. Là ils souffrirent beaucoup et ne se rétablirent jamais entièrement. Après quinze jours, deux seulement des neuf pieds autofécondés étaient vivants, tandis que sept des croisés avaient survécu. Le plus élevé de ces derniers avait, quand il fut mesuré, 1m,175 de haut, alors que le plus grand des deux survivants autofécondés comptait 0m,80. Là encore nous voyons combien les plantes croisées l'emportent en vigueur sur les autofécondées.

Plantes croisées et autofécondées de la septième génération. — Elles furent obtenues par le procédé employé jusqu'ici et donnèrent le résultat suivant :

TABLEAU VIII. Septième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,122

2,118

1,906

mètres

1,868

2,100

1,387

II.

2,122

2,250

2,056

1,625

1,281

2,012

III.

2,075

2,150

1,693

1,506

Total.

18,88

15,35

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 39

Chacune des neuf plantes croisées est plus élevée que son adversaire, quoique dans un cas cette différence ne soit que de 0m,018. Leur hauteur moyenne est de 2m,095, et celle des autofécondées de 1m,706, c'est-à-dire comme 100 est à 81. Ces plantes, parvenues à leur plein développement, devinrent très-malades et furent infestées de pucerons juste au moment où les graines se formaient, de façon que beaucoup de capsules manquèrent, et dès lors rien ne peut être dit sur leur fécondité relative.

Plantes croisées et autofécondées de la huitième génération. — Comme je viens de l'établir, les plantes de la dernière génération, dont celles-ci provinrent, furent très-maladives et leurs graines eurent des dimensions fort réduites : par là s'explique probablement pourquoi les deux lots se comportèrent d'une manière différente de ce qu'ils furent dans quelques générations antérieures ou suivantes. Beaucoup d'entre les graines autofécondées germèrent avant les croisées, et les unes et les autres furent naturellement rejetées. Lorsque les semis croisés, dans le tableau IX, furent parvenus à la hauteur comprise entre 0m,025 et 0m,050, tous, ou presque tous, dépassèrent leurs antagonistes autofécondés, mais ils ne furent pas mesurés. Lorsqu'ils eurent acquis la hauteur moyenne de 0m,087, celle des plants autofécondés fut de 1m,016, ou comme 100 est à 122. Du reste [* contresens : De plus], chaque plante autofécondée (une seule exceptée) dépassa son adversaire croisée. Quoi qu'il en soit, lorsque les plants croisés eurent atteint la taille moyenne de 1m,938, ils dépassèrent à peine (c'est-à-dire de 0m,175) la hauteur moyenne des plants autofécondés, mais deux de ces derniers furent cependant plus grands que leurs adversaires croisés. Je fus tellement étonné de l'ensemble de ce cas, que j'attachai des ficelles au sommet des baguettes, afin de permettre aux plantes de continuer à grimper. Lorsque leur croissance fut complète, elles furent déroulées, étendues en ligne droite et mesurées. Les plant croisés avaient presque regagné leur supériorité accoutumée, comme on peut le voir dans le tableau IX.

La hauteur moyenne des huit plantes croisées est ici de 2m,831 et celle des autofécondées de 2m,416, ou comme 100 est à 85. Néanmoins, deux des plantes autofécondées, comme on peut le voir dans le tableau, furent beaucoup plus élevées que leurs antagonistes croisées. Ces dernières avaient manifestement des tiges plus épaisses et beaucoup plus de branches latérales, leur aspect était du reste [* contresens : dans l'ensemble (altogether)] beaucoup plus vigoureux que celui des plants autofécondés, qu'elles devancèrent aussi comme floraison. Les premières fleurs portées par ces plantes autofécondées ne produisirent pas de capsules, et leurs anthères contenaient une très-petite quantité de pollen, mais je reviendrai sur ce

40  PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. II

sujet. Néanmoins, des capsules produites par deux autres plants autofécondés du même lot (non contenus dans le tableau IX), qui avaient été hautement favorisés par leur végétation en pots séparés, contenaient le nombre moyen élevé de 5.1 graines par capsule.

TABLEAU IX. Huitième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,794

3,175

3,268

mètres

2,400

1,350

2,338

II.

2,431

2,237

2,350

3,143

III.

2,594

2,512

3,687

2,887

2,118

2,794

Total.

22,706

19,33

Plantes croisées et autofécondées de la neuvième génération. — Les plantes de cette génération furent obtenues de la même manière que ci-dessus avec le résultat indiqué au tableau X. Les quatorze plantes croisées ont une moyenne de 2m,033 et les quatorze autofécondées 1m,608, ou comme 100 est à 79. Une plante autofécondée, dans le pot numéro III, surpassa son adversaire, et une autre, dans le pot numéro IV, l'égala en hauteur. Les plantes autofécondées ne parurent pas avoir hérité de l'accroissement précoce de leurs parents, ce qui est dû, selon toute apparence, à l'état anormal des graines résultant de l'état maladif des générateurs. Les quatorze plantes autofécondées mûrirent seulement 40 capsules spontanément autofécondées, auxquelles il faut en ajouter sept produites par les fleurs artificiellement autofécondées. D'un autre côté, les quatorze plants croisés donnèrent 152 capsules spontanément autofécondées, mais 36 fleurs de ces plantes furent croisées (elles mûrirent 33 capsules), et ces fleurs auraient, probablement, produit environ 30 capsules autofécondées. Donc, un égal nombre de plants croisés et autofécondés aurait donné des capsules dans la proportion d'environ 182 à 47, ou comme 100 est à 26. Un autre phénomène fut très-prononcé dans cette génération, après s'être produit, je crois, antérieurement sur une petite étendue, à savoir, que le plus grand nombre des fleurs, dans les plantes autofécondées, furent un tant soit peu

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 41

monstrueuses. Le cas tératologique consistait en ce que la corolle, fendue d'une manière irrégulière de façon à ne pas s'ouvrir convenablement, portait fortement adhérentes avec elle, une ou deux étamines légèrement foliacées et colorées. Je n'ai observé cette monstruosité que dans une seule fleur des plants croisés. S'ils avaient été bien nourris, les pieds autofécondés eussent produit, presque avec certitude, des fleurs doubles après quelques autres générations, car ils étaient déjà frappés d'un certain degré de stérilité 1 .

TABLEAU X. Neuvième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,087

2,137

2,087

mètres

1,425

1,775

1,209

II.

2,081

1,606

2,087

1,125

1,093

0,962

III.

1,975

2,203

1,525

1,575

1,775

2,237

IV.

2,312

2,250

2,062

1,903

V.

2,237

2,312

2,312

1,675

1,856

1,900

Total.

28,487

22,425

Plantes croisées et autofécondées de la dixième génération. — Six plantes furent obtenues de la manière ordinaire en croisant de nouveau les plants croisés de la dernière génération (tableau X), et, d'un autre côté, en fécondant de nouveau par elles-mêmes des plantes autofécondées de cette même génération. Un des plants croisés, dans le pot numéro I (tableau XI), devint malade, plissa ses feuilles, et produisit difficilement quelques capsules ; il fut dès lors enlevé du tableau, ainsi que son adversaire.

1 Voyez sur ce sujet, « Variation of Animals and Plants under Domestication » (Variations des animaux et des plantes sous l'influence de la domestication, traduction française, ch. XXIII.)

42 PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. II

TABLEAU XI. Dixième génération.

Numéros des pots

Semis issus de plantes croisées

Semis issus de plantes autofécondées

I.

mètres

2,309

2,362

mètres

1,181

0,868

II.

2,175

2,240

2,625

1,353

1,231

1,656

Total.

11,712

6,300

Les cinq plantes croisées ont en moyenne 2m,33 de haut et les cinq autofécondées, seulement 1m,256, ou comme 100 est à 54. Cette différence, cependant, est si grande qu'elle doit être regardée en partie comme accidentelle. Les six plantes croisées (en y comprenant le pied malade) donnèrent spontanément 101 capsules, et les six plants autofécondées 88 ; ces dernières avaient surtout été produites par un des sujets. Mais comme le plant malade qui mûrit difficilement quelques graines est ici compté, la proportion de 101 à 88 ne représente pas exactement la fertilité relative des deux lots. Les tiges des six plantes croisées parurent si belles, comparées à celles des six plantes autofécondées, qu'après la récolte des capsules et la chute du plus grand nombre de feuilles, elles furent pesées. Celles des plantes croisées donnèrent 2,693 grains (0gr,16) et celles des autofécondées 1,173 grains (0gr,07), c'est-à-dire comme 100 est à 44 ; mais comme le plant croisé malade et rabougri est compté dans ce nombre, la supériorité des premiers comme poids est en réalité plus grande.

Les effets sur la descendance par le croisement de différentes fleurs du même pied, au lieu du croisement d'individus distincts. — Dans toutes les expériences précédentes, des semis provenant de fleurs croisées avec du pollen d'une plante distincte (quoique entachée dans les générations d'une parenté plus ou moins rapprochée) furent mis en compétition réciproque [* contresens : en compétition avec des descendants de fleurs autofécondées] et se montrèrent presque invariablement supérieurs en hauteur à la descendance fournie par les fleurs autofécondées. Aussi eus-je le désir de m'assurer si un croisement entre deux fleurs de la même plante donnerait aux produits quelque

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 43

supériorité sur la descendance des fleurs fécondées avec leur propre pollen. Je me procurai quelques graines récentes, en obtins deux plantes qui furent recouvertes d'une gaze, et croisai quelques-unes des fleurs avec le pollen d'une fleur distincte appartenant au même pied.Vingt-neuf capsules ainsi obtenues contenaient une moyenne de 4.86 graines par capsule, et 100 de ces graines pesèrent 36.77 grains (2gr,21). De nombreuses autres fleurs furent fécondées avec leur propre pollen, et 36 capsules ainsi produites contenaient par capsule une moyenne de 4.42 graines, dont un cent pesa 42.61 grains (2gr,56). Ainsi un croisement de cette espèce parait avoir augmenté légèrement le nombre des graines par capsule dans la proportion de 100 à 91, mais ces semences croisées furent plus légères que les autofécondées dans la proportion de 86 à 100. Après d'autres expériences j'ai, du reste [* contresens : cependant], lieu de mettre en doute la confiance que peuvent inspirer ces résultats [* contresens : Après d'autres observations je doute cependant que ces résultats soient entièrement dignes de confiance]. Les deux lots de graines, après germination dans du sable pur, furent placés par paires dans des points opposés de neuf pots, et reçurent un traitement complètement semblable, à tous égards, à celui dont furent l'objet les plants des expériences antérieures. Les graines restant, dont quelques-unes avaient germé et d'autres pas, furent semées dans des points opposés d'un large pot (numéro X), et on mesura de chaque côté de ce pot les quatre plus grandes plantes. Le résultat est indiqué dans le tableau suivant (XII).

La hauteur moyenne des 31 plants croisés est de 1m,830, et celle des autofécondés de 1m,935, c'est-à-dire comme 100 est à 106. Pour ce qui concerne chaque paire, on verra que 13 seulement des plantes croisées pour 18 des autofécondées, dépassent leurs adversaires. Une note fut prise sur les plantes qui fleurirent les premières dans chaque pot, et 2 seulement parmi les croisées entrèrent en fleurs avant leur antagoniste autofécondée du même vase, tandis que 8 des autofécondées fleurirent les premières. Il résulte

44 FLEURS DE LA MÊME PLANTE CROISÉE.   CHAP. II

TABLEAU XII.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

2,050

1,875

1,625

1,900

mètres

1,937

2,175

1,600

2,181

II.

1,962

1,075

1,637

2,100

2,162

2,262

III.

1,531

2,125

2,225

2,150

1,737

2,187

IV.

2,075

1,837

1,675

2,012

2,212

2,112

V.

1,950

1,918

1,425

1,662

1,937

2,037

VI.

1,762

1,995

1,993

2,000

2,062

1,387

VII.

1,900

2,112

1,975

1,925

2,087

1,837

VIII.

1,825

1,675

2,075

1,912

2,050

2,012

IX

1,825

1,950

1,962

1,687

X.

Plantes entassées.

0,850

2,050

2,118

1,775

2,062

0,918

1,737

1,881

Total.

56,756

59,993

de là que les plantes croisées sont légèrement inférieures aux autofécondées en hauteur et en précocité de floraison. Mais cette infériorité est si faible (comme 100 à 106) que beaucoup de doutes se seraient élevés dans mon esprit sur sa réalité, si je n'avais coupé tous les plants (excepté. ceux

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 45

entassés dans le pot numéro X) au ras de terre pour les peser. Les 27 plantes croisées donnèrent un poids de 528 gr. et les 27 autofécondées de 656 gr, ce qui constitue une proportion de 100 à 124.

Une plante autofécondée de la même parenté que celle du tableau XII avait été, dans un but spécial, élevée en un pot séparé, ou elle resta partiellement stérile, ses anthères contenant très-peu de pollen. Plusieurs fleurs de cette plante furent croisées avec le peu le pollen qui put être recueilli dans les autres fleurs du même pied, d'autres furent autofécondées. Des graines ainsi obtenues, il provint quatre plants croisés et quatre autofécondés qui furent plantés, à la manière ordinaire, en deux points opposés du même vase. Toutes ces quatre plantes croisées furent inférieures en hauteur à leurs adversaires, elles mesurèrent en moyenne lm,954, tandis que les autofécondées eurent 2m,120 de haut. Ce cas confirme donc le précédent. En totalisant toutes ces preuves, nous devons conclure que les plantes strictement autofécondées deviennent un peu plus grandes, sont plus pesantes et généralement fleurissent plus promptement que celles dérivées d'un croisement entre deux fleurs du même pied. Ces dernières plantes présentent par cette manière d'être un singulier contraste avec celles qui proviennent d'un croisement entre deux individus distincts.

Effets produits sur la descendance par le croisement avec un pied distinct ou nouveau appartenant à la même variété. — Dans les deux séries d'expériences précédentes nous voyons d'abord, durant plusieurs générations successives, les bons effets du croisement entre plantes distinctes, se produisant malgré le degré de parenté dont elles furent entachées et malgré la sensible égalité des conditions dans lesquelles elles vécurent ; en second lieu, l'absence de bons effets résultant d'un croisement entre fleurs du même pied, la comparaison, dans les deux cas, a

46 CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. CHAP. II

été faite avec la descendance des fleurs fécondées par leur propre pollen. Les expériences que nous allons exposer maintenant prouveront quel bénéfice puissant et avantageux procure à des plantes ayant subi l'entrecroisement durant de nombreuses générations et conservées constamment dans des conditions sensiblement uniformes, un croisement avec une autre plante (appartenant à la même variété mais d'une souche ou branche distincte) qui a végété dans des conditions différentes.

Diverses fleurs prises sur des plants croisés, appartenant à la neuvième génération (tableau X), furent fécondées avec le pollen d'une autre plante croisée du même lot. Les semis ainsi obtenus formèrent la dixième génération entre-croisée, et je les appellerai les plantes entre-croisées. Différentes autres fleurs appartenant aux mêmes plantes croisées de la neuvième génération furent fécondées (sans castration préalable) avec le pollen provenant de plantes de la même variété, mais appartenant à une famille distincte qui avait végété dans un jardin éloigné, à Colchester, et, par conséquent, dans des conditions quelque peu différentes. Les capsules résultant de ce croisement contenaient, à mon grand étonnement, des graines en plus petit nombre et plus légères que celles des capsules provenant des plantes entre-croisées ; mais ce résultat, je le pense, dut être tout accidentel. Je nommerai Colchester-croisés les semis qui en provinrent. Les deux lots de semences, après germination dans le sable, furent placés, à la manière ordinaire, dans des points opposés de cinq pots, et les graines restant, qu'elles fussent ou non et état de germination, furent semées dru dans des points opposés d'un très-large vase numéro VI (tableau XIII). Dans trois des six pots, dès que les jeunes plants eurent commencé à s'enrouler sur leurs supports, chaque Colchester-croisé fut beaucoup plus grand que chacun des entre-croisés dans le point opposé du même pot, tandis que, dans les trois autres pots, chaque Colchester-croisé fut seulement un peu plus grand. Je dois relater que deux des Colchester-croisés (dans le pot numéro IV), parvenus aux deux-tiers de leur croissance, devinrent très-malades et furent rejetés, ainsi que leurs antagonistes entre-croisés. Les dix-neuf plantes restant furent mesurées après leur presque entier développement, et donnèrent les résultats suivants :

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 47

TABLEAU XIII.

Numéros des pots

Plantes Colchester-croisées

Plantes entre-croisées de la 10egénération

I.

mètres

2,175

2,187

2,128

mètres

1,950

1,712

2,462

II.

2,343

2,137

2,265

1,500

2,181

1,137

III.

2,106

2,300

2,125

1,753

2,043

2,156

IV.

2,393

1,628

V.

2,262

2,168

2,100

2,143

1,575

1,560

VI.

Plantes entassées dans un très-grand pot.

2,262

1,875

1,775

2,093

1,575

1,625

1,087

0,993

0,756

2,150

1,325

1,218

Total.

39,912

31,243

Dans seize paires sur les dix-neuf mises en expérience, les plants Colchester-croisés dépassèrent en hauteur leurs opposants entre-croisés. La hauteur moyenne des Colchester-croisés est de 2m,100, et celle des entre-croisés de 1m,643, ou comme 100 est à 78. Au point de vue de la fertilité des deux lots, comme il était trop pénible de ramasser et de compter les capsules de toutes les plantes, je choisis deux des meilleurs pots (V et VI), et, dans ceux-là, je comptai sur les Colchester-croisés 269 capsules mûres complètement ou à demi, tandis qu'un nombre égal de plants entre-croisés en donnèrent seulement 154, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 57. Comme poids, les capsules des plantes Colchester-croisées furent à celle des entre-croisées dans le rapport de 100 à 51, de façon que les premières contenaient probablement un plus grand nombre moyen de graines.

Cette importante expérience nous apprend que, des plantes affectées de quelque degré de parenté, et qui avaient été entre-croisées durant les neuf pemières générations précédentes, don-

48 DESCENDANCE DE HÉROS. CHAP. II

nèrent, après fécondation par le pollen d'un rameau nouveau, des rejetons aussi supérieurs aux semis de la dixième génération entre-croisée, que ces derniers le furent aux plantes autofécondées de la génération correspondante. Si nous jetons, en effet, les yeux sur les plantes de la neuvième génération dans le tableau X (et celles-là offrent à tous les points de vue le plus beau type de comparaison), nous voyons que les plantes entre-croisées furent, en hauteur, aux autofécondées comme 100 est à 79, et, au point de vue de la fertilité, comme 100 est à 26 ; tandis que les plantes Colchester-croisées sont, en hauteur, aux entre-croisées comme 100 est à 78, et en fécondité comme 100 est à 51.

Descendance du plant fécondé directement [* autofécondé], nommé Héros, qui apparut dans la sixième génération autofécondée. — Dans les cinq générations qui précédèrent la sixième, chaque plant croisé de chaque paire fut plus grand que son antagoniste autofécondé ; mais, dans la sixième génération (table VII, pot II), Héros apparut qui, après un combat long et douteux, l'emporta, quoique seulement de 0m,01225 [* un demi pouce = 0m,0127], sur son adversaire [* oubli : croisé]. Ce fait me surprit à ce point que je résolus de vérifier si cette plante transmettrait à ses rejetons sa puissance de développement. Plusieurs fleurs de Héros furent donc fécondées avec leur propre pollen, et les semis qui en provinrent furent mis en compétition avec des plants entre-croisés et autofécondés de la génération correspondante. De cette manière les trois lots de semis appartenaient tous à la septième génération. Leurs hauteurs relatives sont indiquées dans le tableau suivant :

TABLEAU XIV.

Numéros des pots

Plants autofécondés de la 7egénération, produits de Héros

Plants autofécondés

de la 7egénération

I.

mètres

1,85

1,50

1,38

mètres

2,23

1,52

1,22

II.

2,30

2,29

1,85

2,05

1,40

0,95

Total.

11,17

9,37

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 49

La hauteur moyenne des six produits auto-fécondés de Héros est de 1m,86, tandis que celle des plants ordinaires autofécondés de la génération correspondante est seulement de 1m,56, ou comme 100 est à 84.

TABLEAU XV.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

III.

mètres

2,30

mètres

1,91

IV.

2,17

2,19

2,22

2,16

Total.

6,66

6,29

Ici, la hauteur moyenne des trois produits autofécondés de Héros est de 2m,22, tandis que celle des plants entre-croisés est de 2m,10, ou comme 100 est à 95. Nous voyons, par là, que les produits autofécondés de Héros ont hérité certainement de la puissance de développement de leurs générateurs, car ils excèdent grandement en hauteur la descendance autofécondée des autres plantes fécondées directement, et dépassent même légèrement les plantes entre-croisées de la génération correspondante.

Plusieurs fleurs prises sur les produits autofécondés de Héros (tableau XIV) furent fécondées avec le pollen de la même fleur, et avec les graines ainsi obtenues, on fit lever des plantes autofécondées de la huitième génération (petits-fils de Héros). Plusieurs autres fleurs des mêmes plantes furent croisées avec le pollen d'autres fils de Héros. Les rejetons obtenus de ce croisement doivent être considérés comme la descendance provenant de l'union de frères et sœurs. Le résultat de la compétition établie entre ces deux séries de plants (c'est-à-dire les autofécondés et la descendance des frères et sœurs) est donné dans le tableau suivant [* (tableau XVI)].

La hauteur moyenne des treize petits-fils autofécondés de Héros est de 1m,99 et celle des petits-fils provenant du croisement des fils autofécondés est de 1m,86, ou comme 100 est à 95 [* erreur : comme 100 est à 94]. Mais dans le pot numéro IV, un des plants croisés n'atteignit que la hauteur de 0m,38, et si cette plante, ainsi que son adversaire, avaient été écartés, comme c'eût été convenable, la hauteur moyenne des plants croisés eût excédé seulement de 0m,025 celle des autofécondés. Il est donc évident qu'un croisement entre les produits autofécondés de Héros ne produisit aucun effet avantageux digne d'être noté, et il est très-douteux

50 DESCENDANT DE HÉROS. CHAP. II

TABLEAU XVI.

Numéros des pots

Petits-fils autofécondés de Héros, issus des fils autofécondés (8egénération)

Petits-fils provenant d'un croisement entre des fils autofécondés de Héros (8egénération)

I.

mètres

2,16

2,25

mètres

2,39

2,38

II.

2,40

1,93

2,125

2,325

III.

1,825

1,65

2,11

2,156

2,056

1,768

IV.

2,20

2,10

0,90

1,85

1,66

0,38

0,95

1,96

V.

2,253

2,251

2,20

2,09

Total.

25,89

24,29

que ce résultat négatif puisse être attribué surtout [* contresens : simplement] à ce fait que des frères et des sœurs avaient été unis, car, les plantes entre-croisées ordinaires résultant de plusieurs générations successives durent dériver aussi de l'union de frères et sœurs (comme c'est démontré dans le chapitre I), et cependant chacune d'elles fut bien supérieure aux autofécondées. Nous sommes donc conduits à cette supposition (nous la verrons bientôt se raffermir), que Héros a transmis à sa descendance une constitution particulière adaptée pour l'autofécondation.

Il apparaîtra [* contresens : semblerait] que les descendants autofécondés de Héros n'ont pas seulement reçu en héritage de leur générateur une puissance de végétation égale à celle des plantes ordinaires entre-croisées, mais sont devenues plus fertiles, après autofécondation, que ce n'est la règle avec les pantes de cette espèce. Les fleurs des petits-fils autofécondés de Héros, dans le tableau XVI (la huitième génération des plantes autofécondées), furent fécondées avec leur propre pollen et produisirent beaucoup de capsules, dont cinq (ce nombre est trop petit pour donner une moyenne certaine) contenaient 5,2 graines par capsule, ce qui constitue une moyenne plus élevée que celle qui fut observée dans quelques autres cas [*contresens : dans tous les autres cas (in any other case)] avec les plantes autofécondées. Les anthères produites par ces petits-fils autofécondés

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 51

furent aussi bien développées et continrent autant de pollen que celles des plantes entre-croisées de la génération correspondante, tandis que ce n'était pas le cas avec les plantes autofécondées ordinaires des dernières générations. Néanmoins, quelques-unes des fleurs produites par les petits-fils de Héros furent légèrement monstrueuses, comme celles des plantes autofécondées ordinaires de la dernière génération. Afin de ne plus avoir à revenir sur leur fécondité, j'ajouterai que 21 capsules autofécondées, produites spontanément par les arrière-petits-fils de Héros (formant la neuvième génération des plants autofécondés), contenaient moyennement [* en moyenne] 4,47 graines, et c'est là une moyenne aussi élevée que celle des fleurs autofécondées de chaque génération obtenue par les moyens ordinaires [* contresens : une moyenne aussi élevée que celle ordinairement obtenue par les fleurs autofécondées de chaque génération ( as high an average as the self-fertilised flowers of any generation usually yielded)].

Plusieurs fleurs des petits-fils autofécondés de Héros, dans le tableau XVI, furent fécondées avec le pollen de la même fleur ; les semis qui en provinrent (arrière-petits-fils de Héros), formèrent la neuvième génération autofécondée. Plusieurs autres fleurs furent croisées avec le pollen d'un autre petit-fils, de façon qu'elles peuvent être considérées comme la descendance de frères et sœurs, et les semis qui en provinrent peuvent être appelés les petits-fils [* erreur : arrière-petits-fils (great-grandchildren)] entre-croisés. Enfin, d'autres fleurs furent fécondées avec le pollen d'un pied distinct, et les rejetons ainsi obtenus peuvent être appelés les arrière-petits-fils Colchester-croisés. Dans mon anxiété de voir quel serait le résultat, je plaçai, malheureusement, les trois lots de graines (après les avoir fait germer dans le sable) en serre chaude au milieu de l'hiver, et la conséquence de ce fait fut que les semis (au nombre de 30 [* erreur : 20 (et non 30)] pour chaque espèce [* contresens : pour chaque sorte ( of each kind)]) étant devenus très-malades, quelques-uns atteignirent seulement la hauteur de quelques pouces et très-peu arrivèrent à leur taille habituelle. Le résultat ne peut dons inspirer une complète confiance, et il serait inutile de donner les mensurations en détail. Afin de déduire une moyenne aussi élevée [* contresens : aussi juste (as fair as)] que possible, j'exclus d'abord toutes les plantes qui avaient moins de 1m,25, rejetant ainsi les pieds les plus malades. Les six autofécondés qui restèrent eurent, en moyenne, 1m,67 de haut ; les huit entre-croisés, 1m,58, et les sept Colchester-croisés, 1m,63 ; de sorte qu'il n'y eut pas une grande différence entre les trois séries, les plants autofécondés, seulement, ayant un léger avantage. La différence ne fut pas plus grande lorsque les plants ayant moins de 0m,90 de haut furent exclus ; elle ne le fut pas davantage lorsque tous les plants, du reste très-rabougris et malades [* contresens : quelque rabougris et malades soient-ils (however much dwarfed and unhealthy)], furent inclus. Dans ce dernier cas, les Colchester-croisés donnèrent la moyenne la plus faible de toutes, et si ces plants avaient eu une supériorité marquée sur les deux autres lots, comme je l'espérais après mes premières expériences, je ne puis pas penser que quelques

52 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS. CHAP. II

traces [* contresens : je ne puis que penser que quelque trace (I cannot but think that some vestige)] de cette supériorité eussent été évidentes dans [* contresens : malgré ( notwithstanding)] les conditions maladives du plus grand nombre des plants. Aucun avantage, autant que nous pouvons en juger, ne fut donc tiré de l'entre-croisement de deux des petits-fils de Héros, pas plus que du croisement de deux de ses fils. Il en résulte que Héros et sa descendance ont varié dans le [* contresens : par rapport au] type commun, non pas seulement en acquérant une plus grande puissance de végétation et une fertilité accentuée, lorsqu'ils ont été soumis à l'autofécondation, mais encore en ne tirant aucun profit d'un croisement avec un pied distinct, et ce dernier fait, s'il est digne de confiance, constitue un cas unique dans toutes mes expériences, aussi loin que j'aie observé.

Résumé de la croissance, de la vigueur et de la fertilité des générations successives de plants croisés et autofécondés d'Ipomœa purpurea, joint à quelques observations diverses.

Dans le tableau suivant (n° XVII), nous voyons les moyennes en hauteur des dix générations successives de plantes entre-croisées et autofécondées placées en regard les unes des autres, et, dans la dernière colonne de droite, nous avons les proportions des unes aux autres, les hauteurs des plantes entre-croisées étant exprimées par le chiffre 100. Dans la dernière ligne, la hauteur moyenne les 73 plantes entre-croisées est de 2m,14, et celle des 73 plants autofécondés de 1m,65, ou comme 100 est à 77.

La hauteur moyenne des plants autofécondés dans chacune des dix générations est aussi mise en évidence dans le diagramme ci-joint, celle des plantes entre-croisées étant indiquée par 100 ; à droite, nous voyons les hauteurs relatives des 73 plantes entre-croisées et des 73 autofécondées. La différence en hauteur entre les plantes autofécondées et croisées sera peut-être mieux appréciée par une comparaison : si, dans une contrée, tous les hommes avaient en moyenne 1m,83, et qu'il s'y trouvât quelques familles longuement et intimement entre-croisées, les membres en seraient presque nains si leur taille moyenne était pendant dix générations seulement de lm,425 [*].

[*] Ce conditionnel est une erreur, ainsi que l'attribution du "seulement" ; la traduction exacte est : « les membres en seraient presque nains, avec une taille moyenne pendant dix générations de seulement lm,425. »]

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 53

TABLEAU XVII. — Ipomœa purpurea.

Résumé des mensurations des dix générations.

Nombre des générations

Nombre des plants croisés

Hauteur moyenne des plants croisés

Nombre des plants auto-fécondés

Hauteur moyenne des plants auto-fécondés

Proportions entre les hauteurs moyennes des plants croisés et autofécondés

1regénération...

(Tableau I.)

6

2m,05

6

1m,64

comme 100 est à 76

2egénération...

(Tableau II.)

6

2,10

6

1,66

— 100 — 79

3egénération...

(Tableau III.)

6

1,93

6

1,32

— 100 — 68

4egénération...

(Tableau V.)

7

1,74

7

1,50

— 100 — 86

5egénération...

(Tableau VI.)

6

2,06

6

1,56

— 100 — 75

6egénération...

(Tableau VII.)

6

2,18

6

1,58

— 100 — 72

7egénération...

(Tableau VIII.)

9

2,09

9

1,70

— 100 — 81

8egénération...

(Tableau IX.)

8

2,83

8

2,41

— 100 — 85

9egénération...

(Tableau X.)

14

2,03

14

1,60

— 100 — 79

10egénération...

(Tableau XI.)

5

2,34

5

1,26

— 100 — 54

Toutes les générations

ensemble......

73

2,14

73

1,65

— 100 — 77

On remarquera surtout que la différence moyenne entre les plantes croisées et autofécondées [* contresens : et les autofécondées] n'est pas due à ce qu'un petit nombre des premières a atteint une hauteur extraordinaire, ou à ce que quelques-unes des autofécondées sont restées très-petites, mais bien à ce que tous les plants

croisés ont surpassé leurs adversaires autofécondés, sauf les quelques exceptions suivantes. La première se présenta à la sixième génération. dans laquelle la plante nommée

54 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS. CHAP. II

« Héros » apparut ; deux se firent jour dans la huitième génération, où les plantes autofécondées furent dans des conditions anormales, en ce qu'elles grandirent tout d'abord d'une manière inaccoutumée et l'emportèrent pendant un certain temps sur leurs antagonistes croisées ; enfin, deux exceptions se produisirent dans la neuvième génération, quoique une de ces plantes seulement atteignit son oppo-

Diagramme indiquant les hauteurs moyennes de plantes croisées et autofécondées de l'Ipomœa purpurea dans les dix générations ; la hauteur moyenne des plants croisés est indiquée par le chiffre 100. A droite est portée la hauteur moyenne des plants croisés et autofécondés dans toutes les générations prises ensemble.

sant croisé. Donc, sur les 73 plantes croisées, 68 atteignirent une plus grande hauteur que les plantes autofécondées auxquelles elles furent opposées.

Dans les chiffres de la colonne de droite, la différence en hauteur entre les plantes croisées et autofécondées paraît varier plus qu'on aurait pu s'y attendre [* contresens : on voit la différence en hauteur entre les plantes croisées et autofécondées dans les générations successives varier grandement, ainsi qu'on pouvait s'y attendre], en tenant compte de ce que le petit nombre de plantes mesurées dans

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 55

chaque génération a été insuffisant pour donner une bonne moyenne. Il faut se rappeler que la hauteur absolue des plantes n'a aucune signification, puisque chaque paire fut mesurée aussitôt que l'une des plantes eut atteint dans ses spirales le sommet de sa baguette. La grande différence (établie par la proportion de 100 à 54) qui existe dans la dixième génération doit être, sans aucun doute, attribuée en partie à un accident, quoique ces plantes par leur poids offrissent une différence plus grande encore (marquée par la proportion de 100 à 44). La plus petite somme de différence se présenta dans la quatrième et la huitième génération, et ce résultat fut dû apparemment à ce que cumulativement les plantes autofécondées et croisées devinrent malades, ce qui empêcha les dernières [* contresens : les premières] d'atteindre leur degré habituel de supériorité. Ce fut là une circonstance malheureuse, mais cependant mes expériences n'en furent point viciées, parce que les deux lots de plantes restèrent exposés aux mêmes conditions, soit favorables, soit défavorables.

Il y a des raisons pour croire que les fleurs de cet Ipomœa, lorsqu'il végète en pleine terre, sont habituellement croisées par les insectes ; aussi les premiers semis que j'obtins de graines achetées furent-ils probablement la descendance d'un croisement. Je suppose qu'il en est ainsi : 1° parce que les bourdons visitent fréquemment ces fleurs et laissent une grande quantité de pollen sur leurs stigmates ; 2° parce que les plantes obtenues du même lot de graines variaient [* varient] considérablement dans la couleur de leurs fleurs ; or, nous verrons plus tard que c'est là un indice d'entre-croisements nombreux 1 . Il est donc remarquable de voir que des plants

1 Verlot dit (Sur la Production des Variétés, 1865, p. 66) que certaines variétés d'une plante très-rapprochée, le Convolvulus tricolor, ne peuvent être conservées pures, quoique végétant [*contresens : à moins de pousser] à distance de toutes les autres variétés.

56 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS. CHAP. II

obtenus par moi de fleurs qui furent, selon toute probabilité, autofécondées pour la première fois après plusieurs générations de croisements, aient été inférieurs comme hauteur aux plantes entre-croisées, jusqu'au point d'arriver, par exemple, à la proportion de 76 à 100. Comme les plantes qui furent autofécondées dans chaque génération successive devinrent nécessairement plus intimement rapprochées dans les dernières que dans les premières générations, on aurait dû [* contresens : pu (et non "dû")] s'attendre à ce que la différence en hauteur entre elles et les plantes croisées eût été sans cesse progressive ; mais c'est là si peu le cas, que la différence entre les deux séries de plantes dans les septième, huitième et neuvième générations prises ensemble est moindre que dans la première et la deuxième génération totalisées. Lorsque, du reste [* contresens : cependant], on se rappelle que les plantes autofécondées et croisées descendent toutes de la même génératrice, que beaucoup de plantes croisées dans chaque génération furent atteintes de parenté souvent très-rapprochée, et qu'elles furent exposées toutes aux mêmes conditions, ce qui, comme nous le verrons plus tard, est une circonstance très-importante, on n'est pas surpris de voir que la différence entre elles ait été en diminuant dans les dernières générations. S'il est un fait étonnant, c'est, au contraire, que les plantes croisées aient été victorieuses des plantes autofécondées, même à un faible degré, dans les dernières générations.

La vigueur constitutionnelle, plus accentuée dans les plantes croisées que dans les autofécondées, fut prouvée en cinq occasions par des moyens variés, savoir : en les exposant pendant leur jeunesse à des froids sensibles ou à des changements soudains de température, ou encore en les élevant dans des conditions très-défavorables en compétition avec des plantes d'autres espèces complètement développées. Au point de vue de la productivité des plantes croisées et autofécondées dans les générations successives,

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 57

mes observations malheureusement ne furent pas faites sur un plan uniforme, à cause, d'une part, du manque de temps, et de l'autre de ce que, dans le principe [* contresens : au départ], je me proposais de n'observer qu'une seule génération. Un résumé des résultats obtenus sur ce point est donné ici sous forme de tableau, la fertilité des plantes croisées étant indiquée par 100.

Première génération des plantes croisées et autofécondées végétant en compétition avec une autre [* contresens : les unes avec les autres].— 65 capsules provenant des fleurs de cinq plantes croisées fécondées par le pollen d'une plante distincte, et 55 capsules provenant des fleurs de cinq plantes autofécondées, imprégnées par leur propre pollen, contenaient des graines dans la proportion de.............................................

100 à 93

56 capsules spontanément autofécondées des cinq plantes croisées ci-dessus, et 25 capsules spontanément autofécondées des plantes [* oubli : autofécondées] ci-dessus, donnèrent des graines dans la proportion de......................................................................

100 à 99

En combinant le nombre total des capsules produites par ces plantes et le nombre moyen des graines dans chacune d'elles, les plantes croisées et autofécondées * erreur : et les autofécondées]ci-dessus donnèrent des graines dans la proportion de......................................................................

100 à 64

D'autres plantes de cette première génération, végétant dans des conditions défavorables et spontanément autofécondées, mûrirent des graines dans la proportion de........................................................................................................................................

100 à 45

Troisièmegénération des plantes croisées et autofécondées. — Des capsules croisées comparées aux autofécondées contenaient des graines dans la proportion de........................................................................................................................................

100 à 94

Un égal nombre de plantes croisées et autofécondées, toutes spontanément autofécondées, produisit des capsules dans la proportion de.............................................

100 à 38

Et les [* ces] capsules contenaient des graines dans la proportion de...........................

100 à 94

En combinant ces données, la productivité des plantes croisées était à celle des plantes autofécondées (les unes et les autres étant spontanément autofécondées) comme................................................................................................................................

100 à 35

58 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS.  CHAP. II

Quatrièmegénération des plantes croisées et autofécondées. — Des capsules provenant de fleurs appartenant à des plants [* oubli : croisés] fécondés par le pollen d'une autre plante, et des capsules provenant de fleurs appartenant à des plantes autofécondées imprégnées par leur propre pollen, contenaient des graines dans la proportion de.......................................................................................................................

100 à 94

Cinquièmegénération des plantes croisées et autofécondées. — Les plantes croisées produisirent spontanément un [* oubli : beaucoup] plus grand nombre de fruits (ils ne furent pas comptés) que les autofécondées, et celles-ci contenaient des graines dans la proportion de.......................................................................................................................

100 à 89

Neuvièmegénération des plantes croisées et autofécondées. — Quatorze plantes croisées spontanément autofécondées et quatorze autofécondées spontanément imprégnées par leur propre pollen, donnèrent des capsules (le nombre moyen de graines par capsule n'ayant pas été constaté) dans la proportion de...................................

100 à 26

Plantes dérivées d'un croisement avec un pied nouveau, comparées au plantes entre-croisées. — La descendance des plantes entre-croisées de la neuvième génération, croisées par un pied nouveau, étant comparée avec celle des plantes [* contresens : comparée avec les plantes] de la même souche entre-croisées pendant dix générations (ces deux séries de plantes laissées à découvert furent fécondées naturellement), produisit des capsules dont le poids fut comme........................................

100 à 51

Nous voyons par ce tableau que les plantes croisées sont toujours, à un certain degré, plus productives que les autofécondées, de quelque manière qu'on les compare. Ce degré diffère beaucoup, mais cela tient surtout à ce que la moyenne fut prise tantôt sur les graines seules, tantôt sur les capsules seules, tantôt enfin sur les unes et les autres ensemble. La supériorité relative des plantes croisées est principalement due à ce qu'elles produisent un plus grand nombre de capsules, et pas du tout [* contresens : et non (c'est-à-dire que cette supériorité des croisés est peut-être en petite partie due...)] à ce que chaque capsule renferme un plus grand nombre moyen de semences. Par exemple, dans la troisième génération, les plantes croi-

CHAP. II   IPOMŒA PURPUREA. 59

sées et autofécondées produisirent des capsules dans la proportion de 100 à 38, tandis que les semences dans les capsules des plantes croisées furent à celles des plantes autofécondées, seulement comme 100 est à 94. Dans la huitième génération, les capsules de deux plantes autofécondées (elles ne sont pas renfermées dans le tableau ci-dessus), qui végétèrent dans des pots séparés et restèrent ainsi en dehors de toute compétition, donnèrent la forte moyenne de 5.1 graines. Le nombre plus-petit de capsules produit par les plantes autofécondées doit être attribué en partie, mais non pas complètement, à la diminution de leur taille, et ce fait est dû surtout à un appauvrissement de leur vigueur constitutionnelle qui ne peur permit point d'entrer en concurrence avec les plantes croisées végétant dans le même pot [* erreur : dans les mêmes pots]. Les semences produites par les fleurs croisées des plantes croisées ne furent pas toujours plus lourdes que les graines autofécondées portées par des pieds autofécondés. Les semences les plus légères, qu'elles provinssent des fleurs croisées ou autofécondées, germèrent généralement avant les plus lourdes. Je dois ajouter que les plantes croisées, à peu d'exceptions près, fleurirent avant leurs adversaires autofécondées, comme cela pouvait être préjugé d'après leur vigueur plus accentuée et leur taille plus élevée.

L'affaiblissent de la fertilité des plantes autofécondées se trouvait encore démontrée [* typo : démontré] d'une autre manière ; je veux dire, par ceci, que leurs anthères étaient plus petites que celles des fleurs appartenant aux plantes croisées. Ce fait fut observé pour la première fois dans la septième génération, mais il dut s'être présenté plus tôt. Plusieurs anthères des fleurs appartenant aux plantes croisées et autofécondées de la huitième génération purent être comparées sous le microscope : nt celles des premières furent généralement plus longues et nettement plus larges que celles des plantes autofécondées. La quantité de pollen contenue dans une de

60 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS.  CHAP. II

ces dernières fut, autant qu'il est permis d'en juger à simple vue, d'environ moitié moindre que celle renfermée dans une anthère d'un plant croisé. L'altération de la fécondité dans les plantes autofécondées de la huitième génération fut encore mise en évidence par cet autre fait, qui est fréquent chez les hybrides : la stérilité des premières fleurs formées. Ainsi, par exemple, les quinze premières fleurs d'un plant autofécondé, appartenant à l'une des dernières générations, furent fécondées avec soin par leur propre pollen, et huit d'entre elles tombèrent ; dans le même temps, quinze fleurs d'une plante croisée végétant dans le même pot furent autofécondées, et une seule tomba. Dans deux autres plantes croisées de la même génération, plusieurs d'entre les premières fleurs se fécondèrent elles-mêmes et produisirent des capsules. Dans les plantes de la neuvième génération, et de quelques générations antérieures je pense, un grand nombre de fleurs, comme je l'ai déjà établi, furent légèrement monstrueuses, et ce fait était probablement en connexion avec la diminution de la fécondité dans les mêmes fleurs.

Toutes les plantes autofécondées de la septième génération, et de quelques générations antérieures je pense, produisirent des fleurs de la même teinte : d'un riche pourpre sombre. Il en fut de même, sans exception, dans les plantes des trois générations suivantes autofécondées (beaucoup d'entre elles furent obtenues dans le courant d'autres expériences en cours d'exécution, qui ne sont pas rapportées ici). Mon attention fut appelée pour la première fois sur ce fait par mon jardinier : il remarqua qu'il n'était pas nécessaire d'étiqueter les plants autofécondés, puisqu'ils pouvaient toujours être reconnus par leur couleur. Les fleurs eurent une teinte aussi uniforme que celles d'une espèce sauvage végétant à l'état naturel, mais la même teinte se présenta-t-elle, comme c'est probable, dès les premières générations ? Voilà ce que mon jardinier ne put

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pas se rappeler. Aussi bien que celles des premières générations, les fleurs des plantes qui furent obtenues tout d'abord des semences achetées varièrent considérablement en intensité dans leur couleur pourpre ; beaucoup d'entre elles furent plus ou moins roses et, accidentellement, il apparut une variété blanche. Jusqu'à la dixième génération, les plantes croisées continuèrent à varier de la même manière, mais à un beaucoup plus faible degré, ce qui tient probablement à ce que leur parenté devint plus ou moins rapprochée. Nous devons donc attribuer l'uniformité extraordinaire de la couleur dans les fleurs de la septième génération et des suivantes, à l'influence d'une hérédité qui ne fut pas troublée par des croisements durant de nombreuses générations précédentes, et qui vint s'ajouter à des conditions vitales très-uniformes.

Une plante apparut dans la sixième génération [* oubli : autofécondée], qui reçut le nom de Héros : elle dépassa légèrement en hauteur son antagoniste croisé et transmit sa puissance de végétation aussi bien que son accroissement en autofécondité à ses fils et à ses petits-fils. Un croisement entre les fils de Héros ne donna aux petits-fils qui en provinrent, aucun avantage sur les petits-fils autofécondés issus des fils autofécondés ; et si mes observations faites sur des sujets malades peuvent inspirer quelque confiance, j'ajoute que les arrière-petits-fils obtenus d'un croisement entre les petits-fils ne furent doués d'aucune supériorité comparativement aux semis de petits-fils produits par l'autofécondation continuée. Bien plus, et ce fait est très-remarquable, les arrière-petits-fils résultant d'un croisement entre les petits-fils et un pied nouveau, ne présentèrent aucun avantage sur les petits-fils entre-croisés ou autofécondés. Il résulte de ces faits que Héros et sa descendance furent doués d'une constitution extraordinairement différente de celle des autres plantes de la même espèce.

Bien que les plantes obtenues, pendant dix générations

62 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS. CHAP. II

successives, de croisements entre plants distincts quoique parents, surpassassent presque invariablement en hauteur, en valeur constitutionnelle et en fécondité, leurs adversaires

autofécondées, il a été prouvé que les semis provenant de fleurs entre-croisées sur la même plante ne sont en aucune façon supérieurs, mais tout au contraire, quelque peu inférieurs en hauteur et en poids au semis provenant de fleurs impressionnées par leur propre pollen. C'est là un fait remarquable, qui semble indiquer que l'autofécondation est en quelque façon plus avantageuse que le croisement, quoique le croisement apporte avec lui, comme c'est généralement le cas, quelque avantage marqué et prépondérant ; mais je reviendrai sur ce sujet dans un prochain chapitre.

Les bénéfices qui résultent si généralement d'un croisement entre deux plantes, dépendent évidemment de ce que les deux sujets diffèrent quelque peu comme constitution ou comme caractère. Ce fait est mis en lumière par les semis de plantes entre-croisées de la neuvième génération, qui, après croisement avec le pollen d'un rameau nouveau, furent aussi supérieurs en hauteur et presque aussi supérieurs en fécondité aux autres plantes entre-croisées de nouveau, que ces dernières le furent aux plants autofécondés de la génération correspondante. Ainsi se dégage pour nous ce point important, que le simple acte de croisement entre deux plantes qui, quoique distinctes, sont affectées d'un certain degré de parenté et ont été longtemps soumises à des conditions à peu près semblables, ne produit pas des effets avantageux si on les compare à ceux qui résultent d'un croisement entre plants appartenant à deux branches ou familles distinctes ayant été assujetties à des conditions quelque peu différentes. Nous pouvons attribuer le bien qui découle du croisement des plantes entre-croisées pendant dix générations successives, à la légère différence qui subsiste encore entre elles comme constitution ou comme

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caractère, ce qui est prouvé par ce fait que les fleurs varièrent légèrement comme couleur ; mais, les nombreuses conclusions qui peuvent être tirées de mes expériences sur l'Ipomœa seront examinées plus à fond dans les derniers chapitres, après que j'aurai fait connaître toutes mes autres observations.

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CHAPITRE III.

Scrophularinées, Gesnériacées, Labiées, etc.

Mimulus luteus, hauteur, vigueur, et fécondité des plants croisés et autofécondés de la première génération [* erreur : des quatre premières générations]. — Apparition d'une nouvelles variété grande et très-fertile [* erreur : très auto-fertile]. — Descendance résultant d'un croisement entre des plants autofécondés. — Effets du croisement avec un rameau nouveau. — Effets du croisement entre fleurs de la même plante. — Résumé des observations faites sur le Mimulus luteus. — Digitalis purpurea, supériorité des plants croisés. — Effets du croisement des fleurs du même plant. — Calceolaria. — Linaria vulgaris. — Verbascum thapsus. — Vandellia nummularifolia.— Fleurs cléistogènes. — Gesneria pendulina. — Salvia coccinea. — Origanum vulgare, grand développement des plants croisés par les stolons. — Thunbergia alata.

Dans la famille des Scrophularinées. j'ai expérimenté sur des espèces appartenant aux six genres suivants : Mimulus, Digitalis, Calceolaria, Linaria, Verbascum et Vandellia.

II. SCROPHULARINÉES. — MIMULUS LUTEUS.

Les plants que j'obtins de graines achetées varièrent considérablement dans la couleur de leurs fleurs, si bien que deux individus furent difficilement tout à fait semblables, la corolle ayant présenté toutes les nuances du jaune avec des taches très-différentes : pourpre, cramoisi, orange et brun cuivreux. Ces plantes ne différèrent, du reste [* contresens : cependant], à aucun autre point de vue 1 . Les fleurs sont évidemment bien adaptées pour la fécondation par les insectes. Dans le cas d'une espèce très-proche

1 J'adressai différents spécimens portant des fleurs diversement colorées à Kew, et le docteur Hooker m'informe que tous appartiennent au Mimulus luteus. Les fleurs très-fortement teintées de rouge ont été nommées par les horticulteurs, variété Youngiana.

CHAP. III PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 65

parente, Mimulus roseus 1 , j'ai observé l'entrée des abeilles dans ces fleurs et elles avaient leur dos saupoudré de pollen : quand elles pénétraient dans une autre fleur, ce pollen était léché sur leur corps par les deux lèvres du stigmate, qui sont irritables et se ferment comme une pince en enserrant les grains polliniques. Si le pollen n'est pas enfermé entre les lèvres stigmatiques, celles-ci s'ouvrent à nouveau après un certain temps. M. Kitchener [* erreur : il s'agit de Frances Anna Kitchener, et non de son mari Mr Kitchener] a ingénieusement expliqué 2 l'utilité de ces mouvements, surtout pour prévenir l'autofécondation. Si une abeille dont le dos ne porte pas de pollen entre dans la fleur, elle touche le stigmate qui se ferme immédiatement, et lorsqu'elle se retire couverte de pollen elle ne peut en laisser un seul grain sur le stigmate de la même fleur. Mais aussitôt qu'elle pénètre dans une autre, une grande quantité de poudre fécondante est laissée sur le stigmate, qui se trouve ainsi fécondé par croisement. Néanmoins, si les insectes sont éloignés, les fleurs se fécondent elles-mêmes parfaitement et produisent beaucoup de graines. Mais je ne pus pas m'assurer si ce résultat est obtenu par l'accroissement en longueur des étamines à mesure qu'elles avancent en âge, ou par une incurvation du pistil vers les anthères 3 . Le principal intérêt que présentent mes expériences sur l'espèce actuelle se trouve dans l'apparence qu'offrit, à la quatrième génération autofécondée, une variété plus élevée que toutes les autres et présentant des fleurs d'une

1 Le Mimulus roseus. Doug. et non rosea comme c'est indiqué, par suite de faute d'impression sans doute, dans le texte anglais (In Bot. Reg., t. 159 [* erreur : il s'agit de Edward's Botanical register, vol. 19, 1838, planche 1591]. — Bot. Mag., t. 3353 [* erreur : il s'agit du Botanical Magazine, 1834, planche 3353]. — Bot. Cab., t. 1976 [* erreur : Botanical Cabinet, vol. 20, planche 1976]. — Brit. fl. gard. n. ser., t. 210 [* erreur : il s'agit du British flower garden, seconde série, vol. 3, 1835, planche 210]), n'est autre que le M. Lewisii Pursch. (Prod. D. C., pars X [* précision : de Candolle, Prodromus..., vol. 10], p. 370). (Traducteur.)

2 A Year's Botany (Annales de Botanique), 1874, p. 118.

3 Ayant eu l'occasion d'observer ce qui se passe dans les organes reproducteurs du Mimulus luteus, dont j'ai étudié le mouvement stigmatique dans mon travail sur le Mouvement végétal dans les organes reproducteurs des Phanérogames, il m'est permis de répondre à la question laissée non résolue par M. Darwin. Les fleurs du Mimulus luteus, comme celles du Cornaret et du Catalpa syringifolia, sont protérandres au plus haut degré ; mais dans les genres Bignonia et Tecoma (quoi qu'en dise H. Müller, d'après Delpino, dans son Befrunchtung, p. 306), le contraire a lieu, ainsi que je l'ai dit dans mon travail (loc. cit., p. 77). Dans ces deux genres, le stigmate est mûr et possède ses deux lèvres étalées horizontalement et irritables, bien avant que la fleur soit épanouie ; les étamines, au contraire, ne sont mûres que bien après l'anthèse. Cet état favorise singulièrement la fécondation croisée, on le comprend sans peine, car ces fleurs étant visitées par les insectes dès qu'elles sont entr'ouvertes, peuvent être ainsi fécondées de suite par le pollen des fleurs déjà épanouies depuis longtemps. Je n'ai jamais remarqué un mouvement quel qu'il soit du style vers les anthères, ni de ces dernières vers l'organe femelle, si ce n'est celui qui résulte de l'accroissement. (Traducteur.)

66 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

coloration particulière ; elle fut également douée d'une autofécondité plus marquée : aussi cette variété rappelle-t-elle la plante nommée Héros, qui apparut à la sixième génération autofécondée de l'Ipomœa.

Quelques fleurs portées par un des plants obtenus des graines achetées furent fécondées avec leur propre pollen, et d'autres de la même plante furent croisées avec le pollen d'une plante distincte. Les semences des onze capsules ainsi obtenues furent mises dans des verres de montre séparément, pour y être comparées. Celles des six capsules croisées parurent, au simple coup d'œil, à peine plus nombreuses que celles des six capsules autofécondées. Mais leur poids ayant été pris, celles des capsules croisées donnèrent un total de 1,02 grains (0gr,061), tandis que celles des capsules autofécondées atteignirent seulement 0,81 grains (0gr,046), de façon que les premières furent non seulement plus lourdes, mais plus nombreuses [* contresens : soit plus lourdes, soit plus nombreuses (either heavier or more numerous)] que les dernières, dans la proportion de 100 à 79.

Plantes croisées et autofécondées de la première génération. — M'étant assuré, en laissant dans du sable humide des semences croisées et autofécondées, qu'elles germent simultanément, je semai dru les deux espèces [* contresens : les deux sortes] de graines dans des points opposés d'une terrine large et peu profonde, de sorte que les deux séries de semis qui en provinrent dans le même temps fussent soumises aux mêmes conditions défavorables. C'était là une mauvaise façon d'opérer, mais cette espèce fut une des premières sur lesquelles j'expérimentai. Lorsque les pieds croisés eurent en moyenne 0m,125 de haut, les autofécondés ne comptaient que 0m,0062. Lorsqu'ils eurent acquis tout leur développement au milieu des conditions défavorables qui les entouraient, les quatre plus grands pieds croisés donnèrent une moyenne de 0m,19 en hauteur, et les quatre plus grands parmi les autofécondés 0m,14. Dix fleurs des pieds entre-croisés furent complètement épanouies avant qu'une seule, dans les plants autofécondés, eût atteint le même point. Quelques-unes des plantes des deux lots furent transplantées dans un large pot rempli de bonne terre, et les plants autofécondés n'étant plus assujettis à une compétition sévère, devinrent pendant l'année suivante aussi grands que les plants croisés ; mais, d'après le cas qui suit, il est douteux qu'ils eussent continués à être égaux. Quelques-unes des plantes croisées furent fécondées avec le pollen d'une autre plante, et les capsules ainsi produites continrent un poids plus considérable de graines que celles des plants autofécondés impressionnés de nouveau par leur propre pollen.

Plantes croisées et autofécondées de la deuxième génération. — Les semences des plants précédents fécondés comme

CHAP. III PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 67

nous venons de le dire, furent semées dans des points opposés d'un petit pot (n° I) et levèrent en masse. Au moment de la floraison, les quatre plus grands semis croisés atteignirent en moyenne la hauteur de 0m,20, pendant que les quatre plus grands pieds autofécondés arrivaient seulement à 0m,10. Les graines croisées se semèrent d'elles-mêmes [* contresens : furent semées seules (were sown by themselves)] dans un second petit pot, et les autofécondées firent [* contresens :le furent] de même dans un troisième vase de petite taille, de sorte qu'il n'y eut aucune compétition entre ces deux lots. Cependant les plants croisés eurent en hauteur une supériorité moyenne de 0m,025 à 0m,050 sur les autofécondés. Dans le pot numéro I, où les deux lots étaient en compétition l'un avec l'autre, les plants croisés fleurirent d'abord et produisirent un nombre considérable de capsules, tandis que les autofécondés en donnèrent seulement 19. Le contenu de onze capsules, parmi les fleurs croisées des plantes croisées et de onze capsules provenant de fleurs autofécondées appartenant aux plants autofécondés, fut placé dans des verres de montre distincts, pour y être comparé ; les semences croisées parurent de moitié plus nombreuses que les autofécondées.

Les plantes des deux côtés du pot numéro I, après fructification, furent arrachées et transplantées dans un grand vase contenant une grande quantité de bonne terre, et au printemps suivant, lorsqu'elles eurent atteint environ 0m,125 à 0m,150, les deux lots furent égaux, comme cela s'était présenté dans une expérience semblable faite sur la dernière génération. Quelques semaines après, les plants croisés l'emportèrent sur les autofécondés placés dans un point opposé du même pot, mais à un degré qui n'était pas, à beaucoup près, aussi élevé que lorsque ces plantes furent assujetties, comme antérieurement, à une compétition très-rigoureuse.

Plantes croisées et autofécondées de la troisième génération. — Les semences croisées et les semences autofécondées provenant des plantes croisées et des plantes autofécondées de la dernière génération, furent semées épais dans les deux côtés opposés d'un petit vase (numéro I). Les deux plus grands pieds de chaque côté furent mesurés après floraison : les deux croisés donnèrent 0m,30 et 0m,187, les deux autofécondés 0m,20 et 0m,137 ; ils furent donc en hauteur dans la proportion de 100 à 69. On croisa à nouveau vingt fleurs des plantes croisées et elle produisirent 20 capsules ; dix d'entre elles contenaient des graines pesant 1,33 grains (0gr,079). Trente fleurs des plants autofécondés furent imprégnées de nouveau par leur propre pollen et produisirent 26 capsules, dont dix des plus belles (beaucoup d'entre elles étaient très-pauvres) contenaient seulement 0,87 grain (0gr,052) de graines. Ces semences furent donc comme poids dans la proportion de 100 à 65.

68 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

La supériorité des plants autofécondés fut mise en évidence de différentes manières. Des graines autofécondées ayant été semées dans une certaine partie d'un vase, deux jours après des semences croisées furent placées dans un point opposé. Les deux lots de semis restèrent égaux jusqu'à ce qu'ils eussent atteint environ 0m,012 de haut, mais, après complet développement, les deux plus grandes plantes croisées atteignirent les hauteurs de 0m,312 et 0m,218, tandis que les deux plus grandes autofécondées n'en eurent que 0m,20 et 0m,137.

Dans un troisième pot, des semences croisées furent semées quatre jours après les autofécondées : les semis provenant de ces dernières eurent tout d'abord, comme on pouvait s'y attendre, un avantage marqué ; mais lorsque les deux lots eurent atteint 0m,125 à 0m,150 de haut, il y eut égalité, et enfin les trois plus grands pieds croisés atteignirent 0m,275, 0m,25 et 0m,20, tandis que les trois plus grands autofécondés en mesuraient seulement [* erreur : Darwin ne dit pas "seulement", qui est en trop (car le plus grand des autofécondés est plus grand que le plus grand des croisés)] 0m,30, 0m,212 et et 0m,187. De façon qu'il n'y eut pas beaucoup de différence, les plants croisés ayant un avantage de seulement 0m,008. Les plants furent arrachés, et, quoique troublés dans leur végétation, furent transplantés dans un grand vase. Les deux lots partirent bien au printemps suivant et les plantes croisées montrèrent encore leur supériorité naturelle, car les deux plus grandes croisées eurent 0m,325, tandis que les deux plus grandes autofécondées mesurèrent seulement 0m,275 et 0m,212 en hauteur, c'est-à-dire comme 100 est à 75. Les deux lots furent disposés pour se féconder naturellement eux-mêmes, et les plantes croisées produisirent un grand nombre de capsules, tandis que les autofécondées en donnèrent très-peu et de fort pauvres. Les semences des huit capsules croisées pesèrent 0,65 grain (0gr,039), tandis que celles des huit capsules autofécondées eurent un poids de 0,22 grain (0gr,014), ou comme 100 est à 34.

Les plantes croisées des trois pots ci-dessus, comme cela se produisit du reste dans les expériences antérieures, fleurirent avant les autofécondées. Le même fait se présenta dans le troisième pot, où les graines croisées avaient été semées quatre jours après les autofécondées.

Enfin des graines des deux pots furent semées en des points opposés d'un grand vase, dans lequel un fuchsia avait longtemps végété et dont la terre était, par conséquent, pleine de racines. Les deux pots grandirent misérablement, mais les semis croisés eurent constamment un avantage pour atteindre enfin à la hauteur de 0m,087, tandis que les semis autofécondés ne dépassèrent pas 0m,025. Les nombreuses expériences précédentes prouvent d'une manière décisive la supériorité comme vigueur constitutionnelle des plantes croisées sur les autofécondées.

CHAP. III PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 69

Dans les trois générations qui viennent d'être décrites prises ensemble, la hauteur moyenne des dix plus grandes plantes croisées fut de 0m,204 et celle des dix plus grandes plantes autofécondées de 0m,132, ou comme 100 est à 65. Il est à remarquer que ces plantes ont été élevées dans de petits vases.

Dans la quatrième (prochaine [* suivante]) génération autofécondée, ont apparu une plante [* contresens : plusieurs plantes (several plants)] d'une variété grande et nouvelle qui, dans les dernières générations autofécondées, prit une prépondérance absolue (ce qui est dû à sa grande autofécondité) sur les races originelles. La même variété se fit jour aussi parmi les plantes croisées, mais, comme tout d'abord elle ne fut pas examinée avec une attention particulière, je ne saurais dire jusqu'à quel point elle est intervenue [* a été utilisée] dans l'obtention des plantes entre-croisées ; de plus [* contresens : et] elle était rarement présente dans les dernières générations croisées.

A cause de l'apparition de cette grande variété, la comparaison entre les plantes croisées et autofécondées de la sixième [* erreur : cinquième] génération et des suivantes manqua de justesse, et cela, parce que cette variété dominait parmi [* contresens : représentait toutes] les plantes autofécondées et était seulement représentée par quelques-unes des plantes croisées, ou même manquait complètement dans celles-ci. Cependant les résultats des dernières expériences sont, à divers points de vue, très-dignes d'être relatés.

Plantes croisées et autofécondées de la quatrième génération. — Les graines des deux espèces [* contresens : sortes] produites, à la manière ordinaire, par les deux séries de plantes de la troisième génération, furent semées dans deux côtés opposés de deux pots (I et II) ; mais les semis ne furent pas assez éclaircis et végétèrent mal. Beaucoup d'entre les plants autofécondés, spécialement dans un des vases, appartenaient à cette nouvelle et grande variété ci-dessus indiquées et portèrent de grandes fleurs presque blanches marquées de taches cramoisies. Je l'appellerai la variété blanche. Je crois qu'elle apparut à la fois parmi les fleurs des plantes croisées et autofécondées de la dernière génération, mais ni mon jardinier ni moi ne pouvons nous souvenir si une pareille variété se fit remarquer [* contresens : ne pouvons nous souvenir d'une pareille variété (could remember any such variety)] parmi les semis venus des graines achetées. Elle doit donc s'être formée ou par variation ordinaire, ou mieux encore [* plus probablement], si l'on en juge par son apparence au milieu des [* parmi à la fois] plants croisés et autofécondés, par un retour à une variété existant antérieurement.

Dans le pot numéro I, le pied croisé le plus élevé eut 0m,218, et le plus grand autofécondé mesura 0m,125, en hauteur. Dans le pot numéro II, le plant croisé le plus développé avait 0m,162 de haut et le plus grand autofécondé, qui appartenait à la variété blanche, 0m,175 ; c'est là le premier exemple, dans mes expériences sur les Mimulus, d'un plant autofécondé ayant

70 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

distancé un plant croisé. Toutefois les deux plus grands pieds croisés pris ensemble furent en hauteur, aux deux plus grands plants autofécondés, comme 100 est à 80. De plus, les plants croisés furent supérieurs comme fécondité aux autofécondés, car douze fleurs des plantes croisées ayant été croisées à nouveau, mûrirent dix capsules dont les graines pesèrent 1,72 grain (0gr,103), tandis que vingt fleurs des plantes autofécondées ayant été imprégnées de leur propre pollen, produisirent quinze capsules, toutes d'apparence très-pauvre et dont les semences pesèrent 0,68 grain (0gr,041). De cette façon, les graines d''un nombre égal de capsules croisées et autofécondées furent entre elles, par leur poids, comme 100 est à 40.

Plantes croisées et autofécondées de la cinquième génération. — Les graines appartenant aux deux lots de la quatrième génération fécondées à la manière ordinaire, furent semées en des points opposés de trois pots. Lorsque les semis fleurirent, la plupart d'entre les pieds autofécondés se trouvèrent appartenir à la grande variété blanche. Plusieurs des plants croisés, dans le pot numéro I, furent formés par cette variété, mais il n'y en eut qu'un très-petit nombre dans les pots numéros II et III. Le plus grand plant croisé dans le pot numéro I avait 0m,175 et l'autofécondé le plus élevé du côté opposé, 0m,20 ; dans les pots numéros II et III, les plus grands pieds croisés mesurèrent 0m,114 et 0m,137, tandis que les plus grands autofécondés eurent 0m,175 et 0m,163 ; si bien que la hauteur moyenne des plants les plus élevés dans les deux lots fut comme 100 (pour les croisés) est à 126 (pour les autofécondés) : nous avons donc ici absolument l'inverse de ce qui s'est produit dans les quatre premières générations. Néanmoins, dans tous les trois pots, les plants croisés conservèrent leur habitude de fleurir avant les autofécondés. Les plantes ayant été rendues souffrantes, par leur entassement autant que par l'extrême chaleur de la saison, elles furent toutes plus ou moins stériles, et cependant les pieds croisés le furent en quelque façon moins que les autofécondés.

Plantes croisées et autofécondées de la sixième génération. — Les semences des plantes de la cinquième génération croisées et autofécondées à la manière ordinaire, furent semées dans des points opposés de plusieurs pots. Du côté des autofécondées, il n'y eut jamais qu'une seule plante appartenant à la grande variété blanche ; du côté des plantes croisées, on en compta quelques-unes de cette variété, mais le plus grand nombre se rapprocha de l'ancienne et petite espèce portant de petites fleurs jaunes tachées de brun cuivreux. Lorsque les plantes des deux côtés atteignirent 0m,050 à 0m,075 en hauteur, elles étaient égales ; mais après complet développement,

CHAP. III PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 71

les autofécondées furent décidément les plus grandes et les plus belles ; par manque de temps, on ne put pas alors les mesurer. Dans la moitié des pots, la première fleur apparut sur une plante autofécondée, et, dans l'autre moitié, la priorité fut aux croisées. Dès ce moment, un autre remarquable changement était clairement perçu, à savoir, que les plantes autofécondées devenaient plus fécondes par elles-mêmes [* more self-fertile, plus autofécondes] que les croisées. Tous les pots furent placés sous une gaze, en vue d'écarter les insectes, et les plantes croisées produisirent spontanément 55 capsules seulement, tandis que les autofécondées en donnèrent 81, ou comme 100 est à 147. Les graines de neuf capsules prises dans chaque lot furent placées séparément dans des verres de montre pour y être comparées, et les autofécondées parurent bien plus nombreuses. Outre ces capsules spontanément autofécondées, vingt fleurs des plantes croisées furent croisées de nouveau et donnèrent 16 capsules, et vingt-cinq fleurs des plantes autofécondées, fécondées à nouveau par leur propre pollen, mûrirent 17 capsules : c'est là un nombre proportionnel de capsules plus grand que celui qui fut produit par les fleurs autofécondées des plantes autofécondées, dans les générations antérieures. Les contenu de 10 capsules de ces deux lots fut comparé dans des verres de montre séparés, et les semences des plantes autofécondées parurent positivement plus nombreuses que celles des croisées.

Plantes croisées et autofécondées de la septième génération. — Les graines croisées et autofécondées des plantes croisées et autofécondées de la sixième génération furent semées à la manière ordinaire en des points opposés de trois pots, et les semis furent très-également éclaircis. Dans cette génération aussi bien que dans les huitième et neuvième, chacun des plants autofécondés (et ils furent obtenus en grand nombre) appartenait à la grande variété blanche. Leur uniformité de caractère, en comparaison de celle des semis obtenus des semences achetées, fut tout à fait remarquable. D'un autre côté, les plants croisés différèrent beaucoup comme teinte de fleurs, mais cependant à un degré moindre je pense, que ceux qui furent obtenus les premiers [* que les premiers semis (ceux obtenus avec les graines achetées)]. Je résolus cette fois de mesurer avec grand soin les plants des deux provenances [* contresens : des deux côtés (des pots)]. Les autofécondés levèrent plus tôt que leurs antagonistes, mais les deux lots furent pendant quelque temps d'égale hauteur. Au moment de la première mensuration, la hauteur moyenne des six plus grands pieds croisés, dans les trois pots, fut de 0m,1755, et celle des six plus grands pieds autofécondés, de 0m,224, c'est-à-dire comme 100 est à 128. Après complet développement, les mêmes plants, mesurés de nouveau, donnèrent les résultats suivants :

72 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

TABLEAU XVIII. Septième génération.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,281

0,296

mètres

0,478

0,450

II.

0,318

0,281

0,456

0,368

III.

0,243

0,293

0,318

0,275

Total.

1,712

2,345

La hauteur moyenne des six plantes croisées est ici de 0m,285 et celle des six autofécondés de 0m,391, ou comme 100 est à 137.

Comme il était, dès lors, évident que la grande variété blanche transmettait fidèlement ses caractères et que les plants autofécondés étaient tous formés par cette variété, il parut manifeste qu'ils dépasseraient toujours désormais les plantes croisées qui appartenaient principalement au petites variétés originelles. Cette série de recherches fut donc interrompue et j'essayai si l'entre-croisement de deux plantes autofécondées de la sixième génération, vivant dans des pots distincts, aurait pour résultat de donner à leur descendance quelque avantage sur les produits provenant de fleurs de la même plante fécondés avec leur propre pollen. Ces derniers semis formèrent la septième génération des plantes autofécondées, comme ceux qui occupent la colonne de droite du tableau XVIII : les plants croisés furent le résultat des six générations autofécondées antérieures avec un entre-croisement à la dernières génération. Les semences ayant été mises à germer dans le sable, les semis qui en provinrent furent plantés par paires dans des points opposés de quatre pots : toutes les graines restant furent semées serrées en des points opposés du pot V, dans le tableau XIX, et les trois plus grand semis seulement de chaque côté de ce dernier pot, furent mesurés. Toutes les plantes furent l'objet de deux mensurations : la première fut faite pendant leur jeunesse, et la hauteur moyenne des plants croisés, comparée à celle des autofécondés, fut comme 100 est à 122 ; la seconde, faite après leur entier développement, donna les résultats suivants :

CHAP. III   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 73

TABLEAU XIX.

Numéros des pots

Plantes entre-croisées provenant des plantes autofécondées de la 6egénération

Plantes autofécondées de la 6e[* erreur : 7e] génération

I.

mètres

0,318

0,262

0,250

0,365

mètres

0,381

0,290

0,275

0,275

II.

0,256

0,193

0,303

0,175

0,284

0,287

0,215

0,359

III.-

0,340

0,306

0,259

0,293

IV.

0,178

0,206

0,181

0,368

0,175

0,200

V.

Plants entassés

0,215

0,225

0,206

0,256

0,234

0,231

Total.

3,979

4,382

La hauteur moyenne des seize plants entre-croisés est ici de 0m,249 et celle des 16 autofécondés de 0m,254, ou comme 100 est à 110 ; de sorte que les plants entre-croisés, dont les progéniteurs avaient été autofécondés pendant six générations antérieures, et avaient été exposés constamment à des conditions remarquables par leur uniformité, furent quelque peu inférieurs aux plants de la septième génération autofécondée. Mais comme nous allons voir maintenant qu'une expérience semblable, faite après deux nouvelles générations autofécondées, a donné un résultat différent, je ne saurais préciser la limite exacte de la confiance qu'il faut accorder à celle-là. Dans trois des cinq pots du tableau XIX, une plante autofécondée fleurit la première, et dans les autres, deux plants croisés eurent la priorité [contresens : dans les deux autres pots, une plante croisée fleurit en premier]. Ces plants autofécondés furent d'une remarquable fécondité, car vingt fleurs fécondées par leur propre pollen ne produisirent pas moins de 19 capsules fort belles !

Effets du croisement avec un pied distinct. — Quelques fleurs appartenant à des plants autofécondés dans le pot numéro IV, du tableau XIX, furent fécondées avec leur propre pollen, et on obtint ainsi des plantes de la huitième génération

74 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

autofécondée destinées à servir de générateurs dans l'expérience suivante. Plusieurs fleurs appartenant à ces plants furent mises en état d'être fécondées spontanément (les insectes ayant été, bien entendu, écartés), et les plantes issues de ces graines formèrent la neuvième génération autofécondée : elles appartenaient toutes à la grande variété blanche pourvue de taches cramoisies. D'autres fleurs des mêmes plantes de la huitième génération autofécondée furent croisées avec le pollen d'une autre plante du même lot, de sorte que les semis ainsi obtenus furent la descendance des huit générations antérieures autofécondées ayant subi un entre-croisement dans la dernière génération : je les appellerai les plants entre-croisés. Enfin, d'autres fleurs des mêmes plantes de la huitième génération autofécondée furent croisées avec du pollen pris sur des plants qui avaient été obtenus de graines provenant d'un jardin de Chelsea. Les plants-Chelsea portaient des fleurs jaunes tachées de rouge, mais ne différaient des précédents à aucun autre point de vue. Ils avaient été cultivés en pleine terre, tandis que les miens avaient été élevés en pots dans la serre, pendant les huit dernières générations, et dans une terre végétale d'espèce différente. Les semis obtenus par ce croisement avec un pied complètement différent, seront appelés Chelsea-croisés. Les trois lots de graines ainsi obtenues furent mis à germer dans le sable, et, lorsque trois graines ou deux seulement appartenant à chacun des lots levaient en même temps, les semis étaient plantés dans des pots divisés superficiellement, suivant le cas, en deux ou trois compartiments. Les graines restant, qu'elles fussent ou non en état de germination, furent semées dru dans trois divisions du grand pot numéro X (tableau XX). Lorsque les plants eurent atteint leur complet développement, on les mesura comme c'est indiqué dans le tableau suivant, mais en ne comprenant dans cette opération que les trois plus grands sujets de chacune des trois divisions du pot X.

Dans ce tableau, la hauteur moyenne des 28 Chelsea-croisés est de 0m,540, celle des 27 plantes entre-croisées de 0m,302, et celle des 19 auto-fécondées de 0m,260 ; mais pour ce qui concerne ces dernières, il serait bon d'en rejeter deux sujets rabougris ayant seulement 0m,10 de hauteur, afin de ne pas exagérer l'infériorité des plants autofécondés, ce qui porterait la hauteur moyenne des 17 plantes autofécondées restant à 0m,280. Les Chelsea-croisés sont donc, en hauteur, aux entre-croisés, comme 100 est à 56, et aux autofécondés comme 100 est à 52 ; les entre-croisés sont aux autofécondés comme 100 est à 92. Nous voyons par là quelle supériorité immense ont, en hauteur, les Chelsea-croisés sur les pieds entre-croisés et autofécondés.

Ils commencèrent à montrer cette supériorité lorsqu'ils

CHAP. III   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 75

TABLEAU XX.

Numéros des pots

Plants provenant des plantes autofécondées de la 8egénération croisées par un pied de Chelsea

Plants provenant d'un entre-croisement entre les plants de la 8egénération autofécondés

Plants autofécondés de la 9egénération provenant de plants de la 8egénération autofécondés

I.

mètres

0,771

0,721

mètres

0,350

0,343

0,346

mètres

0,237

0,265

0,250

II.

0,518

0,556

0,287

0,300

0,228

0,293

0,309

III.

0,593

0,603

0,643

0,306

0,215

0,287

0,171

IV.

0,565

0,550

0,425

0,231

0,203

0,100

0,334

0,275

V.

0,559

0,490

0,587

0,225

0,275

0,112

0,315

0,337

VI.

0,706

0,550

0,468

0,165

0,312

0,300

0,403

VII.

0,312

0,609

0,512

0,662

0,375

0,309

0,281

0,381

VIII.

0,431

0,568

0,675

0,334

0,365

0,359

IX.

0,568

0,150

0,506

0,293

0,425

0,371

X.

Plantes entassées

0,453

0,515

0,437

0,231

0,206

0,250

0,259

0,203

0,281

Total.

15,130

8,237

4,962

avaient à peine 0m,025 de haut. A leur complet développement, ils furent aussi plus ramifiés, pourvus de feuilles plus grandes et de fleurs quelque peu plus développées que les deux autres

76 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

lots, si bien que s'ils avaient été pesés, la proportion eût été certainement plus élevée que 100 à 56 ou 52.

Les plants entre-croisés sont ici en hauteur, aux autofécondés, comme 100 à 92 ; du reste [* contresens : alors que], dans l'expérience analogue donnée au tableau XIX, les plants entre-croisés provenant des plants autofécondés de la sixième génération furent inférieurs en hauteur aux plants autofécondés dans la proportion de 100 à 110. Je doute que la discordance des résultats obtenus dans ces deux expériences puisse être expliquée, soit par ce fait que [* contresens : puisse être expliquée par ce fait que], dans le cas présent, les plants autofécondés ont été obtenus de semences spontanément autofécondées (tandis que, dans le premier cas, elles avaient été obtenues de semences artificiellement autofécondées), soit [* contresens : ni] parce que les plants actuels ont été autofécondées [* typo : autofécondés] pendant deux générations de plus, et c'est là cependant l'explication la plus probable.

Au point de vue de la fécondité, les 28 plantes Chelsea-croisées produisirent 272 capsules ; les 27 entrecroisées en donnèrent 24, et les 17 autofécondées 17. Toutes ces plantes avaient été laissées à découvert, afin d'être fécondées naturellement, et leurs capsules vides avaient été rejetées.

Donc, 20 Chelsea-croisés auraient produit 194.29 capsules

— 20 entre-croisés — — 17.77 —

— 20 autofécondés — — 20.00 —

Les semences contenues dans 8 capsules des plants Chelsea-croisés pesaient 1 grain 1......0gr,071

Les semences contenues dans 8 capsules des plants entre-croisés pesaient 0 grain 51.........0gr,033

Les semences contenues dans 8 capsules des plants autofécondés pesaient 0 grain 33........0gr,020

Si nous combinons le nombre de capsules produites avec le poids moyen des semences qu'elles contiennent, nous arrivons aux proportions extraordinaires qui suivent :

Poids des graines produites par le même nombre de

plants Chelsea-croisés et entre-croisés..................................................................comme 100 à 4

Poids des graines produites par le même nombre de

plants Chelsea-croisés et autofécondés..................................................................comme 100 à 3

Poids des graines produites par le même nombre

d'entre-croisés et autofécondés..............................................................................comme 100 à 73

Il est aussi remarquable de voir que les plants Chelsea-croisés surpassèrent, en vigueur, les deux lots d'une manière aussi

CHAP. III    CROISEMENT DES FLEURS DE LA MÊME PLANTE.  77

marquées qu'ils l'avaient fait en hauteur, en exubérance vitale et en fécondité. Au commencement de l'automne, le plus grand nombre des pots fut mis en pleine terre, pratique qui a pour résultat d'endommager toujours les plantes longtemps conservées dans une serre chaude. Les trois lots souffrirent donc beaucoup, mais les Chelsea-croisés furent moins éprouvés que les deux autres lots. Le 3 octobre, les Chelsea-croisés commencèrent une nouvelle floraison et la continuèrent pendant quelque temps, tandis que pas une fleur n'apparut sur les plantes des deux autres lots, dont les tiges furent coupées presque à ras de terre et parurent mortes à moitié. Au commencement de décembre, il y eut une forte gelée et les tiges des Chelsea-croisés furent rasées ; mais le 23 du même mois, ils commençaient à repousser de nouveau par les racines, tandis que toutes les plantes des deux autres lots avaient complètement succombé.

Quoique plusieurs des semences autofécondées, dont provinrent les plants de la colonne de droite dans le tableau XX, aient germé avant celles deux deux autres lots (et alors elles furent naturellement rejetées), ce n'est que dans un seul des dix pots que les pieds autofécondés fleurirent avant les Chelsea-croisés ou avant les entre-croisés végétant dans le même vase. Les plants de ces deux dernières catégories fleurirent en même temps, et cependant les Chelsea-croisés étaient beaucoup plus grands et plus vigoureux que les entre-croisés.

Ainsi qu'il a été établi déjà, les fleurs obtenues dans ce principe des semences de Chelsea furent de couleur jaune, et il est digne de remarque que chacun des 28 semis obtenus de la grande variété blanche fécondée, sans castration préalable, par le pollen des plants Chelsea, produisit des fleurs jaunes : ce fait montre combien la couleur jaune qui appartient naturellement à l'espèce a de la prépondérance sur la blanche.

Effets produits sur la descendance par l'entre-croisement de fleurs de la même plante au lieu du croisement de deux individus distincts. — Dans toutes les expériences précédentes, les plants croisés furent le produit d'un croisement entre plantes distinctes. Je choisis alors un plant très-vigoureux du tableau XX, issu du croisement d'une plante de la huitième génération autofécondée par le pollen d'un pied de Chelsea ; plusieurs fleurs de cette plante furent croisées avec le pollen d'autres fleurs de la même plante, tandis que plusieurs autres étaient imprégnées de leur propre pollen. Les semences ainsi obtenues furent mises à germer dans du sable seul, et les semis furent placés, à la manière ordinaire, dans des points opposés de six pots différents. Toutes les graines restant, qu'elles fussent ou non en état de germination, ayant été semées dru dans le pot numéro VII, les trois plus grands plants

78 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

seuls de chaque côté de ce dernier pot furent mesurés. Dans mon empressement de connaître les résultats de cette expérience, quelques-unes des graines furent semées à la fin de l'automne, mais les plants qui en provinrent végétèrent si irrégulièrement pendant l'hiver, que l'un des croisés avait 0m,712 en hauteur, et les deux autres 0m,10 ou même moins, comme on peut le voir dans le tableau XXI. Dans de pareilles circonstances, comme je l'ai fait remarquer pour quelques autres cas, le résultat n'est pas complètement digne de confiance ; cependant je me crois obligé de donner ces mensurations.

TABLEAU XXI.

Numéros des pots

Plants résultant d'un croisement entre différentes fleurs de la même plante

Plants obtenus de fleurs fécondées avec leur propre pollen

I.

mètres

0,425

0,225

mètres

0,425

0,078

II.

0,706

0,412

0,340

0,478

0,150

0,050

III.

0,100

0,056

0,393

0,250

IV.

0,587

0,387

0,156

0,178

V.

0,175

0,337

VI.

0,459

0,275

0,037

0,050

VII.

Plantes entassées

0,525

0,293

0,303

0,378

0,275

0,281

Total.

5,270

3,518

Les quinze plantes croisées ont en hauteur une moyenne de 0m,352, et les quinze autofécondées de 0m,233, ou comme 100 est à 67. Mais si les plantes au-dessous de 0m,250 étaient rejetées, la proportion des onze pieds croisés au huit autofécondés serait de 100 à 82.

Au printemps suivant, quelques graines des deux lots non employées furent traitées exactement de la même manière ; les mensurations des semis sont données dans le tableau suivant :

CHAP. III   CROISEMENT DES FLEURS DE LA MÊME PLANTE. 79

TABLEAU XXII.

Numéros des pots

Plantes provenant d'un croisement entre différentes fleurs de la même plante

Plants provenant de fleurs fécondées avec leur propre pollen

I.

mètres

0,378

0,300

0,253

mètres

0,478

0,515

0,318

II.

0,406

0,340

0,503

0,281

0,484

0,437

III.

0,471

0,375

0,346

0,318

0,393

0,425

IV.

0,481

0,493

0,406

0,540

V.

0,634

0,565

VI.

0,375

0,506

0,681

0,490

0,406

0,490

VII.

0,193

0,350

0,337

0,193

0,200

0,175

VIII.

Plantes entassées.

0,456

0,468

0,459

0,459

0,509

0,443

0,387

0,378

Total.

9,27

8,84

Ici la hauteur moyenne des vingt-deux plantes croisées est de 0m,421, et celle des vingt-deux autofécondées de 0m,404, ou comme 100 est à 95. Mais si on écarte quatre des plantes contenues dans le pot VII (et ce serait la meilleure méthode), lesquelles sont beaucoup plus petites que les autres, les vingt et une croisées sont alors aux dix-neuf autofécondées comme 100 est à 100,6 ; il y a donc égalité. Tous les plants, excepté ceux qui furent entassés dans le pot numéro VIII, furent arrachés après mensuration, et les huit [* erreur : les dix-huit] croisés pesèrent 310 grammes [*  Darwin donne 10 onces, l'once Troy pèse 31,103 grammes], tandis que le même nombre d'autofécondés donna le poids de 318 gr., ou comme 100 est à 102,5 ; mais si les plantes rabougries du pot numéro VII avaient été écartées, les autofécondées auraient dépassé les croisées en poids dans une haute proportion. Pour

80 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

toutes les expériences antérieures, dans lesquelles les semis obtenus d'un croisement entre plantes distinctes furent mis en compétition avec des plants autofécondés, ce furent les premiers qui fleurirent d'abord ; mais, pour le cas présent, dans sept pots sur huit une plante autofécondée fleurit avant une plante croisée occupant le côté opposé du même vase. D'après le témoignage donné par les plantes du tableau XXII, un croisement entre deux fleurs du même pied semble ne procurer aucun avantage à la descendance qui en provient, puisque les plants autofécondés sont supérieurs en poids. Mais cette conclusion ne peut pas inspirer une confiance absolue, si l'on tient compte des mensurations indiquées dans le tableau XXI. Ces dernières cependant, par la cause déjà indiquée, sont bien moins dignes de confiance que les présentes.

Résumé des observations sur le Mimulus luteus. — Durant [* Dans] les trois premières générations de plantes croisées et autofécondées, les trois plus grands pieds seuls furent mesurés, de chaque côté, dans beaucoup de pots [* contresens : dans les différents pots (c'est-à-dire que les mesures eurent lieu pour tous les pots)], et la hauteur moyenne des dix croisés fut à celle des dix autofécondés comme 100 est à 64. Les croisés furent aussi beaucoup plus féconds que les autofécondés, et leur vigueur fut si bien supérieure qu'ils dépassèrent ces derniers en hauteur, même quand ils furent semés dans des points opposés du même pot après un intervalle de quatre jours. La même supériorité se fit jour d'une manière remarquable lorsque les deux catégories de graines furent semées dans des points opposés d'un vase rempli d'une terre très-pauvre et envahie par les racines d'une plante étrangère. Dans un cas, des semis croisés et autofécondés, végétant en terre riche et n'étant pas en compétition les uns avec les autres, atteignirent une hauteur égale. Si nous arrivons à la quatrième génération, nous voyons les quatre plus grands pieds croisés pris ensemble dépasser très-faiblement les deux plus grands autofécondés, et l'un de ces derniers battre son antagoniste croisé, circonstance qui ne s'était pas présentée encore dans les générations antérieures. Cette plante autofécondée victorieuse appartenait à une nouvelle variété à fleurs blanches, qui devint plus grande que les

CHAP. III   RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS. 81

anciennes variétés jaunâtres, Dès l'abord, elle se montra beaucoup plus féconde après autofécondation que les vieilles variétés, et elle devint, dans les générations autofécondées suivantes, de plus en plus féconde par elle-même. Dans la sixième génération, les deux lots de plants ayant été livrés à la fécondation spontanée directe [* contresens : à l'autofécondation spontanée], les plants autofécondés de cette variété, comparés aux plants croisés, produisirent des capsules dans la proportion de l47 à l00. A la septième génération, vingt fleurs prises sur l'une des plantes artificiellement autofécondées, ne donnèrent pas moins de dix-neuf très-belles capsules !

Cette variété transmit si fidèlement sa caractéristique à toutes les générations autofécondées successives jusqu'à la dernière (la neuvième), que toutes les nombreuses plantes qui en provinrent présentèrent une complète uniformité de caractères, offrant ainsi un remarquable contraste avec ce qui se passe dans les semis obtenus de graines achetées. Cependant, cette variété conserva jusqu'à la fin une tendance latente à produire des fleurs jaunes ; car lorsqu'une plante de la huitième génération autofécondée fut croisée avec le pollen d'une plante à fleurs jaunes du rameau Chelsea, chaque semis porta des fleurs jaunes. Une variété semblable, au moins par la couleur de ses fleurs, apparut aussi parmi les plantes croisées de la troisième génération. On ne fit d'abord aucune attention à cette apparition, si bien que j'ignore dans quelle mesure elle intervint [* fut utilisée (was at first used)] au commencement des opérations, soit pour le croisement, soit pour l'autofécondation. Dans la cinquième génération, le plus grand nombre des plants autofécondés, et dans la sixième aussi bien que dans chacune des générations suivantes, toutes les plantes de cette provenance appartenaient à cette variété : ce fait était dû partiellement sans doute, à son autofécondité accentuée et accrescente. D'un autre côté, elle disparut du nombre des plantes croisées dans les dernières générations, et ce fait est probable-

82 MIMULUS LUTEUS. CHAP. III

ment lié à l'entrecroisement continu des nombreux plants. La grande taille de cette variété eut pour résultat de donner aux plantes autofécondées la supériorité en hauteur sur les croisés dans toutes les générations, de la cinquième à la septième inclusivement, et il n'y a pas de doute qu'il en eût été ainsi dans les dernières générations si elles avaient été mises en compétition les unes avec les autres. Dans la cinquième génération, les plants croisés furent, en hauteur, aux autofécondés, comme 100 est à 126 ; dans la sixième, comme 100 est à 147 ; dans la septième enfin, comme 100 est à 137. Cet excès en hauteur doit être attribué non seulement à ce que cette variété est naturellement plus grande que les autres, mais encore à ce qu'elle possède une constitution particulière qui lui permet de ne pas souffrir de l'autofécondation continuée.

Le cas de cette variété présente une analogie étroite avec celui de la plante nommée « Héros », qui apparut dans la sixième génération autofécondée de l'Ipomœa. Si les graines que produisit Héros l'avaient emporté par le nombre sur celles produites par les autres plants, et, ainsi que ce fut le cas pour le Mimulus, si toutes les semences avaient été mêlées ensemble, la descendance de Héros aurait grandi à l'exclusion entière des plantes ordinaires dans les dernières générations autofécondées, et, comme elle est naturellement plus grande, elle aurait surpassé en hauteur les plants croisés dans chaque génération suivante.

Quelques-unes des plantes autofécondées de la sixième génération furent entre-croisées comme le furent aussi quelques-unes de la huitième, et les semis provenant de ces croisements furent mis en compétition avec des plants autofécondés des deux générations correspondantes. Dans la première expérience, les plantes entre-croisées furent moins fertiles que les autofécondées et moins grandes dans la proportion de 100 à 110. Dans la seconde expérience, les plantes entre-croisées furent plus fécondes que les autofé-

CHAP. III   DIGITALIS PURPUREA. 83

condées dans la proportion de 100 à 73, et plus grandes dans la proportion de 100 à 92. Quoique les plants autofécondés, dans la deuxième expérience, fussent le produit de deux générations additionnelles obtenues par autofécondation, je ne puis m'expliquer cette discordance dans les résultats de ces deux expériences analogues.

Les plus importantes de toutes les expériences faites sur le Mimulus, sont celles dans lesquelles des fleurs de certaines plantes de la huitième génération autofécondée furent autofécondées de nouveau, pendant que d'autres fleurs, sur des plantes distinctes du même lot, furent entre-croisées, et enfin que d'autres furent croisée avec une nouvelle souche de plantes de Chelsea. Les semis croisés-Chelsea furent en hauteur, aux entre-croisés, comme 100 à 56, et en fécondité comme 100 à 4 ; les mêmes furent en hauteur, aux autofécondés, comme 100 à 52, et en fécondité comme 100 est à 3. Ces Chelsea-croisés furent donc [* contresens : aussi (et non "donc")] bien plus vigoureux que les plants des deux autres lots, de façon que le bénéfice réalisé par un croisement avec un pied nouveau fut remarquablement accentué.

Enfin, des semis provenant d'un croisement entre fleurs de la même plante n'eurent aucune supériorité sur ceux résultant de fleurs fécondées avec leur propre pollen ; mais ce résultat ne peut inspirer une confiance absolue, si l'on tient compte de quelques observations antérieures, qui, du reste [* contresens : cependant], furent faites dans des circonstances défavorables.

DIGITALIS PURPUREA.

Les fleurs de la digitale commune sont protérandres , c'est-à-dire que le pollen est mûr et se répand le plus souvent avant que le stigmate de la même fleur soit prêt pour la fécondation. Cet acte est assuré par l'intervention de grands bourdons, qui, occupés à la recherche du nectar, charrient le pollen de fleur en fleur. Les deux étamines supérieures, plus longues, épanchent leur pollen avant les deux inférieures plus courtes. Ce fait peut probablement s'expliquer ainsi, suivant les

84 DIGITALIS PURPUREA. CHAP. III

remarques du docteur Ogle 1 : les anthères des étamines les plus longues, se trouvant rapprochées du stigmate, seraient admirablement placées pour une très-facile autofécondation, et, comme il est avantageux de l'éviter, elles répandent tout d'abord leur pollen, en diminuant ainsi la chance de la réaliser. Il n'y a du reste [* contresens : cependant] pas imminent danger d'autofécondation avant l'ouverture du stigmate bifide, car Hildebrand 2 a constaté que l'application du pollen sur le stigmate avant l'épanouissement de cet organe restait sans effet. Les anthères de grande dimension se tiennent d'abord dans une position transversale, eu égard [* contresens : par rapport] à l'axe du tube de la corolle ; si elles entraient en déhiscence dans cette position, elles enduiraient complètement de pollen, selon la remarque du docteur Ogle, et le dos et les côtés d'un bourdon pénétrant dans la fleur à la manière ordinaire [* contresens : de manière inutile (c'est-à-dire que l'enduit serait inutile)]. Mais les anthères s'enroulent [* contresens : se tordent (twist around )] et se placent spontanément dans une position longitudinale avant de s'entr'ouvrir [* contresens : avant leur déhiscence]. Le fond et l'intérieur de la gorge dans la corolle sont complètement fermés [* contresens : complètement recouverts (et non "fermés")] par des poils, et ces exodermies ramassent si bien tout le pollen tombé, que j'ai vu la surface inférieure d'un bourdon abondamment revêtue de cette poudre, qui du reste ne peut jamais être ainsi appliquée sur le stigmate, parce que les abeilles en se retirant ne tournent pas leur abdomen en haut. J'étais donc embarrassé de savoir si ces poils servent à quelque usage, mais M. Belta [* M. Belt], je crois, a expliqué leur rôle. Les petites espèces d'abeilles ne sont pas adaptées pour féconder les fleurs ; si elles pouvaient y pénétrer facilement, elles déroberaient beaucoup de nectar, et dès lors ces fleurs seraient fréquentées par un plus petit nombre de grandes abeilles. Les bourdons, au contraire, peuvent s'insinuer avec la plus grande facilité dans les fleurs pendantes en se servant « des poils comme point d'appui pendant qu'ils sucent le nectar ; mais les petites abeilles en sont empêchées par ces poils, et lorsque à la longue elles les ont traversés, elles trouvent en-dessous un précipice glissant, ce qui déjoue complètement leur dessein. » M. Belt dit avoir observé un grand nombre de fleurs pendant toute la saison propice dans les Galles du Nord, et « une fois seulement, il put voir une petite abeille atteindre le nectar, tandis que [* contresens : bien que] beaucoup d'autres tentaient en vain d'arriver à ce résultat 3 . »

Je recouvris d'un tissu une plante végétant dans son sol

1 Popular Science Review (Revue populaire de la science), janv. 1870, p. 50.

2 Geschlechter-Vertheilung bei den Pflanzen, 1867, p. 20.

3 The Naturalist in Nicaragua (Le naturaliste au Nicaragua), 1874, p. 132. Mais il paraît, d'après H. Müller (Die Befruchtung der Blumen, La fécondation des fleurs, 1873, p. 285), que de petits insectes réussissent parfois à pénétrer dans ces fleurs.

CHAP. III PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 85

natif (Galles septentrionales), et fécondai six de ses fleurs chacune avec leur pollen, et six autres avec le pollen d'une plante distincte vivant à la distance de quelques pieds. La plante recouverte fut de temps en temps secouée violemment, afin d'imiter les effets d'un coup de vent et de faciliter ainsi, autant que possible, l'autofécondation. Outre la douzaine artificiellement fécondée, il naquit, sur le même pied, 92 fleurs, parmi lesquelles 24 seulement produisirent des capsules ; du reste [* contresens : par contre], presque toutes les fleurs des plantes voisines vivant à découvert furent remplies de fruits. Des 24 capsules autofécondées, deux seulement contenaient leur plein de graines, 6 en renfermaient une provision modérée, et les 16 restant en avaient très-peu. Un peu de pollen adhérent aux anthères après leur déhiscence et tombant accidentellement sur le stigmate parvenu à maturité, tel doit avoir été le moyen par lequel les 24 fleurs ci-dessus furent partiellement autofécondées. En effet, les bords de la corolle en se flétrissant ne se recourbent pas en dedans, [* oubli : et d'autre part] les fleurs en tombant ne tournent pas sur leur axe de façon à porter les poils couverts de pollen dont la face inférieure est revêtue au contact avec le stigmate, et c'est par l'un ou l'autre de ces moyens que l'autofécondation peut être effectuée [* contresens : l'un ou l'autre de ces moyens pourrait induire l'autofécondation].

Les semences des capsules ci-dessus croisées et autofécondées, après germination dans du sable pur, furent placées par paires dans des points opposés de cinq pots de grandeur moyenne, qui furent conservés dans la serre. Après un certain temps, les plants parurent souffrir d'inanition et furent enlevés de leurs pots, sans être endommagés, pour être plantés en pleine terre en deux séries parallèles rapprochées. Ils furent soumis à une compétition d'une rigueur supportable, et non pas, à bien près, aussi rigoureuse qu'elle l'eût été s'ils étaient restés dans les pots. Au moment où ils furent dépotés, leurs feuilles avaient environ 0m,125 à 0m,20 de long ; la plus longue feuille du plus beau plant des deux côtés fut mesurée dans chaque pot, et il en résulta que les feuilles des plants croisés dépassaient en moyenne celles des autofécondés de 0m,010.

L'été suivant, la plus grande tige florale fut mesurée dans chaque pot après complet développement. Il y avait 17 plants croisés, mais un d'entre eux ne donna pas de tige florifère. Il y avait aussi, dans le principe, 17 plants autofécondés, mais ils présentèrent une constitution si pauvre qu'il n'en mourut pas moins de neuf dans le courant de l'hiver et du printemps ; il n'en resta donc que 8 vivants pour les mensurations qui sont indiquées dans le tableau suivant :

86 DIGITALIS PURPUREA. CHAP. III

TABLEAU XXIII. — Les plus grandes tiges florales de chaque plante ont été mesurées. 0 signifie que la plante est morte avant d'avoir produit sa tige florifère.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

1,343

1,437

1,443

0,000

mètres

0,687

1,393

0

0

II.

0,862

1,312

1,593

0,975

0,800

0,525

III.

1,437

1,337

1,268

0,931

1,337

0

0

0

IV.

1,612

0,937

-

0,862

0,593

0

V.

1,325

1,193

0,868

0

0

0

Total.

18,13

7,17

La hauteur moyenne des tiges florifères portées par 16 plantes croisées est ici de 1m,286 et celle des huit autofécondées de 0m,895, ou comme 100 est à 70. Mais cette différence en hauteur ne donne en rien une juste idée de la grande supériorité des plates croisées. Ces dernières produisirent ensemble soixante-quatre tiges florifères, chaque plante ayant donné exactement quatre branches florales, tandis que les huit plantes autofécondées produisirent seulement quinze tiges florifères, chacune ayant donné en moyenne seulement cent quatre-vingt-sept [* erreur : 1,87, et non 187] tiges florifères, et présentèrent une apparence moins luxuriante. Nous pouvons exprimer ce résultat d'une autre manière : le nombre de tiges florales sur les plantes croisées fut à celui d'un égal nombre de plantes autofécondées comme 100 à 48.

Trois semences croisées en état de germination furent semées dans trois pots séparés, et trois autofécondées, dans un état semblable, furent placées dans trois autres pots. Ces plantes ne furent donc soumises d'abord à aucune compétition réciproque, et même lorsqu'elles furent dépotées pour être placées en pleine terre, on prit soin de mettre une distance modérée entre elles, de façon qu'elles furent exposées à une compétition moins rigoureuse

CHAP. III PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 87

que dans le dernier cas. Les feuilles les plus longues dans les trois plants croisés, au moment du transvasement [* contresens : au moment de la plantation en plein air], l'emportaient de fort peu sur les correspondantes dans les autofécondées ; c'est-à-dire en moyenne de 0m,0042. Après complet développement, les trois plantes croisées produisirent vingt-six grappes florales, dont les deux plus grandes dans chacune des plantes croisées eurent une hauteur moyenne de 1m,351. Les trois plantes autofécondées produisirent vingt-trois tiges florifères, dont les plus grandes dans chaque plante avaient en hauteur moyenne 1m,154. De façon que la différence entre ces deux lots, dont la compétition fut sévère [* contresens : la compétition fut quasi inexistante (hardly competed together)], est moindre que dans le dernier cas, où la lutte fut modérée [* contresens : modérément sévère], et s'exprime par le rapport de 100 à 85, au lieu de 100 à 70.

Effets produits sur la descendance par l'entrecroisement de différentes fleurs de la même plante, au lieu du croisement d'individus distincts. — Une belle plante, qui provenait de mes semis antérieurs végétant dans mon jardin, fut recouverte d'une tulle, et six de ses fleurs furent croisées avec le pollen d'une autre fleur de la même plante, tandis que six autres étaient fécondées avec leur propre pollen. Toutes produisirent de bonnes capsules. Les semences de chaque catégorie furent placées séparément dans des verres de montre, et aucune différence ne se trahissait à l'œil entre les deux lots. A la balance, elles ne présentèrent non plus aucune différence notable, car les semences des capsules autofécondées pesaient 7,65 grains (0gr,497), tandis que celles des capsules croisées en pesaient 77 [* erreur : 7,7] (0gr,50). La stérilité de cette espèce, lorsque les insectes sont écartés, n'est donc pas due au défaut d'action du pollen sur le stigmate de la même fleur. Les deux lots de semences et de semis furent traités exactement de la même manière que dans le tableau précédent (XXIII), avec cette différence, qu'après germination, les paires de graines ayant été placées dans des points opposés de huit pots, toutes celles qui restèrent furent semées dru dans des points opposés des vases IX et X (tableau XXIV). Les jeunes plants ayant été, au printemps suivant, dépotés sans être endommagés, furent plantés en pleine terre, sur deux rangs assez distants l'un de l'autre pour que les sujets ne fussent soumis les uns vis-à-vis des autres qu'à une compétition d'une rigueur modérée. S'éloignant ainsi du résultat de la première expérience, dans laquelle les sujets furent soumis à une assez rigoureuse compétition mutuelle, un égal nombre de plants de part et d'autre mourut ou ne produisit pas de tige florale. Les plus grandes tiges florifères dans les plants survivants furent mesurées et donnèrent les résultats indiqués dans le tableau suivant :

88 FLEURS DU MÊME PLANT CROISÉES. CHAP. III

TABLEAU XXIV. — N.B. 0 signifie que la plante est morte avant d'avoir produit une tige florale.

Numéros des pots

Plantes provenant d'un croisement entre différentes fleurs du même pied

Plants obtenus de fleurs fécondées avec leur propre pollen

I.

mètres

1,237

1,171

1,093

mètres

1,140

1,300

0

II.

0,962

1,187

0

1,362

1,187

0,815

III.

1,371

1,165

IV.

0,803

0

1,094

1,034

0,746

0,928

V.

1,168

1,012

1,075

1,053

1,053

0

VI.

1,206

1,156

1,196

1,206

VII.

1,215

1,050

0,625

1,015

VIII.

1,171

0,978

IX.

Plantes entassées

1,225

1,259

1,159

1,196

0

0,759

0,375

0,921

1,103

0,793

X.

Plantes entassées

1,162

0,881

0,615

1,037

0,434

1,0196

0

0,871

1,021

1,028

Total.

26,950

24,884

La hauteur moyenne des tiges florifères pour les vingt-cinq plantes croisées dans tous les pots pris ensemble est de 1m,076, et celles des vingt-cinq autofécondées de 0m,984, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 92. Afin de mettre ce résultat à l'épreuve, les sujets plantés par paires dans les pots depuis I jusqu'à VIII furent examinés à part, et la hauteur moyenne des seize croisées fut de

CHAP. III   CALCEOLARIA.  89

1m,122, tandis que celle des autofécondés fut de 1m,051, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 94. D'autre part, les plantes venues des graines semées dru dans les pots numéros IX et X, qui eurent à subir une très-sévère compétition mutuelle, furent prises à part, et la hauteur moyenne des neuf plantes croisées fut de 0m,995, tandis que celle des neuf plantes autofécondées fut de 0m,895, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 90. Les plantes dans ces deux derniers pots IX et X, après mensuration, furent coupées à ras de terre et pesèrent, les neuf croisées 1776gr,46 et les neuf autofécondées 1402gr,75, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 78. De tous ces faits nous pouvons conclure, spécialement d'après le témoignage donné par le poids, que les semis provenant d'un croisement entre fleurs de la même plante ont un avantage réel, quoique faible, sur celles résultant de fleurs fécondées avec leur propre pollen, et particulièrement dans le cas des plantes soumises à une rigoureuse compétition mutuelle. Mais l'avantage est plus faible que celui qui s'accuse dans la descendance croisée de plantes distinctes, car cette dernière dépassait les plantes autofécondées comme hauteur dans la proportion de 100 à 70, et comme nombre de tiges florales dans la proportion de 100 à 48. La digitale diffère donc de l'Ipomœa et presque à coup sûr du Mimulus, car dans ces deux derniers genres un croisement entre fleurs du même plant n'a pas produit de bons effets.

CALCEOLARIA.

Une variété (de serre) touffue, à fleurs jaunes tachées de pourpre.

Dans ce genre, les fleurs sont construites de façon à favoriser et presque à assurer la fécondation croisée 1 ; aussi M. Anderson 2 fait-il remarquer qu'il est nécessaire d'écarter les insectes avec grand soin si on veut conserver quelques espèces pures. Il ajoute ce fait intéressant que, lorsque la corolle est enlevée, les insectes, autant qu'il a pu l'observer, ne découvrent jamais ces fleurs et ne les visitent plus. Mes expériences furent si peu nombreuses qu'elles méritent à peine d'être rapportées. Des semences croisées et autofécondées furent semées dans des points opposés d'un même pot, et, après un certain temps, les semis croisés dépassèrent légèrement les autofécondés en hauteur. A un âge un peu plus avancé, les plus longues feuilles des premiers mesurèrent à peu près 0m,075 de long, tandis que celles des autofécondés en eurent 0m,050 seulement. Un accident étant survenu,

1 Hildebrand, cité par H. Müller, Die Befruchtung der Blumen, 1873, p. 277.

2 Gardeners' Chronicle (Chronique des jardiniers), 1853, p. 534.

90 LINARIA VULGARIS. CHAP. III

et le pot étant du reste [* contresens : par ailleurs] trop petit, une seule plante de chaque côté grandit et fleurit ; la plante croisée mesurait en hauteur 0m,487 et l'autofécondée 0m,375, c'est-à-dire qu'elles furent comme 100 est à 77.

LINARIA VULGARIS

Dans le chapitre d'introduction, il a été mentionné que deux grands carrés de cette plante avaient été obtenus par moi, depuis plusieurs années, de graines croisées et autofécondées, et qu'il existait une différence sensible en hauteur et en apparence générale entre les deux lots. L'essai fut répété plus tard avec plus de soin ; mais, comme c'était là une des premières plantes sur lesquelles j'expérimentais, la méthode ordinaire ne fut pas suivie. Des graines furent prises sur des plantes sauvages végétant dans le voisinage et semées en terre pauvre dans mon jardin. Cinq plants furent recouverts d'un tissu et les autres restèrent abandonnées à l'action des abeilles, qui visitent incessamment les fleurs de cette espèce, dont elles seraient, d'après H. Müller, les fécondateurs exclusifs. Cet excellent observateur 1 fait remarquer que lorsque le stigmate est couché entre les anthères et arrive à maturité en même temps que ces dernières, l'autofécondation est possible. Mais un si petit nombre de graines se produisit sur les plantes protégées que le pollen et le stigmate de la même fleur paraissent être doués, à un bien faible degré, d'action réciproque [* paraissent n'être doués d'action réciproque qu'à un bien faible degré (seem to have little power of mutual interaction)]. Les plantes vivant à découvert donnèrent de nombreuses capsules formant des épis serrés. Cinq de ces fruits furent examinés et parurent contenir un nombre égal de graines ; ce nombre, relevé dans une capsule, fut trouvé de cent soixante-six. Les cinq plantes couvertes produisirent ensemble seulement vingt-cinq capsules, dont cinq plus grandes que les autres contenaient en moyenne 23,6 semences, le minimum [* contresens : le maximum] des graines étant dans une capsule de cinquante-cinq. De cette façon, le nombre des semences, dans les capsules des plantes découvertes, fut au nombre moyen de graines, dans les plus belles capsules des plantes protégées, comme 100 est à 14.

Quelques-unes des semences autofécondées venues sous la gaze et quelques graines provenant des plantes découvertes fécondées naturellement et presque certainement entre-croisées par les abeilles, furent semées séparément dans deux grands pots de même dimension ; de cette façon, les deux lots ne furent soumis à aucune compétition mutuelle. Trois des plantes croisées parvenues à pleine floraison furent mesurées, mais sans prendre le soin de choisir les plus développées ; leur hauteur moyenne fut de 0m,187, 0m,181 et 0m,162. Les trois plus grands sujets, parmi

1 Die Befrunchtung, etc, p. 279.

CHAP. III   VERBASCUM THAPSUS. 91

les autofécondés, furent choisis avec soin, et leur hauteur donna 0m,159, 0m,140 et 0m,131, c'est-à-die en moyenne 0m,143. Ainsi donc, les plants naturellement croisés furent au plants spontanément autofécondés [* , au moins] comme 100 à 81.

VERBASCUM THAPSUS.

Les fleurs de cette plante sont fréquentées par de nombreux insectes [* contresens : par des insectes variés], et surtout par les abeilles, qui vont y chercher du pollen. H. Müller a démontré, du reste, que le V. nigrum (Die Befruchtung, etc., p. 277) sécrète de petites gouttes de nectar. L'arrangement des organes reproducteurs, quoique simple, favorise la fécondation croisée ; des espèces distinctes subissent même souvent le croisement car un plus grand nombre d'hybrides naturels a été observé dans ce genre que dans presque tous les autres 1 . Néanmoins, l'espèce dont il s'agit ici reste parfaitement féconde par elle-même quand les insectes en sont écartés, car une plante protégée par un tissu était aussi lourdement chargée de capsules que les plantes non couvertes vivant auprès d'elle. Le Verbascum lychnitis jouit d'une moindre autofécondité, car quelques plants couverts portèrent moins e capsules que leurs voisins non couverts.

Les [* contresens : Des] plants de V. thapsus avaient été obtenus dans un but spécial de graines autofécondées ; quelques fleurs de ces plants furent autofécondées à nouveau et donnèrent des semences de la deuxième génération autofécondée, tandis que d'autres fleurs furent croisées avec le pollen d'une plante distincte. Les semences ainsi obtenues furent semées en des points opposés de quatre grands pots. Elles germèrent du reste [* contresens : cependant] si irrégulièrement (les semis croisés apparaissant généralement les premiers), que j'arrivai à peine à en sauver six paires du même âge. Parvenus à pleine floraison, ces derniers furent mesurés et donnèrent les résultats indiqués dans le tableau XXV.

Nous voyons ici deux plants autofécondés surpassant en hauteur leurs opposants croisés. Néanmoins, la hauteur moyenne des six plantes croisées est de 1m,632 et celle des six autofécondées de 1m,412, c'est-à-dire comme 100 est à 86.

VANDELLIA NUMMULARIFOLIA.

Des semences de cette petite plante herbacée indienne me furent adressées de Calcutta par M. J. Scott : elle porte à la

1 J'en ai fait connaître un cas remarquable dans le plus grand nombre d'hybrides [* contresens : J'ai fait connaître un cas remarquable d'un grand nombre de tels hybrides (a striking case of a large number of such hybrids)] produits entre les V. thapsus et lychnitis et trouvé vivant à l'état sauvage. Journal of Linn. Soc. Bot. (Journal de la Société linnéenne), vol. X, p. 451.

92 VANDELLA NUMMULARIFOLIA. CHAP. III

TABLEAU XXV. [* précision : Verbascum thapsus.]

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées de la 2egénération

I.

mètres

1,900

mètres

1,337

II.

1,350

1,650

III.

1,550

1,515

1,875

0,762

IV.

1,825

1,662

1,550

1,300

Total.

9,828

8,475

fois des fleurs parfaites et cléistogènes 1 . Ces dernières sont très-petites, imparfaitement développées et ne s'épanouissent jamais ; elle donnent cependant beaucoup de graines. Les fleurs parfaites et ouvertes sont également petites, de couleur blanche, tachées de pourpre, et elles produisent généralement des graines (quoique le contraire ait été affirmé), même quand elles sont protégées contre les insectes. Elles ont une structure plus compliquée et semblent être adaptées pour la fécondation croisée, mais je ne les ai pas examinées avec soin. Il n'est pas facile de les féconder artificiellement et, dès lors, il est possible que quelques fleurs dont je pensais avoir assuré le croisement, fussent spontanément autofécondées à l'abri du tissu. Seize capsules provenant des fleurs parfaites croisées contenaient en moyenne 93 semences (le maximum dans chaque fruit étant de 135), c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 67 ; mais j'ai lieu de supposer que cette différence considérable fut accidentelle, car, dans un cas, neuf capsules croisées furent comparées à dix [* erreur : à sept (et non dix)] autofécondées (le tout appartenant au nombre des plantes ci-dessus indiquées) et elles continrent presque exactement le même chiffre de graines. Je dois ajouter que quinze capsules provenant des fleurs autofécondées cléistogènes contenaient en

1 Le terme approprié de cléistogène fut proposé par Kuhn dans un article sur ce genre inséré dans Botanische Zeitung , 1867, p. 65*.

* Plusieurs auteurs allemands et anglais lui ont préféré celui de cléistogame, qui ne dit rien de plus ni rien de moins. On trouve particulièrement cette dernière qualification dans H. Müller (Befruchtung, etc) et dans John Lubbock (British wild flowers, etc) ; M. Duchartre a adopté, pour ces même fleurs, la qualification de clandestines, qui me paraît, à plusieurs égards, être la plus convenable. (Traducteur.)

CHAP. III   VANDELLA NUMMULARIFOLIA.   93

moyenne 64 semences, le maximum contenu dans l'une d'elles étant de 87.

Des graines croisées et autofécondées issues de fleurs parfaites, puis d'autres graines provenant de fleurs cléistogènes autofécondées, furent semées dans cinq pots dont la superficie était divisée en trois compartiments. Les semis furent éclaircis dès leur bas âge, de façon que 20 plantes seulement furent laissées dans chacune des trois divisions. Les sujets croisés, arrivés à floraison, avaient en moyenne 0m,108 en hauteur et les autofécondés, provenant de fleurs parfaites, 0m,113 [* erreur : 4.3 pouces (0m,1075) pour les croisées et 4,27 pouces (0m,1067) pour les autofécondées], c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 99. Les plants autofécondés issus de fleurs cléistogènes mesurèrent en moyenne 0m,121 [* erreur : 4,06 pouces (0m,1015)] de haut, de façon que les croisés furent en hauteur à ces derniers, comme 100 est à 94.

Je résolus de comparer de nouveau la croissance des plantes issues du croisement et de l'autofécondation des fleurs parfaites et obtins deux nouveaux lots de graines. Elles furent semées dans des points opposés de cinq pots, mais, comme les semis n'en furent pas suffisamment éclaircis, elles végétèrent plus entassées que les précédentes. Parvenues à complet développement, on choisit toutes celles qui mesuraient plus de 0m,050 en hauteur, et toutes celles qui étaient au-dessous de ce chiffre furent rejetées : les premières consistaient en 47 plantes croisées et en 41 autofécondées. Ainsi, un plus grand nombre de plantes croisées que d'autofécondées parvint à la hauteur de 0m,050. Parmi les croisées, les 24 plus grandes eurent une moyenne de 0m,087 [* 3.6 pouces] de haut, tandis que les 24 plus grandes autofécondées mesurèrentmoyennement [* eurent une hauteur moyenne de] 0m,083 [* 3.38 pouces] : elles furent donc dans la proportion de 100 à 94. Toutes ces plantes furent coupées à ras de terre, les 27 [* erreur : 47] croisées pesèrent 1090,3 grains (70gr,82) et les 41 autofécondées 887,4 grains (57gr,68). Les plants croisés et autofécondés, en égal nombre [* rapportées à un nombre égal], furent donc entre eux comme 100 à 97. De ces nombreux [* différents, pas "nombreux"] faits, nous pouvons conclure que les plantes croisées ont un avantage réel, quoique faible, soit en hauteur soit en poids [* oubli : en hauteur et en poids] sur les autofécondées, lorsqu'elles végètent luttant les unes conte les autres.

Les plantes croisées furent, d'ailleurs [* contresens : cependant (et non "d'ailleurs")], inférieures en fécondité aux autofécondées. Six des plus belles furent choisies parmi les 47 plantes croisées ci-dessus, et six parmi les 41 autofécondées ; les premières produisirent 598 capsules, tandis que les autres [* (les autofécondées)] en donnèrent 752. Toutes ces capsules résultèrent, du reste, des fleurs cléistogènes, car les plantes ne portèrent pas, durant toute cette saison, une seule fleur parfaite. Les semences furent comptées dans dix capsules cléistogènes prises sur les plants croisés et leur nombre moyen fut de 46,4 par capsule, tandis que ce nombre fut de 49,4 dans dix capsules cléistogènes produites par les plants autofécondés [* oubli : c'est-à-dire comme 100 à 106].

94 GESNERIA PENDULINA. CHAP. III

III. GESNÉRIACÉES. — GESNERIA PENDULINA.

Dans le genre Gesneria, les différentes parties de la fleur sont disposées à peu près sur le même plan que dans la digitale 1 , et la plupart des espèces, pour ne pas dire toutes, sont dichogames. Des plants me furent envoyés du Brésil méridional par Fritz Müller. Sept fleurs furent croisées avec le pollen d'une plante distincte et produisirent sept capsules contenant, en poids, 3,01 grains (1gr,95) de semences. Sept fleurs des mêmes plants furent fécondées avec leur propre pollen, et leurs sept capsules continrent exactement le même poids de semences. Des graines furent, après germination, placées dans des points opposés de quatre pots, et les semis étant parvenus à leur complet développement, furent mesurés jusqu'à la pointe de leurs feuilles.

TABLEAU XXVI.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

1,056

0,612

mètres

0,975

0,687

II.

0,825

0,675

0,768

0,481

III.

0,837

0,737

0,796

0,718

IV.

0,768

0,900

0,743

0,662

Total.

4,18

3,17

La hauteur moyenne des huit plantes croisées est ici de 0m,801 et celle des huit autofécondées de 0m,737 ; elles sont donc comme 100 est à 90.

III. LABIÉES. — SALVIA COCCINEA 2 .

Cette espèce, se distinguant ainsi des autres du même genre, donne de nombreuses semences fécondes sans l'intervention des

1 Dr Ogle, Popular Science Review (Revue de la science populaire [* mieux traduit par « Revue populaire de science »]), janvier 1870, p. 51.

2 Dans ce genre, les mécanismes admirables de l'adaptation, en vue de favoriser ou d'assurer la fécondation croisée, ont été complètement décrits par Sprengel, Hildebrand, Delpino, H. Müller, Ogle et d'autres, dans leurs nombreux travaux.

CHAP. III   SALVIA COCCINEA. 95

insectes. Je ramassai 98 capsules produites par des fleurs spontanément autofécondées à l'abri d'une gaze, et elles contenaient en moyenne 1,45 graines, tandis que des fleurs artificiellement autofécondées, et dans lesquelles le stigmate avait reçu beaucoup de pollen, donnèrent une moyenne de 3,3 graines, c'est-à-dire plus du double des autres. Vingt fleurs furent croisées avec le pollen d'une plante distincte et vingt-six autres furent autofécondées. Il n'y eut pas une grande différence dans le nombre proportionnel des fleurs qui produisirent des capsules par ces deux procédés, pas plus que dans le nombre des semences enfermées en capsules ou dans le poids d'un égal nombre de graines.

Des graines des deux lots furent semées très-dru dans des points opposés de trois pots. Lorsque les semis eurent environ 0m,075 de haut, les croisés montrèrent un léger avantage sur les autofécondés. Parvenus aux deux tiers de leur croissance, les deux plus grands pieds de chaque lot furent mesurés dans chaque pot : les croisés eurent moyennement en hauteur 0m,416, et les autofécondés 0m,281 : ils furent donc comme 100 à 71. Après complet développement et floraison, les deux plus grands plants de chaque côté furent mesurés à nouveau et donnèrent les résultats portés dans le tableau qui suit :

TABLEAU XXVII.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,818

0,500

mètres

0,625

0,468

II.

0,809

0,612

0,518

0,487

III.

0,737

0,700

0,625

0,450

Total.

4,178

3,175

On peut voir ici que chacun des six plus grands plants croisés dépasse en hauteur son antagoniste autofécondé : les premiers ont une moyenne de 0m,695 de haut, tandis que les six plus grands plants autofécondés mesurent en moyenne 0m,529 ; ils sont donc comme 100 à 76. Dans les trois pots, la première plante qui entra en floraison fut une plante croisée. Tous les plants croisés ensemble produisirent [* contresens : produisirent ensemble] 409 fleurs, tandis que les autofécondés n'en donnèrent que 232, c'est-à-dire comme 100 est à 57. Les plants croisés furent donc, à ce point de vue, plus productifs que les autofécondés.

96 ORIGANUM VULGARE. CHAP. III

ORIGANUM VULGARE.

Cette plante existe, d'après H. Müller, sous deux formes : l'une hermaphrodite et fortement protérandre, de façon qu'il est presque certain qu'elle est fécondée par le pollen d'une autre fleur ; l'autre, exclusivement femelle, possède une corolle plus petite et doit naturellement être fécondée par le pollen d'une plante distincte pour donner des graines. Les plantes sur lesquelles j'expérimentai étaient hermaphrodites ; elles avaient été cultivées pendant longtemps comme plantes potagères dans mon jardin potager, et étaient extrêmement stériles comme beaucoup de plantes qui ont été soumises à une longue culture. Comme j'avais des doutes sur le nom spécifique de la plante, j'en envoyai des spécimens à Kiew [*typo : Kew] et j'acquis l'assurance que c'était bien l'Origanum vulgare. Mes plantes formaient une grande touffe et s'étaient évidemment développées d'une simple [* contresens : d'une seule] racine, par stolons. Dans le sens strict, elles appartenaient donc au même individu. Mon but, en les mettant en expérience, était d'abord de m'assurer si le croisement de fleurs portées par des plantes ayant des racines distinctes, mais toutes dérivées asexuellement du même individu, serait, à un certain [* à quelque] point de vue, plus avantageux que l'autofécondation ; secondement, d'obtenir pour un futur essai des semis constituant réellement des individus distincts. Plusieurs plants du groupe ci-dessus furent recouverts d'un tissu, et deux douzaines environ de semences (beaucoup d'entre elles étaient, du reste [* contresens : cependant], petites et flétries) furent obtenues de fleurs ainsi spontanément autofécondées. Les plants restant furent laissés à découvert et reçurent incessamment la visite des abeilles, ce qui, sans aucun doute, eut pour résultat d'assurer leur croisement. Les plants découverts donnèrent des semences plus belles et plus nombreuses (ce nombre était pourtant fort petit) que les plantes couvertes. Les deux lots de graines ainsi obtenus furent semés en des points opposés de deux pots ; les semis qui en provinrent furent observés avec soin depuis leur apparition jusqu'à leur maturité, mais ils ne différèrent, à quelque période que ce fut, ni en hauteur ni en vigueur : nous allons voir maintenant l'importance de cette dernière observation. Après complet développement, dans un des pots le plus grand plant croisé fut de très-peu plus élevé que le plus grand autofécondé situé dans le côté opposé, et c'est exactement le contraire qui arriva dans l'autre pot. De cette façon, les deux lots furent égaux en réalité, et un croisement de cette espèce n'eut pas de meilleur résultat que le croisement de deux fleurs du même pied dans l'Ipomœa ou le Mimulus. Les plants furent retirés des deux pots sans être endommagés, et mis en pleine terre, afin qu'ils pussent croître plus vigoureusement. L'été suivant, tous les autofécondés et quelques-uns des quasi-croisés furent re-

CHAP. III   ORIGANUM VULGARE.   97

couverts d'une gaze. Parmi ces derniers, plusieurs fleurs furent croisées par mes soins avec le pollen d'une plante distincte et d'autres furent abandonnés aux abeilles pour le croisement. Ces plantes quasi-croisées produisirent un plus grand nombre de graines que les premières réunies en un grand groupe, qui avaient été livrées à l'action des abeilles. Plusieurs [* contresens : De nombreuses] fleurs des plantes autofécondées furent artificiellement fécondées par elles-mêmes, et d'autres furent disposées pour [* furent laissées à] l'autofécondation spontanée sous un tissu, mais elles donnèrent ensemble très-peu de semences. Ces deux lots de graine [* typo : graines] (produits d'un croisement entre semis distincts et non pas, comme dans le cas précédent, entre plants multipliés par stolons et provenant [* , et produits] de fleurs autofécondées) furent mis à germer dans du sable pur et de nombreuses paires de semis égaux furent plantées dans des points opposés de deux grands pots. Dès le plus jeune âge, les plants croisés montrèrent sur les autofécondés une certaine supériorité, qu'ils conservèrent dans la suite. Parvenus à complet développement, les deux plus grands croisés et les deux plus grands autofécondés de chaque pot furent mesurés comme c'est indiqué dans le tableau suivant. Je regrette que, pressé par le temps, je n'aie pu mesurer toutes les paires de plantes, mais les plus grands sujets de chaque côté me paraissent représenter avec précision la différence moyenne qui existe entre les deux lots.

TABLEAU XXVIII. —

Numéros des pots

Plantes croisées

(les deux plus grandes

dans chaque pot)

Plantes autofécondées (les deux plus grandes dans chaque pot)

I.

mètres

0,650

0,525

mètres

0,600

0,525

II.

0,425

0,400

0,300

0,287

Total.

2,000

1,712

La hauteur moyenne des plants croisés est ici de 0m,500 et celle des autofécondés de 0m,430, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 86. Cette différence en hauteur ne donne en aucune façon une juste idée de l'immense supériorité, en vigueur, des plantes croisées sur les autofécondées. Les croisées fleurirent d'abord et produisirent 30 tiges florales, tandis que les autofécondées n'en donnèrent que 15, c'est-à-dire moitié moins. Les pots furent alors couchés en terre, et les racines étant sorties probablement par les ouvertures du fond des pots, aidèrent ainsi

98 THUNBERGIA ALATA. CHAP. III

à leur développement. Dès le commencement de l'été suivant, la supériorité des plants croisés (à cause de leur développement par stolons) sur les autofécondés, fut vraiment remarquable. Dans le pot I, et il ne faut pas oublier qu'on ne se servit que de très-grands vases, le groupe ovale des plantes croisées avait 0m,250 de longueur sur 0m,112 de largeur, et la plus grande tige, quoique encore jeune, mesurait 0m,137 de haut ; au contraire, le groupe des plants autofécondés, du côté opposé, dans le même pot, avait 0m,082 de long sur 0m,625 de large, et la plus grande jeune tige mesurait 0m,100 de haut. Dans le pot numéro II, le groupe de plantes croisées avait 0m,450 de long sur 0m,225 de large, et la plus grande tige jeune mesurait 0m,212 en hauteur ; tandis que le groupe autofécondé du côté opposé du même pot avait 0m,300 de long sur 0m,115 de large, et la plus grande des tiges jeunes mesurait 0m,150 en hauteur. Durant cette saison, comme pendant la dernière, les plantes croisées fleurirent les premières. Les plants croisés et autofécondés ayant été laissés les uns et les autres exposés librement à la visite des insectes, produisirent manifestement beaucoup plus de graines que leurs grands parents, c'est-à-dire les plantes du groupe primitif, vivant rapprochées dans le même jardin et également abandonnées à l'action des insectes.

V. ACANTHACÉES. — THUNBERGIA ALATA.

Il résulte de la description d'Hildebrand (Botanische Zeitung, 1867, p. 285) que les fleurs remarquables [* contresens : très-visibles (conspicuous)] de cette plante sont adaptées pour la fécondation croisée. Des semis furent deux fois obtenus de graines, mais pendant le commencement de l'été, lorsqu'ils furent expérimentés pour la première fois, leur stérilité fut extrême, beaucoup de leurs anthères contenant à peine un peu de pollen ; néanmoins, durant l'automne, les mêmes plants produisirent spontanément des semences bonnes et nombreuses. 26 fleurs, dans l'espace de deux ans, furent croisées avec le pollen d'une plante distincte, mais elles donnèrent seulement 11 capsules qui contenaient très-peu de graines ! 28 fleurs furent fécondées avec le pollen de la même fleur et elles donnèrent seulement 10 capsules qui, du reste [* contresens : cependant], contenaient bien moins de graines que les capsules croisées [* contresens : ces dix capsules donnèrent plus de graines que les capsules croisées (contained rather more seed than the crossed capsules)]. Après germination, huit paires de graines furent placées dans des points opposés de cinq pots, et exactement la moitié des plants croisés et des plants autofécondés l'emporta en hauteur sur ses adversaires. Deux des plants autofécondés moururent jeunes avant d'être mesurés, et leurs antagonistes croisés furent rejetés. Les six paires restant s'accrurent très-inégalement, car certains pieds parmi les croisés et les autofécondés furent plus de deux fois plus grands que les autres. La hauteur

CHAP. III   THUNBERGIA ALATA.   99

moyenne des plantes croisées fut de 1m,500 et celle des autofécondées de 1m,625, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 108. Un croisement entre individus distincts ne parut donc pas ici produire de bons effets ; mais ce résultat est déduit d'un si petit nombre de plantes vivant dans une condition très-stérile et s'accroissant d'une manière très-inégale, qu'il ne peut pas inspirer une confiance absolue.

____________________

[page break]

CHAPITRE IV.

Crucifères, Papavéracées, Résédacées, etc.

Brassica oleracea, plants croisés et autofécondés. Effet considérable d'un croisement par un rameau nouveau sur le poids de la descendance. — Iberis umbellata. — Papaver vagum. — Eschscholtzia californica, semis provenant du croisement avec un rameau nouveau n'ayant pas plus de vigueur, mais doué d'une plus grande fécondité que les semis autofécondés. — Reseda lutea et odorata, beaucoup d'individus stériles avec leur propre pollen. — Viola tricolor, effets remarquables du croisement. — Adonis æstivalis. — Delphinium consolida. — Viscaria oculata, les plantes croisées sont à peine plus grandes, mais sont plus fertiles que les autofécondées. — Dianthus caryophyllus, plantes croisées et autofécondées, comparées pendant quatre générations. Effets considérables du croisement avec un rameau nouveau. Couleur uniforme des fleurs dans les plantes autofécondées. Hibiscus africanus.

VI. CRUCIFÈRES. — BRASSICA OLERACEA.

Variété : chou hâtif de Cattel (chou cœur de bœuf).

Les fleurs du chou commun sont adaptées pour la fécondation croisée, comme l'a montré H. Müller 1 ; elles avorteraient sous l'influence de l'autofécondation. Il est bien connu que les variétés en sont si largement croisées par les insectes qu'il est impossible d'obtenir des espèces pures dans le même jardin, lorsque plus d'une espèce se trouve fleurie en même temps. A un certain point de vue, les choux étaient mal appropriés à mes expériences, car dès qu'ils avaient formé leur tête, il était fort difficile de les mesurer. Les tiges florales diffèrent aussi beaucoup en hauteur, car une plante très-pauvre développe quelquefois une tige plus élevée qu'une plante bien venue. Dans les dernières expériences, les plantes complètement développées furent arrachées, puis pesées, et alors l'immense avantage d'un croisement fut manifeste.

1 Die Befruchtung , etc. p. 139.

CHAP. IV   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 101

Un seul plant de la variété ci-dessus avait été recouvert d'un tissu peu de temps avant la floraison et croisé avec le pollen d'une autre plante de la même variété végétant tout près d'elle : les sept capsules ainsi produites contenaient une moyenne de 16,3 graines, avec un maximum de vingt dans une silique. Quelques fleurs furent artificiellement autofécondées, mais leurs capsules ne renfermèrent pas autant de graines que celles des fleurs spontanément autofécondées sous une gaze, qui en donnèrent un grand nombre. Quatorze de ces dernières capsules contenaient en moyenne 4,1 graines, avec un maximum de dix graines dans l'une d'elles, de façon que les semences dans les capsules croisées furent numériquement à celles des autofécondées comme 100 est à 25. Les semences autofécondées, dont cinquante-huit donnèrent le poids de 3,88 grains (0gr,232), furent du reste [* contresens : cependant] un peu plus belles que celles des capsules croisées, dont trente-huit [* erreur : cinquante-huit (et non trente-huit)] pesèrent 3,76 (0gr,225). Quand les graines furent [* sont] produites en petit nombre, elles parurent souvent être [* il semble souvent qu'elles sont] mieux nourries et plus lourdes que lorsqu'il s'en formait [* forme] beaucoup.

Les deux lots de graines, dans un état égal de germination, furent placées mi-partie dans des points opposés d'un seul pot et mi-partie en pleine terre. Dans le pot, les jeunes plants croisés dépassèrent d'abord, mais faiblement, en hauteur les autofécondés, ensuite ils furent égalés par eux, puis battus, et, enfin de nouveau victorieux. Les plants, sans avoir à en souffrir, furent dépotés et plantés en pleine terre ; après un certain temps d'accroissement, les sujets croisés, qui étaient tous à peu près de la même taille, dépassèrent tous les autofécondés de 0m,050. A l'époque de la floraison, la tige florifère [* contresens : les tiges florifères] de la plus grande plante croisée dépassa [dépassèrent] de 0m,150 celle [* celles] de la plus grande autofécondée. Les autres semis qui furent placés en pleine terre vécurent séparés, de façon qu'ils ne furent pas en compétition les uns avec les autres ; cependant les plants croisés parvinrent certainement à une hauteur plus considérable que les autofécondés, mais aucune mesure ne fut prise. Les plants croisés qui avaient été obtenus [* élevés] dans le pot, aussi bien que ceux plantés en peine terre, fleurirent un peu avant les autofécondés.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Quelques fleurs des plantes croisées de la dernière génération furent de nouveau fécondées avec le pollen d'une autre plante croisée et produisirent de belles capsules. Les fleurs des plantes autofécondées de la dernière génération furent disposées pour se féconder elles-mêmes au-dessous d'une gaze et produisirent quelques superbes capsules. Les deux lots de semences ainsi produites germèrent dans le sable, et huit paires de semis furent placées dans des points opposés de quatre pots. Ces plants furent mesurés jusqu'à la pointe de leurs feuilles le 20 octobre de la même année

102 BRASSICA OLERACEA. CHAP. IV

et [* oubli : les huit croisés] donnèrent une moyenne de 0m,205, tandis que les autofécondés en marquèrent 0m,212, c'est-à-dire que les croisés eurent une certaine infériorité en hauteur dans la proportion de 100 à 101,5. Le 5 juin de l'année suivante, ces plants s'étaient accrus en volume et commençaient à former des têtes. Les croisés avaient alors acquis une supériorité marquée comme apparence générale et mesuraient en moyenne 0m,202 en hauteur, tandis que les autofécondés en avaient seulement 0m,183 ; ils étaient donc comme 100 à 91. Ces plants furent alors enlevés de leurs pots sans avoir à en souffrir et placés en pleine terre. Le 5 août, les têtes étaient complètement formées mais plusieurs d'entre les plants étaient devenus si gibbeux [* si déformés (so crooked)] qu'il était difficile de prendre la hauteur avec exactitude. Les plants croisés furent du reste [* contresens : cependant (et non "du reste")], tout bien considéré, beaucoup plus grands que les autofécondés. L'année suivante, ils entrèrent en floraison ; les plant croisés arrivèrent à cet état avant les autofécondés dans trois des pots, et [* oubli : les deux lots fleurirent] en même temps dans le pot numéro II. Les tiges florales furent alors mesurées comme c'est indiqué dans le tableau XXIX.

TABLEAU XXIX. — Mesures prises jusqu'à l'extrémité des tiges florales.

0 signifie qu'il ne se forma pas de tige florifère.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

1,231

0,987

mètres

1,100

1,025

II.

0,937

0,837

0,950

0,887

III.

1,175

1,000

1,050

1,278

1,031

1,162

IV.

1,093

1,931

0

0,506

0,834

0

Total.

9,243

8,775

Les neuf tiges florales des plants croisés eurent ici une moyenne de 0m,031 [typo : 1m,031 (41,08 pouces)] en hauteur, et les autofécondés 0m,975 seulement ; ils furent donc comme 100 est à 95. Mais cette légère différence, qui dépend du reste presque complètement de l'un des pieds fécondés [* contresens : autofécondés], dont la taille est de 0m,500 seulement, ne montre pas du tout la [* oubli : très grande] supériorité des plants croisés sur les autofécondés. L'un et l'autre lots, en y comprenant les deux

CHAP. IV   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 103

plants du pot numéro IV, qui ne fleurirent pas, furent coupés à ras de terre et pesés ; on dut en exclure les plantes du pot numéro II, qui avaient été accidentellement endommagées, et dont l'une avait été presque tuée dans l'opération de la transplantation. Les huit plants croisés donnèrent un poids de 6k,789 [* (219 onces)], tandis que les huit autofécondés pesèrent seulement 2k,542 [* (82 onces)] ; ils furent donc comme 100 est à 37 ; il en résulte que la supériorité en poids des premiers sur ces derniers fut considérable.

Effets d'un croisement avec un rameau nouveau. — Quelques fleurs d'une plante croisée de la dernière (deuxième) génération furent fécondées, sans castration préalable, avec du pollen d'une plante appartenant à la même variété, mais dépourvue de toute parenté avec mes plantes et apportée d'un jardin pépiniériste (d'où mes semences avaient été extraites dans le principe) différant du mien comme terre végétale et comme aspect. Les fleurs des plantes autofécondées de la dernière (deuxième) génération (tableau XXIX) furent disposées pour se féconder elles-mêmes spontanément sous une gaze ; elles donnèrent beaucoup de graines. Ces dernières, aussi bien que les semences croisées, furent semées par paires dans des points opposés de six grands pots, qui furent d'abord conservés dans une serre froide. Au commencement de janvier, leur hauteur fut mesurée jusqu'à la pointe de leurs feuilles. Les treize plantes croisées donnèrent une moyenne de 0m,329, et les douze autofécondées (une d'elles avait succombé) de 0m,345 ; elles furent donc, en hauteur, comme 100 est à 104, et ainsi les plants autofécondés surpassèrent un peu les croisés.

TABLEAU XXX. — Poids des plantes ayant formé une tête.

Numéros des pots

Plantes croisées avec

le pollen d'un

rameau nouveau

Plantes autofécondées

de la 3egénération

I.

kil.

4,030

kil.

0,570

II.

2,294

1,075

III.

3,751

0,543

IV.

3,952

0,434

V.

2,790

0,356

VI.

3,301

1,426

Total.

20,118

4,404

104 BRASSICA OLERACEA. CHAP. IV

Dès le début du printemps, les sujets s'endurcirent graduellement et furent tirés de leurs pots sans être endommagés, pour être placés en pleine terre. A la fin d'août, le plus grand nombre des plants avait formé de fortes têtes, mais plusieurs d'entre eux devinrent extrêmement gibbeux pour avoir été, dans la serre, exposés à la lumière. Comme il était difficile de prendre leur hauteur, on choisit les plus grands pieds de chaque côté du pot, et on les pesa après les avoir coupés à ras de terre. Les résultats de cette pesée sont indiqués dans le tableau précédent.

Les six plus belles plantes croisées pesèrent en moyenne 3k,352 tandis que les six plus belles autofécondées donnèrent seulement un poids moyen de 0k,734 ; elles furent donc en poids comme 100 est à 22. Cette différence montre de la manière la plus claire l'énorme bénéfice réalisé par ces plantes à la suite d'un croisement avec une autre plante appartenant à la même sous-variété, mais à une branche nouvelle, et ayant été, en somme, soumise à des conditions quelque peu différentes pendant les trois générations antérieures.

Descendance d'un chou à feuilles découpées, frisées et nuancées du blanc au vert, croisé avec un autre chou à feuilles découpées, frisées et nuancées du cramoisi au vert, comparée à la descendance autofécondée de ces deux variétés. — Ces essais furent faits, non en vue de comparer la croissance des semis croisés et autofécondés, mais parce que je savais admis en fait que ces variétés ne s'entre-croisent pas naturellement quand elles vivent découvertes et rapprochées les unes des autres. Cette croyance est complètement erronée, cependant la variété blanc verdâtre est à un certain degré stérile dans mon jardin, où elle produit peu de pollen et peu de graines. Il ne fut donc pas étonnant que des semis obtenus de fleurs autofécondées appartenant à cette variété fussent de beaucoup surpassés en hauteur par des semis provenant d'un croisement entre cette variété et la variété plus vigoureuse vert cramoisi ; il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit de plus sur cette expérience.

Les semis provenant d'un croisement réciproque, c'est-à-dire de la variété cramoisi-verte fécondée avec le pollen de la variété blanche-verte, offrent un cas un peu plus curieux. Quelques-uns de ces semis croisés firent retour à la variété vert pur, dont les feuilles sont plus entières et moins frisées, et furent ainsi dans un état bien plus naturel ; ces plantes poussèrent plus vigoureusement et devinrent plus grandes que les autres. Mais il se produisit cet étrange fait, qu'un nombre plus considérable [* contresens : un nombre considérablement plus important (a much larger number)] de semis autofécondés de la variété cramoisi-verte que de semis croisés subit ce retour, et il en résulta que les semis autofécondés dépassèrent

CHAP. IV   IBERIS UMBELLATA. 105

de 0m,062 en hauteur moyenne les croisés avec lesquels ils avaient été mis en compétition. Du reste [* contresens : Cependant], les semis croisés avaient tout d'abord surpassé les autofécondés d'une moyenne de 0m,006. Nous voyons par là que le retour à une condition plus naturelle agit plus efficacement, en vue de favoriser le développement ultime de ces plantes, que ne peut le faire un croisement ; mais il ne faut pas oublier que le croisement se produisait avec une variété à demi stérile d'une faible constitution.

IBERIS UMBELLATA.

Variété : Thlaspi violet pourpre.

Sous une gaze, cette variété produisit beaucoup de semences spontanément autofécondées. D'autres plants en pots furent laissés découverts dans la serre, et comme je vis de petites mouches visiter ces fleurs, il me parut probable qu'elles avaient été [* contresens : qu'elles seraient] entre-croisées. En conséquence, des graines, supposées aussi croisées et d'autres spontanément autofécondées, furent semées en des points opposés d'un même pot. Les semis autofécondés s'accrurent d'abord plus rapidement que ceux supposés croisés, et quand les deux lots furent en pleine floraison, les premiers dépassèrent les derniers de 0m,125 à 0m,150. Je trouve dans mes notes que les graines autofécondées d'où provinrent ces plants autofécondés ne mûrirent pas si bien que les croisées ; c'est [* oubli :peut-être] à cette cause qu'il faut rapporter la grande différence des plants comme croissance. Un fait semblable s'était présenté avec les plantes autofécondées de la huitième génération d'Ipomœa, obtenues de parents maladifs. Une circonstance curieuse, c'est que deux autres lots des semences ci-dessus ayant été semées dans du sable pur mêlé à de la terre brûlée et par conséquent dépourvue de toute matière organique, les semis supposés croisés parvinrent à une hauteur double des autofécondés avant que les deux lots ne succombassent, ce qui arriva nécessairement après un temps très-court. Nous rencontrerons plus tard, dans la troisième génération de Pétunia, un autre cas semblable en apparence à celui de l'Iberis.

Les plantes ci-dessus autofécondées furent disposées sous une gaze pour une nouvelle autofécondation, destinée à donner naissance à la deuxième génération ; d'autre part, les plants supposés autofécondés [* contresens : supposés croisés] furent croisés avec le pollen d'une plante distincte ; mais, par manque de temps, cette opération fut faite sans soin, en frottant les axes floraux épanouis l'un contre l'autre. Je pus croire avoir opéré avec succès et peut-être en fut-il ainsi ; mais le fait que cent huit des semences autofécondées pesèrent 4,87 grains (0gr,292), tandis que le même nombre

106 IBERIS UMBELLATA. CHAP. IV

de supposés croisés ne donna qu'un poids de 3,57 grains (0gr,214), me permit d'en douter. Cinq semis furent obtenus de chaque lot de graines, et les plants autofécondés, après complet développement, dépassèrent très-légèrement de 0m,010 [* (¼ de pouce, soit 0m,006)] les cinq plants supposés croisés. J'ai pensé qu'il était juste de relater ce cas aussi bien que le précédent, par le fait que si ces plantes croisées avaient montré leur [* une, et non 'leur'] supériorité sur les autofécondées, j'aurais été conduit à admettre que les premiers avaient été réellement croisés, tandis que, dans l'état actuel des expériences, je ne sais vraiment que conclure.

Ma surprise ayant été grande à la suite des deux précédentes expériences, je résolus d'en faire une autre, dans laquelle il n'y aurait pas de doute sur le croisement. Je fécondai donc avec grand soin (mais comme toujours sans castration préalable) vingt-quatre fleurs, prises sur les plants supposés croisés de la dernière génération avec le pollen de plantes distinctes, et j'obtins ainsi vingt et une capsules. Les plantes [* oubli : autofécondées] de la dernière génération furent disposées pour se féconder de nouveau elles-mêmes sous une gaze, et les semis qui levèrent de ces graines formèrent la troisième génération autofécondée. Les deux lots de semences, après germination dans le sable pur, furent placés par paires dans des points opposés de deux pots. Toutes les semences restant furent semées dru dans des points opposés d'un troisième pot ; mais tous les semis autofécondés dans ce dernier vase succombèrent avant d'avoir atteint une hauteur convenable et ne furent point mesurés. Les plants des pots numéros I et II furent mesurés lorsqu'ils eurent 0m,175 à 0m,200 de haut, et les croisés surpassèrent les autofécondés d'une hauteur moyenne de 0m,038 [* (1,57 pouces, soit 0m,0392)]. Après complet développement, ils furent à nouveau mesurés jusqu'au moment de [* contresens : jusqu'au sommet] leurs capitules florales et donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU XXXI.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

de la 3egénération

I.

mètres

0,450

0,525

0,456

mètres

0,475

0,525

0,487

II.

0,475

0,462

0,425

0,534

0,418

0,187

0,362

0,412

Total.

3,337

2,868

CHAP. IV CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 107

La hauteur moyenne des sept plants croisés est ici de 0m,478, et celle des sept autofécondés de 0m,409 ; elle fut comme 100 à 86. Mais comme les plants du côté autofécondé s'accrurent très-inégalement, cette proportion ne peut inspirer complète confiance, car elle est probablement trop élevée. Dans les deux pots, chaque plante croisée fleurit avant chaque autofécondée. Ces plantes furent laissées à découvert dans la serre, mais comme elles avaient été trop entassées, elles ne furent pas très-productives. Les semences des sept plantes renfermées dans chaque lot furent comptées ; les croisées en donnèrent deux cent-six et les autofécondées cent cinquante-quatre, c'est-à-dire comme 100 est à 56 [* erreur : comme 100 à 75].

Croisement par un rameau nouveau. — D'une part, à cause des doutes que me laissèrent les deux premiers essais, dans lesquels je ne savais pas avec certitude si les plants avaient été croisés, et, d'autre part, parce que les plants croisés, dans la dernière expérience, avaient été mis en compétition avec des plants autofécondés pendant trois générations, qui s'étaient accrus du reste [* contresens : qui de plus s'étaient accrus] très-inégalement, je pris la résolution de répéter l'expérience sur une plus grande échelle et d'une manière toute différente. Je me procurai d'un autre jardin pépiniériste des semences de la même variété cramoisie de l'I. umbellata, et en obtins des semis. Quelques-unes de ces plantes furent disposées pour l'autofécondation spontanée sous une gaze, et d'autres furent croisées par le pollen provenant de plantes issues de graines qui m'avaient été envoyées par le docteur Durando, d'Alger, où les plantes génératrices avaient été cultivées pendant plusieurs générations. Ces derniers plants différèrent des premiers à un seul point de vue : ils avaient des fleurs colorées de rose pâle au lieu de cramoisi. Quoique les fleurs de la plante-mère [* oubli : cramoisie] n'eussent pas été châtrées, il fut bien prouvé, au moment de la floraison, que le croisement avait été effectif, car vingt-quatre des fleurs produites furent rose pâle [* contresens : sur les 30 plantes produites, 24 donnèrent des fleurs rose pâle], revêtant ainsi exactement la livrée paternelle, et les six autres furent cramoisies, c'est-à-dire qu'elles portèrent la couleur de leur mère et celle de tous les semis autofécondés. Ce cas présente un bon exemple d'un fait qui n'est pas rare comme conséquence d'un croisement de deux variétés à fleurs douées de couleurs différentes, c'est-à-dire la non-fusion des couleurs et la reproduction de celle [* (de la couleur)] qui existe, soit chez le père, soit chez la mère. Les semences des deux lots, après germination dans le sable, furent placées dans des points opposés de huit pots. Après complet développement, les semis furent mesurés jusqu'au sommet des capitules, comme c'est indiqué dans le tableau suivant :

108 IBERIS UMBELLATA. CHAP. IV

TABLEAU XXXII.

Iberis umbellata : 0 veut dire que la plante a succombé.

Numéros des pots

Plantes provenant d'un croisement avec un

rameau nouveau

Plantes provenant de semences spontanément autofécondées

I.

mètres

0,468

0,440

0,443

0,503

mètres

0,431

0,421

0,328

0,381

II.

0,506

0,396

0,425

0

0,418

0,381

III.

0,481

0,453

0,381

0,343

0,356

0,337

IV.

0,428

0,471

0,440

0,493

0,362

0,312

0,353

0,400

0,384

0,371

V.

0,453

0,371

0,406

0,390

0,312

0,412

0,406

0,356

0,356

0,403

VI.

0,468

0,468

0,434

0,403

0,375

0,381

VII.

0,450

0,412

0,456

0,409

0,362

0,340

VIII.

0,518

0,446

0,340

0,481

0,393

0,409

0,506

0,393

Total.

13,009

11,247

La hauteur moyenne des trente plantes croisées est ici de 0m,433, et celle des vingt-neuf autofécondées (une d'elles mourut) de 0m,378, c'est-à-dire comme 100 est à 89. Je suis surpris de voir que cette différence ne fut pas plus accentuée, surtout en considérant que dans la dernière expérience elle fut de 100 à 86 ; mais cette proportion, comme je l'ai expliqué, est pro-

CHAP. IV   PAPAVER VAGUM. 109

bablement trop élevée. Il faut, du reste [* contresens : cependant], remarquer que dans la dernière expérience (tableau XXXI) les plants croisés étaient en lutte avec ceux de la troisième génération autofécondée, tandis que, dans le cas présent, les plants provenant d'un croisement avec un pied nouveau étaient en compétition avec des plants autofécondés de la première génération.

Dans le cas présent, comme dans le cas précédent, les plants croisés furent plus féconds que les autofécondés, les deux lots ayant été laissés à découvert dans la serre. Les trente plants croisés produisirent cent trois capitules porte-graines, auxquelles il faut rajouter quelques inflorescences qui restèrent stériles, tandis que les vingt-neuf plants autofécondés produisirent seulement quatre-vingt-une [* erreur : quatre-vingt-un] capitules séminifères ; les trente plants semblables [* contresens : trente de ces plants] auraient donc donné 83,7 capitules. Nous avons alors la proportion de 100 à 81 pour le nombre de capitules porte-graines produites [* erreur : produits] par les plants croisés et autofécondés. Du reste [* contresens : De plus], un certain nombre d'inflorescences séminifères des plants croisés, comparées au même nombre de capitules des plants autofécondés, donna en poids des semences dans la proportion de 100 à 92. En combinant ces deux éléments, c'est-à-dire le nombre de têtes porte-graines et le poids des semences dans chaque tête, la productivité des plants croisés fut à celle des plants autofécondés comme 100 est à 75.

Les semences croisées et autofécondées (les unes intactes et les autres en état de germination) qui restèrent après que les paires indiquées ci-dessus eurent été plantées, furent, dès le commencement de l'année, semées en pleine terre, sur deux rangs. Plusieurs [* Un grand nombre] des semis autofécondés souffrirent considérablement, et il en périt un nombre beaucoup plus grand que de croisés. A l'automne, les plants autofécondés survivant furent beaucoup moins bien venus que les croisés.

VII. PAPAVÉRACÉES. — PAPAVER VAGUM.

Une sous-espèce du P. dubium, du Sud de la France.

Les pavots ne sécrètent pas de nectar, mais les fleurs en sont très-remarquables [* contresens : très-visibles (highly conspicuous)] et reçoivent la visite de nombreuses abeilles collectrices de pollen, de mouches et de coléoptères. Les anthères perdent leur pollen de très-bonne heure, et, dans le cas du P. rhœas, il tombe sur la circonférence du stigmate rayonné [* rayonnant] ; il en résulte que cette espèce doit être le plus souvent [* contresens : doit être souvent] autofécondée ; mais avec le P. dubium le même résultat ne doit pas se produire (d'après H. Müller, Die Befruchtung, etc, p. 128), à cause de la petitesse des étamines, quoique cependant les fleurs soient souvent inclinées [* contresens : sauf quand il se trouve que les fleurs sont inclinées]. La présente espèce ne paraît

110 PAPAVER VAGUM. CHAP. IV

donc pas si bien adaptée pour l'autofécondation que le plus grand nombre des autres. Cependant, le P. vagum produisit beaucoup de capsules dans mon jardin après que les insectes en furent écartés, mais à la fin de la saison seulement. Je dois ajouter que le P. somniferum produit en abondance des capsules spontanément autofécondées, et le professeur H. Hoffmann l'a aussi constaté 1 . Quelques espèces de Papaver se croisent facilement quand elles végètent dans le même jardin, et j'ai démontré [* contresens : comme je savais] que c'était le cas pour les P. bracteatum et orientale.

Des plants de Papaver vagum furent obtenus de graines que je reçus d'Antibes, et que je dus à la complaisance du docteur Bornet. Peu de temps après, les fleurs en étaient épanouies, et quelques-unes [* contresens : Peu de temps après que les fleurs se fussent épanouies, et plusieurs (Some little time after the flowers had expanded, several...)] d'entre elles furent fécondées par leur propre pollen, tandis que d'autres étaient croisées (sans castration préalable) avec le pollen d'un individu distinct ; mais j'ai des raisons de croire, d'après mes expériences subséquentes, que ces dernières fleurs avaient été fécondées déjà avec leur propre pollen, cette opération se produisant immédiatement après l'épanouissement des fleurs 2  . J'obtins, du reste [* contresens : cependant], quelques semis des deux lots et les autofécondés dépassèrent de beaucoup en hauteur les croisés.

Au commencement de l'année suivante, j'opérai d'une façon différente, en fécondant sept fleurs, bien peu après leur anthèse [* leur épanouissement], avec le pollen d'une autre plante, et j'obtins ainsi six capsules. Après avoir compté les graines contenues dans une capsule de grandeur moyenne, j'estimai que le nombre moyen de semences était dans chacune d'elles de [* oubli : au moins] cent vingt. Quatre fruits, parmi les onze [* erreur : douze, et non onze] spontanément autofécondés obtenus dans le même temps, continrent de mauvaises graines, et les huit restant n'en renfermèrent qu'une moyenne de 6,6 par capsule. Mais il est bon de faire observer qu'à la fin de la saison, les mêmes plantes donnèrent, sous une gaze, un grand nombre de très-bonnes capsules spontanément autofécondées.

Les deux lots de graines ci-dessus, après germination dans le sable, furent placés par paires dans es points opposés de cinq pots. Les deux lots de semis, parvenus à la hauteur de 0m,025 [* erreur : ½ pouce, soit 0m,0127], puis plus tard à celle de 0m,150, furent mesurés jusqu'à la pointe

1 Zur Speciesfrage (sur la question de l'espèce), 1875, p. 53.

2 Mr. J. Scott a trouvé (Report on the Experimental Culture of the Opium Poppy, Rapport sur la culture expérimentale du pavot à opium, Calcutta, 1874, p. 47), que dans le cas du Papaver somniferum, l'enlèvement de la surface stigmatique avant l'épanouissement des fleurs empêche la production des graines. Mais si cette opération est pratiquée, « le second jour ou même quelques heures après l'anthèse [* contresens : ou même le premier jour quelques heures seulement après l'épanouissement des fleurs], une autofécondation partielle s'est déjà produite et quelques bonnes graines sont invariablement produites ». Ceci prouve combien précoce est l'acte de la fécondation.

CHAP. IV   ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA.   111

de leurs feuilles ; ils ne présentèrent aucune différence. Après complet développement, les pédoncules floraux furent mesurés jusqu'aux sommets des capsules séminifères, et donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU XXXIII. — Papaver vagum.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,606

0,750

0,462

mètres

0,525

0,665

0,400

II.

0,362

0,550

0,490

0,525

0,384

0,503

0,353

0,412

III.

0,518

0,506

0,518

0,481

0,331

0,450

IV.

0,634

0,606

0,581

0,575

V.

0,500

0,696

0,475

0,459

0,675

0,531

Total.

8,418

7,328

Les quinze plantes croisées ont ici en hauteur moyenne 0m,550, et les quinze autofécondées 0m,488 ; ils sont comme 100 à 89. Ces plantes ne différèrent pas comme fécondité, autant qu'on peut en juger par le nombre de capsules produites ; il y en eut, en effet, soixante-quinze sur les pieds croisés et soixante-quatorze sur les autofécondés.

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA.

Cette plante est remarquable en ce que ses semis croisés ne dépassèrent ni en hauteur, ni en vigueur les autofécondés. D'un autre côté, un croisement ayant pour effet d'augmenter considérablement la productivité des fleurs dans les plantes génératrices, devint quelquefois nécessaire pour assurer la formation de quelques graines [* contresens : la formation de graines] ; du reste [* contresens : de plus], les plantes obtenues par ce moyen sont par elles-mêmes [* oubli : beaucoup] plus fécondes que celles qui proviennent des fleurs autofécondées. De cette façon, tout l'avantage résultant d'un croisement est concentré sur le système reproducteur. Il me paraît nécessaire de m'étendre avec de grands détails sur ce cas singulier.

112 ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA. CHAP. IV

Douze fleurs, prises sur quelques plantes de mes parterres, furent fécondées avec le pollen de plantes distinctes et produisirent douze capsules, dont une seule contenait de mauvaises graines [* contresens : dont une ne contenait aucune bonne graine]. Les semences des onze bonnes capsules pesèrent 17,4 grains (1gr,04). Dix-huit fleurs de la même plante [* contresens : des mêmes plantes] furent fécondées avec leur propre pollen et produisirent douze bonnes capsules, qui contenaient un poids de 13,61 grains (0gr,816) de semences. Donc, un égal nombre de capsules croisées et autofécondées aurait produit des graines dont le poids serait comme 10 à 71 1 . Si nous tenons compte de ce fait [* du fait] qu'une bien plus grande proportion des fleurs produisit des capsules après croisement qu'après autofécondation, la fertilité relative des fleurs croisées et autofécondées se trouve être comme 100 à 52. Néanmoins ces plantes, quoique protégées par une gaze, produisirent spontanément un nombre considérable de capsules autofécondées.

Les semences des deux lots, après germination dans le sable, furent placées par paires dans des points opposés de quatre grands pots. D'abord, on n'observa aucune différence dans leur développement ; mais finalement, les semis croisés surpassèrent considérablement les autofécondés en hauteur, ainsi que c'est démontré dans le tableau suivant :

TABLEAU XXXIV. — Eschscholtzia californica.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,837

mètres

0,625

II.

0,856

0,875

III.

0,725

0,681

IV.

0,550

0,375

Total.

2,968

2,456

Mais je suis porté à croire, d'après le cas qui suit, que ce résultat tout accidentel est attribuable au petit nombre de plantes mesurées, et à ce que l'une de ces plantes [* oubli : autofécondées] seulement atteignit [* contresens : atteignit seulement] la

1 Le professeur Hildebrand a expérimenté, en Allemagne, sur un bien plus grand nombre de plantes que je n'ai pu le faire, et leur a trouvé une autostérilité [* contresens : autofécondité] beaucoup plus accentuée. Dix-huit capsules produites par fécondation croisée continrent en moyenne 85 graines, tandis que quatorze capsules provenant de fleurs autofécondées en renfermèrent une moyenne de 9, c'est-à-dire comme 100 est à 11 (Jahresb. für Wissensch. Botanik, Bd. VIII [* erreur : Bd. VII], p. 467).

CHAP. IV   ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA.   113

hauteur de 0m,375. Ces plantes avaient été conservées dans la serre, et afin de les exposer à la lumière [* contresens : parce qu'elles étaient attirées par la lumière (from being drawn up to the light)] elles avaient dû être liées à des baguettes, aussi bien [* que] dans le cas suivant. Les mensurations atteignirent jusqu'au sommet de leur tiges florales.

Les quatre plants croisés ont ici une moyenne de 0m,740 en hauteur, et les quatre autofécondés de 0m,640, c'est-à-dire comme 100 est à 86. Les semences restant furent semées dans un grand pot où une Cinéraire avait longtemps végété ; et, dans ce cas encore, les deux plants croisés d'un côté surpassèrent grandement en hauteur les deux autofécondés du côté opposé. Les plants des quatre pots ci-dessus, ayant été conservés dans la serre, ne produisirent pas beaucoup de capsules ni dans cette occasion ni dans d'autres circonstances similaires [* contresens : ni dans toute autre circonstance similaire], mais les fleurs des plantes croisées ayant été de nouveau croisées, furent [* oubli : beaucoup] plus productives que celles des fleurs [* que les fleurs] des plantes autofécondées après une nouvelle autofécondation. Ces plantes, après avoir grainé, furent coupées et conservées dans la serre, et l'année suivante, quand elles végétèrent de nouveau, leur hauteur relative était renversée [* leurs hauteurs relatives étaient renversées], car trois sur quatre des plants autofécondés [* contresens : les plants autofécondés dans trois des quatre pots] furent alors plus grands que les croisés et entrèrent en fleur avant ces derniers.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Le fait que je viens de rapporter relatif au développement des plantes coupées m'inspira des doutes sur ma première expérience, et je résolus d'en faire une autre sur une plus large échelle avec les semis croisés et autofécondés, obtenus des plants croisés et autofécondés de la dernière génération. Onze paires en furent obtenues et végétèrent en compétition à la manière ordinaire : là le résultat fut différent, car les deux lots gardèrent une égalité presque complète durant toute leur période végétative. Il serait donc superflu de donner ici un tableau de leur hauteur. Mesurés après complet développement, les plants croisés eurent une taille moyenne de 0m,811 et les autofécondés de 0m,820, c'est-à-dire comme 100 est à 101. Il n'y eut pas une grande différence entre le nombre des fleurs et des capsules produites dans les deux lots, lorsqu'ils furent exposés à la visite des insectes.

Plants obtenus des semences brésiliennes. — Fritz Müller m'envoya du Brésil méridional des semences provenant de plantes qui, dans ce pays, sont absolument stériles après fécondation par le pollen de la même plante, et deviennent très-fertiles, au contraire, après croisement avec le pollen de quelque autre pied. Les plants que j'obtins en Angleterre, de ces semences, furent examinés par le professeur Asa Gray, qui les reconnus comme appartenant à l'E. Californica, avec lequel ils sont identiques comme apparence générale. Deux de ces plants furent recouverts

114 CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. CHAP. IV

d'une gaze et me parurent [* contresens : et furent trouvés] n'être pas aussi complètement stériles [* contresens : autostériles] qu'ils le sont au Brésil. Mais je reviendrai plus tard sur ce sujet, dans une autre partie de cet ouvrage. Ici, il me suffira d'établir que huit fleurs de ces deux plants fécondés sous la gaze, avec le pollen d'un autre plant, produisirent huit belles capsules dont chacune contenait en moyenne 80 graines. Huit fleurs de la même plante [* contresens : sur ces mêmes plants], fécondées avec leur propre pollen, produisirent sept capsules qui contenaient en moyenne seulement 12 semences, avec un maximum de 16 pour l'une d'elles. Les capsules croisées, comparées aux autofécondées, donnèrent donc des semences dans la proportion de 100 à 15. Ces plantes de lignage brésilien différèrent donc d'une manière très-marquée des plantes anglaises, en ce qu'elles produisirent, sous gaze, extrêmement peu de capsules spontanément autofécondées.

Des semences croisées et autofécondées issues des plants ci-dessus, après germination dans le sable pur, furent placées par paires dans des points opposés de cinq grands pots. Les semis ainsi obtenus furent les petits-fils des plantes qui végétèrent au Brésil : leurs générateurs [* parents] s'étaient développés en Angleterre. Comme les grands-parents, au Brésil, exigent absolument une fécondation croisée pour donner quelques [* contresens : des] graines, j'espérai [* contresens : je m'attendais à ce] que l'autofécondation aurait de mauvais résultats pour les semis, et que les plants croisés montreraient une grande supériorité, en taille et en vigueur, sur ceux obtenus des fleurs autofécondées. Mais le résultat prouve que ma prévision était erronée, car, comme dans la dernière expérience faite avec les plantes d'une branche anglaise, les autofécondés, dans le cas présent, surpassèrent un peu les croisés en hauteur. Il sera suffisant d'établir que les quatorze plants croisés eurent une hauteur moyenne de 1m,115 et les quatorze autofécondés de 1m,131, c'est-à-dire comme 100 est à 101.

Effets du croisement avec un rameau nouveau. — J'essayai alors une autre expérience. Huit fleurs d'un plant autofécondé [* contresens : de plants autofécondés], provenant de la dernière expérience (c'est-à-dire petits-fils des plantes qui vécurent au Brésil), furent fécondées de nouveau avec le pollen de la même plante et produisirent cinq capsules contenant en moyenne 27,4 semences, le maximum étant, dans l'une d'elles, de 42. Les semis obtenus de ces semences formèrent la deuxième génération autofécondée de la souche brésilienne.

Huit fleurs, sur l'un des plants croisés de la dernière expérience, furent croisées avec le pollen d'un autre petit-fils et donnèrent cinq capsules. Elles contenaient en moyenne 31,6 graines, avec un maximum, pour l'une d'elles, de 49. Les semis obtenus de ces graines seront appelés les entre-croisés.

Enfin, huit autres fleurs des plants croisés de la dernière expérience furent fécondées avec le pollen d'une plante de souche anglaise végétant dans mon jardin, et qui durent avoir été soumises

CHAP. IV   ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA.   115

pendant de nombreuses générations antérieures à des conditions très-différentes de celles auxquelles les progéniteurs brésiliens de la plante-mère avaient été exposés. Ces huit fleurs produisirent seulement quatre capsules contenant, en moyenne, 63,2 graines, avec un maximum de 90 pour l'une d'elles. Les plants venus de ces graines seront nommés Anglais-croisés. S'il est possible d'accorder confiance aux moyennes ci-dessus [* oubli : basées sur si peu de capsules], les capsules Anglais-croisées fournirent deux fois plus de graines que les entre-croisées, et plus que deux fois autant que les capsules autofécondées. Les plants que [* contresens : qui] donnèrent ces capsules furent mis à végéter dans des pots dans la serre, et leur productivité totale ne peut être comparée avec celle de plants végétant à l'extérieur.]

Les trois lots de graines ci-dessus, c'est-à-dire autofécondées, croisées [* entre-croisées] et Anglais-croisées, étant arrivés à un égal degré de germination (ces graines avaient été, comme de coutume, semées dans du sable pur), furent placées dans neuf grands pots, dont chacun était partagé en trois parties par des divisions superficielles. Beaucoup d'entre les graines autofécondées germèrent avant celles des deux lots croisés, et celles-là furent naturellement rejetées. Les semis ainsi obtenus sont les arrières-petits-fils des plants qui vécurent au Brésil. Arrivés à la hauteur de 0m,050 à 0m,100, les trois lots étaient égaux. Ils furent mesurés d'abord quand ils eurent atteint les 4/5 de leur développement, puis de nouveau après complet développement ; mais comme leur hauteur relative fut [* leurs hauteurs relatives furent] presque exactement la même [* les mêmes] dans ces deux âges, je ne donnerai que les dernières mesures. La hauteur moyenne des dix-neuf Anglais-croisés fut de 1m,145, celle des dix-huit entre-croisés (un d'eux avait succombé) de 1m,083, enfin celle des dix-neuf pieds autofécondés de 1m,258. Ils furent donc, comme hauteur, dans les proportions suivantes :

Les Anglais-croisé aux autofécondés, comme 100 est à 109.

Les Anglais-croisés aux entre-croisés, — 100 — 94.

Les entre-croisés aux autofécondés, — 100 — 116.

Lorsque toutes les capsules séminifères furent cueillies, toutes les plantes furent coupées à ras de terre et pesées. Les dix-neuf Anglais-croisées donnèrent un poids de 565gr,75 ; les entre-croisées (leur poids étant calculé comme s'il y en avait eu dix-neuf) pesèrent 565gr,20 et les dix-neuf autofécondées 666gr,50. Nous avons donc pour le poids des trois lots de plantes les proportions suivantes :

Les Anglais-croisé aux autofécondés, comme 100 est à 118.

Les Anglais-croisés aux entre-croisés, — 100 — 100.

Les entre-croisés aux autofécondés, — 100 — 118.

116 CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. CHAP. IV

Nous soyons par là que, comme poids et comme hauteur, les plantes autofécondées ont un avantage marqué sur les croisées [* sur les Anglais-croisées et sur les entre-croisées].

Les graines des trois espèces [* contresens : sortes] restant, en état de germination ou non, furent semées en trois longues séries parallèles en pleine terre : là [* oubli : de nouveau (here again)], les semis autofécondés dépassèrent en hauteur, d'environ 0m,050 à 0m,075, les semis des deux autres rangées, qui furent à peu près de hauteur égale. Les trois séries ayant été laissées découvertes pendant l'hiver, toutes les plantes furent brûlées par le froid, à l'exception de deux autofécondées : de façon que si peu que vaille cette preuve [* contresens : pour autant que vaille cette évidence limitée], quelques plants autofécondés furent plus vigoureux que quelques-uns des croisés de chaque lot [* contresens : certains des plants autofécondés furent plus vigoureux que n'importe lequel des plants des deux lots croisés (more hardy than any of the crossed plants of either lot)].

Nous voyons par là que les plants autofécondés, qui végétèrent dans les neuf pots, furent supérieurs en hauteur (comme 116 est à 100), et en poids (comme 118 est à 100), et apparemment en vigueur aux entre-croisés provenant d'un croisement entre les petits-fils de la souche brésilienne. La supériorité est ici bien plus fortement marquée que dans la deuxième expérience avec les plants de souche anglaise, dans lesquels les autofécondés furent en poids au croisés comme 101 à 100. Il y a un fait bien plus remarquable encore, si nous nous rappelons les effets du croisement avec le pollen d'un pied nouveau dans le cas de l'Ipomœa, Mimulus, Brassica et Iberis : c'est que les plants autofécondés surpassèrent en hauteur (dans la proportion de 109 à 100) et en poids (comme 118 à 100), la descendance de la souche brésilienne croisée avec un pied anglais, les deux souches ayant été longtemps soumises à des conditions profondément dissemblables.

Si nous revenons maintenant à la fécondité des trois lots de plantes, nous trouvons des résultats bien différents. Je peux établir d'abord que, dans cinq pots sur neuf, les premières plantes qui fleurirent furent les Anglais-croisées [* contresens : la première plante qui fleurit fut une Anglais-croisée], que dans les quatre autres ce fut un autofécondé qui eut la priorité, et que jamais un plant croisé ne donna la première fleur : ces dernières plantes furent donc battues de ce côté comme de beaucoup d'autres. Les trois séries très-contigües de plantes végétant en pleine terre fleurirent avec profusion, ces fleurs reçurent incessamment la visite des abeilles et furent certainement entre-croisées.

La manière dont plusieurs plantes, dans les expériences antérieures, continuèrent à rester presque stériles tant qu'elles furent couvertes d'une gaze et à donner, par contre, une multitude de capsules dès qu'elles furent découvertes, prouve combien est efficace le transport du pollen de plante à plante par les insectes [* par les abeilles]. Mon jardinier cueillit, à trois reprises successives, un nombre égal de capsules mûres sur les plants de [* contresens : des] trois lots, jusqu'à ce qu'il en eût ramassé quarante-cinq dans chaque lot. Il est im-

CHAP. IV   ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA.   117

possible de juger d'après leur apparence extérieure si les fruits renferment ou non de bonnes graines, aussi dus-je ouvrir toutes les capsules. Sur les quarante-cinq, provenant de plants Anglais-croisés, quatre furent trouvées vides, il y en eut cinq parmi les entre-croisés, et enfin on en compta neuf parmi les autofécondés. Les semences furent comptées dans vingt-et-une capsules prises au hasard dans chaque lot, et le nombre moyen de graines dans les capsules des plants Anglais-croisés fut de 67, dans celles des entre-croisés de 56, enfin dans celles des autofécondés de 48,52. Il s'ensuit que :

Graines

Les 45 capsules (y compris les 4 vides) des plants Anglais-croisés contenaient..............2747

Les 45 capsules (y compris les 4 [* erreur : les 5] vides) des plants entre-croisés contenaient....2240

Les 45 capsules (y compris les 9 vides) des plants autofécondés contenaient.................1746,7

Le lecteur se rappellera que ces capsules sont le produit de la fécondation croisée réalisée par les abeilles, et que la différence dans le nombre de semences obtenues doit dépendre de la constitution des plants, c'est-à-dire de ce qu'ils furent ou le produit d'un croisement avec un pied distinct, ou celui d'un croisement entre plants de la même souche, ou enfin résultèrent d'une autofécondation. Des faits ci-dessus, nous extrayons [* obtenons] les proportions suivantes :

Quantité de semences contenues dans un nombre égal de capsules naturellement fécondées, produites :

Par les plants Anglais-croisés et autofécondés, comme 100 est à 63

Par les plants Anglais-croisés et entre-croisés, — 100 — 81

Par les plants entre-croisés et autofécondés, — 100 — 78

Mais, pour que la productivité des trois lots de plantes fût bien constatée, il était nécessaire de connaître la quantité de capsules produites par le même nombre de plants. Les trois longues séries ne furent pas, du reste [* contresens : cependant], d'égale longueur, et les plants vécurent très-entassés, de telle sorte qu'il m'eût été extrêmement difficile de déterminer le nombre de capsules qu'ils produisirent, même dans le cas où j'aurais eu la volonté d'entreprendre une tâche aussi laborieuse que celle de ramasser et de compter ces [* toutes les] capsules. Mais cette opération était réalisable avec les plantes végétant en pot dans la serre, et quoique ces dernières fussent moins fécondes de beaucoup que celles qui étaient en plein air, leur fécondité relative parut égale, après une observation attentive. Les dix-neuf plants de la souche Anglais-croisé produisirent dans les pots, ensemble 240 capsules ; les entre-croisés (calculés sur le nombre

118 RESEDA LUTEA. CHAP. IV

de dix-neuf) en donnèrent 137,22 ; et les dix-neuf autofécondés enfin, 152. Maintenant que nous connaissons la quantité de graines contenues dans 45 capsules de chaque pot, il nous est facile de calculer les nombres relatifs de semences produites par un égal nombre de plants des trois lots.

Quantité de semences produites par un égal nombre de plants naturellement fécondés

[* contresens : Quantité de semences contenues dans un nombre égal de capsules naturellement fécondées produites par] :

Plants Anglais-croisés et autofécondés, comme 100 à 40

Plants Anglais-croisés et entre-croisés, — 100 à 45

Plants entre-croisés et autofécondés, — 100 à 89

La supériorité en productivité des plants entre-croisés (c'est-à-dire produits par un croisement entre les petits-fils des pieds qui vécurent au Brésil) sur les autofécondés, quelque faible qu'elle soit, est entièrement due au plus grand nombre moyen de semences contenues dans les capsules, car les plants entre-croisés produisirent, dans la serre, moins de capsules que les autofécondés. Comme productivité, la grande supériorité des plants Anglais-entre-croisés [* Anglais-croisés (et non "Anglais-entre-croisés")] sur les autofécondés est montrée par le plus grand nombre de capsules produites, par la quantité [* oubli : moyenne] plus considérable de graines qu'elles renferment et par le nombre moindre de capsules vides. Les plants Anglais-croisés et [* les] entre-croisés ayant formé la descendance des croisés dans chaque génération antérieure (et cela dut résulter de ce fait que les fleurs restèrent stériles avec leur propre pollen), nous pouvons en conclure que la grande supériorité comme productivité, des Anglais-croisés sur les entre-croisés, est due à ce que les deux parents des premiers furent longtemps assujettis à des conditions différentes.

Les plants Anglais-croisés, malgré leur grande supériorité génésique [* grande supériorité de productivité], furent, comme nous l'avons vu, décidément inférieurs en hauteur et en poids aux autofécondés, et seulement égaux ou à peine supérieurs aux entre-croisés. Donc, tout l'avantage résultant d'un croisement avec un pied distinct est ici concentré sur la productivité, et je n'ai jamais rencontré un cas semblable.

VIII. RÉSÉDACÉES. — RESEDA LUTEA.

Des graines ramassées sur des plantes sauvages qui croissent aux alentours furent semées dans mon jardin potager, et plusieurs des semis ainsi obtenus furent couverts d'une gaze ; quelques-uns de ceux-ci furent trouvés complètement stériles (comme je le décrirai plus tard complètement), après avoir été abandonnés à l'autofécondation spontanée, quoique leurs stigmates fussent remplis de pollen [* contresens : quoique beaucoup de pollen tombât sur leurs stigmates (although plenty of pollen fell on their stigmas)]. Ils furent également stériles après

CHAP. IV   RESEDA LUTEA.  119

une fécondation artificielle répétée avec leur propre pollen, tandis que d'autres plants produisirent quelques capsules spontanément autofécondées. Les sujets restant furent laissés découverts, et, comme le pollen fut transporté de plante en plante par les abeilles et les bourdons qui visitent incessamment ces fleurs, il produisirent un grand nombre de capsules. Ce qui se passe dans cette espèce et dans le R. odorata rendit amplement évidente pour moi la nécessité de transport du pollen d'une plante à une autre, car ces plantes, qui ne produisirent que peu ou pas de graines tant qu'elles furent protégées par les insectes [* contresens : contre les insectes], devinrent chargées de capsules aussitôt après qu'elles eurent été mises à découvert.

Les semences des fleurs spontanément autofécondées sous une gaze, et celles des fleurs naturellement croisées par les abeilles[* oubli : , (virgule)] furent semées dans des points opposés de cinq grands pots. Les semis furent éclaircis dès qu'ils sortirent de terre, de façon à ce qu'un égal nombre en fut laissé des deux côtés. Après un certain

TABLEAU XXXV. — Reseda lutea, en pots.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,525

0,356

0,478

0,175

0,378

mètres

0,321

0,400

0,296

0,381

0,478

II.

0,512

0,434

0,596

0,428

0,518

0,312

0,406

0,406

0,334

0,340

III.

0,403

0,443

0,406

0,250

0,250

0,362

0,487

0,521

0,196

0,443

IV.

0,553

0,475

0,471

0,412

0,481

0,225

0,287

0,275

0,400

0,409

V.

0,631

0,550

0,218

0,356

0,368

0,400

0,359

0,356

Total.

10,307

8,771

120 RESEDA LUTEA.   CHAP. IV

temps, les pots furent enfoncés en pleine terre. Le même nombre de plants des deux lignages croisé et autofécondé, fut mesuré jusqu'au sommet des tiges florales avec le résultat indiqué dans le tableau précédent. Ceux qui ne produisirent pas de tiges florales be furent pas mesurés (tableau XXXV).

La hauteur moyenne des vingt-quatre plants croisés est ici de 0m,430 et celle du même nombre de plants autofécondés de 0m,365, c'est-à-dire comme 100 est à 85. Tous les croisés à l'exception de cinq fleurirent, tandis que de nombreux [* contresens : plusieurs] autofécondés ne purent arriver à floraison. Les paires ci-dessus, quoique encore en fleur, mais portant quelques capsules déjà formées, furent coupées à ras de terre et pesées : les sujets croisés donnèrent un poids de 2k,805 et un égal nombre d'autofécondés [* oubli : donna un poids] de 589 grammes seulement, ou comme 100 est à 21 ; ce qui constitue une différence surprenante.

Des graines des deux mêmes lots furent aussi semées sous [* en (et non "sous")] deux rangées contiguës en pleine terre. Il y eut vingt croisés dans une série et trente-trois [* erreur : trente-deux (et non "trente-trois")] autofécondés dans l'autre, ce qui fausse l'expérience, mais moins qu'on pourrait le croire d'abord, car les plantes de la même série ne furent pas assez sérieusement entassées pour entraver leur développement mutuel, et de plus la terre était libre en dehors [* contresens : sur le pourtour (et non "en dehors")] des deux séries de résédas. Ces plants furent mieux nourris que ceux des pots et atteignirent une plus grande hauteur. Les huit plus grands, dans chaque série, furent mesurés de la même manière que ci-dessus, et donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU XXXVI. — Reseda lutea, en pleine terre.

Plants croisés

Plants autofécondés

mètres

0,700

0,684

0,690

0,718

0,746

0,668

0,656

0,753

mètres

0,831

0,575

0,540

0,512

0,540

0,550

0,531

0,546

5,518

4,628

La hauteur moyenne des plants croisés, parvenus à pleine floraison, fut ici de 0m,703 et celle des autofécondés de 0m,578, c'est-à-dire comme 100 est à 82. Un fait étrange, c'est que le plus grand plant des deux séries fut un des autofécondés. Ces derniers portèrent des feuilles plus petites et plus pâles que les croisés. Tous les plants des deux séries furent ensuite coupés

CHAP. IV   RESEDA ODORATA. 121

et pesés : les vingt croisés donnèrent un poids de 2k,015 et les vingt autofécondés (ce calcul étant établi d'après le poids de trente-deux plants autofécondés) de seulement 813gr,75, c'est-à-dire comme 100 est à 40. Les plantes croisées ne surpassèrent donc pas en poids, à beaucoup près, les autofécondées à un degré aussi élevé que le firent celles végétant en pots [* contresens :

Les plantes croisées ne surpassèrent donc pas en poids les autofécondées à un degré aussi élevé que le firent celles végétant en pots (Therefore the crossed plants did not exceed in weight the self-fertilised plants in nearly so great a degree as those growing in the pots) (100 à 21 en pleine terre, contre 100 à 40 en pots)], et cela tient probablement à ce que ces dernières avaient été soumises à une plus rigoureuse compétition. D'autre part, elles dépassèrent les autofécondées en hauteur, à un degré légèrement plus marqué.

RESEDA ODORATA.

Des plants de réséda commun [* (mignonette)] ayant été obtenus de graines achetées, quelques-uns d'entre eux furent placés séparément sous des gazes. Parmi ces derniers, les uns furent chargés de capsules spontanément autofécondées, d'autres en donnèrent peu, d'autres enfin pas une seule. Il est impossible d'alléguer comme cause de l'infécondité absolue de ces derniers plants, ce fait que leurs stigmates n'auraient pas reçu de pollen, car les fleurs furent à plusieurs reprises fécondées, sans résultat, avec du pollen

TABLEAU XXXVII.

Reseda odorata (semis d'une plante très-féconde par elle-même).

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,521

0,871

0,668

0,818

mètres

0,562

0,715

0,581

0,762

II.

0,859

0,865

0,290

0,834

0,715

0,765

0,575

0,753

III.

0,446

0,675

0,753

0,756

0,115

0,625

0,659

0,628

IV.

0,540

0,700

0,815

0,809

0,568

0,637

0,381

0,618

V.

0,525

0,631

0,636

0,293

0,496

0,262

Total.

13,056

10,712

122 RESEDA ODORATA. CHAP. IV

provenant de la même plante, et devinrent au contraire parfaitement fécondes après l'action du pollen pris sur un autre pied. Des semences [* oubli : spontanément] autofécondées, provenant de [* contresens : de l'un des] plants hautement féconds par eux-mêmes, furent mises en réserve et d'autres furent ramassées sur des pieds végétant à découvert, qui avaient été croisées par l'intervention des abeilles. Ces semences, après germination dans du sable, furent semées par paires, dans des points opposés de cinq pots. Les plantes furent mises à grimper sur des baguettes, et on en prit la mesure jusqu'au sommet de leurs tiges feuillues, les axes floraux ayant été laissés de côté. (Voir le résultat de ces mensurations au tableau XXXVII.)

La hauteur moyenne des dix-neuf plants croisés est ici de 0m,687, et celle des dix-neuf autofécondés de 0m,563 ; c'est-à-dire qu'ils furent dans la proportion de 100 à 82. Toutes ces plantes furent coupées au commencement de l'automne et pesées : les croisées donnèrent un poids de 356gr,5 et les autofécondées de 234gr,25, c'est-à-dire comme 100 est à 67. Ces deux lots ayant été abandonnés au libre accès des insectes, ne présentèrent aucune différence apparente dans le nombre de capsules séminifères qu'ils produisirent.

Le restant des graines de ces deux lots fut semé en pleine terre sous deux rangées contiguës, de façon que les plants furent exposés à une compétition modérée. Les huit plus grands de chaque côté furent mesurés, comme c'est indiqué dans le tableau suivant :

TABLEAU XXXVIII. — Reseda odorata, végétant en pleine terre.

Plants croisés

Plants autofécondés

mètres

0,612

0,681

0,600

0,668

0,625

0,656

0,681

0,628

mètres

0,665

0,646

0,625

0,709

0,746

0,646

0,671

0,706

5,153

5,418

La hauteur moyenne des huit plants croisés est ici de 0m,644 et celle des huit autofécondés de 0m,677, c'est-à-dire comme 100 est à 105.

Nous arrivons donc à ce résultat anormal, à savoir que les plants autofécondés sont un peu plus grands que les croisés, et ce fait échappe à mon explication. Il est possible, quoique non probable, que les étiquettes aient été interverties par accident.

CHAP. IV   RESEDA ODORATA. 123

On procéda à une autre expérience : toutes les capsules autofécondées, quoique en nombre très-peu élevé, furent cueillies sur un des plants à demi autostériles conservés sous une gaze ; et comme plusieurs fleurs de cette même plante avaient été fécondées avec le pollen d'un individu distinct, on obtint ainsi des semences croisées. J'espérais que [* contresens : Je m'attendais à ce que] les semis de cette plante quasi autostérile profiteraient d'un croisement à un degré plus marqué que ne le firent les semis complètement féconds par eux-mêmes, mais ma prévision ne fut pas justifiée, car ils n'en bénéficièrent qu'à un degré moindre. Un résultat analogue fut obtenu avec l'Eschscholtzia, dont la descendance dans les plantes de lignée brésilienne (qui furent partiellement stériles) ne profita pas plus d'un croisement que ne le firent les plants de la branche anglaise, bien plus fertile par elle-même. Les deux lots ci-dessus de graines croisées et autofécondées provenant du même plant de Reseda odorata, furent, après germination dans le sable, semés dans des points opposés de cinq pots, et mesurés, comme dans le dernier cas, avec les résultats suivants :

TABLEAU XXXVIII.

Reseda odorata, semis issus d'une plante à demi autostérile.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,837

0,768

0,743

0,500

mètres

0,775

0,700

0,331

0,800

II.

0,556

0,837

0,781

0,812

0,543

0,668

0,631

0,762

III.

0,753

0,803

0,787

0,806

0,431

0,743

0,618

0,856

IV.

0,478

0,753

0,609

0,768

0,518

0,818

0,787

0,918

V.

0,868

0,928

0,781

0,825

0,615

0,850

0,556

0,928

Total.

14,99

13,856

124 VIOLA TRICOLOR. CHAP. IV

La hauteur moyenne des vingt plants croisés est ici de 0m,749 et celle des vingt autofécondés de 0m,693, c'est-à-dire comme 100 est à 92. Ces plants furent alors coupés et pesés, et les croisés dans ce cas surpassèrent en poids les autofécondés d'une très-petite quantité, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 99. Les deux lots laissés librement exposés à l'action des insectes parurent d'une égale fécondité.

Le reste des graines fut semé sous deux séries contiguës [* deux rangs contigus], en pleine terre, et les huit plus grands plants ayant été mesurés donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU XL.

Reseda odorata, semis issus d'une plante à demi autostérile,

placés en pleine terre.

Plants croisées

Plants autofécondés

mètres

0,706

0,562

0,646

0,634

0,737

0,681

0,562

0,656

mètres

0,662

0,609

0,587

0,537

0,565

0,684

0,684

0,481

5,184

4,709

La hauteur moyenne des huit plants croisés est ici de 0m,648 et celle des huit autofécondés de 0m,588, c'est-à-dire comme 100 est à 90.

IX. VIOLARIÉES [* erreur : VIOLACÉES]. — VIOLA TRICOLOR.

Dans les fleurs jeunes de la pensée communément cultivée, les anthères laissent choir leur pollen dans un canal demi-cylindrique formé par la base du pétale inférieur et entouré de papilles. Le pollen ainsi amassé se trouve auprès du stigmate, mais parvient rarement à en atteindre la cavité, si ce n'est avec l'aide des insectes qui, à travers le passage, plongent leur trompe dans le nectar 1 . Aussi, lorsque je recouvris un grand plant appar-

1 Les fleurs de cette plante ont été complètement décrites par Sprengel, Hildebrand, Delpino et H. Müller. Ce dernier auteur a résumé toutes les observations antérieures dans son Befruchtung des Blumen et dans Nature, 20 novembre 1873, p. 44. Voyez aussi M. A. W. Bennett dans Nature, 15 mai 1873, p. 50 ; et quelques remarques de M. Kitchener, ibidem, p. 143. Les faits qui suivent, relatifs au recouvrement d'un plant de Viola tricolor, ont été mentionnés par sir John Lubbock dans ses British Wild Flowers, etc (Fleurs sauvages de la Grande-Bretagne, etc.), p. 62.

CHAP. IV   VIOLA TRICOLOR. 125

tenant à une variété cultivée, il ne donna que dix-huit capsules et le plus grand nombre d'entre elles contenait très-peu de bonnes graines (plusieurs en avaient une seulement sur trois [* contresens : en avaient seulement de une à trois (from only one to three)]), tandis qu'un nombre égal de beaux plants [* contresens : un plant aussi beau (an equally fine uncovered plant)] de la même variété, vivant à découvert tout près des premiers, donna cent cinq superbes capsules. Les quelques rares fleurs qui fructifièrent après exclusion des insectes, furent peut-être fécondées par l'enroulement intérieur des pétales sous l'influence de la dessiccation [* contresens : l'enroulement vers intérieur des pétales se fanant (the curling inwards of the petals as they wither)], car par ce moyen les graines de pollen adhérentes aux papilles peuvent être introduites dans la cavité stigmatique. Mais il est plus probable que leur fécondation est effectuée, comme le pense M. Bennett, par les Thrips et par certains petits Coléoptères qui hantent ces fleurs et qu'aucun tissu ne peut écarter. Les bourdons en sont les fécondateurs ordinaires, mais j'ai eu l'occasion de surprendre plus d'une fois à l'œuvre des mouches (Rhingia rostrata) ayant la partie inférieure de leur corps, leurs têtes et leurs pattes couvertes de pollen ; je marquai les fleurs qu'elles visitèrent et constatai après quelques jours qu'elles étaient fécondées 1 . Il était curieux de connaître [* Il est curieux de voir] pendant combien de temps les fleurs de pensée et de quelques autres plantes peuvent être observées sans qu'on voie un insecte les visiter. Pendant l'été de 1841, j'observai dans mon jardin, plusieurs fois chaque jour, pendant plus d'une quinzaine, quelques larges bouquets [* touffes (clumps)] de pensées avant d'y voir un seul bourdon à l'œuvre. Dans le courant d'un autre été je fis de même, et à la fin [* enfin (at last)] je pus voir quelques bourdons de couleur sombre visiter, pendant trois jours consécutifs, à peu près chaque fleur dans de nombreux groupes [* contresens : chaque fleur de plusieurs touffes] : presque toutes se flétrirent promptement et produisirent de belles capsules. Je soupçonne qu'une certaine manière d'être [* contresens : un certain état] de l'atmosphère est nécessaire pour la sé-

1 Je dois ajouter que cette mouche ne paraît pas sucer le nectar, mais être attirée par les papilles qui entourent le stigmate. H. Müller vit aussi une petite abeille, une Andrène (qui ne doit pas rechercher [* contresens : qui ne peut pas atteindre] le nectar), enfoncer [* oubli : répétitivement] sa trompe au-dessous du stigmate au point où les papilles sont situées, si bien que ces appendices [* (les papilles)] doivent avoir quelque attrait pour les insectes. Un auteur affirme (Zoologist, vol. III-IV, p. 1225) qu'une mouche [* erreur : un papillon de nuit (moth)] (Plusia) visite fréquemment les fleurs de pensée. Les mouches à miel ne les visitent pas ordinairement mais un cas a été rapporté (Gardeners' Chronicle, 1844, p. 374) où le contraire eut lieu [* où ces abeilles l'ont fait (of these bees doing so)]. H. Müller a aussi vu les abeilles à l'œuvre, mais seulement dans la forme sauvage de ces fleurs [* contresens : la forme sauvage à petites fleurs (the wild small-flowered form)]. Il a donné une liste (Nature, 1873, p. 45) de tous les insectes qu'il a vus visiter les deux formes à grandes et à petites fleurs. D'après cet auteur [* contresens : D'après ce compte-rendu (from this account)], je suis porté à croire que les fleurs des plantes à l'état de nature sont plus fréquemment visitées par les insectes, que celles des variétés cultivées. Il a vu plusieurs papillons sucer les fleurs de ces plantes sauvages, ce que je n'ai jamais constaté dans les jardins, quoique j'y ait observé ces fleurs pendant plusieurs [* de nombreuses] années.

126 VIOLA TRICOLOR. CHAP. IV

crétion du nectar, et que dès qu'elle s'est produite, les insectes, le reconnaissant par l'odeur émise, visitent immédiatement ces fleurs.

Comme les fleurs demandent l'intervention des insectes pour leur complète fécondation, et qu'elles ne sont pas visitées, à beaucoup près, aussi souvent que le plus grand nombre des fleurs nectarifères, il est permis de comprendre le fait [* oubli : remarquable] découvert par H. Müller et décrit par cet auteur dans « Nature », c'est-à-dire l'existence de cette espèce sous deux formes. L'une d'elles porte des fleurs remarquables [* contresens : voyantes (conspicuous)], qui, comme nous l'avons vu, exigent l'intervention des insectes et sont adaptées pour être croisées par l'action de ces animaux ; tandis que l'autre a des fleurs beaucoup plus petites, moins remarquablement colorées, et qui, construites sur un plan légèrement différent, favorable à l'autofécondation, deviennent aptes aussi [* contresens : sont ainsi adaptées (are thus adapted)] à assurer la propagation de l'espèce. La forme féconde par elle-même est, du reste [* contresens : cependant], accidentellement [* contresens : occasionnellement (et non "accidentellement")] visitée par les insectes et peut-être même croisée par eux, mais ceci est plus douteux.

Dans mes premières expériences sur le Viola tricolor, ce fut sans succès que je cherchai à avoir des semis. J'obtins seulement un plant croisé complètement développé et un autre autofécondé. Le premier avait 0m,312 de haut et le deuxième 0m,200. L'année suivante, quelques fleurs d'un plant nouveau furent croisées avec le pollen d'une autre plante que je savais constituer un semis distinct, point sur lequel il importait de porter attention. Plusieurs autres fleurs de la même plante furent fécondées par leur propre pollen. Le nombre moyen de graines obtenues dans les dix capsules croisées fut de 18,7, et celui des onze [* erreur : douze] capsules autofécondées de 12,83 ; c'est-à-dire comme 100 est à 69. Ces semences, après avoir germé dans le sable pur, furent placées par paires dans des points opposés de cinq pots. Elles furent mesurées pour la première fois quand elles eurent atteint le tiers de leur développement total, et les pantes croisées donnèrent une moyenne de 0m,090, tandis que les autofécondées en mesurèrent 0m,050 en hauteur, c'est-à-dire comme 100 est à 52. Gardées dans la serre, elles n'y végétèrent pas vigoureusement. Parvenues à floraison, elles furent de nouveau mesurées jusqu'au sommet de leurs tiges, avec les résultats indiqués au tableau XLI.

La hauteur moyenne des quatorze plants croisés est ici de 0m,139, et celle des quatorze autofécondés de 0m,059, ou comme 100 est à 42. Dans quatre des cinq pots, un plant croisé fleurit avant chacun des plants autofécondés, ainsi que cela se présenta avec la paire obtenue dans le courant de l'année précédente. Ces plants furent dépotés sans être endommagés et mis en pleine terre, de façon à former cinq groupes séparés. Dès le commencement de l'été [* oubli : suivant] (1869), ils donnèrent des fleurs en abondance, et comme elles étaient visitées par les bourdons, elles fournirent un

CHAP. IV   VIOLA TRICOLOR. 127

TABLEAU XLI. — Viola tricolor.

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,206

0,187

0,125

mètres

0,006

0,056

0,031

II.

0,125

0,100

0,112

0,050

0,100

0,078

III.

0,237

0,084

0,212

0,078

0,046

0,015

IV.

0,121

0,106

0,100

0,053

0,043

0,053

V.

0,150

0,084

0,075

0,037

Total.

1,953

0,831

grand nombre de capsules, qui furent ramassées avec soin sur toutes les plantes des deux lignées [* contresens : des deux rangs]. Les plants croisés produisirent cent soixante-sept capsules et les autofécondés dix-sept seulement, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 10. Les plants croisés eurent donc plus de deux fois la hauteur des autofécondés ; ils fleurirent généralement les premiers et produisirent dix fois plus de capsules que les plants fécondés naturellement.

Dans la première partie de l'été 1870,[* oubli : dans toutes les touffes] les plants croisés, eu égard aux autofécondés, s'étaient accrus et étendus à un point tel que toute comparaison entre eux était superflue. Les plants croisés furent abondamment couverts de fleurs, tandis qu'un seul des autofécondés, bien plus développé que ses frères, fleurit. Les plants croisés et autofécondés avaient alors vécu en lutte les uns contre les autres dans les limites respectives de la division superficielle qui les séparait, et dans le groupe qui renfermait le plus développé des autofécondés, j'estimai que la surface couverte par les plants croisés était environ neuf fois plus grande que celle occupée par les autofécondés. La supériorité extraordinaire des croisés sur les autofécondés dans l'ensemble des cinq groupes doit être attribuée, sans aucun doute, à ce que les plants croisés avaient obtenu tout d'abord un avantage marqué sur les autofécondés, et à ce qu'ensuite ils leur avaient de plus en plus dérobé la nourriture pendant les saisons successives. Mais il ne faut pas oublier que le même résultat eût été obtenu dans les conditions naturelles et même à un degré plus élevé, car mes

128 VIOLA TRICOLOR. CHAP. IV

plantes végétèrent dans un terrain débarrassé de mauvaises herbes, et les autofécondés n'eurent ainsi à lutter qu'avec les croisés. Du reste [* contresens : Par contre], la surface entière du sol est naturellement couverte par différentes espèces de plantes, qui se livrent les unes contre les autres au combat pour l'existence.

L'hiver qui suivit fut très-rigoureux, et au printemps suivant [* (1871)] les plantes furent examinées de nouveau. Toutes les autofécondées avaient succombé ; il ne survécut de l'une de ces plantes qu'une seule branche, qui portait à son sommet une petite rosette de feuilles grandes comme un pois. Par contre, tous les plants croisés sans exception s'étaient accrus vigoureusement. Ainsi donc les plantes autofécondées, outre leur infériorité à d'autres points de vue, furent encore [* aussi ( et non "encore")] plus délicates.

Une autre expérience fut alors instituée dans le but de vérifier jusqu'à quel point la supériorité des plants croisés, ou, pour parler plus correctement, l'infériorité des plants autofécondés, serait transmise à leur descendance. Un plant croisé et un autre autofécondé, parmi ceux qui avaient été obtenus tout d'abord [* contresens : Le plant croisé et le plant autofécondé, qui avaient été obtenus en premier lieu (voir p. 126)], furent dépotés et mis en pleine terre ; tous deux produisirent en abondance de très-belles capsules, fait dont nous pouvons déduire que la fécondation croisée par les insectes avait eu lieu. Des semences de l'une et de l'autre plante, après germination dans le sable, furent placées par paires dans des points opposés de trois pots. Les semis naturellement croisés dérivés de plantes croisées fleurirent, dans les trois pots, avant les semis naturellement fécondés [* contresens : naturellement croisés] dérivés des plants autofécondés. Lorsque les deux lots furent en pleine floraison, les deux plus grands plants de chaque côté furent mesurés dans chaque pot, et le résultat est donné dans le tableau suivant :

TABLEAU XLII. — Viola tricolor : semis provenant de plants croisés et autofécondés,

les parents des deux séries ayant été livrés à la fécondation naturelle.

Numéros des pots

Plants naturellement croisés provenant de plants artificiellement croisés

Plants naturellement croisés provenant de plants autofécondés

I.

mètres

0,303

0,293

mètres

0,243

0,209

II.

0,331

0,250

0,243

0,287

III.

0,362

0,343

0,278

0,284

Total.

1,884

1,547

CHAP. IV   ADONIS ÆSTIVALIS. 129

La hauteur moyenne des six plus grands plants dérivés des plants croisés est de 0m,314, et celle des six plus grands plants dérivés des plants autofécondés de 0m,2577 seulement, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 82. Nous trouvons ici entre les deux séries une différence en hauteur considérable, quoique n'égalant pas toutefois celle que nous avons trouvée, dans les expériences précédentes, entre la descendance des fleurs croisées et celle des autofécondées. Cette différence doit être attribuée à ce que la dernière série de plantes hérita de la faible constitution des parents qui constituèrent la descendance de fleurs autofécondées, tandis que [* malgré que (et non "tandis que")] les parents eux-mêmes avaient été librement entre-croisés par d'autres plants sous l'influence des insectes.

RENONCULACÉES. — ADONIS ÆSTIVALIS.

Les résultats de mes expériences sur cette plante sont à peine dignes d'être rapportés, car je trouve ceci dans mes notes prises en leur temps : « Semis, par une cause inconnue, d'une santé misérable. » Ces semis ne revinrent jamais en bon état ; cependant je me crois obligé de rapporter le cas présent, parce qu'il est en opposition avec les résultats généraux auxquels je suis arrivé. Quinze fleurs furent croisées et toutes produisirent des fruits, contenant en moyenne 32,5 graines ; dix-neuf fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et toutes aussi donnèrent des fruits, contenant une plus forte moyenne (34,5) de semences, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 106. Des semis furent obtenus de ces graines. Dans l'un des pots, tous les plants autofécondés succombèrent dès leur première jeunesse ; dans les autres, les mesures furent les suivantes :

TABLEAU XLIII. — Adonis æstivalis.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,350

0,337

mètres

0,337

0,337

II.

0,406

0,331

0,381

0,375

Total.

1,424

1,430

La hauteur moyenne des quatre plants croisés est de 0m,356, et celle des quatre autofécondés de 0m,357, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 100,4 ; ils furent donc en réalité de taille

130 DELPHINIUM CONSOLIDA. CHAP. IV

égale. D'après le professeur H. Hoffmann 1 , cette plante est protérandre ; cependant, protégée contre les insectes, elle donne beaucoup de graines.

DELPHINIUM CONSOLIDA.

On a dit, pour cette plante comme pour beaucoup d'autres, que les fleurs sont fécondées à l'état de bouton et que des plants distincts ou des variétés ne peuvent jamais être naturellement entrecroisées 2 . C'est là une erreur dont la preuve se déduit : 1° de ce que les leurs sont protérandres (les étamines mûres se penchent l'une après l'autre sur le passage qui conduit au nectar, et plus tard les pistils arrivés à maturité effectuent un mouvement semblable) ; 2° du nombre de bourdons qui visitent ces fleurs 3 , et 3° de la plus grande fécondité des fleurs après croisement avec le pollen d'une plante distincte qu'après autofécondation spontanée. En 1863, j'enfermai sous une gaze une grande branche de cette plante et croisai cinq fleurs avec le pollen d'une plante distincte ; elles donnèrent des capsules contenant [* oubli : en moyenne] 35,2 fort belles graines, avec un maximum de 42 pour l'une d'elles. Trente-deux autres fleurs de la même branche produisirent vingt-huit capsules spontanément autofécondées, renfermant en moyenne 17,2 graines, avec un maximum de 36 pour l'une d'elles. Mais six de ces capsules furent très-pauvres, et renfermèrent seulement une à six semences ; si nous écartons ces capsules, les vingt-deux qui restent donnent une moyenne de 20,9 semences, quoique beaucoup d'entre elles fussent très-petites. La meilleure proportion entre le nombre de semences produites par un croisement et celles résultant de l'autofécondation spontanée est donc de 100 à 59. Ces graines ne furent pas semées, parce que j'avais beaucoup d'autres expériences en cours d'exécution.

Dans le cours de l'été 1867, qui fut un des plus défavorables [* contresens : qui fut très défavorable], je croisai de nouveau plusieurs fleurs sous une gaze avec le pollen d'une plante distincte, et fécondai d'autres fleurs de la même plante avec leur propre pollen. Les premières donnèrent une plus large proportion [* une proportion nettement plus large (a much larger proportion)] de capsules que les dernières, et dans les capsules autofécondées, plusieurs des semences [* contresens : une grande partie des semences], quoique nombreuses, furent si pauvres qu'une quantité égale des capsules croisées et autofécondées fut en poids comme 100 est à 45. Les deux lots de graines furent mis à germer dans le sable, et les paires de semis qui en provinrent furent placées dans des

1 Zur Speciesfrage (Sur a question de l'espèce), 1875, p. 11.

2 Decaisne, Comptes-Rendus, juillet 1863, p. 5.

3 Leur structure est décrite par H. Müller, Befruchtung, etc., p. 122.

CHAP. IV   VISCARIA OCULATA. 131

points opposés de quatre pots. Parvenues à peu près [* contresens : presque (et non "à peu près")] aux deux tiers de leur développement, elles furent mesurées avec les résultats suivants :

TABLEAU XLIV. Delphinium consolida.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,275

mètres

0,275

II.

0,475

0,406

0,406

0,287

III.

0,650

0,550

IV.

0,237

0,200

0,206

0,162

Total.

2,243

1,886

Les six plantes croisées ont ici une moyenne de 0m,373 de haut, et les autofécondées de 0m,312, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 84. Après complet développement, elles furent mesurées de nouveau, mais, par manque de temps, un seul plant de chaque côté fut soumis à cette opération ; aussi ai-je pensé qu'il était plus convenable de rapporter les premières mensurations. A la dernière période, les trois plus grands plants croisés surpassaient encore considérablement en hauteur les trois plus grands autofécondés, mais à un moindre degré qu'antérieurement. Les pots furent laissés à découvert dans la serre, et j'ignore si les fleurs furent entre-croisées par les abeilles ou autofécondées. Les six plants croisés produisirent deux cent quatre-vingt-deux capsules mûres ou non, tandis que les six autofécondés en donnèrent seulement cent cinquante-neuf, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 56. Les plants croisés furent donc beaucoup plus productifs que les autofécondés.

XI. CARYOPHYLLÉES.— VISCARIA OCULATA.

Onze [* erreur : Douze] fleurs furent croisées avec le pollen d'une autre plante et donnèrent dix capsules contenant en poids 5,77 grains (0gr,346) de semences. Dix-huit fleurs furent fécondées avec leur propre pollen, et produisirent douze capsules contenant en poids 2,63 [* oubli : grains] (0gr,157) de semences. Les graines d'un nombre égal de fleurs croisées et autofécondées seraient donc en poids comme 100 à 38. J'avais antérieurement choisi une capsule de grosseur

132 VISCARIA OCULATA. CHAP. IV

moyenne dans chaque pot et compté les semences dans chacune d'elles ; les croisés en contenaient deux cent quatre-vingt-quatre et les autofécondés cent vingt-six, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 44. Ces graines furent semées dans des points opposés de trois pots ; elles donnèrent de nombreux [* plusieurs (et non "de nombreux")] semis, mais il ne fut mesuré que la plus grande tige florale seule de chaque côté. Les trois plants du côté croisé donnèrent en hauteur une moyenne de 0m,812 et les trois autofécondés de 0m,850, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 104. Cette expérience fut faite sur une trop petite échelle pour inspirer une grande confiance ; d'autre part [* contresens : de plus (et non "d'autre part")], les plants s'accrurent si inégalement que l'une des trois tiges florifères des plants croisés fut bien près de deux fois aussi grande que l'une quelconque des autres [* contresens : deux fois plus grande que celle sur l'une des autres (twice as tall as that on one of the others)], et que l'une des trois tiges florales des plants autofécondés dépassa une des autres à peu près d'autant.

L'année suivante, l'expérience fut répétée sur une plus large échelle : dix fleurs furent croisées sur une nouvelle série de plantes et donnèrent dix capsules, contenant en poids 6,54 gains (0gr,392) de semences. Dix-huit capsules spontanément autofécondées furent cueillies ; deux d'entre elles ne contenaient pas de graines ; les seize restant en renfermaient 6,07 grains (0gr,364). Le poids des graines d'un égal nombre de fleurs croisées et spontanément fécondées [* oubli : spontanément autofécondées] (au lieu de l'être artificiellement comme dans le cas précédent) fut comme 100 est à 58.

Les semences, après germination dans le sable, furent placées par paires dans des points opposés de quatre pots, tandis que le restant étaie semé dru dans des points opposés d'un cinquième ; dans ce dernier vase seulement, le plus grand plant [* contresens : dans ce dernier vase, seul le plus grand plant] de chaque côté fut mesuré. Jusqu'au moment où les semis eurent atteint environ 0m,125 de haut, aucune différence ne fut remarquée dans les deux lots. La floraison y fut à peu près simultanée. Après floraison presque complète, les plus grandes tiges florifères de chaque plant furent mesurées comme c'est montré dans le tableau XLV.

Les quinze plantes croisées ont ici une hauteur moyenne de 0m,862, et les quinze autofécondées de 0m,838, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 97 : l'excès en hauteur des plants croisés est donc complètement insignifiant. Comme productivité la différence fut beaucoup plus marquée. Toutes les capsules furent cueillies sur les deux lots (excepté sur les plants entassés et improductifs du pot numéro V), et à la fin de la saison, le petit nombre de fleurs restant fut ajouté aux fruits. Les quatorze plants croisés produisirent trois cent quatre-vingt-une capsules et fleurs totalisées, tandis que les quatorze autofécondés en donnèrent seulement deux cent quatre-vingt-treize, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 77.

CHAP. IV   DIANTHUS CARYOPHYLLUS. 133

TABLEAU XLV. Viscaria oculata.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,475

0,825

1,025

1,025

mètres

0,809

0,950

0,950

0,696

II.

0,937

0,912

0,950

0,900

0,809

0,893

III.

1,112

0,987

0,975

0,900

0,521

0,765

IV.

0,756

0,775

0,828

0,600

0,900

0,975

0,725

0,962

V.

Plants entassés.

0,756

0,800

Total.

12,940

12,584

DIANTHUS CARYOPHYLLUS.

L'œillet commun est fortement protérandre ; sa fécondation dépend, dans une large mesure, de l'action des insectes. Je n'ai vu que les bourdons visiter ces fleurs, mais je crois bien que d'autres insectes font de même. Il est bien connu que lorsqu'on désire obtenir des graines pures, il faut prendre, de toute nécessité, les plus grands soins pour empêcher l'entre-croisement des variétés qui croissent dans le même jardin 1 . Le pollen est généralement répandu et perdu avant que les deux stigmates de la même fleur divergent et soient ainsi aptes à la fécondation [* contresens : prêts à être fécondés]. Aussi fus-je souvent forcé de me servir pour l'autofécondation du pollen de la même plante au lieu de celui de la même fleur. Mais dans deux occasions, alors que mon attention était éveillée sur ce point [* inexact : alors que je m'occupais de cet aspect (when I attended to this point)], il me fut impossible de découvrir quelque différence notable dans le nombre des graines produites pas ces deux formes d'autofécondation.

Plusieurs œillets uniflores furent plantés dans une bonne terre et recouverts d'une gaze. Huit fleurs furent croisées avec le pollen d'une plante distincte, et donnèrent six capsules contenant en moyenne 88,6 semences, avec un maximum dans

1 Gardeners' Chronicle (Chronique des Jardiniers), 1847, p. 268.

134 DIANTHUS CARYOPHYLLUS. CHAP. IV

l'une d'elles de 112 semences. Huit autres fleurs furent autofécondées de la manière ci-dessus indiquée, et donnèrent sept capsules contenant en moyenne 82 semences, avec un maximum pour l'une d'elles de 112. Il n'y eut [* oubli : donc] qu'une très-faible différence dans le nombre de semences produites par fécondation croisée et directe, elle est marquée par la proportion de 100 à 92. Comme ces plantes furent recouvertes d'une gaze, elles produisirent d'une façon spontanée quelques capsules seulement contenant peu de graines, encore ces rares capsules peuvent-elles être le résultat de l'action des Thrips et autres petits insectes qui hantent ces fleurs. Une grande majorité des capsules spontanément autofécondées produites par plusieurs plantes, ou ne contenaient pas de graines ou n'en contenaient qu'une seulement. Ayant exclu ces dernières capsules, je comptai les semences renfermées dans les dix-huit plus belles ; elles y étaient en moyenne au nombre de 18. Un des plants fut spontanément fertile par lui-même à un plus haut degré que les autres. Dans une autre circonstance, un seul plant recouvert produisit spontanément dix-huit capsules, mais deux seulement de ces dernières renfermaient quelques graines (de 10 à 15).

Plants croisés et autofécondés de la première génération. — Les nombreuses graines obtenues des fleurs ci-dessus croisées et artificiellement autofécondées furent semées en pleine terre, et on obtient ainsi deux grandes bandes [* plates-bandes] de semis très-rapprochées l'une de l'autre. Comme cette plante fut la première sur laquelle j'expérimentai, je n'avais alors formé encore aucun plan d'opération. Lorsque les deux lots furent en pleine floraison, je mesurai sans ordre [* contresens : à peu près (et non "sans ordre")] un grand nombre de plants et je me souviens seulement que les croisés eurent en moyenne 0m,100 de plus, en hauteur, que les autofécondés. Si nous en jugeons par les mensurations subséquentes, nous pouvons assurer que les plants croisés eurent environ 0m,700, et les autofécondés 0m,600, ce qui nous donne la proportion de 100 à 86. Sur un grand nombre de plants, quatre croisés fleurirent avant chacun des autofécondés.

Trente fleurs, appartenant aux plants croisés de la première génération, furent de nouveau croisées avec le pollen d'une plante distincte du même lot, et donnèrent vingt-neuf capsules contenant en moyenne 55,62 semences, avec un maximum de 110 pour l'une d'elles.

Trente fleurs des plants autofécondés furent fécondées de nouveau par elles-mêmes : huit d'entre elles avec le pollen de la même fleur et le reste avec le pollen d'une autre fleur du même pied, et celles-ci produisirent vingt-deux capsules contenant en moyenne 35,95 semences, avec un maximum de soixante et une pour l'une d'elles. Jugeant d'après le nombre de semences pro-

CHAP. IV   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 135

duites dans chaque capsule, nous voyons que les plants croisés, ayant subi un nouveau croisement, furent plus productifs que les plants autofécondés à nouveau fécondés directement [* à nouveau autofécondés], et ce dans une proportion de 100 à 65. Les deux lots de plants croisés et autofécondés, par le fait qu'ils végétèrent entassés dans deux bandes [* plates-bandes], produisirent des capsules moins belles [* contresens : moins de belles capsules] et des graines moins nombreuses que ne le firent leurs parents.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Les graines croisées et autofécondées provenant des plants croisés et autofécondés de la dernière génération, furent semées dans des points opposés de deux pots ; mais les semis ne furent pas assez éclaircis. Il en résulta que es deux lots s'accrurent très irrégulièrement, et que le plus grand nombre de [* contresens : la plupart des] plants autofécondés mourut étouffé peu de temps après. Mes mensurations furent donc très-incomplètes. D'abord [* Dès le début] les premiers semis parurent les plus beaux, car [* contresens : et (pas "car", pas de cause à effet)] lorsqu'ils eurent, en moyenne, approximativement 0m,125 de haut, les autofécondés en mesurèrent seulement 0m,100. Dans les deux pots, les plants croisés fleurirent les premiers. Les deux plus grandes tiges florifères dans les plants croisés des deux pots mesurèrent 0m,425 et 0m,412 de haut, et les deux plus grandes tiges florales des plants autofécondés 0m,262 et 0m,225 seulement, de sorte que leurs hauteurs furent comme 100 est à 58. Mais cette proportion, déduite de l'examen de deux paires de plantes n'est pas du tout digne de confiance et n'eût pas été donnée si elle n'avait été appuyée sur d'autres résultats. Je constate dans mes notes que les plants croisés furent beaucoup plus vigoureux [* luxuriants] que leurs antagonistes, et parurent être deux fois plus volumineux. Cette dernière estimation doit être acceptable, car elle est confirmée par la valeur pondérale des deux lots dans la génération suivante. Quelques [* contresens : Certaines] fleurs de ces plants croisés furent de nouveau croisées avec le pollen d'une autre plante du même lot, et quelques autres fleurs des plants autofécondés furent de nouveau fécondées directement [* autofécondées] ; des semences ainsi obtenues on tira les plants de la génération suivante.

Plants croisés et autofécondés de la troisième génération. — Les semences dont je viens de parler furent mises à germer dans du sable pur et placées ensuite par paires dans les points opposés de quatre pots. Lorsque les semis fleurirent complètement, la plus grande tige dans chaque plant fut mesurée jusqu'à la base des calices. Ces mensurations sont données dans le tableau suivant (XLVI). Dans le pot I, les plants croisés et autofécondés fleurirent les premiers [* contresens : fleurirent en même temps] ; mais dans les trois autres pots les croisés eurent la priorité dans ce sens [* (fleurirent les premiers)]. Ces derniers plants continuèrent aussi à fleurir bien plus avant dans l'automne que les autofécondés.

136 DIANTHUS CARYOPHYLLUS. CHAP. IV

TABLEAU XLVI.

Dianthus caryophyllus (troisième génération).

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,718

0,693

mètres

0,750

0,650

II.

0,725

0,737

0,771

0,687

III.

0,712

0,587

0,793

0,615

IV.

0,675

0,837

0,750

0,625

Total.

5,671

5,631

La hauteur moyenne des huit plants croisés est de 0m,567, et celle des huit autofécondés de 0m,564, ou comme 100 est à 99. La différence en hauteur ne mérite donc pas qu'on en tienne compte, mais comme végétation luxuriante (décelée par leur poids), la distance [* contresens : différence] fut étonnante. Après que les capsules séminifères eurent été recueillies, les huit plants croisés et les huit autofécondés furent coupés et pesés ; les premiers donnèrent un poids de 1k,333 et les derniers de 0k,651, c'est-à-dire comme 100 est à 49.

Ces plantes furent toutes conservées sous une gaze, si bien que les capsules qui en provinrent doivent avoir toutes été autofécondées. Les huit plants croisés produisirent vingt et une capsules, et onze [* erreur : douze] seulement d'entre elles contenaient quelques graines, en moyenne 8,5 par capsule. D'un autre côté, les huit plants autofécondés ne donnèrent pas moins de trente-six capsules, et j'en examinai vingt-cinq, qui, à l'exception de trois [* oubli : d'entre elles], contenaient en moyenne 10,63 semences par capsule. Ainsi, le nombre proportionnel de graines par capsules provenant de plants d'origine croisée fut à celui des graines produites par les sujets d'origine autofécondée (les deux lots étant, du reste, spontanément autofécondés), comme 100 est à 125. Ce résultat anormal est probablement dû à ce que quelques-uns des plants autofécondés avaient varié au point du [* typo : de] mûrir leur pollen et leurs stigmates dans un temps plus rapproché que ce n'est le propre de cette espèce ; et nous avons vu déjà que quelques plants, dans la première expérience, différèrent des autres en ce qu'ils furent légèrement plus féconds par eux-mêmes.

Effets d'un croisement avec un pied nouveau. — Vingt

CHAP. IV   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 137

fleurs prises sur les plants autofécondés de la dernière (troisième) génération, portée sur le tableau XLVI, furent fécondées avec le pollen prélevé sur d'autres fleurs des mêmes plants. Elles produisirent quinze capsules, qui contenaient (abstraction faite de deux d'entre elles, qui n'en renfermaient que trois ou six) en moyenne 47,23 semences, avec un maximum de 70 dans l'une d'elles. Les capsules autofécondées des plants autofécondés de la première génération donnèrent une moyenne beaucoup moindre de 35,95 semences ; mais comme les sujets vécurent extrêmement entassés, rien ne peut être déduit de cette différence au point de vue de leur autofécondité. Les semis venus des graines ci-dessus constituent les plants de la quatrième génération autofécondée dans le tableau suivant (XLVII).

Douze fleurs des mêmes plants de la troisième génération (tableau XLVI) furent croisés avec le pollen de plants croisés portés sur le même tableau. Ces sujets croisés avaient subi un entre-croisement durant les trois précédentes générations, et beaucoup d'entre eux, sans aucun doute, furent d'une parenté plus ou moins intime, mais cependant moins rapprochée que dans quelques-unes des expériences faites sur les autres espèces, car plusieurs plants d'œillet avaient été obtenus et croisés dans les générations premières. Ils ne furent dont point alliés aux plants autofécondés, si ce n'est à un degré éloigné. Les parents des plants croisés et autofécondés furent ensemble soumis autant que possible aux mêmes conditions durent trois générations antérieures. Les douze fleurs ci-dessus donnèrent dix capsules contenant en moyenne 48,66 semences, avec un maximum dans l'une d'elles de soixante-douze semences. Les plants obtenus de ces semences seront appelés entre-croisés.

Enfin douze fleurs des mêmes plants autofécondés de la troisième génération furent croisés avec le pollen de plantes qui étaient sorties de graines achetées à Londres. Il est presque certain que les plants qui donnèrent ces semences avaient végété dans des conditions très-différentes de celles auxquelles mes plants autofécondés et croisés avaient été assujettis ; ils ne furent donc affectés [* contresens : et ils ne furent affectés (pas de cause à effet)] d'aucun degré de parenté. Les douze fleurs ci-dessus ainsi croisées donnèrent toutes des capsules, mais elles contenaient la faible moyenne de 37,41 semences par capsule, avec un maximum de 64 pour l'une d'entre elles. Il est surprenant de voir ce croisement avec un pied nouveau ne donner qu'un nombre moyen peu élevé de graines, car, comme nous allons le voir de suite, les plants obtenus de ces semences (nous les appellerons les Londres-croisés) bénéficièrent grandement, tant en développement qu'en fertilité, de cette fécondation croisée.

138 DIANTHUS CARYOPHYLLUS. CHAP. IV

TABLEAU XLVII. — Dianthus caryophyllus.

Numéros des pots

Plants

Londres-croisés

Plants

entre-croisés

Plants

autofécondés

I.

mètres

0,990

0,771

mètres

0,628

0,543

mètres

0,731

+

II.

0,906

0

0,559

+

III.

0,715

+

0,756

0,578

IV.

0,837

0,696

0,890

0,800

0,750

0,612

V.

0,700

0

0,862

0,606

+

+

VI.

0,815

0,775

0,621

0,650

0,759

0,612

VII.

1,046

0,871

0,746

0,662

0,696

0,675

VIII.

0,865

0,715

0,725

0

0,668

+

IX.

0,650

0

0,715

+

+

0

X.

0,950

0,803

0,712

+

0,571

0

Total.

13,128

10,500

6,637

Les trois lots de semences ci-dessus furent mis à germer dans le sable pur. Beaucoup des Londres-croisées germèrent avant les autres (elles furent rejetées), et beaucoup d'entre-croisées levèrent avant celles deux deux autres lots. Après germination, les semences furent placées dans dix pots, partagés superficiellement en trois divisions ; toutefois, lorsque deux catégories de graines seulement levèrent, elles furent placées dans des points opposés d'autres vases, et ceci est indiqué par l'espace laissé en blanc dans une des trois colonnes du tableau XLVII. Le 0 dans ce tableau veut dire que les semis ainsi indiqués moururent avant d'être mesurés, et le signe + signifie que la plante ne donna pas de tige florale et dès lors ne fut pas non plus mesurée. Il est bon de noter qu'il n'y eut pas moins de huit plants sur dix-huit autofécondés qui succombèrent ou ne donnèrent pas de fleurs, tandis

CHAP. IV   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 139

que trois seulement sur les dix-huit entrecroisés et quatre sur les vingt Londres-croisés furent dans le même cas. Les plants autofécondés présentèrent une apparence positivement moins vigoureuse que les plants des deux autres lots, leurs feuilles furent plus petites et plus étroites. Dans un pot seulement, un plant autofécondé fleurit avant l'une des deux espèces [* contresens : sortes] de plantes croisées, entre lesquelles il n'y eut pas une [* ces deux dernières ne montrant pas de] différence marquée dans la période de floraison. Les sujets furent mesurés jusqu'à la base des calices, après qu'ils eurent acquis [* achevé] leur complet développement, à la fin de l'automne.

La hauteur moyenne des seize Londres-croisés, dans le précédent tableau, est de 0m,821, celle des quinze entre-croisés de 0m,700, enfin celle des [* oubli : dix] autofécondés de 0m,663. De cette façon, nous avons en hauteur les proportions suivantes :

Les Londres-croisés aux autofécondés, comme 100 est à 81

Les Londres-croisés aux entre-croisés, — 100 — 85

Les entre-croisés aux autofécondés, — 100 — 95

Les trois lots de plants qui, on se le rappelle, furent tous dérivés, du côté maternel, de la troisième génération autofécondée fertilisée de trois manières différentes, furent laissés exposés à la visite des insectes et leurs fleurs furent librement croisés par ces derniers. Lorsque les capsules de chaque lot arrivèrent à maturité, elles furent cueillies et conservées à part [* contresens :séparément] après rejet des vides et des mauvaises. Mais vers le milieu d'octobre, lorsque les capsules ne purent plus mûrir davantage, toutes, bonnes ou mauvaises, furent cueillies et comptées. Les capsules furent alors écrasées, et les graines ayant été passées au tamis pour être appropriées [* nettoyées], furent pesées. Pour conserver l'uniformité, les résultats sont calculés comme s'il y avait eu vingt plants dans chaque lot.

Les seize plants Londres-croisés donnèrent effectivement deux cent quatre-vingt-six capsules, donc vingt de ces plants en eussent produit 357,5 ; et d'après le poids effectif des graines, les vingt plants auraient donné quatre cent soixante-deux grains de semences (27gr,72).

Les quinze plants entre-croisés produisirent réellement cent cinquante-sept capsules, donc vingt en eussent donné 209,3 et les graines auraient pesé 208,48 grains (12gr,50).

Les dix autofécondés donnèrent effectivement soixante-dix capsules et vingt [* plants] en eussent donné cent quarante ; le poids des graines eût été de 153,2 grains (9gr,193).

D'après ces données, nous avons les proportions suivantes :

140 DIANTHUS CARYOPHYLLUS. CHAP. IV

Nombre des capsules produites par un nombre égal de plants

des trois lots.

Nombre des capsules.

Les Londres-croisés sont aux autofécondés, comme 100 est à 39

Les Londres-croisés sont aux entre-croisés, — 100 — 45

Les entre-croisés sont aux autofécondés, — 100 — 67

Poids des graines produites par un nombre égal de plants

des trois lots.

Poids des graines.

Les Londres-croisés sont aux autofécondés, comme 100 est à 33

Les Londres-croisés sont aux entre-croisés, — 100 — 45

Les entre-croisés sont aux autofécondés, — 100 — 73

Nous voyons ainsi à quel point élevé la descendance des plants [* oubli : autofécondés] de la troisième génération croisée par un pied nouveau eut sa fécondité augmentée : le fait est attesté soit par le nombre de capsules produites soit par le poids des semences qu'elles renfermaient, et cette dernière preuve est du reste la plus digne de confiance. Même la descendance des plants autofécondés croisée par une des plantes croisées de la même souche, quoique les deux lots eussent été longtemps sujets aux mêmes conditions, eut sa fécondité considérablement augmentée, ainsi que l'affirment les deux mêmes preuves.

En concluant, il sera bon de répéter, pour ce qui touche à la fécondité de ces trois lots de plantes, que leurs fleurs furent laissées librement exposées à la visite des insectes et furent indubitablement croisées par leur action [* par ces derniers], comme on peut le déduire du grand nombre de bonnes capsules produites. Ces plantes furent toutes issues de la même plante-mère [* des mêmes plantes-mères], et la différence [* oubli :fortement] marquée qui existe dans leur fécondité doit être rapportée[* attribuée] à la nature du pollen employé en fécondant leurs générateurs. Quant à la différence dans la nature du pollen, elle doit être attribuée au traitement différent auquel les parents porteurs de pollen avaient été soumis durant les nombreuses [* contresens : durant plusieurs] générations antérieures.

Couleur des fleurs. — Les fleurs produites par les plantes [* oubli :autofécondées] de la dernière des quatre générations eurent une coloration aussi uniforme dans ses teintes que celles des espèces sauvages ; elles furent rose ou rose pâle. Dans le Mimulus et l'Ipomœa, des cas semblables observés après plusieurs générations autofécondées ont déjà été relatés. Les fleurs des plants entre-croisés de la quatrième génération furent également d'une couleur à peu près uniforme. D'autre part, les fleurs des plants Londres-croisés, ou de ceux obtenus d'un croisement avec le pied nouveau qui portait des

CHAP. IV   HIBISCUS AFRICANUS. 141

fleurs d'un cramoisi sombre, varièrent extrêmement en couleur, comme c'était prévu [* contresens : comme on pouvait s'y attendre], car c'est là généralement la règle avec les semis d'œillet. Il importe de remarquer que deux ou trois plants Londres-croisés seulement donnèrent des fleurs cramoisi foncé comme leurs pères, et qu'un très-petit nombre en eut de rose pâle, c'est-à-dire de la couleur maternelle. La grande majorité des fleurs avait ses pétales rayés longitudinalement et d'une façon variée, mais pourvus de ses deux couleurs [* rayés longitudinalement et de façon variée avec les deux couleurs (longitudinally and variously striped with the two colours)] : la teinte fondamentale était du reste [* contresens : cependant], dans quelques cas, plus sombre que celle de la plante mère [* contresens : des plantes-mères].

XII. MALVACÉES. — HIBISCUS AFRICANUS.

Beaucoup de fleurs de cet Hibiscus furent croisées avec le pollen d'une plante distincte, beaucoup d'autres furent autofécondées. Un plus grand nombre proportionnel de fleurs croisées que de fleurs autofécondées donna des capsules, et les croisées parmi ces dernières contenaient plus de graines. Les semences autofécondées furent un peu plus lourdes que les semences croisées en nombre égal [* qu'un nombre égal de semences croisées], mais elles germèrent mal, et j'obtins seulement quatre plants de chaque lot. Dans trois des quatre pots les fleurs croisées fleurirent les premières.

TABLEAU XLVIII. — Hibiscus africanus.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,337

mètres

0,406

II.

0,350

0,350

III.

0,200

0,175

IV.

0,437

0,512

Total.

1,325

1,431

Les quatre plants croisés ont ici une moyenne de 0m,331 en hauteur et les autofécondés de 0m,360, c'est-à-dire comme 100 est à 109. Nous sommes donc ici en présence d'un cas inaccoutumé dans lequel les plants autofécondés dépassent en hauteur les croisés ; mais quatre paires seulement furent mesurées, et elles ne s'accrurent ni d'une façon égale, ni convenablement. Je ne comparai pas la fécondité des deux lots.

____________________

[page break]

CHAPITRE V.

Géraniacées, Légumineuses, Onagrariées, etc.

Pelargonium zonale, un croisement entre plants propagés par boutures, ne produit pas de bons effets. — Tropæoleum minus. — Limnanthes Douglasii. — Lupinus luteus et pilosus. — Phaseolus multiflorus et vulgaris. — Lathyrus odoratus, ses variétés, elles ne sont jamais entre-croisées en Angleterre. — Pisum sativum, ses variétés, l'entre-croisement en est très-rare, mais il produit de très-bons effets. — Sarothamnus scoparius, effets remarquables d'un croisement. — Ononis minutissima, ses fleurs cléistogènes. Résumé sur les Légumineuses. — Clarkia elegans. — Bartonia aurea. — Passiflora gracilis. — Apium petroselinum. — Scabiosa atropurpurea. — Lactuca sativa. — Specularia speculum. — Lobelia ramosa, avantages résultant d'un croisement durant deux générations. — Lobelia fulgens. — Nemophila insignis, grands avantages d'un croisement. — Borrago officinalis. — Nolana prostrata.

GÉRANIACÉES. - PELARGONIUM ZONALE.

Cette plante, suivant la règle générale, est fortement protérandre 1 ; elle est donc adaptée pour être croisée sous l'influence des insectes. Quelques fleurs de la variété commune écarlate furent autofécondées, et d'autres fleurs furent croisées avec le pollen d'une autre plante, mais, dès que j'eus ainsi opéré,

1 M. J. Denny, grand créateur de variétés de Pelargonium, après avoir établi que cette espèce est protérandre, ajoute (The Florist and Pomologist, Le Floriste et le Pomologiste, janvier 1872, p. 11) : « Il existe des variétés, particulièrement celles à pétales de couleur rose ou celles qui possèdent une faible constitution, dans lesquelles le pistil se dilate aussitôt ou même avant que les sacs polliniques s'entr'ouvrent, et dans lesquelles aussi le pistil est fréquemment court ; il s'ensuit que lorsque l'organe femelle se développe, il est caché par les anthères en déhiscence ; ces variétés produisent beaucoup de graines et cependant chaque ovule est fécondé par son propre pollen. Je citerai comme exemple de ce fait la variété Christine. » Nous avons là un cas intéressant de variabilité sur un point fonctionnel important.

CHAP. V PELARGONIUM ZONALE.   143

je me souvins que ces plants avaient été propagés par boutures prises sur la même branche et n'étaient par conséquent, dans un sens strict, que des portions d'un même individu. Néanmoins, ayant pratiqué le croisement, je résolus de mettre en réserve les graines qui, après germination dans le sable, furent placées en des points opposés de trois pots. Dans un des pots, la plante quasi croisée fut immédiatement plus grande et plus belle que l'autofécondée et conserva dans la suite ce caractère. Dans les deux autres pots, les semis des deux côtés furent, pendant un certain temps, exactement égaux ; mais lorsque les plants autofécondés eurent atteint en hauteur 0m,250, ils surpassèrent un peu leurs antagonistes et montrèrent toujours dans la suite un avantage plus marqué [* oubli : et croissant (and increasing)] ; ainsi donc les plants autofécondés pris ensemble furent de quelque peu supérieurs aux quasi croisés. Dans ce cas, comme dans celui de l'Origan, nous voyons que si les individus asexuellement propagés par la même branche et soumis pendant longtemps aux mêmes conditions sont fécondés par croisement, il n'en résulte pour eux aucun avantage.

Plusieurs fleurs d'une autre plante de la même variété furent fécondées par [* oubli : le pollen des] les plus jeunes fleurs du même pied, dans le but d'écarter le pollen vieilli et répandu depuis longtemps de la même plante, qui, à mon sens, doit avoir moins d'efficacité que le pollen frais. D'autres fleurs appartenant au même sujet furent croisées avec le pollen [* oubli : frais] d'une plante qui, quoique d'une similitude étroite, m'était connue comme provenant d'un semis distinct. Les semences autofécondées germèrent bien avant les autres ; j'obtins cependant [* contresens : mais dès que j'obtins] des paires de semis égaux et je les plantai dans des points opposés de quatre pots.

TABLEAU XLIX. — Pelargonium zonale.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,559

0,493

mètres

0,640

0,312

II.

0,375

0,306

0,493

0,559

III.

0,765

0,462

0,487

0,187

IV.

0,950

0,228

Total.

3,910

2,906

Lorsque les deux lots de semis eurent atteint la hauteur com-

144 TROPÆOLEUM MINUS. CHAP. V

prise entre 0m,100 et 0m,125, ils furent égaux, excepté dans le pot IV, où la plante croisée fut de beaucoup la plus grande. Lorsqu'ils eurent entre 0m,275 et 0m,350 de haut, ils furent mesurés jusqu'à la pointe de leurs feuilles les plus élevées : les croisés atteignirent en moyenne 0m,335 et les autofécondés 0m,227 de haut ; ils furent donc dans la proportion de 100 à 82. Cinq mois après, ils furent mesurés de nouveau de la même manière et les résultats sont donnés dans le tableau ci-dessus.

Les sept plants croisés avaient alors en moyenne 0m,557 et les sept autofécondés 0m,414, c'est-à-dire comme 100 est à 74. Mais, à cause de l'inégalité remarquable de plusieurs plants, le résultat est moins digne de confiance que dans le plus grand nombre des autres cas. Dans le pot II, les deux plantes autofécondées eurent toujours un avantage sur les deux croisées, excepté dans leur tout jeune âge.

Comme je désirais connaître la façon dont les plantes se comporteraient durant une seconde végétation, elles furent coupées à ras de terre pendant leur libre accroissement. Là encore les plants croisés montrèrent leur supériorité, mais d'une autre manière, car un seul sur sept fut tué par cette opération, tandis que trois des autofécondés succombèrent. Il ne servit donc de rien de conserver quelques-uns [* aucun] des plants, excepté ceux des pots I et III, et l'année suivante, les plants croisés de ces deux pots montrèrent, durant leur seconde végétation, à peu près la même supériorité relative qu'ils avaient obtenue antérieurement sur les plants autofécondés.

TROPÆOLEUM MINUS.

Les fleurs sont protérandres et manifestement adaptées pour la fécondation croisée par les insectes, comme l'ont démontré Sprengel et Delpino. Douze fleurs de quelques plants végétant en plein air ayant été croisées avec le pollen d'une plante distincte, produisirent onze capsules contenant ensemble vingt-quatre bonnes graines. Dix-huit fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et produisirent seulement onze capsules contenant vingt-deux bonnes semences ; donc, une plus grande proportion de fleurs croisées que d'autofécondées produisit des capsules, et dans ces dernières, les croisées renfermèrent un plus grand nombre de semences que les autofécondées dans la proportion de 100 à 92. Les semences des capsules autofécondées furent, du reste [* contresens : cependant], les plus lourdes des deux dans la proportion de 100 à 87.

Les semences dans un état égal de germination furent placées dans des points opposés de quatre pots, mais les deux plus grands plants seulement, de part et d'autre de chaque pot, furent mesurés jusqu'au somment de leurs tiges. Les pots furent placés

CHAP. V LIMNANTHES DOUGLASII.   145

dans la serre et les plants enroulés sur des baguettes, de sorte qu'ils s'élevèrent jusqu'à une hauteur inaccoutumée. Dans trois des pots, les plants croisés fleurirent les premiers, et dans le quatrième, la floraison fut simultanée des deux côtés. Lorsque les semis eurent 0m,150 à 0m,175 de haut, les plants croisés commencèrent à montrer un léger avantage sur leurs antagonistes. Quand ils eurent atteint une hauteur considérable, les huit plus grands plants croisés eurent une moyenne de 1m,112 et les huit plus grands autofécondés de 0m,933, c'est-à-dire qu'ils furent dans la proportion de 100 à 84. Après leur développement complet, on les mesura de nouveau, ainsi que c'est indiqué dans le tableau suivant :

TABLEAU L. Tropæoleum minus.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,625

1,250

mètres

0,775

0,125

II.

1,725

0,875

1,150

1,125

III.

1,750

1,487

1,262

1,387

IV.

1,537

1,437

0,937

1,537

Total.

11,686

9,198

Les huit plus grands plants croisés eurent alors en moyenne 1m,461 de haut, et les huit plus grands autofécondés 1m,150 [* oubli : soit comme 100 est à 79.

Il y avait aussi une grande différence de fécondité pour les deux lots laissés à découvert dans la serre]. Le 17 septembre, les capsules de tous les plants furent cueillies et leurs graines comptées. Les plants croisés donnèrent 243 graines, tandis que le même nombre de plants autofécondés en donna seulement 155, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 64.

LIMNANTHES DOUGLASII.

Plusieurs fleurs furent croisées et d'autres autofécondées à la manière ordinaire, mais il n'y eut qu'une très-faible différence dans le nombre de graines qu'elles donnèrent. Beaucoup de capsules spontanément autofécondées furent aussi produites sous une gaze. Des semis furent obtenus des graines ci-dessus dans cinq pots [contresens : Des semis provenant des graines ci-dessus furent placés dans cinq pots], et lorsque les croisés eurent environ 0m,70, ils commencèrent à montrer un léger avantage sur les autofécon-

146 LIMNANTHES DOUGLASII. CHAP. V

dés. Quand ils eurent atteint le double de cette hauteur, les seize croisés et les seize autofécondés furent mesurés jusqu'à la pointe de leurs feuilles : les premiers eurent une moyenne de 0m,180 et les autofécondés de 0m,156, c'est-à-dire comme 100 est à 83. Dans les autres pots [* contresens : Dans tous les pots], excepté le numéro IV, un plant croisé fleurit avant chaque autofécondé. Les plants, après complet développement, furent mesurés jusqu'au sommet de leurs capsules mûres, avec le résultat suivant :

TABLEAU LI. — Limnanthes Douglasii.

Numéros des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

I.

mètres

0,446

0,443

0,325

mètres

0,378

0,412

0,275

II.

0,500

0,550

0,525

0,462

0,362

0,393

0,403

0,425

III.

0,493

0,431

0,350

0,287

0,262

0

IV.

0,512

0,350

0,450

0,337

0,325

0,306

V.

0,425

0,465

0,356

0,356

0,353

0,315

Total.

7,083

4,988

Les seize plants croisés avaient maintenant en hauteur moyenne 0m,439 et les quinze autofécondés (un d'eux étant mort) 0m,341, c'est-à-dire comme 100 est à 79. M. Galton considère une proportion plus élevée, celle de 100 à 76, comme étant plus juste. Il a dressé une représentation graphique des mensurations ci-dessus, et a ajouté les mots « très-bonne » à la courbe ainsi formée. Les deux lots de plantes produisirent en abondance des capsules séminifères, et, autant qu'on peut en juger à simple vue, il n'y eut aucune différence dans leur fécondité.

XIV. — LÉGUMINEUSES.

Dans cette famille, j'ai expérimenté sur les six genres

CHAP. V LUPINUS LUTEUS.  147

suivants : Lupinus, Phaseolus, Lathyrus, Pisum, Sarothamnus et Ononis.

LUPINUS LUTEUS 1 .

Quelques fleurs furent croisées avec le pollen d'une plante distincte ; mais comme la saison n'était pas favorable, elles ne produisirent que deux semences [* oubli : croisées]. On mit en réserve neuf semences provenant de fleurs spontanément autofécondées sous une gaze, appartenant à la même plante qui donna les deux semences croisées. Une de ces graines croisées fut semée dans un pot avec deux semences autofécondées placées dans un point opposé. Ces dernières levèrent deux ou trois jours avant les croisées [* avant la croisée]. La deuxième graine croisée fut semée de la même manière avec deux semences autofécondées dans un point opposé ; ces dernières germèrent également un jour environ avant les croisées [* avant la croisée]. Aussi dans les deux pots, les semis croisés ayant germé les premiers [* contresens : ayant germé plus tard (germinating later)], furent d'abord complètement battus par les autofécondés ; mais cet état de choses fut, dans la suite, complètement renversé. Les graines furent semées à la fin de l'automne, et les pots, qui étaient beaucoup trop petits, furent conservés dans la serre. Tous les plants végétèrent mal et les autofécondés souffrirent le plus dans les deux pots. Au printemps suivant, les deux croisés arrivés à floraison eurent 0m,225 de haut ; un des autofécondés marqua 0m,200 et les trois autres seulement 0m,175 [* erreur : 3 pouces, soit 0m,075], c'est-à-dire qu'ils furent entièrement nains. Les deux plants croisés produisirent treize gousses, tandis que les quatre autofécondés n'en donnèrent qu'une seule. Quelques autres plants autofécondés qui avaient été obtenus séparément dans de plus grands pots produisirent plusieurs gousses spontanément autofécondées sous une gaze, et les semences qui en provinrent furent employées dans l'expérience suivante.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Les semences spontanément autofécondées ci-dessus mentionnées et les graines croisées obtenues par un entre-croisement de deux plantes croisées de la dernière génération, après avoir germé dans le sable, furent placées par paires dans

1 La structure des fleurs de cette plante et leur mode de fécondation ont été décrits par H. Müller, Befruchtung, etc., p. 243. Ces fleurs ne sécrètent pas de nectar libre, aussi les abeilles les visitent-elles pour leur pollen. Mr. Farrer dit (Nature, 1872, p. 499) : « Il y a à la base et sur le dos de l'étendard une cavité dans laquelle je n'ai pu trouver de nectar ; mais, attirées par leurs besoins, les abeilles qui visent constamment ces fleurs, vont certainement dans cette cavité et non pas dans le tube staminal. »

148  LUPINUS LUTEUS.     CHAP. V

des points opposés de trois grands vases. Lorsque les semis mesurèrent 0m,100 de haut, les croisés eurent un léger avantage sur leur adversaires. Arrivés à complet développement, chaque plant croisé surpassa son antagoniste en hauteur, et cependant les autofécondés fleurirent dans les trois pots avant les croisés ! Les mensurations sont données dans le tableau suivant.

TABLEAU LII. — Lupinus luteus.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,831

0,762

0,750

mètres

0,612

0,462

0,700

II.

0,737

0,750

0,650

0,625

III.

0,762

0,775

0,787

0,700

0,681

0,612

Total.

6,164

5,042

Les huit plants croisés eurent ici en hauteur moyenne 0m,769, et les autofécondés 0m,630, c'est-à-dire qu'ils furent dans la proportion de 100 à 82. Ces plants ayant été laissés à découvert dans la serre pour y développer peurs gousses en donnèrent très-peu de bonnes, peut-être [* oubli : peut-être en partie] parce qu'un trop petit nombre d'abeilles les visitèrent. Les plants croisés mûrirent neuf gousses contenant en moyenne 3,4 semences ; les plants autofécondés en donnèrent sept qui renfermaient en moyenne 3 graines ; les semences d'un égal nombre de plants furent donc numériquement comme 100 est à 88.

Deux autres semis croisés (chacun étant accompagné de son semis autofécondé placé [* erreur : accompagné de deux semis autofécondés placés] en face de lui dans le même grand pot) furent dépotés au début de la saison sans avoir à en souffrir et mis en pleine terre de bonne qualité. Ils furent assujettis les uns contre les autres à une compétition très-légère en comparaison de ce qu'elle fut dans les plantes des trois pots ci-dessus. A l'automne, les deux plants croisés furent d'environ 0m,075 plus grands que les quatre autofécondés ; ils eurent aussi un aspect plus vigoureux et produisirent beaucoup plus de gousses.

Deux autres semences croisées et autofécondées du même lot, après germination dans le sable, furent placées en des points opposés d'un grand pot, dans lequel une calcéolaire avait

CHAP. V LUPINUS PILOSUS.  149

longtemps végété. Elles furent en conséquence exposées à des conditions défavorables. Les deux plants croisés atteignirent finalement les hauteurs de 0m,512 et 0m,500, tandis que les [* oubli : deux] autofécondés n'arrivèrent qu'à 0m,450 et 0m,237.

LUPINUS PILOSUS.

Par suite d'une série d'accidents, je fus encore malheureux dans mes efforts en vue d'obtenir un nombre suffisant de semis croisés ; aussi les résultats suivants seraient à peine dignes d'être relatés s'ils ne concordaient pas strictement avec ceux que je viens de donner concernant le L. luteus. J'obtins d'abord un seul semis croisé, qui fut mis en compétition avec deux autofécondés dans des points opposés du même pot. Ces plants, sans être endommagés, furent placés immédiatement après en pleine terre. A l'automne, le plant croisé s'était accru à un point tel qu'il étouffa presque les deux autofécondés, qui restèrent complètement nains ; ce dernier mourut [* ces derniers moururent] sans mûrir une seule semence. Plusieurs graines autofécondées avaient été semées à la même époque séparément en pleine terre ; les deux plus grands plants qui en provinrent eurent 0m,800 et 0m,825, tandis qu'un plant croisé mesurait 0m,950 de haut. Cette dernière plante produisit aussi beaucoup plus de gousses que ne le firent les autofécondées même végétant séparément. Quelques fleurs d'un [* du] plant croisé furent fécondées avec le pollen d'un plant autofécondé, parce que je n'avais pas d'autre plant croisé qui pût me donner sa poudre fécondante. Un des plants autofécondés ayant été couvert avec une gaze produisit beaucoup de gousses spontanément autofécondées.

Plantes croisées et autofécondées de la seconde génération. — Des semences croisées et autofécondées obtenues comme je viens de le dire, je ne réussis à conduire à maturité que deux paires [* erreur : qu'une paire] de plantes, qui furent conservées [* fut conservée] dans un pot en serre. Les croisées atteignirent [* La croisée atteignit] à une hauteur de 0m,825 et les autofécondées de 0m,612. Les premières, quoique conservées dans la serre, produisirent [La première, quoique conservée dans la serre, produisit] huit gousses contenant en moyenne 2,77 graines, et les dernières, [* et la dernière] deux gousses seulement renfermant un moyenne de 2,5 semences. La hauteur moyenne des deux plants croisés dans les [* des (pas "dans les")] deux premières générations prises ensemble fut de 0m,887, et celle des trois autofécondés des deux mêmes générations, de 0m,762 ; c'est-à-dire comme 100 est à 86 1 .

1 Nous voyons ici que les Lupinus luteus et pilosus donnent facilement des graines, lorsque les insectes sont écartés ; mais M. Swale, de Christchurch (Nouvelle Zélande), m'informe (voir Gardeners' Chronicle, Chronique des Jardiniers, 1858, p. 828) que les variétés de lupins cultivées

150 PHASEOLUS MULTIFLORUS. CHAP. V

PHASEOLUS MULTIFLORUS.

Cette plante, appelée communément le haricot d'Espagne [* scarlet-runner des jardiniers anglais] (P. coccineus de Lamarck), serait originaire de Mexico [* erreur : du Mexique], d'après les renseignements que je tiens de M. Bentham. Les fleurs sont construites de telle façon que les abeilles et les bourdons, dont la visite est incessante, s'abattent presque toujours sur l'aile gauche de la corolle, à cause de la plus grande facilité qu'éprouvent les insectes à atteindre le nectar par ce côté de la fleur. Par la double action de leur poids et de leurs mouvements, le pétale est déprimé et le stigmate se trouve forcé de saillir en dehors de la carène enroulée en spirale ; dans ce mouvement, un pinceau de poils entourant le stigmate pousse le pollen au dehors. Ce pollen adhère à la tête ou à la trompe de l'abeille en travail et sera ensuite [* contresens : et est ainsi] placé, soit sur le stigmate de la même fleur, soit, après transport, sur l'organe femelle d'une autre fleur 1 . Il y a plusieurs années, je recouvris quelques-unes de ces plantes avec une grande gaze, et elles produisirent dans une circonstance à peu près un tiers et dans une autre un huitième environ du nombre des gousses qui avait été donné par des plantes non recouvertes végétant tout à côté d'elles 2 . L'amoindrissement de la fertilité ne tenait pas à ce que la gaze avait causé quelques dommages aux plantes, car je remuai les ailes de gauche de plusieurs fleurs protégées, comme le pratiquent les abeilles, et alors elles donnèrent de fort belles gousses. Après l'enlèvement du tissu protecteur, les fleurs devinrent immédiatement l'objet des visites

dans les jardins de cette île océanienne ne sont pas visités par les abeilles et qu'elles grainent moins facilement que les autres légumineuses introduites, à l'exception toutefois de la variété à couleur rouge. Il ajoute : « Pour me distraire, j'ai séparé, pendant l'été, les étamines avec une épingle, et une gousse féconde m'a toujours récompensé de ma peine ; dans les fleurs voisines, il n'en fut pas ainsi, car toutes se montrèrent stériles. » J'ignore à quelle espèce s'applique cette observation.

1 Ces fleurs ont été décrites par Delpino et d'une manière admirable par M. Farrer dans les Annals and Mag. of Nat. Hist. (Annales et magasin [* contresens : magazine] d'Histoire naturelle), vol. II, 4e série, octobre 1868, p. 256. Mon fils Francis a expliqué (Nature, 8 janvier 1874, p. 189) l'utilité d'un point particulier de leur structure ; je veux parler d'une petite saillie verticale qui existe près de la base de l'unique étamine libre et qui semble placée là pour défendre l'entrée des deux cavités nectarifères dans le tube staminal. Il a montré que cette saillie paralyse les efforts que font les abeilles en vue d'atteindre le nectar, tant qu'elles ne pénètrent pas [* sauf si elles pénètrent] par le côté gauche de la fleur, et il est absolument nécessaire, pour la fécondation croisée, que les insectes s'abattent sur l'aile de gauche de la corolle.

2Gardeners' Chronicle (Chronique des Jardiniers), 1857, p. 725 et plus spécialement : ibidem, 1858, p. 828. Voir aussi Annals and Mag. of Nat. Hist. (Annales et magasin [* contresens : magazine] d'Histoire naturelle), 3e série, vol. II, 1858, p. 462.

CHAP. V PHASEOLUS MULTIFLORUS. 151

des abeilles, et il fut remarquable de voir avec quelle rapidité les plants se recouvrirent de jeunes fruits. Comme ces fleurs sont très-fréquentées par les Thrips, l'autofécondation du plus grand nombre d'entre elles sous la gaze doit être attribuée à l'action de ces petits insectes. Le docteur Ogle a aussi recouvert une large portion d'une plante, et « sur le grand nombre de fleurs ainsi protégées (contre les insectes), pas une seule ne produisit de gousse, tandis que les fleurs découvertes furent en grands partie fructifères. » M. Belt cite un fait plus curieux encore : cette plant végète bien et fleurit dans le Nicaragua, mais comme aucune des abeilles indigènes n'en visite les fleurs, elles ne produisent jamais de gousses 1 .

D'après les faits que nous venons d'indiquer, nous pouvons être à peu près assurés que si des individus de la même variété ou de variétés différentes vivant rapprochés les uns des autres entrent en fleur dans le même temps, ils seront entre-croisés ; mais je ne puis par moi-même fournir aucune preuve de cette proposition, parce qu'il n'existe en Angleterre qu'une seule variété communément cultivée. J'ai toutefois reçu du révérend W. A. Leigton [* erreur : Leighton] un travail montrant que des plantes obtenues par cet observateur de semences ordinaires, produisirent des graines différant entre elles d'une manière extraordinaire comme couleur et comme forme, ce qui le conduit à admettre que leurs parents doivent avoir été croisés. En France, M. Fermond a planté plus d'une fois, à côté les unes des autres, des variétés qui ordinairement se fixèrent [* contresens : qui sont ordinairement stables] et qui portèrent des fleurs et des graines différemment colorées ; la descendance ainsi obtenue varia si considérablement qu'il ne peut y avoir de doute sur la réalité de l'entre-croisement 2 . D'autre part, le professeur H. Hoffman 3 ne croit pas à l'entre-croisement [* naturel] des variétés, car quoique des semis obtenus de deux variétés végétant à proximité eussent produit des plants qui donnèrent des semences à caractères mixtes, il a trouvé que le même fait se présente dans des plants séparés par une distance de 40 à 150 pas de ceux d'une autre variété ; il attribue donc le mélange des caractères

1 Dr Ogle, Popular Science Review (Revue de la Science populaire [* mieux traduit par « Revue populaire de science »]), 1870, p. 168 ; Mr. Belt, The Naturalist in Nicaragua (Le naturaliste au Nicaragua), 1874, p. 70. Ce dernier auteur rapporte le cas (Nature, 1875, p. 26) de la dernière récolte [* contresens : d'une récolte tardive (a late crop)] de P. multiflorus, près de Londres, qui fut « rendue stérile » par ce fait que les abeilles, comme elles le pratiquent souvent, ouvrirent des trous à la base des fleurs, au lieu d'y pénétrer d'une manière naturelle.

2 Fécondation chez les végétaux, 1859, p. 34 à 40. Il ajoute que M. Villiers a décrit un hybride spontané sous le nom de P. coccineus hybridus dans les Annales de la Soc. royale d'horticulture, juin 1844.

3 Bestimmung des Werthes von Species und Varietät (Détermination de la valeur de l'espèce et de la variété), 1869, p. 47 à 72.

152 PHASEOLUS MULTIFLORUS. CHAP. V

dans les graines à la variation spontanée. Cependant la distance ci-dessus indiquée serait loin d'être suffisante pour empêcher l'entre-croisement ; on sait que les choux ont pu se croiser souvent à cette distance [* contresens : se sont croisés à plusieurs fois / plusieurs multiples de cette distance (to cross at several times this distance)], et le consciencieux Gärtner 1 cite plusieurs [* contresens : de nombreux] exemples de plantes végétant à distance de 731 à 822 mètres et se fécondant les unes les autres. Le professeur Hoffmann soutient même que les fleurs du haricot [* haricot grain (kidney bean)] sont spécialement adaptées pour l'autofécondation. Cet auteur renferme plusieurs fleurs dans des sacs, et comme les boutons tombent, il attribue la stérilité partielle de ces fleurs aux dommages produits par les sacs et non pas à l'exclusion des insectes. La seule méthode sûre d'expérimentation consiste à recouvrir entièrement la plante, qui alors n'en souffre jamais.

J'obtins des semences autofécondées en soulevant et en abaissant, comme le font les abeilles, les ailes des fleurs protégées par une gaze ; d'autre part j'obtins aussi des semences croisées en fécondant par croisement deux [* deux des] plants placés sous la même tulle. Après germination dans le sable, les semences furent placées dans des points opposés de deux grands pots, et des baguettes [* oubli : de hauteurs] égales leur furent données pour s'y enrouler. Quand ils eurent 0m,20 de haut, les plants furent égaux des deux côtés. Les croisés fleurirent avant les autofécondés dans les deux pots. Aussitôt qu'un sujet de chaque paire eut atteint le sommet de son bâton, l'un et l'autre furent mesurés.

TABLEAU LIII. — Phaseolus multiflorus.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

2,175

2,200

2,062

mètres

2,118

2,175

1,900

II.

2,250

2,062

1,912

2,187

Total.

10,749

10,292

La hauteur moyenne des cinq plants croisés est de 2m,150, et celle des cinq autofécondés de 2m,058, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 96. Les pots furent conservés dans la serre ; aussi n'y eut-il que peu ou pas de différence dans la fécondité des deux lots. Donc, autant qu'on peut en juger par ce petit nombre d'observations, l'avantage acquis par un croisement fut fort petit.

1 Kenntnis der Befruchtung (Connaissance de la fécondation), 1844, p. 573 à 577 [* erreur : 573 "et" 577].

CHAP. V LATHYRUS ODORATUS. 153

PHASEOLUS VULGARIS.

Pour ce qui concerne cette espèce, j'ai constaté seulement que les fleurs sont fécondes à un degré élevé après exclusion des insectes, ce qui doit être le cas le plus fréquent, car cette plante est souvent forcée pendant l'hiver alors que les insectes sont absents. Quelques plants des deux variétés (Canterbury et haricot forcé de Fulmer) furent recouverts d'une gaze et me parurent avoir produit autant de gousses contenant autant de graines que quelques plants découverts végétant côte à côte ; mais ni les graines ni les gousses ne furent alors comptées. Cette différence en autofécondité entre le P. Vulgaris et le P. multiflora est remarquable, car les deux espèces sont si étroitement rapprochées que Linné les considérait comme n'en formant qu'une seule. Lorsque les variétés du P. vulgaris vécurent [* vivent] côte à côte en pleine terre, elles s'entre-croisèrent [* s'entre-croisent] quelquefois nonobstant leur pouvoir autofécondateur. M. Coe m'a transmis un remarquable exemple de ce fait pour ce qui touche aux variétés à graines noires, blanches et brunes, qui furent semées toutes ensemble. La diversité de caractères dans les semis de la deuxième génération que j'obtins de ces plants, fut remarquable. Je pourrais ajouter d'autres cas analogues, et le fait est bien connu des jardiniers1.

LATHYRUS ODORATUS.

Quiconque a étudié la structure des fleurs papilionacées est convaincu qu'elles sont spécialement adaptées en vue de la fécondation croisée, quoique plusieurs espèces soient capables d'autofécondation. Le cas du Lathyrus odoratus ou pois de senteur est donc curieux en ce que dans ce pays il semble invariablement se féconder lui-même. J'ai conclu qu'il en était ainsi de ce que cinq variétés différant beaucoup comme couleur de fleurs, mais ne présentant que cette seule différence, sont communément achetées et se fixent [* et sont fixées] ; de plus [* contresens : pourtant], d'après les informations de deux grands obtenteurs de gaines pour le commerce, je sais que ces praticiens ne prennent aucune précaution pour les avoir pures et que les cinq variétés sont habituellement cultivées côte à côte 2 . J'ai moi-même fait des essais semblables avec le même résultat. Quoique les variétés se fixent

1 J'ai relaté le cas observé par M. Coe dans Gardeners' Chronicle (Chronique des Jardiniers), 1858, p. 829. Voir encore pour un autre cas, ibidem, p. 845.

2 Voir M. W. Earley dans Nature, 1872, p. 242, qui arrive au même résultat. Il a vu, cependant, les abeilles visiter ces fleurs et suppose que, dans cette circonstance, elles doivent avoir été entre-croisées.

154 LATHYRUS ODORATUS. CHAP. V

toujours, cependant, comme nous allons le voir, une des cinq variétés bien connues donne occasionnellement naissance à une autre, qui présente tous ses caractères ordinaires. En raison de ce fait curieux, et parce que la variété à couleur plus foncée est la plus productive, celles-ci augmente à l'exclusion des autres (ainsi que j'en fus informé par feu M. Masters), comme s'il n'existait pas de sélection.

Afin de connaître quel serait le résultat du croisement entre deux variétés, quelques fleurs d'un pois de senteur pourpre, qui avaient leur étendard rougeâtre pourpre et les ailes violettes aussi bien que la carène, furent châtrées dès leur jeune âge et fécondées avec le pollen de la Dame fardée. Cette dernière variété a un étendard couleur cerise pâle avec des ailes et une carène presque blanches. Dans deux circonstances, j'obtins d'une fleur ainsi croisée des plants reproduisant parfaitement les deux formes génératrices, mais le plus grand nombre ressembla à la variété paternelle. La ressemblance était même si parfaite que j'aurais pu supposer quelque erreur dans mes étiquettes, si mes plants, qui furent d'abord identiques en apparence avec le père (la Dame fardée), n'avaient produit, quand la saison fut plus avancée, des fleurs tachées et panachées [* erreur : et rayées] de pourpre sombre. C'est là un exemple intéressant de retour partiel, dans la même individualité végétale [* dans la même plante individuelle], à mesure qu'elle vieillit. Les plants à fleurs pourpre furent rejetés dès que, la castration n'ayant pas été efficace, il fut possible de les considérer comme ayant été le produit d'une autofécondation accidentelle de la plante mère [* syntaxe : Les plants à fleurs pourpre furent rejetés, car elles pouvaient avoir été le produit d'une autofécondation accidentelle de la plante-mère, due à une castration ineffective]. Mais les plants qui par la couleur de leurs fleurs reproduisaient [* contresens : ressemblaient à] la variété paternelle (Dame fardée), furent conservés et leurs graines mises en réserve. L'été suivant, plusieurs [* de nombreux] plant furent obtenus de ces graines, et ils ressemblèrent généralement à leur grand-père (Dame fardée), mais le plus grand nombre avait les ailes de la corolle rayées et tachées de sombre ; quelques-uns eurent leurs ailes d'un pourpre pâle, avec l'étendard d'un cramoisi plus foncé que dans la Dame fardée, si bien qu'ils formèrent une sous-variété nouvelle. Parmi ces plants, un seul apparut avec des fleurs pourpres semblables à celle de la grand'mère, mais avec des pétales portant des raies d'une couleur plus pâle ; ce plant fut rejeté. Des graines des plantes précédentes furent de nouveau mises en réserve, et les semis ainsi obtenus ressemblèrent encore à la Dame fardée, c'est-à-dire au grand-père, mais elles varièrent encore beaucoup [* contresens : mais alors elles varièrent beaucoup (but they now varied much)], car l'étendard oscilla entre la couleur rouge pâle et rouge foncé, et dans plusieurs cas il fut taché de blanc ; quant aux ailes, elles varièrent du blanc presque pur au pourpre ; la carène, dans tous les cas, avait été [* étant] à peu près blanche.

CHAP. V LATHYRUS ODORATUS. 155

Comme aucune variabilité de cette espèce ne peut être découverte dans des plantes obtenues de graines dont les générateurs ont végété côte à côte pendant plusieurs générations successives, nous pouvons en conclure qu'elles ne peuvent pas avoir été entre-croisées. Ce qui se présenta occasionnellement, c'est qu'une série de plants étant obtenus des graines d'une variété, une autre variété vraie de la même espèce apparut ; par exemple dans une longue série [* une longue rangée (a long row)] d'Écarlates (les semences avaient été recueillies avec soin sur des Écarlates en vue de cette expérience), il apparut deux Pourpres et une Dame fardée. Des semences de ces trois plantes aberrantes furent mises en réserve et semées dans des carrés séparés. Les semis obtenus des deux Pourpres furent surtout des Pourpres mêlés de quelques Dames fardées et de quelques Écarlates. Les semis provenant du plant aberrant Dame fardée furent surtout des Dames fardées mêlés de quelques Écarlates. Chaque variété, quelle que pût être sa parenté, conserva tous ses caractères parfaits, et il n'y eut dans les couleurs ni taches ni raies, comme cela se présenta dans les plantes d'origine croisée. Toutefois, il existe une variété très-commerciale qui est rayée et tachée de pourpre foncé : elle est probablement d'origine croisée, car j'ai constaté comme M. Masters qu'elle ne transmet pas fidèlement ses caractères.

De l'ensemble des preuves que nous venons de donner, nous pouvons conclure que les variétés du pois de senteur ne s'entre-croisent que rarement ou même jamaus dans ce pays. C'est là un fait remarquable si nous tenons compte : 1° de la structure générale des fleurs ; 2° de la grande quantité de pollen produite qui est bien plus que suffisante pour assurer l'autofécondation ; et 3° de la visite occasionnelle des insectes. Que les insectes manquent quelquefois de croiser les fleurs, cela se comprend, car j'ai vu trois fois des bourdons de deux espèces et des abeilles sucer le nectar sans déprimer la carène, et par conséquent sans démasquer les étamines et le stigmate : dans ces conditions, ils furent inefficaces à féconder ces fleurs. Un de ces insectes, le Bombus lapidarius, se tenait de côté, à la base de l'étendard, et insérait sa trompe au-dessous de la seule étamine libre ; je m'en assurai plus tard, car en ouvrant la fleur, je trouvai cette étamine relevée. Les abeilles sont forcées d'agir ainsi parce que la fente du tube staminal est complètement [* contresens : étroitement] couverte par les larges bords marginaux de la seule étamine et parce que le tube n'est pas perforé par les conduits nectarifères. D'un autre côté, dans les trois espèces anglaises de Lathyrus que j'ai examinées et dans le genre voisin Vicia, il existe deux conduits nectarifères. Les abeilles anglaises peuvent dès lors être embarrassées dans leur ation devant le cas spé-

156 LATHYRUS ODORATUS. CHAP. V

cial du pois de senteur. Je dois ajouter que le tube staminal d'une autre espèce exotique, Lathyrus grandiflorus, n'est point perforé par les conduits nectarifères, et que cette espèce a rarement donné des gousses dans mon jardin, à moins toutefois que les ailes de la corolle ne fussent levées et abaissées, comme le pratiquent les abeilles. Alors les gousses se formèrent généralement, mais pour une raison quelconque elles se flétrissaient souvent ensuite. Un de mes fils captura un Sphynx éléphant au moment où il s'introduisait dans les fleurs du pois odorant, mais cet insecte n'eût pas suffi à déprimer soit les ailes, soit la carène de la corolle. D'un autre côté, j'ai pu voir dans une circonstance des abeilles et dans deux ou trois occasions le Megachile willughbiella déprimant cette pièce corollaire ; ces insectes avaient la partie inférieure de leur corps recouverte d'une épaisse couche de pollen et ne pouvaient manquer de le transporter d'une fleur sur le stigmate de l'autre. Pourquoi donc alors ces variétés ne sont-elles pas quelquefois entre-croisées, quoique le fait ne doive pas se produire souvent, l'action des insectes étant rarement efficace ? Il ne paraît guère que ce fait puisse être expliqué par l'autofécondation des fleurs dans le jeune âge, car, quoique le nectar soit quelquefois secrété et le pollen adhérent au stigmate visqueux avant que les fleurs soient complètement épanouies, j'ai trouvé dans cinq jeunes fleurs que j'ai examinées les boyaux polliniques non encore développés. Quelle que soit la cause de ce fait, nous pouvons en conclure qu'en Angleterre ces variétés ne s'entre-croisent jamais ou le font très-rarement. Mais il ne s'ensuit pas qu'elles ne puissent jamais dans leur patrie être entre-croisées par d'autres insectes plus grands : dans les ouvrages de botanique, leur pays d'origine est indiqué comme étant le sud de l'Europe et les Indes orientales. En conséquence, j'écrivis au professeur Delpino, à Florence, et il m'apprend « que c'est une opinion accréditée chez les jardiniers que les variétés s'entre-croisent, et qu'elles ne peuvent pas être conservées pures, à moins d'être semées séparément. »

Des fait précédents, il résulte que les nombreuses variétés du pois de senteur doivent s'être propagées elles-mêmes par autofécondation pendant de très-nombreuses générations, depuis le temps où chaque variété apparut pour la première fois. D'après l'analogie avec les plants de Mimulus et d'Ipomœa, qui avaient été fécondés pendant de nombreuses générations, et d'après les expériences antérieures faites sur le pois commun, qui est à peu près dans les mêmes conditions que le pois de senteur, il me sembla très-improbable qu'un croisement entre individus de la même variété produisît de bons effets sur la descendance. Un croisement de ce genre ne fut donc pas essayé,

CHAP. V LATHYRUS ODORATUS. 157

et je le regrette maintenant. Mais quelques fleurs de la Dame fardée, châtrées dès le jeune âge, furent fécondées avec le pollen du pois de senteur pourpre, et il ne faut pas oublier que ces variétés ne diffèrent en rien autre chose, si ce n'est par la couleur de leurs fleurs. Quoiqu'il n'ait été obtenu que deux graines, le croisement eut une efficacité manifeste, et la preuve en fut donnée par les deux semis qui, à floraison, ressemblèrent complètement [* contresens : étroitement] à leur père (le pois pourpre), avec cette différence qu'ils furent un peu plus légèrement colorés [* contresens : un peu plus pâles (a little lighter coloured)] et qu'ils eurent leurs carènes faiblement rayées de pourpre pâle. Des semences provenant de fleurs spontanément autofécondées sous une gaze furent en même temps obtenues de la plante mère, la Dame fardée. Ces graines malheureusement ne germèrent pas dans le sable en même temps que les croisées, de façon qu'elles ne purent pas être plantées simultanément. Une des semences croisées, en état de germination, fut placée dans un pot (n° I) où quatre jours auparavant une graine autofécondée, et dans le même état, avait été enfouie, de sorte que le dernier semis [* ce dernier (the latter)] avait un [* oubli : grand] avantage sur le croisé. Dans le pot numéro II, l'autre semence croisée fut plantée deux jours avant une autofécondée, de façon qu'ici le semis croisé avait un avantage considérable sur l'autofécondé. Mais ce semis croisé eut son sommet rongé par une limace et fut, en conséquence, complètement battu pendant quelque temps par le plant autofécondé. Cependant je parvins à le rétablir [* contresens : je lui permis de rester (I allowed it to remain)], et il était doué d'une telle vigueur constitutionnelle que, finalement, il battit son antagoniste non endommagé. Lorsque les quatre plants furent parvenus presque complètement à maturité, ils donnèrent les mensurations indiquées dans le tableau suivant :

TABLEAU LIV. - Lathyrus odoratus.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

2,000

mètres

1,612

II.

1,962

1,575

Total.

3,962

3,187

Les deux plants croisés mesurent ici en hauteur moyenne 1m,985 et les deux autofécondés 1m,593, c'est-dire comme 100 est à 80. Six fleurs de ces deux plants croisés furent réciproquement croisées avec le pollen d'un autre plant, et les six gousses ainsi produites contenaient une moyenne de 6 pois, avec un maximum de 7 pour l'une d'elles. Dix-huit gousses spontanément autofécondées de la Dame fardée, qui, comme je

158 LATHYRUS ODORATUS. CHAP. V

l'ai établi déjà, avait été autofécondée, sans aucun doute, pendant plusieurs générations antérieures, contenaient en moyenne seulement 3,93 pois, avec un maximum de 5 pour l'une d'elles ; ainsi le nombre des pois dans les gousses croisées et autofécondées fut comme 100 est à 65. Les pois autofécondés furent, au demeurant [* cependant], aussi lourds que les graines des gousses croisées. Les plantes de la génération suivante furent obtenues de ces [* oubli : deux lots de] semences.

Plants de la deuxième génération. — Plusieurs [* contresens : Beaucoup] des semences autofécondées auxquelles je viens de faire allusion germèrent dans le sable avant les croisées et furent rejetées. Dès qu'il survint des paires égales, on les plaça dans des points opposés de deux grands pots qui furent gardés dans la serre. Les semis ainsi obtenus furent les petits-fils de la Dame fardée, qui avait été tout d'abord croisée avec la variété Pourpre. Lorsque les deux lots de plants eurent atteint 0m,100 à 0m,125 [* erreur : 0m,15] de haut, il n'y eut aucune différence entre eux. Aucune différence marquée ne se produisit non plus dans la période de floraison ; mais après complet développement, les mensurations furent les suivantes :

TABLEAU LV. - Lathyrus odoratus (seconde génération).

Numéros des pots

Semis obtenus de plants croisés durant les deux générations antérieures

Semis obtenus de plantes autofécondées durant plusieurs générations antérieures

I.

mètres

1,812

1,775

1,306

mètres

1,437

1,675

1,406

II.

2,037

1,131

1,375

1,656

0,971

1,150

Total.

9,436

8,295

La hauteur moyenne des six plants croisés est de 1m,572 et celle des six autofécondés de 1m,382, c'est-à-dire comme 100 est à 88. Il n'y eut pas une grande différence dans la fécondité des deux lots ; les plants croisés donnèrent, en effet, dans la serre, trente-cinq gousses et les autofécondés trente-deux.

Des semences provenant des fleurs [* oubli : autofécondées] de ces deux lots de plantes furent mises en réserve, dans le but de vérifier si les semis qui en proviendraient hériteraient de quelque différence en croissance ou en vigueur. Il reste donc bien établi que les deux lots de plantes employées dans l'expérience suivante sont d'une pa-

CHAP. V LATHYRUS ODORATUS. 159

renté autofécondée, mais que, dans l'un des lots, les plantes furent les fils de sujets qui avaient subi le croisement durant deux générations précédentes, tandis qu'antérieurement ils avaient été autofécondés pendant plusieurs générations ; et que, dans l'autre lot, ils furent les fils de plantes qui n'avaient pas été croisées pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations antérieures. Ces semences germèrent dans le sable et furent placées par paires dans quatre pots. Après complet développement, elles furent mesurées et donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU LVI. — Lathyrus odoratus.

Numéros des pots

Plants autofécondés provenant de plants croisés

Plants autofécondés provenant de plants autofécondés

I.

mètres

1,800

1,800

mètres

1,625

1,537

II.

1,450

1,700

1,812

1,600

1,706

1,412

III.

2,025

1,506

IV.

1,937

1,912

Total.

12,524

11,198

La hauteur moyenne des sept plants autofécondés (descendance des plants croisés) est ici de 1m,789, et celle des sept autofécondés (descendance des plants autofécondés) de 1m,613, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 90. Les plants autofécondés provenant d'autres autofécondés furent plus chargés de gousses (ils en eurent trente-six) que les autofécondés issus de croisés, qui en produisirent trente et une seulement.

Quelques graines de ces mêmes lots furent semées dans des coins opposés d'une large caisse, dans laquelle un Brugmansia avait végété longtemps et dont la terre avait été tellement épuisée que des graines d'Ipomœa purpurea y pouvaient à peine se développer ; néanmoins les deux plants de pois de senteur qui furent obtenus arrivèrent bien à floraison. Pendant longtemps le plant autofécondé issu d'un autofécondé battit le plant autofécondé provenant d'un croisé ; celui-là [* ce premier (the former), c'est-à-dire l'autofécondé issu d'autofécondé] fleurit le premier et mesura à un moment donné 1m,937, tandis que celui-ci [* ce dernier, c'est-à-dire l'autofécondé issu de croisé] n'avait que 1m,712 de haut ; mais, à la fin, la plante issue des croisements antérieurs montra sa supériorité et atteignit une hauteur de 2m,712, tandis que l'autre n'avait que 2m,375. Je semai aussi quelques-unes

160  PISUM SATIVUM.   CHAP. V

des graines des deux lots en terre pauvre, dans un lieu ombragé, au milieu d'un bosquet. Là encore les plants autofécondés [* oubli : les plants autofécondés issus d'autofécondés] surpassèrent considérablement en hauteur pendant longtemps les plants provenant de générateurs antérieurement croisés, et ce résultat doit être vraisemblablement attribué, pour le cas présent comme pour le dernier [* le précédent], à ce que leurs semences germèrent bien plutôt [* contresens : plus tôt (rather sooner)] que celles des croisés ; mais à la fin de la saison, le plus grand parmi les plants autofécondés issus des croisés mesura 0m,750, tandis que les plus grand autofécondé provenant d'un autofécondé eut 0m,734 de haut.

D'après tous les faits sus rapportés, nous voyons que les plants dérivés d'un croisement entre deux variétés du pois de senteur, qui ne diffèrent qu'au point de vue de la couleur de leurs fleurs, surpassent considérablement en hauteur la descendance des plants autofécondés, aussi bien dans la première que dans la deuxième génération. Les plants croisés transmirent [* transmettent] également leur supériorité comme taille et comme vigueur à leurs descendants autofécondés.

PISUM SATIVUM.

Le pois commun est parfaitement fécond lorsque ses fleurs sont à l'abri de la visite des insectes ; j'ai confirmé ce fait dans deux ou trois variétés différentes, et M. le docteur Ogle l'a fait dans une quatrième [* une autre]. Cependant les fleurs sont aussi adaptées pour la fécondation croisée ; M. Farrer l'établit par les points suivants 1 : « La fleur se déploie d'elle-même dans la position la plus attrayante et la plus convenable pour les insectes : l'étendard remarquable [* contresens : l'étendard bien visible], les ailes offrant une surface pour s'y abattre, l'insertion des ailes et de la carène [* contresens : des ailes à la carène] telle qu'un corps quelconque pressant sur les premières abaisse la seconde ; le tube staminal renfermant le nectar et offrant, par son étamine partiellement libre et ses ouvertures de chaque côté de la base, un passage ouvert pour les insectes qui recherchent le nectar ; le pollen humide et visqueux placé justement au point où il peut être balayé sur la pointe de la carène par les insectes au moment de leur entrée [* où il sera balayé de la pointe de la carène contre l'insecte entrant (it will be swept out of the apex of the keel against the entering insect;)] ; le style très-élastique [* contresens : le style élastique raide (the stiff elastic style)] disposé de manière qu'une pression exercée sur la carène a pour résultat de le faire saillir hors de cette pièce corollaire [* hors de la carène], les poils styliques implantés seulement du côté du style où se trouve un espace pour le pollen, et orientés de façon à pouvoir le balayer au dehors ; enfin, le stigmate dirigé de manière à rencontrer un in-

1 Nature, 10 octobre 1872, p. 479. H. Müller donne une soigneuse description de ces fleurs (Befruchtung, etc., p. 247).

CHAP. V PISUM SATIVUM. 161

« secte qui pénètre dans la fleur, toutes ces dispositions sont des parties corrélatives d'un mécanisme admirable [* d'un mécanisme élaboré (an elaborate mechanism),] si nous supposons que la fécondation de ces fleurs est réalisée par le transport du pollen d'une fleur à l'autre. » Malgré ces dispositions manifestes en vue de la fécondation croisée, des variétés cultivées côte à côte pendant de nombreuses générations successives, quoique fleurissant dans le même temps, demeurent pures. J'ai donné ailleurs des preuves à l'appui de cette proposition 1 ; si on l'exigeait, je pourrais en ajouter d'autres. On peut à peine mettre en doute que les [* que certaines des (some of)] variétés de Knight, qui furent dans le principe [* contresens : qui furent originellement] produites par un croisement artificiel et demeurèrent très-vigoureuses, n'aient survécu pendant au moins soixante ans et n'aient été autofécondées pendant toute cette période de temps, car s'il en eût été autrement, elles ne se seraient pas conservées vraies, d'autant que les différentes variétés sont cultivées généralement les unes auprès des autres. Le plus grand nombre des variétés, du reste [* contresens : cependant], ne dure que peu de temps [* contresens : dure moins longtemps], et cela doit être attribué en partie à la faiblesse de constitution résultant d'une autofécondation longtemps continuée.

Si l'on tient compte de l'abondance du nectar sécrété par ces fleurs et de la grande quantité de pollen qu'elles produisent, il est remarquable de voir combien rare est la visite des insectes, soit en Angleterre, soit, suivant les observations de H. Müller, dans l'Allemagne du Nord. J'ai observé ces fleurs durant ces trente dernières années, et, pendant tout ce temps, je n'ai aperçu que trois fois des abeilles de l'espèce propre (l'une d'elles était le Bombus muscorum) occupées auprès de ces fleurs ; celles-là étaient capables de déprimer la carène de façon à avoir leur corps saupoudré de pollen. Ces abeilles visitèrent plusieurs fleurs et ne peuvent guère avoir manqué de les féconder par croisement. Les mouches à miel et d'autres petites espèces d'abeilles ramassent quelquefois le pollen des fleurs vieillies et déjà fécondées, mais ceci ne doit pas entrer en ligne de compte [* contresens : mais ceci n'a pas d'importance (is of no account)]. La rareté des visites des abeilles utiles à cette plante exotique est, je crois, la principale cause du croisement peu fréquent des variétés. Qu'un croisement accidentel arrive à se produire, comme on peut le déduire de ce que nous venons d'établir, c'est un fait certain, si l'on se rapporte aux cas connus de l'action du pollen d'une variété sur l'ovaire d'une autre 2 . Feu Mr. Masters 2  , qui s'occupait

1 Variation of Animals and Plants under Domestication (Variation dans les animaux et dans les plantes sous l'influence de la domestication), chap. IX, 2e édition, vol. I, p. 348.

2 Variation of Animals and Plants under Domestication (Variation sous la domestication), chap. XI, 2e édition, vol. I, p. 428.

162  PISUM SATIVUM.   CHAP. V

particulièrement d'obtenir de nouvelles variétés de pois, était convaincu que quelques-unes d'entre elles étaient sorties originellement d'un croisement accidentel. Mais comme de pareils croisements sont rares, les vieilles variétés ne doivent pas souvent être détruites, surtout parce que les plants qui s'écartent du type propre sont généralement rejetés pat ceux qui colligent des graines dans un intérêt commercial. Il est encore une autre cause qui tend à rendre la fécondation croisée rare, je veux dire la production des tubes polliniques [* les tubes polliniques faisant saillie] à un âge peu avancé de la fleur. Huit de ces fleurs non encore épanouies furent examinées, et dans sept d'entre elles les boyaux polliniques étaient formés [* faisaient saillie], mais ils n'avaient pas pénétré dans le stigmate. Bien que fort peu d'insectes visitent les fleurs du pois, dans ce pays comme dans l'Allemagne du Nord, et quoique les anthères paraissent ici avoir une déhiscence anormalement précoce, il ne s'ensuit pas que l'espèce, dans sa patrie, subisse les mêmes conditions.

Comme les variétés avaient été autofécondées pendant de nombreuses générations, et soumises dans chacune d'elles à des conditions à peu près semblables (ainsi que je l'expliquerai dans le prochain chapitre), je ne m'attendais pas à ce qu'un croisement entre deux pareilles plantes dût être profitable à la descendance, et l'épreuve justifia la prévision. En 1867, je recouvris plusieurs fleurs du pois Empereur précoce, qui n'était pas alors une variété très-nouvelle et qui devait [* oubli : donc] avoir été déjà propagé par autofécondation pendant au moins une douzaine de générations. Quelques fleurs furent croisées avec le pollen d'une plante distincte végétant dans la même rangée, et d'autres furent disposées pour se féconder elles-mêmes sous une gaze. On sema les deux lots de graines ainsi obtenues dans des points opposés de deux grands pots, mais quatre paires seulement levèrent en même temps. Les pots furent gardés en serre. Lorsque les semis des deux pots eurent atteint 0m,150 à 0m,175, leur hauteur était égale. Quand ils furent parvenus à complet développement, ils donnèrent les mensurations suivantes :

TABLEAU LVII. — Pisum sativum.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,875

mètres

0,743

II.

0,787

0,875

0,925

1,275

1,125

0,825

Total.

3,462

3,968

CHAP. V SAROTHAMNUS SCOPARIUS. 163

La hauteur moyenne dans les quatre plants croisés est ici de 0m,865 et celle des quatre plants autofécondés de 0m,991, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 115. Loin de battre les autofécondés, les croisés furent donc complètement battus par eux.

Il n'est pas douteux que le résultat eût été entièrement différent si parmi les innombrables variétés qui existent il s'en était trouvé deux qui eussent été croisées. Quoique ces deux variétés eussent subi l'autofécondation pendant plusieurs générations antérieures, chacune eût possédé certainement une constitution particulière, et ce degré de différenciation eût suffi pour rendre un croisement très-utile. J'ai parlé aussi avec confiance des bons effets qui doivent résulter d'un croisement entre deux variétés du pois, en me reposant sur les faits suivants. André Knight, en relatant les résultats d'un croisement réciproque de deux variétés, l'une très-grande et l'autre petite, dit 1 : « J'eus par cette expérience un exemple frappant des effets stimulatifs du croisement de deux races, car la plus petite variété, dont la hauteur dépassait rarement 0m,610, atteignit jusqu'à 1m,83, tandis que la hauteur de l'espèce la plus grande et la plus belle fut diminuée de beaucoup [* contresens : fut très peu diminuée (was very little diminished)]. » Récemment, M. Laxton a pratiqué de nombreux croisements, et tout le monde fut étonné de la vigueur et de la beauté des nouvelles variétés qu'il avait ainsi obtenues et qu'il fixa ensuite par sélection. Il me donna des graines de pois produites par le croisement de quatre variétés distinctes, et les plants ainsi obtenus furent extraordinairement vigoureux, car ils dépassèrent de 0m,305, 0m,610 et même 0m,915 les formes génératrices, qui furent obtenues côte à côte dans le même temps. N'ayant pas pris leurs mesures à ce moment, je ne peux donner ici exactement leur proportion, mais j'estime qu'elle a été au moins de 100 à 75. Une expérience semblable fut faite subséquemment avec deux autres pois provenant d'un croisement différent, et le résultat fut à peu près le même. Par exemple, un semis résultant du croisement entre le pois Gousse-pourpre et l'Erable fut planté dans une terre pauvre et parvint à la hauteur extraordinaire de 2m,90, tandis que le plus grand plant donné par l'une ou l'autre variété génératrice (particulièrement le pois Gousse-pourpre) mesura seulement 1m,750 de haut ; ils furent donc entre eux comme 100 est à 60.

SAROTHAMNUS SCOPARIUS.

Les abeilles visitent constamment les fleurs du balai commun, qui sont adaptées par un curieux mécanisme à la féconda-

1 Philosophical Transactions (Transactions philosophiques), 1799, p. 200.

164 SAROTHAMNUS SCOPARIUS.  CHAP. V

tion croisée. Quand une abeille s'abat sur les ailes d'une fleur jeune, la carène est légèrement ouverte et les petites étamines faisant [* oubli : alors] saillie au dehors saupoudrent de leur pollen l'abdomen de l'insecte. Lorsqu'une fleur plus âgée est visitée pour la première fois par une abeille (ou lorsque cet insecte exerce une grande pression sur une fleur jeune), la carène s'ouvre dans toute sa longueur, et toutes les étamines, grandes et petites, aussi bien que le très-long pistil recourbé, font saillie avec violence. L'extrémité aplatie en cuiller du pistil demeure, pendant un certain temps, appliquée sur le dos de l'abeille, et y dépose le fardeau de pollen dont elle est chargée. Aussitôt que l'abeille s'envole, le pistil se recourbe instantanément, de façon que la surface stigmatique est alors retournée et occupe une position telle, qu'elle serait frottée de nouveau contre l'abdomen d'un [* oubli : autre] insecte visitant la même fleur. Ainsi, lorsque le pistil s'échappe pour la première fois de la carène, le stigmate est frotté contre le dos de l'abeille saupoudrée du pollen provenant des longues étamines, soit d'une [* soit de la] même fleur, soit d'une autre ; plus tard [* ensuite], il est frotté de nouveau contre la surface inférieure de l'abeille saupoudrée du pollen des courtes étamines, lequel tombe souvent un jour ou deux avant celui des longues 1 . Par ce mécanisme, la fécondation croisée est rendue presque inévitable, et nous allons voir immédiatement que le pollen d'une plante distincte est plus efficace que celui de la même fleur. Je dois seulement ajouter que, d'après H. Müller, les fleurs ne secrètent pas de nectar, et cet auteur pense que les abeilles y enfoncent leur trompe seulement dans l'espoir d'en trouver ; mais elles se livrent à cette pratique si fréquemment et pendant un temps si long que je ne puis m'empêcher de croire à l'existence dans ces fleurs d'une substance agréable qu'elles y recherchent.

Si les visites des abeilles sont empêchées, et si les fleurs ne sont pas projetées par le vent contre quelque objet, la carène ne s'ouvre jamais et par conséquent les étamines et le pistil y restent renfermés. Les plants ainsi protégés donnent fort peu de gousses en comparaison du nombre qu'on en trouve sur les buissons voisins non recouverts ; quelquefois ils n'en donnent pas du tout. Je fécondai quelques fleurs d'une plante végétant presque à l'état de nature avec le pollen d'un autre plant placé côte à côte. Les quatre capsules croisées qui en provinrent contenaient en moyenne 9,2 semences. Ce grand nombre de graines fut dû sans doute à ce que le buisson avait été recouvert et avait ainsi

1 Ces observations ont été relatées sous une forme abrégée par le Rew. [* Rév., pour « Révérend »] G. Henslow, dans le Journal of Linn. Soc. Bot. (Journal de la Société linnéenne botanique), vol. IX, 1866, p. 358. H. Müller a depuis publié un excellent travail très-complet sur ces fleurs dans son Befruchtung, etc., p. 240.

CHAP. V SAROTHAMNUS SCOPARIUS. 165

échappé à l'épuisement qui résulte de la production d'un grand nombre de gousses, car cinquante gousses recueillies sur une pante voisine, dont les fleurs avaient été fécondées par les abeilles, contenaient en moyenne seulement 7,14 graines. Quatre vingt-treize gousses spontanément autofécondées sur un large buisson qui avait été recouvert, mais fortement agité par le vent, renfermaient en moyenne 2,93 semences. Dix d'entre les plus belles de ces quatre-vingt-treize gousses eurent en moyenne 4,30 graines ; ce nombre est de moitié moindre que celui des graines contenues dans les quatre gousses croisées artificiellement. La proportion de 7,14 à 2,93, ou comme 100 est à 41, est probablement la plus exacte pour le nombre des graines renfermées dans chaque gousse provenant de fleurs naturellement croisées ou spontanément autofécondées. Les semences croisées comparées à un égal nombre de semences spontanément autofécondées furent plus lourdes dans la proportion de 100 à 88. Nous voyons donc qu'outre leurs adaptations mécaniques en vue de la fécondation croisée, les fleurs sont bien plus productives avec le pollen d'une plante distincte que sous l'influence du leur propre.

Huit paires des semences ci-dessus croisées et autofécondées, ayant germé dans le sable, furent placées (1867) dans des points opposés de deux grands pots. Lorsque plusieurs des semis eurent atteint 0m,037 de haut, il n'y eut aucune différence marquée entre les deux lots. Mais, même dans ce jeune âge, les feuilles des semis autofécondés furent plus petites et d'un vert moins brillant que celles des croisés. Les pots furent conservés dans la serre ; mais comme les plants au printemps suivant (1868) parurent maladifs et s'étaient accrus fort peu, ils furent enfouis, avec leurs pots, en pleine terre. Tous les plants souffrirent beaucoup de ce changement soudain, mais plus spécialement les autofécondés, et deux de ces derniers succombèrent. Les survivants furent mesurés, et je donne les longueurs dans le tableau suivant, car je n'ai jamais vu, dans aucune autre espèce, une si grande différence accusée à un âge si jeune entre les semis croisés et autofécondés (v. tableau LVIII).

Les six plants croisés ont ici en moyenne 0m,074 de haut et les autofécondés de 0m,033, de façon que les premiers furent plus de deux fois plus élevés que les derniers, et dans la proportion de 100 à 46.

Au printemps de l'année suivante (1869), les trois plants croisés du pot I avaient tous atteint à peu près 0m,305 de haut, et avaient étouffé si complètement les trois petits autofécondés que deux d'entre eux moururent et que le troisième, parvenu seulement à 0m,037 de hauteur, était mourant. Il ne faut pas oublier que les sujets furent plantés dans leur pot et subirent, par

166 SAROTHAMNUS SCOPARIUS.  CHAP. V

TABLEAU LVIII. — Sarothamnus scoparius (plants très-jeunes).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,112

0,150

0,050

mètres

0,062

0,037

0,025

II.

0,050

0,062

0,012

0,037

0,025

0,012

Total.

0,436

0,198

conséquent, une compétition très-sévère. Ce pot fut alors rejeté.

Les six plants du pot numéro II étaient tous vivants. Un des autofécondés dépassa en hauteur de 0m,033 tous ses semblables ; mais les deux autres plants autofécondés furent dans une condition très-chétive. Je résolus donc de laisser ces plants lutter entre eux pendant quelques années. Dans le courant de l'automne de la même année (1869), le plant autofécondé qui avait remporté la victoire fut alors battu. Les mensurations sont données dans le tableau suivant :

TABLEAU LIX. — Pot II (Sarothamnus scoparius).

Plantes croisées

Plantes autofécondées

mètres

0,393

0,243

0,206

mètres

0,328

0,075

0,062

Les mêmes plantes furent de nouveau mesurées pendant l'automne de l'année suivante (1870).

TABLEAU LX. — Pot II (Sarothamnus scoparius).

Plantes croisées

Plantes autofécondées

mètres

0,656

0,412

0,350

mètres

0,356

0,287

0,243

1,418

0,886

Les trois plants croisés mesurèrent alors en hauteur 0m,472

CHAP. V ONONIS MINUTISSIMA. 167

et les trois autofécondés 0m,295, c'est-à-dire qu'ils furent dans la proportion 100 à 63. Les trois plants croisés du pot 1, comme nous l'avons dit déjà, avaient battu si complètement les trois autofécondés, que toute comparaison entre eux eût été inutile.

L'hiver de 1870 à 1871 fut rigoureux. Au printemps, les trois plants croisés du pot numéro II n'avaient pas même l'extrémité de leurs bourgeons endommagés en quoi que ce fût, tandis que les trois plants autofécondés furent tués à mi-chemin sous terre [* contresens : à mi-hauteur (au-dessus) du sol (half-way down to the ground)], ce qui montre combien ils étaient plus délicats. Aussi aucune de ces dernières plantes ne porta une seule fleur pendant l'été suivant de 1871, tandis que les trois autres plantes croisées [* contresens : les trois plantes croisées] fleurirent.

ONONIS MINUTISSIMA.

Cette plante dont les graines me furent envoyées du nord de l'Italie, produit, outre les fleurs ordinaires papilionacées, de petites fleurs imparfaites, closes ou cléistogènes, qui ne peuvent jamais être croisées et qui sont cependant très-fertiles par elles-mêmes. Quelques-unes des fleurs parfaites furent croisées avec le pollen d'une plante distincte, et six capsules ainsi produites donnèrent en moyenne 3,66 semences, avec un maximum de cinq pour l'une d'entre elles. Douze fleurs parfaites furent marquées et disposées pour se féconder elles-mêmes sous une gaze ; elles donnèrent huit capsules contenant en moyenne 2,38 semences, avec un maximum de 3 pour l'une d'elles. Ainsi donc, les capsules croisées et autofécondées provenant de fleurs parfaites donnèrent des graines dans la proportion de 100 à 65. Cinquante-trois capsules produites par les fleurs cléistogènes renfermèrent en moyenne 4,1 semences ; elles furent donc les plus productives de toutes, et les graines elles-mêmes parurent plus belles que celles des fleurs croisées parfaites.

Les semences issues des fleurs parfaites croisées et des fleurs cléistogènes autofécondées furent mises à germer dans le sable, et malheureusement deux paires seulement levèrent en même temps. Elles furent placées dans des points opposés d'un même pot qui fut conservé dans la serre. Dans le courant de l'été de la même année, lorsque les semis eurent environ 0m,112 de haut, les deux lots furent égaux. A l'automne de l'année suivante (1868), les deux plants croisés eurent exactement la même hauteur, c'est-à-dire 0m,287, et les autofécondés 0m,318 et 0m,181 ; ainsi donc un des autofécondés surpassa considérablement en hauteur tous les autres. A l'automne de 1869, les deux plants croisés avaient acquis la supériorité ; leur hauteur

168 RÉSUMÉ SUR LES LÉGUMINEUSES.   CHAP. V

était de 0m,412 et 0m,378, tandis que celle des deux plants autofécondés fut de 0m,365 et 0m,287.

A l'automne de 1870, les mensurations donnèrent les hauteurs suivantes :

TABLEAU LXI. — Ononis minutissima.

Plants croisés

Plants autofécondés

mètres

0,509

0,481

mètres

0,437

0,431

0,990

0,868

Il en résulte que la hauteur moyenne des deux croisés fut de 0m,495, et celle des deux autofécondés de 0m,343, c'est-à-dire comme 100 est à 88. On se rappellera que les deux lots furent d'abord égaux en hauteur, que l'un des plants autofécondés eut ensuite l'avantage, et qu'enfin les deux plants croisés furent victorieux.

Résumé sur les Légumineuses. — Six genres de cette famille ayant été soumis à l'expérimentation, les résultats en furent remarquables à certains points de vue. Les plants croisés des deux espèces de Lupin sur les plants autofécondés montrèrent une supériorité très-sensible comme taille, comme fécondité, et même comme vigueur, lorsqu'ils végétèrent dans des conditions défavorables. Le haricot d'Espagne (Phaseolus multiflorus) est partiellement stérile lorsque les visites des abeilles sont empêchées, et c'est là une raison qui porte à faire admettre que les variétés végétant côte à côte s'entre-croisent. Du reste [* contresens : Cependant], les cinq plants croisés dépassèrent [* oubli : seulement] faiblement en hauteur les cinq autofécondés. Le Phaseolus vulgaris est parfaitement autofertile, néanmoins les variétés végétant dans le même jardin s'entre-croisent quelquefois largement. D'un autre côté, les variétés du Lathyrus odoratus ne paraissent jamais se croiser en Angleterre, et bien que les fleurs ne soient pas fréquemment visitées par des insectes efficaces, je ne puis me rendre compte de ce fait ni

CHAP. V CLARKIA ELEGANS. 169

plus spécialement de celui-ci, que les variétés sont considérées dans le nord de l'Italie comme étant entre-croisées [* contresens : comme s'entre-croisant]. Les plants obtenus d'un croisement entre deux variétés uniquement différenciées par la couleur de leurs fleurs devinrent plus grands et furent, quand ils végétèrent dans des conditions défavorables, plus vigoureux que les autofécondés ; ils transmirent aussi leur supériorité à leurs descendance après autofécondation. Les nombreuses variétés du pois commun (Pisum sativum), quoique végétant côte à côte, s'entre-croisent très-rarement, et ce fait semble être attribuable, en Angleterre, à la rareté de la visite des abeilles. Un croisement entre individus autofécondés appartenant à la même variété n'est pas favorable à la descendance, tandis qu'un croisement entre variétés distinctes, quoique de parenté très-rapprochée, produit de très-bons effets, ce dont nous avons donné d'excellentes preuves. Les fleurs du genêt à balai (Sarothamnus) restent presque stériles quand elles ne sont pas agitées ou quand les insectes en sont écartés. Le pollen d'un plant distinct est plus efficace que celui de la même fleur pour la production des graines. Les semis croisés acquièrent un avantage considérable sur les autofécondés quand les uns et les autres sont mis en concurrence. Enfin, quatre plants seulement d'Ononis minutissima furent obtenus, mais comme on les observa pendant toute leur durée végétative, l'avantage bien constaté des croisés sur les autofécondés peut, je crois, inspirer toute confiance.

XV. ONAGRARIÉES. — CLARKIA ELEGANS.

La saison ayant été très-défavorable (1867), un petit nombre seulement des fleurs que j'avais fécondées forma des capsules. Douze fleurs croisées n'en donnèrent que quatre, et huit [* erreur : dix-huit] autofécondées une seulement. Les semences, après germination dans le sable, furent placées dans trois pots ; mais dans l'un de ces pots tous les plants autofécondés succombèrent lorsque les deux lots eurent atteint entre 0m,100 et 0m,125 de haut ; les plants

170 BARTONIA AUREA. CHAP. V

croisés commencèrent à montrer une légère supériorité sur les autofécondés [* contresens par ponctuation déficiente : dans l'un de ces pots tous les plants autofécondés succombèrent. Lorsque les deux lots eurent atteint entre 0m,100 et 0m,125 de haut, les plants croisés commencèrent à montrer une légère supériorité]. Parvenus à pleine floraison, ils furent mesurés et donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU LXII. — Clarkia elegans.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,012

0,875

0,625

mètres

0,825

0,600

0,575

II.

0,837

0,762

Total.

3,349

2,762

La hauteur moyenne des quatre plants croisés est ici de 0m,837 et celle des quatre autofécondés de 0m,690, c'est-à-dire comme 100 est à 82. Les plants croisés donnèrent ensemble cent cinq capsules et les autofécondés soixante-trois, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 60. Dans les deux pots, un plant autofécondé fleurit avant chaque croisé.

XVI. LOASACÉES. — BARTONIA AUREA.

Quelques fleurs furent croisées et autofécondées, à la manière ordinaire, pendant deux saisons ; mais comme je n'élevai, dans

TABLEAU LXIII. — Bartonia aurea.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,775

mètres

0,925

II.

0,462

0,512

III.

0,487

1,012

IV.

0,685

0,900

0,875

0,387

V.

0,775

0,400

0,450

0,287

VI.

0,500

0,812

Total.

4,924

5,160

CHAP. V PASSIFLORA GRACILIS. 171

une première expérience, que deux paires de plantes, les résultats seront donnés ensemble. Dans les deux circonstances, les capsules croisées contenaient un nombre légèrement plus élevé de graines que les autofécondées. Pendant la première année, lorsque les plants eurent atteint environ 0m,175 de haut, l'autofécondé fut le plus grand ; lorsque les deux lots furent parvenus à complète floraison, ils donnèrent les mensurations indiquées dans le tableau précédent.

La hauteur moyenne des huit plantes croisées est de 0m,615 et celle des autofécondées de 0m,645, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 107. Ainsi les autofécondés eurent sur les croisés un avantage marqué ; mais tous ces plants, pour plusieurs raisons [* contresens : pour quelque raison], ne végétèrent jamais bien et devinrent finalement si malades que trois croisés et trois autofécondés seulement survécurent pour donner des capsules, encore celles-ci furent-elles en bien petit nombre. Les deux lots parurent, du reste, être également improductifs.

XVII. PASSIFLORÉES. — PASSIFLORA GRACILIS.

Cette espèce annuelle produit spontanément beaucoup de fruits lorsque les insectes en sont écartés, et se comporte ainsi bien différemment des autres espèces du même genre, qui restent stériles à moins d'être fécondées avec le pollen d'une plante distincte 1 . Quatorze fruits des fleurs croisées contenaient en moyenne 24,14 semences. Quatorze fruits (un d'eux trop mal venu fut rejeté [* erreur : deux d'entre eux trop mal venus furent rejetés]) spontanément autofécondés sous une gaze contenaient en moyenne 20,58 semences par fruit, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 85. Ces graines furent semées dans des points opposés de trois pots, mais deux paires seulement levè-

1 Variation of Animals and Plants under Domestication (Variation des animaux et des plantes sous l'influence de la domestication), chap. XVII, 2e édition, vol. II, p. 118 * .

* John Scott a prouvé (Annales des sciences naturelles, 5e série, t. II, p. 191) que non-seulement le plus grand nombre des espèces du genre Passiflora, mais encore, dans la même famille, les genres Tacsonia et Disemma, restent partiellement ou totalement stériles quand ils sont fécondés avec leur propre pollen. Il semble donc que dans le cas très-remarquable de cette famille, le mouvement d'abaissement des stigmates vers les anthères est absolument dépourvu d'utilité au point de vue de l'autofécondation, et il en est réellement ainsi, si l'on considère que les divers insectes qui visitent constamment ces fleurs (ils sont très-nombreux, d'après ce que j'ai pu constater durant toute une saison), et qui portent sur leur dos le pollen pris sur les autres fleurs de la même espèce, n'atteindraient jamais les stigmates, si ces derniers conservaient leur position nocturne (réunis en un fascicule très-haut au-dessus de la partie de la fleur qui attire les insectes). (Traducteur.)

172 APIUM PETROSELINUM. CHAP. V

rent en même temps, et il en résulte qu'aucune opinion ne peut être fondée sur cette expérience.

TABLEAU LXIV. — Passiflora gracilis.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,400

mètres

0,950

II.

1,050

1,600

Total.

2,450

2,550

La moyenne des deux plants croisés fut de 1m,225 et celle des autofécondés de 1m,275, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 104.

XVIII. OMBELLIFÈRES. — APIUM PETROSELINUM.

Les Ombellifères sont protérandres et ne peuvent manquer d'être fécondées par croisement au contact des nombreuses mouches et des petits hyménoptères qui les fréquentent 1 . Un plant de persil commun ayant été recouvert d'une gaze produisit incontestablement [* contresens : apparemment] autant et d'aussi beaux fruits, autant et d'aussi belles graines que les plants voisins découverts. Les fleurs de ces derniers furent visitées par tant d'insectes qu'elles durent certainement recevoir du pollen d'un autre plant. Quelques-unes des graines des deux lots furent laissées dans le sable, mais presque toutes les semences autofécondées germèrent avant les autres, et je fus forcé de tout jeter. Les semences restant furent alors semées dans des points opposés de quatre pots. D'abord, les semis autofécondés furent un peu plus grands, dans le plus grand nombre des pots, que les semis croisés naturellement, et ce résultat fut évidemment dû à ce que les semences autofécondées avaient germé les premières. Mais, à l'automne, tous les plants furent tellement égaux que je ne crus pas utile de les mesurer. Dans deux pots l'égalité fut complète ; dans un troisième, s'il y eut une légère différence, ce fut en faveur des croisés ; dans le quatrième enfin cette supériorité fut en quelque sorte plus franchement accusée. Cependant, d'aucun côté il n'y eut d'avantage bien réel, de sorte que les hauteurs peuvent être dites dans la proportion de 100 à 100.

1 H. Müller (Befruchtung, etc., p. 96). D'après M. Mustel (ainsi que Godron l'indique, De l'Espèce, t. II, p. 58 à 1859) [* contresens : 1859 est la date de publication de De l'Espèce, et non un numéro de page], les variétés de la carotte voisines les unes des autres s'entre-croisent volontiers.

CHAP. V LACTUCA SATIVA.  173

XIX. DIPSACÉES. — SCABIOSA ATROPURPUREA.

Les fleurs, qui sont protérandres, apparurent [* erreur : furent fertilisées] pendant la saison défavorable de 1867, aussi obtins-je peu de graines, surtout sur les capitules autofécondés, lesquels furent extrêmement stériles. Les plants croisés et autofécondés issus de ces graines furent mesurés avant leur pleine floraison, comme c'est indiqué dans le tableau suivant :

TABLEAU LXV. — Scabiosa atro-purpurea.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,350

mètres

0,500

II.

0,375

0,362

III.

0,525

0,462

0,375

0,350

Total.

1,712

1,587

Les quatre plants croisés ont ici en moyenne 0m,428 de haut, et les quatre croisés [* erreur : autofécondés] 0m,397, c'est-à-dire qu'ils furent dans la proportion de 100 à 90. Un des plants autofécondés du pot numéro III ayant été tué par accident, son compagnon fut rejeté ; aussi, quand ils furent mesurés à nouveau jusqu'à la pointe de leurs capitules, ils n'étaient plus que trois de chaque côté. A ce moment les plants croisés eurent une hauteur moyenne de 0m,819 et les autofécondés de 0m,756, chiffres qui sont dans la proportion de 100 à 92.

XX. COMPOSÉES. — LACTUCA SATIVA.

Trois plants de Laitue 1 (variété : romaine grosse de Londres [* (Great London Cos var.)]) végétaient côte à côte dans mon jardin ; un d'eux fut recouvert d'une gaze et produisit des graines autofécondées, les deux

1 Les Composées sont bien adaptées pour la fécondation croisée, mais un horticulteur pépiniériste, en qui je peux avoir toute confiance, m'a dit avoir l'habitude de semer très-rapprochées plusieurs espèces de laitues dans le but d'obtenir des graines, et n'avoir jamais observé de croisement entre elles. Il est très-improbable que toutes les variétés qui furent ainsi cultivées côte à côte fleurirent dans des temps différents ; mais deux variétés que je choisis au hasard, et que je semai très-rapprochées, n'entrèrent pas en floraison à la même époque, et mon expérience fut manquée.

174 SPECULARIA SPECULUM. CHAP. V

autres furent disposés pour le croisement par les insectes ; mais, la saison (1867) ayant été défavorable, je n'obtins pas beaucoup de graines. Un plant croisé seulement et un autofécondé furent obtenus dans le pot I et leurs mesures sont données dans le tableau suivant (LXVI). Les fleurs de cet unique pied autofécondé furent de nouveau fécondées par elles-mêmes sous une gaze, non pas avec le pollen du même demi-fleuron, mais bien avec celui d'autres demi-fleurons du même capitule. Les fleurs des deux plants croisés furent livrées au croisement par les insectes, et je vins moi-même en aide à ces agents fécondateurs, car je transportai occasionnellement du pollen d'une plante à l'autre. Ces deux lots de graines, après germination dans le sable, furent semés par paires dans des points opposés des pots II et III, qui furent d'abord gardés dans la serre, puis exposés en plein air. On mesura les sujets quand ils furent en pleine floraison. Le tableau suivant renferme donc des plantes appartenant à deux générations. Lorsque les semis des deux pots eurent seulement 0m,125 à 0m,150 de haut, l'égalité fut complète. Dans le pot numéro III, un des autofécondés mourut avant de fleurir, accident qui se présenta dans beaucoup d'autres cas.

TABLEAU LXVI. — Lactuca sativa.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

Première génération

plantée en pleine terre

mètres

0,675

0,625

mètres

0,537

0,500

II.

Deuxième génération plantée en pleine terre

0,737

0,437

0,312

0,600

0,250

0,275

III.

Deuxième génération cultivée dans un pot

0,350

0,262

0,237

0

Total.

3,398

2,399

La hauteur moyenne des sept plants croisés est ici de 0m,485 et celle des six autofécondés de 0m,400, chiffres qui sont dans la proportion de 100 à 82.

XXI. CAMPANULACÉES. — SPECULARIA SPECULUM.

Dans le genre très-voisin Campanula (qui renfermait autrefois le g. Specularia), les anthères perdent de très-bonne heure

CHAP. V SPECULARIA SPECULUM. 175

leur pollen ; ce dernier est retenu par les poils collecteurs qui entourent le pistil au-dessous du stigmate, de façon que, sans l'aide d'un mécanisme quelconque, les fleurs ne peuvent pas être fécondées. Par exemple, je recouvris une plante de Campanula carpathica et elle ne produisit pas une seule capsule, tandis que les plants environnants vivant découverts donnèrent beaucoup de graines. D'un autre côté, l'espèce de Specularia dont il est ici question paraît donner presque autant de capsules, lorsqu'elle est recouverte, que lorsqu'elle est abandonnée à la visite des Diptères, qui, autant que j'ai pu en juger, en fréquentent seuls les fleurs 1 . Je ne pus pas m'assurer si les capsules croisées naturellement et celles qui sont spontanément autofécondées contenaient un égal nombre de graines, mais une comparaison entre les fleurs artificiellement croisées et celles autofécondées, montra que les premières sont probablement les plus productives. Il semble que cette plante doit sa faculté de produire un grand nombre de capsules autofécondées, à ce que ses pétales se ferment pendant la nuit et durant les temps froids. Dans l'acte de la fermeture des fleurs, les bords des pétales s'infléchissent et leur nervure médiane, étant projetée en dedans, pénètre à travers les divisions du stigmate en poussant ainsi le pollen du pourtour du pistil sur les surfaces stigmatiques 2 .

Vingt fleurs furent fécondées par mes soins avec leur propre pollen, mais, à cause de la mauvaise saison, six capsules seulement furent produites ; elles contenaient en moyenne 21.7 graines, avec un maximum de 48 pour l'une d'elles. Quatorze fleurs furent croisées avec le pollen d'un autre plant, et celles-là produisirent douze capsules contenant une moyenne de 30 graines, avec un maximum de 57 pour l'une d'elles, de façon que les semences croisées furent aux autofécondées pour un égal nombre de capsules, comme 100 est à 72. Les première furent aussi plus lourdes qu'un égal nombre d'autofécondées, dans la proportion de 100 à 86. Ainsi, si nous en jugeons, soit par la quantité de capsules produites par égal nombre de fleurs, soit par le nombre moyen de semences qu'elles contiennent, soit encore par le nombre maximum que chaque capsule en renferme, soit enfin par le poids de ces graines, le croisement comparé à l'autofécondation eut [* a] de très-bons effets.

1 On sait depuis longtemps qu'une autre espèce de ce genre, le Specularia perfoliata, produit à la fois des fleurs cléistogènes et des fleurs parfaites, et que les premières sont autofertiles.

2 Mr. Meehan a dernièrement montré, Proc. Acad. Nat. Sc. Philadelphia (Comptes rendus de l'Acad. nat. des Sciences de Philadelphie [* contresens : Académie de Science Naturelle de Philadelphie (Academy of Natural Science Philadelphia) et non Académie nationale de Science]), 16 mai 1876, p. 84, que la fermeture nocturne des fleurs de Claytonia virginica et de Ranunculus bulbosus cause leur autofécondation.

176 LOBELIA RAMOSA.   CHAP. V

On sema les deux lots de graines dans des points opposés de quatre pots, mais les semis ne furent pas suffisamment éclaircis. Le plus grand plant de chaque côté seul fut mesuré après complet développement. Les mensurations sont données dans le tableau suivant :

TABLEAU LXVII. — Specularia speculum.

Numéros des pots

Le plus grand plant croisé dans chaque pot

Le plus grand plant autofécondé

dans chaque pot

I.

mètres

0,450

mètres

0,393

II.

0,425

0,475

III.

0,553

0,450

IV.

0,500

0,575

Total.

1,928

1,893

Dans les quatre pots, les plants croisés fleurirent les premiers. Lorsque les semis eurent atteint environ 0m,037 de haut, les deux lots furent égaux. Les quatre plus grands plants croisés eurent 0m,482 de hauteur moyenne et les quatre [* oubli : plus grands] autofécondés 0m,473, chiffres qui sont comme 100 à 98. Il n'y eut donc, comme hauteur, aucune différence digne d'être relatée entre les deux lots ; cependant, ainsi que nous l'avons vu, il y eut d'autres grands avantages réalisés par le croisement. Les plants ayant été conservés en pots dans la serre, aucun d'entre eux ne produisit de capsules.

LOBELIA RAMOSA 1 .

Variété : flocon de neige. (Lobelia ramosa alba des Fleurs

de pleine terre de Vilmorin, Andrieux.)

Les moyens bien adaptés par lesquels la fécondation croisée est assurée dans ce genre ont été décrits par plusieurs auteurs 2 .

1 J'ai adopté le nom donné à cette plante dans Gardeners' Chronicle (Chronique des jardiniers), 1866. Le professeur Dyer m'informe, cependant, que c'est là probablement une variété blanche du L. tenuior R. Brown, de l'ouest d'Australie.

2 Voir les travaux de Hildebrand et Delpino. M. Farrer a aussi donné (Annals and Mag. of Nat. Hist., Annales et magasin [* contresens : magazine] d'Hist. natur., t. II, 4e série, 1868, p. 260) une description remarquablement claire du mécanisme par lequel la fécondation croisée est effectuée, dans ce genre. Dans le genre voisin Isotoma, la curieuse pointe rectangulaire [* contresens : la curieuse pointe qui dépasse à l'équerre (c'est-à-dire à 90°) des anthères (the curious spike which projects rectangularly from the anthers)] qui fait

CHAP. V LOBELIA RAMOSA.   177

Le pistil s'accroissant lentement en longueur pousse le pollen au dehors des anthères cohérentes en s'aidant d'un anneau de poils : à ce moment les deux lobes du stigmate sont fermés et incapables d'être fécondés. L'expulsion du pollen est aussi aidée par les insectes qui se frottent contre les petits poils émergeant des anthères. Le pollen ainsi rejeté au dehors est transporté par les insectes sur les fleurs plus vieilles, dans lesquelles les lèvres stigmatiques du pistil devenu librement saillant, sont ouvertes et prêtes pour la fécondation. J'ai pu démontrer l'importance de la coloration agréable [* coloration vive (gaily-coloured)] de la corolle, en enlevant le grand pétale supérieur [* contresens : inférieur] dans plusieurs fleurs de Lobelia erinus : ces fleurs furent alors négligées par les abeilles, qui visitèrent au contraire incessamment les autres.

Une capsule fut obtenue par le croisement d'une fleur de Lobelia ramosa avec le pollen d'une autre plante, et deux autres résultèrent de l'autofécondation [* oubli : artificielle] d'autres fleurs. Les graines qui y étaient contenues furent semées dans des points opposés de quatre pots. Quelques-uns des semis croisés qui levèrent avant les autres furent arrachés et rejetés. Tant que les plants demeurèrent très-petits il n'y eut pas une grande différence en hauteur entre les deux lots, mais dans le pot numéro III, les autofécondés furent, pendant un certain temps, les plus développés. Parvenus à floraison, le plus grand plant se chaque côté dans tous les pots fut mesuré, et le résultat en est indiqué dans le tableau suivant. Dans les quatre pots, un plant croisé fleurit avant son adversaire [* avant chacun de ses adversaires].

TABLEAU LXVIII. — Lobelia ramosa (première génération).

Numéros des pots

Le plus grand plant croisé dans chaque pot

Le plus grand plant autofécondé

dans chaque pot

I.

mètres

0,562

mètres

0,437

II.

0,687

0,600

III.

0,412

0,375

IV.

0,562

0,425

Total.

2,223

1,837

saillie en dehors des anthères et qui, quand elle s'ébranle [* contresens : quand elle est ébranlée], détermine la chute du pollen sur le dos d'un insecte au moment où il pénètre dans la fleur, paraît avoir eu pour point de départ un poil semblable à eux qui sortent des anthères dans quelques espèces de Lobelia, sinon dans toutes, comme l'a décrit M. Farrer.

178 LOBELIA RAMOSA.  CHAP. V

Les quatre plus grands plants croisés mesurèrent en moyenne 0m,555, et les quatre plus grands autofécondés 0m,459, chiffres qui sont dans la proportion de 100 à 82. Je fus surpris de trouver que les anthères d'une portion importante de ces plants autofécondés manquaient de cohérence et ne contenaient pas de pollen, et que, d'autre part, il n'y eût que fort peu de plants croisés présentant les même défectuosités [* contresens : et que même les anthères de quelques plants croisés présentaient la même condition (and the anthers even of a very few of the crossed plants were in the same condition)]. Quelques fleurs des plants croisés furent de nouveau croisées, quatre capsules en résultèrent ; quelques fleurs des plants autofécondés furent autofécondées à nouveau, et sept capsules furent ainsi obtenues. Les graines des deux lots furent pesées, et il fut calculé qu'un nombre égal de capsules aurait produit des semences dans la proportion pondérale de 100 pour les croisés et de [* à (et non "et de")] 60 pour les autofécondés. Ainsi donc les fleurs des plants croisés et de nouveau soumis à un croisement furent de beaucoup plus fécondes que celles des plants autofécondés ayant suvi une nouvelle autofécondation.

Plants de la deuxième génération. — Les deux lots de graines ci-dessus furent semés dans le sable humide et plusieurs des semences croisées germèrent, comme dans l'expérience précédente, avant les autofécondées : elles furent rejetées. Trois ou quatre paires de graines dans le même état de germination furent placées dans des points opposés de deux pots, une seule paire fut mise dans le troisième pot, enfin toutes les graines restant furent semées dru dans le quatrième. Lorsque les deux semis [* erreur : Lorsque les semis] eurent environ 0m,12 de haut, ils furent égaux des deux côtés dans les trois premiers pots, mais dans le pot IV, où ils végétèrent entassés et furent ainsi exposés à une compétition rigoureuse, les plants croisés furent d'environ un tiers plus élevés que les autofécondés. Dans ce dernier pot, lorsque les croisés eurent atteint 0m,125 de haut, les autofécondés en mesuraient environ 0m,100 : ce ne furent jamais, à beaucoup près, de belles plantes. Dans les quatre pots, les plants croisés fleurirent quelques jours avant les autofécondés : parvenus à pleine floraison, le plus grand plant de chaque côté fut mesuré ; mais, avant ce temps, le seul plant croisé dans le pot numéro III, qui était plus grand que son antagoniste, avait succombé et ne fut pas mesuré. Ainsi les plus grands plants seulement de chaque côté des trois pots furent mesurés, comme c'est indiqué dans le tableau suivant. La hauteur moyenne des trois plus grands plants croisés est ici de 0m,591 et celle des trois plants autofécondés de 0m,475, c'est-à-dire comme 100 est à 81. Outre cette différence en hauteur, les plants croisés présentèrent plus de vigueur et furent plus rameux que les autofécondés : il est regrettable qu'on n'ait pu les peser.

CHAP. V LOBELIA FULGENS.   179

TABLEAU LXIX. — Lobelia ramosa (deuxième génération).

Numéros des pots

Le plus grand plant croisé

dans chaque pot

Le plus grand plant autofécondé

dans chaque pot

I.

mètres

0,687

mètres

0,462

II.

0,525

0,487

IV.

Plantes entassées.

0,537

0,475

Total.

1,749

1,424

LOBELIA FULGENS.

Cette espèce offre un cas très-embarrassant. Dans la première génération, les plants autofécondés, quoique en petit nombre, surpassèrent de beaucoup les croisés en hauteur, tandis que dans la deuxième génération, l'expérience ayant été faite sur une plus grande échelle, les plants croisés battirent les autofécondés. Cette espèce étant généralement propagée comme plante d'ornement [* contresens : propagée par division (propagated by off-sets), et non "plante d'ornement"], quelques semis furent d'abord obtenus afin d'avoir des plants distincts. Sur l'un de ces plants, plusieurs fleurs furent fécondées avec leur propre pollen, et comme celui-ci mûrit et tombe longtemps avant que le stigmate soit prêt pour la fécondation dans la même fleur, il fut nécessaire d'étiqueter chaque fleur et de conserver le pollen sous une étiquette correspondante. De cette façon, du pollen bien mûr fut employé pour l'autofécondation. Plusieurs fleurs de la même plante furent fécondées avec le pollen d'un individu distinct ; pour obtenir ce pollen, les anthères coalescentes des jeunes fleurs furent pressées vivement, et comme dans les conditions naturelles il est expulsé lentement par l'accroissement du pistil, il est probable que le pollen dont je me servis était à peine mûr, et, en tout cas, il l'était certainement moins que celui qui fut employé pour l'autofécondation. Je ne songeai pas alors à cette source d'erreur, mais je crains maintenant que les plants croisés en aient été affecté dans leur développement. Dans tous les cas, l'expérience ne fut pas parfaitement irréprochable. Ce fait qu'un plus grand nombre proportionnel de fleurs produisent des capsules dans les plants croisés que dans les plants autofécondés, est en opposition avec l'opinion susémise que le pollen employé dans le croisement ne fût pas en si bon état que celui qui servit à l'autofécondation, mais il n'y eut pas une

180 LOBELIA FULGENS.  CHAP. V

différence marquée dans le total des semences que renfermaient les capsules des deux lots 1 .

Comme les semences obtenues par les deux méthodes ci-dessus n'auraient pas germé si elles avaient été mises dans le sable pur, elles furent semées dans des points opposés de quatre pots, mais je ne parvins qu'à obtenir une seule paire de semis du même âge dans chacun de ces vases. Les semis autofécondés, parvenus à la hauteur de quelques pouces, furent, dans la majorité des pots, plus élevés que leurs antagonistes ; ils fleurirent aussi beaucoup plus tôt dans tous les pots, si bien que les tiges florales ne pourraient être judicieusement comparées que dans les pots I et II.

TABLEAU LXX. — Lobelia fulgens (première génération).

Numéros des pots

Hauteur des tiges florales dans les plants croisés

Hauteur des tiges florales dans les plants autofécondés

I.

mètres

0,825

mètres

1,250

II.

0,912

0,962

III.

0,525

pas en pleine floraison

1,075

IV.

0,300

pas en pleine floraison

0,893

La hauteur moyenne des tiges florales dans les deux plants croisés des pots I et II est ici de 0m,868, et celle des deux autofécondés dans les mêmes pots de 1m,106, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 127. Les plants autofécondés des pots III et IV furent, à tous les points de vue, plus beaux que les plants croisés.

Je fus si surpris de cette énorme supériorité des plants autofécondés sur les croisés, que je résolus d'essayer comment ils se comporteraient dans l'un des pots pendant une seconde végétation. En conséquence, dans le pot I, les deux plants furent coupés et réempotés dans un plus grand vase sans être endommagés. L'année suivante, le plant autofécondé montra une supériorité plus grande même que par le passé, car les deux plus grandes tiges florales produites par les croisés marquèrent seu-

1 Gärtner a montré que certains plants de Lobelia fulgens sont complètement stériles avec le pollen de la même plante, quoique ce pollen soit efficace sur un autre [* sur n'importe quel autre (on any other)] individu, mais aucun des plants sur lesquels j'ai expérimenté (ils furent conservés dans la serre) ne présenta cette condition particulière.

CHAP. V LOBELIA FULGENS.   181

lement 0m,737 et 0m,753 de haut, tandis que les deux plus grandes tiges autofécondées mesurèrent 1m,237 et 1m,243, ce qui donne la proportion de 100 à 167. D'après toutes ces preuves, il n'y a pas de doute que ces plants autofécondés eurent une grande supériorité sur les croisés.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Je pris la résolution, dans cette circonstance, d'écarter l'erreur résultant de l'emploi dans le croisement et dans l'autofécondation d'un pollen d'une maturité inégale ; aussi j'obtins ce pollen pour les deux opérations par pression des anthères coalescentes, dans de jeunes fleurs. Plusieurs fleurs des plants croisés [* contresens : du plant croisé (il n'y a qu'un plant croisé dans le pot I)] dans le pot numéro I (tableau LXX) furent de nouveau croisées avec le pollen d'un plant distinct. Plusieurs autres fleurs des plants autofécondés [* contresens : du plant autofécondé (il n'y a qu'un plant autofécondé dans le pot I)] du même pot furent fécondées de nouveau avec le pollen provenant des anthères d'autres fleurs du même plant. Par conséquent, le degré de l'autofécondation ne fut pas aussi rapproché que dans la génération précédente, où le pollen de la même fleur, conservé dans du papier, avait été employé.

Les deux lots de graines furent clairsemés dans des points opposés de neuf pots, et les jeunes semis furent éclaircis de façon à laisser, autant que possible, des deux côtés, des sujets du même âge en nombre égal. Au printemps de l'année suivante (1870), lorsque les semis eurent atteint une taille considérable, ils furent mesurés jusqu'à la pointe de leurs feuilles, et les vingt-trois plants croisés eurent en moyenne 0m,351, tandis que les autofécondés n'en comptèrent que 0m,338, c'est-à-dire comme 100 est à 96.

Dans le courant de l'été de la même année, plusieurs de ces plants fleurirent, et les croisés aussi bien que les autofécondés le firent presque en même temps ; toutes les tiges florales furent mesurées. Celles des onze plants [* contresens : Celles de onze des plants] croisés eurent en moyenne 0m,766 de haut, et celles des neuf sujets [* contresens : celles de neuf des sujets] autofécondés 0m,736, ce qui donne la proportion de 100 à 96.

Après la floraison, les plants contenus dans ces neuf pots furent réempotés, sans avoir eu à en souffrir, dans des vases beaucoup plus grands, et, l'année suivante (1871), tous fleurirent facilement, mais ils vécurent [* ils grandirent] en une masse si enchevêtrée que, des deux côtés, les plants séparés n'auraient pu [* ne pouvaient] être plus longtemps distingués. En conséquence, dans chaque pot, trois des quatre plus grandes [* contresens : trois ou quatre des plus grandes (three or four of the tallest)] tiges florales de part et d'autre furent mesurées ; les mensurations indiquées dans le tableau suivant, sont, je crois, plus dignes de confiance que les précédentes, d'abord parce qu'elles sont plus nombreuses, ensuite parce que les plants furent mieux établis et d'une végétation plus vigoureuse.

182 LOBELIA FULGENS.  CHAP. V

TABLEAU LXXI. — Lobelia fulgens (seconde génération).

Numéros des pots

Plantes croisées ; hauteur des tiges florales

Plantes autofécondées ; hauteur des tiges florales

I.

mètres

0,684

0,650

0,609

0,612

mètres

0,809

0,659

0,628

0,656

II.

0,850

0,668

0,628

0,650

0,906

0,718

0,753

0,806

III.

1,012

0,490

0,803

0,762

0,706

0,575

IV.

0,703

0,675

0,637

0,678

0,737

0,709

0,650

0,631

V.

0,703

0,675

0,634

0,612

0,725

0,618

0,581

0,600

VI.

0,840

0,800

0,653

0,625

1,106

0,943

0,925

0,875

VII.

0,762

0,759

0,731

0,681

0,481

0,525

VIII.

0,984

0,931

0,900

0,900

0,578

0,587

0,637

0,628

IX.

0,834

0,625

0,637

0,546

0,487

0,409

0,475

0,462

Total.

25,35

23,04

La hauteur moyenne des trente-quatre plus grandes tiges florales dans les vingt-trois plants croisés est de 0m,745, et celle du même nombre de tiges florales dans quantité égale de plants autofécondés est de 0m,677, c'est-à-dire comme 100 est à 91.

CHAP. V NEMOPHILA INSIGNIS.  183

Ainsi donc les plants croisés montrèrent alors un avantage marqué sur leurs antagonistes autofécondés.

XXII. POLEMONIACÉES. — NEMOPHILA INSIGNIS.

Douze fleurs furent croisées avec le pollen d'un plant distinct et ne produisirent que six capsules, contenant une moyenne de 18,3 graines. Dix-huit fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et donnèrent dix capsules, renfermant en moyenne 12,7 semences ; de façon que les chiffres des semences par capsule furent comme 100 est à 69 1 . En nombre égal les semences croisées pesèrent un peu moins que les autofécondées, et cela dans la proportion de 100 à 105 ; mais ce résultat fut évidemment dû à ce que quelques-unes des capsules autofécondées contenaient très-peu de semences, et que celles-là furent beaucoup plus volumineuses que les autres, parce qu'elles avaient été mieux nourries. Une comparaison subséquente avec le nombre des graines dans quelques capsules, ne montra pas du côté des croisés une supériorité aussi grande que l'épreuve actuelle.

Les semences furent mises dans le sable et, après germination, on les plaça [* oubli : en paires] dans des points opposés de cinq pots qui furent conservés dans la serre. Lorsque les semis eurent 0m,050 à 0m,075 de haut, le plus grand nombre des croisés montra un léger avantage sur les autofécondés. Les plants furent enroulés sur des baguettes et arrivèrent aussi [* typo. : ainsi] à une hauteur considérable. Dans quatre pots sur cinq, un plant croisé fleurit avant chacun des autofécondés (tableau LXXII).

Avant floraison, lorsque les croisés eurent moins de 0m,305 de haut, les plants furent mesurés une première fois jusqu'à la pointe de leurs feuilles. Les douze plants croisés eurent en hauteur moyenne 0m,276, tandis que les douze autofécondés en mesurèrent moins de la moitié, c'est-à-dire 0m,137, ce qui donne une proportion de 100 à 49. Avant que les plants n'eussent atteint tout leur développement, deux des autofécondés succombèrent, et comme je craignais le même accident avec les autres, ils furent de nouveau mesurés jusqu'à la pointe de leurs tiges, comme c'est indiqué dans le tableau suivant.

Les douze plants croisés donnèrent alors 0m,831 de hauteur moyenne, et les dix autofécondés 0m,480, c'est-à-dire qu'ils furent dans la proportion de 100 à 60 : la différence fut donc un peu moindre qu'antérieurement.

Les plants des pots III et V furent placés sous une gaze dans

1 On a reconnu que plusieurs espèces de Polémoniacées sont protérandres, mais je ne portai pas mon attention sur ce point dans le Nemophila. Verlot dit (Des Variétés, 1865, p. 66) que les variétés de cette plante qui vivent rapprochées les unes des autres s'entre-croisent spontanément.

184 NEMOPHILA INSIGNIS. CHAP. V

TABLEAU LXXII. — Nemophila insignis ; 0 signifie que la plante succomba.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,812

mètres

0,531

II.

0,862

0,590

III.

0,828

0,556

0,725

0,475

0,181

0,437

IV.

0,887

0,837

0,262

0,675

V.

0,875

0,950

0,900

0,937

0,812

0

0,459

0,512

0,850

0

Total.

9,98

4,975

la serre, mais au préalable deux plants croisés durent être enlevés, à cause de la mort de deux autofécondés, et de cette façon, au total, six plants croisés et six autofécondés furent livrés à l'autofécondation spontanée. Les pots étaient petits, aussi [* contresens : et (au lieu de "aussi" : Darwin n'indique pas de relation de cause à effet) les plants ne produisirent-ils pas de nombreuses capsules. La taille réduite des plants autofécondés rend parfaitement compte de l'exiguïté [* du petit nombre (et non "de l'exiguïté")] des capsules qu'ils produisirent. Les six plants croisés en portèrent 105 et les six autofécondés 30 seulement ; ces chiffres sont dans la proportion de 100 à 29.

TABLEAU LXXIII. — Nemophila insignis.

Numéros des pots

Plants autofécondés provenant de plants croisés

Plants autofécondés provenant de plants aussi autofécondés

I.

mètres

0,675

0,350

mètres

0,687

0,856

II.

0,443

0,612

0,575

0,800

III.

0,400

0,175

IV.

0,134

0,128

0,181

0,400

Total.

2,753

3,675

CHAP. V BORRAGO OFFICINALIS. 185

Les semences autofécondées ainsi obtenues des plants croisés et autofécondés, après germination dans le sable, furent placées dans des points opposés de quatre petits pots et traitées comme antérieurement. Mais beaucoup d'entre les plants devinrent malades et leur hauteur fut si inégale (quelques-uns d'entre eux dépassèrent de cinq fois la taille des autres) que les moyennes déduites des mensurations indiquées dans le précédent tableau ne sont pas du tout dignes de confiance. Cependant je me suis cru obligé de les donner, parce qu'elles sont opposés à mes conclusions générales. Les sept plants autofécondés provenant des plants croisés ont ici en hauteur moyenne 0m,392, et les sept autofécondés provenant de plants aussi autofécondés 0m,525 ; chiffres qui sont comme 100 est à 133. Des expériences strictement analogues faites sur le Viola tricolor et le Lathyrus odoratus donnèrent des résultats absolument différents [* un résultat très-différent].

XXIII. BORRAGINÉES. — BORRAGO OFFICINALIS.

Cette plante est fréquentée par un plus grand nombre d'abeilles que la majorité des végétaux sur lesquels j'ai observé [* contresens : que tous les végétaux que j'ai observé (than any other one which I have observed )]. Elle est fortement protérandre (H. Müller, Befruchtung, etc., p. 267) et les fleurs ne peuvent guère manquer d'être croisées ; mais lorsque ce genre de fécondation fait défaut, elles sont capables d'autofécondation dans une certaine mesure, car le pollen [* contresens :du pollen (donc pas tout le pollen)] demeure longtemps dans les anthères et peut tomber sur le stigmate parvenu à maturité. En 1863, je recouvris un plant et j'en examinai trente-cinq fleurs parmi lesquelles douze seulement portèrent des graines, tandis que trente-cinq autres fleurs situées sur un plant découvert végétant côte à côte, grainèrent toutes, à l'exception de deux d'entre elles. Le plant recouvert produisit, cependant, en tout vingt-cinq semences spontanément autofécondées, tandis que le sujet découvert en donna cinquante-cinq qui furent, à n'en pas douter, le produit de la fécondation croisée.

En 1868 dix-huit fleurs d'une plante protégée furent croisées avec le pollen d'un plant distinct, mais sept seulement d'entre elles donnèrent des fruits ; aussi je soupçonne que je dus appliquer du pollen sur beaucoup de stigmates avant leur maturité. Ces fruits contenaient en moyenne 2 graines, avec un maximum de 3 pour l'un d'entre eux. Vingt-quatre fruits spontanément autofécondés furent produits par la même plante, et ils contenaient en moyenne 1,2 graines avec un maximum de 2 dans l'un d'entre eux. Ainsi les fruits provenant de fleurs artificiellement croisées donnèrent des semences qui, comparées à celles issues des fleurs spontanément autofécondées, furent dans la proportion de 100 à 60. Mais les semences autofécondées, comme

186 NOLANA PROSTRATA. CHAP. V

cela se présente souvent lorsqu'elles sont produites en petit nombre, furent plus lourdes que les croisées dans la proportion de 100 à 90.

Ces deux lots de graines furent semés dans des points opposés de deux grands pots, mais je ne réussis qu'à obtenir quatre paires de semis du même âge. Lorsque les plants des deux côtés eurent atteint environ 0m,200, la hauteur fut partout égale. Arrivés à pleine floraison, ils furent mesurés ainsi qu'il suit :

TABLEAU LXXIV. — Borrago officinalis.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,475

0,525

0,412

mètres

0,337

0,468

0,506

II.

0,656

0,806

Total.

2,068

2,117

La hauteur moyenne des quatre pots croisés est ici de 0m,514 et celle des quatre autofécondés de 0m,528, c'est-à-dire dans la proportion de 100 à 102. Les plants autofécondés surpassèrent ainsi légèrement les croisés en hauteur, mais ce résultat est entièrement attribuable à la petite taille d'une des plantes autofécondées. Les plants croisés des deux pots fleurirent avant les autofécondés, je crois donc que si un plus grand nombre de plants avait été obtenu, le résultat eût été différent. Je regrette de ne pas avoir constaté la fécondité des deux lots.

XXIV. NOLANACÉES. — NOLANA PROSTRATA.

Dans plusieurs fleurs les étamines sont considérablement plus courtes que le pistil, dans d'autres il y a égalité en longueur. Je supposai donc, mais à tort comme j'en eus plus tard la preuve, cette plante dimorphe à l'égal des Primula, Linum, etc., et dans l'année 1862, douze plants recouverts d'un tissu furent soumis, dans ma serre, à l'expérimentation ordinaire. Les fleurs spontanément autofécondées donnèrent soixante-quatre grains (4gr,160) de semences, mais le produit de quatorze fleurs croisées artificiellement est contenu dans ce chiffre, ce qui augmente à tort le poids des semences autofécondées. Neuf plantes découvertes, dont les fleurs avidement visitées par les abeilles occupées à la recherche de leur pollen [* visitées par les abeilles pour leur pollen] furent forcé-

CHAP. V NOLANA PROSTRATA. 187

ment [* sans doute possible – mais non "forcément"] entre-croisées par ces insectes, produisirent soixante-dix-neuf grains (5gr,135) de semences : douze plantes ainsi traitées auraient donc produit cent-cinq grains (6gr,925) de semences. Ainsi, les graines produites par les fleurs d'un égal nombre de plants, après un croisement par les abeilles, et après autofécondation spontanée (le produit de quatorze fleurs artificiellement croisées étant du reste [* contresens : toutefois] compris parmi les dernières), furent en poids dans la proportion de 100 à 61.

Dans l'été de 1867 l'expérience fut reprise : trente fleurs furent croisées avec le pollen d'un plant distinct et produisirent vingt-sept capsules, dont chacune renfermait 5 semences. Trente-deux fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et il n'en résulta que six capsules, dont chacune renfermait 5 graines. Ainsi, les capsules croisées et les autofécondées contenaient le même nombre de graines, tandis que [* contresens : malgré que] les fleurs croisées produisirent beaucoup plus de capsules que les autofécondées, et cela dans la proportion de 100 à 21.

Un égal nombre de graines des deux lots fut pesé, et les croisées furent en poids aux autofécondées comme 100 est à 82. Donc, un croisement augmente à la fois le nombre des capsules produites et le poids des graines, mais il reste sans effet sur la quantité de graines enfermée dans chaque capsule.

Ces deux lots de semences après germination dans le sable, furent placés dans des points opposés de trois pots. Les semis arrivés à la hauteur de 0m,150 à 0m,175 furent tous égaux. Parvenus à complet développement, on les mesura, mais leur hauteur fut si inégale dans plusieurs pots, que le résultat ne peut inspirer une confiance absolue.

TABLEAU LXXV. — Nolana prostrata.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,212

0,162

mètres

0,106

0,187

II.

0,262

0,450

0,362

0,450

III.

0,506

0,568

Total.

1,592

1,673

Les cinq plants croisés atteignent ici en moyenne 0m,318 de haut et les cinq autofécondés 0m,334, chiffres qui sont comme 100 est à 65 [* erreur : comme 100 à 105].

____________________

[page break]

CHAPITRE VI.

Solanées, Primulacées, Polygonées, etc.

Petunia violacea, plants croisés et autofécondés comparés pendant quatre générations. Effets d'un croisement avec un rameau nouveau. Couleur uniforme des fleurs dans les plants croisés de la quatrième génération. — Nicotiana tabacum, plants croisés et autofécondés de même taille. Un croisement avec une sous-variété distincte a des effets considérables sur la hauteur mais non pas sur la fécondité de la descendance. — Cyclamen persicum, semis croisés très-supérieurs aux autofécondés. — Anagallis collina. — Primula veris. — Variété isostylée du Primula veris, sa fécondité est fortement augmentée par un croisement avec une souche nouvelle. — Fagopyrum esculentum. — Beta vulgaris. — Canna warscewiczi, plants croisés et autofécondés de hauteur égale. — Zea mais. — Phalaris canariensis.

XXV. SOLANÉES. — PETUNIA VIOLACEA.

Variété pourpre foncée.

En Angleterre, les fleurs de cette plante sont pendant le jour si rarement visitées par les insectes, que je n'ai jamais constaté le fait ; mais mon jardinier, en qui j'ai toute confiance, surprit une fois quelques bourdons à l'œuvre. L. Meehan dit 1 qu'aux États-Unis les abeilles perforent la corolle pour atteindre le nectar, et il ajoute que la fécondation de cette plante est assurée par les papillons nocturnes.

En France, M. Naudin, après avoir châtré un grand nombre de fleurs en boutons, les abandonna à la visite des insectes, et un quart d'entre elles environ donna des capsules 2 ; mais je suis convaincu que, dans mon jardin, une plus grande proportion de Petunia est croisée par les insectes, car des fleurs protégées et ayant leur stigmate pourvu de leur propre pollen ne donnèrent jamais une grande abondance de graines, tandis que

1 Proced. [* Proceed.] Acad. Nat. Sc. of Philadelphia (Comptes-rendus de l'Acad. nat. des sciences [* contresens : c'est l'Académie des sciences naturelles,et non l'"Académie nationale des sciences"] de Philadelphie), 2 août 1870, p. 90.

2 Annales des Sciences Naturelles, 4e série, Bot., t. IX, cah. V.

CHAP. VI   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 189

celles qui restèrent découvertes produisirent de belles capsules, ce qui prouve que le pollen d'autres plantes dut probablement intervenir sous l'influence de l'action des papillons [* contresens : le pollen d'autres plantes doit leur avoir été apporté, probablement par des papillons de nuit (must have been brought to them, probably by moths)]. Des plants d'une végétation vigoureuse et fleurissant en pots dans la serre, ne donnèrent jamais de capsules, et ceci doit être attribué, au moins en grande partie, à l'exclusion de ces Lépidoptères [* à l'exclusion des papillons de nuit (to the exclusion of moths)].

Six fleurs d'une plante recouverte d'une gaze furent croisées avec le pollen d'une plante distincte et donnèrent six capsules contenant en poids 4,44 grains (0gr,29) de semences. Six autres fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et produisirent seulement trois capsules ne contenant que 1.49 grains (0gr,096) de semences. Il suit de ces expériences qu'un égal nombre de capsules croisées et autofécondées aurait contenu des semences dont le poids serait comme 100 est à 67. Je n'aurais pas considéré le pois relatif du contenu d'un si petit nombre de capsules digne d'être relaté, si le même résultat n'avait été confirmé par plusieurs expériences subséquentes.

Les semences des deux lots furent placées dans le sable, et plusieurs des [* contresens : beaucoup des] graines autofécondées germèrent avant les croisées ; elles furent rejetées. Plusieurs paires, dans un même état de germination, furent placées dans des points opposés des pots I et II, mais on ne mesura que les plus grands plants de chaque côté. Des graines furent également semées dru des deux côtés d'un grand pot (n° III) ; les semis qui en provirent furent plus tard éclaircis de façon à en laisser un nombre égal de chaque côté, et de part et d'autre les trois plus grands furent mesurés. Les pots furent laissés dans la serre et les plants enroulés sur des supports. Pendant quelque temps, les jeunes plants croisés n'eurent aucun avantage en hauteur sur les autofécondés, leurs feuilles seulement [* mais leurs feuilles] furent plus grandes. Après complet développeent et floraison, les plants mesurés donnèrent les résultats suivants :

TABLEAU LXXVI. — Petunia violacea (première génération).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,750

mètres

0,512

II.

0,862

0,687

III.

[semées dru]

0,850

0,762

0,625

0,712

0,687

0,650

Total.

3,849

3,248

190 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

Les cinq plus grands plants croisés mesurent ici en hauteur 0m,769, et les cinq plus grands autofécondés 0m,650, chiffres qui sont comme 100 est à 84.

Trois capsules furent obtenues en croisant les fleurs des plantes croisées ci-dessus, et trois autres capsules, en autofécondant de nouveau les [* contresens : des] fleurs des plantes autofécondées. Une des [* contresens : de ces] dernières capsules me parut être aussi belle que chacune des capsules croisées, mais les deux autres contenaient beaucoup de semences imparfaites. Les plants de la génération suivante furent obtenus de ces deux lots de semences.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Comme dans la dernière génération, plusieurs de ces semences autofécondées germèrent avant les croisées.

Des semences, dans un état égal de germination, furent placées dans des points opposés de trois pots. Les semis croisés surpassèrent immédiatement de beaucoup en hauteur les autofécondés. Dans le pot numéro I, lorsque le plus grand plant croisé eut atteint 0m,262, le plus grand autofécondé mesurait 0m,82 ; dans le pot numéro II, la supériorité en hauteur des plants croisés ne fut pas aussi considérable. Les plants furent traités comme dans la dernière génération et mesurés aussi comme antérieurement, après complet développement. Dans le pot numéro III, les deux plants croisés succombèrent de bonne heure sous les coups de quelque animal, de sorte que les plants autofécondés restèrent sans compétiteurs. Néanmoins, les deux plants autofécondés furent mesurés et sont inclus dans le tableau suivant. Les plants croisés fleurirent à la fois longtemps avant leurs antagonistes autofécondés dans les pots I et II, et avant ceux végétant séparément dans le pot numéro III.

TABLEAU LXXVII. — Petunia violacea (deuxième génération).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,431

0,906

mètres

0,337

0,200

II.

1,112

0,600

0,837

0,700

III.

0

0

1,156

0,712

Total.

4,049

3,942

Les quatre plants croisés mesurent en moyenne 1m,012, et les six autofécondés 0m,657, chiffres qui sont dans la proportion de

CHAP. VI   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 191

100 à 65. Mais cette grande inégalité est en partie accidentelle, puisqu'elle résulte de ce que quelques plants autofécondés furent très-petits et quelques croisés très-grands.

Douze fleurs de ces plants croisés furent de nouveau fécondées par croisement et onze capsules en provinrent, dont cinq furent pauvres et six bonnes ; ces dernières renfermaient un poids de 3,75 grains (0gr,24) de semences. Douze fleurs des plants autofécondés furent de nouveau fécondées directement avec leur propre pollen, et ne produisirent pas moins de douze capsules, dont les six plus belles contenaient un poids de 2,27 [* oubli : grains] (0gr,167) de semences. Il faut cependant tenir compte de ce que ces dernières capsules furent produites par les plants du pot III, qui ne subirent aucune compétition. Les semences des six plus belles capsules croisées furent donc en poids à celles des six plus belles autofécondées comme 100 est à 68. De ces semences furent obtenues les plants de la génération suivante.

Plants croisés et autofécondés de la troisième génération. — Les semences ci-dessus ayant été placées dans le sable furent, après germination, mises par paires dans des points opposés

TABLEAU LXXVIII.

Petunia violacea (troisième génération : plants très-jeunes).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,037

0,025

mètres

0,143

0,112

II.

0,146

0,143

0,209

0,171

III.

0,100

0,140

IV.

[semées dru]

0,037

0,134

Total.

0,488

0,909

de quatre pots, et on sema dru toutes les graines non germées des deux côtés d'un quatrième grand pot. Le résultat obtenu fut surprenant, car les semis autofécondés n'eurent pas plus tôt levé, qu'ils battirent les croisés et mesurèrent même à un moment donné deux fois leur hauteur. Le cas parut d'abord semblable à celui du Mimulus, dans lequel, à la troisième génération, il survint une grande variété douée d'une autofécondité très-accentuée. Mais comme dans ces deux générations successives les plants croisés reprirent leur première supériorité sur les autofécondés, le fait que nous venons de signaler doit être considéré comme anormal.

192 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

La seule conjecture que je puisse former est que les semences croisées n'étaient pas parvenues à une suffisante maturité, et que, dans cet état, elles donnèrent des plantes faibles, qui s'accrurent d'abord d'une manière tout à fait anormale, comme cela se présenta avec les Ibéris. Quand les plants croisés eurent atteint entre 0m,07 et 0m,10 de haut, les six plus beaux des quatre pots furent mesurés jusqu'à l'extrémité de leurs tiges, et la même opération fut faite sur les six plus beaux autofécondés. Les mesures sont données dans le tableau LXXVIII.

Il faut remarquer qu'ici tous les plants autofécondés surpassèrent leurs antagonistes, tandis qu'à une seconde mensuration la supériorité des autofécondés dépendit surtout de la petitesse inaccoutumée de deux plants du pot numéro II. Les plants croisés mesurent ici en moyenne 0m,077 et les autofécondés 0m,152, chiffres qui sont dans la proportion de 100 à 186.

Après complet développement, les plants furent de nouveau mesurés, comme il suit :

TABLEAU LXXIX. — Petunia violacea

(troisième génération : plantes complètement développées).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,037

1,200

0,900

mètres

1,018

0,975

1,200

II.

0,900

0,525

0,906

1,175

2,006

2,156

III.

1,300

1,150

IV.

[* oubli : semées dru]

1,425

1,093

Total.

8,194

10,773

Les huit plants croisés eurent alors une moyenne en hauteur de 1m,023 et les huit autofécondés de 1m,345, c'est-à-dire comme 100 est à 131. Cette différence dépend surtout, comme je l'ai établi déjà, de la taille inaccoutumée des deux plus grands plants du pot numéro II. Les plants autofécondés avaient donc perdu une partie de leur remarquable supériorité initiale sur les croisés. Dans trois des pots, les plants autofécondés fleurirent les premiers ; mais dans le pot numéro III, la floraison fut simultanée avec les croisés.

Le cas est rendu plus étrange encore par ce fait que les plants croisés appartenant au cinquième pot (il n'est pas indiqué dans

CHAP. VI   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 193

les deux derniers tableaux) dans lequel toutes les graines en excès avaient été semées dru, furent tout d'abord plus beaux que les autofécondés et eurent de plus larges feuilles. Dans ce pot, au moment où les deux plus grands plants croisés eurent 0m,162 et 0m,115 de haut, les deux plus grands autofécondés avaient seulement 0m,100. Quand les deux plants croisés avaient en hauteur 0m,30 et 0m,25, les deux autofécondés ne marquaient que 0m,20. Ces derniers plants, comme beaucoup d'autres venus du même côté de ce pot, n'atteignirent jamais plus haut, tandis que les [* contresens : tandis que plusieurs des] plants croisés arrivèrent jusqu'à la hauteur de 0m,61. En raison de la grande supériorité des plants croisés, les plants contenus dans ce pot, de l'un comme de l'autre côté, furent exclus des deux précédentes tables.

Trente fleurs des plants croisés contenus dans les pots I et IV (tableau LXXIX) furent croisées de nouveau et donnèrent seize [* erreur : dix-sept] capsules. Trente fleurs des plants autofécondés des deux mêmes pots furent de nouveau fécondées directement et ne produisirent que sept capsules. Le contenu de chaque capsule, dans les deux lots, fut placé séparément dans des verres de montre, et les semences des fleurs croisées semblèrent, d'après l'aspect général, être au moins en nombre double de celles des capsules autofécondées.

Afin de connaître si la fécondité des plants autofécondés avait été diminuée par leur autofécondation successive durant les trois générations précédentes, trente fleurs des plants croisés furent fécondées avec leur propre pollen. Elles donnèrent seulement cinq capsules, et leurs semences étant placées séparément dans des verres de montre, ne parurent pas plus nombreuses que celles des capsules des plants autofécondés directement fécondés pour la quatrième fois. Donc, autant qu'on puisse en juger par un si petit nombre de capsules, l'autofécondité des plants autofécondés n'avait pas diminué si on la compare à celle des plants qui avaient été entre-croisés durant les trois générations antérieures. On se rappellera, du reste, que les deux lots de plants avaient été soumis, dans chaque génération, à des conditions presque exactement semblables.

Les semences des plants croisés de nouveau fécondés par croisement, et celles des plants autofécondés de nouveau fécondés directement, produites dans le pot numéro I (tableau LXXIX), où les trois plants autofécondés eurent une taille moyenne un peu plus réduite [* contresens : un peu plus grande] seulement que celle des croisés, furent employées dans l'expérience suivante. On les conserva séparées des deux lots similaires de graines produites par les deux plants du pot IV (même tableau), dans lequel le plant croisé fut [* oubli : beaucoup] plus grand que son antagoniste autofécondé.

Plants croisés et autofécondés de la quatrième génération

194 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

(obtenus des plants du pot I, tableau LXXIX). — Des graines croisées et autofécondées provenant des plants de la dernière génération contenus dans le pot I (tableau LXXIX) ayant été semées dans le sable, furent après germination placées dans des points opposés de quatre pots. Parvenus à floraison, les semis furent mesurés jusqu'à la base des calices. Les semences qui restèrent furent [* oubli : semées] entassées des deux côtés du pot V, et de part et d'autre de ce pot on mesura les quatre plus grands plants de la même manière.

TABLEAU LXXX.

Petunia violacea (quatrième génération, obtenue des plants de la

troisième génération dans le pot I, tableau LXXIX).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,731

0,906

1,225

mètres

0,756

0,868

0,784

II.

0,834

0,934

1,412

0,790

0,956

0,962

III.

1,150

1,681

1,359

1,128

1,125

0,581

IV.

1,293

1,296

0,850

0

V.

Plants entassés

1,237

1,159

1,000

1,325

0,559

0,606

0,618

0,750

Total.

17,547

11,337

Les quinze plants croisés eurent en moyenne 1m,169 de hauteur, et les quatorze autofécondés (un d'entre eux avait succombé) de 0m,809 : ils furent donc dans la proportion de 100 à 69. Les plants croisés avaient ainsi reconquis, dans cette génération, leur supériorité habituelle sur les autofécondés, quoique les parents des derniers sujets [* contresens : de ces derniers (les autofécondés)] du pot I (tableau LXXIX) fussent un peu plus grands que leurs antagonistes croisés.

Plants croisés et autofécondés de la quatrième génération (obtenus des plants contenus dans le pot I [* erreur : pot IV], tableau LXXIX). — Deux lots semblables de graines, obtenues des plants du pot numéro IV (tableau LXXIX), dans lequel un seul [* contresens : le seul] plant croisé fut d'abord plus petit, mais finalement [* oubli : beaucoup] plus

CHAP. VI   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 195

grand que son adversaire autofécondé, furent traités absolument comme l'avaient été leurs frères de la même génération dans la dernière expérience. Nous avons, dans le tableau suivant (LXXIX [* erreur : tableau LXXXI ]), les mesures des plantes qui en proviennent. Quoique ici les plants croisés aient [* oubli : grandement] surpassé en hauteur les autofécondés, cependant, dans trois des cinq pots, chaque [* contresens : un (et non "chaque")] plant autofécondé fleurit avant son [* contresens : tout (et non "son")] opposant croisé ; dans un quatrième pot, la floraison fut simultanée ; enfin, dans une cinquième pot (pot n° II), les croisés eurent [* contresens : une seule croisée du pot n° II fleurit avant l'autofécondée] à cet égard la priorité.

TABLEAU LXXXI.

Petunia violacea (quatrième génération, obtenue des plants de la

troisième génération dans le pot IV, tableau LXXIX).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,150

1,150

mètres

0,756

0,700

II.

1,268

1,006

0,934

0,625

0,784

0,562

III.

1,356

1,528

1,125

0,565

0,668

0,800

IV.

0,750

0,728

0,712

0,650

V.

Plants entassés

0,937

1,575

1,031

1,006

0,465

0,437

Total.

14,540

8,734

Les treize plants croisés mesurent ici en moyenne 1m,118 et les treize autofécondés 0m,672, chiffres qui sont comme 100 est à 60. Les parents croisés de ces plantes furent plus grands, comparés aux parents des autofécondés, que dans le dernier cas, et ils transmirent apparemment cette supériorité à leur descendance croisée. Il est regrettable que je n'aie pas placé ces plants en pleine terre, en vue d'observer leur fécondité relative, car ayant comparé le pollen de quelques-uns des plants croisés et autofécondés du pot numéro I dans le tableau LXXXI, je constatai entre leurs deux manières d'être une différence marquée en ce que les plants croisés contenaient à peine quelques grains mauvais et vides [* contresens : le pollen des plants croisés contenait fort peu de grains mauvais et vides], tandis que cet état défectueux était fréquent dans le pollen des plants autofécondés.

196 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

Les effets d'un croisement avec une souche nouvelle. — Je me procurai d'un jardin de Westerham, d'où mes premiers sujets étaient venus, un plant nouveau ne différant à aucun point de vue des miens ; si ce n'est par la couleur des fleurs, qui était d'un beau pourpre. Mais ces plants durent être exposés [* erreur : cette plante avait dû être exposée] pendant au moins quatre générations à des conditions très-différentes de celles que subirent mes plants, qui avaient végété en pots dans ma serre. Huit fleurs des plants autofécondés du tableau LXXXI, appartenant à la dernière (quatrième) génération [* oubli : d'autofécondés], furent fécondées avec le pollen de cette plante nouvelle ; elles donnèrent toutes des capsules, contenant ensemble un poids de 5,01 grains (0gr,325) de semences. Les plants qui en provinrent seront appelés Westerham-croisés.

Huit fleurs portées par des plants croisés de la dernière (quatrième) génération du tableau LXXXI, furent de nouveau croisées avec le pollen d'un des [* oubli : autres] plants croisés et donnèrent cinq capsules contenant 2,07 grains (0gr,134) de semences. Les plants croisés provenant de ces semences seront appelés entre-croisés, et ils formèrent [* forment] la cinquième génération entre-croisée.

Huit fleurs, portées par des plants [* oubli : autofécondés] de la même génération dans le tableau LXXXI, furent de nouveau autofécondées et donnèrent sept capsules contenant en poids 2,1 grains (0gr,136) de semences. Les plants autofécondés obtenus de ces graines forment la cinquième génération autofécondée. Ces derniers plants et les entre-croisés sont comparables à tous les points de vue, aux croisés et aux autofécondés des quatre générations antérieures.

D'après les données précédentes, il est facile de calculer que :

Poids des graines

Dix capsules Westerham-croisées auraient contenu.................6,26 grains (0gr,406)

Dix capsules entre-croisées auraient contenu...........................4,14 — (0gr,27)

Dix capsules autofécondées auraient contenu..........................3,00 — (0gr,195)

Ce qui nous donne les proportions suivantes :

Les semences des capsules Westerham-croisées sont en poids

à celles des capsules de la cinquième génération autofécondée...comme 100 est à 48

Les semences des capsules Westerham-croisées sont

à celles des capsules de la cinquième génération entre-croisée....comme 100 est à 66

Les semences des capsules entre-croisées sont

à celles des autofécondées.............................................................comme 100 est à 72

CHAP. VI   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 197

Ainsi, un croisement avec le pollen d'un rameau nouveau augmenta de beaucoup la productivité des fleurs dans les plants qui avaient été fécondés directement [* autofécondés] pendant les quatre premières [* erreur : les quatre dernières] générations, fait qui ressort non-seulement de la comparaison avec les fleurs des mêmes plants autofécondées pour la quatrième fois, mais encore avec les fleurs des plants croisés pour la cinquième fois [* contresens : lors de la cinquième fois] par le pollen d'un autre plant de la même vieille souche.

Ces trois lots de graines furent mis dans le sable et placés en même état de germination dans sept pots, dont chacun reçut une division superficielle en trois parties. Quelques-unes des graines en excès, en état de germination ou non, furent semées dru dans un huitième pot. Tous les pots furent placés dans la serre et les plantes pourvues de baguettes pour s'y enrouler. Ces semis furent mesurés d'abord jusqu'à la pointe de leurs tiges quand ils entrèrent en fleur. Les vingt-deux Westerham-croisés avaient alors en moyenne 0m,638 de haut ; les vingt-trois entre-croisés 0m,766, et enfin les vingt-trois autofécondés 0m,583. Nous avons ainsi les proportions suivantes :

Les Westerham-croisés sont en hauteur aux autofécondés................. comme 100 est à 91

Les Westerham-croisés sont en hauteur aux entre-croisés.................. comme 100 est à 119

Les entre-croisés sont en hauteur aux autofécondés........................... comme 100 est à 77

Ces plants furent à nouveau mesurés quand leur accroissement parut, d'après une inspection superficielle, être complète [* erreur : être complet]. Mais en cela je m'étais mépris, car après les avoir arrachés [* coupés (et non "arrachés")], je constatai que les pieds de Westerham-croisés étaient encore en état de vigoureux accroissement, tandis que les entre-croisés [* oubli : avaient presque achevé leur croissance] et les autofécondés avaient tout à fait achevé leur croissance. Je fus donc conduit à ne pas douter que si les trois lots s'étaient accrus [* contresens : avaient été laissés intacts] pendant un mois encore, les proportions eussent été quelque peu différentes de celles qui sont déduites des mesures indiquées dans le tableau LXXXII.

Les vingt et un plants Westerham-croisés mesuraient alors en moyenne 1m,251 ; les vingt-deux entre-croisés 1m,355, et les vingt et un autofécondés 0m,830. Nous avons ainsi les proportions suivantes :

Les plants Westerham-croisés sont en hauteur aux autofécondés....... comme 100 est à 66

Les plants Westerham-croisés sont en hauteur aux entre-croisés........ comme 100 est à 108

Les plants entre-croisés sont en hauteur aux autofécondés................. comme 100 est à 61

198 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

TABLEAU LXXXII. — Petunia violacea.

Numéros des pots

Plants Westerham-croisés (obtenus de plants autofécondés de la 5egénération croisés avec une souche nouvelle)

Plants entre-croisés (appartenant à la même souche et entre-croisés pendant 5 générations)

Plants autofécondés (fécondés directement pendant 5 générations)

I.

mètres

1,615

0,600

1,287

mètres

1,431

1,600

1,468

mètres

1,093

1,409

0,799

II.

1,221

1,362

1,453

1,496

1,456

1,325

1,040

1,031

0,456

III.

1,550

1,331

1,571

1,306

1,368

1,541

1,168

1,125

1,487

IV.

1,112

1,231

1,471

1,631

1,493

0,940

0,831

0,806

V.

1,078

1,346

1,331

0,893

0,868

1,368

1,043

0,662

0

VI

0,937

1,525

0

1,400

1,590

1,446

1,162

0,743

0,362

VII.

1,498

1,087

1,265

1,275

1,243

0

1,075

0,306

0

VIII.

Plantes entassées

0,946

0,931

0,965

1,115

0,543

0,365

Total.

26,281

29,762

17,447

Nous voyons ici que les Westerham-croisés (descendance des plants autofécondés pendant quatre générations et ensuite croisés avec une souche nouvelle) ont gagné considérablement en hauteur, depuis leur première mensuration, si on les compare aux plants autofécondés pendant cinq générations. Ils étaient alors en hauteur comme 100 est à 91, et maintenant comme 100 est à 66. Les plants entre-croisés (c'est-à-dire ceux qui avaient été entre-croisés pendant les cinq dernières générations) surpassèrent aussi en hauteur les autofécondés, comme cela se présenta dans toutes les générations antérieures, les plants anormaux de la troisième génération exceptés. D'un autre côté,

CHAP. VI   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 199

les plants Westerham-croisés sont surpassés en hauteur par les entre-croisés, et c'est là un fait surprenant, si l'on en juge par tous les autres cas exactement analogues. Mais, comme les Westerham-croisés étaient encore en état de végétation vigoureuse, tandis que les entre-croisés avaient presque cessé de s'accroître, il est à peine permis de douter que si on les avait laissés croître encore pendant un mois, ils eussent battu en hauteur les entre-croisés. Qu'ils eussent gagné [* contresens : été en train de gagner (were gaining)] sur eux, c'est indiscutable, car à la première mensuration, ils étaient comme 100 à 19n et à la ddeuxième, cette proportion en hauteur était evenue comme 100 est à 108. Les Westerham-croisés eurent aussi leurs feuilles d'un vert plus foncé et parurent également plus vigoureux que les entre-croisés ; enfin, et ceci est [* oubli : beaucoup plus] important, ils produisirent, comme nous allons le voir, des capsules séminifères [* oubli : beaucoup] plus pesantes. Ainsi donc, en fait, la descendance des plants autofécondés de la quatrième génération croisés avec une souche nouvelle, fut supérieure à la fois aux plants entre-croisés et aux autofécondés de la cinquième génération, et ce dernier fait ne saurait inspirer le moindre doute.

Ces trois lots de plantes furent coupés à ras de terre et pesés. Les vingt et un Westerham-croisés pesèrent 992 grammes ; les vingt-deux entre-croisés 1k,054, et les vingt et un autofécondés 135 grammes. Les proportions suivantes sont calculées sur un égal nombre de plants de chaque espèce [* contresens : de chaque sorte] ; mais comme les plants autoféconddés commençaient à se faner, leur poids relatif est un peu trop petit, et, d'autre part, comme les Westerham-croisés étaient encore en pleine vigueur d'accroissement leur poids relatif, s'il eût été pris en temps opportun [* contresens : avec plus de temps], serait sans doute de beaucoup plus élevé.

Les Westerham-croisés sont en poids aux autofécondés...... comme 100 est à 22

Les Westerham-croisés sonnt en poids aux entre-croisés....... comme 100 est à 101

Les entre-croisés sont en poids aux autofécondés.................. comme 100 est à 22.3

Si nous en jugeons d'après le poids, comme nous l'avons fait d'après la hauteur [* contresens : au lieu de juger par la hauteur comme précéemment], nous voyons ici que les Westerham-croisés et les entre-croisés ont un avantage immense sur les autofécondés. Les Westerham-croisés sont, à la vérité, à peine inférieurs aux entrecroisés, mais il est presque certain que s'ils avaient été laissés dans des conditions telles qu'ils pussent continuer à s'accroître pendant un mois encore, les premiers auraient complètement battu les seconds.

Comme je posséddais en abondance des graines de ces trois lots, qui avaient donné naissance aux plantes précéentes, j'en semai

200 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

trois longues rangées parallèles et contiguës en pleine terre, afin de m'assurer si dans ces conditions les résultats seraient à peu près les mêmes qu'antérieurement. A la fin de l'automne (13 novembre), les dix plus grands plants furent choisis avec soin dans chaque rangée et mesurés ainsi qu'il suit :

TABLEAU LXXXIII.

Petunia violacea (plants végétant en pleine terre).

Plants Westerham-croisés (provenant de plants autofécondés de la 4egénération croisés avec une souche nouvelle)

Plants entre-croisés (provenant d'une ou de plusieurs souches [* contresens : d'une même souche] entre-croisées pendant cinq générations)

Plants autofécondés (autofécondés pendant cinq générations)

mètres

0,856

0,906

0,881

0,812

0,925

0,912

1,021

0,931

0,956

0,965

mètres

0,950

0,906

0,990

0,925

0,900

1,034

0,931

1,000

1,031

0,900

mètres

0,684

0,575

0,625

0,603

0,562

0,584

0,540

0,587

0,534

0,531

9,169

9,569

5,822

Les dix Westerham-croisés eurent alors en hauteur moyenne 0m,816 ; les dix entre-croisés 0m,956, et les dix autofécondés 0m,582. Les trois lots de plantes furent aussi pesés : les Westerham-croisés donnèrent un poids de 868 grammes ; les entre-croisés de 1k,271, et les autofécondés de 457gr,25. Nous avons alors les proportions suivantes :

Les Westerham-croisés sont en hauteur aux autofécondés...... comme 100 est à 63

Les Westerham-croisés sont en poids aux autofécondés......... comme 100 est à 53

Les Westerham-croisés sont en hauteur aux entre-croisés....... comme 100 est à 104

Les Westerham-croisés ont en poids aux entre-croisés............ comme 100 est à 146

Les entre-croisés sont en hauteur aux autofécondés................ comme 100 est à 61

Les entre-croisés ont en poids aux autofécondés..................... comme 100 est à 36

CHAP. VI   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 201

Ici les hauteurs relatives des trois lots sont à peu près les mêmes (dans les limites de 2 ou 3 pour 100) que dans les plants [* contresens : sont à peu près les mêmes (dans les limites de 2 ou 3 pour 100), comme c'était le cas pour les plants] cultivés en pots. Pour le poids, la différence est plus grande de beaucoup : les Westerham-croisés dépassent les autofécondés de beaucoup moins qu'antérieurement, mais les autofécondés cultivés en pots s'étaient légèrement flétris, comme je l'ai établi antérieurement, et furent en conséquence uniformément [* contresens : injustement] légers. Les Westerham-croisés sont ici inférieurs en poids aux entre-croisés à un plus haut degré qu'ils ne le furent étant en pots, et cela dut résulter de ce que, ayant germé en grand nombre et conséquemment ayant vécu entassés, ils furent moins rameux. Leurs feuilles furent d'un vert plus clair [* contresens : plus brillant] que celles des plants entre-croisés et autofécondés.

Fécondité relative des trois lots de plants. — Aucun des plants cultivés en pots dans la serre ne forma de capsules, résultat qui doit être surtout attribué à l'exclusion des papillons. Aussi la fécondité des trois lots doit-elle être jugée uniquement d'après ce qu'elle fut dans les plants végétant en plein air, lesquels, ayant été laissés à découvert, furent probablement fécondés par croisement. Les plants dans les trois séries furent exactement du même âge, et avaient été soumis à des conditions étroitement semblables ; aussi toute différence dans leur fécondité doit-elle être attribuée à leur diversité d'origine, c'est-à-dire à ce qu'un lot était dérivé de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés avec une souche nouvelle ; à ce qu'un second lot était venu des plants de la même vieille souche entre-croisés pendant cinq générations ; enfin, à ce qu'un troisième lot était issu de plants autofécondés pendant cinq générations successives. Toutes les capsules, les unes presque mûres et les autres seulement à moitié développées, furent cueillies, comptées et pesées ; elles provenaient des dix plus belles plantes de chacune des trois séries [* de chacun des trois rangs] dont les mesures ont déjà été données. Les plants entre-croisés, comme nous l'avons vu déjà, furent plus grands et considérablement plus lourds que ceux des deux deux autres lots ; ils produisirent un plus grand nombre de capsules que les Westerham-croisés, ce qui doit être attribué à ce qu'ils [* à ce que ces derniers] vécurent entassés et furent en conséquence moins rameux. D'après cela [* Donc], le poids moyen d'un égal nombre de capsules dans chaque lot de plantes paraît être le meilleur [* contresens : le plus juste] moyen de comparaison, par ce fait que la valeur pondérale [* le poids] de ces capsules est déterminée surtout par le nombre de semences incluses. Comme les plants entre-croisés furent plus grands et plus lourds que les plants des deux autres lots, on aurait pu s'attendre à leur voir donner les capsules les plus belles et [* contresens : ou, pas 'et'] les plus lourdes, ce qui fut bien loin d'être le cas.

Les dix plus grands Westerham-croisés produisirent cent

202 PETUNIA VIOLACEA. CHAP. VI

onze capsules mûres et non mûres du poids de 121,2 grains (7gr,88). Un cent de pareilles capsules aurait donc pesé 109,18 grains (7gr,09).

Les dix [* oubli : plus] grands plants entre-croisés produisirent cent vingt-neuf capsules du poids total de 76,45 grains (4gr,97). Cent de ces capsules auraient donc pesé 59,26 grains (3gr,85).

Les dix plus grands plants autofécondés donnèrent seulement quarante-quatre capsules du poids de 22,35 grains (1gr,45). Cent capsules auraient donc pesé 50,79 grains (3gr,30).

D'après ces données, nous avons donc, pour la fécondité de ces trois lots, les proportions suivantes déduites du poids relatif d'un égal nombre de capsules prises sur les plus beaux sujets dans chaque lot :

Les plants Westerham-croisés sont aux autofécondés....... comme 100 est à 46

Les plants Westerham-croisés sont aux entre-croisés........ comme 100 est à 54

Les plants entre-croisés sont aux autofécondés................. comme 100 est à 86

Nous voyons par là combien est puissante l'influence d'un croisement avec le pollen d'une souche nouvelle sur la fécondité des plants entre-croisés pendant quatre générations, quand on compare cette fécondité à celle des plants d'une vieille souche, soit entre-croisés, soit autofécondés pendant cinq générations, les fleurs de tous ces plants ayant été, du reste, abandonnées ou à l'autofécondation ou au libre croisement par les insectes. Les Westerham-croisés furent aussi plus grands et plus lourds que les autofécondés, les uns et les autres étant cultivés en pot ou en pleine terre ; mais ils furent moins grands et moins lourds que les entre-croisés. Ce résultat eût été, du reste [* contresens : cependant], certainement inverse si les plants avaient pu s'accroître pendant un mois de plus, car les Westerham-croisés étaient encore en période d'accroissement vigoureux, tandis que les entre-croisés avaient presque cessé de croître. Ce cas présente quelque analogie avec celui de l'Eschscholtzia, dans lequel des plants obtenus d'un croisement avec une souche nouvelle n'atteignirent pas [* contresens : ne dépassèrent pas] la taille des autofécondés et des entre-croisés, mais donnèrent un plus grand nombre de capsules séminifères contenant une plus large moyenne de semences.

Couleur des fleurs dans les trois lots de plantes ci-dessus. — La plante mère primitive qui donna naissance aux cinq générations successives autofécondées portait des fleurs d'un pourpre sombre [* contresens : terne (dingy)]. En aucun temps il ne fut pratiqué aucune sélection, et les plants furent assujettis dans chaque génération à

CHAP. VI COULEUR DES FLEURS. 203

des conditions extrêmement uniformes. Il en résulta que, comme dans les [* contresens : des] cas antérieurs, les fleurs, dans tous les pieds autofécondés, élevés soit en pot, soit en pleine terre, furent d'une teinte absolument uniforme, c'est-à-dire terne et plus particulièrement couleur de chair [* contresens : et d'une couleur de chair assez particulière]. Cette uniformité de couleur était plus [* contresens : très] frappante dans les longues séries de plantes vivant en pleine terre [* dans les séries de plantes vivant en longs rangs en pleine terre] ; aussi ces dernières éveillèrent-elles les premières mon attention. Je ne pris pas note de la génération dans laquelle la couleur originelle commença à changer et à devenir uniforme, mais j'ai tout lieu de supposer que le changement fut graduel. Les fleurs, dans les plants entre-croisés, eurent le plus souvent la même teinte, mais douée d'une uniformité moins accentuée que dans les autofécondées, car plusieurs [* contresens : beaucoup] d'entre elles furent pâles et se rapprochant presque du blanc. Les fleurs des plants résultant du croisement avec la souche Westerham à fleurs pourpres furent, comme on pouvait s'y attendre, d'un pourpre plus foncé [* contresens : (furent) beaucoup plus pourpres] et bien moins uniforme comme teinte. Si l'on peut s'en rapporter à la simple vue, les plants autofécondés furent aussi très-remarquables par leur taille uniforme [* furent aussi d'une taille remarquablement uniforme] ; les entre-croisés le furent moins et les Westerham-croisés avaient une hauteur très-variable.

NICOTIANA TABACUM.

Cette plante présente un cas curieux. Sur six essais faits avec des plantes croisées et autofécondées appartenant à trois générations successives, un seul mit en évidence la supériorité quelque peu marquée des croisés sur les autofécondés ; dans quatre essais, les plants furent approximativement égaux, et enfin, dans une expérience (faite sur la première génération), les plants autofécondés furent très-supérieurs aux croisés. En aucun cas, les capsules des fleurs fécondées avec le pollen d'un plant distinct ne donnèrent beaucoup plus de graines que les capsules provenant de fleurs autofécondées, et quelquefois elles en produisirent beaucoup moins. Mais lorsque les fleurs d'une variété furent croisées avec le pollen d'une variété quelque peu différenciée qui avait végété sous des conditions légèrement différentes (ce qui constitue un rameau nouveau), les semis dérivés de ce croisement surpassèrent, à un degré très-élevé, en hauteur et en poids, ceux provenant des fleurs autofécondées.

Douze fleurs, appartenant à quelques plants de tabac commun obtenus de graines achetées, furent croisées avec le pollen d'un plant distinct du même lot, et elles donnèrent dix capsules. Douze fleurs des mêmes plants furent fécondées avec leur propre pollen et produisirent onze capsules. Les semences dans les dix capsules croisées pesèrent 31,7 grains (2gr,06), tandis que celles des dix capsules [* contresens : de dix des capsules] autofécondées eurent un poids de

204 NICOTIANA TABACUM. CHAP. VI

47,67 grains (3gr,09), c'est-à-dire da,s la proportion de 100 à 150. La plus grande productivité [* La productivité beaucoup plus grande] des capsules croisées sur les autofécondées pourrait ddifficilement être attribuée au hasard, car toutes les capsules des deux lots furent très-belles et bien saines.

Les semences ayant été semées dans le sable, plusieurs paires, en état égal de germination, furent placées dans des points opposés de trois pots. Les graines restant furent semées dru en deux points du pot numéro IV ; aussi les plants qui levèrent dans ce vase furent-ils très-serrés. Le plus grand des plants de chaque côté, dans chaque pot, fut mesuré. Pendant leur jeunesse, les quatre plus grands plants croisés mesurèrent 0m,196 et les quatre plus grands autofécondés 0m,371 de haut, nombres qui sont comme 100 est à 189. Les hauteurs, à cet âge, sont portées dans les deux dernières colonnes [* contresens : dans les deux colonnes de gauche] du tableau suivant.

TABLEAU LXXXIV. — Nicotiana tabacum (premième génération).

Numéros

des pots

20 mai 1968

6 décembre 1868

Plants croisés

Plants autofécondés

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,387

mètres

0,650

mètres

1,000

mètres

1,100

II.

0,070

0,375

0,162

1,075

III.

0,200

0,337

0,400

0,825

IV.

0,125

0,125

0,287

0,275

Total.

0,782

1,487

1,849

3,275

Parvenus à complète floraison, les plus grands plants de chaque côté furent mesurés de nouveau (voir les deux colones de droite) avec les résultats ci-dessus. Mais je dois dire que les pots n'étant pas suffisamment grands, les plants n'atteignirent jamais la hauteur qui leur est propre. Les quatre plus grands plants croisés mesurèrent alors en moyenne 0m,462 et les quatre plus grands autofécondés 0m,818, c'est-à-dire comme 100 est à 178. Dans les quatre pots un plant autofécondé fleurit avant chacun des plants croisés.

Dans le pot numéro IV, où les plants furent extrêmement entassés, les deux lots furent d'abord égaux, et, en dernier lieu, le plus grand plant croisé surpassa légèrement le plus grand autofécondé. Ceci me met à l'esprit un cas analogue observé parmi les générations [* contresens : dans une génération] du Pétunia, et dans lequel les plants au-

CHAP. VI   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 205

tofécondés furent dans tous les pots, pendant leur accroissement, plus grands que les croisés, excepté dans celui [* le pot] où ils furent entassés [* (3e génération de Petunia violacea, voir p. 191-192)]. En conséquence, une autre épreuve fut faite, et quelques-unes des mêmes semences de tabac croisées et autofécondées ayant été semées dru dans des points opposés de deux autres pots, les plants y vécurent très-serrés. Lorsqu'ils eurent 0m,325 à 0m,350 de haut, on ne vit aucune différence entre les deux côtés, et on n'en constata pas non plus de bien marquée quand les plants eurent atteint tous le développement dont ils sont capables, car dans un pot, le plus grand plant croisé eut 0m,662 de haut (dépassant ainsi le plus grand plant autofécondé de 0m,050 seulement) tandis que, dans un autre, le plus grand plant croisé était inférieur de 0m,082 au plus grand plant autofécondé, lequel mesurait 0m,550 de haut.

Comme, dans les petits vases ci-dessus indiqués (t. LXXXIV), les plants n'atteignirent pas la hauteur qui leur est propre, quatre plants croisés et quatre autofécondés furent obtenus des mêmes graines et plantés par paires dans des points opposés de quatre très-grands pots contenant de très-bonne terre, de façon qu'ils ne fussent pas exposés le moindrement aux rigueurs d'une compétition sévère. Quand ces plants furent en fleur, je négligeai de les mesurer ; mais je trouve dans mes notes que les quatre plants autofécondés surpassèrent en hauteur les quatre croisés de 0m,050 à 0m,075. Nous avons vu que les fleurs des plantes primitives ou génératrices qui furent croisées avec le pollen d'un plant distinct donnèrent beaucoup moins de graines que celles qui furent fécondées avec leur propre pollen, et l'expérience que nous venons de relater, comme celle indiquée dans le tableau LXXXIV, nous montre clairement que les plants obtenus des semences croisées furent inférieurs en hauteur à ceux provenant des semences autofécondées, mais seulement quand les plants ne furent pas considérablement entassés. Quand ils furent entassés et ainsi soumis à une très-sévère compétition, les plants croisés et autofécondés furent presque égaux en hauteur.

Plants croisés et autofécondés de la deuxième génération. — Douze fleurs portées par les plants croisés végétant dans quatre pots et appartenant à la dernière génération dont il vient d'être question, furent croisés avec le pollen d'une plante croisée végétant dans l'un des autres pots ; d'autre part, douze fleurs portées sur des plants croisés furent fécondées avec leur propre pollen. Toutes les fleurs de ces deux lots produisirent de belles capsules. Dix des capsules croisées contenaient en poids 38,92 grains (2gr,529) de semences, et dix des capsules autofécondées 37,74 grains (2gr,453), soit comme 100 est à 97. Quelques-unes de ces graines, en état égal de germination, furent placées par

206 NICOTIANA TABACUM. CHAP. VI

paires dans les points opposés de cinq grands pots. Un bon nombre de semences croisées germa avant les autofécondées et dut naturellement être rejeté. On mesura les plants ainsi obtenus lorsque plusieurs d'entre eux furent en fleur.

TABLEAU LXXXV. — Nicotiana tabacum (deuxième génération).

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,362

1,962

0,225

mètres

0,693

0,218

1,400

II.

1,512

1,118

0,250

0,418

0,175

1,262

III.

1,428

0,031

2,175 (A)

2,031 (B)

IV.

0,168

0,775

1,737

0,475

1,081

0,100

V.

2,487

0,731

0,237

0,070

Total.

12,790

10,343

Ici les quatorze plants croisés ont en hauteur moyenne 0m,887, et les treize autofécondés 0m,795, soit comme 100 est à 81. Mais il serait plus juste d'exclure tous les plants rabougris ayant seulement 0m,250 ou au-dessous, et, dans ce cas, les neuf plants croisés restant mesurent en moyenne 1m,346, et les sept autofécondés restant 1m,294, soit comme 100 est à 96. Cette différence est si faible que les plants croisés et les autofécondés peuvent être considérés comme de hauteur égale.

Outre ces plants, trois sujets croisés furent plantés séparément dans trois grands pots et trois sujets autofécondés dans trois autres grands vases, de façon à n'être exposés à aucune compétition : les plants autofécondés surpassèrent à peine en hauteur les croisés, car ces derniers mesurèrent comme taille moyenne 1m,397, et les trois autofécondés 1m,480, chiffres qui sont comme 100 est à 106.

Plants croisés et autofécondés de la troisième génération. — Comme je désirais savoir : 1° si les plants autofécondés de la dernière génération, qui surpassèrent de beaucoup en hauteur leurs antagonistes croisés, transmettraient la même tendance à

CHAP. VI   PLANTS CROISÉS ET AUTOFÉCONDÉS. 207

leurs descendants ; 2° s'ils possédaient la même constitution sexuelle ; je fis choix pour une expérience des deux plants autofécondés marqués A et B dans le pot III du précédent tableau (LXXXV), et cela parce que les sujets étaient à peu près égaux en hauteur et de beaucoup supérieurs à leurs adversaires croisés. Quatre fleurs de chaque plante furent fécondées avec leur propre pollen et quatre autres de la même plante furent croisées avec le pollen d'un plant croisé végétant dans un autre pot. Ce procédé diffère de celui qui fut suivi précédemment, dans lequel les semis provenant de plants croisés, de nouveau soumis au croisement, avaient été comparés avec des semis de plants autofécondés soumis de nouveau à la fécondation directe. Les semences des capsules autofécondées et celles des capsules croisées des plants ci-dessous, après avoir été placées séparément dans des verres de montre, furent comparées sans être pesées ; dans les deux cas, les graines provenant des capsules croisées parurent être bien moins nombreuses que celles issues des capsules autofécondées. On sema les graines à la manière habituelle, et les hauteurs des semis autofécondés et des semis croisés qui en provinrent, prises après complet développement, sont données dans le tableaux suivants, LXXXVI et LXXXVII.

TABLEAU LXXXVI. — Nicotiana tabacum (troisième génération). Semis obtenus du plant autofécondé A dans le pot III, tableau LXXXV, de la dernière (seconde) génération.

Numéros des pots

Semis obtenus d'un plant autofécondé croisé avec un plant croisé

Semis obtenus d'un plant autofécondé directement fécondé de nouveau, formant la 3egénération autofécondée

I.

mètres

2,506

2,275

mètres

2,450

1,975

II.

2,756

2,515

1,478

1,668

III.

2,600

1,993

IV.

2,106

1,912

2,762

1,603

Total.

16,666

13,929

Les sept plants croisés dans ce tableau précédent mesurent 2m,381 en hauteur moyenne, et les sept autofécondés 1m,989,

208 NICOTIANA TABACUM. CHAP. VI

soit comme 100 est à 83. Dans la moitié des pots un plant croisé fleurit le premier et dans l'autre moitié ce fut un autofécondé qui eut la priorité.

Arrivons maintenant aux autres semis obtenus du second générateur B.

TABLEAU LXXXVII. — Nicotiana tabacum (troisième génération). Semis obtenus du plant autofécondé B dans le pot III, tableau LXXXV, de la dernière (seconde) génération.

Numéros des pots

Semis obtenus de plants autofécondés croisés avec un plant croisé

Semis obtenus de plants autofécondés de nouveau soumis à la fécondation directe, formant la 3egénération autofécondée

I.

mètres

2,181

1,125

mètres

1,812

0,356

II.

2,462

0

1,825

2,762

III.

2,475

0,381

2,662

1,843

IV.

2,443

1,218

V.

1,218

0

2,031

1,531

Total.

12,387

16,043

Les sept plants croisés (deux d'entre eux étaient morts) mesurent ici en moyenne 1m,769, et les neuf autofécondés 1m,776, c'est-à-dire seulement comme 100 est à 101. Dans quatre de ces cinq pots, un plant autofécondé fleurit avant chaque croisé. Ainsi, contrairement à ce qui se passa dans le cas précédent, les plants autofécondés furent, à certains points de vue, légèrement supérieurs aux croisés.

Si nous considérons maintenant les plants croisés et autofécondés des trois générations ensemble, nous trouvons dans leur hauteur relative une diversité extraordinaire. Dans la première génération, les plants croisés furent inférieurs aux autofécondés dans la proportion de 100 à 178, et les fleur des premiers générateurs qui furent croisées avec le pollen d'un plant distinct donnèrent beaucoup moins de graines que les fleurs autofécondées, dans la proportion de 100 à 150. Mais, un fait étrange, c'est que les plants autofécondés qui furent assujettis à une très-sévère compétition avec les croisés, n'eurent dans deux occasions

CHAP. VI NICOTIANA TABACUM. 209

aucun avantage sur ces derniers. L'infériorité des plants croisés de cette première génération ne peut être attribuée ni à la non-maturité des semences, car elles furent, de ma part, l'objet d'un examen soigneux, ni à ce que les semences furent endommagées ou mauvaises dans quelques capsules [* dans une quelconque capsule (in some one capsule)], car le contenu des dix capsules croisées ayant été mêlé en un tout, les semences y furent prises au hasard pour être semées. Dans la seconde génération, les plants croisés et les autofécondés eurent à peu près une hauteur égale. Dans la troisième génération, des semences soit croisées soit autofécondées furent obtenues de deux plantes appartenant à la génération précédente, et les semis qui en provinrent différèrent remarquablement comme constitution : dans un cas, les croisés surpassèrent en hauteur les autofécondés dans la proportion de 100 à 83, et dans d'autres ils furent presque égaux. Cette différence entre les deux lots obtenus en même temps de deux plants végétant dans le même pot et traités à tous les points de vue de la même manière, aussi bien que la supériorité extraordinaire, dans la première génération, des plants autofécondés sur les croisés considérés ensemble, me portent à croire que quelques [* certains (et non "quelques")] individus de l'espèce présente diffèrent des autres, dans une certaine limite, par leur affinité sexuelle (pour me servir du terme employé par Gärtner) comme le font des espèces intimement rapprochées appartenant au même genre. En conséquence, si deux plants présentant cette différence sont croisés, les semis qui en proviennent souffrent et sont battus par ceux qui viennent de fleurs autofécondées dans lesquelles les éléments sexuels sont de la même nature. Il est connu 1 que, dans nos animaux domestiques, certains individus sont frappés d'incompatibilité sexuelle, et ne peuvent produire ensemble de descendance quoiqu'ils soient féconds avec d'autres individus. Kölreuter a rapporté un cas 2 qui est plus intimement rapproché du nôtre, car il montre que dans le genre Nicotiana les variétés diffèrent dans leurs affinités sexuelles. Il expérimenta sur cinq variétés du tabac commun et prouva que c'étaient là des variétés en montrant qu'elles restent fertiles après leur croisement réciproque ; mais l'une de ces variétés, employée soit comme père soit comme mère, fut plus fertile qu'aucune des autres quand on la croisa avec une espèce complètement distincte, N. glutinosa. Comme ces différentes variétés diffèrent dans leur affinité sexuelle, il n'y a rien

1 J'ai donné des preuves de ce fait dans ma Variation of Animals and Plants under Domestication (Variation des animaux et des plantes sous l'influence de la domestication), chap. XVIII, 2e édition, t. II, p. 146.

2 Das Geschlecht der Pflanzen, Zweite Fortsetzung, 1764, p. 55 à 60.

210 NICOTIANA TABACUM. CHAP. VI

de surprenant à ce que les individus de la même variété diffèrent de la même manière à un moindre degré.

Si nous prenons ensemble les plantes des trois générations, nous voyons les croisées ne montrer aucune supériorité sur les autofécondées, et je ne puis me rendre compte de ce fait qu'en supposant que dans cette espèce, qui est parfaitement féconde par elle-même en dehors de l'intervention des insectes, le plus grand nombre des individus subit la condition qui, nous l'avons constaté, existe dans les individus de la même variété du pois commun et de quelques autres plantes exotiques autofécondées pendant plusieurs générations. En pareil cas, un croisement entre deux individus ne produit pas de bons effets, et ne saurait en produire jamais, à moins que ces individus ne diffèrent comme constitution générale soit sous l'influence de ce qu'on appelle la variation spontanée, soit sous l'action des conditions différentes auxquelles les progéniteurs ont été soumis [* contresens : soit de ce que les parents ont chacun été soumis à des conditions diférentes]. Je crois que c'est là l'explication vraie du fait présent, parce que, comme nous allons le voir immédiatement, la descendance des plants qui ne profitèrent [* contresens : qui ne profita] en rien du croisement avec une plante de la même souche, bénéficia, à un degré extraordinaire, d'un croisement avec une sous-variété légèrement différente.

Effets d'un croisement avec un rameau nouveau. — Je me procurai à Kew quelques semences de N. tabacum et en obtins quelques plants qui formèrent une sous-variété différant légèrement de mes premiers plants en ce que les fleurs furent d'un rose plus sombre [* contresens : d'un rose plus intense], les feuilles un peu plus en pointe et les tiges moins grandes. Donc, l'avantage en hauteur que les semis obtinrent par ce croisement ne peut être attribué à une hérédité directe. Deux des plants de la troisième génération autofécondée végétant dans les pots II et V (tableau LXXXVII) et surpassant en hauteur leurs antagonistes croisés (comme l'avaient fait leurs parents à un plus haut degré encore), furent fécondés avec le pollen des plants de Kew, c'est-à-dire par un rameau nouveau. Les semis ainsi obtenus seront appelés Kew-croisés. Quelques autres fleurs des deux mêmes plants furent fécondées avec leur propre pollen et les semis ainsi obtenus forment la quatrième génération autofécondée. Les capsules croisées produites par le plant du pot n° II (tableau LXXXVII) furent de beaucoup moins belles que les capsules autofécondées du même plant. Dans le pot n° V, la plus belle capsule fut aussi le résultat d'une autofécondation, mais les semences produites par les deux capsules croisées surpassèrent en nombre celles appartenant aux deux capsules autofécondées de la même plante. Donc, pour ce qui regarde les fleurs des plantes génératrices, un croisement avec le pollen d'une souche nouvelle ne produisit que peu ou pas du tout de bons effets, et je ne devais pas m'at-

CHAP. VI   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 211

tendre que la descendance en eût reçu aucun bénéfice, ce en quoi je me trompais complètement.

Les semences croisées et les autofécondées de [* contresens : des] deux plants furent placées dans le sable seul : beaucoup d'entre les semences croisées des deux séries germèrent avant les graines autofécondées et firent saillir leurs radicules plus promptement. Il s'ensuivit

TABLEAU LXXXVIII.

Nicotiana tabacum. (Plants obtenus de deux plants de la 3e génération

autofécondée dans les pots II et V du tableau LXXXVII.)

Du pot II, tableau LXXXVII

Du pot V, tableau LXXXVII

Numéros des pots

Plants

Kew-croisés

Plants de la

4egénération autofécondée

Numéros des pots

Plants

Kew-croisés

Plants de la

4egénération autofécondée

I.

mètres

2,118

0,775

mètres

1,712

0,125

I.

mètres

1,943

0,181

mètres

1,400

0,134

II.

1,962

1,200

1,287

1,750

II.

1,387

0,450

0,693

0,175

III.

1,934

1,937

0,318

0,168

III.

1,906

1,518

IV.

2,231

0,393

0,737

0,800

IV.

0,293 [* 2,262]

0,103 [* 0,556]

0,293

0,103

V.

2,225

0,425

2,125

0,134

V.

2,356

0,712

VI.

2,250

2,000

VI.

1,950

1,968

VII.

2,212

1,912

1,218

1,412

VII.

2,137

1,537

VIII.

2,087

2,112

VIII.

1,640

1,806

1,959

0,687

Totaux.

32,565

15,90

Totaux.

18,578

11,184

que plusieurs [* contresens : beaucoup] des semences croisées durent être rejetées avant que les [* avant que des] paires de semis, en état égal de germination, fussent obtenues pour être placées dans des points opposés de seize grands pots. Les deux séries de semis obtenus des générateurs placés dans les pots II et V furent gardées séparément et après complet développement on les mesura jusqu'à la pointe de leurs plus hautes feuilles, ainsi que l'indiquent les chiffres du double tableau précédent. Mais, comme il n'y eut aucune différence uni-

212 NICOTIANA TABACUM. CHAP. VI

forme comme taille entre les semis croisés et les autofécondés obtenus des deux plants, leurs hauteurs ont été additionnées ensemble dans le calcul des moyennes. Je dois dire que, par la chute accidentelle d'un grand arbrisseau dans la serre, plusieurs plants des deux séries furent considérablement endommagés. On les mesura une fois [* contresens : On les mesura immédiatement], ainsi que leurs antagonistes, puis on les rejeta. Les autres ayant été abandonnés à leur complet accroissement furent mesurés au moment de la floraison. Cet accident explique la petite taille de quelques-unes des paires ; mais comme on mesura simultanément toutes les paires quand elles furent partiellement ou complètement en fleur, les mensurations sont justes.

La hauteur moyenne des vingt-six plants croisés dans les seize pots des deux séries est de 1m,582 et celle des vingt-six plants autofécondés de 1m,041, soit comme 100 est à 66. La supériorité des plants croisés fut démontrée d'une autre manière, car dans chacun des seize pots un plant croisé fleurit avant un autofécondé, à l'exception du pot VI de la deuxième série, dans lequel les plants des deux côtés fleurirent simultanément.

Quelques-unes des semences restant des deux séries, en état de germination ou non, furent semées dru dans des points opposés de deux grands pots, et les six plus grands plants de chaque côté, dans chaque pot, furent mesurés après avoir atteint à peu près tout leur développement. Mais leurs hauteurs furent moindres que dans les premières épreuves, en raison de ce qu'ils vécurent très-entassés. Même dans leur toute jeunesse, les semis croisés avaient des feuilles manifestement plus larges et plus belles que les autofécondés.

TABLEAU LXXXIX.

Nicotiana tabacum (Plants de la même parenté que ceux

du tableau LXXXVIII, mais végétant entièrement entassés

dans deux grands pots.)

Provenant du pot II, tableau LXXXVII

Provenant du pot V, tableau LXXXVII

Plants

Kew-croisés

Plants de la

4egénération autofécondée

Plants

Kew-croisés

Plants de la

4egénération autofécondée

mètres

1,062

0,850

0,762

0,787

0,668

0,459

mètres

0,562

0,481

0,356

0,400

0,337

0,400

mètres

1,118

1,062

0,687

0,781

0,800

0,618

mètres

0,562

0,525

0,450

0,381

0,340

0,368

4,390

2,536

5,066

2,626

CHAP. VI   CROISEMENT AVEC UN RAMEAU NOUVEAU. 213

Les douze plus grands plants croisés dans les deux pots appartenant aux deux séries ont ici en moyenne 0m,788 de haut, et les douze plus grands autofécondés 0m,430, soit comme 100 est à 54. Après complet développement, les plants des deux côtés, quelque temps après avoir été mesurés, furent coupés à ras de terre et pesés. Les douze plants croisés eurent un poids de 686gr,75, et les douze autofécondés de seulement 242gr,75, chiffres qui sont comme 100 est à 37.

Le reste des semences croisées et des autofécondées provenant des deux générations [* contresens : des deux générateurs] (les mêmes que dans l'expérience précédente) fut semé le 1er juillet en pleine terre, dans un bon terrain, sous deux [* erreur : en quatre] longues rangées parallèles et séparées, de façon que les semis qui en provinrent ne fussent pas soumis à une compétition mutuelle. L'été fut humide et favorable [* contresens : défavorable] à leur développement. Tant que les semis furent petits, les deux séries [* les deux rangs de] croisées eurent un avantage apparent sur les deux séries [les deux rangs d'] autofécondées. Quand ils eurent atteint leur complet développement, les vingt plus grands plants soit croisés soit autofécondés furent choisis et mesurés (le 11 novembre) jusqu'à l'extrémité de leurs feuilles, comme c'est indiqué dans le tableau suivant (XC). Sur vingt plants croisés, douze avaient fleuri, tandis que, sur les vingt plants autofécondés, un seul était parvenu à floraison.

TABLEAU XC.

Nicotiana tabacum (Plants obtenus des mêmes graines que dans les

deux dernières expériences, mais semées séparément en pleine terre,

de façon à ne pas lutter les uns contre les autres.)

Provenant du pot II, tableau LXXXVII

Provenant du pot V, tableau LXXXVII

Plants

Kew-croisés

Plants de la

4egénération autofécondée

Plants

Kew-croisés

Plants de la

4egénération autofécondée

mètres

1,056

1,365

0,984

1,331

1,231

1,259

1,178

1,434

0,925

1,200

mètres

0,568

0,937

0,962

0,750

0,718

0,781

0,637

0,656

0,559

0,700

mètres

1,362

1,287

1,125

1,075

1,075

1,218

1,100

1,206

1,378

1,575

mètres

0,862

0,965

1,018

1,081

1,000

0,956

0,893

0,993

1,193

1,465

12,968

7,174

12,403

10,431

Les vingt plus grands plants croisés ont ici en moyenne 1m,217, et les vingt plus grands autofécondés 0m,880, soit

214 CYCLAMEN PERSICUM. CHAP. VI

comme 100 est à 72. Ces plants, après mensuration, furent coupés à ras de terre, et les vingt plants croisés pesèrent 6.068gr,25, tandis que les vingt plus grands autofécondés ne donnèrent que 3.820gr,75, soit en poids comme 100 est à 63.

Dans les trois précédents tableaux (LXXXVIII, LXXXIX et XC), nous avons les mensurations de cinquante-six plants dérivés de deux plants de la troisième génération autofécondée croisée avec le pollen d'un rameau nouveau, et de cinquante-six plants de la quatrième génération autofécondée dérivée des deux mêmes plants. Ces plants croisés et ces autofécondés furent traités de trois manières différentes : d'abord on les mit dans des pots en compétition modérée les uns vis-à-vis des autres ; ensuite on les assujettit à des conditions défavorables et à une compétition très-rigoureuse, en les entassant dans deux grands pots ; et enfin on les sema séparément en pleine et bonne terre pour n'avoir à les soumettre à aucune compétition mutuelle. Dans tous ces divers cas, les plants croisés de chaque lot furent très-supérieurs aux autofécondés. Ce fait reçut sa démonstration de plusieurs manières : par la germination plus prompte des graines croisées ; par le plus rapide accroissement des semis pendant leur jeune âge ; et enfin par la plus grande hauteur à laquelle ils atteignirent en dernier lieu. La supériorité des plants croisés fut rendue plus claire encore par la pondération des deux lots, car le poids des plant croisés fut à celui des autofécondés, dans les [* oubli : deux] pots entassés, comme 100 est à 37. On pourrait à peine souhaiter une plus ample évidence de l'immense avantage réalisé par un croisement avec un rameau nouveau.

XXVI. PRIMULACÉES. - CYCLAMEN PERSICUM 1 .

Dix fleurs croisées avec le pollen de plants reconnus comme semis distincts, donnèrent neuf capsules contenant en moyenne 34,2 semences, avec un maximum de soixante-dix-sept graines pour l'une d'elles. Dix fleurs autofécondées donnèrent huit capsules contenant en moyenne cent trente et une [* erreur : seulement 13,1 (et non 131)] semences, avec un maximum de vingt-sept [* erreur : vingt-cinq] graines pour l'une d'elles. Ceci nous donne la proportion de 100 à 88 [* erreur : 38] pour le nombre moyen de semences par capsule dans les fleurs croisées et dans les autofécondées. Les fleurs pendent vers la terre, et comme les stigmates très-rapprochés des anthères sont au-dessus [* contresens : au-dessous] d'elles, on aurait pu s'attendre à voir le pollen tomber sur eux et rendre ainsi l'autofécondation spontanée, mais les plantes recouvertes ne donnèrent par une seule capsule. Dans quelques autres occasions, des plants

1 D'après Lecoq (Géographie Botanique de l'Europe, t. VIII, 1858, p. 150), le Cyclamen repandum est protérandre et je crois que le même fait existe dans le C. persicum.

CHAP. VI CYCLAMEN PERSICUM. 215

découverts placés dans la serre donnèrent beaucoup de capsules, mais je suppose que les fleurs avaient été visitées par des abeilles, qui, dans cet acte, ne sauraient manquer de transporter le pollen de fleur à fleur.

Les semences obtenues ainsi que nous venons de le décrire ayant été placées dans le sable, furent, après germination, mises par paires (trois croisées et trois autofécondées) dans des points opposés de quatre pots. Lorsque les feuilles eurent 0m,050 ou 0m,075 de long, y compris les pétioles, les semis des côtés [de chaque côté] étaient égaux. Dans l'espace d'un mois ou deux, les plants croisés montrèrent sur les autofécondés une légère supériorité qui alla toujours croissant ; de plus, les croisés fleurirent dans tous les pots quelques semaines avant les autofécondés, et beaucoup plus abondamment que ces derniers. Les deux plus grandes tiges florales des plants croisés dans chaque pot furent alors mesurées, et la hauteur moyenne des huit tiges fut de 0m,537[* erreur : 0m,237 (9,49 pouces)]. Après un laps de temps considérable, les plants autofécondés fleurirent, et plusieurs de leurs tiges florales (j'omis d'en inscrire le nombre) furent grossièrement mesurées : leur hauteur moyenne ayant été un peu au-dessous de 0m,187, les tiges florales des plants croisés furent à celles des plants autofécondés, au moins comme 100 est à 79. La raison pour laquelle je ne portai pas grand soin au mensurations des plants autofécondés fut que, ces spécimens me paraissant très-pauvres, je me décidai à les placer dans de plus grands pots et à les mesurer avec soin l'année suivante ; mais nous allons voir que mon but fut en partie manqué, à cause du petit nombre de fleurs qu'ils produisirent.

Ces sujets furent laissés à découvert dans la serre, et les douze plants croisés donnèrent quarante capsules, tandis que les autofécondés en produisirent cinq seulement, soit comme 100 est à 12. [* Mais] Cette différence ne saurait donner une juste idée de la fécondité relative des deux lots. Je comptai les graines dans une des plus belles capsules des plants croisés ; elles étaient au nombre de soixante-treize, tandis que la plus belles des cinq capsules produites par les plants autofécondés en contenait seulement tente-cinq bonnes. Dans les quatre autres capsules, la plupart des semences furent à peine de moitié aussi grandes que celles des capsules croisées (tableau XCI [* erreur : le tableau XCI ne se réfère pas aux graines mais à la hauteur des plants de l'année suivante]).

L'année suivante, les plants croisés portèrent de nouveau des [* oubli : de nombreuses] fleurs avant que les autofécondés n'en eussent donné une seule.

Les trois plus grandes tiges florales des plants croisés furent mesurées dans chaque pot, ainsi que c'est indiqué dans le tableau suivant (XCI). Dans les pots I et II, les plants autofécondés ne donnèrent pas de tige florifère ; dans le pot IV, ils en portèrent une, et dans le pot III, six, dont les trois plus grandes furent mesurées.

216 ANAGALLIS COLLINA. CHAP. VI

TABLEAU XCI. — Cyclamen persicum.

0 signifie qu'aucune tige florale ne fut produite.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,250

0,231

0,256

mètres

0

0

0

II.

0,231

0,250

0,256

0

0

0

III.

0,228

0,250

0,250

0,200

0,196

0,168

IV.

0,287

0,265

0,268

0

0,196

0

Total.

3,011

0,760

La hauteur moyenne des douze tiges florales dans les plants croisés est de 0m,249 et celle des quatre tiges florifères des plants autofécondés de 0m,184, soit comme 100 est à 74. Les plants autofécondés constituèrent de misérables spécimens, tandis que les croisés eurent un aspect très-vigoureux.

ANAGALLIS.

Anagallis collina, var. Grandiflora

(Sous-variétés à fleurs rouge pâle, et à fleurs bleues.)

En premier lieu, trente [* erreur : vingt-cinq] fleurs prises sur quelques plants de la variété rouge, furent croisées avec le pollen d'une plante distincte de la même variété et donnèrent dix capsules : trente et une fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et produisirent dix-huit capsules. Ces plantes, en végétant [* oubli : en pots] dans la serre, étaient évidemment dans des conditions propices à la stérilité ; aussi les semences, dans les deux séries de capsules et surtout dans la série autofécondée, furent-elles, quoique nombreuses, d'une qualité si misérable qu'il fut difficile de reconnaître les bonnes des mauvaises. Cependant, autant que j'en pus juger, les capsules croisées contenaient en moyenne 6,3 bonnes semences, avec un maximum de 13 dans l'une d'elles, tandis que les autofécondées en comptaient 6,05, avec un maximum de 14 [* dans l'une d'elles].

En second lieu, onze fleurs de la variété rouge furent châtrées

CHAP. VI ANAGALLIS COLLINA. 217

pendant leur jeunesse et fécondées avec du pollen de la variété bleue ; ce croisement augmenta de beaucoup évidemment leur fécondité, car les onze fleurs donnèrent sept capsules qui contenaient en moyenne deux fois autant de bonnes graines qu'antérieurement, c'est-à-dire 12,7, avec un maximum de 17 dans deux d'entre elles. Ces capsules croisées donnèrent donc des graines qui, comparées à celles que contenaient les précédentes capsules autofécondées, furent comme 100 est à 48. Ces semences, incomparablement plus grandes que celles issues du croisement de deux individus de la même variété rouge, germèrent en outre beaucoup plus facilement. Les fleurs du plus grand nombre des plantes produites par croisement entre les variétés bicolores (et on en obtint plusieurs) ressemblèrent à leur mère et furent colorées en rouge. Dans deux d'entre elles, cependant, les fleurs furent manifestement tachées de bleu et à un degré tel que, dans un cas, [* contresens : et, dans un cas, à un degré tel que] la teinte fut presque intermédiaire.

Les semences croisées dans deux espèces précédentes et les autofécondées, ayant été semées dans des points opposés de deux grands pots, donnèrent des semis qui furent mesurés après complet développement avec les résultats suivants :

TABLEAU XCII. — Anagallis collina.

Variété rouge croisée avec un plant distinct de la variété rouge,

et variété rouge autofécondée

Numéro du pot

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,587

0,525

0,431

mètres

0,387

0,387

0,350

Total.

1,543

1,124

Variété rouge croisée avec la variété bleue,

et variété rouge autofécondée

Numéro du pot

Plants croisés

Plants autofécondés

II.

mètres

0,762

0,681

0,625

mètres

0,612

0,462

0,293

Total.

2,068

1,367

Total des 2 lots ensemble.

3,611

2,491

218 PRIMULA VERIS. CHAP. VI

Comme ces plants des deux lots sont en petit nombre, ils doivent [* contresens : peuvent] concourir ensemble à la formation de la moyenne générale ; mais je dois établir d'abord que la hauteur des semis provenant d'un croisement entre deux individus de la variété rouge est à celle des plants autofécondés de la variété rouge comme 100 est à 73, tandis que la hauteur de la descendance croisée des deux variétés est à celle des plants autofécondés de la variété rouge comme 100 est à 66. Donc, le croisement entre les deux variétés paraît être le plus avantageux. La hauteur moyenne de tous les six plants croisés des deux lots pris ensemble est de 1m,211, et celle des six autofécondés de 0m,831, c'est-à-dire comme 100 est à 69.

Ces six plants croisés produisirent spontanément vingt-six capsules, tandis que les six autofécondés en donnèrent deux seulement, c'est-à-dire comme 100 est à 8. Nous avons donc ici, comme fécondité, la même différence extraordinaire entre les plants croisés et les autofécondés que nous trouvons dans le dernier genre Cyclamen, qui appartient aussi à la famille des Primulacées.

PRIMULA VERIS (Flore britannique).

(Var. officinalis, Linn.). La Primevère.

La majorité des espèces de ce genre est hétérostylée ou dimorphe, c'est-à-dire qu'elle revêt deux formes : une à long style avec étamines courtes, l'autre à court style avec étamine longues 1 . Pour la complète fécondation, il est nécessaire que le pollen de l'une des formes soit appliqué sur le stigmate de l'autre, ce qui dans les conditions naturelles est effectué par les insectes. J'ai appliqué la qualification de légitimes à de semblables unions et aux semis qui en résultent. Quand une forme est fécondée avec le pollen de cette même forme, la totalité des semences n'est pas obtenue, et, dans quelques cas, certains genres hétérostylés n'en fournissent pas du tout [contresens : dans le cas de certains genres hétérostylés, aucune graine n'est produite (in the case of some heterostyled genera no seed at all is produced)]. J'ai appelé illégitimes ces unions, aussi bien que les semis qui en proviennent. Ces derniers sont souvent frappés de nanismes et restent plus ou moins stériles, à la façon des hybrides. Je possédais quelques plantes de P. veris à long style, qui, durant quatre générations successives, avaient été produites par une union illégitime entre plantes longuement stylées [* à longs styles] ; elles étaient, du reste [* contresens : de plus], parentes à un cer-

1 Voir ma note « Sur la double forme ou la condition dimorphe dans le genre Primula » [* (On the Two Forms or Dimorphic Condition in the Species of Primula)] dans le Journal of Proc. Linn. Soc., vol. VI, 1862, p. 77. Une seconde note à laquelle je fais maintenant allusion « Sur la nature hybridiforme de la descendance des unions illégitimes entre plantes dimorphes et trimorphes » [* (On the Hybrid-like Nature of the Offspring from the Illegitimate Unions of Dimorphic and Trimorphic Plants )], fut publiée dans le vol. X, 1867, p. 393 du même journal.

CHAP. VI PRIMULA VERIS. 219

tain degré, et avaient été assujetties à des conditions égales pendant tout ce temps, en vivant en pots dans la serre. Aussi longtemps qu'elles furent cultivées de cette manière, elles s'accrurent bien et furent saines et fécondes. Cette fécondité s'accrut même dans les dernières générations, comme si elles s'étaient habituée à la fécondation illégitime. Les [* contresens : Des] plants de la première génération illégitime, ayant été transportés de la serre en plein air dans une terre assez bonne, s'accrurent bien et restèrent sains ; mais lorsque ceux des deux dernières générations illégitimes furent traités de la même manière, ils devinrent excessivement stériles, rabougris, et demeurèrent en cet état durant l'année suivante ; ce temps leur avait été nécessaire [* contresens : aurait dû leur être suffisant] pour s'accoutumer à la végétation en pleine terre, ce qui [*( le fait qu'elles ne se soient pas adaptées)] doit signifier qu'ils étaient d'une faible constitution.

Dans ces conditions, il me parut convenable de m'assurer quel serait l'effet du croisement légitime des plantes à long style de la quatrième génération [* oubli : illégitime] par le pollen pris sur des pieds non alliés à court style vivant dans des conditions différentes. En conséquence, plusieurs fleurs des plantes illégitimes de la quatrième génération (c'est-à-dire arrière-petits-fils des plantes qui avaient été légitimement fécondées) végétant rigoureusement [* contresens : vigoureusement] en pots dans la serre, furent légitimement fécondées avec le pollen d'une primevère à court-style presque sauvage, et ces fleurs donnèrent quelques belles capsules. Trente autres fleur des mêmes plants illégitimes furent fécondées avec leur propre pollen, elles donnèrent dix-sept capsules contenant en moyenne trente-deux graines. C'est là un haut degré de fécondité : il est plus élevé, je crois, que celui qu'on obtint généralement avec des plantes à long-style fécondées illégitimement en vivant en plein air ; il est plus élevé aussi que celui des générations illégitimes antérieures, dont les fleurs cependant furent fécondées avec le pollen d'une plante distincte de la même forme.

Ces deux lots de graines ne germant pas convenablement dans le sable seul, on les sema dans des points opposés de quatre pots et leurs semis furent éclaircis jusqu'à ce qu'un nombre égal en fût laissé de part et d'autre. Pendant quelque temps, il n'y eut pas de différence marquée dans la hauteur de deux lots, et dans le pot numéro III (tableau XCII) les plantes autofécondées furent même les plus élevées. Mais au moment où ils donnèrent leurs jeunes tiges florales, les plants illégitimement croisés parurent de beaucoup les plus beaux et eurent des feuilles plus vertes et plus larges. La largeur des plus grandes feuilles fut mesurée et celle des plants croisés fut en moyenne d'un quart de pouce (exactement 0m,007) plus forte que celle des plantes autofécondées. Les plants ayant été trop entassés produisirent des tiges florales courtes et pauvres. Les deux plus belles de chaque côté furent mesurées : les huit

220 PRIMULA VERIS. CHAP. VI

parmi les [* contresens : les huit tiges des] plants légitimement croisés eurent en moyenne 0m,103 de haut, et les huit parmi les [* contresens : les huit tiges des] plants illégitimement autofécondés 0m,070 : c'est-à-dire comme 100 est à 72.

Ces plants, après floraison, furent dépotés et placés en pleine terre dans un sol riche. L'année suivante (1870), au moment de la floraison, les deux plus grandes tiges florales furent mesurées de nouveau avec les résultats indiqués dans le tableau suivant qui indique aussi le nombre des tiges florales produites des côtés dans tous les pots.

TABLEAU XCIII. — Primula veris.

Numéros des pots

Plantes légitimement croisées

Plantes illégitimement autofécondées

Hauteur en mètres

Nombre des tiges florales produites

Hauteur en mètres

Nombre des tiges florales produites

I.

mètres

0,225

0,200

16

mètres

0,053

0,087

3

II.

0,175

0,162

16

0,150

0,137

3

III.

0,150

0,156

16

0,075

0,0012

4

IV.

0,184

0,153

14

0,065

0,062

5

Total.

1,406

62

0,643

15

Ici, la hauteur moyenne des huit plus grandes tiges florales, dans les plants croisés, est de 0m,176, et celle des huit plus grandes tiges florales, parmi les autofécondées, de 0m,080, ou comme 100 est à 46. Nous voyons aussi que les plants croisés portèrent 62 tiges florales et ce chiffre est environ quatre fois aussi considérable que celui indiqué (15) pour les plants autofécondés. Les fleurs furent abandonnées à la visite des insectes, et comme plusieurs [* de nombreux] plants de l'une et l'autre forme végétaient côte à côte, ils doivent avoir été légitimement et naturellement fécondés. Dans ces conditions, les plants croisés produisirent 324 capsules tandis que les autofécondés en donnèrent 16 seulement, et encore ces dernières provinrent-elles d'un seul plant du pot II qui fut beaucoup plus beau que tous les autres pieds autofécondés. Jugeant d'après le nombre des capsules produites, la fécondité d'un égal nombre de plants croisés et d'autofécondés fut comme 100 est à 5.

L'année suivante (1871), je ne fis pas le compte de toutes les

CHAP. VI PRIMULA VERIS. 221

tiges florales fournies par les plantes, mais seulement de celles qui portèrent des capsules munies de bonnes graines. La saison ayant été défavorable, les plants croisés donnèrent seulement quarante tiges florales pourvues de 168 bonnes capsules, tandis que les autofécondées n'en eurent que deux munies de 6 capsules dont la moitié fut très-pauvre. Ainsi, la fécondité des deux lots, si l'on en juge par le nombre des capsules, fut comme 100 est à 3,5.

En examinant la différence considérable en hauteur et en fécondité qui existe entre les deux séries de plantes, nous devrons toujours nous rappeler que c'est là le résultat de deux facteurs distincts. Les plants autofécondés furent le produit de la fécondation illégitime exercée durant cinq générations successives dans lesquelles tous les plants (ceux de la dernière génération exceptés) avaient été fécondés avec du pollen pris sur un individu distinct appartenant à la même forme, mais d'une parenté plus ou moins rapprochée. Les plants avaient été aussi soumis, dans chaque génération, à des conditions très-exactement semblables. Ce traitement seul, comme je l'appris par d'autres observations, eût suffi à réduire considérablement la taille et la fécondité de la descendance. D'un autre côté, les plants croisés furent les descendants d'une plante à long-style de la quatrième génération illégitime croisée par le pollen d'une plante à court-style, laquelle, comme ses progéniteurs, avait été soumise à des conditions très-différentes : cette dernière circonstance seule eût suffi à donne une grande vigueur à la descendance, comme nous pouvons le déduire de nombreux cas analogues délà rapportés. Ce qu'il est impossible de déterminer, c'est l'importance proportionnelle qu'il faut attribuer à l'influence de ces deux facteurs, car l'un tend à endommager la descendance autofécondée et l'autre à favoriser les descendants croisés. Cependant, nous voyons immédiatement que la plus grande part du bénéfice, pour ce qui concerne l'augmentation en fécondité, doit être attribuée à l'influence du croisement avec un rameau nouveau.

PRIMULA VERIS.

Var. iso-stylée et à fleurs rouges.

J'ai décrit, dans ma note intitulée « Sur les unions illégitimes des plantes dimorphes et trimorphes », cette remarquable variété qui me fut envoyée d'Edimbourg par M. J. Scott. Elle présente un pistil caractéristique de la forme à long-style et des étamines propres à la forme courtement-stylée, de sorte qu'elle a perdu le caractère hétérostylé ou dimorphe qui est commun au plus grand nombre des espèces de ce genre et, dès lors, peut être comparée à la forme hermaphrodite d'un animal bisexuel. En conséquence, le pollen et le stigmate de la même fleur sont adaptés

222 VARIÉTÉ ISOSTYLÉE.   CHAP. VI

pour la complète fécondation mutuelle, et échappent ainsi à la nécessité du transport du pollen d'une forme sur l'autre, transport que subit la primevère commune. De ce que le stigmate et les anthères sont à peu près au même niveau, il s'ensuit que les fleurs sont parfaitement fécondées par elles-mêmes lorsque les insectes sont écartés. Grâce à l'existence de cette heureuse variété, il est possible d'en féconder légitimement les fleurs avec leur propre pollen et de croiser d'autres fleurs d'une manière illégitime avec le pollen d'une autre variété ou rameau nouveau. De cette manière la descendance peut être comparée très-légitimement et sans aucune préoccupation de l'influence des effets dépréciateurs d'une union illégitime.

Les plants sur lesquels j'expérimentai avaient été obtenus, pendant deux générations successives, des semences spontanément autofécondées produites par des plantes protégées sous une gaze, et comme la variété est hautement féconde par elle-même, ses progéniteurs à Edimbourg durent être autofécondés pendant plusieurs générations antérieures. Plusieurs fleurs de deux de mes plantes furent légitimement croisées avec le pollen d'une primevère commune à court-style végétant presque à l'état sauvage dans mon verger, de façon que le croisement s'effectua entre plants ayant vécu dans des conditions fort différentes. Plusieurs autres fleurs furent disposées pour l'autofécondation sous une gaze, et cette union, comme je l'ai déjà établi, a un caractère légitime.

Les graines croisées et les autofécondées ainsi obtenues ayant été semées dru dans des points opposés de trois pots, les semis furent éclaircis de façon à en laisser un nombre égal de part et d'autre de chaque pot. Les semis, pendant la première année, furent à peu près égaux en hauteur, excepté dans le pot numéro III (tableau XCIV) où les autofécondés eurent un avantage réel. A l'automne, les plants furent mis en couche avec leurs pots ; grâce à cette circonstance et à ce que plusieurs plants végétaient dans chaque vase, ils ne fleurirent pas et aucun ne donna beaucoup de graines. Mais les conditions furent parfaitement égales pour les plants de part et d'autre. Au printemps suivant, je trouve dans mes notes que, dans deux des pots, les plants croisés furent « incomparablement les plus beaux comme apparence générale » et que, dans les trois pots, ils fleurirent avant les autofécondés. Quand ils furent parvenus à pleine floraison, on mesura la plus grande tige florale de chaque côté dans chaque pot, et le nombre de ces tiges florales fut pris de part et d'autre, comme c'est indiqué dans le tableau suivant. Les plants furent laissés à découvert, et, comme d'autres plants végétèrent côte à côte, les fleurs en furent, sans aucun doute, croisées par les insectes. Arrivées à maturité, les capsules furent recueillies et comptées : le résultat en est aussi indiqué dans le tableau suivant.

CHAP. VI PRIMULA VERIS. 223

TABLEAU XCIV.

Primula veris (variété isostylée à fleurs rouges).

Numéros

des pots

Plantes croisées

Plantes autofécondées

Hauteur des plus grandes tiges florales, en mètres

Nombre de tiges florales

Nombre de bonnes capsules

Hauteur des plus grandes tiges florales, en mètres

Nombre de tiges florales

Nombre de bonnes capsules

I.

0,250

14

163

0,162

6

6

II.

0,212

12

Plusieurs non comptées

0,125

2

0

III.

0,187

7

43

0,262

5

26

Total

0,650

33

206

0,550

13

32

La hauteur moyenne des trois plus grandes tiges florales dans les plants croisés est ici de 0m,216, et celle des trois appartenant aux plants autofécondés de 0m,183, c'est-à-dire comme 100 est à 85.

Les plants croisés produisirent tous ensemble trente-trois tiges florales tandis que les autofécondés en eurent seulement treize. Le nombre des capsules ne fut compté que dans les pots I et III, parce que les plants autofécondés du pot II n'en donnèrent pas du tout et qu'en conséquence celles que fournirent les plants croisés du côté opposé ne furent pas comptées. Les capsules qui ne renfermaient pas de bonnes graines furent rejetées. Les plants croisés, dans les deux pots ci-dessus, produisirent 206 capsules et les autofécondés, dans les mêmes pots, 32 seulement, ou comme 100 est à 15. Si nous jugeons d'après les générations antérieures, l'extrême improductivité des plants autofécondés fut complètement due, dans cette expérience, à ce qu'ils furent soumis à des conditions défavorables et à une rigoureuse compétition avec les plants croisés, car s'ils avaient végété séparément dans de bonne terre, il est presque certain qu'ils eussent produit un grand nombre de capsules. Les semences comptées dans vingt capsules des plants croisés donnèrent un chiffre moyen de 24,75, tandis que le même nombre de capsules des plants autofécondés donné comme graines une moyenne de 17,65, nombres qui sont dans la proportion de 100 à 71. Du reste, les semences des plants autofécondés ne furent pas, à beaucoup près, aussi belles que celles des plants croisés. Si nous prenons ensemble le nombre de capsules produites et le chiffre moyen de semences qui y furent contenues, la fécondité des plants croisés fut à celle des plants autofécondés comme 100 est à 11. Par là, nous voyons quel puis-

224 PRIMULA SINENSIS. CHAP. VI

sant effet produit, pour ce qui touche à la fécondité, un croisement entre deux variétés longuement exposées à des conditions diférentes, en comparaison de celui qui résulte de l'autofécondation : la fécondation, dans les deux cas, il faut l'ajouter, avait eu un caractère légitime.

PRIMULA SINENSIS.

La primevère de Chine étant une plante hétérostylée ou dimorphe, comme la primevère commune, on aurait pu s'attendre à ce que les fleurs des deux formes, après féconndation illégitime soit par leur propre pollen, soit par celui des fleurs d'un autre plant de la même forme, eussent donné moins de graines que les fleurs légitimement croisées, et de plus que les semis obtenus par autofécondation illégitime eussent été quelque peu rabougris et moins féconds que les semis obtenus de graines légitimement croisées. La fécondité des fleurs ne démentit pas cette supposition, mais, à la surprise, il n'y eut pas de différence dans l'accroissement entre la descendance de l'union légitime de deux plants distincts et celle de l'union illégitime soit de fleurs de la même plante, soit de deux plantes distinctes de la même forme. Mais j'ai montré dans la note ci-dessus indiquée, qu'en Angleterre cette plante est dans des conditions anormales telles que, jugeant d'après des cas analogues, elles tendraient à rendre un croisement entre deux individus sans bénéfice pour la descendance. Nos plants ont été communément obtenus de semences autoféconées, et les semis ont communément été assujettis à des conditions à peu près uniformes par le maintien des pots dans les serres. Du reste [* contresens : De plus], quelques-uns [* contresens : un grand nombre] de ces plants sont maintenant en état de variation et de changement de caractère de façon à devenir, à un degré plus ou moins élevé, isostylés et par conséquent [* très] féconds par eux-mêmes. D'apès l'analogie que présente P. veris, on peut à peine doutes que si un plant de P. sinensis avait été obtenu directement de Chine et croisé ensuite avec une de nos variétés anglaises, la descendance eût montré une supériorité remarquable en hauteur et en fécondité (mais non pas probablement comme beauté de fleurs) sur nos plants ordinaires.

Ma première expérience consista à féconder plusieurs fleurs des plants soit à long soit à court style avec leur propre pollen, puis d'autres fleurs des mêmes plants avec du pollen pris sur des plants distincts appartenant à la même forme, de sorte que toutes ces unions furent illégitimes. Il n'y eut pas de différence sensibl et uniforme dans le nombre des semences obtenues de ces deux modes d'autofécondation qui furent l'un et l'autre illégitimes. Les deux lots de semences provenant de l'une et de l'autre forme furent semés dru dans des points opposés de quatre pots, et de nombreux semis en

CHAP. VI PRIMULA SINENSIS. 225

vinrent. Il n'y eut pas de différence dans leur accoissement si ce n'est, dans un pot, où la descendance de l'union illégitime de deux plants à long style dépassa d'une manière sensible la descendance des fleurs des mêmes plants fécondées avec leur propre pollen. Mais, dans les quatre autes pots, les plants obtenus de l'union de plantes distinctes appartenant à la même forme, fleurirent avant la descendance des fleurs autofécondées.

On obtint alors de semences achtées quelques plants à long et à court style, et les fleurs des deux formes en furent légitimement croisées avec le pollen d'un pied distinct, tandis que d'autres fleurs des deux formes furent illégitimement fécondées avec le pollen des fleurs de la même plante. On sema les graines dans des points opposés des pots I à IV (tableau suivant XCV) et un seul plant fut laissé dans chaque pot. Plusieurs fleurs des plants illégitimes à court et à long style décrites dans le dernier paragraphe, ayant été aussi légitimement et illégitimement fécondées de la manière que je viens de décrire, leurs semences furent placées dans les pots V à VIII (même tableau). Comme les deux séries de semis ne différèrent pas d'une manière essentielle, leurs mesures sont données en un seul tableau. Je devrais ajouter que les unions légitimes, dans les deux cas, eurent pour résultat de donner, comme on pouvait s'y attendre, beaucoup plus de semences que les illégitimes. Parvenus à moitié développement, ils ne présentèrent aucue différrence en hauteur, des deux côtés, dans plusieurs pots [* contresens : des deux côtés des différents pots (on the two sides of the several pots)]. Après complet développement, ils furent mesurés jusqu'à la pointe de leurs plus longues feuilles et le résultat de ces mensurations est indiqué dans le tableau suivant (XCV).

Dans six pots sur huit, les plants légitimement croisés dépassèrent très-légèrement en hauteur les plants illégitimement autofécondés, mais, dans les deux autres pots, les derniers surpassèrent les premiers d'une manière bien plus marquée [* d'une manière plus marquée ( in a more strongly marked manner)]. La hauteur moyenne des huit plants légitimement croisés est de 0m,226 et celle des huit illégitimement autofécondés de 0m,227, c'est-à-dire comme 100 est à 100,2. Les plants, dans les points opposés, produisirent, autant que l'on peut en juger à simple vue, un nombre égal de fleurs. Je ne comptai ni les capsules ni les semences qu'elles donnèrent, mais indubitablement, si j'en juge par mes [* oubli : nombreuses] observations antérieures, les plantes dérivés des semences légitimement croisées eussent été beaucoup plus fécondes que celles issues des graines illégitimement autofécondées. Comme dans le cas précédent, les plants croisés fleurirent avant les autoféccondés dans tous les pots, excepté dans le pot numéro II où la floraison fur simultané de deux côtés, et cette précocité de floraison doit peut-être être considérée comme un avantage.

226 PRIMULA SINENSIS.    CHAP. VI

TABLE XCV. - Primula sinensis.

Numéros des pots

Plants provenant de semences légitimement croisées

Plants provenant de semences légitimement autofécondées

I.

Provenant d'une

mère à court-style

mètres

0,206

mètres

0,200

II.

Provenant d'une

mère à court-style

0,187

0,215

III.

Provenant d'une

mère à long-style

0,240

0,234

IV.

Provenant d'une

mère à long-style

0,212

0,206

V.

Provenant d'une

mère illégitime à court-style

0,234

0,225

VI.

Provenant d'une

mère illégitime à court-style

0,246

0,237

VII.

Provenant d'une

mère illégitime à long-style

0,212

0,237

VIII.

Provenant d'une

mère illégitime à long-style

0,262

0,250

Total.

1,803

1,806

POLYGONÉES. — FAGOPYRUM ESCULENTUM.

Hildebrand a constaté le premier que cette plante est hétérostylée, c'est-à-dire qu'elle présente comme les espèces du genre Primula deux formes, une à long et l'autre à court style, qui sont adaptées pour la fécondation réciproque. Il s'ensuit que la

CHAP. VI FAGOPYRUM ESCULENTUM. 227

comparaison qui va suivre entre la végétation des semis croisés et des autofécondés n'est pas juste, en ce sens que leur différence en hauteur peut être exclusivement due à la fécondation illégitime des fleurs autofécondées.

J'obtins des semences en croisant légitimement les fleurs des plants à long et à court style et en fécondant d'autres fleurs des deux formes avec le pollen de la même plante. Un beaucoup [* contresens : supprimer 'beaucoup'] plus grand nombre de semences fut obtenu par le premier que par le dernier procédé, et les semences légitimement croisées furent, à nombre égal, plus lourdes que celles illégitimement autofécondées, dans la proportion de 100 à 82. Les semences croisées et les autofécondées provenant de parents à court style, après germination dans le sable, furent placées par paires dans des points opposés d'un grand vase, et deux lots semblables de graines, provenant des parents à long style, furent placés de la même manière dans des points opposés de deux autres vases. Dans tous les trois pots, les semis légitimement croisés parvenus à quelques centimètres de hauteur furent plus grands que les autofécondés ; dans tous ces trois pots aussi, ils fleurirent en avance sur eux de deux ou trois jours. Après complet développement, on les coupa tous à ras de terre, et comme j'étais pressé par le temps, on les plaça en une longue série [* un long rang], la partie coupée d'un plant touchant le sommet de l'autre : la longueur totale des plants légitimement croisés fut de 14m,510, tandis que celle des plants illégitimement autofécondés fut seulement de 9m,960. Donc, la hauteur moyenne des quinze plants croisés dans les trois pots fut de 0m,951, et celle des quinze autofécondés de 0m,654, ou comme 100 est à 69.

XXVIII. CHÉNOPODIACÉES. — BETA VULGARIS.

Un seul plant (aucun autre n'existant dans le même jardin) fut abandonné à l'autofécondation, et les semences autofécondées en furent ramassées. Des graines furent aussi prises sur une autre plante végétant au milieu d'un grand carré dans un autre jardin, et comme le pollen non cohérent est très-abondant, les semences de cette plante doivent presque certainement avoir été le produit d'un croisement entre plants distincts opéré sous l'influence du vent. Quelques-unes des graines des deux lots furent semées dans des points opposés de deux grands pots ; les jeunes semis qui en provinrent furent éclaircis jusqu'à ce qu'il en restât des deux côtés un nombre égal, mais considérable. Ces plants furent ainsi soumis à la fois à une très-rigoureuse compétition et à des conditions trop pauvres [* des conditions pauvres (mais pas 'trop')]. Les graines restant furent semées en plein air dans une bonne terre et sous deux rangées longues, mais non absolument contiguës, de façon que ces semis

228   BETA VULGARIS.   CHAP. VI

furent placés dans des conditions favorables et sans avoir à supporter aucune compétition mutuelle. Les graines autofécondées placées en pleine terre vinrent très-mal : en remuant cette terre en deux ou trois endroits, on trouva qu'elles [* contresens : que beaucoup d'entre elles] avaient germé et qu'elles étaient mortes ensuite. Aucun cas semblable n'avait été observé antérieurement. A cause du grand nombre de semis qui périt de cette façon, les survivants autofécondés furent très-clairsemés dans leur rangée, et eurent ainsi un avantage sur les croisés qui végétèrent très-entassés dans l'autre rangée. Les jeunes plants des deux séries [* des deux rangs] furent protégés pendant l'hiver par une couverture de paille, et ceux qui étaient dans les deux grands pots furent mis en serre.

Dans les pots, il n'y eut pas de différence entre les deux lots jusqu'au printemps suivant, c'est-à-dire jusqu'au moment où ils s'accrurent un peu ; mais alors quelques [* certains] plants croisés furent plus beaux et plus grands que [* tous] les autofécondés. Arrivés à pleine floraison, leurs tiges furent mesurées, et les résultats en sont donnés dans le tableau suivant :

TABLEAU XCVI. — Beta vulgaris.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,868

0,750

0,843

0,862

mètres

0,900

0,503

0,806

0,800

II.

1,059

0,828

0,781

0,825

1,053

0,662

0,731

0,506

Total.

6,816

5,961

La hauteur moyenne des huit plants croisés est ici de 0m,852, et celle des huit autofécondés de 0m,746, ou comme 100 est à 87.

Pour ce qui regarde les plants placés en pleine terre, chaque longue rangée fut divisée en deux, afin d'amoindrir les chances de voir se produire quelque avantage accidentel dans une partie de chaque série, et les quatre plus grands plants dans les deux moitiés des deux rangées furent choisis pour être mesurés. Les huit plus grands plants croisés donnèrent une moyenne de 0m,772, et les huit plus grands autofécondés de 0m,766, c'est-à-dire comme 100 est à 99. [* oubli : Ils furent dont pratiquement égaux.] Mais nous n'oublierons pas que cette expérience fut faussée par ce fait que les plants autofécondés eurent sur les croisés un grand avantage réalisé par le moindre degré d'entassement

CHAP. VI CANNA WARSCEWICZI. 229

dans lequel ils vécurent dans leur rangée, ce qui tient au plus grand nombre de semences qui avait péri en terre après germination. Les lots des deux rangées ne furent pas soumis non plus à une compétition nutuelle quelconque.

XXIX. CANNACÉES. — CANNA WARSCEWICZI.

Dans le plus grand nombre des espèces appartenant à ce genre, le pollen [* oubli : est] répandu avant l'anthèse [* oubli : et] adhère en une masse au pistil foliacé tout près et au-dessous de la surface stigmatique. Comme le bord de cette masse touche généralement le bord du stigmate, et qu'il est établi, par des expériences faites dans ce but, qu'un petit très-nombre [* très-petit nombre] de grains polliniques suffit à la fécondation, on peut admettre que la présente espèce et probablement toutes les autres du même gente sont fortement fécondes par elles-mêmes. Des exceptions se présentent occasionnellement dans celles chez lesquelles, l'étamine étant légèrement plus courte que de coutume, le pollen est déposé un peu au-dessous de la surface stigmatique, et alors ces fleurs tombent non fécondées, à moins qu'elles n'aient reçu une imprégnation artificielle. Quelquefois, mais rarement, l'étamine est un peu plus longue que de coutume, et alors la surface entière du stigmate est fortement recouverte de pollen. Comme généralement une petite quantité de poudre fécondante est mise en contact avec le bord du stigmate, certains auteurs en ont conclu que les fleurs sont invariablement autofécondées. C'est là une conclusion inattendue, car elle implique qu'une grande quantité de pollen est produite inutilement. D'après cette manière de voir aussi, la grande étendue de la surface stigmatique est un trait inintelligenible dans la structure de la fleur aussi bien que la position relative de toutes ses parties : celles-ci sont disposées de telle manière que les insectes dans leurs visites faites en vue de sucer le copieux nectar, ne peuvent manquer de transporter le pollen d'une fleur à l'autre 1 .

D'après Delpino, les abeilles visitent ardemment les fleurs de ce Canna dans le nord de l'Italie ; mais je n'ai jamais vu aucun insecte fréquenter les fleurs de cette espèce dans ma serre

1 Delpino a décrit (Bot. Zeitung, 1867, p. 277 et Scientific Opinion, 1870, p. 135) la structure des fleurs dans ce genre ; mais, au moins pour ce qui touche à la présente espèce, il s'est mépris en pensant que l'autofécondation est impossible. Le docteur Dickie et le professeur Faivre admettent que les fleurs sont fécondées à l'état de bouton et qu'ainsi l'autofécondation est inévitable. Je suppose que ces observateurs ont été induits en erreur par ce fait que le pollen est déposé de très-bonne heure sur le pistil (voir Journal of Linn. Soc. Bot., vol. X, p. 55, et Variabilité des Espèces, 1868, p. 158).

230 CANNA WARSCEWICZI. CHAP. VI

chaude, et cependant j'en eus quelques [* contresens : de nombreux] plants pendant plusieurs années. Quoi qu'il en soit [* Cependant], ces plantes produisaient beaucoup de graines, et elles restèrent très-fécondes après avoir été recouvertes par une gaze ; elles sont donc très-capables d'autofécondation et ont probablement été autofécondées dans ce pays pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations. Comme les plants sont cultivés en pots et ne sont exposés à aucune compétition avec les végétaux environnants, ils se trouvent avoir été aussi assujettis pendant un temps considérable à des conditions quelque peu uniformes. Ce cas forme donc exactement le pendant de celui que présente le pois commun, dans lequel nous n'étions fondés à attendre ni beaucoup ni peu de bien [* nous sommes fondés à n'attendre que peu, voire pas de bien] d'un croisement entre plants de cette [* d'une telle] descendance ainsi traités ; aussi bien ne s'en produisit-il aucun, si ce n'est toutefois que les fleurs fécondées par croisement donnèrent beaucoup plus de graines [* contresens : donnèrent plus de graines (mais pas 'beaucoup plus')] que les autofécondées. Cette espèce (Canna) fut une des premières sur lesquelles j'expérimentai, et comme je n'avais pas alors obtenu des plants autofécondés pendant plusieurs générations successives sous l'influence de conditions uniformes, je ne savais pas et je ne soupçonnais même pas qu'un pareil traitement pût empêcher la production des avantages réalisés par un croisement. Je fus donc très-étonné de voir les plants croisés ne pas pousser plus vigoureusement que les autofécondés ; mais j'obtins [* , et j'obtins] un grand nombre de plants malgré les grandes difficultés que présente cette espèce pour l'expérimentation. Les semences, même celles qui ont longtemps macéré dans l'eau, ne germent pas bien dans le sable seul ; et celles qui furent semées en pots (procédé que je fus forcé d'employer) levèrent à des intervalles de temps très-inégaux ; aussi fut-il difficile d'avoir des [* oubli : paires de] semis exactement du même âge, et beaucoup d'entre eux durent-ils être arrachés et rejetés. Mes expériences furent continuées pendant trois générations successives, et dans chaque génération les plants autofécondés furent de nouveau fécondés directement, leurs premiers progéniteurs dans ce pays ayant été probablement autofécondés pendant plusieurs [* pendant de nombreuses] générations antérieures. Dans chaque génération aussi, les plants croisés furent fécondés avec le pollen d'un autre plant croisé.

Parmi les fleurs qui furent croisées durant [* oubli : les] trois générations prises ensemble, celles qui donnèrent des capsules furent en plus grand nombre [* contresens : une plus grande proportion donnèrent des capsules] que parmi les autofécondées. Les semences furent comptées dans quarante-sept capsules appartenant aux fleurs croisées, qui en continrent une moyenne de 9,95, tandis que quarante-huit capsules issues des fleurs autofécondées n'en eurent en moyenne que 8,45 : ces chiffres sont comme 100 est à 85.

Les semences provenant des fleurs croisées ne furent pas plus lourdes, mais, au contraire, un peu plus légères que celles des fleurs autofécondées ; ce fait fut confirmé à trois reprises diffé-

CHAP. VI CANNA WARSCEWICZI. 231

rentes. Dans une circonstance, je pesai deux cent de ces semences croisées et cent six autofécondées, et le poids relatif d'un égal nombre de graines de ces deux provenances fut comme 100 (pour les croisées) est à 106 [* erreur : 101,5] (pour les autofécondées). Lorsque, avec d'autres plants, les graines autofécondées furent plus lourdes que les croisées, ce résultat parut être dû généralement au petit [* contresens : au plus petit] nombre de graines produites par les fleurs autofécondées, et, par conséquent, à ce qu'elles furent mieux nourries. Mais, dans le cas présent, les semences des capsules croisées furent séparées en deux lots, contenant : 1° celles renfermant quatorze graines et au-dessus ; 2° celles renfermant moins de quatorze graines, et les semences des capsules les plus productives furent les plus lourdes des deux, de sorte que l'explication ci-dessus est complètement en défaut.

Comme le pollen est déposé de très-bonne heure sur le pistil, et généralement en contact immédiat avec le stigmate, quelques fleurs, encore en boutons, furent châtrées lors de mes premières expériences et fécondées avec le pollen d'un plant distinct. D'autres fleurs furent fécondées avec leur propre pollen. Des semences ainsi obtenues, je réussis à élever trois paires seulement de plantes d'un âge égal. Les trois plants croisés eurent en moyenne 0m,820 de haut, et les trois autofécondés 0m,802 ; ils furent donc presque égaux, les croisés ayant seulement un léger avantage. Le même résultat ayant été obtenu dans les trois générations, il serait superflu de donner les hauteurs de tous les plants, et je rapporterai seulement les moyennes.

En vue d'obtenir des plants croisés et autofécondés de la deuxième génération, quelques fleurs portées par les plants croisés ci-dessus furent croisées, [* oubli : dans les] vingt-quatre heures après leur épanouissement, avec le pollen d'un plant distinct ; ce laps de temps ne fut probablement pas trop grand pour permettre à la fécondation croisée d'être efficace. Quelques fleurs des plants autofécondés de la dernière génération furent aussi autofécondées. Dans ces deux lots de graines, dix plants croisés et dix [erreur : douze] autres autofécondés du même âge furent obtenus et mesurés après complet développement. Les croisés mesurèrent 0m,923 de haut, et les autofécondés 0m,935 : donc, ici encore les deux lots furent à peu près égaux, un léger avantage restant cependant aux autofécondés.

Pour avoir les plants de la troisième génération, un meilleur procédé fut employé : des fleurs furent choisies parmi celles dont l'étamine, trop courte pour atteindre les stigmates, ne permet pas l'autofécondation. Ces fleurs furent croisées avec le pollen d'un pied distinct. Des fleurs appartenant aux plants autofécondés de la deuxième génération furent de nouveau directe-

232 ZEA MAÏS.   CHAP. VI

ment fécondées [* autofécondées]. Avec les deux lots de semences ainsi obtenues, on fit lever dans quatorze grands pots, vingt et un plants croisés et dix-neuf autofécondés du même âge formant la troisième génération. Arrivés à parfait [* contresens : complet] développement, ces plants furent mesurés, et, par un singulier hasard, la hauteur moyenne des deux lots fut exactement pareille, c'est-à-dire de 0m,899, de façon que ni d'un côté ni de l'autre il n'y eut le moindre avantage. Pour confirmer ce résultat, tous les plants des deux côtés, dans dix pots sur quatorze, furent coupés à ras de terre après floraison, et, l'année suivante, les tiges furent mesurées de nouveau : cette fois les plants croisés surpassèrent légèrement (0m,041) les autofécondés. On les coupa encore, et, au moment de leur troisième floraison, les plants autofécondés avaient un léger avantage (0m,038) sur les croisés. Ainsi se trouva confirmé le résultat acquis avec ces plantes pendant les expériences précédentes, à savoir qu'aucun des deux lots n'eut d'avantage marqué sur l'autre. Il est bon, du reste [* contresens : toutefois], de mentionner que les plants autofécondés montrèrent quelque tendance à fleurir avant les croisés : ce fait se produisit dans les trois paires de plantes de la première génération, mais [* contresens : et], pour les plants coupés de la troisième génération, un sujet autofécondé fleurit le premier dans neuf pots sur douze, tandis que dans les trois autres pots, un sujet croisé entra le premier en floraison.

Si nous prenons ensemble toutes les plants des trois générations, nous voyons que les trente-quatre croisés eurent en moyenne 0m,898 de haut et que les trente-quatre autofécondés mesurèrent 0m,909, chiffres qui sont comme 100 est à 101. Nous pouvons donc conclure que les deux lots ont possédé un égal pouvoir de végétation, et c'est là, je crois, le résultat de l'autofécondation longtemps continuée, qui ajoutée à l'action de conditions semblables maintenues dans chaque génération, a finalement conduit les individus à acquérir une constitution très-rapprochée.

XXX. GRAMINÉES. — ZEA MAIS.

Cette plante est monoïque ; elle fut choisie pour l'expérimentation à cause de cette particularité, aucune autre plante semblable n'ayant été jusqu'ici expérimentée 1 . Elle est aussi anémophile, c'est-à-dire fécondée par le vent, et parmi les plantes

1 Hildebrand fait remarquer que cette espèce paraît, à première vue, adaptée pour l'autofécondation, parce que les fleurs mâles sont au-dessus des fleurs femelles ; mais, en réalité, elle a généralement besoin d'être fécondée par le pollen d'une autre plante, parce que les fleurs mâles laissent choir leur pollen avant la maturité des ovaires. (Monatsbericht der K. Akad., Berlin, octobre 1872, p. 743.)

CHAP. VI ZEA MAÏS. 233

douées de cette propriété l'expérimentation n'avait porté jusqu'ici que sur la betterave commune. Quelques plants furent obtenus dans la serre et croisés avec du pollen pris sur un pied distinct ; de plus un plant unique, placé séparément dans une autre partie de la serre, fut disposé pour se féconder lui-même spontanément. Les graines ainsi obtenues ayant été mises dans du sable humide, quand elles eurent germé par paires d'âge égal, on les plaça dans des points opposés de quatre très-grands pots, et néanmoins elles y furent considérablement entassées. On conserva les pots dans la serre [* oubli : (serre) chaude]. Les mesures des plants ne furent prises, jusqu'à la pointe de leurs feuilles, comme c'est indiqué dans le tableau suivant, que lorsqu'ils eurent atteint 0m,30 à 0m,60 de haut.

TABLEAU XCVII. — Zea maïs.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

0,587

0,300

0,525

mètres

0,434

0,509

0,500

II.

0,550

0,478

0,537

0,500

0,459

0,475

III.

0,553

0,509

0,456

0,540

0,581

0,465

0,381

0,412

0,450

0,406

IV.

0,525

0,553

0,575

0,300

0,450

0,318

0,387

0,450

Total.

7,572

6,590

Les quinze plants croisés ont ici en moyenne 0m,509 et les quinze autofécondés 0m,438 de haut, c'est-à-dire comme 100 à 87. M. Galton a donné, d'après la méthode décrite dans mon chapitre d'introduction, une représentation graphique des mesures ci-dessus et a ajouté la qualification « très-bonnes » aux courbes ainsi formées.

Après peu de temps, un des plants croisés du pot I mourut, un autre devint malade et rabougri, un troisième enfin n'atteignit jamais tout son développement. Ils parurent tous avoir été endommagés, peut-être par quelques larves qui rongèrent leurs

234 PHALARIS CANARIENSIS. CHAP. VI

racines. Tous les plants des deux côtés [* oubli : de ce pot] furent donc écartés des mensurations suivantes. Parvenus à complet développement, les plants furent mesurés de nouveau jusqu'à la pointe de leurs plus hautes feuilles : les onze croisés donnèrent alors une moyenne de 1m,702 et les autofécondés de 1m,558, ou comme 100 est à 91. Dans tous les quatre pots, un plant croisé fleurit avant chaque autofécondé, mais trois des plants ne fleurirent pas du tout. Ceux qui arrivèrent à floraison furent [* oubli : aussi] mesurés jusqu'au sommet de leurs fleurs mâles ; les dix plants croisés avaient en moyenne 1m,662 de haut et les neuf autofécondés 1m,539, ou comme 100 est à 93.

Les mêmes graines croisées et les autofécondées furent semées en grand nombre, au milieu de l'été, sous deux longues rangées, en pleine terre. Les plants autofécondés produisirent beaucoup moins de fleurs que les croisés, mais là où la floraison se produisit elle fut simultanée. Après complet développement, les dix plus grands plants dans chaque série [* rang] furent choisis et mesurés à la fois, [* contresens : mesurés, à la fois] jusqu'à la pointe de leurs plus hautes feuilles et jusqu'au sommet de leurs fleurs mâles. Les plant croisés avaient, en hauteur moyenne, jusqu'à la pointe de leurs feuilles, 1m,350, et les autofécondés 1m,117, c'est-à-dire comme 100 est à 83 : mesurés jusqu'au sommet de leurs fleurs mâles, ils donnèrent en moyenne 1m,348 et 1m,087, ou comme 100 est à 80.

PHALARIS CANARIENSIS.

Hildebrand a montré, dans la note [* (p. 232)] à laquelle il a été fait allusion pour l'espèce précédente, que cette graminée hermaphrodite est mieux adaptée pour la fécondation croisée que pour l'autofécondation. Plusieurs plants furent obtenus très-rapprochés dans la serre et les fleurs en furent mutuellement entre-croisées. On recueillit du pollen d'un seul plant vivant séparément et on le plaça sur les stigmates de ce même plant. Les semences qui en provinrent furent autofécondées, puisqu'elles avaient été imprégnées par le pollen de la même plante, mais elles peuvent aussi, par pur hasard, avoir reçu le pollen de la même fleur [* des mêmes fleurs]. Les deux lots de graines après germination dans le sable, furent placés par paires dans des points opposés de quatre pots qui restèrent dans la serre. Quand les plants eurent un peu au-dessus d'un pied (0m,305), leur mesure fut prise : les plants croisés donnèrent en moyenne 0m,334 et les autofécondés 0m,307, c'est-à-dire comme 100 est à 92.

Arrivés à complète floraison, les plants furent mesurés de nouveau jusqu'à l'extrémité de leurs chaumes, comme c'est indiqué dans le tableau suivant :

CHAP. VI PHALARIS CANARIENSIS. 235

TABLEAU XCVIII. — Phalaris canariensis.

Numéros des pots

Plants croisés

Plants autofécondés

I.

mètres

1,056

0,993

mètres

1,031

1,137

II.

0,925

1,237

0,725

0,925

0,793

0,931

1,059

0,871

III.

0,943

0,887

1,075

0,700

0,700

0,850

IV.

1,006

0,925

0,878

0,862

Total.

10,700

9,815

Les onze plants croisés eurent alors en hauteur moyenne 0m,970 et les onze autofécondés 0m,891 ; chiffres qui sont comme 100 est à 92, ce qui constitue la même proportion que dans la précédente mensuration. Différant en cela d'avec le cas du maïs, les plants croisés ne fleurirent pas avant les autofécondés : et quoique les deux lots aient donné très-peu de fleurs ([* parce qu'] ils avaient été conservés en pots dans la serre), cependant les plants autofécondés portèrent 28 têtes florales tandis que les croisés en eurent 20 seulement !

TABLEAU XCIX. — Phalaris canariensis (végétant en pleine terre).

Plants croisés

les douze plus grands

Plants autofécondés

les douze plus grands

0,853

0,896

0,900

0,890

0,890

0,903

0,918

0,968

0,956

0,890

0,853

0,865

0,881

0,775

0,825

0,800

0,790

0,900

0,825

0,800

0,878

0,840

0,856

0,875

10,737

10,050

236 PHALARIS CANARIENSIS. CHAP. VI

Deux longues séries [* Deux longs rangs] des mêmes graines furent semées en plein air et on prit soin qu'elles y fussent [* oubli : semées] en nombre égal, mais une plus grande quantité de croisées que d'autofécondées donna des plantes. Les plants autofécondés ne furent donc pas entassés au même degré que les croisés, et eurent ainsi un avantage sur ces derniers. Arrivés à pleine floraison, les douze plus grands plants furent choisis avec grand soin dans les deux séries [* rangs] et mesurés comme c'est indiqué dans le tableau XCIX.

Les douze plants croisés mesurent ici en moyenne 0,893 et les douze autofécondés 0,837 : c'est-à-dire comme 100 est à 93. Dans ce cas, les plants croisés fleurirent avant les autofécondés et différèrent ainsi de ceux qui vécurent en pots.

____________________

[page break]

CHAPITRE VII.

Résumé sur la hauteur et le poids des plantes croisées

et des autofécondées.

Nombre des espèces et des plants mesurés. — Tableaux. — Remarques préliminaires sur la descendance des plants croisés par un rameau nouveau. — Examen spécial de treize cas. — Effets du croisement d'un plant autofécondé, soit par un autre plant autofécondé, soit par un plant entre-croisé de la vieille souche. — Résumé des résultats. — Remarques préliminaires sur les plants croisés et autofécondés de la même souche. — Examen de trente-six cas exceptionnels dans lesquels les plants croisés ne surpassèrent pas de beaucoup en hauteur les autofécondés. — Ces cas, en majorité, sont démontrés ne pas constituer des exceptions réelles à la règle qui veut que la fécondation croisée soit favorable. — Résumé des résultats. — Poids relatifs des plants croisés et autofécondés.

Les détails que j'ai donnés à propos de chaque espèce sont si nombreux et si compliqués qu'il est nécessaire d'en présenter les résultats sous forme de tableaux. Dans le tableau A, on a porté le nombre des plants de chaque espèce qui furent obtenus d'un croisement entre deux individus de la même souche provenant de semences autofécondées, ainsi que leurs hauteurs moyennes. Dans la colonne de droite, est indiquée la proportion entre la hauteur moyenne des plants croisés et celle des plants autofécondés, les premiers étant représentés par le chiffre 100. Afin de rendre ces propositions plus claires, il est bon de prendre un exemple. Dans la première génération de l'Ipomœa, six plants provenant d'un croisement entre deux pieds ayant été mesurés, leur hauteur moyenne fut de 2m, 150 ; six plants dérivés des fleurs du même générateur fécondées avec leur

238 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.  CHAP. VII

propre pollen avant été mesurés, leur hauteur moyenne fut de lm,643. Il s'ensuit que, comme c'est indiqué dans la colonne de droite, si l'on représente la hauteur moyenne des plants croisés par le chiffre 100, celle des plants autofécondés sera de 76. Le même procédé est appliqué à toutes les autres espèces.

Les plants croisés et les autofécondés furent généralement cultivés en compétition avec d'autres sujets et toujours au milieu de conditions aussi semblables que possible. Du reste [* contresens : Cependant], ils furent quelquefois obtenus en pleine terre et en rangées séparées. Dans plusieurs espèces, les plants croisés furent croisés à nouveau et les plants autofécondés furent de nouveau fécondés par eux-mêmes : on mesura les générations successives ainsi obtenues comme c'est indiqué dans le tableau A. En raison de cette manière de procéder, les plants croisés devinrent, dans les dernières générations, d'une parenté plus ou moins étroite.

Dans le tableau B, les poids relatifs des plants croisés et des autofécondés, coupés après floraison, sont donnés dans les quelques cas où ces poids furent déterminés. Ces résultats sont, je pense, plus frappants et d'une plus grande valeur, au point de vue de la vigueur constitutionnelle, que ceux déduits de la hauteur relative des plants.

Le tableau C est le plus important, car il renferme la hauteur relative, le poids et la fécondité [* contresens : la hauteur, le poids et la fécondité relatifs] des plants obtenus de parents croisés par un rameau nouveau (c'est-à-dire, par des plants non-alliés vivant dans des conditions différentes) ou par une sous-variété distincte, le tout comparé avec les mêmes propriétés dans les plants autofécondés ou, dans quelques cas, avec celles de la même vieille souche entre-croisée durant plusieurs générations. La fécondité relative des plants de ce tableau et d'autres encore sera plus complètement examinée dans un des chapitres suivants.

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 239

TABLEAU A.

Poids relatifs des plantes provenant de parents soit croisés avec le

pollen d'autres plants de la même souche, soit autofécondés.

NOMS DES PLANTES

Nombre des plants croisés mesurés

Hauteur moyenne en mètres des plants croisés

Nombre des plants auto-fécondés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres

des plants autofécondés

Hauteur moyenne des plants croisés comparée à celle des autofécondés, les premiers sont indiqués par le chiffre 100

Ipomœa purpurea, 1regénération........

Ipomœa purpurea, 2egénération.........

Ipomœa purpurea, 3egénération.........

Ipomœa purpurea, 4egénération.........

Ipomœa purpurea, 5egénération.........

Ipomœa purpurea, 6egénération.........

Ipomœa purpurea, 7egénération.........

Ipomœa purpurea, 8egénération.........

Ipomœa purpurea, 9egénération.........

Ipomœa purpurea,10egénération.......

Ipomœa purpurea, nombreet

hauteur moyenne de tous les plants des dix générations..............

Mimulus luteus, trois premières

générations, avant l'apparition de la variété nouvelle et plus grande..

Digitalis purpurea..............................

Calceolaria (variété commune de

serre)..............................................

Linaria vulgaris..................................

Verbascum thapsus.............................

Vandellia nummularifolia, plants

croisés et autofécondés obtenus de fleurs parfaites...............................

Vandellia nummularifolia, plants

croisés et autofécondés obtenus de fleurs parfaites : seconde expérience, plants entassés............

6

6

6

7

6

6

9

8

14

5

73

10

16

1

3

6

20

24

2,150

2,106

1,935

1,744

2,063

2,187

2,099

2,831

2,034

2,342

2,126

0,205

1,283

0,487

0,177

1,583

0,107

0,085

6

6

6

7

6

6

9

8

14

5

73

10

8

1

3

6

20

24

1,641

1,658

1,320

1,504

1,558

1,579

1,706

2,416

1,601

1,260

1,651

0,132

0,897

0,375

0,143

1,412

0,106

0,084

comme 100 est à 76

— — 79

— — 68

— — 86

— — 75

— — 72

— — 81

— — 85

— — 79

— — 54

— — 77

— — 65

— — 70

— — 77

— — 81

— — 86

— — 99

— — 94

240 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.  CHAP. VII

TABLEAU A. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

Nombre des plants croisés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres des plants croisés

Nombre des plants auto-fécondés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres

des plants autofécondés

Hauteur moyenne des plants croisés comparée à celle des autofécondés, les premiers sont pris comme 100

Vandellia nummularifolia, plants

croisés obtenus de fleurs parfaites, et plants autofécondés obtenus de fleurscléistogènes.......................

Gesneria pendulina.......................

Salvia coccinea..............................

Origanum vulgare..........................

Thunbergia alata...........................

Brassica oleracea..........................

Iberis umbellata, les plants

autofécondés de la 3egénération...

Papaver vagum..............................

Eschscholtzia californica, rameau

anglais, 1regénération...............

Eschscholtzia californica, rameau

anglais, 2egénération................

Eschscholtzia californica, rameau

brésilien, 1regénération.............

Eschscholtzia californica, rameau

brésilien, 1regénération.............

Eschscholtzia californica, hauteur

moyenne et nombre de tous les plants.........................................

Reseda lutea, végétant en pots.......

Reseda lutea, végétant en pleine

terre...........................................

Reseda odorata, semences

autofécondées provenant d'un plant fortement fertile par lui-même, végétant en pots.............

Reseda odorata, semences

autofécondées provenant d'un plant fortement fertile par lui-même, végétant en pleine terre...........................................

Reseda odorata, semences

autofécondées provenant

20

8

6

4

6

9

7

15

4

11

14

18

47

24

8

19

8

0,107

0,802

0,696

0,500

1,500

1,026

0,478

0,545

0,741

0,812

1,114

1,083

1,000

0,433

0,701

0,686

0,643

20

8

6

4

6

9

7

15

4

11

14

19

48

24

8

19

8

0,101

0,729

0,529

0,428

1,625

0,975

0,408

0,488

0,638

0,820

1,128

1,257

1,067

0,365

0,579

0,562

0,676

comme 100 est à 94

— — 90

— — 76

— — 86

— — 108

— — 95

— — 86

— — 89

— — 86

— — 101

— — 101

— — 116

— — 107

— — 85

— — 82

— — 82

— — 105

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 241

TABLEAU A. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

Nombre des plants croisés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres des plants croisés

Nombre des plants auto-fécondés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres

des plants autofécondés

Hauteur moyenne des plants croisés comparée à celle des autofécondés, les premiers sont pris comme 100

d'un plant à demi autostérile, vivant en pots............................

Reseda odorata, semences

autofécondées provenant d'un plant à demi autostérile, végétant en pleine terre................................

Viola tricolor.......................................

Adonis aestivalis.................................

Delphinium consolida.........................

Viscaria oculata..................................

Dianthus caryophyllus, pleine

terre, environ.................................

Dianthus caryophyllus, 2e

génération, entassée en pots..........

[* les mesures correspondantes ont été oubliées et remplacées par celles de la 3e génération dont le titre a été oublié]

[* oublié : Dianthus caryophyllus,

3e génération, en pots....................]

Dianthus caryophyllus,

descendance de plants de la 3egénération autofécondée croisés avec des plants entre-croisés de la 3egénération, comparée avec les plants de la 4egénération autofécondée..................................

Dianthus caryophyllus, nombre et

hauteur moyenne de tous les plants.............................................

Hibiscus africanus..............................

Pelargonium zonale............................

Tropæolumminus...............................

Limnanthes douglasii.........................

Lupinus luteus, 2egénération..............

Lupinus pilosus, plants de deux

générations.....................................

Phaseolus multiflorus.........................

Pisum sativum.....................................

Sarothamnus scoparius, petits semis..

Sarothamnus scoparius, les 3

survivants de chaque côté, après trois ans de végétation...................

Ononis minutissima............................

Clarkia elegans...................................

20

8

14

4

6

15

6 ?

[* oubli : 2]

8

15

31

4

7

8

16

8

2

5

4

6

2

4

0,749

0,648

0,138

0,356

0,373

0,862

0,700 ?

[* oubli : 0,418 (16,75 pouces)]

0,709

0,700

0,684

0,331

0,559

1,461

0,436

0,770

0,875

2,150

0,865

0,073

0,473

0,473

0,837

20

8

14

4

6

15

6 ?

[* oubli : 2]

8

10

26

4

7

8

16

8

3

5

4

6

2

4

0,693

0,587

0,059

0,357

0,312

0,838

0,600 ?

[* oubli : 24,375 (9,75 pouces)]

0,705

0,663

0,633

0,361

0,416

1,150

0,346

0,630

0,762

2,058

0,992

0,033

0,296

0,434

0,961

comme 100 est à 92

— — 90

— — 42

— — 100

— — 84

— — 97

— — 86

[* oubli :

— — 58]

— — 99

— — 95

— — 92

— — 109

— — 74

— — 79

— — 79

— — 82

— — 86

— — 96

— — 115

— — 46

— — 63

— — 88

— — 82

242 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.  CHAP. VII

TABLEAU A. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

Nombre des plants croisés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres des plants croisés

Nombre des plants auto-fécondés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres

des plants autofécondés

Hauteur moyenne des plants croisés comparée à celle des autofécondés, les premiers sont pris comme 100

Bartonia aurea...............................

Passiflora gracilis.........................

Apium petroselinum.......................

Scabiosa atro-purpurea.................

Lactuca sativa, plants de deux

générations................................

Specularia speculum......................

Lobelia ramosa, 1egénération.......

Lobelia ramosa, 2egénération.......

Lobelia fulgens, 1egénération.......

Lobelia fulgens, 2egénération.......

Nemophila insignis, à moitié

croissance..................................

Nemophila insignis, croissance

complète....................................

Borrago officinalis.........................

Nolana prostrata............................

Petunia violacea, 1egénération.....

Petunia violacea, 2egénération.....

Petunia violacea, 3egénération.....

Petunia violacea, 4egénération.....

Petunia violacea, 4egénération,

de parents distincts....................

Petunia violacea, 5egénération.....

Petunia violacea, 5egénération,

pleine terre................................

Petunia violacea, nombre et

hauteur moyenne de tous les plants en pots............................

Nicotiana tabacum, 1egénération..

Nicotiana tabacum, 2egénération..

Nicotiana tabacum, 3egénération..

8

2

?

4

7

4

4

3

2

23

12

4

5

5

4

8

15

13

22

10

67

4

9

7

0,615

1,225

non mesurés

0,428

0,486

0,482

0,556

0,583

0,868

0,746

0,277

0,832

0,517

0,318

0,770

0,112

1,023

1,170

1,118

1,353

0,956

1,163

0,462

1,346

2,381

8

2

?

4

6

4

4

3

2

23

12

4

5

5

6

8

14

13

21

10

67

4

7

7

0,657

1,275

non mesurés

0,383

0,400

0,473

0,459

0,475

1,106

0,678

0,136

0,497

0,529

0,335

0,650

0,656

1,347

0,809

0,672

0,831

0,582

0,828

0,818

0,294

1,990

comme 100 est à 107

— — 104

— — 100

— — 90

— — 82

— — 98

— — 82

— — 81

— — 127

— — 91

— — 49

— — 60

— — 102

— — 105

— — 84

— — 65

— — 131

— — 69

— — 60

— — 61

— — 61

— — 71

— — 178

— — 96

— — 83

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 243

TABLEAU A. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

Nombre des plants croisés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres des plants croisés

Nombre des plants auto-fécondés mesurés

Hauteur moyenne

en mètres

des plants autofécondés

Hauteur moyenne des plants croisés comparée à celle des autofécondés, les premiers sont pris comme 100

Nicotiana tabacum, 3egénération

mais issue d'un plant distinct.........

Nicotiana tabacum, nombre et

hauteur moyenne de tous les plants.............................................

Cyclamen persicum.............................

Anagallis collina.................................

Primula sinensis, espèce

dimorphe........................................

Fagopyrum esculentum, espèce

dimorphe........................................

Beta vulgaris, en pots.........................

Beta vulgaris, en pleine terre..............

Canna warscewiczi, plants de

trois générations............................

Zea mays, en pots, mesurés

pendant leur jeunesse jusqu'à la pointe de leurs feuilles...................

Zea mays, parvenus à complet

développement après la mort de quelques sujets, mesurés jusqu'au sommet des feuilles......................

Zea mays, parvenus à complet

développement après la mort de quelques sujets, mesurés jusqu'au sommet des inflorescences............

Zea mays, en pleine terre, mesurés

jusqu'à la pointe de leurs feuilles...........................................

Zea mays, végétant en pleine

terre, mesurés jusqu'au sommet de leurs fleurs.....................................

Phalaris canariensis, en pots.............

Phalaris canariensis, en pleine terre..

7

27

8

6

8

15

8

8

34

15

10

11

12

1,769

1,587

0,237

1,055

0,225

0,950

0,000

0,773

0,899

0,505

1,662

0,000

1,350

1,349

0,972

0,893

7 [* 9]

27

8 ?

6

8

15

8

8

34

15

10

11

12

1,782

1,531

0,187

0,833

0,226

0,653

0,000

0,767

0,910

0,439

1,540

0,000

1,113

1,086

0,891

0,837

comme 100 est à 101

— — 96

— — 79

— — 69

— — 100

— — 69

— — 87

— — 99

— — 101

— — 87

— — 91

— — 93

— — 83

— — 80

— — 92

— — 93

244 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.  CHAP. VII

TABLEAU B.

Poids relatifs des plants autofécondés et des plants issus de parents

coisés avec le pollen de plants distincts du même rameau.

NOMS DES PLANTES.

Nombre des plants croisés

Nombre des plants autofécondés

Poids des plants croisés, pris comme 100

Ipomœapurpurea, plants de la 10e

génération.................................................

Vandellia nummularifolia, 1e

génération.................................................

Brassica oleracea, 1egénération...................

Eschscholtzia californica, plants de

la 2e génération........................................

Reseda lutea, 1egénération, en pots..............

Reseda lutea, 1egénération, en pleine

terre...........................................................

Reseda odorata, 1egénération,

provenant d'un plant fortement fertile par lui-même, végétant en pots.......................

Reseda odorata, 1egénération,

provenant d'un plant à demi autostérile, végétant en pots........................................

Dianthus caryophyllus, plants de la 3e

génération.................................................

Petunia violacea, plants de la 5e

génération, en pots....................................

Petunia violacea, plants de la 5e

génération,en pleine terre........................

6

41

9

19

24

8

19

20

8

22

10

6

41

9

19

24

8

19

20

8

21

10

comme 100 est à 44

— — 97

— — 37

— — 118

— — 21

— — 40

— — 67

— — 99

— — 49

— — 22

— — 36

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 245

TABLEAU C. — Hauteurs relatives, poids et fécondité des plants issus

de parents croisés par un rameau nouveau, et de parents ou autofécondés

ou entre-croisés avec des plants du même rameau.

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Ipomœa purpurea,

descendance de plants entre-croisés durant 9 générations et ensuite croisés par un rameau nouveau, comparée avec les plants de la 10egénération........

Ipomœa purpurea, descendance

de plants entre-croisés pendant 9 géntionssuccessives et croisés ensuite par un rameau nouveau, comparée comme fécondité aux plants de la 10egénération entre-croisée............

Mimulus luteus, descendance

de plants autofécondés pendant 8 générations et ensuite croisés par un rameau nouveau, comparée avec les plants de la 9egénération autofécondée.......

Mimulus luteus, descendance

de plants autofécondés pendant 8 générations et ensuite croisés par un rameau nouveau, comparée comme fécondité avec les plants de la 9egénération autofécondée...........

Mimulus luteus, descendance

de plants autofécondés pendant 8 générations et ensuite croisés par un rameau nouveau, comparée à la descendance d'un plant autofécondé pendant 8 générations et ensuite entre-croisé avec un autre plant autofécondé de la même génération.................................

19

28

28

2,100

0,540

0,541

19

19

27

1,624

0,261

0,305

comme 100 est à 78

— — 51

— — 52

— — 3

— — 56

246 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Mimulus luteus, descendance

de plants autofécondés pendant 8 générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée comme fécondité à la descendance d'un plant autofécondé pendant huit générations, puis entre-croisé avec un autre plant autofécondé de la même génération..................

Brassica oleracea,

descendance de plants autofécondés pendant 2 générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme poids, aux plants de la 3egénération autofécondée...............

Iberis umbellata,

descendance issue d'une variété anglaise croisée par une variété algérienne légèrement diférente, comparée à la descendance autofécondée de la variété anglaise..........................................

Iberis umbellata,

descendance d'une variété anglaise croisée par une variété algérienne légèrement diférente, comparée à la descendance autofécondée de la variété anglaise, au point de vue de la fécondité........................................

Eschscholtzia californica,

descendance d'une branche brésilienne avec une branche anglaise, comparée aux plants du rameau brésilien de la 2egénération autofécondée................

6

30

19

0,433

1,148

6

29

19

0,387

1,257

comme 100 est à 4

— — 22

— — 89

— — 109

— — 75

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 247

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Eschscholtzia californica,

descendance d'une branche brésilienne, croisée par une branche anglaise, comparée, comme poids, aux plants du rameau brésilien de la 2egénération autofécondée...............

Eschscholtzia californica,

descendanced'un rameau brésilien croisé par un rameau anglais, comparée avec les plants de souche brésilienne de la 2egénération au point de vue de la fécondité........................................

Eschscholtzia californica,

descendanced'un rameau brésilien croisé par un rameau anglais, comparée comme hauteur aux plants du rameau brésilien de la 2egénération entre-croisée........

Eschscholtzia californica,

descendanced'un rameau brésilien croisé avec un rameau anglais, comparée, comme poids, aux plants du rameau brésilien de la 2egénération entre-croisée........

Eschscholtzia californica,

descendanced'un rameau brésilien croisé avec un rameau anglais, comparée aux plants du rameau brésilien de la 2egénération [* entre-croisée], comme fécondité...........................

19

1,148

18

1,084

comme 100 est à 118

comme 100 est à 40

— — 94

— — 100

— — 45

248 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.  CHAP. VII

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Dianthus caryophyllus,

descendance de plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés avec un rameau nouveau, comparée aux plants de la 4egénération autofécondée.............................

Dianthus caryophyllus,

descendance de plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés avec un rameau nouveau, comparée, comme fécondité, avec les plants de la 4egénération autofécondée.............................

Dianthus caryophyllus,

descendance de plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée à la descendance des plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés avec des plants de la 3egénération autofécondée.............................

Dianthus caryophyllus,

descendance de plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée au point de vue de la fécondité à la descendance des plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés par les plants de la 3egénération entre-croisée.......................................

16

16

0,821

0,820

10

15

0,663

0,700

comme 100 est à 81

— — 33

— — 85

— — 45

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 249

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Pisum sativum, descendance

d'un croisement entre deux variétés très-rapprochées, comparée avec la descendance autofécondée d'une des variétés ou avec les plants entre-croisés du même rameau.......................

Lathyrus odoratus, descendance

de deux variétés différant seulement par la couleur de leurs fleurs, comparée à la descendance autofécondée de l'une des variétés : à la 1egénération..................................

Lathyrus odoratus, descendance

de deux variétés différant seulement par la couleur de leurs fleurs, comparée à la descendance autofécondée de l'une des variétés : à la 2egénération..................................

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme hauteur, aux plants de la 5egénération autofécondée..............................

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme poids, aux plants de la 5egénération autofécondée..............................

?

2

6

21

1,981

1,573

1,250

?

2

6

21

1,593

1,383

0,831

comme 60 est à 75

— 100 — 80

— — 88

— — 66

— — 23

250 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.  CHAP. VII

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme hauteur, aux plants de la 3egénération autofécondée, végétant en pleine terre.................................

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme poids, aux plants de la 5egénération autofécondée, végétant en pleine terre.................................

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme hauteur, aux plants de la 5egénération entre-croisée........................................

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme hauteur, aux plants de la 5egénération entre-croisée........................................

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme poids, aux plants de la 5egénération entre-croisée........................................

10

21

0,917

1,250

10

22

0,582

1,353

comme 100 est à 63

— — 53

— — 46

— — 108

— — 101

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 251

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Petunia violacea, descendance

de plants autofécondés pendant 4 génér., puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme hauteur, aux plants de la 5egénération entre-croisée, vivant en pleine terre.................

P. violacea, descendance de

plants autofécondés pendant 4 générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme poids, aux plants de la 5egénération entre-croisée, vivant en pleine terre.................

P. violacea, descendance de

plants autofécondés pendant 4 générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée, comme fécondité, aux plants de la 5egénération entre-croisée, végétant en pleine terre..............

Nicotiana tabacum,

descendance de plants autofécondés pendant trois générations, puis croisés par une variété légèrement différente, comparée, en hauteur, aux plants de la 4egénération autofécondée, végétant en pots sans être trop entassée......................................

N. tabacum, descendance de

plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés par une variété légèrement différente, comparée, en hauteur, aux plants de la 4egénération autofécondée, végétant en pots sans y être trop entassée [* contresens : végétant très entassés en pots]...

10

26

12

0,917

1,582

0,793

10

26

12

0,956

1,041

0,430

comme 100 est à 104

— — 146

— — 54

— — 66

— — 54

252 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Nicotiana tabacum,

descendance de plants autofécondés pendant 3 générations, puis croisés par une variété légèrement différente, comparée, comme poids, aux plants de la 4egénération autofécondée, végétant en pots sans y être trop entassée [* contresens : végétant très entassés en pots]......................................

Nicotianatabacum,

descendance de plants autofécondés pendant trois générations, puis croisés avec une variété légèrement différente, comparée, en hauteur, aux plants de la 4egénération autofécondée, végétant en pleine terre.........

Nicotianatabacum,

descendance de plaants autofécondés pendant trois générations, puis croisés par une variété légèrement différente, comparée, en poids, aux plants de la 4egénération autofécondée, en pleine terre............................

Anagalliscollina,

descendance d'une variété rouge croisée par une bleue, comparée avec la descendance autofécondée de la variété rouge.................

Anagalliscollina, descendance

d'une variété rouge croisée par une bleue, comparée, comme fécondité, avec la descendance autofécondée de la variété rouge.................

20

3

1,218

27.62

20

3

0,880

18.21

comme 100 est à 37

— — 72

— — 63

— — 66

— — 6

CHAP. VII RÉSUMÉ DES MENSURATIONS. 253

TABLEAU C. — (Suite.)

NOMS DES PLANTES

ET

NATURE DES EXPÉRIENCES

Nombre des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Nombre des plants provenant

de parents autofécondés ou

entre-croisés du même rameau

Hauteur moyenne en mètres

et poids

Hauteur, poids et fécondité des plants provenant d'un croisement avec un rameau nouveau, pris comme 100

Primula veris, descendance de

plants à longs styles de la 3egénération illégitime croisée par un rameau nouveau, comparée aux plants de la 4egénération illégitime et autofécondée.........................

Primula veris, descendance de

plants à longs styles de la 3egénération illégitime croisée par un rameau nouveau, comparée, comme fécondité, aux plants de la 4egénération illégitime et autofécondée.........................

Primula veris, descendance de

plants à longs styles de la 3egénération illégitime, croisée par un rameau nouveau, comparée, comme fécondité, aux plants de la 4egénération illégitime et autofécondée, l'année suivante.................................

Primula veris (variété isostylée

et à fleurs rouges) - descendancede plants autofécondés pendant deux générations, puis croisés par une variété différente, comparée aux plants de la 3egénération.............................

Primula veris (variété isostylée

et à fleurs rouges) - descendancede plants autofécondés pendant deux générations, puis croisés par une variété différente, comparée, comme fécondité, aux plants de la 3egénération autofécondée.......

8

3

0,176

0,216

8

3

0,081

0,183

comme 100 est à 46

— — 5

— — 3,5

— — 85

— — 11

254 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

Ces trois tableaux contiennent les mesures de cinquante-sept espèces de plantes appartenant à cinquante-deux genres et à trente grandes familles naturelles. Ces espèces sont originaires de diverses parties du monde. Le nombre des plants croisés, renfermant ceux qui dérivent d'un croisement entre plants du même rameau et de deux rameaux différents, s'élève à 1101, et le nombre de plants autofécondés (renfermant dans le tableau C quelques sujets issus d'un croisement entre plants du même rameau ancien) est de 1076. Leur accroissement fut observé depuis leur germination dans les graines jusqu'à leur maturité ; la plupart d'entre eux furent mesurés deux fois, et quelques-uns à trois reprises. Les précautions variées qui furent prises dans le but d'éviter qu'un lot fût favorisé mal à propos, ont été décrites dans le chapitre d'introduction. Si l'on se rappelle toutes ces circonstances, on admettra facilement [* on peut admettre] que nous avons une base sérieuse d'appréciation pour juger les effets comparés de la fécondation croisée et de l'autofécondation sur l'accroissement de la descendance.

Il me paraît utile d'examiner d'abord les résultats indiqués dans le tableau C [* oubli : , ce qui donne l'opportunité de discuter incidemment de points importants (as an opportunity will thus be afforded of incidentally discussing some important points)]. Si le lecteur veut bien regarder la colonne de droite de ce tableau, il verra d'un seul coup d'œil quel avantage extraordinaire, en hauteur, en poids et en fécondité, possèdent sur les autofécondées comme sur les entre-croisées de la même vieille souche, les plantes issues d'un croisement avec un rameau nouveau ou avec une autre sous-variété. — Il n'existe que deux exceptions à cette règle et encore n'ont-elles pas toute la réalité voulue [* contresens : et encore ne sont-elles pas de réelles exceptions]. Dans le cas de l'Eschscholtzia, l'avantage porte seulement sur la fécondité. Dans celui du Petunia, quoique les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau eussent une supériorité immense [* oubli : en hauteur, en poids et en fécondité sur les autofécondés], ils furent néanmoins battus, en hauteur, en poids, mais pas en fé-

CHAP. VII TABLEAU C. 255

condité, par les plants entre-croisés de la même vieille souche. Il a été démontré, du reste [* contresens : cependant], que la supériorité de ces plants entre-croisés, en hauteur et en poids, n'était, selon toute probabilité, qu'apparente ; car s'il avait été permis aux deux séries de s'accroître pendant un mois encore, il est presque certain que les plants issus d'un croisement avec le nouveau rameau auraient été victorieux, sur tous les points, des plants entre-croisés.

Avant d'aborder le détail des différents cas portés dans le tableau C, quelques remarques préliminaires sont nécessaires. Il est de la plus claire évidence, comme nous allons le voir, que l'avantage résultant d'un croisement dépend entièrement de ce que les plants croisés offrent une constitution légèrement différente, et que les désavantages entraînés par l'autofécondation sont liés à la manière d'être des deux éléments générateurs [* contresens : … par l'autofécondation dépendent des deux parents], qui, associés dans la même fleur hermaphrodite, y sont doués d'une [* contresens : et ont une] constitution étroitement semblable. Un certain degré de différenciation dans les éléments sexuels parait indispensable pour assurer et la complète fécondité des parents et l'entière vigueur de la descendance. Tous les individus de la même espèce, bien que [* contresens : même ceux] produits dans des conditions naturelles, diffèrent les uns des autres (quelque peu et souvent bien légèrement) comme caractères extérieurs et probablement comme constitution. Cette proposition s'applique évidemment aux variétés de la même espèce, pour ce qui touche aux caractères extérieurs, et beaucoup de preuves pourraient être données pour démontrer qu'elles présentent généralement une certaine différenciation constitutive. — On peut à peine mettre en doute que les différences de toutes sortes qui existent entre les individus et les variétés de la même espèce dépendent largement et, je le croirais volontiers [* contresens : je pense], exclusivement, de ce que leurs progéniteurs ont été assujettis à des conditions différentes, et cela quoique les conditions auxquelles les individus de la même espèce sont soumis

256 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

à l'état naturel, nous paraissent à tort être semblables. — Par exemple, les individus végétant côte à côte sont nécessairement exposés au même climat et nous paraissent à première vue être soumis à des conditions absolument identiques ; mais cette identité peut difficilement se réaliser, si ce n'est dans le cas peu fréquent ou chaque plant est entouré d'autres espèces de plantes, toujours en même nombre proportionnel. Les plantes environnantes absorbant, en effet, dans le sol, des quantités différentes de diverses substances, influent ainsi considérablement sur la nutrition et même sur la vie des individus de quelques espèces particulières [* contresens : de toute espèce particulière], ces dernières se trouvent ainsi, d'une part, ombragées par ces voisines, et de l'autre affectées par la nature des plantes environnantes. Du reste [* contresens : De plus], les semences dorment souvent en terre et celles qui, chaque année, arrivent à germination [* contresens : celles qui germent en telle ou telle année], ont souvent été mûries dans des saisons fort différentes. Les semences sont dispersées à une grande distance par des moyens variés : quelques-unes sont occasionnellement apportées de stations très-éloignées où leurs géniteurs [* erreur : où leurs générateurs] ont vécu dans des conditions quelque peu dissemblables, et les plants qui en résultent, s'entre-croisant avec les vieux résidents, mêlent ainsi dans mille proportions leurs particularités constitutives.

Lorsqu'elles sont soumises pour la première fois à la culture, les plantes, même dans leur pays d'origine, ne peuvent manquer d'être exposées à des conditions d'existence très-différentes, spécialement parce qu'elles végètent dans une terre dégagée et qu'elles n'ont pas à entrer en compétition avec des plantes environnantes, en petit ou en grand nombre. Elles sont ainsi mises en état d'absorber tout ce qui leur est nécessaire dans le contenu du sol. Des semences récentes sont souvent apportées de jardins éloignés où les plants générateurs ont été assujettis à des conditions différentes. Les plantes cultivées, comme celles qui vivent à l'état naturel, s'entre-croisent fréquemment et mêlent aussi [* contresens : ainsi] leurs par-

CHAP. VII TABLEAU C. 257

ticularités constitutionnelles. D'un autre côté, tant que 1es individus d'une espèce sont cultivés dans le même jardin, ils y demeurent apparemment assujettis à des conditions plus uniformes que les plants vivant à l'état naturel, parce qu'ils n'ont pas à lutter contre les différentes espèces environnantes. Les graines semées simultanément dans un jardin ont été généralement mûries dans la même saison et à la même place, et en cela elles diffèrent considérablement des graines semées par les soins de la nature. Quelques plantes exotiques, n'étant plus fréquentées par les insectes indigènes dans leurs nouvelles résidences, cessent dès lors d'être entre-croisées : c'est là, selon toute apparence, un facteur très-important qui pousse [* contresens : qui amène] ces individus à acquérir l'uniformité de constitution.

Dans mes expériences, j'ai pris le plus grand soin pour que, à chaque génération, tous les plants croisés et les tous [* typo d'inversion : tous les] autofécondés fussent assujettis aux mêmes conditions. Ces conditions ne furent cependant pas absolument identiques, car les sujets les plus vigoureux doivent avoir dérobé aux plus faibles, non-seulement la nourriture, mais encore l'humidité quand la terre devenait sèche |* oubli : dans les pots], et, de plus, les lots placés d'un côté du pot doivent avoir reçu un peu plus de lumière que ceux placés du côté opposé. Dans les générations successives, les plantes subirent des conditions quelque peu différentes, car les saisons variaient nécessairement et ces générations furent [* parfois] obtenues à des périodes différentes de l'année. Mais, comme ces plantes furent toutes conservées sous verre, les changements de température et d'humidité qu'elles subirent furent beaucoup moins sensibles que ceux auxquels sont exposées les plantes végétant en plein air. Pour ce qui touche aux plantes croisées, leurs premiers générateurs qui n'étaient unis par aucun lien de parenté, doivent avoir presque certainement présenté quelque différence constitutive, et ces particularités de constitution durent être différemment mé-

258 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

langées dans chaque génération entre-croisée. Elles y furent, en effet, quelquefois augmentées, plus communément neutralisées à un degré plus du moins élevé, enfin quelquefois ravivées par atavisme : ce sont là précisément les mêmes variations, nous le savons, que subirent les caractères extérieurs des espèces et des variétés croisées. Dans les plantes autofécondées pendant plusieurs générations successives, cette source importante de diversité constitutive dut être [* contresens : a été] complètement éliminée, et les éléments sexuels produits par la même fleur doivent avoir été développés dans des conditions aussi exactement semblables qu'il est possible de le concevoir.

Dans le tableau C, les plants croisés sont le résultat d'un croisement avec un rameau nouveau ou avec une variété distincte : ils furent mis en compétition soit avec les plants autofécondés, soit avec les plants entre-croisés appartenant au même rameau ancien. Par l'expression de rameau nouveau, j'entends une plante non parente, dont les progéniteurs ont été obtenus pendant plusieurs générations dans un autre jardin et ont été, par conséquent, exposés à des conditions légèrement différentes. — Dans le cas du Nicotiana, de l'Iberis, de la variété rouge du Primula, du pois commun et peut-être de l'Anagallis, les plants qui furent croisés peuvent être considérés comme des variétés ou des sous-variétés [* distinctes] de la même espèce ; mais dans ceux de l'Ipomœa, du Dianthus et du Petunia, les plants qui furent croisés différèrent exclusivement par la couleur de leurs fleurs, et, comme une grande proportion des plants obtenus du même lot de graines achetées varia de la même manière [* contresens : de cette manière], les différences peuvent être estimées comme purement individuelles. Ces remarques préliminaires faites, nous allons aborder le détail des nombreux cas portés dans le tableau C, et ils sont vraiment dignes de toute considération.

1. Ipomœa purpurea. — Des plants végétant dans les

CHAP. VII TABLEAU C. 259

mêmes pots et soumis aux mêmes conditions dans chaque génération, furent entre-croisés pendant neuf générations successives. Ces plants entre-croisés devinrent ainsi, dans les dernières générations, d'une parenté plus ou moins étroite. Des fleurs appartenant à des plants de la neuvième génération entre-croisée ayant été fécondées avec du pollen pris sur un rameau nouveau, des semis en provinrent. D'autres fleurs, appartenant à des [* contresens : au mêmes] plants entre-croisés, furent fécondées par le pollen d'un autre plant entre-croisé, et donnèrent ainsi les semis de la dixième génération entre-croisée. Ces deux séries de semis furent mises en compétition l'une avec l'autre et différèrent beaucoup en hauteur et en fécondité. La descendance issue d'un croisement avec un rameau nouveau surpassa en effet, comme taille, les plants entre-croisés dans la proportion de 100 à 78 : la même différence avait été à peu près constatée (comme 100 à 77) au bénéfice des plants entre-croisées comparés à tous les autofécondés des dix générations prises ensemble. Les plants issus d'un croisement avec un rameau nouveau furent également, comme fécondité, supérieurs aux entrecroisés, dans la proportion de 100 à 51 : cette appréciation est basée sur le poids relatif des capsules séminifères produites par un nombre égal de plants des deux séries, les uns et les autres ayant été abandonnés à la fécondation naturelle. Il est bon de faire spécialement remarquer qu'aucun des plants de l'un ou de l'autre lot ne fut le produit de l'autofécondation. Au contraire, les plants entre-croisés avaient été certainement croisés pendant les dix dernières générations, et, probablement, pendant toutes les générations antérieures, comme nous pouvons le déduire de l'examen de la structure florale et de la fréquence des visites des bourdons. Il doit en avoir été [* de même] ainsi avec les générateurs du rameau nouveau. Toute la différence considérable qui existe, comme hauteur et comme fécondité, entre les deux lots, doit être attribuée à ce que l'un fut le produit d'un croise-

260 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

ment par le pollen d'un rameau nouveau, et l'autre, le résultat de la fécondation croisée entre plants de la même vieille souche.

Cette espèce nous présente encore un autre cas intéressant. Les cinq premières générations dans lesquelles les plants entre-croisés et les autofécondés furent mis en concurrence les uns contre les autres, nous montrent chaque sujet entre-croisé battant son antagoniste autofécondé, excepté dans un cas où les uns et les autres furent de hauteur égale. Mais, dans la sixième génération, un plant apparut, nommé par moi le Héros, qui, remarquable par sa taille et l'accroissement de son autofécondité, transmit ses caractères aux trois générations suivantes. Les fils de Héros, après avoir été de nouveau fécondés directement [* autofécondés] pour former la huitième génération autofécondée, furent également entre-croisés les uns avec les autres ; mais ce croisement entre plants qui avaient été assujettis aux mêmes conditions et qui avaient subi l'autofécondation pendant sept générations antérieures, resta sans résultats avantageux. Les petits-fils entre-croisés furent, en effet, plus petits que les petits-fils autofécondés, dans la proportion de 100 à 107.

Nous voyons par là que le simple acte du croisement entre deux plants distincts n'assure par lui-même aucun bénéfice à la descendance. Ce cas est presque l'opposé de celui qui est indiqué dans le dernier paragraphe, et dans lequel la descendance tira grand profit d'un croisement avec un rameau nouveau. Une expérience semblable fut faite avec les descendants de Héros dans la génération suivante : elle donna les mêmes résultats. Mais cette dernière épreuve ne saurait inspirer une confiance absolue, en considération de l'état extrêmement maladif des plantes. Le même doute doit être étendu à un croisement avec un rameau nouveau resté sans bénéfice pour les petits-fils de Héros. Si le fait était réel, il constituerait la plus grande anomalie que j'aie constatée dans mes expériences.

CHAP. VII TABLEAU C. 261

2. Mimulus luteus. — Durant les trois premières générations, les plants entre-croisés pris ensemble surpassèrent en hauteur, dans la proportion de 100 à 65, l'ensemble des plants autofécondés ; en fécondité, ils les distancèrent à un bien plus haut degré [* contresens : à un degré encore plus élevé]. Dans la quatrième génération, une nouvelle variété, qui devint plus ample [* contresens : plus haute] et dont les fleurs furent plus grandes et plus blanches que celles des anciennes variétés, commença à prévaloir, surtout parmi les plants autofécondés. Cette variété transmit ses caractères avec une si remarquable fidélité, que tous les plants des dernières générations autofécondées lui appartinrent. Ceux-ci distancèrent donc considérablement en hauteur les plants entre-croisés. C'est ainsi que, dans la septième génération, les sujets entre-croisés furent, aux autofécondés, comme 100 est à 137. Il est un fait encore plus remarquable, c'est que les plants autofécondés de la sixième génération étaient devenus beaucoup plus fertiles que les entre-croisés, si l'on en juge par le nombre de capsules produites spontanément, dans la proportion de 147 à 100. Cette variété qui, comme nous l'avons vu, apparut parmi les plants de la quatrième génération autofécondée, rappelle dans presque toutes ses particularités constitutionnelles la variété nommée Héros, qui fit son apparition à la sixième génération autofécondée de l'Ipomœa. Aucun autre cas de ce genre, si ce n'est l'exception partielle présentée par le Nicotiana, ne se montra dans mes expériences, dont la durée fut de onze ans.

Deux plants de cette variété de Mimulus, appartenant à la sixième génération autofécondée et vivant en pots séparément, furent entre-croisés ; quelques fleurs du même plant [* des mêmes plants] furent aussi autofécondées de nouveau. Des semences ainsi obtenues, on fit lever des plants dérivés d'un croisement entre sujets autofécondés et d'autres issus de la septième génération autofécondée. Ce croisement ne produisit

262 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

pas le moindre bénéfice, car les plants entre-croisés furent inférieurs en hauteur aux autofécondés dans la proportion de 100 à 110. Ce cas est exactement le pendant de celui qui fut relaté, à propos de l'Ipomœa, pour les petits-fils de Héros et apparemment pour ses arrière-petits-fils, car les semis obtenus par l'entre-croisement de ces plants ne furent en aucune façon supérieurs à ceux de la génération correspondante obtenus de fleurs autofécondées. Donc, dans ces différents cas, pour des plants qui avaient subi l'autofécondation pendant diverses générations et qui avaient été constamment cultivés sous des conditions aussi étroitement semblables que possible, le croisement resta sans effetss avantageux.

Une autre expérience fut alors tentée. D'abord, des plants de la huitième génération [* oubli : autofécondée] furent autofécondés à nouveau, donnant ainsi naissance à des plants de la neuvième génération autofécondée. Secondement, deux des plants de la huitième génération autofécondée furent entre-croisés les uns avec les autres [* contresens : l'un avec l'autre] comme dans l'expérience qui vient d'être rapportée, mais l'opération était ici effectuée sur deux plants qui avaient subi l'influence de deux autres générations autofécondées. Troisièmement, les mêmes plants de la huitième génération autofécondée furent croisés avec le pollen de plants provenant d'un rameau nouveau pris dans un jardin éloigné. De nombreux plants ayant été obtenus de ces trois séries de graines, ils furent mis concurrence vitale les uns contre les autres. Les sujets dérivés d'un croisement entre les plants autofécondés surpassèrent légèrement les autofécondés en hauteur (dans la proportion de 100 à 92) ; comme fécondité, leur avantage fut plus considérable (comme 100 est à 73). J'ignore si la différence obtenue dans ce résultat, comparé à celui qui exista dans le cas précédent, peut être attribuée à l'augmentation de dépréciation déterminée dans les plants fécondés par l'addition de deux nouvelles générations

CHAP. VII TABLEAU C. 263

autofécondées, ou si l'avantage, qui est la conséquence d'un croisement quel qu'il soit, existe même quand ce croisement se produit simplement entre plants autofécondés [* contresens : J'ignore si la différence obtenue dans ce résultat, comparé à celui qui exista dans le cas précédent, peut être attribuée à l'augmentation de la dégrasation des plants autofécondés due à l'addition de deux nouvelles générations autofécondées, et l'avantage subséquent de quelque croisement que ce soit, effectué même seulement entre les plants autofécondés]. Quoi qu'il en soit, le croisement avec un rameau nouveau des plants autofécondés de la huitième génération eut des effets extrêmement remarquables, car les semis ainsi obtenus furent, en hauteur, aux sujets autofécondés de la neuvième génération, comme 100 est à 52, et en fécondité, comme 100 est à 3 ! De plus, comparés aux entre-croisés (dérivés du croisement de deux plants autofécondés de la huitième génération), ils furent en hauteur comme 100 est à 56 et en fécondité comme 100 est à 4. On pourrait difficilement souhaiter une évidence plus ample de la puissance d'un croisement par un rameau nouveau sur des plants autofécondés pendant huit générations et constamment cultivés dans des conditions à peu près uniformes, si on la compare [* contresens : en comparaison] à la manière d'être des plants autofécondés pendant neuf générations continuellement autofécondées, ou entre-croisés une seule fois dans la dernière génération.

3. Brassica oleracea. — Plusieurs fleurs, portées par des choux de la deuxième génération autofécondée, furent croisées par une plante de la même variété vivant dans un jardin éloigné, et d'autres furent autofécondés de nouveau. Des plants dérivés d'un croisement par un rameau nouveau et des sujets de la troisième génération autofécondée furent ainsi créés. Les premiers, comparés aux autofécondés, furent en poids comme 100 est à 22, et cette énorme disproportion doit être en partie attribuée aux effets avantageux qui résultent d'un croisement avec un rameau nouveau, et, en partie, aux effets dépréciateurs de l'autofécondation continuée pendant trois générations.

4. Iberis umbellata. — Des semis, résultant du croisement d'une variété anglaise à fleurs cramoisies croisée par une variété à couleur pâle qui avait été cultivée en Algérie [* contresens : à Alger] pendant plusieurs générations, furent, en hauteur, aux

264 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

autofécondés de la variété cramoisie, comme 100 est à 89, et en fécondité, comme 100 est à 75. Je suis surpris de voir que ce croisement avec une autre variété n'ait pas entraîné un avantage plus fortement marqué, car quelques plants entre-croisés de la variété anglaise cramoisie mis en compétition avec des plants de la même variété autofécondée pendant trois générations, furent, en hauteur, comme 100 est à 86, et en fécondité comme 100 est à 75. Dans ce dernier cas, la différence, légèrement plus accentuée en hauteur, peut être attribuable au effets dépréciateurs de l'autofécondation imposée pendant deux nouvelles générations.

5. Eschscholtzia californica. — Cette plante nous présente un cas presque unique, en ce sens que les bons effets d'un croisement sont localisés dans le système reproducteur. Les plants soit entre-croisés soit autofécondés du rameau anglais ne diffèrent pas d'une manière constante en hauteur (ni même en poids, autant qu'il fut possible de s'en assurer), l'avantage resta ordinairement du côté des autofécondés. Il en fut de même avec la descendance des plants du rameau brésilien soumise à la même épreuve. Cependant, les progéniteurs du rameau anglais produisirent beaucoup plus de semences après croisement avec un autre plant qu'après autofécondation ; de plus, au Brésil, les générateur furent [* oubli : absolument] stériles, à moins d'être fécondés par le pollen d'un autre plant. Les semis entre-croisés obtenus en Angleterre du rameau brésilien, comparés aux semis autofécondés de la deuxième génération correspondante, donnèrent des semences qui, numériquement, furent comme 100 est à 89. Les deux lots de plants avaient été livrés au libre accès des insectes. Si nous revenons maintenant aux effets du croisement des plants du rameau brésilien avec le [* oubli : pollen du] rameau anglais (entre-croisement qui mit en relation des plants longtemps soumis à des conditions très-différentes), nous trouvons que

CHAP. VII TABLEAU C. 265

la descendance fut, comme antérieurement, inférieure en hauteur et en poids aux plants du rameau brésilien après deux générations autofécondées, mais leur fut inférieure [* contresens : supérieure], de la manière la plus marquée, par le nombre des semences produites, dans la proportion de 100 à 40 : les deux lots de plants, dans les deux cas, avaient été librement exposés à la visite des insectes.

Dans le cas de l'Ipomœa, nous avons vu que les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau furent supérieurs en hauteur, dans la proportion de 100 à 78, et en fécondité dans celle de 100 à 51, aux plants de l'ancien rameau, quoique ces derniers eussent été entre-croisés pendant les dix dernières générations. Dans l'Eschscholtzia, nous trouvons un cas d'un parallélisme très-rapproché, mais seulement pour ce qui touche à la fécondité ; en effet, les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau furent supérieurs, comme fécondité, dans la proportion de 100 à 45, aux plants brésiliens qui avaient été entre-croisés artificiellement en Angleterre pendant les deux dernières générations, et qui, au Brésil, doivent avoir été naturellement entre-croisés par les insectes durant toutes les générations antérieures, puisque dans ce pays elles restent absolument stériles en dehors de cette intervention.

6. Dianthus caryophyllus. — Des plants autofécondées pendant trois générations successives furent croisés par le pollen d'un rameau nouveau, et la génération qui en provint fut élevée en compétition avec les plants de la quatrième génération autofécondée. Les plants croisés ainsi obtenus furent aux autofécondés comme 100 est à 81 [* oubli : en hauteur], et en fécondité (les deux lots ayant été livrés à la fécondation naturelle par les insectes) comme 100 est à 33.

Ces mêmes plants croisés furent aussi, en hauteur, aux descendants de la troisième génération autofécondée croisée avec les plants entre-croisés de la génération correspon-

266 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

dante, comme 100 est à 85, et en fécondité comme 100 est à 45.

Nous voyons par là quel grand avantage acquit la descendance issue d'un croisement par un rameau nouveau, non-seulement sur les plants autofécondés de la quatrième génération, mais encore sur la descendance des plants autofécondés de la troisième génération ayant subi un croisement avec les plants entre-croisés de la vieille souche.

7. Pisum sativum. — Il a été indiqué, à propos de cette espèce, que les nombreuses [* contresens : les différentes] variétés qui vivent en Angleterre sont presque invariablement fécondées par elles-mêmes [* contresens : autofécondées], en raison de ce que les insectes en visitent rarement les fleurs ; et, comme les plants ont été longtemps cultivés dans des conditions semblables, il est facile de comprendre la cause qui empêche deux individus de la même variété d'assurer quelque bénéfice après croisement à leur descendance, soit comme hauteur, soit comme fécondité [* de comprendre pourquoi le croisement entre deux individus de la même variété n'apporte aucun bénéfice à leur descendance, en hauteur comme en fécondité]. Ce cas est presque exactement parallèle de celui du Mimulus, on de celui de l'Ipomœa qui reçut le nom de Héros, car, dans ces deux exemples, les plants croisés, qui avaient été autofécondés pendant sept générations, ne transmirent aucun bénéfice à leurs descendance [* contresens : dans ces deux exemples, le croisement de plants qui avaient été autofécondés pendant sept générations n'amena aucun bénéfice à la descendance]. D'un autre côté, un croisement entre deux variétés du pois entraîna pour les descendants une supériorité marquée en accroissement et en vigueur sur les [* et en vigueur comparé aux] plants autofécondés des mêmes variétés, ainsi que l'ont montré deux excellents observateurs. D'après mes propres observations (faites, il est vrai, sans beaucoup de soin), la descendance des variétés croisées fut en hauteur, aux plants autofécondés, dans un cas environ comme 100 est à 75, et dans un autre comme 100 est à 60.

8. Lathyrus odoratus. — Le pois de senteur se trouve, au point de vue de l'autofécondation, dans les mêmes conditions que le pois commun. Nous avons vu que

CHAP. VII TABLEAU C. 267

les semis issus d'un croisement entre deux variétés ne différant à aucun point de vue, si ce n'est par la couleur de leurs fleurs, furent aux semis autofécondés de la même plante-mère, en hauteur, comme 100 est à 80, et dans la deuxième génération comme 100 est à 88. Malheureusement, je ne pus m'assurer si un croisement entre deux plants de la même variété manquerait de donner quelque effet utile, mais je ne crains pas de me hasarder à prédire [* contresens : je m'aventure à prédire] que tel serait le résultat si l'expérience était faite.

9. Petunia violacea. — Les plants entre-croisés de la même souche, dans quatre générations successives sur cinq, surpassèrent largement en hauteur les plants autofécondés. Ces derniers, dans la quatrième génération, furent croisés par un rameau nouveau, et les semis ainsi obtenus furent placés en compétition avec les plants autofécondés de la cinquième génération. Les plants croisés surpassèrent en hauteur les autofécondés dans la proportion de 100 à 66, et en poids dans celle de 100 à 26 [* erreur : 23]. Cette différence, quoique très-élevée, est moindre cependant que [* contresens : n'est cependant pas supérieure de beaucoup à] celle qui se produisit entre les plants entre-croisés de la même souche, mis en comparaison avec les sujets autofécondés de la génération correspondante. Ce cas semble donc, à première vue, constituer une exception à la règle qui veut qu'un croisement avec un rameau nouveau soit [* oubli : beaucoup] plus profitable qu'un croisement entre individus de la même souche. Mais ici, comme dans l'Eschcholtzia, le système reproducteur surtout fut favorablement, influencé, car les plants obtenus par le croisement avec le rameau nouveau furent aux plants autofécondés, au point de vue de la fécondité (les deux lots étant fécondés naturellement), comme 100 est à 46, tandis que les plants entre-croisés de la même souche furent, en fécondité, aux autofécondés de la cinquième génération correspondante, comme 100 est à 86.

Quoique, au moment où ils furent mesurés, les plants

268 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

obtenus d'un croisement avec un rameau nouveau surpassassent [* contresens : ne surpassèrent pas] en poids et en hauteur les sujets entre-croisés de la vieille souche (ce qui n'explique pas ce fait que [* contresens : dû au fait que] la croissance des premiers n'avait pas été complète, comme je l'ai développé dans l'article qui a trait à cette espèce), ils battirent en fécondité les entre-croisés, dans la proportion de 100 à 54. Ce fait est intéressant en ce qu'il montre que des plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisés par un rameau nouveau, donnèrent des semis dont la fécondité fut approximativement deux fois aussi grande que celle des plants issus de la même vieille souche, lesquels avaient été entre-croisés pendant cinq générations antérieures. Par là, nous voyons, comme l'avaient déjà démontré les cas de l'Eschscholtzia et du Dianthus, que le simple acte du croisement, indépendamment de l'état des plants croisés, a peu d'efficacité pour ce qui touche à l'augmentation de la fécondité dans la descendance. Pour ce qui concerne la hauteur, les mêmes conclusions s'appliquent convenablement comme nous l'avons vu déjà, aux cas de l'Ipomœa, du Mimulus et du Dianthus.

10. Nicotiana tabacum. — Mes plants furent remarquables par leur autofécondité, et les capsules des fleurs autofécondées donnèrent apparemment plus de semences que celles qui furent fécondées par croisement. Aucun insecte ne fut aperçu visitant ces fleurs dans la serre [* oubli : (serre) chaude], et je soupçonne que le rameau sur lequel j'expérimentai avait été obtenu sous verre et avait été soumis à l'autofécondation pendant plusieurs générations antérieures : s'il en est ainsi nous pouvons nous expliquer comment, dans le cours de trois générations, les semis croisés de la même vieille souche ne surpassèrent point uniformément en hauteur les semis autofécondés. Mais ce cas se complique en ce que les plants [* oubli : individuels] ont été [* contresens : sont] doués de constitutions tellement différentes, que [* contresens : de constitutions différentes, de sorte que] plusieurs semis, soit autofécondés soit croisés,

CHAP. VII TABLEAU C. 269

ayant été obtenus dans le même temps des mêmes parents, se comportèrent d'une façon différente. Quoi qu'il en soit, des plants issus de sujets autofécondés de la troisième génération, croisés par une sous-variété légèrement différente, surpassèrent de beaucoup en hauteur et en poids les plants autofécondés de la quatrième génération, et l'expérience avait été faite sur une large échelle. Ils les surpassèrent en hauteur lorsqu'ils vécurent en pots, mais sans y être entassés, dans la proportion de 100 à 66, et quand ils y furent entassés, la différence fut comme 100 est à 54. Ces mêmes plants croisés, ayant été assujettis à une compétition rigoureuse, dépassèrent aussi en poids les autofécondées dans la proportion de 100 à 37. Il en fut de même, mais à moindre degré (comme on peut le voir dans le tableau C), lorsque ces deux lots végétèrent en plein air sans être soumis à aucune compétition mutuelle. Néanmoins, et c'est un fait étrange, les fleurs des plantes-mères de la troisième génération autofécondée ne donnèrent pas plus de semences, après croisement par le pollen de sujets appartenant à un rameau nouveau, qu'après autofécondation.

11. Anagallis collina. — Des plants issus d'une variété rouge croisée par un autre plant de la même variété furent, en hauteur, aux plants autofécondés de ladite variété rouge, comme 100 est à 73. Lorsque les fleurs de la variété rouge furent fécondées par le pollen d'une variété très-rapprochée à fleurs bleues, elles donnèrent deux fois autant de graines qu'elles en avaient fourni à la suite du croisement avec un autre individu de la même variété rouge, et en outre ces graines furent plus belles. Les plants obtenus de ce croisement entre deux variétés durent en hauteur, aux semis autofécondés de la variété rouge, comme 100 est à 66, et en fécondité comme 100 est à 6.

12. Primula veris. — Plusieurs fleurs des plants à long style de la troisième génération illégitime furent légi-

270 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

timement croisées par le pollen d'un rameau nouveau, et d'autres furent imprégnées de leur propre pollen. Des semences qui en résultèrent, ou obtint des plants croisés et des autofécondés de la quatrième génération illégitime. Les premiers [* les croisés] furent aux derniers [* les autofécondés], en hauteur, comme 100 est à 46 ; en fécondité, pendant une année comme 100 est à 5, et pendant l'année suivante comme 100 est à 3.5. Dans ce cas, cependant, nous n'avons aucun moyen de distinguer entre les effets préjudiciables de la fécondation illégitime continuée pendant quatre générations (c'est-à-dire effectuée par le pollen de la même forme, mais pris sur un plant distinct) et ceux de la stricte autofécondation. Mais il est probable que ces deux procédés de fécondation ne diffèrent pas aussi essentiellement que cela parait être d'abord. Dans l'expérience suivante, tout doute provenant de l'action d'une fécondation illégitime fut complètement éliminé.

13. Primula veris (variété isostylée à fleurs rouges). — Des fleurs appartenant aux plants de la deuxième génération autofécondée furent croisées avec le pollen d'une variété distincte ou rameau nouveau ; d'autres furent autofécondées de nouveau. Des plants croisés et des plants de la troisième génération autofécondée, tous issus d'une origine légitime, furent ainsi obtenus. Les premiers furent en hauteur aux seconds comme 100 est à 85, et en fécondité (l'appréciation étant basée à la fois sur le nombre des capsules produites et sur le chiffre moyen des graines) comme 100 est à 11.

Résumé des mensurations portées dans le tableau C. — Ce tableau renferme les hauteurs et souvent les poids de deux cent quatre-vingt-douze plantes dérivées d'un croisement avec un rameau nouveau et de trois cent cinq plantes, soit d'origine autofécondée, soit dérivées d'un entre-croisement entre plantes de la même vieille souche. Ces cinq cents quatre-vingt-dix-sept plantes appartien-

CHAP. VII TABLEAU C. 271

nent à treize espèces et à douze genres. Les différentes précautions qui furent prises pour assurer une comparaison juste ont été déjà exposées. Si maintenant nous jetons les yeux sur la colonne de droite, dans laquelle la moyenne de la hauteur, du poids et de la fécondité des plants issus d'un croisement avec un rameau nouveau sont représentés par 100, nous voyons, par les autres chiffres, quelle supériorité remarquable ces plants acquièrent, soit [* contreens : à la fois] sur les plants autofécondés, soit [* et] sur les plants entre-croisés de même souche. Au point de vue de la hauteur et du poids, nous n'avons que deux exceptions fournies par les genres Eschscholtzia et Petunia, et encore ce dernier ne constitue-t-il pas un cas réellement exceptionnel. Ces deux espèces n'offrirent aucun écart à la règle, au point de vue de la fécondité, car les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau furent beaucoup plus fertiles que les sujets autofécondés. Entre les deux séries de plants portées dans le tableau, la différence est plus grande généralement comme fécondité que comme hauteur ou comme poids. [* oubli : D'un autre côté, avec certaines des espèces, comme Nicotiana, il n'y eut pas de différence entre les deux séries pour la fécondité, mais une grande diférence, en hauteur et en poids.] Si nous considérons l'ensemble des cas consignés dans ce tableau, nous voyons qu'il ne peut y avoir de doute sur ce fait, à savoir que les plants profitent immensément, quoique de différentes manières, d'un croisement soit avec un rameau nouveau, soit avec une sous-variété distincte. On ne peut pas soutenir que le bénéfice ainsi réalisé est dû simplement à ce que les plants du rameau nouveau sont parfaitement sains, tandis que ceux qui ont longuement subi l'entre-croisement ou l'autofécondation sont devenus maladifs. Dans le plus grand nombre de cas, en effet, il n'y avait pas apparence d'altération, et nous verrons, dans le tableau A, que les plants entre-croisés de la même souche sont généralement supérieurs à un certain degré aux autofécondés, quoique les deux lots aient été maintenus exactement dans les mêmes conditions et soient restés dans le même état de santé, bon ou mauvais.

272 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

Nous apprenons de plus, par le tableau C, qu'un croisement entre plants qui, bien que conservés constamment dans des conditions d'une uniformité rapprochée, ont été autofécondés pendant plusieurs générations successives, ne procure qu'un faible bénéfice à la descendance ou ne lui en assure aucun. Le genre Mimulus et les descendants de l'Ipomœa nommé Héros offrent des exemples de cette règle. De plus [* contresens : Encore une fois], des plants autofécondés pendant plusieurs générations profitent, à un faible degré seulement, d'un croisement avec des sujets entre-croisés de la même souche (comme dans le cas du Dianthus), si on compare ces bénéfices à ceux du croisement par un rameau nouveau. Des plants issus du même rameau entre-croisé pendant plusieurs générations (comme dans le Pétunia), eurent une infériorité marquée, au point de vue de la fécondité, sur ceux dérivés d'un croisement entre les plants autofécondés correspondants et un rameau nouveau. Enfin, certains plants qui, à 'état naturel, sont régulièrement entre-croisés par les insectes, et qui furent artificiellement croisés à chaque génération successive dans le cours de mes expériences, si bien qu'ils ne peuvent jamais ou très rarement avoir souffert aucun dommage du fait de l'autofécondation (comme dans l'Eschscholtzia et l'Ipomœa), profitèrent néanmoins beaucoup d'un croisement avec un rameau nouveau. L'ensemble de ces différents cas nous prouve clairement que ce n'est pas au simple croisement de deux individus qu'il faut attribuer le bénéfice acquis à la descendance. Tout l'avantage résulte de ce que les plants unis [* réunis] présentent une légère différence [* contresens : une quelconque différence], qui, il est difficile d'en douter, doit porter sur la constitution ou sur la nature [* la constitution ou la nature] des éléments sexuels. Quoi qu'il en soit, il est certain que les différences ne sont pas extérieures, car deux plants doués d'une ressemblance aussi frappante que celle qui caractérise deux individus de la même espèce profitent de la manière la plus sensible [* la plus évidente] d'un entre-croisement quand les progéniteurs ont été exposés,

CHAP. VII TABLEAU A. 273

pendant plusieurs générations successives, à des conditions différentes. Mais je reviendrai sur ce sujet dans un autre chapitre.

TABLEAU A.

Revenons maintenant à notre premier tableau, qui a trait aux plants croisés et aux autofécondés de la même souche. Il renferme quarante-quatre [* erreur : cinquante-quatre] espèces appartenant à trente ordres naturels. Le nombre total des plants croisés, dont les mesures y sont données, est de 796, et celui des autofécondés de 809, ce qui fait un ensemble de 1.605 plants. Quelques espèces furent expérimentées durant plusieurs générations successives, et nous devrons nous rappeler que, dans ces cas, les plants croisés de chaque génération furent fécondés avec le pollen d'un autre plant également croisé, et que les fleurs des plants autofécondés furent presque toujours imprégnés par leur propre pollen, mais quelquefois aussi avec le pollen d'autres fleurs de la même plante. Les plants croisés devinrent ainsi, dans les dernières générations, d'une parenté plus ou moins intimement rapprochée et les deux lots de plants furent soumis, dans chaque génération, à des conditions presque absolument semblables, dont la similitude se poursuivit à peu près dans la succession des générations [* dans les générations successives]. Il eut été plus convenable, à quelques égards, de croiser constamment, dans une même génération, les plants autofécondés ou entrecroisés avec le pollen d'un plant dépourvu de toute parenté avec les premiers [* avec l'un ou l'autre] et ayant vécu dans des conditions différentes, ainsi que cela fut pratiqué avec les plants du tableau C. Par ce procédé, en effet j'aurais appris jusqu'à quel point la descendance a souffert de l'action de l'auto-fécondation continuée pendant les générations successives. Tels qu'ils se trouvent, les plants autofécondés des générations [* oubli : successives] du tableau A furent mis en compétition avec les plants entre-croisés et comparés entre eux : ces derniers

274 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

avaient été probablement endommagés à un certain degré par l'accroissement plus ou moins accentué de leur parenté et par l'influence prolongée de conditions vitales [* environnementales] constamment semblables. Néanmoins, si je n'avais manqué de suivre [* si j'avais toujours suivi] cette méthode du tableau C, je n'aurais pas découvert ce fait important, à savoir que, malgré l'avantage assuré par un croisement, pendant plusieurs générations, à la descendance de plants entachés de parenté et soumis à des conditions de végétation étroitement semblables [* à savoir que, quoiqu'un croisement entre plants de parenté assez proche et élevés dans des conditions étroitement similaires, donne pendant plusieurs générations un avantage à la descenance], cependant, après un certain temps, l'entre-croisement ne se traduit par aucun avantage pour la descendance. Je n'aurais pas appris non plus que les plants autofécondés des dernières générations peuvent être croisés avec des plants entre-croisés, le tout appartenant à la même souche, sans grand profit, tandis que l'avantage est énorme quand ce croisement est fait avec un rameau nouveau.

Pour ce qui touche au plus grand nombre des plants renfermés dans le tableau A, je n'ai rien de spécial à dire : toutes les particularités qui ont été indiquées quand il s'est agi de chaque espèce pourront être trouvées, au moyen de la table, dans ces articles spéciaux [* contresens : toutes les particularités peuvent être trouvées dans les articles sur chaque espèce, au moyen de l'index]. Les chiffres dans la colonne de droite indiquent la hauteur moyenne des plants autofécondés, celle des croisés avec lesquels ils furent comparés étant représentée par 100. Ce tableau ne porte pas indication des quelques cas dans lesquels les plants croisés et autofécondés furent cultivés en pleine terre, afin d'éviter entre eux toute concurrence. Il renferme, ainsi que nous l'avons vu déjà, des plants appartenant à cinquante-quatre espèces ; mais comme plusieurs de ces dernières furent mesurées pendant diverses générations successives, on trouve quatre-vingt-trois cas dans lesquels des plants croisés et les autofécondés furent comparés. Comme, dans chaque génération, le nombre des plants soumis aux mensurations (portés dans le tableau), loin d'être jamais très-grand, fut fréquemment [* contresens : parfois] petit, toutes les fois

CHAP. VII TABLEAU A. 275

que, dans la colonne de droite, la hauteur moyenne des plants croisés et celle des autofécondés est semblable dans les limites de 5 pour 100 [* contresens : semblable à 5 pour 100 près], ces hauteurs peuvent être considérées comme réellement [* contresens : pratiquement] égales. De pareils cas, c'est-à-dire ceux dans lesquels les plants autofécondés ont une hauteur moyenne exprimée par des chiffres compris entre 95 et 105, se comptent au nombre de dix-huit, soit dans quelques-unes, soit dans toutes les générations. Il existe huit cas dans lesquels les plants autofécondés surpassent les croisés de plus de 5 pour 100, comme c'est montré par les chiffres de la colonne de droite qui sont au-dessus de 105. Enfin, viennent cinquante-sept cas dans lesquels les plants croisés surpassent les autofécondés dans la proportion de 100 à 95 [* oubli : au moins], et généralement à un plus haut degré.

Si les poids relatifs [* erreur : hauteurs relatives] des plants croisés et des autofécondés avaient été dus au simple hasard, nous aurions à peu près autant de cas de plants autofécondés surpassant en hauteur les croisés de 5 pour 100 [* de plus de 5 pour 100], que nous avons de croisés dépassant au même degré les autofécondés ; mais nous voyons que nous avons cinquante-sept de ces derniers cas et huit seulement des premiers ; donc, les cas dans lesquels les plants croisés surpassèrent en hauteur les autofécondés dans la proportion ci-dessus sont plus de sept fois plus nombreux que ceux dans lesquels le contraire eut lieu dans la même proportion. Pour notre but spécial, qui est la comparaison de la puissance végétative des plants croisés et des autofécondés, nous pouvons dire que, dans cinquante-sept cas, les plants croisés surpassèrent les autofécondés de plus de 5 pour 100, et que dans vingt-six cas (18 + 8), ils ne les distancèrent en rien. Toutefois, nous allons montrer que dans plusieurs de ces vingt-six cas, les plants croisés eurent un avantage marqué sur les autofécondés à certains points de vue, mais pas en hauteur, et que, dans d'autres cas, les hauteurs moyennes ne sont pas dignes de confiance, soit parce que les dimensions de plants trop réduits sont entrées

276 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

en ligne de compte [* contresens : soit parce que trop peu de plantes ont été mesurées], soit en raison de ce que leur accroissement a été rendu inégal par leur état maladif, soit enfin par ces deux causes réunies. Cependant, comme ces cas sont opposés à mes conclusions générales, je me suis cru obligé de les rapporter. Enfin, les raisons qui privent les plants croisés de tout avantage sur les autofécondés peuvent être trouvées pour quelques autres cas. Il reste aussi un petit lot de plants dans lequel les autofécondés paraissent, d'après mes expériences, être réellement égaux ou supérieurs aux croisés.

Nous allons maintenant examiner avec quelques détails les dix-huit cas dans lesquels les plants autofécondés ont égalé en hauteur moyenne les plants croisés dans la limite de 5 pour 100, puis les huit cas dans lesquels les plants autofécondés ont surpassé en hauteur moyenne les plants croisés de pluss de 5 pour 100, ce qui fait en tout vingt-huit [* erreur : vingt-six] cas dans lesquels les plants croisés ne présentèrent pas de supériorité bien marquée [* oubli : en hauteur] sur les autofécondés.

1. Dianthus caryophyllus (troisième génération). Cette plante fut soumise à l'expérimentation pendant quatre générations, dont trois présentèrent des plants croisés surpassant généralement en hauteur les autofécondés de plus de 5 pour 100 [* contresens : généralement par beaucoup plus que 5 pour 100], et nous avons vu [* oubli : dans le tableau C] que la descendance des plants de la troisième génération autofécondée, croisée par un rameau nouveau, profitèrent [* profita] comme hauteur et comme fécondité à un degré extraordinaire. Mais, dans cette troisième génération, les plants croisés de la même souche furent en hauteur aux autofécondés seulement dans la proportion de 100 à 99, ce qui veut dire qu'ils furent en réalité égaux. Néanmoins, lorsque ces huit plants croisés et les huit autofécondés furent coupés et pesés, les premiers furent aux derniers, en poids, comme 100 est à 49. Il ne peut y avoir le moindre doute que les plants croisés de cette espèce soient de beaucoup supérieurs en vigueur et en beauté [* contresens : en luxuriance] aux autofécondés ; quant à la raison pour laquelle les plants autofécondés de la troisième génération, quoique très-légers et très-frêles, s'accrurent au point d'être presque égaux aux croisés comme hauteur je ne saurais la donner.

2. Lobelia fulgens (première génération). Les plant croisés de cette génération furent de beaucoup inférieurs aux autofé-

CHAP. VII TABLEAU A. 277

condés dans la proportion de 100 à 127. Quoique deux paires seulement airent été mesurées, ce qui est assurément trop peu pour inspirer quelque confiance, cependant, d'après d'autres exemples donnés dans l'article relatif à cette espèce, il est certain que les plants autofécondés furent beaucoup plus vigoureux que les croisés. Comme, pour la fécondation croisée et directe des générateurs, je me servis de pollen entaché d'une maturité inégale, il est possible que le grand accroissement [* contresens : que la grande différence de croissance] de la descendance ait été dû à cette cause. Dans la génération suivante, cette source d'erreur fut écartée, un plus grand nombre de plantes fut obtenu, et alors la hauteur moyenne des vingt-trois plants croisés fut à celle des vingt-trois autofécondés comme 100 est à 91. Nous pourrions donc difficilement mettre en doute qu'un croisement est profitable à cette espèce.

3. Petunia violacea (troisième génération). Huit plants croisés furent à huit autofécondés de la troisième génération, en hauteur moyenne, comme 100 est à 131, et dans un âge plus tendre les croisés eurent une infériorité encore plus prononcée. Un fait remarquable, c'est que dans un pot où les plants des deux lots furent extrêmement entassés, les croisés furent trois fois aussi grands que les autofécondés. Comme dans les deux générations qui précèdent et [* oubli : les deux] qui suivent, aussi bien que dans les plants obtenus d'un croisement avec un rameau nouveau, les plants croisés surpassèrent de beaucoup les autofécondés en hauteur, en poids et en fécondité (quand l'attention fut portée sur ces deux derniers points), le cas présent doit être pris pour anormal et ne se rapportant pas à la loi générale. L'explication la plus probable de ce fait est que les semences dont les plants autofécondés de la troisième génération provinrent, n'étaient pas bien mûries, car j'ai observé un cas analogue avec l'Iberis. Des semis autofécondés de cette dernière plante, que je savais être issus de graines non mûres, s'accrurent d'abord beaucoup plus rapidement que les plants croisés obtenus de semences mieux mûries, et, après avoir une fois obtenu cette avance, ils furent dans la suite rendus capables de retenir cet avantage. Quelques-unes de ces mêmes graines d'Iberis furent semées dans des points opposés de pots remplis de terre brûlée et de sable pur ne contenant aucune matière organique, et alors les jeunes semis croisés s'accrurent pendant leur courte existence du double de la hauteur des autofécondés, comme cela s'était présenté avec les deux séries ci-dessus de Petunia qui furent très-entassés et exposés ainsi à des conditions très-défavorables. Nous avons aussi vu, dans la huitième génération de l'Ipomœa, que les semis autofécondés obtenus de parents malades s'accrurent d'abord beaucoup plus rapidement que les semis croisés, de façon qu'ils furent d'abord pendant longtemps d'une taille beaucoup plus

278 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

élevée que ces derniers, quoique devant finalement être battus par eux.

4, 5, 6. Eschscholtzia californica. Quatre séries de mensurations sont données dans le tableau A. Dans l'une d'elles, les plants croisés surpassent en hauteur moyenne les autofécondés, aussi n'est-ce pas là que nous trouvons une des eceptions qui doivent être examinées. Dans les deux autres cas, les plants croisés égalèrent en hauteur les autofécondés dans les limites de 5 pour 100, et, dans le quatrième cas, les autofécondés surpassèrent les croisés dans une limite plus large. Nous avons vu (tableau C) que tout l'avantage réalisé par un croisement avec un rameau nouveau est concentré sur la fécondité, et il en fut ainsi avec les plants entre-croisés de la même souche comparés aux autoécondés, car les premiers furent en fécondité au derniers, comme 100 est à 89. Les plants entre-croisés ont ainsi au moins un important avantage sur les autofécondés. Du reste [* contresens : De plus], les fleurs des générateurs, après fécondation par le pollen d'un autre individu de la même souche, donnèrent beaucoup plus de graines qu'après autofécondation : les fleurs dans ce dernier cas furent souvent tout à fait stériles. Nous pouvons donc conclure que le croisement produit quelques bons effets, quoiqu'il ne donne pas aux semis croisés un accroissement de la puissance végétative.

7. Viscaria oculata. La hauteur moyenne des quinze plants entre-croisés fut à celle des quinze autofécondés seulement comme 100 est à 97 ; mais les premiers produisirent beaucoup plus de capsules que les derniers [* (que les autofécondés)], dans la proportion de 100 à 77. Cependant [* contresens : De plus], les fleurs des générateurs qui furent croisées et celles qui furent autofécondées, donnèrent, dans une occasion, des semences dans la proportion de 100 à 38 [* (voir p. 131)], et dans une autre circonstance, dans la proportion de 100 à 58 [* (voir p. 132)]. Il ne peut donc y avoir aucun doute sur les effets avantageux d'un croisement, quoique la hauteur moyenne des plants croisés fût seulement de 3 pour 100 au-dessus de celle des autofécondés.

8. Specularia speculum. On le mesura que les quatre plus grands plants croisés et les quatre plus grands autofécondés végétant dans quatre pots : les premiers furent, en hauteur, au derniers comme 100 est à 98. Dans tous les quatre pots, un plant croisé fleurit avant chacun des plants autofécondés, et c'est là généralement un indice certain de supériorité pour les plants croisés. Les fleurs des générateus qui furent croisées avec le pollen d'un autre plant donnèrent des graines qui, comparées à celles issues des fleurs autofécondées, furent comme 100 est à 72. Nous pouvons donc tirer de ces faits les mêmes conclusions que dans le dernier cas, au point de vue du bénéfice réalisé par un croisement.

CHAP. VII TABLEAU A. 279

9. Borrago officinalis. Quatre plants croisés seulement et quatre autofécondés furent obtenus, puis mesurés, et les premiers furent en hauteur aux derniers, comme 100 est à 102. Un si petit nombre de mensurations ne peut inspirer aucune confiance, et, dans l'exemple présent, l'avantage des autofécondés sur les croisés a dépendu presque entièrement de ce que l'un des plants autofécondés atteignit une hauteur inaccoutumée. Tous les quatre plants croisés fleurirent avant leurs opposants autofécondés. Les fleurs croisées sur les générateurs comparées aux autofécondées donnèrent des semences dans la proportion de 100 à 60. Nous devons donc, ici encore, tirer les mêmes conclusions que dans les deux cas précédents.

10. Passiflora edulis [* erreur : Passifloragracilis]. On n'obtint que deux plants autofécondés et deux croisés ; les premiers furent en hauteur aux derniers comme 100 est à 104. D'un autre côté, les fruits issus des fleurs croisées sur les plants générateurs contenaient des semences dont le nombre, comparé à celui des fruits autofécondés, fut dans la proportion de 100 à 85.

11. Phaseolus multiflorus. Les cinq plants croisés furent aux cinq autofécondés, en hauteur, comme 100 est à 96. Quoique les plants croisés ne fussent que de 4 pour 100 plus élevés que les autofécondés, ils fleurirent avent ces derniers dans les deux pots. Il est donc probable qu'ils eurent un avantage réel sur les autofécondés.

12. Adonis æstivalis. Les quatre plants croisés furent presque exactement égaux en hauteur aux quatre autofécondés, mais, des mensurations faites sur un si petit nombre de plants qui furent en outre « d'une santé misérable », ne permettent aucune déduction sûre au point de vue de leurs hauteurs relatives.

13. Bartonia aurea. Les huit plants croisés furent, en hauteur, aux huit autofécondés comme 100 est à 107. Ce nombre de plants, si l'on considère le soin qui fut pris pour leur obtention et pour leur comparaison, devrait avoir donné un résultat digne de confiance. Mais, pour une cause restée inconnue, ils s'accrurent très-inégalement, et ils devinrent si maladifs que trois seulement d'entre les croisés et trois autofécondés donnèrent des graines, mais en très-petit nombre. Dans ces conditions, aucune des hauteurs moyennes des deux lots ne peut inspirer confiance, et ces expériences sont sans valeur. Les fleurs fécondées par croisement sur les générateurs donnèrent beaucoup [* plutôt (et non "beaucoup")] plus de semences que les fleurs autofécondées.

14. Thunbergia alata. Les six plants croisés furent aux [* oubli : six] autofécondés, en hauteur, comme 100 est à 108. Ici les plants autofécondés paraissent avoir un avantage marqué, mais les deux lots s'accrurent si inégalement que quelques-uns d'entre les

280 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

plants [* oubli : de chaque côté] furent plus de deux fois aussi élevés que les autres. Les générateurs furent également dans une singulière condition de demi-stérilité. Dans ces circonstances, la supériorité des plants autofécondés ne peut inspirer une confiance absolue.

15. Nolana prostrata. Les cinq plants croisés furent, en hauteur, aux cinq autofécondés, comme 100 est à 105, de façon que les derniers parurent être doués d'un avantage léger mais bien marqué sur les premiers. D'autre part, les fleurs des générateurs qui furent fécondées par croisement donnèrent beaucoup plus de capsules que les fleurs autofécondées dans la proportion de 10 à 21 ; et, de plus, les graines contenues dans les premières furent plus lourdes que celles d'un nombre égal de capsules autofécondées, dans la proportion de 100 à 82.

16. Hibiscus africanus. Quatre paires seulement ayant été obtenues, les croisées furent en hauteur aux autofécondées comme 100 est à 109. A moins que le nombre de plants mesurés ait été trop petit, je ne connais aucune autre cause qui puisse altérer [* contresens : causer méfiance envers] ce résultat. D'autre part, les fleurs fécondées par croisement sur les plants générateurs furent plus productives que les fleurs autofécondées.

17. Apium petroselinum. Quelques plants (le nombre m'échappe) dérivés de fleurs considérées comme croisées par les insectes, et quelques plants autofécondés, s'accrurent dans des points opposés de quatre pots ; ils atteignirent la même hauteur à peu près, un léger avantage étant pourtant resté au croisés.

18. Vandellia nummularifolia. Vingt plants croisés obtenus des semences de fleurs parfaites furent, en hauteur, à vingt plants autofécondés issus également de semences données par des fleurs parfaites, comme 100 est à 99. L'expérience fut répétée, avec cette seule différence que les plants durent végéter plus entassés, et alors les vingt-quatre plus grands plants croisés furent aux vingt-quatre plus grands autofécondés, en hauteur, comme 100 est à 94, et, en poids, comme 100 est à 97. Du reste [* contresens : De plus], un plus grand nombre de sujets croisés que d'autofécondés atteignit une hauteur modérée. Les vingt plants croisés sus-mentionnés furent mis aussi en compétition avec vingt plants autofécondés obtenus par le croisement des fleurs [* oubli : fermées ou] cléistogènes, et leurs hauteurs furent aussi dans la proportion de 100 à 94. Si donc nous n'avions pas la première épreuve dans laquelle les plants croisés furent aux autofécondés, en hauteur, seulement comme 100 est à 99, cette espèce eût pu être classée parmi celles dont les plants croisés surpassent les autofécondés de plus de 5 pour 100. D'un autre côté, dans la deuxième expérience, les plants croisés portèrent moins de capsules [* oubli : et celles-ci étaient] pourvues d'une quantité de graines moindre que dans les autofécondés : toutes

CHAP. VII TABLEAU A. 281

ces capsules provenaient du reste de fleurs cléistogènes. Le cas peut donc inspirer du doute dans son ensemble.

19. Pisum sativum (pois commun). Quatre plants dérivés d'un croisement entre individus de la même variété furent, en hauteur, à quatre plants autofécondés appartenant à la même variété, comme 100 est à 115. Quoique le résultat de cette fécondation croisée n'ait pas été favorable, nous avons vu, dans le tableau C, qu'un croisement entre variétés distinctes ajouta [* ajoute] beaucoup à la hauteur et à la vigueur de la descendance ; ce fut là une nouvelle preuve de [* contresens : il fut expliqué là] ce fait que l'inefficacité du croisement, entre individus de la même variété, est presque certainement attribuable à l'autofécondation continuée pendant plusieurs générations, et au maintien des sujets, à chaque génération, dans des conditions à peu près semblables.

20, 21, 22. Canna warscewiczi. Des plants appartenant à trois générations furent observés, et dans chacune d'elles les sujets croisés furent approximativement égaux aux autofécondés ; la hauteur moyenne de trente-quatre plants croisés fut à celle du même nombre d'autofécondés comme 100 est à 101. Donc, les plants croisés n'eurent aucun avantage sur les autofécondés, et il est probable que l'explication donnée pour le Pisum sativum s'applique bien [* contresens : aussi] à ce cas, car les fleurs de [* oubli : ce] Canna, parfaitement fertiles par elles-mêmes, ne furent jamais visitées par les insectes [* oubli : dans la serre chaude] (on ne le constata pas du moins) de façon à être croisées par leur action. Cette plante, du reste [* contresens : de plus], avait été cultivée sous verre et en pots pendant plusieurs générations, et par conséquent avait été maintenue dans des conditions presque uniformes. Les capsules produites par les fleurs croisées appartenant aux trente-quatre plantes croisées ci-dessus, contenaient plus de semences que ne le firent les fleurs autofécondées portées sur des pieds autofécondés, dans la proportion de 100 à 85 ; à ce point de vue donc le croisement fut avantageux.

23. Primula sinensis. La descendance des plants dont quelques-uns furent légitimement et d'autres illégitimement fécondés, fut exactement semblable à celle des plants autofécondés, mais les premiers, à de rares exceptions près, fleurirent avant les derniers. J'ai montré, dans mon travail sur les plantes dimorphes, que cette espèce est communément obtenue en Angleterre de semences autofécondées, et j'ajoute que mes plants, ayant été cultivés en pots, ont été soumis à des conditions à peu près uniformes. Du reste [* contresens : De plus], plusieurs d'entre eux sont en pleine période de variation, de changement de caractère [* contresens : sont en train de varier et de changer de caractère], et tendent à devenir plus ou moins isostylés et par conséquent très-fertiles par eux-mêmes. Je pense donc que la cause de l'égalité entre les plants croisés et les autofécondés est la même que celle invoquée

282 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

dans les deux cas précédents : Pisum sativum et Canna warscewiszi.

24, 25, 26. Nicotiana tabacum. Quatre séries de mensurations furent faites : dans l'une, les plants autofécondés surpassèrent de beaucoup en hauteur les croisés ; dans deux autres, ils furent approximativement égaux aux croisés, et dans un quatrième ils furent battus par eux : mais ce dernier cas ne doit pas être traité ici. Les plants différèrent [* contresens : diffèrent] individuellement en constitution, de façon que les descendants de quelques-uns d'entre eux profitèrent [* contresens : profitent] de l'entre-croisement de leurs parents, tandis que d'autres n'en tirèrent [* contresens : n'en tirent] aucun avantage. Si nous prenons ensemble les trois générations, nous trouvons que vingt-sept plants croisés furent, en hauteur, aux vingt-sept plants autofécondés comme 100 est à 96. Cette différence en hauteur dans les plants croisés est si faible, comparée à celle qui se fit jour dans la descendance issue de la même plante-mère après croisement avec une variété légèrement différente, que, nous pouvons le supposer (comme c'est démontré dans le tableau C), les [* contresens : la plupart des] individus appartenant à la variété qui servit de porte-graines dans mes expériences, avaient acquis une constitution à peu près semblable et telle qu'elle ne pouvait plus profiter d'un mutuel entre-croisement.

Après avoir passé en revue ces vingt-six cas, dans lesquels les plants croisés ou ne surpassèrent pas en hauteur les autofécondés de plus de cinq pour cent, ou leur furent inférieurs, nous pouvons conclure que le plus grand nombre de ces cas ne constitue pas une exception à la loi qui veut qu'un croisement entre deux plants, à moins que ceux-ci n'aient été [* oubli : autofécondés et] exposés à peu près aux mêmes conditions pendant plusieurs générations, procure à la descendance un grand avantage quelconque. Parmi ces vingt-six cas, deux au moins, ceux de l'Adonis et du Bartonia, doivent être complètement exclus, puisque les expériences furent rendues sans valeur par un état maladif extrême des sujets. Dans douze autres cas (renfermant trois expériences faites sur l'Eschscholtzia), les plants croisés, ou bien furent supérieurs en hauteur aux autofécondés dans toutes les autres générations, excepté dans celle en question, ou bien montrèrent leur supériorité d'une manière différente, en poids,

CHAP. VII TABLEAU A. 283

en fécondité, ou en précocité de floraison, ou encore les fleurs croisées de la plante-mère donnèrent plus de semences que les autofécondées.

Ces quatorze cas étant déduits, il en reste douze dans lesquels les plants croisés ne montrèrent aucun avantage sur les autofécondés. D'autre part, nous avons démontré qu'il existe cinquante-sept cas dans lesquels les plants croisés surpassent, en hauteur, les autofécondés d'un minimum de cinq pour cent et généralement à un plus haut degré. Mais, même dans les douze cas dont je viens de parler, le défaut absolu d'avantage du côté des plants croisés est loin d'être certain : avec le Thunbergia, les générateurs furent dans un état bizarre de demi-stérilité et la descendance s'accrut très-inégalement ; avec l'Hibiscus et l'Apium. un trop petit nombre de sujets furent obtenus et mesurés pour inspirer toute confiance, et de plus les fleurs croisées de l'Hibiscus produisirent beaucoup plus de semences que les autofécondées ; dans le Vandellia, les plants croisés furent un peu plus grands et plus lourds que les autofécondés, mais comme leur fécondité fut moindre, le cas doit être considéré comme douteux. Enfin, dans le Pisum, le Primula, les trois générations de Canna, et les trois générations de Nicotiana (qui ensemble complètent les douze cas), un croisement entre deux plants resta certainement, pour la descendance, sans grands effets avantageux ou n'en produisit aucun ; mais nous avons des raisons pour croire que, dans ces plants, ce résultat est dû à l'autofécondation et à la culture prolongées pendant plusieurs générations sous des conditions à peu près uniformes. Les mêmes résultats furent obtenus avec les plants d'Ipomœa et de Mimulus mis en expérience, et dans une certaine mesure avec quelques autres espèces que j'avais intentionnellement traitées de la même manière : cependant nous savons que ces espèces, dans les conditions normales, profitent beaucoup d'un entre-croisement. Il n'y a donc pas, dans le tableau A, un seul cas qui

284 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.   CHAP. VII

apporte une preuve cetaine contre la loi qui veut qu'un croisement entre plants dont les progéniteurs ont été soumis à des conditions quelque peu différentes, soit profitable à la descendance. C'est là une conclusion surprenante, car, en se fondant sur l'analogie que présentent les animaux soumis à la domestication, il n'eût pas été possible de prévoir que les bons effets du croisement ou l'influence désavantageuse de l'autofécondation serait perceptible, dans les plantes, avant qu'elles n'eussent subi ce traitement pendant plusieurs générations.

Les résultats donnés dans le tableau A peuvent être considérés à un autre point de vue. Jusqu'ici chaque génération a été envisagée comme formant un cas à part (nous en avons compté quatre-vingt-trois) et c'est là, sans aucun doute, la méthode la plus correcte de comparaison entre les plants croisés et les autofécondés. Mais, dans les cas où les plants de la même espèce furent observés pendant plusieurs générations, une moyenne générale de deux hauteurs doit être prise dans l'ensemble des générations, et les moyennes sont données dans le tableau A. Par exemple, pour l'Ipomœa la moyenne générale des plants dans toutes les [* oubli : dix] générations est comme 100 (pour les croisés) est à 77 (pour les autofécondés). Cette opération ayant été faite pour chaque cas dans lequel plus d'une génération fut obtenue, il est facile de calculer la moyenne des hauteurs moyennes pour les plants soit croisés soit autofécondés de toutes les espères renfermées dans le tableau A. Il est bon de faire remarquer que, comme dans quelques espèces un petit nombre de plantes seulement fut mesuré, tandis qu'un grand nombre intervint dans d'autres, les hauteurs moyennes dans ces différentes espèces ont une valeur différente [* contresens : la valeur de la moyenne des hauteurs moyennes des différentes espèces est très-différente]. Malgré cette cause d'erreur, la moyenne des hauteurs moyennes dans les cinquante-quatre espèces du tableau A mérite d'être donnée ; en voici le résultat : si nous désignons par 100 la moyenne des hauteurs moyennes des plants croisés, celle des plants auto-

CHAP. VII TABLEAU A. 285

fécondés sera de 87. Mais une meilleure méthode consiste à diviser les cinquante-quatre espères en trois groupes, comme ce fut pratiqué avec les quatre-vingt-trois cas déjà donnés. Le premier groupe renferme les espèces dont les hauteurs moyennes, pour les plants autofécondés, dépassent de 5 pour cent le chiffre 100 [* contresens : sont dans les 5 pour cent de 100], ce qui fait qu'alors les plants croisés et les autofécondés sont approximativement égaux. De ces espèces, qui sont au nombre de douze environ, il n'y a rien à dire, la moyenne des hauteurs moyennes dans les plants autofécondés, certainement très-rapprochée de 100, étant exactement de 99,58. Le second groupe est composé d'espèces, au nombre de trente-sept, dont les hauteurs moyennes, dans les plants croisés, surpassent celles des autofécondés de plus de 5 pour cent, et, dans ce cas, la moyenne des hauteurs moyennes [* oubli : des] croisées est à celle des autofécondées comme 100 est à 78. Le troisième groupe, enfin, comprend des espèces au nombre de cinq seulement, dont les hauteurs moyennes dans les plants autofécondés surpassent celles des croisés de plus de 5 pour cent ; ici la moyenne des hauteurs moyennes, dans les plants croisés, est à celle des autofécondés comme 100 est à 109. Si nous excluons donc les espèces qui sont approximativement égales, il en reste trente-sept dans lesquelles la moyenne des hauteurs moyennes, dans les plants croisés, surpasse celles des autofécondés de 22 pour cent, tandis que nous en avons seulement cinq dans lesquelles la moyenne des hauteurs moyennes, dans les plants autofécondés, surpasse celle des croisés * oubli : et ce surpassement est seulement] de 9 pour cent. La vérité de cette conclusion, à savoir que les bons effets d'un croisement dépendent de ce que les plants ont été assujettis à des conditions différentes, ou de ce qu'ils appartiennent à des variétés diverses des cas [* contresens : … à des variétés diverses, deux cas] dans lesquels ils diffèrent presque certainement comme constitution, se trouve confirmée par la comparaison des tableaux A et C. Ce dernier tableau donne les résultats du croisement des plants avec un rameau nouveau ou avec une variété dis-

286 RÉSUMÉ DES MENSURATIONS.    CHAP. VII

tincte, et la supériorité de la descendance croisée sur l'autofécondée est ici beaucoup plus générale et bien plus fortement marquée que dans le tableau A qui indique les plants croisés de la même souche. Nous venons de voir que la moyenne des hauteurs moyennes, dans les plants croisés appartenant aux cinquante-quatre espèces du tableau A, est à celle des plants autofécondés comme 100 est à 87, tandis que la moyenne des hauteurs moyennes, dans les plants croisés par un rameau nouveau, est à celle des autofécondés du tableau C comme 100 est à 74. Ainsi, les plants croisés battirent les autofécondés de 13 pour cent dans le tableau A, et de 26 pour cent ou du double dans le tableau C qui renferme les résultats d'un croisement par un rameau nouveau.

TABLEAU B.

Nous devons ajouter quelques mots sur le poids des plants croisés de la même souche comparés aux autofécondés. Dans le tableau C [* erreur : tableau B], onze cas sont donnés ayant trait à huit espèces. Le nombre des plants qui furent pesés est indiqué dans les deux colonnes de gauche, et leur poids relatif dans la colonne de droite où celui des plants croisés est représenté par 100. Quelques autres cas ont été déjà rappelés dans le tableau C, pour ce qui a trait aux plants croisés par un rameau nouveau. Je regrette qu'il n'ait pas été fait un plus grand nombre d'épreuves de cette sorte, car l'évidence de la supériorité des plants croisés sur les autofécondés est ainsi mise au jour d'une manière plus concluante que par les hauteurs relatives. Mais cette méthode ne se présenta à mon esprit qu'à la dernière période [* contresens : qu'à une période tardive], et elle ofre quelques difficultés d'exécution en ce sens que les semences ne devant être cueillies qu'après maturité, les plants à ce moment ont [* oubli : souvent ] commencé à se dessécher. Dans un seul des onze cas portés au tableau B, celui de l'Eschscholtzia, 1es plants autofécondés surpassèrent en poids les croisés, et nous

CHAP. VII TABLEAU B. 287

avons vu déjà qu'ils leur furent également supérieurs en hauteur, mais intérieurs en fécondité : tout l'avantage du croisement fut donc concentré sur le système reproducteur. Dans le Vandellia, les plants croisés eurent un peu plus de poids que les autofécondés, ils furent [* contresens : étant (et non "ils furent" : lien de cause à effet)] aussi un peu plus grands que ces derniers ; mais, comme des capsules plus productives furent engendrées en plus grand nombre par les fleurs cléistogènes des plants autofécondés que par celles des sujets croisés, ce cas doit être rejeté [* contresens : ce cas doit être considéré comme douteux], ainsi que cela a été indiqué pour le tableau A, car il est douteux dans les deux expériences [* contresens : ce cas doit être considéré comme douteux, ainsi que cela a été indiqué dans le tableau A (the case must be left, as remarked under Table A, altogether doubtful)]. Les descendances croisée et autofécondée d'un plant de Réséda [* Reseda odorata] partiellement autostérile furent presque égales comme poids, mais pas comme hauteur. Dans les huit cas restant, les plants croisés montrèrent une remarquable supériorité sur les autofécondés, puisqu'ils eurent un poids plus que double, excepté dans un seul cas où la proportion, en hauteur, devint comme 100 à 67 [* contresens : excepté dans un seul cas où la proportion fut aussi élevée que 100 à 67]. Ainsi, les résultats déduits du poids des plants confirment d'une manière saisissante la première preuve des effets avantageux d'un croisement entre deux plants de la même souche, et dans les quelques cas où les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau furent pesés, les résultats sont semblables ou même plus frappants encore.

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CHAPITRE VIII.

Différence entre les plants croisés et les autofécondés comme

vigueur constitutionnelle et à d'autres points de vue.

Vigueur constitutionnelle plus accentuée chez les plantes croisées. — Effets des grands entassements. — Compétition avec les autres [* sortes de] plantes. — Les plants autofécondés sont plus exposés à une mort prématurée. — Les plants croisés fleurissent généralement avant les autofécondés. — Effets négatifs de l'entre-croisement des fleurs d'un même plant. — Description de différents cas. — Transmission des bons effets d'un croisement jusqu'aux dernières générations. — Effets du croisement de plants d'une parenté étroite. — Couleur uniforme des fleurs dans les plants autofécondés pendant plusieurs générations et cultivées dans des conditions semblables.

Vigueur constitutionnelle plus accentuée des plants croisés. — Dans presque toutes mes expériences, un nombre égal de semences croisées et d'autofécondées, ou plus communément de semis venant de naître à peine, ayant été placé dans des points opposés d'un même pot, ces sujets y furent mis en concurrence les uns contre les autres, et il faut en conclure que le poids plus élevé, la hauteur et la fécondité plus accentuées chez les plants croisés doivent être attribués à ce qu'ils sont doués naturellement d'une plus grande vigueur constitutionnelle. Généralement, dans leur grande jeunesse, les plants des deux lots furent de taille égale, mais, dans la suite, les croisés gagnèrent insensiblement sur leurs antagonistes, ce qui montre qu'ils possèdent une certaine supériorité inhérente à leur nature, quoique ne se montrant pas aux premières périodes de la vie. Il se présenta, du reste [* contresens : cependant], quelques exceptions remarquables à cette règle qui établit

CHAP. VIII VIGUEUR CONSTITUTIONNELLE. 289

l'égalité primitive en hauteur entre les deux lots ; ainsi, les semis croisés du genêt à balai (Sarothamnus scoparius) parvenus à [* contresens : avant d'atteindre] la taille de 0m,075 furent de deux fois aussi grands que les autofécondés. Les plants croisés ayant décidément surpassé en hauteur leurs antagonistes, l'avantage qu'ils possédaient devait tendre encore à s'accroître en raison de ce que les plants les plus forts dérobaient aux faibles leur nourriture ou [* contresens : et (et non "ou")] les couvraient d'ombrage. Ce fut évidemment là ce qui se produisit avec les plants croisés du Viola tricolor, qui finalement écrasèrent les autofécondés. Mais ce fait que les plants croisés sont doués d'une supériorité naturelle indépendante [* contresens : indépendamment] de toute compétition, devint évident lorsque les deux lots furent plantés séparément, en plein air, non loin les uns des autres et dans une bonne terre. La même démonstration fut encore donnée dans plusieurs cas, même avec les [* des (et non "les")] plants végétant en étroite compétition les uns contre les autres, par ce fait qu'un sujet autofécondé ayant surpassé pendant un certain temps son antagoniste qui avait été endommagé par quelque accident ou était devenu malade, put être finalement battu par lui.

Les plants de la huitième génération de l'Ipomœa furent obtenus de petites semences produites par des parents maladifs, et les sujets autofécondés s'accrurent d'abord très-rapidement ; aussi, lorsque les plantes des deux lots eurent environ 0m,915 de haut, la hauteur moyenne des plants croisés fut à celle des autofécondés comme 100 est à 122 ; quand ils eurent à peu près 1m,830 de haut, l'égalité exista dans les deux lots, mais, en dernier lieu, quand leur taille commune fut comprise entre 2m,44 et 2m,74, les plants croisés reprirent leur supériorité accoutumée et furent, en hauteur, aux autofécondés, comme 100 est à 85.

La supériorité constitutionnelle des plants croisés sur les autofécondés fut prouvée d'une autre manière, dans la troisième génération du Mimulus, par l'expérience qui consista à

290 VIGUEUR CONSTITUTIONNELLE CHAP. VIII

semer des graines autofécondées d'un côté du pot, et après un certain laps de temps, des semences croisées au côté opposé. Les semis autofécondés eurent ainsi (car je m'assurai que la germination de ces graines avait été simultanée) un avantage évident dès le début de la carrière [* début de la compétition]. Néanmoins, comme on peut le voir au paragraphe Mimulus, ils furent battus

aisément lorsque l'ensemencement des graines croisées eut lieu deux jours pleins apès celui des autofécondées. Après un intervalle de quate jours, les semis des deux lots furent à peu près égaux durant toute leur vie. Même dans ces derniers cas, les plants croisés eurent encore un avantage naturel, car, après que les deux lots eurent atteint leur complet développement, ils furent coupés, puis transplantés dans un plus grand pot sans avoir à en souffrir, et, l'année suivante, lorsqu'ils eurent donné de nouveau toute leur croissance, on les mesura, et alors les plus grands plants croisés furent, en hauteur aux plus grands autofécondés comme 100 est à 75 ; et en fécondité (calculée d'après le poids des semences prises dans un nombre égal de capsules des deux lots), comme 100 est à 34.

Ma méthode d'expérimentation usuelle, qui consista à planter plusieurs paires de semences croisées et d'autofécondées en état égal de germination, dans des parties opposées de mêmes pots, pour y soumettre les plants à une compétition modérée, fut, à mon avis, la meilleure qu'on put suivre pour reproduire fidèlement les conditions naturelles. En effet, les plantes semées par la nature viennent en général très-entassées et sont presque toujours condamnées à une concurrence très-sérieuse qui s'exerce entre individus de la même espèce et d'espèces différentes. Celle dernière considération me conduisit à faire quelques essais, principalement, mais non pas exclusivement avec l'Ipomœa et le Mimulus, en semant des graines croisées et des autofécondées en des points opposés de grands vases dans lesquels d'autres plantes avaient longtemps végété, ou encore au milieu d'autres plantes vivant en plein air. Les semis furent ainsi

CHAP. VIII DES PLANTES CROISÉES.   291

soumis à une sévère compétition avec les plantes d'autres espèces, et, dans tous les cas semblables, les semis croisés montrèrent, comme puissance accressive, une grande supériorité sur les autofécondés.

Après que les semis venant de germer eurent été plantés par paires dans des points opposés de plusieurs pots, les semences restant, en état de germination ou non, furent, dans le plus grand nombre des cas, semées dru des deux côtés d'un autre grand pot. Les sujets qui en provinrent y vécurent donc très-entassés et assujettis par suite, tout à la fois à une très-rigoureuse compétition et à des conditions défavorables. Dans ces divers cas, les plants croisés montrèrent sur les autofécondés une supériorité presque invariablement plus accentuée qu'elle ne le fut dans les plants qui végétèrent par paires en pots.

Quelquefois, les graines croisées et les autofécondées furent semées, en séries séparées, dans une terre débarrassée des mauvaises herbes et où les semis ne furent, par conséquent, soumis à aucune compétition avec les autres espèces de plantes. Dans chaque série, cependant, les sujets avaient à lutter avec leurs voisins [* oubli : du même rang]. Après complet développement, plusieurs des plus grands plants, dans chaque série, furent choisis, comparés et mesurés. Dans plusieurs cas, mais moins invariablement qu'on pouvait l'espérer, le résultat fut que les plants croisés ne surpassèrent pas, en hauteur, les autofécondés à un si haut degré que lorsqu'ils vécurent par paires dans les pots. Ainsi, avec les plants de Digitale qui luttèrent en pots, les sujets croisés furent, en hauteur, aux autofécondés, comme 100 est à 70, tandis que ceux qui s'accrurent séparément donnèrent seulement la proportion de 100 à 85. Le même résultat à peu près fut observé avec le Brassica. Dans le Nicotiana, les plants croisés furent en hauteur aux autofécondés, lorsque les uns et les autres vécurent entassés dans des pots, comme 100 est à 54 ; lorsque l'entassement fut moins considérable, comme 100 à 66,

292 VIGUEUR CONSTITUTIONNELLE CHAP. VIII

et lorsque, enfin, ils furent cultivés en pleine terre de manière à n'être soumis qu'à une légère compétition, comme 100 est à 72. D'autre part, avec le Zea mais, il exista, en hauteur, une plus grande différence entre les plants croisés et les autofécondés cultivés en pleine terre qu'entre les paires qui végétèrent en pots dans la serre [* oubli : (serre) chaude] ; mais ce résultat peut être attribué à ce que les plants autofécondés étant plus délicats, ils souffrirent plus que les croisés lorsqu'ils furent soumis à l'influence d'un été froid et humide. Enfin, dans une ou deux séries de Reseda odorata cultivé en pleine terre, aussi bien qu'avec le Beta vulgaris, les plants croisés ne surpassèrent pas en hauteur les autofécondés ou le firent fort légèrement.

Le pouvoir naturel aux plantes croisées de résister bien mieux que les autofécondés à des conditions défavorables, fut mis en évidence, en deux circonstances, d'une manière curieuse (dans l'Iberis et dans la troisième génération du Petunia), je veux dire par la grande supériorité [* oubli : en hauteur] des plants croisés sur les autofécondés lorsque les deux lots furent cultivés dans des conditions extrêmement défavorables ; tandis que sous l'influence de circonstances spéciales, l'inverse exactement se présenta avec les plants obtenus des mêmes semences et végétant par paires dans des pots. Un cas à peu près analogue fut observé, dans deux autres occasions, avec les plants de la première génération du Nicotiana.

Les plants croisés supportèrent toujours bien mieux les effets préjudiciables de l'exposition soudaine au grand air, apès conservation dans la serre. En plusieurs circonstances, ils résistèrent aussi beaucoup mieux à un hiver froit et rigoureux. Ce fut manifestement le cas pour l'Ipomœa, dont quelques plants croisés et quelques autofécondés furent soudainement transportés de la serre chaude dans la partie la moins favorable d'une serre froide. La descendance des plants de la huitième génération autofécondé du Mimulus, croisée avec un rameau nouveau, résista à une gelée qui brûla chaque

CHAP. VIII DES PLANTES CROISÉES.   293

plant autofécondé et chaque entre-croisé de la même vieille souche. Un résultat à peu près identique fut obtenu avec quelques plants croisés quelques autofécondés de Viola tricolor. Dans les plants croisés de Sarothamnus scoparius les jeunes pousses n'eurent pas même leurs extrémités touchées par un froid d'hiver très-rigoureux, tandis que tous les plants autofécondés furent gelés jusqu'au-dessous de terre [* contresens : jusqu'à mi-hauteur au dessus du sol] et devinrent ainsi incapables de fleurir l'été suivant. Les jeunes semis croisés de Nicotiana supportèrent un été froid et humide beaucoup mieux que les autofécondés. Je n'ai rencontré qu'une seule exception à cette règle que les plants croisés sont plus robustes que les autofécondés : trois longues séries [* trois longs rangs] de plants d'Eschscholtzia, consistant en semis croisés par un rameau nouveau, en semis entre-croisés de la même souche et en sujets autofécondés, furent laissés à découvert pendant un hiver rigoureux et ils périrent tous, sauf deux autofécondés. Ce cas, toutefois, n'est pas aussi anormal qu'il le paraît d'abord, car il ne faut pas oublier que les plants autofécondés de l'Eschscholtzia furent toujours plus grands et plus lourds que les croisés, tout le bénéfice qui résulte d'un croisement dans cette espèce étant concentré sur l'augmentation en fécondité.

En dehors de toute cause extérieure saisissable, les plants autofécondés furent plus exposés à une mort prématurée que les croisés, et c'est là un fait qui me parut [* paraît] curieux. Pendant le premier âge des semis, quand un d'entre eux succombait, son antagoniste était arraché et rejeté, et je suis porté à croire que la mort frappa, dans leur jeunesse, beaucoup plus de semis autofécondés que de croisés ; mais j'ai négligé de prendre des notes sur ce point. Du reste [* contresens : Cependant], dans le cas du Beta vulgaris, il est certain qu'un grand nombre de semences autofécondées périt sous terre après germination, tandis que les graines croisées semées simultanément ne souffrirent pas ainsi. Lorsqu'un plant mourut à

294 PÉRIODE DE FLORAISON. CHAP. VIII

un âge quelque peu avancé, le fait fut inscrit, et je trouve dans mes notes que sur plusieurs centaines du sujets observés, sept, seulement des croisés succombèrent, tandis que vingt-neuf au moins parmi les autofécondés (ce qui fait plus de quatre fois autant) furent ainsi perdus. M. Galton, après avoir étudié quelques-uns de mes tableaux, fait cette remarque : « Il est très-évident que les colonnes spéciales aux plants autofécondés renferment un plus grand nombre de sujets exceptionnellement petits » ; et la fréquence de ces plantes chétives est en relation intime avec [* oubli : la] propension à la mort prématurée. Les plants autofécondés [* oubli : de Petunia] complétaient leur croissance et se desséchaient plus tôt que les entre-croisés, et ces derniers étaient dans la même situation vis-à-vis de [* oubli : dans la même situation considérablement plus tôt que] la descendance d'un rameau nouveau.

Période de floraison. — Dans quelques cas, tels que ceux de la Digitale, du Dianthus et du Réséda, un plus grand nombre de plants croisés que d'autofécondés donna des tiges florales; mais ce ne fut là probablement que le résultat de leur plus grande puissance d'accroissement, car, dans la première génération du Lobelia fulgens, où les plants autofécondés surpassèrent de beaucoup en hauteur les croisés, plusieurs d'entre ces dernières manquèrent de donner des tiges florifères. Dans un grand nombre d'espèces, les plants croisés montrèrent une tendance bien accentuée à fleurir avant les autofécondés dans les mêmes pots. On remarquera, du reste [* contresens : cependant], qu'aucune note ne fut conservée sur la floraison de plusieurs espèces, et quand ce soin fut pris, la floraison de la première plante, dans chaque pot, fut seulement observée, quoique deux ou plusieurs paires y vécussent simultanément. Je vais maintenant donner trois listes : l'une contenant les espèces dans lesquelles le premier plant qui fleurit fut un croisé ; une seconde dans laquelle la priorité comme floraison appartint à un plant autofécondé, et une troisième enfin renfermant les espèces qui fleurirent en même temps.

CHAP. VIII   PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 295

Espèces dont les premiers plants qui entrèrent

en floraison furent d'une parenté croisée.

Ipomœa purpurea. — Je trouve dans mes notes que, dans les dix générations, plusieurs [* contresens : beaucoup] des plants croisés fleurirent avant les autofécondés, mais aucun détail ne fut conservé.

Mimulus luteus (première génération). — Des [* erreur : Dix] fleurs portées sur des plants croisés furent entièrement épanouies avant une seule autofécondée.

Mimulus luteus (deuxième et troisième générations). — Dans ces deux générations un plant croisé fleurit avant un autofécondé dans les trois pots.

Mimulus luteus (cinquième génération). — Dans tous les trois pots, un plant croisé fleurit le premier, cependant les plants autofécondés qui appartenaient à une nouvelle et grande variété furent, en hauteur, aux croisés comme 126 est à 100.

Mimulus luteus. — Des plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau, aussi bien que les plants entre-croisés de la vieille souche, fleurirent avant les autofécondés dans neuf pots sur dix.

Salvia coccinea. — Un plant croisé fleurit avant chacun des autofécondés dans tous les trois pots.

Origanum vulgare. — Pendant deux saisons successives plusieurs plants croisés fleurirent avant les autofécondés.

Brassica oleracea (première génération). — Tous les plants croisés végétant en pots et tous ceux cultivés en plein air fleurirent les premiers.

Brassica oleracea (deuxième génération). — Un plant croisé, dans trois pots sur cinq [* erreur : sur quatre], fleurit avant chacun des autofécondés.

Iberis umbellata. — Dans les deux pots, a plant croisé fleurit en premier lieu.

Eschscholtzia californica. — Les plants dérivés du rameau brésilien croisé avec le rameau anglais fleurirent les premiers dans cinq pots sur neuf ; dans quatre vases un plant autofécondé eut la priorité, nulle part un entre-croisé du vieux rameau ne fleurit en premier lieu.

Viola tricolor. — Un semis croisé, dans cinq pots sur six, fleurit avant chaque autofécondé.

Dianthus caryophyllus (première génération). — Dans deux grandes couches de plants, quatre croisés fleurirent avant chaque autofécondé.

296 PÉRIODE DE FLORAISON. CHAP. VIII

Dianthus caryophyllus (seconde génération). — Dans les deux pots aun plant croisé fleurit tout d'abord.

Dianthus caryophyllus (troisième génération). — Dans trois des quate pots, un plant croisé fleurit le premier, cependant les croisés furent aux autofécondés, en hauteur, [* oubli : seulement]comme 100 est à 99, et [* conntresens : mais, et non "et"] en poids comme 100 à 49 .

caryophyllus. — Des plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau, et les plants entre- croisés de l'ancien rameau fleurirent avant les autofécondés dans neuf pots sur dix.

Hibiscus africanus. — Dans trois pots sur quatre, un plant croisé fleurit avant chaque autofécondé, et cependant les derniers étaient en hauteur au croisés comme 109 est à 100.

Tropæolum minus. — Un plant croisé fleurit avant chaque autofécondé dans trois pots sur quatre, la floraison fut simultanée dans le quatrième pot.

Limnanthes douglasii. — Un plant croisé fleurit avant chaque atofécondé dans quatre pots sur cinq.

Phaseolus multiflorus. — Dans les deux pots, un plant croisé fleurit le premier.

Specularia speculum. — Dans les quatre pots, un plant croisé eut la priorité comme floraison.

Lobelia ramosa (deuxième [* erreur : première] génération). — Dans tous les quate pots, un plant croisé devança comme floraison chaque autofécondé.

[* oubli : Lobelia ramosa (première génération). — Dans tous les quatre pots, un plant croisé devança comme floraison chaque autofécondé.]

Lobelia ramosa (deuxième génération). — Dans tous les quatre pots, un plant croisé devança comme floraison [* erreur : quelques jours avant] chaque autofécondé.

Nemophila insignis. — Dans quatre pots sur cinq, un plant croisé fleurit en premier lieu.

Borrago officinalis. — Dans les deux pots, un plant croisé eut la priorité.

Petunia violacea (deuxième génération). — Dans les trois pots, un plant croisé fleurit en premier lieu.

Nicotiana tabacum. — Un plant dérivé d'un croisement avec un rameau nouveau fleurit avant chacun des autofécondés de la quatrème génération, dans quinze pots sur seize.

Cyclamen persicum. — Pendant deux saisons successive, un plant croisé fleurit quelques semaines avant chaque autofécondé dans tous les quatre pots.

Primula veris (var. iso-stylée). — Dans tous les trois pots, un plant croisé fleurit tout d'abord.

Primula sinensis. — Dans les quatre pots, les plants dérivés d'un croisement illégitime entre plants distincts fleurirent avant chacun des sujets autofécondés.

CHAP. VIII   PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 297

Primula sinensis. — Un plant légitimement croisé fleurit avant chaque autofécondé, dans sept pots sur huit.

Fagopyrum esculentum. — Un plant croisé légitimement fleurit de un à deux jours avant chacun des autofécondés dans tous les trois pots.

Zea mays. — Dans les quatre pots, un plant croisé fleurit le premier.

Phalaris canariensis. — En pleine terre, les croisés fleurirent avant les autofécondés ; dans les pots, la floraison fut simultanée.

Espèces dont les plants qui fleurirent les premiers

furent de parenté autofécondée.

Eschscholtzia californica (première génération). — Les plants croisés furent d'abord plus grands que les autofécondés, mais dans leur seconde végétation, pendant l'année suivante, les autofécondés surpassèrent les croisés en hauteur, et alors ils fleurirent les premiers dans trois pots sur quatre.

Lupinus luteus. — Quoique les plants croisés fussent aux autofécondés en hauteur comme 100 est à 82, cependant dans les trois pots les plants autofécondés fleurirent les premiers.

Clarkia elegans. — Quoique les plants croisés fussent, en hauteur, aux autofécondés, comme dans le dernier cas, dans la proportion de 100 à 82, dans les deux pots les autofécondé eurent la priorité [* de floraison].

Lobelia fulgens (première génération). — Les plants croisés furent seulement en hauteur aux autofécondés comme 100 est à 127, et les derniers fleurirent de beaucoup avant les croisés.

Petunia violacea (troisième génération). — Les plants croisés furent en hauteur aux autofécondés comme 100 est à 131, et dans trois pots sur quatre un plant autofécondé fleurit le premier : dans le quatrième il y eut simultanéité [* de floraison].

Petunia violacea (quatrième génération). — Quoique les plants croisés fussent aux autofécondés, en hauteur, comme 100 est à 69, dans trois pots sur six [* erreur : sur cinq] un plant autofécondé fleurit le premier, dans le quatrième il y eut simultanéité, et seulement dans le cinquième un plant croisé eut la priorité [* de floraison].

Nicotiana tabacum (première génération). — Les plants croisés furent en hauteur aux autofécondés seulement dans la proportion de 100 est à 178, et un autofécondé fleurit le premier dans les quatre pots.

298 PÉRIODE DE FLORAISON. CHAP. VIII

Nicotiana tabacum (troisième génération). — Les plants croisés furent aux autofécondés en hauteur comme 100 est à 101, et dans quatre pots sur cinq un plant autofécondé fleurit le premier.

Canna warscewiczi. — Dans les trois générations prises ensemble, les croisés furent en hauteur aux autofécondés comme 100 est à 101 ; dans la première génération les plants autofécondés montrèrent quelque tendance à fleurir les premiers, et dans la troisième génération ils eurent la priorité [* de floraison] dans neuf pots sur douze.

Espèces dont les individus croisés et autofécondés

fleurirent presque simultanément.

Mimulus luteus (sixième génération). — Les plants croisé furent inférieurs en hauteur et en vigueur aux autofécondés, qui tous appartenaient à la nouvelle et grande variété à fleurs blanches ; toutefois, dans une moitié des pots, les plants autofécondés portèrent les premières fleurs, et dans l'autre la priorité appartint aux sujets croisés.

Viscaria oculata. — Les plants croisés furent seulement un peu plus grands que les autofécondés (c'est-à-dire comme 100 est à 97), mais considérablement plus féconds ; cependant les deux lots fleurirent presque en même temps.

Lathyrus odoratus (seconde génération). — Quoique les plants croisé fussent en hauteur aux autofécondés dans la proportion de 100 à 88, néanmoins il n'y eut aucune différence dans leur période de floraison.

Lobelia fulgens (deuxième génération). — Bien que les plants croisés fussent en hauteur aux autofécondés comme 100 est à 91, la floraison fut simultanée.

Nicotiana tabacum (troisième génération). — Les croisé étant en hauteur aux autofécondés comme 100 est à 83, un plant autofécondé fleurit néanmoins le premier dans la moitié des pots, dans l'autre moitié ce fut un plant croisé.

Ces trois listes renferment cinquante-huit cas dans lesquels la période de floraison des plants croisés et celle des autofécondés fut enregistrée. Dans quarante-quatre d'entre ces cas, un plant croisé fleurit le premier, ou dans la majorité des pots ou dans tous ensemble ; dans neuf, un plant autofécondé eut la priorité ; dans cinq enfin, les deux lots fleu-

CHAP. VIII   PLANTES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. 299

rirent simultanément. Un des cas les plus frappants est relui du Cyclamen, dans lequel, durant deux saisons, les plants croisés fleurirent quelques semaines avant les autofécondés dans les quatre pots. A la seconde génération du Lobelia ramosa, un sujet croisé fleurit, dans les quatre pots, quelques jours avant chaque autofécondé. Les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau montrèrent généralement une tendance très-fortement marquée à fleurir avant les sujets autofécondés et avant les entre-croisés de la même vieille souche, les trois lots ayant vécu dans les mêmes pots. Ainsi avec le Mimulus et le , dans un seul pot sur dix, et avec le Nicotiana dans un pot seulement sur seize, un plant autofécondé fleurit avant les sujets croisés de deux façons, et ces derniers fleurirent presque simultanément.

Un examen des deux listes, et spécialement de la seconde, montre que la tendance à la précocité de floraison est généralement liée à un plus grand pouvoir d'accroissement, c'est-à-dire à une taille plus élevée. Il existe cependant à cette règle quelques exceptions remarquables prouvant que d'autres causes doivent aussi intervenir. Ainsi, les plants croisés, à la fois du Lupinus luteus et du Clarkia elegans, furent en hauteur aux autofécondés comme 100 est à 82, et pourtant ces derniers fleurirent d'abord. Dans la troisième génération du Nicotiana et dans les trois générations du Canna, les sujets croisés et les autofécondés furent de hauteur à peu près égale, et cependant les autofécondés eurent tendance à fleurir les premiers. D'autre part, dans le Primula sinensis, des plants obtenus d'un croisement entre deux individus distincts, croisés légitimement ou non, fleurirent avant les sujets illégitimement autofécondés, quoique tous les plants fussent à peu près égaux en hauteur dans les deux cas. Il en fut ainsi, au point de vue de la hauteur et de la floraison, avec le Phaseolus, le Specularia et le Borrago. Les plants croisés

300 EFFETS DU CROISEMENT CHAP. VIII

d'Hibiscus furent inférieurs, en hauteur, aux autofécondés dans la proportion de 100 à 109, et cependant ils fleurirent avant les autofécondés dans trois des quatre pots. Au total, on ne peut pas mettre en doute que les plants croisés montrent à fleurir avant les autofécondés une tendance presque aussi fortement marquée qu'à s'élever plus haut, à peser davantage et à être plus féconds. Quelques autres cas, non indiqués dans les trois listes dessus, doivent être cités. Dans les trois pots de Viola tricolor, les plants naturellement croisés, descendants de plants croisés, fleurirent avant les sujets naturellement croisés, descendants de plants autofécondés. Des fleurs de deux plants (l'un et l'autre de parenté autofécondée) appartenant à la sixième génération du Mimulus luteus, furent entre-croisées, et d'autres fleurs des mêmes plants furent fécondées avec leur propre pollen ; des semis entre-croisés et des semis de la septième génération autofécondés furent ainsi obtenus, et les derniers fleurirent avant les entre-croisés dans trois pots sur cinq. Des fleurs, sur le même plant de Mimulus luteus et d'Ipomœa purpurea, furent croisées avec le pollen d'autres fleurs du même pied ; d'un autre côté, d'autres fleurs furent fécondées avec leur propre pollen. Des semis entre-croisés (mais de cette espèce particulière) et d'autres strictement autofécondés, furent ainsi obtenus. Dans le cas du Mimulus, les plants autofécondés fleurirent les premiers dans sept pots sur huit, et pour celui de l'Ipomœa dans huit vases sur dix ; donc, un entre-croisement entre les fleurs du même plant fut loin de donner à la descendance ainsi formée quelque avantage, au point de vue de la précocité de floraison, sur les plants strictement autofécondés.

Effets du croisement des fleurs sur le même plant.

Dans la discussion touchant les résultats du croisement avec un rameau nouveau, donnés dans le tableau C au

CHAP. VIII   DES FLEURS SUR LA MÊME PLANTE. 301

dernier chapitre, il a été démontré que le simple acte du croisement ne produit pas de bons effets par lui-même : les avantages qui en proviennent dépendent ou de ce que les plants croisés appartiennent à des variétés [* oubli : distinctes] qui diffèrent certainement en constitution, ou de ce que les progéniteurs de ces plants croisés, quoique identiques par les caractères extérieurs, ont été soumis à certaines conditions différentes, et ont ainsi acquis une certaine variété comme constitution. Toutes les fleurs produites par la même plante ont été développées de la même graine ; celles qui s'épanouissent en même temps ont été exposées exactement aux mêmes influences climatériques, et les tiges ont été nourries par les mêmes racines. Donc, et ceci concorde avec les conclusions qui viennent d'être énoncées, aucun bon effet ne saurait résulter du croisement des fleurs d'un même plant 1 . En opposition avec cette conclusion est ce fait qu'un bouton [* bourgeon] représente, dans un certain sens, un individu distinct et capable de revêtir occasionnellement et même fréquemment aussi bien de nouveaux caractères extérieurs que de nouvelles particularités constitutionnelles. Les plants obtenus de boutons qui ont

1 Il est, du reste [contresens : cependant], possible que les étamines qui diffèrent en longueur ou en structure, dans la même fleur, produisent un pollen de nature différente, et, de cette manière, un croisement entre plusieurs fleurs du même plant peut devenir efficace. M. Macnab a observé (dans une communication à M. Verlot, La Production des Variétés, 1865, p. 42) que les semis issus des étamines courtes et longues du Rhododendron ont un caractère différent ; mais dans ce cas, les étamines des plus courtes deviennent manifestement rudimentaires et les semis sont nains ; aussi ce résultat peut-il être attribué à un défaut de pouvoir fécondant dans le pollen. C'est ce qui se produisit dans les plantes naines de Mirabilis obtenues par Naudin en se servant d'un trop petit nombre de grains de pollen. Des observations analogues ont été faites sur les étamines de Pelargonium. Dans quelques Melastomacées, des semis obtenus [* oubli : par moi-même] de fleurs fécondées avec le pollen des étamines plus courtes différaient certainement, comme apparence, de ceux issus des étamines plus longues portant des anthères différemment colorées ; mais, ici encore, il y a quelques raisons de croire que les étamines plus courtes ont tendance à avorter. Dans les différents cas [* contresens : Dans les cas très différents] de plants hétérostylés trimorphes, les deux séries d'étamines de la même fleur, ont un pouvoir fécondant absolument différent.

302 EFFETS DU CROISEMENT CHAP. VIII

ainsi varié, peuvent être longtemps propagés par boutures, greffes, etc., et [* oubli : quelquefois] même par génération sexuée 1 . Il existe aussi de nombreuses espèces dans lesquelles les fleurs de la même plante diffèrent les unes des autres, ainsi que cela se produit dans les organes sexuels des plantes monoïques et polygames, dans la structure des fleurs de la circonférence de plusieurs [* contresen : de nombreuses] Composées, Ombellifères, etc., dans la structure de la fleur centrale de quelques plantes, dans les deux catégories de fleurs produites par les espèces cléistogènes, et dans beaucoup d'autres [* contresens : plusieurs autres] cas. Ces exemples prouvent clairement que les fleurs d'un même plant varient souvent, indépendamment les unes des autres, sous divers points de vue importants, et que ces variations ont été fixées, comme celles des plants distincts, pendant le développement de l'espèce.

Il était donc nécessaire de connaître par l'expérimentation quels seraient les effets de l'entre-croisement dans les fleurs du même pied, comparés à ceux du croisement [* contresens : de la fécondation] par leur propre pollen ou par [* oubli : le croisement avec] celui d'un plant distinct. Des expériences furent faites avec soin dans cinq genres appartenant à quatre familles : dans un cas seulement, celui du Digitalis, la descendance d'un croisement entre fleurs de la même plante en reçut quelque avantage, mais très-réduit si on le compare à ceux résultant d'un croisement entre plants distincts. Dans le chapitre qui a trait à la fécondité, lorsque nous examinerons les effets de la fécondation croisée et de l'autofécondation sur la productivité des générateurs, nous arriverons à peu près au même résultat, c'est-à-dire à ceci, qu'un croisement entre les fleurs du même plant n'augmente pas du tout le nombre des graines ou ne le fait qu'occasionnellement et à un faible degré. Je vais maintenant donner une analyse [contresenss : un résumé] des [* oubli : cinq] expériences qui furent faites.

1 J'ai donné plusieurs cas de ces variations dans le bourgeon dans mes Variation of Animals and Plants under Domestication (Variation des animaux et es plants sous l'unfluence de la domestication), chap. XI, 2e édition, vol. I, p. 448.

CHAP. VIII   DES FLEURS SUR LA MÊME PLANTE. 303

1. Digitalis purpurea. — Des semis obtenus soit de fleurs entre-croisées sur la même plante, soit d'autres fleurs fécondées avec leur propre pollen furent cultivés, à la manière ordinaire, en compétition les uns avec les autres dans des points opposés de dix pots. Dans ce cas, comme dans les quatre suivants, les détails se trouveront au paragraphe spécial à chaque espèce. Dans huit pots, où les plants croisés [* contrsens : où les plants] ne vécurent pas très-entassés, les tiges florales de seize plants entre-croisés furent, en hauteur, à celle des seize autofécondés, comme 100 est à 94. Dans les deux autres pots, où les plants végétèrent entassés, les tiges florales de neuf plants entre-croisés furent, en hauteur, à celles de neuf autofécondés, comme 100 est à 90. L'avantage réel que les plants entre-croisés, dans ces deux pots, eurent sur leurs adversaires autofécondés fut bien mis en lumière par leur poids relatif pris après qu'ils furent coupés : ce poids fut dans la proportion de 100 à 78. La hauteur moyenne des tiges florales des vingt-deux [* erreur : vingt-cinq] plants entre-croisés, dans les dix pots pris ensemble, fut à celle des tiges florales des vingt-deux [* erreur : vingt-cinq] plants autofécondés, comme 100 est à 92. Ainsi, à un certain degré, les plants entre-croisés furent certainement supérieurs aux autofécondés, mais cette supériorité fut petite en comparaison de celle que réalisa sur les sujets autofécondés la descendance d'un croisement entre plants distincts ; cette dernière fut, en hauteur, comme 100 est à 70. Cette proportion ne montre pas nettement du tout la grande supériorité conquise sur les autofécondés, par les sujets issus d'un croisement entre individus distincts, car les derniers produisirent plus de deux fois autant de graines [* erreur : de tiges florales] que les premiers et furent bien moins enclins à une mort prématurée.

2. Ipomœa purpurea. — Trente et un plants entre-croisés, provenant d'un croisement entre fleurs du même sujet, furent cultivés dans dix pots en compétition avec le même nombre de plants autofécondés, et les premiers

304 EFFETS DU CROISEMENT CHAP. VIII

furent en hauteur aux derniers, comme 100 est à 105. Ainsi, les plants autofécondés furent un peu plus grands que les entre-croisés, et, dans huit pots sur dix, un plant autofécondé fleurit avant chaque plant croisé des mêmes pots. Les plants qui ne furent pas fortement entassés (et ceux-là offrent le meilleur terme de comparaison), dans neuf pots sur dix furent coupés et pesés, et le poids des vingt-sept entre-croisés fut à celui des vingt-sept autofécondés comme 100 est à 124 ; donc, par cette épreuve, la supériorité des autofécondés fut fortement marquée. Je reviendrai, dans un prochain chapitre, sur ce sujet de la supériorité acquise, dans certains cas, aux plants autofécondés. Si nous revenons à la descendance résultant d'un croisement entre plants distincts mise en compétition avec des sujets autofécondés, nous trouvons que la hauteur moyenne de soixante-treize plants ainsi croisés pendant dix générations, fut à celle d'un même nombre de plants autofécondés comme 100 est à 77, et, dans le cas de plants de la dixième génération, en poids, comme 100 est à 44. Ainsi, le contraste entre les effets du croisement des fleurs du même plant et ceux du croisement des fleurs de plants distincts, est très remarquable.

3. Mimulus luteus. — Vingt-deux plants obtenus du croisement des fleurs appartenant au même sujet furent cultivés en compétition avec le même nombre de plants autofécondés ; les premiers furent aux derniers en hauteur comme 100 est à 105, et en poids comme 100 est à 103. Du reste [* contresens : De plus], dans sept pots sur huit, un plant autofécondé fleurit avant chaque entre-croisé. Donc, ici encore, les plants autofécondés montrèrent une légère supériorité sur les entre-croisés. Pour achever la comparaison, j'ajouterai que les semis obtenus, durant trois générations, d'un croisement entre plants distincts, furent, en hauteur, aux autofécondés, comme 100 est à 65.

4. Pelargonium zonale. — Des plants vivant en pots

CHAP. VIII   DES FLEURS DANS LA MÊME PLANTE. 305

séparés, qui avaient été propagés par boutures prises sur la même plante et qui par conséquent, formaient en réalité deux parties d'un même individu, furent entre-croisés ; les fleurs de l'un de ces plants furent aussi autofécondées et [* contresens : mais] les semis obtenus par ces deux procédés de fécondation ne différèrent en rien comme hauteur. Lorsque, d'autre part, des fleurs portées par les plants ci-dessus furent croisées avec le pollen d'un semis distinct et que d'autres fleurs furent autofécondées, la descendance croisée ainsi obtenue fut, en hauteur, aux plants autofécondés, comme 100 est à 74.

5. Origanum vulgare. — Un plant, qui avait été longtemps cultivé dans mon jardin potager, s'était accru par stolons au point de former une grande touffe. Les semis obtenus d'un entre-croisement des fleurs de ces plants, lesquels sortaient tous du même sujet, et d'autres semis issus de fleurs autofécondées, furent comparés soigneusement depuis leur premier âge jusqu'à leur maturité ; ils ne différèrent en rien, ni comme hauteur ni comme vigueur constitutionnelle. Quelques fleurs de ces semis furent alors croisées par du pollen pris sur un pied distinct, puis d'autres fleurs furent autofécondées : deux nouveaux lots furent ainsi obtenus, et ils étaient constitués par les petits-fils des plants qui s'étaient multipliés [* contresens : du plant qui s'était multiplié] par stolons et avaient [* avait] formé une grande touffe dans mon jardin. Ces derniers [* (les petits-fils)] différèrent beaucoup en hauteur, les plants croisés étant aux autofécondés comme 100 est à 86 ; ils différèrent également à un haut degré comme vigueur constitutionnelle. Les plants croisés fleurirent les premiers et produisirent exactement deux fois plus de tiges florales ; plus tard, ils s'accrurent par stolons jusqu'au point d'étouffer presque les sujets autofécondés.

Si nous passons en revue ces cinq cas, nous voyons que, dans quatre d'entre eux, les effets d'un croisement entre fleurs d'un même plant (et même les parties d'un même sujet vivant

306 EFFETS DU CROISEMENT CHAP. VIII

au moyen de racines séparées, comme dans le cas du Pelargonium et de l'Origan) ne diffèrent pas de ceux résultant de la plus stricte autofécondation. Dans deux cas même, les plants autofécondés furent supérieurs aux plants ainsi entre-croisés. Avec la digitale, un croisement entre fleurs du même plant eut certainement quelques bons résultats, mais très-légers en vérité, si on les compare à ceux résultant d'un croisement entre plants distincts. Au total, si nous ne perdons pas de vue que les bourgeons floraux sont à certains égards des individus distincts qui varient occasionnellement et indépendamment les uns des autres, les résultats auxquels nous sommes arrivés s'accordent bien avec nous conclusions générales, à savoir que les avantages d'un croisement dépendent de ce que les plants croisés possèdent quelques différences constitutionnelles, résultant, soit d'une longue exposition [* contresens : soit d'une exposition] à des conditions différentes, soit d'une variation produite sous l'influence de causes inconnues, et telle que, dans notre ignorance, nous sommes forcés de l'appeler spontanée. Du reste, je reviendrai sur ce sujet de l'insuffisance d'un croisement entre fleurs du même plant, lorsque je considérai [typo : considérerai] la part qui revient aux insectes dans la fécondation croisée des fleurs.

De la transmission des bons effets d'un croisement et des mauvais effets de la

fécondations directe. — Nous avons vu que les semis obtenus d'un croisement entre plants distincts surpassaient presque toujours leurs adversaires autofécondés en poids, en hauteur [* oubli : et en vigueur constitutionnelle,] et, comme nous le verrons bientôt, en fécondité. Pour m'assurer si cette supériorité serait transmise au delà de la première génération, des semis furent obtenus, durant trois générations [* contresens : en trois occasions], de plants croisés et d'autofécondés. Ces deux catégories de sujets furent alors fécondées [* contresens : furent fécondées (c'est-à-dire qu'en ces trois occasions les deux séries furent fécondées)] de la même manière, et non point, par conséquent, comme c'est indiqué dans plusieurs cas portés aux tableaux A, B et C, dans lesquels les

CHAP. VIII   DES FLEURS DANS LA MÊME PLANTE. 307

plants croisés furent croisés de nouveau et les autofécondés de nouveau soumis à l'autofécondation.

En premier lieu, des semis furent obtenus de graines autofécondées produites sous une gaze par les plants soit croisés soit autofécondés de Nemophila insignis ; les derniers furent aux premiers comme 133 est à 100. Mais ces semis étant devenus très-maladifs dès leur premier âge, ils s'accrurent si inégalement que plusieurs d'entre eux, dans ces deux lots, furent cinq fois aussi grands que les autres. Cette expérience est donc sans valeur, mais je me suis cru obligé de la relater parce qu'elle est opposée à ma conclusion générale. Je dois dire que, dans ces expériences comme dans les deux suivantes, les deux séries de plants furent cultivées dans des points opposés du même |pot et traités de la même manière à tous égards. Les détails de ces expériences se trouvent dans les articles relatifs à chaque espèce.

En second lieu, un plant de pensée croisé et un plant autofécondé (Viola tricolor) vécurent côte-à-côte en pleine terre et très-rapprochés des autres pieds de pensée ; comme ils produisirent une grande quantité de très-belles capsules, les fleurs des deux lots furent certainement fécondées par croisement [* oubli : par les insectes]. Des graines ayant été cueillies sur les deux plants, on en obtint des semis. Ceux issus des plants croisés fleurirent dans les trois pots avant ceux qui provinrent des plants autofécondés, et, après complet développement, les premiers furent aux derniers dans la proportion de 100 à 82. Comme les deux séries de plants furent le produit de la fécondation croisée, la différence dans leur accroissement et dans leur période de floraison est certainement due à ce que leurs parents avaient été les uns de parenté croisée et les autres de lignage autofécondé, et il est également évident qu'ils transmirent leur différence de constitution à leurs descendants (petits-fils des plants qui furent originellement soit croisés, soit autofécondés).

308 TRANSMISSION DES EFFETS DU CROISEMENT. CHAP. VIII

En troisième lieu, le pois de senteur (Lathyrus odoratus) se féconde habituellement lui-même dans notre pays. Comme je possédais des plants dont les parents et les grands parents avaient été artificiellement croisés et d'autres plants issus des mêmes parents, qui avaient été autofécondés pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations antérieures, ces deux lots, après avoir été disposés pour l'autofécondation sous une gaze, donnèrent des graines autofécondées qui furent conservées. Les semis qui en provinrent ayant vécu en compétition les uns avec les autres, à la manière ordinaire, différèrent dans leur pouvoir d'accroissement. Ceux issus des plants autofécondés qui avaient été croisés durant les deux générations antérieures, furent à ceux issus des plants autofécondés pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations passées, en hauteur, comme 100 est à 90. Ces deux lots de semences furent aussi essayés par un ensemencement dans des conditions très-défavorables en terre très-pauvre et épuisée : les plants dont les grands parents et arrière-grands parents avaient été croisés, montrèrent d'une manière indiscutable leur supériorité comme vigueur constitutionnelle. Dans ce cas, comme dans celui de la Pensée, il n'y a pas de doute que l'avantage dérivé d'un croisement entre deux plants ne fut pas concentré sur [* contresens : ne fut pas limité à la descendance de] la première génération. Ce fait que la vigueur constitutionnelle due au parent croisé est transmis [* transmise] pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations, puise une grande probabilité dans l'examen de quelques variétés du pois commun d'Andrew Knight, lesquelles ayant été obtenues d'un croisement entre variétés distinctes, furent ensuite, sans aucun doute, fécondées par elles-mêmes dans chaque génération successive. Ces variétés subsistèrent plus de soixante ans « et leur splendeur n'est pas éteinte [contresens : mais leur splendeur est maintenant éteinte] 1 » . D'autre part, le plus grand nom-

1 Voir la preuve sur ce point dans mes Variation under Domestication (Variation sous l'influence de la domestication), chap. IX, vol. I, 2e édition, p. 97 (traduction française de Moulinié). [* erreur sur la page dans l'original en anglais, qui donne p. 397 au lieu de p. 349 pour les variétés de pois commun de A. Knight. Dans la trauction française citée ici, c'est à la p. 351.]

CHAP. VIII    TRANSMISSION DES EFFETS DU CROISEMENT.    309

bre des variétés du pois commun, que rien n'autorise à supposer issues d'un croisement, ont eu une existence beaucoup plus courte. Quelques autres variétés obtenues par M. Laxton et résultant de croisements artificiels ont retenu leur vigueur étonnante et leur splendeur pendant un nombre considérable de générations ; mais comme M. Laxton me le fait connaître, cette expérience n'embrasse pas plus de douze générations, et dans cette période il n'a jamais constaté de diminution dans la vigueur de ses plants.

Un point voisin doit être ici noté. Comme la puissance d'hérédité est très-accentuée dans les plantes (nous pourrions en donner de très-nombreuses preuves), il est presque certain que les semis sortis de la même capsule ou de la même plante auraient tendance à hériter à peu près de la même constitution ; et comme l'avantage d'un croisement dépend de la diférence de constitution qui existe entre les plants croisés, on peut en déduire comme probable qu'un croisement effectué sous des conditions semblables, entre parents les plus rapprochés, ne saurait donner à la descendance autant de bénéfices que celui réalisé entre plantes non entachées de parenté. A l'appui de cette conclusion, nous avons une preuve dans ce fait que Fritz Müller a démontré par ses importantes expériences sur les hybrides d'Abutilons, combien l'union entre frères et sœurs, parents et fils ou autres parentés rapprochées est préjudiciable à la fécondité de la descendance. Dans un cas même, les semis issus de ces parentés rapprochées possédaient une constitution très-faible 1 . Le même observateur a trouvé également trois plants de Bignonia vivant côte à côte 2 . Il féconda vingt-neuf fleurs dans l'un de ces Bignonia avec leur propre pollen, et elles ne donnèrent pas une seule capsule. Trente fleurs furent alors fertilisées avec le

1 Jenaische Zeitschrift für Naturwissenschaft (Annales des sciences naturelles d'Iéna), vol. VII. p. 22 et 45, 1872 ; et 1873, p. 441-450.

2 Botanische Zeitung, 1868, p. 626.

310 UNIFORMITÉ DE LA COULEUR    CHAP. VIII

pollen d'un plant distinct (un des trois végétant très-rapprochés), et elles ne donnèrent que deux capsules. Enfin, cinq fleurs furent fécondées avec le pollen d'un quatrième plant végétant à une certaine distance, et toutes cinq fructifièrent. Il parait donc probable, comme Fritz Müller le pense, que ces trois plants végétant côte à côte sortirent [* provenaient] des mêmes générateurs [* contresens : du même générateur], et qu'étant ainsi d'une parenté très-rapprochée, ils jouissaient d'un très-faible pouvoir d'inter-fécondation 1 .

Ce fait enfin que les plants entre-croisés, dans le tableau A, ne surpassèrent pas, de plus en plus, comme hauteur les autofécondés dans les dernières générations, résulte probablement de ce qu'ils devinrent d'une parenté de plus en plus étroite.

Uniformité de la couleur dans les fleurs des plants autofécondés et vivant dans des conditions semblables pendant plusieurs générations. — Au commencement de mes expériences, les plants générateurs de Mimulus luteus, Ipomœa purpurea, Dianthus caryophyllus et Petunia violacea obtenus de semences achetées, varièrent considérablement dans le coloris de leurs fleurs. Le même fait se produit dans les plantes qui ont été longtemps cultivées comme ornement dans les jardins à fleurs et qui ont été propagées par semences. Le coloris des fleurs est un point sur lequel, dans le principe [* contresens : dans un premier temps], mon attention ne fut pas appelée du tout, et, dès lors, aucun choix ne fut pratiqué [* aucune sélection ne fut pratiquée]. Néanmoins, les fleurs produites par les plants autofécondés des quatre espèces ci-dessus devinrent ou absolument uniformes ou du moins très-rapprochées comme teinte, après avoir végété pendant plusieurs générations dans des conditions très-semblables. Les plants entre-croisés qui

1 J'ai donné dans ma Variation under Domestication (Variation sous l'influence de la domestication), chap. XVII. 2e édition, vol. II, p. 121, quelques cas remarquables d'hybrides de Gladiolus et de Cistus, dont chaque forme pourrait être écondée par le pollen de l'autre, mais jamais par son propre pollen.

CHAP. VIII   DANS LES FLEURS DES PLANTS AUTOFÉCONDÉS. 311

furent liés par une parenté plus ou moins rapprochée dans les dernières générations, et qui avaient été aussi cultivées constamment sous des conditions semblables, portèrent des fleurs de couleur plus uniforme que les premiers générateurs, mais beaucoup moins uniforme en revanche que les plants autofécondés. Quand les plants autofécondés d'une des dernières générations furent croisés avec un rameau nouveau et que des semis en furent ainsi obtenus, ces derniers présentaient un contraste remarquable dans les différences [* différentes teintes] de leurs fleurs comparées a celles des semis autofécondés. Comme ces divers cas de fleurs devenant uniformément colorées sans aucune intervention de la sélection me parurent curieux, je veux donner ici un résumé complet de mes observations.

Mimulus luteus. — Une grande variété portant des grandes fleurs presque blanches tachées de cramoisi, apparut parmi les plants entre-croisés et les autofécondés des troisième et quatrième générations. Cette variété prit une extension si rapide, que, dans la sixième génération des plants autofécondés, chacun des sujets qui la composaient lui appartenait. Il en fut de même avec tous les [* oubli : nombreux] plants qui furent obtenus ensuite, jusqu'à la dernière ou neuvième génération autofécondée. Quoique cette variété apparut d'abord parmi les plants entre-croisés, elle ne prévalut jamais parmi ces derniers, parce que leurs descendants furent entre-croisés à chaque génération successive, et les fleurs des différents plants entre-croisés de la neuvième génération différèrent considérablement comme coloris. D'autre part, l'uniformité de couleur dans les fleurs des plants appartenant aux dernières générations autofécondées fut très-surprenante : après un examen superficiel on aurait pu les croire semblables, mais les taches cramoisies n'eurent ni exactement la même nuance [* contresens : la même forme] ni exactement la même position. Mon jardinier et moi nous croyons que cette variété n'apparut pas parmi les généra-

312 UNIFORMITÉ DE LA COULEUR   CHAP. VIII

teurs obtenus de graines achetées, mais, si j'en juhe par son apparence au milieu des plant croisés et des autofécondés des troisième et quatrième générations, et d'après ce que nous savons de la variation de cette espèce dans d'autres occasions, il est probable qu'elle apparut dans certainnes conditions occasionnelles [* contresens : il est probable qu'elle apparaitrait occasionnellement dans n'imorte quelle condition(it would occasionally appear under any circumstances)]. Nous apprenons, du reste [* contresens : cependant], par le cas présent, que dans les conditions particulières auxquelles mes plantes furent soumises, cette variété spéciale, remarquable par le coloris et les dimensions de la corolle autant que par l'augmentation en hauteur de la plante toute entière, prévalut dans la sixième génération autofécondée et dans toutes les générations autofécondées successives, à la complète exclusion de toute autre variété.

Ipomœa purpurea. — Mon attention fut, pour la première fois, attirée vers le présent sujet, par cette ovservation que les ffleurs dans tous les plants de la septième génération autofécondé étaient d'une teinte uniforme pourpre foncée remarquablement riche. Les nombreux plants qui furent obtenus durant les trois générations successives jusqu'à la dernière (dixième) [* (génération)], produisirent tous des fleurs colorées de la même manière. Elles furent absolument uniformes en teinte, comme celles d'une espèce constante vivant à l'état nature ; et, comme le remarqua mon jardinier, like those of a constant species living in a state of nature; ]

comme le remarqua mon jardinier, les plants autofécondés eussent pu être distingués avec certitude et sans l'aide des étiquettes, des plants entre-croisés des dernières générations. Ces derniers, du reste * contresens : cependant], eurent des fleurs plus uniformément colorées que celles qui furent d'abord obtenues des graines achetées. Cette variété à couleur pourpre foncé n'apparut point, autant que mon jardinier et moi pouvons nous le rappeler, avant la cinquième ou la sixième génération autofécondée.

Il est probable, du reste, qu'elle se forma à l'exclusion de toute autre vériété sous l'influence de l'autofécondation continuée et de la culture des plants au milieu de conditions uniformes parfaitement constantes [* contresens : Quoi qu'il en fût, elle devint parfaitenent constante, à l'exclusion de toute autre variété, par l'autofécondation continuée et la culture des plants dans des conditions uniformes].

CHAP. VIII   DANS LES FLEURS DES PLANTS AUTOFÉCONDÉS. 313

Dianthus caryophyllus. — Les plants autofécondés de la troisième génération portèrent des fleurs toutes exactement colorées de rose pâle, et à ce point de vue ils différèrent considérablement des sujets végétant dans une grande plate-bande [* oubli : proche] et obtenus de semences achetées provenant du même jardin pépiniériste. Dans ce cas, il n'est pas improbable que quelques-uns des plants [* des parents] qui furent tout d'abord autofécondés aient porté des fleurs ainsi colorées, mais comme plusieurs plants furent autofécondés dans la première génération, il est extrêmement improbable que tous aient porté des fleurs exactement de la même teinte que celles des plants autofécondés de la troisième génération. Les plants entre-croisés de cette troisième génération produisirent également des fleurs d'une teinte presque aussi uniforme sinon complètement [* contresens : aussi uniforme, quoique pas complètement,] que celle des plants autofécondés.

Petunia violacea. — Pour ce cas, j'espérais trouver [* contresens : il se trouve que j'enregistrai] dans mes notes que les fleurs du générateur qui fut pour la première fois autofécondé étaient « d'une couleur pourpre sombre [* contresens : couleur pourpre terne] ». Dans la cinquième génération autofécondée, chacun des vingt et un plants autofécondés végétant en pots et tous les [* oubli : nombreux] plants cultivés au dehors en deux longues rangées [* contresens : en un long rang], produisirent des fleurs absolument de la même teinte, c'est-à-dire d'une couleur de chair terne, laide et particulière, et par conséquent considérablement différente de celle du générateur. Je crois que ce changement de couleur vint graduellement, mais je ne conservai [* contresens : je ne pris] aucune note à ce sujet parce que ce point ne m'intéressa qu'au moment où je fus frappé par la teinte uniforme des [* oubli : fleurs sur les] plants autofécondés de la cinquième génération. Les fleurs, dans les plants entre-croisés de la génération correspondante, furent de la même couleur de chair terne, mais pas, à bien près [* contresens : mais pas tout à fait], aussi uniformes que celle des plants autofécondés, dont quelques-unes furent très-pâles et presque blanches. Les plants autofécondés cultivés en pleine terre, en une longue

314 UNIFORMITÉ DE LA COULEUR  CHAP. VIII

série, furent également remarquables par leur uniformité en hauteur aussi bien que les plants entre-croisés, qui le furent cependant à un moindre degré ; les deux lots avaient été comparés à un grand nombre de plants obtenus, dans le même temps sous des conditions semblables, de sujets croisés [* contresens : de sujets autofécondés] appartenant à la quatrième génération et croisés derechef par [* et croisés par] un rameau nouveau. Je regrette de n'avoir pas porté mon attention, dans les dernières générations, sur l'uniformité en hauteur des semis autofécondés des autres espèces.

Ces différents [* Ces quelques] cas me paraissent présenter beaucoup d'intérêt. Ils nous apprennent que de nouvelles et légères nuances de couleur peuvent être fermement et définitivement fixées, indépendamment de toute sélection, quand les conditions ambiantes sont conservées aussi uniformes que possible et qu'aucun entre-croisement n'est permis. Dans le Mimulus, non seulement un mode de coloration singulier [* mode de coloration grotesque], mais une corolle plus grande et une taille plus élevée de toute la plante, furent autant de caractères ainsi fixés : du reste [contresens : tandis que], dans le plus grand nombre des plantes qui ont été [* oubli : longtemps] cultivées pour leurs fleurs, aucun caractère n'est plus variable que celui de la couleur, si ce n'est peut-être la hauteur. De l'examen de ces cas, nous pouvons inférer que la variabilité des plantes cultivées, au point de vue qui nous occupe, est due d'abord à ce qu'elles ont été assujetties à des conditions légèrement diversifiées, et secondement à ce qu'elles ont été fréquemment entre-croisées, ainsi que cela résulte du libre accès des insectes. Je ne vois guère comment cette déduction pourrait être écartée, lorsque nous voyons les plantes ci-dessus, après avoir été cultivées pendant plusieurs générations sous des conditions très-uniformes et après avoir été entre-croisées dans chaque génération, porter des fleurs dont la couleur tend à certains degrés vers le changement et l'uniformité [* tend à quelque degré à changer et devenir uniforme]. Lorsque aucun entre-croisement avec d'autres plantes de la même souche ne put se produire, c'est-à-dire lorsque les fleurs furent fécondées, à

CHAP. VIII   DANS LES FLEURS DES PLANTS AUTOFÉCONDÉS. 315

chaque génération, avec leur propre pollen, leur couleur dans les dernières générations devint aussi uniforme que celle des plants végétant à l'état naturel, et cette uniformité s'accompagna, au moins dans un cas, de beaucoup d'égalité dans la hauteur des plants. Mais, en disant que les différences de teintes dans les fleurs des plants cultivés et traités à la manière ordinaire, sont attribuables aux différences de sol, de climat, etc.. auxquelles ils sont exposés, je ne prétends pas impliquer que de pareilles variations sont causées par ces agents d'une manière plus directe que ne peuvent l'être les maladies les plus différentes (rhumes, inflammation des poumons ou de la plèvre, rhumatismes, etc.) qui peuvent être considérées comme un résultat de l'exposition au froid. Dans les deux cas la constitution de l'individu qui supporte l'impression a une importance prépondérante.

____________________

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CHAPITRE IX.

Effets de la fécondation croisée et de l'auto-fécondation

sur la production des semences.

Fécondité des plantes de parenté croisée et de parenté autofécondée, les deux lots ayant été fécondés de la même manière. — Fécondité des générateurs après un premier croisement et une première autofécondation, et de leur descendance soit croisée, soit autofécondée après un second croisement ou une seconde autofécondation. — Comparaison entre la fertilité des fleurs fécondées avec leur propre pollen et celle des fleurs fécondées avec le pollen d'autres fleurs de la même plante. — Plantes fécondées par elles- mêmes. — Causes de l'autostérilité. — Apparition de variétés très-fertiles par elles-mêmes. — Autofécondation bienfaisante à certains points de vue, indépendemment de la production assurée des graines. — Poids relatifs et degré de germination des semences de fleurs croisées et de fleurs autofécondées.

Ce chapitre est consacré à la fécondité des plantes qui ont été influencées [* contresens : , qui a été influencée] par la fécondation croisée et par l'autofécondation. Le sujet se divise en deux parties distinctes : 1° la productivité relative ou fécondité des fleurs croisées avec le pollen d'un plant distinct et avec le leur propre, fécondité qui est démontrée par le nombre proportionnel de capsules produites et par la quantité de semences qu'elles contiennent. Secondement, le degré de fécondité naturelle ou de stérilité des semis obtenus de semences soit croisées, soit autofécondées, ces semis ayant le même âge, étant fécondés de la même manière et végétant dans les mêmes conditions. Les deux branches du sujet correspondent aux divisions qui doivent être prises en considération par quiconque s'occupe des plantes hybrides, c'est-à-dire en premier lieu à la productivité comparative d'une espèce après fécondation par

CHAP. IX    FÉCONDITÉ DES PLANTES CROISÉES ET AUTOF. 317

le pollen d'une espèce distincte et par son propre pollen ; et en second lieu, à la fertilité de sa descendance hybride. Ces deux cas ne sont pas toujours parallèles ; ainsi plusieurs plantes, comme l'a démontrée [* démontré] Gärtner, peuvent être très-aisément croisées, mais donnent des hybrides très-stériles, tandis que d'autres sont croisées avec une difficulté extrême, mais engendrent des hybride très-féconds.

L'ordre naturel à suivre, dans ce chapitre, devrait être d'examiner d'abord les effets du croisement sur la fécondité des plants générateurs, puis [* contresens : et] celle de l'autofécondation sur les mêmes plants : mais nous avons discuté déjà dans les deux derniers chapitres, la hauteur relative, le poids et la vigueur constitutionnelle des plants croisés et celle des autofécondés (c'est-à-dire des plants obtenus de graines croisées et de graines autofécondées), il convient donc d'examiner ici leur fécondité relative. Les cas que j'ai observés sont donnés dans le tableau suivant, D, lequel contient les plants de parenté croisée et de parenté autofécondée qui furent livrés à leurs propres forces de fécondation soit que les insectes assurassent le croisement, soit que l'autofécondation se produisit.

Il est bon de faire remarquer que les résultats ne sauraient être considérés comme complètement dignes de confiance, car la fécondité d'une plante est un élément très-variable dépendant de son âge, de son état de santé, de la quantité d'eau qu'elle reçoit et de la température à laquelle elle est exposée. I.e nombre des capsules produites et la quantité numérique de semences qu'elles renferment doivent être établis sur beaucoup de plants soit croisés, soit autofécondés, à la fois du même âge et traités de la même façon à tous égards. A ces deux derniers points de vue, mes expériences peuvent inspirer de la confiance ; cependant un nombre suffisant de capsules ne fut compté que dans quelques cas seulement. La fécondité, ou, comme il conviendrait peut-être mieux de l'appeler, la productivité d'une plante dépend

318 FÉCONDITÉ DES PLANTES CROISÉES CHAP. IX

du nombre de capsules produites et du nombre de semences qu'elles renferment. Mais, pour plusieurs raisons et surtout par manque de temps, je fus souvent obligé de m'en rapporter au nombre de capsules seulement : néanmoins, dans les cas les plus intéressants, les semences furent aussi comptées ou pesées. Le nombre moyen de semences par capsule est un criterium de fécondité plus certain que le nombre des capsules. Ce dernier nombre dépend surtout de la taille de la plante, et nous avons vu que les plants croisés sont généralement plus grands et plus lourds que les autofécondés ; mais la différence, à ce point de vue, est rarement suffisante pour causer quelque influence sur le nombre de capsules produites. Il est à peine nécessaire d'ajouter que, dans le tableau suivant, le même nombre de plants croisés et d'autofécondés est toujours mis en comparaison. Malgré ces causes de suspicion, je vais donner le tableau dans lequel sont développées la parenté des plants sur lesquels j'expérimentai et la manière de déterminer leur fécondité. Des détails plus complets se trouvent dans la première partie de cet ouvrage, à l'article particulier à chaque espèce.

TABLEAU D.

Fécondité relative des plants de parenté croisée et de parenté autofécondée, les deux séries étant fécondées de la même manière. La fécondité est appréciée par plusieurs moyens. Celle des plants croisés est indiquée par le chiffre 100.

IPOMŒA PURPUREA, premièregénération, nombre des semences par

capsule sur les plants croisés et sur les autofécondés, vivant non entassés, spontanément autofécondés sous une gaze............................

comme 100 est à 99

IPOMŒA PURPUREA ; nombre des semences par capsule sur les plants

croisés et sur les autofécondés issus des mêmes parents, comme dans le dernier cas, mais vivant très-entassés, spontanément autofécondés sous une gaze........................................................................................

— — 93

IPOMŒA PURPUREA, productivité des mêmes plants appréciée par le

nombre des capsules produites et le nombre moyen de semences par capsule..................................................................................................

— — 45

IPOMŒA PURPUREA, troisième génération, nombre des semences par

capsule sur les plants croisés et sur les autofécondés, spontanément autofécondés sous une gaze..................................................................

— — 94

CHAP. IX ET DES PLANTES AUTOFÉCONDÉES. 319

[* TABLEAU D. (Suite.)]

IPOMŒA PURPUREA , productivité des mêmes plants appréciée d'après le

nombre de capsules produites et par la moyenne numérique [* la moyenne du nombre] des graines par capsule......................................

comme 100 est à 35

IPOMŒA PURPUREA, cinquièmegénération, nombre de semences par

capsule sur les plants croisés et sur les autofécondés, laissés à découvert dans la serre chaude et spontanément fécondés...................

— — 26

[* erreur : 89]

[* oubli : IPOMŒA PURPUREA, neuvièmegénération, nombre de capsules

sur les plants croisés, comparés à celui sur les autofécondés, spontanément autofécondés sous une gaze]..........................................

[ — — 26]

MIMULUS LUTEUS, un égal nombre de capsules sur les plants issus de

plants autofécondés de la huitième génération croisée par un rameau nouveau, et sur les plants de la neuvième génération autofécondée, les deux séries ayant été laissées à découvert et fécondées spontanément, contenaient des semences qui en poids sont.................

— — 30

MIMULUS LUTEUS, productivité des mêmes plants appréciée d'après le

nombre des capsules produites et le poids moyen des semences par capsule..................................................................................................

— — 3

VANDELLIA NUMMULARIFOLIA, nombre de semencespar capsule issue de

fleurs cléistogènes sur les plants croisés et sur les autofécondés.........

— — 106

SALVIA COCCINEA, plants croisés comparés aux plants autofécondés,

nombre des fleurs produites..................................................................

— — 57

IBERIS UMBELLATA, plants laissés à découvert dans la serre : des plants

entre-croisés de la troisième génération comparés aux plants autofécondés de la même génération, donnèrent des semences dont le nombre fut.........................................................................................

— — 75

IBERIS UMBELLATA, des plants issus d'un croisement entre deux variétés,

comparés aux autofécondés de la troisième génération, donnèrent des semences dont le poids fut..............................................................

— — 75

PAPAVERVAGUM, des plants croisés et autofécondés, laissés à découvert

produisirent des capsules, dont le nombre fut.......................................

— — 99

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA, souche brésilienne, plants laissés à découvert

et croisés par les abeilles : des capsules des plants entre-croisés de la deuxième génération, comparées aux capsules des plants autofécondés de la même génération, contenaient des semences dont le nombre fut.........................................................................................

— — 78

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA, productivité des mêmes plants appréciée par

le nombre des capsules produites et par la moyenne numérique des semences contenues dans chaquecapsule............................................

— — 89

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA, plants laissés à découvert et croisés par les

abeilles : des capsules de plants issus de générateurs entre-croisés de la deuxième génération du rameau brésilien croisé par le rameau anglais, comparées aux

320 FÉCONDITÉ DES PLANTES CROISÉES CHAP. IX

[* TABLEAU D. (Suite.)]

capsules des plants autofécondés de la deuxième génération,

contenaient des semences dont le nombre fut......................................

comme 100 est à 63

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA, productivité des mêmes plants, appréciée par

le nombre des capsules produites et par la [* quantité] moyenne des semences dans chaque capsule.......................................

— — 40

RESEDA ODORATA, des plants croisés et des plants autofécondés laissés à

découvert et croisés par les abeilles donnèrent des capsules dont le nombre fut environ...............................................................................

— — 100

VIOLA TRICOLOR, des plants croisés et des plants autofécondés laissés à

découverts et fécondés par les abeilles produisirent des capsules dont le nombre fut................................................................................

— — 10

DELPHINIUM CONSOLIDA, des plants croisés et des plants autofécondés

laissés à découvert dans la serre donnèrent des capsules dont le nombre fut............................................................................................

— — 56

VISCARIA OCULATA, des plants croisés et des plants autofécondés laissés à

découvert dans la serre donnèrent des capsules dont le nombre fut....

— — 77

DIANTHUS CARYOPHYLLUS, plants spontanément autofécondés sous une

gaze : des capsules nées sur des plants croisés et sur des plants autofécondés de la huitième [* erreur : troisième] génération contenaient des semences dont le nombre était...................................

— — 125

DIANTHUS CARYOPHYLLUS, plants laissés à découvert et croisés par les

insectes :la descendance de plants autofécondés pendant trois générations, puis croisée par un rameau nouveau [* erreur : par un entre-croisé du même rameau], comparée aux plants de la quatrième génération autofécondée, donna des graines dont le poids fut.............

— — 73

DIANTHUS CARYOPHYLLUS, plants laissés à découvert et croisés par les

insectes :la descendance des plants autofécondés pendant trois générations, puis croisée par un rameau nouveau, comparée aux plants de la quatrième génération autofécondée, produisit des semences dont le poids fut...................................................................

— — 33

TROPÆOLUM MINUS, des plants croisés et des plants autofécondés laissés

à découvert dans la serre, produisirent des semences dont le nombre fut.........................................................................................................

— — 64

LIMNANTHES DOUGLASII, des plants croisés et des plants autofécondés,

laissés à découvert dans la serre, produisirent des capsules dont le nombre fur environ...............................................................................

— — 100

LUPINUS LUTEUS, des plants croisés et des plants autofécondés de la

deuxième génération, laissés à découvert dans la serre, produisirent des semences dont le nombre (établi seulement dans quelques gousses) fut..........................................................................................

— — 88

CHAP. IX ET DES PLANTES AUTOFÉCONDÉES. 321

[* TABLEAU D. (Suite.)]

PHASEOLUS MULTIFLORUS, des plants croisés et autofécondés, laissés à

découvert dans la serre, produisirent des semences dont le nombre fut environ.............................................................................................

comme 100 est à 100

LATHYRUS ODORATUS, des plants croisés et des plants autofécondés de la

deuxième génération, laissés à découvert dans la serre, maiscertainement autofécondés, produisirent des gousses dont le nombre fut.....

— — 91

CLARKIA ELEGANS, des plants croisés et des plants autofécondés, laissés à

découvert dans la serre, donnèrent des capsules dont le nombre fut....

— — 60

NEMOPHILA INSIGNIS, des plants croisés et autofécondés sous une gaze et

spontanément autofécondésdans la serre, donnèrent des capsules dont le nombre fut.................................................................................

— — 29

PETUNIA VIOLACEA, laissés à découvert et croisés par lesinsectes : des

plants de la cinquième génération entre-croisés et autofécondés, donnèrent des semences qui furent, étant appréciées d'après le poids d'un nombre égal de capsules................................................................

— — 86

PETUNIA VIOLACEA, laissés à découvert comme ci-dessus : la descendance

des plants autofécondés pendant quatre générations, puis croisée par un rameau nouveau, comparée aux plants de la 5egénération autofécondée, donna des semences qui furent, étant appréciées sur le poids d'un égal nombre de capsules......................................................

— — 46

CYCLAMEN PERSICUM, des plants croisés et des plants autofécondés, laissés

à découvert dans la serre, produisirent des capsules dont le nombre fut..........................................................................................................

— — 12

ANAGALLIS COLLINA, des plants croisés et des plants autofécondés, laissés

à découvert dans la serre, donnèrent des capsules dont le nombre fut.

— — 8

PRIMULAVERIS, laissée à découvert en pleine terre et croisée par l'action

des insectes : la descendance de plants de la troisième génération illégitime croisée par un rameau nouveau, comparée aux plants de la quatrième génération illégitime et autofécondée, produisit des capsules dont le nombre fut..................................................................

— — 3,5

[* erreur : 5]

[* oublié : Les mêmes plantes l'année suivante (Same plants in the following year)].........................................................................................

— — 3,5

PRIMULA VERIS(variété isostylée), laissée à découvert en pleine terre et

croisée par les insectes : la descendance des plants autofécondés pendant deux générations, puis croisée par une autre variété, comparée aux plants de la troisième génération autofécondée, produisit des capsules dont le nombre fut.............................................

— — 15

PRIMULA VERIS(variété isostylée), mêmes plants ; nombre moyen de

semences par capsule............................................................................

— — 71

322 FÉCONDITÉ DES PLANTES CROISÉES CHAP. IX

[* TABLEAU D. (Suite.)]

PRIMULAVERIS(variété iso-stylée), productivité es mêmes plants

appréciée par le nombre des capsules produites et par le nombre moyen des semences par capsule..........................................................

comme 100 est à 11

Ce tableau renferme trente-trois cas propres à trentre-trois [* erreur : vingt-trois] espèces : il met en évidence le degré de fécondité naturelle des plants de parenté croisée en comparaison avec ceux de parenté autofécondée, les deux lots étant fécondés de la même manière. Dans plusieurs espèces des genres Eschscholtzia, Reseda, Viola, Dianthus, Petunia et Primula, les deux lots furent certainement croisés par les insectes, et il en fut probablement ainsi dans plusieurs autres : mais, dans quelques espèces du genre Nemophida [* erreur : Nemophila], et dans quelques essais sur Ipomœa et Dianthus, les plants ayant été recouverts, les deux lots furent spontanément autofécondés. Tel fut nécessairement le cas avec les capsules produites par les fleurs cléistogènes de Vandellia.

La fécondité des plants croisés est représentée dans le tableau D par 100 et celle des autofécondés par les autres chiffres. Il y a cinq cas dans lesquels la fécondité des plants autofécondés est approximativement égale à celle des croisés ; cepenant, dans quatre de ces cas, le croisés furent manifestement plus grands et dans le cinquièle un peu plus grands que les autofécondés. Mais il serait bon de dire que, dans quelques-uns de ces cinq cas, le degré de fécondité des deux lots ne fut pas absolument constaté, car les capsules ayant paru être en nombre égal et pourvues manifestement de leur maximum de graines, elles ne furent pas comptées. Dans deux cas seulement (Vandellia et troisième génération du Dianthus), les capsules des plants autofécondés contenaient plus de graines que celles des croisés. Pour le Dianthus, la proportion entre le nombre de graines contenues dans les capsules croisées et dans les autofécondées [* contresens : dans les capsules autofécondées et dans les croisées (voir p. 136)] fut comme 125 est à 100 : les deux lots de plants furent livrés à l'autofécondation sous une gaze, et il est presque certain que la plus

CHAP. IX ET DES PLANTES AUTOFÉCONDÉES. 323

grande fécondité des plants autofécondés était due seulement à ce qu'ils avaient varié et étaient devenus moins strictement dichogames, leurs anthères et leurs stigmates étant arrivés à mûrir dans un temps bien plus rapproché que ce n'est le propre de l'espèce. Si nous retranchons les sept cas dont nous venons de parler, il en reste vingt-six dans lesquels les plants croisés furent manifestement beaucoup plus fertiles (et quelquefois à un degré extraordinaire) que les autofécondés, leurs compétiteurs. Les exemples les plus frappants sont ceux dans lesquels les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau sont comparés à ceux appartenant à une des dernières générations autofécondées ; il existe cependant, même dans la première génération, quelques cas remarquables (comme celui du Viola) fournis par comparaison entre les plants entre-croisés du même rameau et les autofécondés. Les résultats qui doivent inspirer le plus de confiance sont ceux dans lesquels la productivité des plants fut affirmée, à la fois, par le nombre de capsules que donna un nombre égal de plants et par la moyenne numérique des graines dans chaque capsule. Douze cas semblables se trouvent dans le tableau et la moyenne de leur fécondité moyenne est comme 100 (pour les plants croisés) est à 59 (pour les autofécondés). Les Primulacées paraissent très disposées à ressentir [* contresens : à souffrir] dans leur fécondité les effets de l'autofécondation.

Le petit tableau suivant, E, renferme quatre cas qui ont été déjà en partie donnés dans le dernier tableau (D).

Ces cas nous montrent combien supérieure est la fécondité des semis appartenant aux plants autofécondés ou aux entre-croisés pendant plusieurs générations, puis croisés par un rameau nouveau, comparée à celle des semis issus des plants de la vieille souche entre-croisée ou autofécondée pendant le même nombre de générations. Les trois lots de plants, dans chaque cas, ayant été abandonnés au libre accès des insectes, les fleurs en furent sans doute croisées. De plus,

324 FÉCONDITÉ DES PLANTES CROISÉES CHAP. IX

TABLEAU E. — Fécondité naturelle des plants issus d'un croisement avec un rameau nouveau, comparée à clle des plants entre-croisés du même rameau et à celle des plants autofécondés, tous appartenant à la même génération correspondante. La fécondité est appréciée par la quantité ou le poids des semences que produit un même nombre de plants.

Plants issus d'un croisement

avec un rameau nouveau

Plants entre-croisés du même rameau

Plants autofécondés.

MIMULUS LUTEUS, les plants entrecroisés sont

dérivés d'un croisement entre deux plants de la guitième génération autodécondée. Les plants autofécondés appartiennent à la neuvième génération............................................................

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA, lesplants entre-

croisés et autofécondés appartiennent à la deuxième génération...........................................

DIANTHUS CARYOPHYLLUS, lesplants entre-

croisés sont dérivés des autofécondés de la troisième génération, croisés par les plants entre-croisés de la troisième génération. Les plants autofécondéa appartiennent à la quatrième génération...........................................

PETUNIA VIOLACEA, les plants entre-croisés et

autofécondés appartiennent à la cinquième génération............................................................

100

100

100

100

4

45

45

54

3

40

33

46

N. B.— Dans les cas ci-dessus, celui de l'Eschscholtzia excepté, les plants dérivés d'un croisement avec un rameau nouveau appartiennent, par le côté maternel, au même rameau et à la même génération que les plants entre-croisés et les plants autofécondés.

ce tableau nous montre que, dans les quatre cas, les plants entre-croisés du même rameau ont encore l'avantage marqué, quoique faible, [* oubli : en fécondité] sur les autofécondés.

Pour ce qui touche à l'état des organes reproducteurs dans les plants autofécondés des deux derniers tableaux, quelques observations seulement furent faites. Dans les 7e et 8e générations de l'Ipomœa, les anthères appartenant aux fleurs des plants autofécondés furent nettement plus petites que celles des fleurs portées par les plants entre-croisés. La tendance à la stérilité, dans les mêmes plants, fut aussi démontrée par la chute fréquente des premières fleurs (même

CHAP. IX ET DES PLANTES AUTOFÉCONDÉES. 325

après qu'elles furent fécondées avec soin), comme cela se présente fréquemment avec les hybrides. Ces fleurs tendaient éalement vers la monstruosité. Dans la quatrième génération du Petunia, le pollen produit par les plants autofécondés fut comparé à celui des plants entre-croisés et dans le premier on trouva beaucoup plus de graines vides et desséchées.

Fécondité relative des fleurs croisées avec le pollen d'un plant distinct et avec leur propre pollen. Cet exposé a trait aux fleurs des générateurs et à celles des semis croisés et autofécondés de la première génération et des suivantes. — Je veux m'occuper d'abord des générateurs qui furent obtenus de graines achetées dans un jardin pépiniériste ou encore sur des plants végétant soit dans mon jardin, soit à l'état sauvage, et entourés dans tous les cas de beaucoup d'individus de la même espèce. Dans ces conditions, les plants durent communément être entrecroisés par les insectes ; aussi les semis sur lesquels les premières expériences furent faites durent-ils généralement être le produit d'un croisement. En conséquence, toute différence dans la fécondité de leurs fleurs après croisement et après autofécondation eut pour cause la nature du pollen employé ; c'est-à-dire qu'il fut pris sur un plant distinct ou sur la même fleur [* contresens : eut pour cause la nature du pollen employé, que celui-ci provinsse d'un plant distinct ou de la même fleur]. Les degrés de fécondité dans le tableau suivant, F, furent déterminés, dans chaque cas, par le chiffre moyen de semences contenues dans chaque capsule, chifre confirmé soit par le nombre, soit par le poids de ces graines.

Un autre élément aurait dû fort à propos entrer en ligne de compte, c'est la proportion des fleurs qui fructifièrent après croisement ou après autofécondation : les fleurs croisées produisant, en effet, généralement une plus grande proportion de capsules, et leur supériorité comme fécondité, si cet élément avait été pris en considération, eût été beaucoup plus fortement marquée qu'il ne le paraît au tableau F.

326 FÉCONDITÉ DES FLEURS CROISÉES CHAP. IX

Mais si j'avais suivi cette méthode, je me serais exposé à une plus grande cause d'erreur, car le pollen appliqué sur le stigmate en temps inopportun reste sans effet, [* indépendamment de ce] que son pouvoir soit faible ou élevé. Une bonne comparaison [* contresens : illustration] de la grande différence qui, dans les résultats, se présente quelquefois quand le nombre des capsules produites relativement au nombre de fleurs fécondées entre dans les calculs, nous est offert par le Nolana prostrata. Trente fleurs, prises sur quelques plants de cette espèce, furent croisées et produisirent vingt-sept capsules dont chacune contenait cinq graines ; trente-deux fleurs des mêmes plants furent autofécondées et donnèrent seulement six capsules contenant chacune cinq graines. Comme le nombre des graines par capsules est ici le même, la fécondité des fleurs croisées et des autofécondées donnée comme égale dans le tableau F, est indiquée comme 100 est à 100. Mais si les fleurs qui restèrent infécondes étaient entrées en ligne de compte, les fleurs croisées ayant donné une moyenne de 4,50 semences, tandis que celle fournie par les autofécondées était seulement de 0,94, l'infécondité relative eût été exprimée par la proportion de 100 à 21. Je dois dire ici qu'il a été trouvé convenable de réserver pour une discussion séparée les cas dans lesquels les fleurs sont ordinairement complètement stériles avec leur propre pollen.

TABLEAU F. — Fécondité relative des fleurs appartenant aux plants générateurs employés dans mes expériences, après fécondation avec leur propre pollen ou par celui d'un autre plant. Fécondité appréciée par le nombre moyen de semences dans chaque capsule. La fécondité des fleurs croisées est indiquée par le chiffre 100.

IPOMŒA PURPUREA ; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences environ............................................................................

comme 100 est à 100

MIMULUS LUTEUS ; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent des

semences dont le poids fut....................................................................

— — 79

LINARIAVULGARIS ;des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent des

semences...............................................................................................

— — 14

VANDELLIA NUMMULARIFOLIA ; des fleurs croisées et des autofécondées

donnèrent des semences........................................................................

— — 67 ?

CHAP. IX ET DES FLEURS AUTOFÉCONDÉES. 327

[* Tableau F – Continué]

GESNERIAPENDULINA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences dont le poids fut.............................................................

comme 100 est à 100

SALVIA COCCINEA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent des

semences qui furent environ.................................................................

— — 100

BRASSICA OLERACEA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences........................................................................................

— — 25

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA(rameau anglais) ; des fleurs croisées et des

autofécondées donnèrent des graines dont le poids fut.......................

— — 71

ESCHSCHOLTZIA CALIFORNICA(rameau brésilien vivant en Angleterre) ; des

fleurs croisées et des autofécondées donnèrent des graines dont le poids fut environ...................................................................................

— — 15

DELPHINIUM CONSOLIDA; des fleurs croisées et des autofécondées (des

capsules étant produites par autofécondation spontanée, résultat confirmé par d'autres évidences) donnèrent des semences...................

— — 59

VISCARIA OCULATA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences dont le poids fut..............................................................

— — 38

VISCARIA OCULATA; des fleurs croisées et des autofécondées (capsules

croisées, comparées l'année suivante avec les capsules spontanément autofécondées) donnèrent des graines..................................................

— — 58

DIANTHUS CARYOPHYLLUS; des fleurs croisées et des autofécondées

donnèrent des semences........................................................................

— — 92

TROPÆOLUM MINUS; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences.........................................................................................

— — 92

TROPÆOLUM TRICOLORUM 1 ; des fleurs croisées et des autofécondées

donnèrent des semences........................................................................

— — 115

LIMNANTHES DOUGLASII; des fleurs croisées et des autofécondées

donnèrent des semences environ...........................................................

— — 100

SAROTHAMNUS SCOPARIUS; des fleurs croisées et des autofécondées

donnèrent des semences........................................................................

— — 41

ONONIS MINUTISSIMA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences.........................................................................................

— — 65

CUPHEA PURPUREA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences.........................................................................................

— — 113

1 Le Tropæolum tricolorum et le Cuphea purpurea ont été introduits dans ce tableau quoiqu'aucun semis n'en ait été obtenu ; mais, dans le Cuphea, six capsules croisées seulement, puis [* contresens : et] six autofécondées, et, dans le Tropæolum, six capsules croisées et onze autofécondées purent être comparées. Dans le Tropæolum, il fructifia une plus grande proportion de fleurs autofécondées que de croisées.

328 FÉCONDITÉ DES FLEURS CROISÉES CHAP. IX

[Tableau F - Continué]

PASSIFLORA GRACILIS; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences.........................................................................................

comme 100 est à 85

SPECULARIA SPECULUM; des fleurs croisées et des autofécondées

donnèrent des semences........................................................................

— — 72

LOBELIA FULGENS; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent des

semences environ..................................................................................

— — 100

NEMOPHILAINSIGNIS; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des graines font le poids fut..................................................................

— — 69

BORRAGOOFFICINALIS; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des graines.............................................................................................

— — 60

NOLANA PROSTRATA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des graines.............................................................................................

— — 100

PETUNIA VIOLACEA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des graines (en poids)...........................................................................

— — 67

NICOTIANA TABACUM; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des graines (en poids)...........................................................................

— — 150

CYCLAMEN PERSICUM; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences.........................................................................................

— — 38

ANAGALLIS COLLINA; des fleurs croisées et des autofécondées donnèrent

des semences.........................................................................................

— — 96

CANNA WARSCEWICZI;des fleurs croisées et des autofécondées (dans trois

générations de plants croisés et d'autofécondés prises ensemble)donnèrent des semences........................................................................

— — 85

Un second tableau, G, donne la fécondité relative des fleurs croisées de nouveau fécondées par croisement et celle des fleurs des plants autofécondés de nouveau fécondés directement [* autofécondées], soit dans la première, soit dans la seconde génération [* contresens : soit dans la première génération, soit dans une des générations suivantes]. Ici, deux causes se donnent la main pour diminuer la fécondité des fleurs autofécondées, savoir : la moindre efficacité du pollen de la même fleur et la diminution naturelle de la fécondité dans les plants issus de semences autofécondées, diminution que nous avons [* oubli : vue] très-fortement accentuée dans le précédent tableau D. La fécondité fut déterminée de la même manière que dans le tableau F, c'est-à-dire par le nombre [* oubli : moyen] de semences contenu dans chaque capsule, et les mêmes remarques déjà faites à propos de la proportion différente des fleurs qui fructifient après croisement et après autofécondation sont également applicables ici.

CHAP. IX ET DES FLEURS AUTOFÉCONDÉES. 329

TABLEAU G. — Fécondité relative de fleurs sur des plants croisée et autofécondés de la première génération ou des suivantes ; les premières étaient de nouveau fécondées avec le pollen d'un plant distinct et les dernières avec leur propre pollen. La fécondité est appréciée par le nombre moyen de semences dans chaque capsule, et la fécondité des fleurs croisées est indiquée par le chiffre 100.

IPOMŒA PURPUREA; des fleurs croisées et des autofécondées appartenant à des

plants croisés et autofécondés de la première génération, donnèrent des semences dans la proportion de...........................................................................

100 à 93

IPOMŒA PURPUREA; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des plants

croisés et autofécondés de la troisième génération, donnèrent des semences dans la proportion de............................................................................................

— 94

IPOMŒA PURPUREA; des fleurs croisées et des autofécondées appartenant à des

plants croisés et à des plants autofécondés de la quatrième génération, donnèrent des semences dans la proportion de....................................................

— 94

IPOMŒA PURPUREA; des fleurs croisées et des autofécondées appartenant à des

plants croisés et à des plants autofécondés de la cinquième génération, donnèrent des semences dans la proportion de....................................................

— 107

MIMULUS LUTEUS; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des plants

croisés et sur des plants autofécondés de la troisième génération, donnèrent des semences qui, par le poids, furent dans la proportion de...............................

— 65

MIMULUS LUTEUS; les mêmes plants [* (de la 3e génération)] traités de la même

manière donnèrent l'année suivante des semences qui furent en poids comme..

— 34

MIMULUS LUTEUS; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des plants

croisés et sur des plants autofécondés de la quatrième génération donnèrent des graines qui furent en poids comme................................................................

— 40

VIOLA TRICOLOR; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des plants

croisés et sur des plants autofécondés de la première génération donnèrent des semences dans la proportion de............................................................................

— 69

DIANTHUS CARYOPHYLLUS; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des

plants croisés et autofécondés de la première génération donnèrent des semences dans la proportion de............................................................................

— 65

DIANTHUS CARYOPHYLLUS; des fleurs des plants autofécondés de la troisième

génération croisées par des plants entre-croisés, et d'autres fleurs autofécondées de nouveau, donnèrent des graines dans la proportion de............

— 97

DIANTHUS CARYOPHYLLUS; des fleurs appartenant aux plants autofécondés de la

troisième génération croisées par un rameau nouveau, et d'autres fleurs autofécondées à nouveau, donnèrent des graines dans la proportion de..............

— 127

LATHYRUS ODORATUS; des fleurs croisées et des fleurs autofécondées portées par

des plants croisés et autofécondés de la première génération donnèrent des graines dans la proportion de................................................................................

— 65

330 FÉCONDITÉ DES FLEURS CROISÉES CHAP. IX

[* Tableau G - Continué]

LOBELIA RAMOSA; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des plants

croisés et des autofécondés de la première génération donnèrent des semences qui, en poids, furent comme.................................................................................

100 à 60

PETUNIA VIOLACEA; des fleurs croisées et des autofécondées portées par des plants

croisés et des autofécondés de la première génération, donnèrent des semences qui furent en poids comme...................................................................................

— 68

PETUNIA VIOLACEA; des fleurs croisées et des fleurs autofécondées des plants

croisés et des autofécondés de la quatrième génération, donnèrent des semences qui, en poids, furent comme.................................................................

— 72

PETUNIA VIOLACEA; des fleurs de plants autofécondés de la quatrième génération,

croisées par un rameau nouveau, et d'autres fleurs autofécondées de nouveau donnèrent des graines en poids comme................................................................

— 48

NICOTIANA TABACUM; des fleurs croisées et des fleurs autofécondées portées par des

plants croisés et des fleurs [* contresens : des plants] autofécondés de la première génération donnèrent des semences dont le poids fut comme.............

— 97

NICOTIANA TABACUM; des fleurs portées sur des plants autofécondés de la deuxième

génération, croisées par des plants entre-croisés, et d'autres fleurs autofécondées de nouveau, donnèrent des semences qui, au juger, furent comme..................................................................................................................

— 110

NICOTIANA TABACUM; des fleurs portées par des plants autofécondés de la troisième

génération, croisées par un rameau nouveau, et d'autres fleurs autofécondées de nouveau, donnèrent des semences qui furent en poids comme.......................

— 110

ANAGALLIS COLLINA; des fleurs d'une variété rouge, croisées par une variété bleue,

et d'autres fleurs de la variété rouge autofécondées, donnèrent des semences dans la proportion de............................................................................................

— 48

CANNA WARSCEWICZI; des fleurs croisées et des fleurs autofécondées portées par des

plants croisés et autofécondés de trois générations prises ensemble donnèrent des semences dans la proportion de.....................................................................

— 85

Comme ces deux tableaux ont trait à la fécondité des fleurs fécondées par le pollen d'un autre plant et des autofécondées, ils doivent être examinés ensemble. La seule différence qui les sépare consiste en ce que les fleurs autofécondées du second tableau G furent produites par des parents autofécondés, et en ce que les fleurs croisées furent portées par des générateurs croisés qui, dans les dernières générations, étaient devenus parents à un degré rapproché, et avaient été assujetties constamment à des conditions à peu près semblables. Ces deux tableaux renferment cinquante cas afférents à trente-deux espèces.

CHAP. IX ET DES FLEURS AUTOFÉCONDÉES. 331

Des fleurs sur plusieurs [* contresens : de nombreuses] autres espèces furent soit croisées, soit autofécondées ; mais comme quelques-unes seulement reçurent ce traitement, les résultats qu'elles donnèrent, ne pouvant inspirer confiance pour ce qui concerne la fécondité, ont été écartés. Quelques autres cas ont été aussi rejetés, en raison de ce que les plants furent dans des conditions maladives. Si, dans les deux tableaux, nous considérons les chiffres exprimant les proportions entre la fécondité relative moyenne des fleurs croisées et des fleurs autofécondées, nous voyons que, dans la majorité des cas (c'est-à-dire dans trente-cinq sur cinquante), les fleurs fécondées par un plant distinct donnèrent des graines en plus grande quantité et quelquefois beaucoup plus que les fleurs fécondées avec leur propre pollen ; de plus, elles produisirent ordinairement une plus grande proportion de capsules. Le degré d'infécondité des fleurs autofécondées diffère beaucoup dans les différentes espèces, et même, comme nous le verrons en examinant les plantes autostériles, cette différence existe entre les plants de la même espèce et se produit aussi sous l'influence de légers changements dans les conditions vitales. Leur fécondité parcourt tous les degrés, depuis zéro jusqu'à l'égalité absolue avec les fleurs croisées, et c'est là un fait qui échappe à toute explication. Il existe, dans les deux tableaux, quinze cas dans lesquels le nombre des semences par capsules issues des fleurs autofécondées égale ou même surpasse celui qui est donné par les fleurs croisées. Quelques-uns de ces cas sont, je crois, accidentels, c'est-à-dire qu'ils ne se présenteront plus dans une seconde expérience. Ce fut apparemment là ce qui se produit avec les plants de la cinquième génération de l'Ipomœa et dans l'une des expériences faites sur le Dianthus. Le Nicotiana offre le cas le plus anormal entre tous, car les fleurs autofécondées portées par les générateurs et par leurs descendants des deuxième et troisième générations donnèrent plus de graines que les fleurs croisées ; mais nous reviendrons sur ce cas

332 FÉCONDITÉ DES FLEURS CROISÉES CHAP. IX

lorsque nous traiterons des variétés hautement fécondes par elles-mêmes.

On aurait pu s'attendre à ce que la différence en fécondité entre les fleurs croisées et les autofécondées eût été moins [* contresens : plus] fortement marquée dans le tableau G (où les plants d'une série furent dérivés de parents autofécondés) que dans le tableau F (où les fleurs des générateurs furent autofécondées pour la première fois). Mais tel ne fut pas le cas, autant que mes rares matériaux peuvent conduire à une opinion. Il n'y a donc aucune preuve, jusqu'à présent, que la fécondité des plantes aille en s'atténuant dans les générations autofécondées successives, tandis qu'il en existe quelques-unes, quoique faibles, pour appuyer cette décroissance en ce qui touche à la taille et à l'accroissement. Mais nous ne devons par perdre de vue que, dans les dernières générations, les plants croisés étaient devenus plus ou moins entachés de parenté et avaient été constamment assujettis aux mêmes conditions uniformes.

Il est remarquable de voir qu'il n'y a aucune concordance, soit parmi les plants générateurs, soit dans les générations successives, entre le nombre relatif des semences produites par les fleurs croisées et les autofécondées, et la puissance relative d'accroissement des semis obtenus de ces graines. Ainsi, les fleurs croisées et les autofécondées portées par les plants générateurs de l'Ipomœa, du Gesneria. du Salvia, du Limnanthes, du Lobelia fulgens et du Nolana produisirent un nombre à peu près égal de graines, quoique [* et pourtant] les plants obtenus des semences croisées surpassassent considérablement en hauteur ceux obtenus de graines autofécondées. Dans le Linaria et le Viscaria, les fleurs croisées donnèrent beaucoup plus de semences que les fleurs autofécondées, et quoique les plants obtenus des premières fussent plus grands que ceux issus des dernières, il n'y eut pas, à ces deux points de vue, le même degré de différence. Dans le Nicotiana, les fleurs fécondées avec leur propre

CHAP. IX ET DES FLEURS AUTOFÉCONDÉES. 333

pollen furent plus productives que celles croisées avec le pollen d'une variété légèrement différente, et cependant les plants obtenus des [* de ces] dernières semences furent beaucoup plus grands, plus pesants et plus vigoureux que leurs adversaires issus de graines autofécondées. D'un autre côté, les semis croisés d'Eschscholtzia ne furent ni plus grands ni plus pesants que les autofécondés, quoique les fleurs croisées fussent beaucoup plus productives que les autofécondées. Mais, la meilleure preuve du manque de correspondance entre le nombre des semences produites par les fleurs croisées et les autofécondées et la vigueur de leur descendance, se trouve à la fois dans les plants d'Eschscholtzia des deux rameaux brésilien et européen, et dans certains pieds de Reseda odorata. On eût pu s'attendre, en effet, à ce que les semis issus de ces plants, dont les fleurs furent excessivement autostériles, eussent profité d'un croisement à un plus haut degré que les semis obtenus de plants qui furent modérément ou complètement féconds par eux-mêmes [* oubli : et par conséquent n'avaient apparemment aucun besoin d'être croisées] ; mais ce résultat ne se présenta dans aucun des deux cas. Par exemple, les descendances croisée et autofécondée d'un plant de Reseda odorata très-fertile par lui-même furent, l'une par rapport à l'autre, dans la proportion de 100 à 82 en hauteur, tandis que, dans la même descendance d'un plant excessivement autostérile, la proportion devint de 100 à 92.

Au point de vue de la fécondité naturelle des plants de parentés croisée et autofécondée, donnée dans le précédent tableau D (c'est-à-dire le nombre de semences produites par les deux lots après que les fleurs en furent fécondées de la même manière), les mêmes remarques sont applicables à l'absence de toute concordance entre leur fécondité et leur puissance d'accroissement, comme dans les cas des tableaux F et G que nous venons d'examiner. Ainsi, les plants croisés et les sujets autofécondés d'Ipomœa, de Papaver, de Reseda odorata et de Limnanthes furent presque également féconds, et cependant les premiers sur-

334 PLANTES AUTOSTÉRILES. CHAP. IX

passèrent de beaucoup les derniers [* (les autofécondés)] en hauteur. D'autre part, les plants croisés et les sujets autofécondés de Mimulus et de Primula différaient à un extrême degré en fécondité naturelle, mais non pas au même degré en hauteur et en vigueur.

Dans tous les cas de fleurs autofécondées portées aux tableaux E, F et G, la fécondation eut lieu avec leur propre pollen ; mais il existe une autre forme de fécondation directe qui se pratique avec le pollen d'une autre fleur de la même plante, et cette dernière manière d'opérer ou ne fit naître aucune différence comparative avec les premiers nombres [* contresens : avec les premiers pour le nombre] de graines produites, ou n'en développa qu'une légère. Ni dans le Digitalis, ni dans le Dianthus, il n'y eut, à un degré digne d'attention [* contresens : digne de confiance], de différence marquée entre la quantité de graines données par l'une ou par l'autre méthode. Dans l'Ipomœa, un plus grand nombre de semences (dans la proportion de 100 à 91) provint d'un croisement entre fleurs du même plant que de la stricte autofécondation de ces fleurs ; mais j'ai des raisons de croire que ce résultat fut accidentel. Dans l'Origanum vulgare cependant, un croisement entre fleurs de plants du même rameau propagés par stolons eut pour conséquence d'augmenter légèrement leur fécondité. Le même fait se présenta, comme nous allons le voir bientôt, dans l'Eschscholtzia, le Corydalis cava et l'Oncidium, mais rien de semblable ne s'observa dans le Bignonia, l'Abutilon, le Tabernæmontana, le Senecio et apparemment le Reseda odorata.

Plantes autostériles (stériles avec leur propre pollen).

Les cas consignés ici eussent dû être introduits dans le tableau F qui donne la fertilité relative des fleurs fécondées soit avec leur propre pollen, soit avec celui d'un plant distinct ; mais j'ai trouvé plus à propos de les réserver pour une discussion séparée. Le[s] présent[s] cas ne doit [* doivent] pas être confondu[s]

CHAP. IX PLANTES AUTOSTÉRILES.   335

avec ceux qui seront donnés dans le prochain chapitre à propos des fleurs qui sont stériles quand les insectes en sont exclus ; une pareille infécondité dépend, non pas de ce que les fleurs sont simplement incapables d'être fécondées avec leur propre pollen, mais bien de quelque cause mécanique qui empêche leur pollen d'arriver sur le stigmate, ou encore, de ce que le pollen et le stigmate arrivent à maturité en des temps différents.

Dans le XVIIe chapitre de mes « Variations des animaux et des plantes sous l'influence de la domestication », j'eus occasion d'entrer dans le cœur de ce sujet ; je me bornerai donc à donner ici une analyse des cas qui y sont traités et j'en ajouterai quelques autres qui ont une valeur importante dans ce travail. Kölreuter a depuis longtemps décrit les plants de Verbascum phœniceum qui, stériles pendant deux années avec leur propre pollen, purent cependant être aisément fécondées par celui de quatre autres espèces ; ces plants, du reste, devinrent par la suite plus ou moins fertiles par eux-mêmes et d'une manière très-fluctuante. M. Scott a trouvé aussi que cette espèce et deux de ses variétés étaient autostériles, comme l'avait observé Gärtner dans le cas du Verbascum nigrum. Il en fut de même, d'après ce dernier auteur, avec deux plants de Lobelia fulgens, dont le pollen et les ovules étaient cependant en état de relations efficaces avec [* contresens : dans un état efficace en relation avec] d'autres espèces. Cinq espèces de Passiflora et quelques individus d'une sixième espèce furent trouvés stériles avec leur propre pollen, mais certains changements dans leurs conditions, tels que la greffe par un autre rameau [* contresens : sur un rameau nouveau], une modification de la température, suffirent à les rendre fertiles par eux-mêmes. Des fleurs d'un plant de Passiflora alata complètement impuissant par lui-même, fécondées avec le pollen de ses mêmes semis impuissants, furent tout à fait fertiles. M. Scott et après lui M. Munro, trouvèrent que quelques espèces d'Oncidium et de Maxillaria cultivées en serre chaude [* oubli : à Edimburgh ] étaient complète-

336 PLANTES AUTOSTÉRILES. CHAP. IX

ment stériles avec leur propre pollen, et Fritz Müller a constaté que le même fait se produit dans un grand nombre de genres d'Orchidées vivant dans leur patrie, le Brésil méridional 1 . Le même auteur a découvert que les masses polliniques de quelques Orchidées agissent comme un poison et il paraît que Gartner avait observé des indices de ce fait extraordinaire dans plusieurs autres plantes.

Fritz Müller a aussi établi qu'une espèce de Bignonia et le Tabernœmontana echinata sont tous deux stériles avec leur propre pollen dans leur pays d'origine, le Brésil 2 . Plusieurs Amaryllidées et Liliacées sont dans le même cas ; Hildebrand a observé avec soin le Corydalis cava et a trouvé qu'il est complètement autostérile 3 , mais, d'après Caspary, quelques semences autofécondées peuvent être produites dans certaines circonstances : Corydalis Halleri est autostérile, mais seulement à un faible degré, et C. intermedia ne l'est pas du tout 4 . Dans un autre genre de Fumariacées, Hypecoum, Hildebrand a observé 5 que l'H. grandiflorum est hautement autostérile [* oubli : , tandis que H. procumbens est plutôt autofécond (whilst H. procumbens was fairly self-fertile)]. Le Thunbergia alata que je conservai en serre chaude fut autostérile au commencement de la saison, mais, dans une période plus avancée, il produisit beaucoup de fruits spontanément autofécondés. Il en fut de même avec le Papaver vagum ; une autre espèce, le P. alpinum, fut trouvée par le professeur H. Hoffmann être complètement autostérile, excepté dans une circonstance 6 , tandis que je trouvai toujours le P. somniferum complètement autostérile.

Eschscholtzia californica. — Cette espèce mérite un examen plus complet. Un plant cultivé par Fritz Müller

1 Botanische Zeitung, 1868, p. 114.

2 Ibid., 1868, p. 626, et 1870, p. 274.

3 Report of the International Horticultural Congress (Rapport sur le Congrès international horticole), 1866.

4 Botanische Zeitung, 27 juin 1873.

5 Jahresbericht für wissenschaft. Botanik, vol. VIII [* erreur : vol. 7], p. 464.

6 Zur Speciesfrage (Sur la question de l'espèce), 1875, p. 47.

CHAP. IX PLANTES AUTOSTÉRILES.   337

dans le sud du Brésil vint à fleurir un mois avant les autres sans produire une seule capsule. Ce fait le conduisit à observer la plante pendant les six générations suivantes, et il trouva que tous les plants étaient complètement stériles, à moins d'être croisés par les insectes ou artificiellement fécondés avec le pollen d'un plant distinct, cas auquel elle devenaient complètement fertiles 1 . Je fus très-étonné de ce fait [et quand j'eus] [*erreur : car j'avais] constaté que les plants anglais, après avoir été recouverts par une gaze, donnent un nombre considérable de capsules et que ces capsules contiennent des graines dont le poids, comparé à celui des plants entre-croisés par les abeilles, est comme 71 à 100. Le professeur Hildebrand, du reste [* contresens : cependant], a trouvé que cette espèce est beaucoup plus autostérile en Allemagne que je ne l'ai constaté en Angleterre, car les capsules produites par les fleurs autofécondées, comparées à celles des fleurs entre-croisées, contenaient des semences dans la proportion de seulement 11 à 100. Sur ma demande, Fritz Müller m'envoya du Brésil des semences de ces [* ses] plants autostériles en j'en obtins des semis. Deux de ces derniers furent recouverts d'une gaze et l'un d'eux ne donna qu'une seule capsule dépourvue de bonnes semences, mais il produisit quelques capsules après fécondation artificielle avec son propre pollen. L'autre semis donna sous la gaze huit capsules, dont une ne contenait pas moins de trente semences, et le nombre moyen des graines fut de dix par fruit. Huit fleurs de ces deux plants furent artificiellement autofécondées et donnèrent sept capsules renfermant en moyenne douze graines ; huit autres ayant été imprégnées avec le pollen d'un plant distinct du rameau brésilien produisirent huit capsules qui contenaient en moyenne quatre-vingt semences, ce qui donne la proportion de 15 semences (pour les capsules autofécondées) à 100 (pour les autofécondées [* erreur : pour les croisées]). Quand la saison fut plus avancée, douze fleurs sur ces deux plants

1 Bot. Zeitung, 1868, p. 115, et 1869, p. 223.

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furent artificiellement autofécondées, mais elles donnèrent seulement deux capsules contenant de trois à six graines [* contresens : deux capsules contenant trois et six graines]. Il semble donc qu'une température inférieure à celle du Brésil favorise l'autofécondité de cette plante, tandis qu'une température plus basse encore l'amoindrit. Les deux plants qui avaient été enveloppés ayant été mis à découvert, reçurent aussitôt la visite de plusieurs [* contresens : nombreux] insectes, et il fut intéressant de voir avec quelle rapidité, même le plus stérile des deux se couvrit de jeunes capsules.

L'année suivante, huit fleurs portées par les plants du rameau brésilien de lignage autofécondé (c'est-à-dire les petits-fils des plants qui vécurent au Brésil) furent autofécondés de nouveau et produisirent cinq capsules contenant en moyenne 27,4 semences avec un maximum de 44 [* erreur : 42] graines dans l'une d'elles : donc, leur autofécondité fut certainement accrue de beaucoup, puisqu'elle alla sans cesse augmentant dans les deux générations obtenues en Angleterre. En somme, nous pouvons conclure que les plants du rameau brésilien sont dans notre pays, beaucoup plus féconds par eux-mêmes qu'au Brésil, et en Angleterre beaucoup moins que les plants du rameau anglais : il en résulte que les plants de lignage brésilien retinrent par hérédité une partie de leur première constitution sexuelle. Inversement, des semences, issues de plants anglais, que j'envoyai à Fritz Müller et qu'il sema au Brésil, furent beaucoup plus fertiles par elles-mêmes que les plants qui avaient été cultivés ici [* contresens : cultivées là (au Brésil)] pendant plusieurs générations : mais cet observateur m'informe que l'un des plants de lignage anglais qui ne fleurit pas la première année, et fut ainsi exposé pendant deux saisons au climat brésilien, se montra complètement stérile comme les plants brésiliens, montrant ainsi avec quelle rapidité le climat exerça son influence sur sa constitution sexuelle.

Abutilon Darwini. — Des semences de cette plante me furent adressées par Fritz Müller, qui avait trouvé que, comme d'autres espèces du même genre, elle est complète-

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ment stérile dans son pays natal, le sud du Brésil, à moins d'être fécondée avec le pollen d'un plant distinct, soit artificiellement, soit par l'intervention naturelle des oiseaux-mouches 1 . Plusieurs plants furent obtenus des ces graines et conservés dans la serre chaude. Ils produisirent des fleurs dès le commencement du printemps, et vingt d'entre elles furent fécondées, les unes avec le pollen de la même fleur et les autres avec le pollen d'autres fleurs du même plant : aucune capsule ne fut ainsi produite, et cependant les stigmates, vingt-sept heures après l'application du pollen, étaient pénétrés par les tubes polliniques. En même temps, dix-neuf fleurs étaient fécondées avec le pollen d'un plant distinct, et celles-là produisirent treize capsules toutes remplies de belles graines. Un plus grand nombre de fruits eût été produit certainement par ce croisement, si les dix-neuf fleurs n'avaient pas été portées par un sujet qui, dans la suite, se montra, par une cause inconnue, complètement stérile avec quelque pollen que ce fût. Ainsi, malgré l'éloignement [* contresens : jusque là], les plants se comportèrent de la même manière qu'au Brésil, mais, plus avant dans la saison, à la fin de mai et de juin [* contresens : et en juin], ils commencèrent à produire, sous gaze, quelques capsules spontanément autofécondées. Dès que ce fait fut constaté, seize fleurs furent fécondées avec leur propre pollen et elles donnèrent cinq capsules contenant en moyenne 3,4 graines. Dans le même temps, je pris, au hasard, quatre capsules sur les plants voisins végétant à découvert dont j'avais vu les fleurs visitées par les bourdons, et elles contenaient en moyenne 21,5 semences : ainsi, les graines des capsules naturellement entrecroisées furent à celles contenues dans les capsules autofécondées, comme 100 est à 16. Le point intéressant de ce cas est que les plants qui furent élevés dans des conditions peu naturelles, puisqu'ils vécurent en pots dans la serre

1 Jenaische Zeitschr. für Naturwiss., B. VIII [* erreur : vol. VII], 1872, p. 22, et 1873, p. 441.

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chaude, sous un autre hémisphère, avec un complet renversement des saisons, furent ainsi rendus légèrement fertiles par eux-mêmes alors qu'ils sont toujours complètement autostériles dans leur sol natal.

Senecio cruentus. (Variétés de serre, vulgairement nommées Cinéraires et dérivées probablement de plusieurs espères frutescentes ou herbacées très entre-croisées 1 .) Deux variétés à fleurs pourpres furent recouvertes d'une gaze dans la serre, et quatre corymbes, dans chacune d'elles, ayant été fréquemment brossés avec les fleurs d'un autre plant, il en résulta que les stigmates furent recouverts mutuellement avec le pollen de l'autre fleur. Deux des inflorescences ainsi traitées produisirent très-peu de graines, mais les six autres en donnèrent une moyenne de 41,3 par corymbe et ces graines germèrent bien. Les stigmates, dans quatre [* oubli : autres] corymbes des deux plants, furent bien enduits avec le pollen des fleurs de leur propre corymbe : ces huit inflorescences produisirent ensemble dix semences extrêmement pauvres qui se montrèrent incapables de germer. J'examinai plusieurs [* contresens : de nombreuses] fleurs de ces deux plants et trouvai les stigmates spontanément couverts de pollen, mais sans produire la moindre graine. Ces plants ayant été plus tard laissés à découvert dans la même serre où plusieurs [* contresens : de nombreux] autres Cinéraires fleurissaient, les fleurs en furent fréquemment visitées par les abeilles. Elles donnèrent alors beaucoup de graines, mais un des deux plants en porta moins que l'autre, parce que cette espèce montre quelque tendance à devenir dioïque.

L'expérience fut reprise avec une autre variété à pétales blancs teintés de rouge. Plusieurs [* contresens : Un grand nombre de] stigmates de deux corymbes furent couverts avec le pollen de la variété pourpre, et il en résultat, d'une part, onze, et, de l'autre, vingt-deux

1 Je suis très-obligé à MM. Moore et Thiselton Dyer de m'avoir renseigné sur les variétés qui servirent à mes expériences. M. Moore croit que les Senecio cruentus, tussilaginis et peut-être heritieri, maderensis et populifolius ont tous été plus ou moins fondus dans nos Cinéraires.

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semences qui germèrent bien. Un grand nombre de stigmates, dans plusieurs [* oubli : des autres] corymbes, furent, à plusieurs reprises, enduits du pollen de leur propre inflorescence [* corymbe], et ils donnèrent seulement cinq graines très-pauvres qui furent incapables de germer. Donc, les trois plants ci-dessus appartenant à deux variétés, quoique d'une végétation vigoureuse et doués de fécondité avec le pollen de l'un ou l'autre de deux [* contresens : des deux autres] plants, furent complètement stériles avec le pollen des autres fleurs du même plant.

Reseda odorata. — Après avoir observé que certains individus sont autostériles, je plaçai, durant l'été de 1868, sept plants sous des gazes séparées et nommai ces plants A. B, C, D, E, F, G. Ils parurent être tous complètement stériles avec leur propre pollen, mais féconds avec celui de tout autre plant.

Quatorze fleurs de A ayant été croisées avec le pollen de B et de C, produisirent treize belles capsules.

Seize fleurs ayant été fécondées avec le pollen d'autres fleurs du même plant, ne donnèrent pas une seule capsule.

Quatorze fleurs de B furent croisées avec le pollen de A et de C ou D, et toutes fructifièrent ; plusieurs capsules ne furent pas très-belles, cependant elles contenaient un grand nombre de graines.

Dix-huit fleurs ayant été fécondées avec le pollen d'autre fleurs du même plant, ne produisirent pas une seule capsule.

Dix fleurs de C furent croisées par le pollen de A, B, D ou E et produisirent neuf belles capsules.

Dix-neuf fleurs ayant été fécondées par le pollen d'autres fleurs du même plant ne fructifièrent pas.

Dix fleurs de D furent croisées par le pollen de A, B, C ou E et produisirent neuf [* oubli : belles] capsules. Dix-huit fleurs fécondées par le pollen d'autres fleurs du même plant ne fructifièrent pas.

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Sept fleurs de E, croisées avec le pollen de A, C ou D, donnèrent toutes de belles capsules.

Huit fleurs furent fécondées avec le pollen d'autres fleurs du même plant et ne fructifièrent pas.

Sur les plants F et G aucune fleur ne fut croisée, mais plusieurs [* contresens : un grand nombre] (le nombre n'a pas été noté) furent fécondées par le pollen d'autres fleurs des mêmes plants, et celles-là ne donnèrent pas une seule capsule.

Nous voyons par là que cinquante-cinq fleurs des cinq plants ci-dessus furent réciproquement croisées de différentes manières, plusieurs fleurs, dans chacun de ces plants, ayant été fécondées avec le pollen de plusieurs autres plants. Ces cinquante-cinq fleurs produisirent cinquante-deux capsules, dont presque toutes furent de grande taille [* contresens : presque toutes atteignirent leur pleine taille] et contenaient des graines en abondance. D'autre part, soixante-dix-neuf fleurs (outre celles [* oubli : nombreuses] dont il ne fut pas pris note) furent fécondées .avec le pollen d'autres fleurs du même plant [* contresens : des mêmes plants], et celles-là ne produisirent pas une seule capsule. Dans un cas où j'examinai les stigmates des fleurs fécondées par leur propre pollen, la pénétration des tubes polliniques avait eu lieu, quoiqu'elle restât sans effet. Le pollen tombe généralement, et je crois même toujours, des anthères sur les stigmates de la même fleur ; cependant, trois seulement des sept plants protégés produisirent des capsules, et pour celles-là il y aurait lieu de penser qu'elles avaient été autofécondées. Il se forma là sept capsules ; mais comme elles furent toutes dans une situation très-rapprochée des fleurs artificiellement croisées, je peux à peine mettre en doute que quelques grains d'un pollen étranger ne soient tombés sur leurs stigmates. Outre les sept plants ci-dessus, quatre autres furent gardés sous le même grand tissu, et quelques-uns de ceux-ci donnèrent de çà et de là, de la manière la plus capricieuse, de petits groupes de capsules, ce qui me porte à croire qu'une abeille (plusieurs de ces insectes étaient fixés à [* contresens : se posèrent sur] la partie

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extérieure de la gaze) attirée par l'odeur, ayant en quelques occasions [* en quelque une occasion] trouvé un passage, avait pu entre-croiser plusieurs de ces fleurs.

Au printemps de 1869, quatre plants obtenus de graines récentes furent soigneusement recouverts de gazes séparées, et alors les résultats différèrent complètement de ce qu'ils avaient été antérieurement. Trois de ces plants protégés furent chargés de capsules, spécialement pendant la première partie de l'été, et ce fait indique que la température exerce sur ce point une certaine influence, mais l'expérience relatée dans le paragraphe qui suit montre que la la constitution naturelle de la plante est un facteur bien plus important. Le quatrième plant produisit seulement quelques capsules, dont plusieurs furent très-petites ; cependant, il fut bien plus fécond par lui-même que chacun des sept plants expérimentés dans le cours de l'année précédente. Les fleurs portées par les quatre petites branches de ce plant semi-autostérile furent imprégnées avec le pollen de l'un des autres plants, et toutes donnèrent de bennes capsules.

J'eus lieu d'être très-surpris de la différence constatée dans le résultat des expériences faites pendant les deux années précédentes. Six plants avaient été [* contresens : furent donc] enveloppés séparément d'une gaze en 1870, et deux d'entre eux s'étaient montrés [* se montrèrent] presque complètement autostériles ; car, en cherchant bien, je les trouvai seulement munis de trois petites capsules, dont chacune contenait une ou deux semences de petite taille, qui, du reste [* contresens : cependant], parvinrent à germination. Quelques fleurs de ces deux plants, après avoir été fécondées réciproquement avec leurs pollens, et d'autres avec le pollen d'une des plantes autofertiles qui vont suivre, donnèrent toutes de belles capsules. Les quatre autres plants, quoique encore protégés par des gazes, présentèrent un contraste remarquable (pour l'un d'eux ce contraste était moins accentué que pour les autres), car

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ils se couvrirent spontanément de capsules autofécondées à peu près aussi nombreuses et aussi belles que celles des plants non protégés vivant dans le voisinage.

Les trois capsules ci-dessus spontanément autofécondées produites par les deux plants presque complètement autostériles, contenaient ensemble cinq semences, dont j'obtins l'année suivante (1871) cinq plants, qui furent gardés sous des gazes séparées. Ils atteignirent à une hauteur extraordinaire et furent examinés le 29 août. A première vue, ils paraissaient absolument dépourvus de capsules, mais en fouillant soigneusement dans les nombreuses branches, on en recueillit [* oubli : deux ou] trois sur trois des plants, six sur le quatrième et environ dix-huit sur le cinquième. Mais toutes ces capsules étaient petites et quelques-unes furent vides ; le plus grand nombre ne contenait qu'une seule graine et rarement plus d'une. Après cet examen, les enveloppes [* gazes] furent enlevées, et, aucune autre plante ne végétant dans le voisinage, les abeilles se mirent à transporter le pollen de l'un à l'autre de ces plants presque autostériles. Quelques semaines après, les extrémités des branches dans les cinq plants furent recouvertes de capsules, présentant ainsi un curieux contraste avec les parties inférieures des mêmes longues branches qui en étaient dépourvues. Ces cinq plants héritèrent donc presque exactement de la constitution sexuelle de leurs parents, et sans aucun doute, une race à demi stérile de Réséda [* Mignonette] aurait pu aisément être établie.

Reseda lutea. — Des semis de cette espèce furent obtenus de graines recueillies sur un groupe de plants sauvages vivant à une petite distance de mon jardin. Quand j'eus constaté accidentellement que plusieurs de ces plants étaient autostériles, j'en pris [* contresens : choisis] deux au hasard et les plaçai sous des enveloppes séparées. Un d'eux se recouvrit aussitôt [* contresens : bientôt] spontanément de capsules autofécondées en aussi grand nombre que les plants non protégés des environs ; il était

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donc évidemment tout à fait fécond par- lui-même. L'autre fut partiellement autostérile, car il produisit quelques [* contresens : très peu de] capsules, mais plusieurs d'entre elles [* contresens : dont beaucoup d'entre elles] furent de très-petites dimensions. Lorsque, cependant, ce plant eut atteint son développement, les branches supérieures pressées contre la gaze, se recourbèrent : profitant de cette disposition, les abeilles purent sucer les fleurs à travers les mailles du tissu et en transporter le pollen aux plants environnants [* contresens : et y transporter du pollen depuis les plants environnants]. Ces branches devinrent alors chargées de capsules, tandis que les parties inférieures de celles-ci et les autres restèrent complètement nues. I,a constitution sexuelle de cette espèce est donc semblable à celle du Reseda odorata.

Conclusions sur les plantes autostériles.

Afin de favoriser autant que possible l'autofécondation dans quelques-unes des plantes précédentes, toutes les fleurs de Reseda odorata et plusieurs de celles de l'Abutilon furent fécondées avec le pollen d'autres fleurs du même plant au lieu du pollen de la même fleur, et, dans le cas du Senecio, avec le pollen d'autres fleurs du même Corymbe : il n'en advint aucune différence dans les résultats. Fritz Müller essaya les deux modes d'autofécondation dans les cas du Bignonia, du Tabernæmontana et de l'Abutilon, et aussi sans constater de différence dans les résultats. Dans l'Eschscholtzia, cependant, il trouva que dans les autres fleurs du même plant le pollen était un peu plus efficace que celui de la même fleur. Hildebrand 1 a constaté le même fait en Allemagne, car, sur quatorze fleurs d'Eschscholtzia ainsi fécondées, treize donnèrent des capsules contenant en moyenne 9,5 graines ; tandis que sur vingt et une fleurs fécondées avec leur propre pollen, quatorze seulement donnèrent des capsules contenant en moyenne 9 graines.

1 Pringsheim's Jahrbuch für wissenschaft. Botanik, VII, p. 467.

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Hildebrand a trouvé un indice de la même différence dans le Corydalis cava et Fritz Müller dans l'Oncidium 1 .

Si nous considérons l'ensemble des nombreux cas d'autostérilité complète ou presque complète ci-dessus relatés, nous sommes d'abord frappés de leur large répartition dans le règne végétal. Leur nombre n'est pas grand encore, car ils ne peuvent être découverts qu'en protégeant les plants contre les insectes, puis en les fécondant ensuite soit avec le pollen d'un autre plant de la même espèce, soit avec le leur propre, et ce dernier doit alors montrer le même état d'efficacité dans toutes les expériences [* contresens : le pollen doit prouver son état d'efficacité par d'autres expériences]. En dehors de ces épreuves il est impossible de savoir si l'autostérilité est due à ce que les organes reproducteurs mâles ou femelles ou à ce que tous les deux ensemble ont été affectés par des changements dans les conditions vitales. Dans le cours de mes recherches, j'en ai découvert trois nouveaux cas et Fritz Müller a observé des indices de plusieurs autres ; il est donc probable que, par la suite, on constatera qu'ils sont loin d'être rares 2  .

Comme, parmi les plants de la même espèce et de la même parenté, quelques individus sont autostériles et d'autres féconds par eux-mêmes (le Reseda odorata nous a offert de ce fait un exemple frappant), il n'est pas surprenant du tout que des espèces du même genre diffèrent de la même manière. Ainsi, le Verbascum phœniceum et nigrum sont autostériles, tandis que les V. thapsus et lychnitis sont tout à fait autofertiles, comme j'ai constaté expérimentalement. Il existe la même différence entre plusieurs des espèces de Papaver, Corydalis et d'autres genres. Cependant, jusqu'à un certain point, la tendance à l'autostérilité

1 Variation under Domestication, chap. XVII, 2e édition, vol. II, p. 113-115.

2 Mr. Wilder, rédacteur du [* d'un] journal d'horticulture aux États-Unis (cité dans le Gardeners' Chronicle, 1868, p. 1286), dit que les Lilium auratum, Impatiens pallida et fulva, et Forsythia viridissima ne sauraient être fécondés avec leur propre pollen.

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s'accentue dans quelques groupes [* contresens : a cours dans les groupes], comme nous l'avons vu dans le genre Passiflora, et dans les Vandées parmi les Orchidées.

Le degré d'autostérilité diffère beaucoup dans les différentes plantes. Dans les cas extraordinaires où le pollen de la même fleur agit comme un poison sur le stigmate, il est presque certain que les plantes ne donneront jamais une seule semence autofécondée. D'autres plants, comme le Corydalis cava, donnent accidentellement mais très-rarement quelques semences autofécondées. Un grand nombre d'espèces, comme on peut le voir au tableau F, sont moins fécondes avec leur propre pollen qu'avec celui d'un autre plant ; enfin, quelques espèces sont parfaitement fertiles par elles-mêmes. Même parmi les individus de la même espèce, comme nous venons de le voir, quelques-uns sont entièrement autostériles, d'autres le sont modérément et quelques-unes sont parfaitement féconds par eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, la cause qui rend plusieurs plants plus ou moins stériles avec leur propre pollen, c'est-à-dire après autofécondation, doit être différente, au moins dans une certaine mesure, de celle qui influe sur la hauteur, sur la vigueur et sur la fécondité des semis obtenus des graines autofécondées et de croisées ; car nous avons déjà vu que ces deux catégories de cas ne sont en aucune façon parallèles. Ce manque de parallélisme serait compréhensible, s'il avait été démontré [* contresens : si l'on pouvait démontrer] que l'autostérilité dépend seulement de l'incapacité des tubes polliniques à pénétrer assez profondément dans le stigmate de la même fleur pour atteindre les ovules ; tandis que la vigueur plus ou moins grande des semis est liée sans aucun doute à la nature du contenu des grains polliniques et des ovules. Il est maintenant établi que, dans plusieurs plantes, la sécrétion stigmatique n'est pas capable d'exciter comme il convient les grains polliniques, de façon que les tubes ne sont pas convenablement développés si le pollen provient de la même fleur. C'est

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ce qui se produit dans l'Eschscholtzia, d'après Fritz Müller, qui a trouvé que les tubes polliniques ne pénètrent pas assez profondément le stigmate 1 , et dans le genre Notylia (Orchidées) où les tubes ne pénètrent pas du tout.

Dans les espères dimorphes et trimorphes, une union illégitime entre sujets de la même forme présente la plus étroite analogie avec l'autofécondation, tandis qu'une union légitime rappelle la fécondation croisée ; et ici encore la fertilité amoindrie ou la complète stérilité d'une union illégitime dépend, au moins en partie, d'une incapacité de réaction entre les grains de pollen et le stigmate. Ainsi dans le Linum grandiflorum , comme je l'ai montré ailleurs 2 , soit dans les formes à long style, soit dans les formes à court style, sur un cent [* contresens : plusieurs centaines] de graines polliniques il ne s'en développe qu'un ou deux [* contresens : seulement un ou deux développent un tube pollinique], quand on les place sur des stigmates propres à leur forme, et encore ces tubes ne pénètrent-ils pas profondément [* oubli : ; le stigmate lui-même ne change pas non plus de couleur,] comme ils le font [* comme il le fait] après fécondation légitime.

D'un autre côté, la différence comme fécondité naturelle et comme accroissement entre plats obtenus de semences soit croisées, soit autofécondées, et la même différence [* et la différence] en fécondité et en accroissement entre les descendances légitime et illégitime des plants dimorphes et trimorphes, doit dépendre de quelque incompatibilité existant entre les éléments sexuels contenus dans les grains de pollen et dans les ovules : or [* contresens : car] c'est par l'union de ces éléments que de nouveaux organismes sont développés.

Si nous revenons maintenant à la cause plus immédiate d'autostérilité, nous voyons clairement que, dans le plus grand nombre des cas, elle est déterminée par les conditions auxquelles les plants ont été assujettis. Ainsi l'Eschscholtzia est complètement autostérile dans le climat chaud du Brésil, mais il y est parfaitement fertile avec le pollen d'un autre

1 Botanische Zeitung, 1868, pp. 114, 115.

2 Journal of the Linnean Society Botany (Journal de la Société bot. linéenne), vol. VII, 1863, pp. 73-75.

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individu. La descendance des plants brésiliens devint en Angleterre, dès la première génération, partiellement auto-stérile [* contresens : autofertile], elle le fut bien plus encore dans la seconde. Inversement, la descendance des plants anglais, après avoir végété pendant deux saisons au Brésil, devint, dès la première génération, complètement autostérile. De plus, Abutilon Darwini, qui est autostérile au Brésil, sa patrie, devint modérément autofécond après une première génération, en Angleterre, dans une serre [oubli : (serre) chaude]. Quelques autres plantes autofécondes pendant la première partie de l'année devinrent [* deviennent] autostériles plus avant dans la saison. Passiflora alata perdit son autofécondité [* contresens : autostérilité] après avoir été greffé sur une autre espèce. Dans le Réséda cependant, où plusieurs individus de la même parenté sont autostériles et d'autres autoféconds, nous sommes forcés, dans notre ignorance, d'en rapporter la cause à la variabilité spontanée, mais nous nous rappellerons que les progéniteurs de ces plants, du côté mâle ou femelle, doivent avoir été [* contresens : ont pu être] exposés à des conditions en quelque façon différentes. Le pouvoir de l'environnement, qui se traduit par une action si prompte et si particulière sur les organes reproducteurs, parait être très-important [* contresens : est un fait qui a de nombreuses conséquences importantes] ; j'ai donc pensé que les détails précédents méritaient d'être donnés. Par exemple, la stérilité déterminée dans plusieurs [* contresens : de nombreux] animaux et dans plusieurs [* contresens : de nombreuses] plantes, sous l'influence de la variation des conditions vitales, comme le confinement, vient appuyer le même principe général de l'influence facile que reçoit le système sexuel sous l'action de l'environnement [* contresens : participe du même principe général que ce que le système sexuel est facilement affecté par l'environnement]. Il a été prouvé déjà qu'un croisement entre plants soit entre-croisés, soit autofécondés[* ,] pendant plusieurs générations, et conservés constamment soumis à des conditions très-rapprochées, ne procure aucun bénéfice à la descendance, et d'autre part, qu'un croisement entre plants qui ont été assujettis à des conditions différentes profite aux descendants d'une manière extraordinaire. Nous pouvons donc conclure que [* qu'un] certain degré de différencia-

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tion dans le système sexuel est nécessaire à l'entière fécondité des plants générateurs comme à la complète vigueur de la descendance. Il parait aussi probable qu'avec les plants capables de complète autofécondation, les éléments mâles et femelles aussi bien que les organes diffèrent déjà à un degré suffisant pour exciter leur mutuelle réaction, mais que, lorsque de tels plants pris dans un autre pays [* contresens : sont amenés dans un autre pays et] deviennent ensuite autostériles, leurs éléments sexuels et leurs organes sont influencés de façon à être rendus trop uniformes pour réagir l'un sur l'autre et sont semblables alors aux plants autofécondés longtemps cultivés sous les mêmes conditions. Inversement, nous pouvons inférer que les plants autostériles dans leur sol natal, mais rendus féconds par eux-mêmes sous l'influence du changement des conditions vitales, ont leurs éléments sexuels influencés de telle sorte qu'ils deviennent suffisamment différenciés par [* contresens : pour] une mutuelle réaction.

Nous savons que les semis autofécondés sont, à plusieurs [* sur de nombreux] points de vue, inférieurs à ceux issus d'un croisement, et comme, dans les plants vivant à l'état de nature, le pollen de la même fleur ne peut guère manquer d'être le plus souvent [contresens : d'être souvent] laissé par les insectes ou apporté par le vent sur le stigmate, il semble, à première vue, très-probable que l'autostérilité a été graduellement acquise, par la sélection naturelle, en vue de prévenir l'autofécondation. Ce ne serait pas une objection sérieuse à cette opinion, que de considérer la structure particulière à plusieurs fleurs et l'état de dichogamie spécial à plusieurs autres comme suffisants pour prévenir le contact du pollen avec le stigmate de la même fleur ; car nous devrons nous rappeler que, dans le plus grand nombre [* contresens : dans la plupart] des espèces, plusieurs [* contresens : de nombreuses] fleurs s'épanouissent en même temps et que le pollen de la même plante possède une nocuité égale ou à peu près à [* ou presque autant que] celle du pollen de la même fleur. Néanmoins, l'opinion qui veut que l'autostérilité soit une propriété acquise graduellement dans le but spécial d'entraver l'auto-

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fécondation doit, je crois, être rejetée. En premier lieu, il n'y a aucune correspondance intime entre le degré de [* contresens : une correspondance proche en degré entre la] stérilité des plants générateurs après autofécondation et l'étendue de la dépréciation en vigueur supportée par la descendance sous l'influence de ce procédé de fertilisation, et cependant on eût pu espérer une certaine concordance à ce point de vue si l'autofécondité avait été acquise comme conséquence du dommage causé par l'autofécondation. Ce fait que les individus de la même parenté diffèrent beaucoup comme degré d'autostérilité est également opposé à une pareille opinion, à moins de supposer que certains individus ont été rendus autostériles pour favoriser l'entre-croisement, tandis que d'autres sont devenus autofertiles pour assurer la propagation de l'espèce. L'apparition uniquement accidentelle d'individus autostériles [* contresens : Le fait que des individus autostériles apparaissent occasionnellement], comme dans le cas du Lobelia, est un fait qui ne donne aucun appui à cette dernière vue. Mais le plus puissant argument contre cette opinion qui considère l'autostérilité comme acquise dans le but de prévenir l'autofécondation, se trouve dans l'effet puissant et immédiat du changement des conditions vitales qui se traduit par la détermination ou l'éloignement [* contresens : par l'acquisition ou la perte] de l'autostérilité. Nous ne sommes donc pas autorisés à croire que cet état particulier du système reproducteur a été acquis graduellement sous l'influence de la sélection naturelle, mais nous pouvons [* contresens : devons] l'envisager comme un résultat accidentel dépendant des conditions auxquelles les plantes ont été soumises, de même que la stérilité ordinaire se développe, chez les animaux, par le confinement, et chez les végétaux par l'abondance [* contresens : l'excès] des engrais, la chaleur, etc. Je ne pourrais cependant pas maintenir que l'autostérilité ne soit pas quelquefois au service d'une plante pour y prévenir l'autofécondation, mais il existe tant d'autres moyens par lesquels ce résultat peut être écarté ou rendu difficile, sans omettre [* y compris], comme nous le verrons dans le prochain chapitre, la prépondérance du pollen d'un individu distinct sur celui

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propre à la plante, que l'autostérilité semble être une acquisition presque inutile pour ce but.

Finalement, le point le plus intéressant dans ce qui touche aux plantes autostériles, est la preuve qu'elles apportent de l'avantage à l'appui ou même [* contresens : ou plutôt] de la nécessité de quelque degré ou de quelque genre de différenciation dans les éléments sexuels, pour pouvoir s'unir et donner naissance à un nouvel être. Il fut constaté que les cinq plants de Reseda odorata qui avaient été choisis au hasard, pouvaient être parfaitement fécondés par le pollen pris sur l'un d'entre eux, mais jamais par le leur propre : quelques expériences complémentaires furent faites sur d'autres individus, mais je ne les ai pas crues dignes d'être rapportées. Hildebrand et H. Müller parlent aussi fréquemment de plantes autostériles fécondées avec le pollen d'un autre individu ; s'il avait existé quelques exceptions à cette règle, elles auraient difficilement échappé soit à leur observation, soit à la mienne. Nous pouvons donc affirmer avec confiance qu'une plante autostérile peut être fécondée par le pollen de chacun des innombrables individus de la même espèce, mais jamais par le sien propre. Il est évidemment impossible d'admettre que les organes et les éléments sexuels de chaque individu puissent avoir été spécialisés par rapport à chaque autre individu, mais il n'y a aucune difficulté à croire que les éléments sexuels de chaque sujet diffèrent légèrement et de la même manière que les caractères extérieurs, et il a été souvent remarqué que deux individus ne sont jamais absolument semblables. Nous pouvons donc difficilement écarter cette conclusion que, dans le système reproducteur, des différences d'une nature analogue [* (analogue aux différences des caractères extérieurs)] et indéfinie sont suffisantes pour exciter la mutuelle action des éléments sexuels et que la fécondité fait défaut en dehors de l'existence de cette différenciation.

Apparition de variétés très-fécondes par elles-

CHAP. IX VARIÉTÉS AUTOFERTILES.   353

mêmes. — Nous venons de voir que le degré de capacité des fleurs pour la fécondation par leur propre pollen diffère beaucoup, et dans les espères du même genre, et quelquefois dans les individus de la même espèce. Nous devons examiner maintenant quelques cas d'apparition de variétés qui, après autofécondation, donnèrent plus de graines et produisirent des descendants plus grands que leurs générateurs autofécondés ou que les plants entre-croisés de la génération correspondante.

D'abord, dans les troisième et quatrième générations du Mimulus luteus, une grande variété (à laquelle il a été fait souvent allusion) à grandes fleurs tachées de cramoisi, apparut à la fois parmi les plants autofécondés et parmi les entre-croisés. Elle prévalut, à l'exclusion de toute autre variété, dans l'ensemble des dernières générations autofécondées [* contresens : dans l'ensemble des générations autofécondées subséquentes] et transmit fidèlement ses caractères ; mais elle disparut des plants entre-croisés par ce fait que, sans aucun doute, leurs caractères avaient été [* furent] fréquemment mélangés par croisement. Les plants autofécondés appartenant à cette variété furent non-seulement plus grands mais encore plus féconds que les entre-croisés, bien que ces derniers eussent été, dans les premières générations, plus grands et plus féconds que les premiers [* que les autofécondés]. C'est ainsi que dans la cinquième génération les plants autofécondés furent, en hauteur, aux entre-croisés comme 126 est à 100. Dans la sixième génération ils furent également plus grands et plus beaux, mais on ne les mesura point ; le nombre des capsules qu'ils donnèrent comparé à celui des fruits portés par les plants entrecroisés fut comme 147 est à 100, et les capsules autofécondées contenaient un plus grand nombre de graines. Dans la septième génération, les plants autofécondés furent, en hauteur, aux croisés comme 137 est à 100, et vingt fleurs des plants autofécondés, fertilisées avec leur propre pollen, donnèrent dix-neuf très-belles capsules : c'est là un degré d'autofécondité dont je n'ai trouvé l'équivalent dans aucun autre cas.

354 VARIÉTÉS AUTOFERTILES. CHAP. IX

Cette variété semble s'être spécialement adaptée pour tirer tout profit possible de l'autofécondation ; et cependant ce procédé avait été préjudiciable aux procréateurs pendant les quatre premières générations. Il est bon de rappeler, du reste [* contresens : cependant], que les semis obtenus de cette variété, à la suite d'un croisement [* contresens : ayant été croisés (il s'agit ici du croisement de ces semis, et non de ce qu'ils ont été obtenus par croisement)] par un rameau nouveau, furent remarquablement supérieurs en hauteur et en fécondité aux plants autofécondés de la génération correspondante.

Secondement, dans la sixième génération autofécondée de l'Ipomœa apparut un seul plant, nommé Héros, qui surpasssa légèrement en hauteur son adversaire entre-croisé : c'est là un cas qui ne s'était présenté dans aucune des générations antérieures. Héros transmit tout à la fois la couleur particulière de ses fleurs, l'augmentation de sa taille et son haut degré d'autofécondité, à ses fils, à ses petits-fils et à ses arrière-petits-fils. Les fils autofécondés de Héros furent, en hauteur, aux plants autofécondés de la même souche, comme 100 est à 85. Des [* erreur : Dix] capsules autofécondées produites par les petits-fils contenaient en moyenne 5,2 semences, et c'est là une moyenne plus élevée que celle qui fut donnée, dans chaque autre génération, par les capsules des fleurs autofécondées. Les arrière-petits-fils de Héros, issus d'un croisement avec un rameau nouveau, furent si maladifs, résultat de leur obtention dans une saison défavorable, que leur hauteur moyenne comparée à celle des plants autofécondés ne peut être appréciée avec sécurité ; mais ils ne parurent pas avoir profité d'un croisement de cette nature.

Troisièmement, les plants de Nicotiana, sur lesquels j'expérimentai, semblent se ranger dans la même catégorie de cas, car ils varièrent dans leur constitution sexuelle et furent doués d'autofécondité plus ou moins accentuée. Ils descendirent probablement des plants qui avaient été spontanément autofécondés sous verre, pendant plusieurs générations, dans notre pays. Les fleurs des plants générateurs qui

CHAP. IX VARIÉTÉS AUTOFERTILES.   355

furent d'abord fécondés avec leur propre pollen, donnèrent encore moitié moins [* contresens : donnèrent une fois et demie plus] de graines que celles des générateurs croisés, et les semis obtenus de ces semences autofécondées surpassèrent en hauteur, à un degré extraordinaire, ceux issus de graines croisées. Dans les deuxième et troisième générations, quoique les plants autofécondés n'excédassent pas les croisés en hauteur, leurs fleurs autofécondées donnèrent, dans deux occasions, considérablement plus de graines que les croisées et même que celles qui furent croisées avec le pollen d'un rameau ou d'une autre variété distincte.

Enfin, comme certains pieds de Reseda lutea et odorata sont incomparablement plus féconds par eux-mêmes que d'autres, les premiers pourraient trouver place dans ce chapitre où il est traité de l'apparition de nouvelles variétés très-autofécondes. Mais, dans ce cas, nous devons considérer les deux espèces comme normalement autostériles, et c'est là, si j'en juge par mes expériences, la manière de voir la plus correcte.

Nous pouvons donc conclure des faits que nous venons de rapporter, qu'il se produit quelquefois certaines variétés, qui, après autofécondation, sont mieux douées au point de vue de la formation des graines et de la taille que les plants croisés ou que les autofécondés de la génération correspondante, tous les sujets étant du reste [* contresens : étant bien sûr] soumis aux mêmes conditions. L'apparition de ces variétés est intéressante en ce qu'elle confirme l'existence naturelle des plantes qui se fécondent régulièrement elles-mêmes, comme l'Ophrys apifera et quelques autres orchidées, ou comme le Leersia oryzoïdes (Graminées), qui produit des fleurs cléistogènes en abondance, mais très-rarement des fleurs capables de fécondation croisée.

Plusieurs observations faites sur d'autres plantes me conduisent à supposer que l'autofécondation produit, à certains égards, de bons effets ; mais les avantages ainsi obtenus n'offrent pas la constance que l'on constate à la suite du [* contresens : les avantages ainsi obtenus sont en règle générale très petits comparés à ceux d'un] croi-

356 VARIÉTÉS AUTOFERTILES. CHAP. IX

sement de deux plantes distinctes. Ainsi nous avons vu, dans le dernier chapitre, que des semis de Mimulus et d'Ipomœa obtenus de fleurs fécondées par leur propre pollen (ce qui est la forme la plus stricte d'autofécondation), furent supérieurs en hauteur, en poids et en précocité de floraison aux semis obtenus de fleurs croisées avec le pollen d'autres fleurs du même plant, et que cette supériorité fut apparemment trop fortement marquée pour être accidentelle. De plus, nous savons que les variétés cultivées du pois commun sont d'une autofertilité très-élevée : malgré l'influence de [* contresens : malgré qu'elles aient subi] l'autofécondation prolongée pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations, ils surpassèrent en hauteur des semis obtenus d'un croisement entre deux plants appartenant à la même variété dans la proportion de 115 à 100 ; mais alors quatre paires de plants seulement furent mesurées et comparées. L'autofécondité du Primula veris augmenta après plusieurs générations de fécondation illégitime (ce qui est un procédé très-rapproché de l'autofécondation), mais seulement pendant le temps que les plants furent cultivés sous les mêmes conditions favorables. J'ai aussi montré ailleurs 1 que, dans les Primula veris et sinensis, il apparut accidentellement des variétés isostylées qui possèdent les organes sexuels des deux formes combinées dans la même fleur. Ces variétés s'autofécondent donc d'une manière légitime et sont très-fertiles par elles-mêmes, mais, un fait remarquable, c'est qu'elles sont bien plus fécondes que les plants ordinaires des espèces [* contresens : de la même espèce] légitimement fécondées par le pollen d'un individu distinct. D'abord il me parut probable que l'augmentation en fécondité, dans ces plantes dimorphes, pouvait être expliquée par la position des anthères si rapprochée du stigmate que ce dernier peut être imprégné dans l'âge, le temps et le jour le plus favorables [* contresens : à l'âge et au temps du jour les plus favorables] : mais cette explication n'est pas applicable aux cas que nous venons de donner, dans lesquels

1 Journal of Linn. Soc. Bot. (Journal de la Société bot. linnéenne), vol. X, 1867, pp. 417-419.

CHAP. IX POIDS ET PÉRIODE GERMINATIVE 357

les fleurs furent artificiellement fécondées avec leur propre pollen.

Si nous considérons les faits que nous venons de relater [* contresens : d'ajouter], ayant trait à [* contresens : y compris] l'apparition de [* oubli : ces] variétés qui sont plus fécondes et plus grandes que leurs générateurs et que les plants entre-croisés de la génération correspondante, il est difficile d'écarter l'opinion que l'autofécondation est avantageuse à certains points de vue, et cependant, s'il en est réellement ainsi, un pareil avantage est presque insignifiant comparé à celui qui résulte d'un croisement avec une plante distincte et spécialement avec un sujet appartenant à un rameau nouveau. Si cette supposition se vérifiait par la suite, elle jetterait du jour sur l'existence des plantes à fleurs petites et obscures [* discrètes] qui, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, sont rarement visitées par les insectes et par conséquent subissent rarement l'entre-croisement.

Poids relatif et période de germination des semences issues de fleurs croisées et de fleurs autofécondées. — Un égal nombre de semences issues de fleurs fécondées par le pollen d'un autre plant et de fleurs autofécondées fut pesé, mais seulement dans six [* erreur : seize] cas ; Leurs poids relatifs sont donnés dans la liste suivante, celui des semences issues des fleurs croisées étant indiqué par le chiffre 100.

Ipomœa purpurea (plants générateurs)............. comme 100 est à 127

Ipomœa purpurea (troisième génération)......... comme 100 est à 87

Salvia coccinea................................................. comme 100 est à 100

Brassica oleracea..................................... .…... comme 100 est à 103

Iberis umbellata (deuxième génération).......... comme 100 est à 136

Delphinium consolida....................................... comme 100 est à 45

Hibiscus africanus............................................ comme 100 est à 105

Tropæolum minus............................................. comme 100 est à 115

Lathyrus odoratus (environ)............................. comme 100 est à 100

Sarothamnus scoparius..................................... comme 100 est à 88

Specularia speculum......................................... comme 100 est à 86

Nemophila insignis........................................... comme 100 est à 105

Borrago officinalis........................................... comme 100 est à 111

Cyclamen persicum (environ)........................... comme 100 est à 50

Fagopyrum esculentum..................................... comme 100 est à 82

Canna warscewiczi (trois générations)............. comme 100 est à 102

358 DES SEMENCES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. IX

Il est remarquable de voir que, dans dix cas sur seize composant cette liste, les semences autofécondées furent ou supérieures ou égales en poids aux croisées ; néanmoins dans six cas sur ces dix (c'est-à-dire dans Ipomœa, Salvia, Brassica, Tropæolum, Lathyrus et Nemophila) les plants obtenus de semences autofécondées furent [* oubli : très] inférieurs, et en hauteur et à d'autres points de vue, à ceux issus de graines croisées. La supériorité en poids des semences autofécondées dans six cas au moins sur dix, c'est-à-dire dans Brassica, Hibiscus, Tropæolum, Nemophila, Borrago et Canna, peut être en partie attribuée à ce que les capsules autofécondées contenaient un nombre de graines moindre, car lorsqu'une capsule renferme seulement quelques semences, celles-ci ont tendance à être mieux nourries et plus pesantes que lorsqu'elle en renferme beaucoup. Il faut cependant remarquer que, pour plusieurs des cas ci-dessus, dans lesquels les semences croisées furent les plus lourdes, comme dans Sarothamnus et Cyclamen, les capsules croisées renfermaient un plus grand nombre de graines. Quelle que puisse être l'explication de ce fait, à savoir que les semences autofécondées furent souvent les plus lourdes, il est remarquable que, dans les cas du Brassica, du Tropæolum, du Nemophila et de la première génération de l'Ipomœa, les semis obtenus de ces graines furent inférieurs, en hauteur et à d'autres égards, aux plants issus de semences croisées. Ce fait montre toute la supériorité que doivent avoir, comme vigueur constitutionnelle, les semis croisés, car on ne peut mettre en doute que de belles graines bien pesantes n'aient tendance à engendrer de belles [* contresens : les plus belles] plantes. M. Galton a montré que cette proposition s'applique bien au Lathyrus odoratus; et M. A.J. Wilson, au navet suédois, Brassica campestris rutabaga. Mr. Wilson, ayant séparé les plus grandes des plus petites graines de cette dernière plante (la proportion entre le poids de ces deux lots était comme 100 à 59), trouva que les semis « des plus grandes semences prirent du poids [* contresens : prirent l'avantage] et main-

CHAP. IX POIDS ET PÉRIODE GERMINATIVE 359

« tinrent leur supériorité jusqu'à la fin, tant comme hauteur que comme épaisseur des tiges 1 ». La différence, en hauteur, des semis de navet ne peut être attribuée à ce que les plus lourdes graines ont été d'origine croisée et 1es plus légères de race autofécondée, car il est bien connu que les plants appartenant à ce genre sont habituellement croisés par les insectes.

Au point de vue de la période relative de germination des semences croisées et des autofécondées, on ne prit des notes que sur vingt et un cas, et les résultats en sont très-embarrassants. Si nous négligeons un cas, dans lequel les deux lots germèrent simultanément, nous en trouvons dix où exactement une moitié des graines autofécondées leva [* contresens : dix ou exactement la moitié (des cas), de nombreuses graines autofécondées levèrent] avant les croisées, et, dans les autres, une moitié des croisées germa [* contresens : dans l'autre moitié, de nombreuses graines croisées germèrent] avant les autofécondées. Dans quatre de ces vingt cas, des semences dérivées d'un croisement avec un rameau nouveau furent comparées aux graines autofécondées de l'une des dernières générations autofécondées, et, ici encore, dans la moitié des cas les semences croisées, et dans l'autre moitié les graines autofécondées, eurent la priorité [* germèrent les premières]. Cependant les semis de Mimulus obtenus de ces graines furent inférieurs à tous égards aux semis croisés, et dans le cas de l'Eschscholtzia, ils furent inférieurs comme fécondité. Malheureusement, le poids relatif des deux lots de semences ne fut obtenu que dans deux cas [* contresens : fut noté dans seulement quelques cas] où leur germination avait été observée ; mais, dans

1 Gardeners' Chronicle (Chronique des Jardiniers), 1867, p. 107. Loiseleur-Deslongchamp (Les Céréales, 1842, pp. 208-219) fut conduit par ses observations à cette extraordinaire conclusion que les plus petits grains [* contresens : les petits grains] de céréales produisent d'aussi belles plantes que les grosses semences. Cette conclusion est, cependant, combattue [* contredite] par les grands succès du major Hallet, qui améliora le froment en choisissant les plus belles graines. Il est possible, du reste [* contresens : cependant], que l'homme, par une sélection prolongée, ait donné aux semences des céréales une plus grande quantité d'amidon et d'autres matières qu'il n'en faut aux semis pour leur développement. Il est à peine douteux, comme Humboldt le remarqua il y a longtemps, que les grains des céréales ont été rendus attrayants pour les oiseaux à un degré qui a été très-préjudiciable pour l'espèce.

360 DES SEMENCES CROISÉES ET AUTOFÉCONDÉES. CHAP. IX

l'Ipomœa, et dans quelques autres espèces je pense, la légèreté relative des semences autofécondées détermina apparemment leur germination hâtive, probablement en raison de ce que les plus petites masses sont favorables au plus rapide achèvement des changements chimiques et morphologiques nécessaires à l'acte germinatif. D'autre part, M. Galton me donna des semences (sans doute toutes autofécondées) de Lathyrus odoratus, qui furent divisées en deux lots : les plus lourdes et les plus légères ; et plusieurs des premières eurent la priorité comme germination. Il est évident qu'il faudra un bien plus grand nombre d'observations avant que rien ne puisse être décidé au point de vue de la période relative de germination dans les semences croisées et dans les graines autofécondées.

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CHAPITRE X.

Procédés de fécondation.

Stérilité et fécondité des plantes après l'exclusion des insectes. — Procédés par lesquels les fleurs sont fécondées par croisement. — Dispositions favorables à l'autofécondation. — Relations entre la structure et la beauté [* contresens : visibilité] des fleurs, entre la visite des insectes et les avantages de la fécondation croisée. — Procédés par lesquels les fleurs sont fécondées par une plante distincte. — Pouvoir fécondant plus marqué d'un pareil pollen. — Espèces anémophiles. — Conversion des espèces anémophiles en entomophiles. — Origine du nectar. — Les plantes anémophiles ont généralement leurs sexes séparés. — Conversion de fleurs diclines en hermaphrodites. — Les arbres ont souvent leurs sexes séparés.

Dans le chapitre Ier d'introduction, j'ai brièvement énuméré les divers moyens par lesquels la fécondation croisée se trouve favorisée ou assurée, à savoir : la séparation des sexes ; la maturité de l'élément mâle et femelle à des périodes différentes ; la condition hétérostylée ou dimorphe et trimorphe de certaines plantes ; plusieurs [* contresens : de nombeuses] dispositions mécaniques ; la plus ou moins complète insuffisance [* contresens : inefficacité] du pollen d'une fleur sur son stigmate ; enfin, la prépondérance du pollen provenant d'un autre individu sur celui qui est propre à la plante. Quelques-uns de ces points demandent à être complètement développés, mais, pour les détails complets, je renvoie le lecteur aux nombreux et excellents ouvrages mentionnés dans l'introduction. Je veux donner ici la première place à [* contresens : donner en premier lieu] deux listes : la première renferme des plantes qui, après éloignement des insectes, restent complètement stériles ou qui produisent

362 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION.  CHAP. X

moins de la moitié de la totalité des graines ; la seconde contient les plantes qui, dans les mêmes conditions, sont tout à fait fécondes ou donnent au moins la moitié de la totalité de leurs semences. Ces listes ont été dressées en consultant les tableaux antérieurs, auxquels j'ai ajouté quelques cas résultant de mon observation propre ou de celle d'autrui. Les espèces sont arrangées à peu près dans l'ordre suivi par Lyndley [* erreur : Lindley] dans son « Vegetable Kingdom 1 ». Le lecteur voudra bien remarquer que la stérilité ou la fécondité des plantes renfermées dans ces listes dépend de deux causes complètement distinctes, à savoir : la présence ou l'absence des moyens appropriés par lesquels le pollen est appliqué sur le stigmate, et la plus ou moins grande efficacité de ce pollen après cette application. Comme il est évident que dans les plantes dont les sexes sont séparés, le pollen doit, par certains moyens spéciaux [* contresens : par quelque moyen], être transporté de fleur à fleur, les espèces qui présentent ces dispositions sont exclues de ces listes ; il en est de même des plantes dimorphes et trimorphes, dans lesquelles la même nécessité se présente, quoique dans une mesure restreinte. L'expérience m'a prouvé que, indépendamment de l'exclusion des insectes, le pouvoir reproducteur n'est en rien amoindri dans une plante quand elle est recouverte, durant sa période de floraison, par un tissu qu'un cadre supporte ; cette conclusion aurait pu être tirée de cette considération que dans les deux listes suivantes, qui renferment un nombre considérable d'espèces appartenant aux mêmes genres, quelques-unes sont complètement stériles et d'autres complètement fertiles lorsqu'elles sont protégées par une gaze contre les insectes.

1 Le Règne végétal, ou la structure, la classification et les usages des plantes par John Lyndley [* erreur : Lindley], 2e édition, Londres, 1847. (Traducteur.)

CHAP. X LISTE DES PLANTES STÉRILES. 363

Liste des plantes qui, lorsque les insectes en demeurent écartés, sont complètement stériles ou produisent, autant que j'ai pu en juger, moins de la moitié du nombre de graines données par les plantes vivant à découvert.

Passiflora alata, racemosa, [* oubli : coerulea,] edulis, laurifolia, et quelques individus du P. quadrangularis (Passiflorées), sont complètement stériles dans ces conditions : voir « Variation des Animaux et des plantes sous l'influence de la domestication », chap. XVII, 2e édition, vol. II, p. 118.

Viola canina (Violacées). — Fleurs parfaites complètement stériles à moins d'être croisées par les abeilles, ou fécondées artificiellement.

Viola tricolor (Violacées). — Graine très-peu, donne de très-pauvres capsules [contresens : Donne très-peu de capsules très-pauvres].

Reseda odorata (Résédacées). — Quelques individus complètement stériles.

R. lutea. — Quelques individus produisent des capsules peu nombreuses et très-pauvres.

Abuliton [* erreur : Abutilon] darwinii (Malvacées). — Complètement stérile au Brésil ; voyez une discussion antérieure sur les plantes autostériles [* (p. 349)].

Nymphaea (Nymphaeacées). — Le professeur Caspary m'informe que quelques-unes de [* typo : des] espèces de ce genre sont complètement stériles quand les insectes sont exclus.

Euryale amazonica (Nymphæacées). — M. J. Smith de Kew m'informe que des capsules provenant de fleurs livrées à elles-mêmes et n'ayant probablement pas subi la visite des insectes, contenaient huit à quatorze [* erreur : quinze] graines ; celles issues de fleurs artificiellement fécondées avec le pollen d'autres fleurs prises sur la même plante en contenaient quinze à trente, et enfin deux fleurs fécondées avec le pollen apporté d'une autre plante de Chatsworth renfermaient respectivement soixante et soixante-cinq [* erreur : soixante-quinze] semences. J'ai donné ces constatations parce que le professeur Caspary cite cette plante comme un cas opposé à la théorie de la nécessité ou de l'avantage de la fécondation croisée. Voyez Sitzungsberichte der Phys.-ökon. Gesell. [* Physikalisch-Ökonomischen Gesellschaft ] zu Königsberg, B. VI, p. 20.)

Delphinium consolida (Renonculacées). — Produit beaucoup de capsules, mais contient [* ces capsules contiennent] seulement environ la moitié du nombre de semences renfermé dans les fruits [* capsules] de fleurs naturellement fécondées par les abeilles.

Eschscholtzia californica (Papavéracées). — Plantes brési-

364 LISTE DES PLANTES STÉRILES. CHAP. X

liennes complètement stériles ; les plants anglais donnèrent quelques capsules.

Papaver vagum (Papavéracées). — Dans la première partie de l'été, produit [* produisit] très-peu de capsules contenant très-peu de graines.

P. alpinum. — H. Hoffmann (Speciesfrage, 1875, p. 47) établit que cette espèce ne produit [* ne produisit] des semences capables de germination que dans une seule occasion.

Corydalis cava (Fumariacées). — Stérile. Voir la discussion antérieure sur les plantes autostériles.

C. solida. — Je n'avais dans mon jardin (1863) qu'une seule de ces plantes, et vis les bourdons [* erreur et oubli : de nombreuses abeilles] en sucer les fleurs sans qu'une seule graine fut produite. Je fus très surpris de ce fait, car alors la découverte de la stérilité du C. cava avec son propre pollen n'avait pas encore été faite par le professeur Hildebrand. Cet observateur conclut aussi, d'après le petit nombre de ses observations sur la présente espèce, qu'elle est stérile par elle- même. Les deux cas précédents sont intéressants, parce que les botanistes pensaient autrefois (voir par exemple Lecoq, De la Fécondation et de l'Hybridation, 1845, p. 61 et Lyndley [* erreur : Lindley], Vegetable Kingdom, 1853, p. 436) que toutes les espèces de Fumariacées étaient spécialement adaptées pour l'autofécondation.

C. lutea. — Une plante recouverte (1861) produisit exactement la moitié du nombre de capsules données par une plante découverte de la même taille végétant dans son voisinage. Lorsque les bourdons visitent les fleurs (et je les vis souvent à l'œuvre), le pétale inférieur se dirige soudainement en bas et le pistil en haut ; ce fait est dû à l'élasticité des parties qui entrent [* contresens : qui entre] en action dès que les bords cohérents du capuchon sont séparés par l'introduction d'un insecte. Quoique [* contresens : A moins que] les insectes visitent ces fleurs, les parties ne se meuvent pas. Néanmoins plusieurs [* contresens : un grand nombre] des fleurs dans les plantes que j'avais protégées produisirent des capsules, et cependant leurs pétales et leurs pistils gardèrent leur première position : je trouvai, à ma grande surprise, que ces capsules contenaient plus de semences que celles des fleurs dont les pétales avaient été séparés artificiellement et disposées pour s'éloigner [* pour s'écarter] vivement. Ainsi, neuf capsules produites par des fleurs intactes contenaient cinquante-trois semences, tandis que neuf capsules des fleurs dont les pétales avaient été artificiellement séparés en contenaient seulement trente- deux. Mais nous nous rappellerons que si les abeilles avaient pu visiter ces fleurs, elles l'auraient fait dans le temps le plus propice à la fécondation. Les fleurs dont les pétales

CHAP. X LISTE DES PLANTES STÉRILES. 365

avaient été artificiellement séparés donnèrent leurs capsules avant celles qui furent laissées intactes sous le tissu. Pour montrer avec quelle certitude les fleurs sont visitées par les abeilles, je dois ajouter que, dans une circonstance, toutes les fleurs de quelques pieds non protégés furent examinées, et chacune avait ses pétales séparés ; dans une seconde circonstance, quarante et une fleurs sur quarante-trois furent dans le même état. Hildebrand établit (Pringsheim Jahresbericht für wissenschaftliche Botanik, B. VII, p. 450) que le mécanisme des différentes parties dans cette espèce est presque le même que dans le C. ochroleuca, où il a été [* contresens : qu'il a] complètement décrit.

Hypecoum grandiflorum (Fumariacées). — Très-fortement autostérile (Hildebrand, ibid.).

Kalmia latifolia (Ericacées). — Mr. W. Beal dit [American Naturalist (Le Naturaliste américain), 1867] que les fleurs protégées contre les insectes se fanent et tombent, « le plus grand nombre des anthères restant dans les pochettes. »

Pelargonium zonale (Géraniacées). — Presque stérile, un plant produisit deux fruits. Il est probable que différentes variétés doivent différer à ce point de vue, car quelques-unes ne sont que faiblement dichogames.

Dianthus caryophyllus (Caryophyllées). — Produit très-peu de capsules, qui contiennent quelques bonnes graines [* contresens : Produit très peu de capsules contenant de bonnes graines.]

Phaseolus multiflorus (Légumineuses). — Les plantes protégées contre les insectes donnèrent, dans deux circonstances, environ 1/3 ou [* contresens : et] 1/8 de la totalité des graines [voir mon article dans le Gardeners' Chronicle (Chronique des Jardiniers), 1857, p. 225, et 1858, p. 828 ; Annales et magasin [* contresens : magazine] d'histoire naturelle [* Annals and Magazine of Natural History], 3e série, vol. II, 1858, p. 462]. Le docteur Ogle (Revue de la science populaire [* Popular Science Review, mieux traduit par « Revue populaire de science »], 1870, p. 168) a trouvé qu'une plante est complètement stérile lorsqu'elle est recouverte. Les fleurs ne sont pas visitées par les insectes dans le Nicaragua, et d'après M. Belt l'espèce est ici tout à fait stérile. (Le naturaliste au Nicaragua [* The Naturalist in Nicaragua], p. 70.)

Vicia faba (Légumineuses). — Dix-sept plants recouverts donnèrent quarante fèves, tandis que dixsept plants laissés à nu [* (à découvert)] en donnèrent cent trente-cinq ; ces dernières plantes furent donc entre trois et quatre fois plus fertiles que les plants protégés. (Voyez pour les détails complets : Chronique des Jardiniers [* Gardeners' Chronicle], 1858, p. 828.)

Erythrina sp. ? (Légumineuses). — M. W. Mac Arthur [* MacArthur, en un seul mot] m'a appris que dans la Nouvelle-Galle du Sud (Australie) les fleurs ne donnent pas de graines, à moins que les pétales ne soient agités de la même manière que le font les insectes.

366 LISTE DES PLANTES STÉRILES. CHAP. X

Lathyrus grandiflorus (Légumineuses). — Est dans notre pays plus ou moins fertile. Il ne donne jamais de gousses si les fleurs n'en sont pas visitées par les bourdons (et cela n'arrive que fort rarement) ou à moins qu'elles ne soient fécondées artificiellement. Voir mon article dans la Chronique des Jardiniers [* Gardeners' Chronicle], 1858, p. 828.

Sarothamnus scoparius (Légumineuses). — Complètement stérile quand les fleurs ne sont pas visitées par les abeilles ou agitées par le vent et frappées contre le tissu qui l'enveloppe.

Melilotus officinalis (Légumineuses). — Une plante véétant à découvert, visitée par les insectes, produit [* produisit] au moins trente fois plus de graines qu'une plante recouverte. Dans cette dernière plante, plusieurs vingtaines de rameaux [* contresens : plusieurs vingtaines de grappes de fleurs (racemes)] ne produisirent pas une seue gousse ; plusieurs autres en donnèrent une ou deux ; cinq en portèrent trois ; six en produisirent quatre ; et un enfin en porta dix. Sur une plante non recouverte chacun des nombreux rameaux [* contresens : des nombreuses grappes de fleurs] produisit quinze gousses ; neuf en donnèrent entre seize et vingt-deux ; un enfin en porta trente.

Lotus corniculatus (Légumineuses). — Plusieurs plants recouverts ne produisirent que deux gousses vides et pas une seule bonne graine.

Trifolium repens (Légumineuses). — On protégea contre les insectes plusieurs plants, et les semences de dix capitules qui en provirent furent comptées aussi bien que celles prises sur dix capitules d'autres plants végétant à découvert auprès [* en dehors] du tissu enveloppant [* oubli : (que j'ai vu visiter par des abeiles)] ; les semences de ces dernières plantes furent environ [* presque] dix fois aussi [* dix fois plus] nombreuses que celles provenant des plants recouvertes. L'expérience fut répétée l'année suivate : vingt capitules protégés donnèrent alors seulement une seule semence avortée, tandis que vingt capitules des plants découvets environnants (je les savais visités par les insectes) donnèrent deux mille deux cent quatre-vingt-dix semences, nombre obtenu en pesant la totalité des graines et comptant la quantité renfermée [* contenue] dans deux grains (0gr,13).

T. pratense. — Un cent de capitules protégées ne donna pas une seule graine, tandis que le même nombre de capitules voisins découverts, qui furent visités par les insectes [* abeilles], donnèrent en poids 68 grains (4gr,42) de semences ; or, comme quatre-vingt semences pesaient 2 grains (0gr,13), les cent capitules devaient avoir donné deux mille sept cent vingt semences. J'ai souvent surveillé cette plante et n'ai jamais vu les abeilles en sucer les fleurs, si ce n'est par le côté, à travers les trous pratiqués par les bourdons, ou profondément

CHAP. X LISTE DES PLANTES STÉRILES. 367

au dessus des fleurs [*contresens : entre les fleurs], comme si elles recherchaient quelque sécrétion du calice, à peu près de la même manière que l'a décrit Mr. Farrer dans le cas du Coronilla (Nature, 1874, 2 juillet, p. 169). Je dois cependant excepter une circonstance dans laquelle un champ voisin de sainfoin (Hedysarum onobrychis) venant d'être fauché, les abeilles en semblaient réduites au désespoir. Dans cette circonstance, le plus grand nombre de fleurs du trèfle furent en quelque sorte desséchées ; elles [*et ] contenaient une quantité extraordinaire de nectar que les abeilles purent sucer. Un apiculteur expérimenté, M. Miner, dit qu'aux États-Unis les abeilles ne sucent jamais le trèfle rouge, et M. R. Colgate m'informe qu'il a observé le même fait en Nouvelle-Zélande après l'introduction des abeilles dans cette île. D'un autre côté, H. Müller (Befruchtung, p. 224) a souvent vu les abeilles visitant cette plante en Allemagne dans le double but d'y rechercher le pollen et le nectar ; elles obtenaient ce dernier en brisant séparément [contresens : en ouvrant] les pétales. Ce qu'il y a de certain, c'est que les bourdons sont les principaux agents de fécondation du trèfle rouge carmin [*contresens :trèfle rouge commun].

T. incarnatum. — Les capitules contenant des semences mûres, sur quelques plants couverts et nus [* contresens : découverts], parurent également beaux, mais c'était là une fausse apparence ; soixante capitules des plantes nues[* contresens : découvertes] donnèrent 349 grains (22gr,60) de semences, tandis que soixante capitules des plantes recouvertes n'en donnèrent que 63 grains (4gr,09), et encore plusieurs d'entre ces dernières graines furent-elles pauvres et avortées. Donc, les fleurs qui furent visitées par les abeilles produisirent environ cinq à six fois plus de graines que celles qui furent protégées. Les plantes recouvertes, qui n'avaient pas été épuisées par la fructification, produisirent une seconde floraison abondante, tandis que les nues[* contresens : découvertes] ne purent le faire.

Cytisus laburnum (Légumineuses). — Sept grappes florales prêtes à s'épanouir furent enveloppées dans un grand sac de gaze, et elles ne parurent être endommagées en rien par ce traitement. Trois seulement d'entre elles produisirent quelques gousses, une seule pour chaque, et ces trois fruits contenaient respectivement une, quatre et cinq graines. Ainsi, une seule gousse sur sept grappes renfermait sa totalité [* une quantité adéquate (a fair complement)] de semences.

Cuphea purpurea (Lythrariées). — Ne produisit pas de graines. D'autres fleurs de la même plante, artificiellement fécondées sous une gaze, donnèrent des graines.

Vinca major (Apocynées). — Est généralement tout à fait

368 LISTE DES PLANTES STÉRILES. CHAP. X

stérile, mais donne quelquefois des graines lorsqu'elle est artificiellement croisée. Voir ma notice : Chronique des Jardiniers [* (Gardeners' Chronicle)], 1861, p. 552.

V. rosea. — Se comporte comme l'espèce ci-dessus. — Chronique des Jardiniers [* (Gardeners' Chronicle)], 1861, pp. 699-736-831.

Tabernaemontana echinata (Apocynées). — Complètement stérile.

Petunia violacea (Solanées). — Complètement stérile, autant que je l'ai observé.

Solanum tuberosum (Solanées). — Tinzmann dit (Chronique des Jardiniers [* Gardeners' Chronicle], 1846, p. 183) que quelques variétés sont tout à fait stériles, à moins d'être fécondées par une autre variété.

Primula scotica (Primulacées). — Espèce non-dimorphe qui est fertile avec son propre pollen, mais qui est extrêmement stérile quand les insectes en sont écartés. (J. Scott, dans le Journal de la soc. Bot. linéenne [* (Journal of the Linnean Society Botany), vol. VIII, 1864, p. 119.)

Cortusa matthioli (Primulacées). — Les plantes protégées sont complètement stériles ; les fleurs artificiellement autofécondées sont parfaitement fertiles. (J. Scott, ibid., p. 84.)

Cyclamen persicum (Primulacées). — Durant une saison, plusieurs plants recouverts ne produisirent pas une seule graine.

Borrago officinalis (Borraginées). — Des plants protégés produisirent environ la moitié autant [* (une fois et demi)] de graines que les plants à découvert.

Salvia tenori (Labiées). — Complètement stérile, mais deux ou trois fleurs du sommet des épis qui touchaient au tissu protecteur quand le vent soufflait donnèrent quelques graines. Cette stérilité n'était pas due aux effets malfaisant de l'enveloppe, car je fécondai cinq fleurs avec le pollen d'une plante voisine, et elles donnèrent toutes de belles graines. J'enlevai le tissu pendant qu'une petite branche portait encore quelques fleurs non complètement flétries ; elles furent visitées par des insectes [* abeilles] et donnèrent des graines.

S. coccinea. — Quelques plantes découvertes [*contresens : recouvertes] produisirent de nombreux et bons fruits, mais leur nombre, je le pense, fut moitié inférieur à celui [* contresens : leur nombre fut inférieur à une fois et demi celui] des plants découverts ; vingt-huit des tétrakènes produits spontanément par la plante protégée contenaient en moyenne seulement 1.45 semences, tandis que quelques fruits artificiellement autofécondés dans la même plante en donnèrent plus de deux fois autant, c'est-à-dire 3.3.

CHAP. X LISTE DES PLANTES STÉRILES. 369

Bignonia, espèce indéterminée (Bignoniacées). — Complètement stérile. Voir mon Mémoire sur les plantes autostériles.

Digitalis purpurea (Scrophularinées). — Extrêmement stérile, quelques rares capsules très-pauvres ayant été produites.

Linaria vulgaris (Scrophularinées). — Extrêmement stérile.

Antirrhinum majus, var. rouge (Scrophularinées). — Cinquante capsules cueillies sur une grande plante recouverte d'une gaze contenaient en poids 9,8 grains (0gr,637) de semences, mais beaucoup d'entre les cinquante fruit (ils ne furent malheureusement pas comptés) ne renfermaient pas de graines du tout. Cinquante autres capsules d'un plant exposé à la visite des bourdons contenaient en poids 23,1 grains (1gr,50) de semences, c'est-à-dire plus du double, mais, dans ce cas encore, plusieurs d'entre les cinquante capsules n'avaient pas de graines.

A. majus (var. blanche, ayant la gorge de la corolle colorée de rose). — Cinquante capsules (dont un très-petit nombre seulement furent vides) prises sur une plante recouverte contenaient un poids de 20 grains (1gr,30) de semences, de sorte que cette variété paraît être beaucoup plus fertile par elle-même que la précédente. D'après le docteur [* W.] Ogle (Rev. de la sc. Populaire [* Popular Science Review, mieux traduit par Revue populaire de science], janv., 1870, p. 52), une plante de cette espèce fut beaucoup plus stérile après exclusion des insectes que je ne l'ai observé moi- même, car elles produisit seulement deux petites capsules. Pour appuyer l'action fécondante des abeilles, je puis ajouter que M. Crocker ayant laissé à découvert des fleurs soumises à la castration préalable, elles produisirent autant de semences que les fleurs non mutilées.

A. majus (var. péloriée). — Cette variété est complètement fertile quand elle est artificiellement fécondée avec son propre pollen ; mais reste complètement stérile lorsqu'elle est livrée à elle- même et recouverte, parce que les bourdons ne peuvent pas s'introduire dans l'étroite ouverture tubulaire des fleurs.

Verbascum phœniceum (Scrophularinées). — Complètement stérile. Voir mon Mémoire sur les plantes autostériles.

V. nigrum. — Complètement stérile. [* oubli : Voir mon Mémoire sur les plantes autostériles (See my account of self-sterile plants).]

Campanula carpathica (Lobéliacées). — Complètement stérile.

Lobelia ramosa (Lobéliacées). — Complètement stérile.

L. fulgens. — Cette plante n'est jamais visitée par les abeilles dans mon jardin, et y demeure tout à fait stérile ; mais, dans un jardin pépiniériste, à quelques milles de distance, je vis

370 LISTE DES PLANTES STÉRILES. CHAP. X

des bourdons visiter les fleurs et elles produisirent alors quelques capsules.

Isotoma. Une var. à fleurs blanches (Lobéliacées). — Cinq plantes laissées à découvert dans ma serre produisirent vingt-quatre belles capsules contenant ensemble 12,2 grains (0gr,76) de semences, et treize autres capsules très-pauvres qui furent rejetées. Cinq plantes protégées contre les insectes, mais exposées par ailleurs aux mêmes conditions que ci-dessus, produisirent seize belles capsules et vingt autres fruits qui furent rejetés. Les seize belles capsules renfermèrent une telle proportion de graines [* une proportion de graines telle], que vingt-quatre auraient donné un poids de 4.66 grains (0gr,30). Ainsi donc, les plants découverts produisirent à peu près trois fois autant de semences en poids que les plants protégés.

Leschenaultia formosa (Goodéniacées). — Complètement stérile. Mes expériences sur cette plante, montrant la nécessité de l'intervention des insectes, sont données dans la Chronique des Jardiniers [* (Gardeners' Chronicle)], 1871, p, 1166.

Senecio cruentus (Composées). — Complètement stérile. Voir mon travail sur les plantes fertiles par elles-mêmes.

Heterocentron mexicanum (Mélastomacées). — Complètement stérile; mais cette espèce et les membres suivants du même groupe produisent des graines après autofécondation artificielle.

Rhexia glandulosa (Mélastomacées). — Donne spontanément deux ou trois capsules seulement.

Centradenia floribunda (Mélastomacées). — A donné spontanément pendant quelques années deux ou trois capsules, quelquefois pas du tout.

Pleroma (espèce indéterminée de Kew) [* (Mélastomacées)]. — A donné spontanément pendant quelques années deux ou trois capsules, quelquefois aucune.

Monochætum ensiferum (Mélastomacées). — Pendant quelques années a produit spontanément deux ou trois capsules, quelquefois pas du tout.

Hedychium, espèce indéterminée (Marantacées). — Presque autostérile quand elle est livrée à elle- même.

Orchis [* Darwin donne « Orchideae » (nom de tribu) ; « Orchis », traduction de Heckel, est le nom d'un genre] . — Une immense quantité d'espèces de ce genre est stérile en dehors de l'intervention des insectes.

CHAP. X LISTE DES PLANTES FERTILES.   371

Liste des plantes qui, lorsqu'elles sont protégées contre les insectes, sont ou complètement fertiles, ou donnent plus de la moitié du nombre total de semences produites par les plantes non protégées.

Passiflora gracilis (Passiflorées). — Produit plusieurs [* contresens : de nombreuses (many)] fruits contenant moins de graines que ceux des plantes [* erreur : des fleurs] entre-croisées.

Brassica oleracea (Crucifères). — Produit plusieurs [* contresens : de nombreuses (many)] capsules, mais moins riches en graines que celles des plantes recouvertes [contresens : celles des plantes découvertes].

Raphanus sativus (Crucifères). — La moitié d'une grande plante rumeuse [* erreur : rameuse] ayant été recouverte d'un tissu, se chargea aussi lourdement de capsules que l'autre moitié non couverte ; mais vingt des capsules de cette dernière partie contenaient en moyenne 3,5 semences, tandis que vingt des capsules protégées en contenaient seulement 1,85, ce qui fait un peu plus que la moitié moins. Cette plante aurait été peut-être mieux à sa place dans la première liste.

Iberis umbellata [* (Crucifères)]. — Grandement fertile.

Iberis amara. — Grandement fertile.

Reseda odorata and lutea (Résédacées). — Certains individus sont complètement fertiles par eux- mêmes.

Euryale ferox (Nymphéacées). — Le professeur Caspary m'informe que cette plante est tout à fait fertile par elle-même quand les insectes en sont écartés. Il remarque dans la note déjà indiquée que cette plante, aussi bien que la Victoria regia, produit une fleur seulement à la saison, et que comme cette espèce est annuelle et fut introduite en 1809, elle doit avoir été autofécondée pendant les cinquante-six dernières générations mais le docteur Hooker m'assure qu'à sa connaissance cette plante a été introduite à plusieurs reprises, et qu'à Kew les mêmes plantes, Euryale et Victoria, produisent plusieurs fleurs dans le même temps.

Nymphaea [* (Nymphéacées)]. — Quelques espèces, comme m'en informe le professeur Caspary, sont complètement autofertiles quand les insectes en sot écartés.

Adonis aestivalis (Renonculacées). — Produit, d'après le professeur H. Hoffmann (Speciesfrage, p. 11), beaucoup de graines en dehors de l'action des insectes.

Ranunculus acris [* (Renonculacées)]. — Produit beaucoup de graines sous un tissu protecteur.

Papaver somniferum (Papavéracées). — Trente capsules prises sur des plants nus donnèrent 15,6 grains (1gr,01) en

372 PLANTES FERTILES   CHAP. X

poids de semences, et trente capsules de plants couverts végétant dans le même carré donnèrent 16,5 grains (1gr,07), de sorte que ces derniers plants furent plus productifs que les premiers. Le professeur H. Hoffmann a aussi trouvé (Speciesfrage, 1875, p. 53) que cette espèce est autofertile quand elle est protégée contre les insectes.

P. vagum. — Produisit à la fin de l'été beaucoup de graines qui germèrent mal [* contresens : germèrent bien].

P. argemonoides (Papaveracées)

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D'aprèsHildebrand (Jahrbuch für w. Bot., B. 7, p. 466), les fleurs spontanément autofécondées ne sont en aucune façon stériles.

Glaucium luteum

Argemone ochroleuca

Adlumia cirrhosa (Fumariacées). — Donne des capsules en abondance.

Hypecoum procumbens [* (Fumariacées)]. — Hildebrand dit (idem), en parlant des fleurs protégées, que eine gute Fruchtbildung eintrete 1 .

Fumaria officinalis [* (Fumariacées)]. — Les plants recouverts et à nu produisirent en apparence un nombre égal de capsules, et les semences des premiers [* (des plants recouverts)] parurent être également bonnes. J'ai observé cette plante, comme l'a fait Hildebrand, et nous n'avons jamais vu d'insecte en visiter les fleurs. Hermann Müller fut aussi frappé de la rareté des visites des insectes, quoiqu'il ait surpris quelquefois les abeilles à l'œuvre. Les fleurs sont peut-être fréquentées par de petits papillons [* contresens : papillons de nuit), et le même cas doit se présenter probablement avec les espèces suivantes.

F. capreolata. — Plusieurs grands carrés de cette plante végétant à l'état sauvage furent observés par moi pendant plusieurs [* contresens : de nombreux] jours, mais les fleurs ne furent jamais visitées par les insectes, quoique une abeille [* erreur : un bourdon] fût vue occupée [* occupé] à les examiner de près. Cependant, comme les nectaires renferment beaucoup de nectar, spécialement le soir, je restai convaincu qu'elles sont visitées probablement par les papillons [* de nuit (moths)]. Les pétales ne s'ouvrent ni ne se séparent naturellement, mais ils avaient été ouverts d'une façon quelconque dans un certain nombre de fleurs, et de la même manière que cela se produit quand une forte soie résistante est introduite dans le nectaire, de sorte qu'à ce point de vue cette plante ressemble au Corydalis lutea. Trente-quatre inflorescences renfermant chacune beaucoup de fleurs furent examinées, et vingt d'entre elles avaient de une à quatre fleurs ainsi ouvertes, tandis que quatorze n'en présentaient aucune. Il est donc clair que quelques-unes des fleurs avaient reçu la visite

1 Une bonne fructification se produisait.

CHAP. X EN DEHORS DE L'ACTION DES INSECTES. 373

des insectes, tandis que la majorité y avait échappé ; cependant le plus grand nombredonna [* contresens : presque toutes donnèrent] des capsules.

Linum usitatissimum (Linées). — Paraît complètement fertile. (H. Hoffmann, Botanische Zeitung, 1876, p. 566.)

Impatiens barbigerum (Balsaminées). — Les fleurs, quoique parfaitement adaptées pour la fécondation croisée par les abeilles qui les visitent librement, grainent abondamment sous une gaze.

I. noli-me-tangere (Balsaminées). — Cette espèce produit des fleurs cléistogènes et des fleurs parfaites. Une plante fut recouverte d'une gaze, et quelques leurs parfaites marquées avec des fils produisirent onze capsules spontanément autofécondées, qui contenaient en moyenne 3,45 semences. Je négligeai de m'assurer du nombre de graines produites par des fleurs parfaites soumises à la visite des insectes, mais je crois qu'il ne dépassa pas de beaucoup ce chiffre moyen. M. A.[* M. A. W.] Bennett a décrit avec soin la structure des fleurs de l'I. fulva dans le Journal de la soc. Linn. [* Journal of the Linnean Society], vol. XIII. Bot., 1872, p. 147. Cette dernière espèce est indiquée comme stérile avec son propre pollen (Chronique des Jardiniers [* Gardeners' Chronicle], 1868, p. 1286), et s'il en est ainsi, elles présente un remarquable contraste avec les I. barbigerum et noli-me-tangere 1 .

Limnanthes douglasii (Géraniacées). — Grandement fertile.

1M. A. Loche (Bulletin de la Soc. Bot. De France, t. XXIII, 1876, p. 367-368) a réédité, sans la connaître sans doute, sous ce titre : Note sur un fait anormal de fructification chez quelques Balsaminées, l'observation déjà faite par M. A. Bennett : il résulte de cette note que I. fulva produit des fleurs cléistogènes (encore nommées cléistogames ou clandestines) avant les fleurs normales. Ce fait se produit quelquefois, comme dans le Viola palustris (Ad. Chatin), mais non pas toujours, car dans le Lamium purpureum c'est le contraire qui a lieu. D'après les observations de Bennett, les fleurs parfaites, objet de l'étude comparée de M. Loche, ne devraient leur productivité qu'à l'influence des insectes (bourdons et abeilles) qui les fréquentent, et c'eût été un point intéressant à bien établir. Si M. Loche a le désir de trouver du nouveau sur ce sujet, je me permets de lui signaler ce fait important à élucider complètement, car tout ce qu'il a publié jusqu'ici était absolument connu, et j'ajoute que la structure des fleurs cléistogènes des Impatiens a fait l'objet d'un travail remarquable de H. Mohl (Bot. Zeitung, 1863, pp. 313 et 322). Jusqu'à présent l'on ne connaît que fort peu de plantes cléistogènes dans lesquelles les fleurs parfaites restent sans utilité apparente (et elle deviendrait réelle dans le cas actuel si les insectes étaient écartés) ; il serait donc très-important d'avoir le plus grand nombre possible de ces cas à enregistrer, pour confirmer ou détruire certaines interprétations plus ou moins heureuses de ces phénomènes encore peu étudiés et qui méritent cependant la plus grande attention. (Traducteur.)

374 PLANTES FERTILES CHAP. X

Viscaria oculata (Caryophyllées). — Produit beaucoup de capsules contenant de bonnes graines.

Stellaria media [* (Caryophyllées)]. — Les plantes découvertes et à nu produisirent un égal nombre de capsules et des graines, qui [* (Darwin applique ce qui suit aux graines seulement)], dans les deux cas, parurent également bonnes et en nombre égal.

Beta vulgaris (Chénopodiacées). — Grandement fertile par elle-même.

Vicia sativa (Légumineuses). — Des plantes protégées et non couvertes produisirent un même nombre de gousses et des graines également belles. S'il exista quelque différence entre les deux lots, ce fut au bénéfice des plantes recouvertes qui furent les plus productives.

V. hirsuta. — Cette espèce porte les fleurs les plus petites parmi celles des Légumineuses de la Grande-Bretagne. Les résultats obtenus en recouvrant ces plantes furent les mêmes que dans l'espèce précédente.

Pisum sativum [* (Légumineuses)]. — Complètement fertile.

Lathyrus odoratus [* (Légumineuses)]. — Complètement fertile.

L. nissolia. — Complètement fertile.

Lupinus luteus (Légumineuses). — Très-productive.

L. pilosus. — Produit beaucoup de gousses.

Ononis minutissima (Légumineuses). — Douze fleurs parfaites d'un plant recouvert furent marquées avec des fils et produisirent huit gousses, contenant en moyenne 2,38 semences. Les gousses produites par les fleurs ayant reçu la visite des insectes auraient probablement contenu en moyenne 3,66 graines, si j'en juge par les effets de la fécondation croisée artificielle.

Phaseolus vulgaris (Légumineuses). — Complètement fertiles.

Trifolium arvense (Légumineuses). — Les fleurs excessivement petites sont incessamment visitées par les abeilles et les bourdons. Les têtes florales dont les insectes furent écartés semblèrent produire autant et d'aussi belles graines que les têtes laissées à nu.

T. procumbens. — Dans une circonstance, les plants recouverts parurent donner autant de graines que les plants non couverts. Dans une seconde circonstance, soixante têtes florales découvertes donnèrent 9,1 grains (0gr,59) de semences, tandis que soixante têtes appartenant à des plantes protégées n'en donnèrent pas moins de 17,7 grains (1gr,15), de façon que ces derniers plants furent beaucoup plus productifs ; mais je suppose que ce résultat fut accidentel. J'ai souvent observé cette plante, et jamais je n'ai vu les insectes en visiter les fleurs ; mais j'ai lieu de supposer que les fleurs de cette espèce, et

CHAP. X EN DEHORS DE L'ACTION DES INSECTES. 375

plus spécialement celles du Trifolium minus, sont fréquentées par les petits papillons nocturnes, qui, comme je l'apprends de M. Bond, hantent les plus petits trèfles.

Medicago lupulina (Légumineuses). — A cause du danger que je courais de perdre les graines, je fus forcé de cueillir les gousses avant leur maturité complète ; cent cinquante têtes florales des plants visités par les insectes [* contresens : les abeilles] donnèrent des gousses pesant 101 grains (6gr,56), tandis que cent cinquante têtes des plants protégés donnèrent des gousses pesant 77 grains (5 grammes). La différence eut été probablement plus considérable si des graines mûres avaient pu être sûrement ramassées et comparées. Ig. Urban (Keimung, Bluthen, etc., bei Medicago, 1873) a décrit les procédés de fécondation dans ce genre, ainsi que le Rév. G. Henslow, dans le Journal de la soc. linnéenne [* (Journal of the Linnean Society)] Bot., vol. IX, 1866, p. 327 et 355.

Nicotiana tabacum (Solanées). — Complètement fertile par elle-même.

Ipomœa purpurea (Convolvulacées). — Grandement fertile par elle-même.

Leptosiphon androsaceus (Polémoniacées). — Les plants placés sous une gaze produisirent un grand nombre de capsules.

Primula mollis (Primulacées). — Espèce non-dimorphe, fertile par elle-même. J. Scott, dans le Journal de la soc. linnéenne Bot. [* Journal of the Linnean Society Botany], vol. VIII, 1864, p. 120.

Nolana prostrata (Nolanacées). — Les plants recouverts donnèrent, dans la serre, des semences dont le poids fut comparé à celui des graines provenant des plants découverts qui eurent leurs fleurs visitées par les [* de nombreuses] abeilles ; ces poids furent dans la proportion de 100 à 61.

Ajuga reptans (Labiées). — Donne une grande quantité de semences, mais aucun des pieds placés sous une gaze ne produisit autant de graines que plusieurs pieds découverts végétant dans le voisinage.

Euphrasia officinalis (Scrophularinées). — Des plants recouverts donnèrent beaucoup de graines, mais je ne saurais dire si elles furent moins nombreuses que celles des plants découverts. Je vis deux petits insectes diptères (Dolichopos nigripennis et Empis chioptera) suçant fréquemment les fleurs ; comme ils y pénétraient, ils frottaient contre les poils qui recouvrent les anthères et se trouvaient recouverts de pollen.

Veronica agrestis [* (Scrofularinées)]. — Les plants recouverts produisirent des graines en abondance. Je ne sais pas si les insectes en fréquen-

376 PLANTES FERTILES CHAP. X

tent les fleurs, mais j'ai observé des Syrphidés fréquemment recouverts de pollen visitant les fleurs des V. heredifolia [* erreur : hederæfolia] et Chamædrys.

Mimulus luteus [* (Scrophulariacées)]. — Très fertile par lui-même.

Calceolaria (variété de serre) [* (Scrophularinées)]. — Très fertile par elle-même.

Verbascum thapsus [* (Scrophularinées)]. — Très fertile par elle-même.

V. lychnitis. — Très fertile par elle-même.

Vandellia nummularifolia [* (Scrophularinées)]. — Les fleurs parfaites produisent beaucoup de capsules.

Bartsia ondontites [* erreur : odontites ; et oubli : (Scrophulariaceae)]. — Les plants recouverts produisirent de nombreuses graines, mais plusieurs d'entre elles furent racornies ; aussi leur nombre ne fut-il pas aussi considérable [* contresens, pas de cause à effet : plusieurs furent racornies et elle furent moins nombreuses] que dans les plantes non protégées qui furent incessamment visitées par les abeilles et par les bourdons.

Specularia speculum (Lobéliacées). — Les plants recouverts produisirent presque autant [* contresens : elles en produisirent autant] de capsules que les découverts.

Lactuca sativa (Composées). — Les plants recouverts produisirent quelques graines, mais l'été fut humide et défavorable.

Galium aparine (Rubiacées). — Les plants recouverts donnèrent tout autant de graines que les découverts.

Apium petroselinum (Ombellifères). — Les plants recouvert furent apparemment aussi productifs que les découverts.

Zea mays (Graminées). — Un seul plant dans la serre produisit de nombreuses graines.

Canna warscewiczi (Marantacées). — Très fertile par elle-même.

Orchidées. — En Europe l'Ophrys apifera est aussi régulièrement autofécondé qu'aucune [* que n'importe quelle] fleur cléistogène. Dans les États-Unis, dans le sud de l'Afrique et en Australie, il existe quelques espèces qui sont parfaitement fertiles par elles-mêmes. Ces nombreux cas sont donnés dans la 2e édition de mon livre sur la Fécondation des Orchidées.

Allium cepa (var. à fleurs rouges) (Liliacées). — Quatre têtes florales furent recouvertes d'une gaze et produisirent des capsules en quelque façon plus petites et moins nombreuses que celles des têtes découvertes. Les capsules furent comptées sur une tête découverte, et leur nombre fut de deux cent quatre-vingt-neuf, tandis que celles d'une belle tête placé sous une gaze furent seulement de cent quatre-vingt-dix-neuf.

Chacune de ces listes renferme, par une coïncidence fortuite, le même nombre de genres, c'est-à-dire

CHAP. X LISTE DES PLANTES STÉRILES. 377

quarante-neuf. Les genres de la première liste contiennent soixante-cinq espèces et ceux de la seconde soixante, les Orchidées ayant été exclues de l'une comme de l'autre. Si les genres de ce dernier ordre, aussi bien que des Asclépiadées et des Apocynées, y avaient été inclus, le nombre des espèces qui sont stériles en dehors de l'action des insectes eut été considérablement augmenté ; mais ces listes sont limitées aux espèces qui furent alors mises en expérience. Les résultats ne peuvent être considérés que comme approximativement exacts, car la fécondité est un caractère si variable que chaque espèce eût dû être expérimentée à plusieurs reprises [* contresens : de nombreuses fois]. Le nombre (125) des espèces ci-dessus est bien petit si on le compare à la multitude des plantes vivantes : mais le simple fait que plus de la moitié d'entre elles reste stérile, dans la mesure spécifiée, lorsque les insectes sont écartés, est des plus frappant, car toutes les fois que le pollen a besoin d'être transporté des anthères au stigmate pour que la complète fécondité soit assurée, il y a au moins grande chance pour que la fécondation croisée se produise. Je ne veux pas croire cependant que si toutes les plantes connues étaient soumises à la même épreuve, la moitié d'entre elles serait trouvée stérile dans les limites indiquées, et cela parce que, en vue de l'expérimentation, plusieurs fleurs furent choisies qui présentent une structure remarquable par un certain côté, et que de pareilles fleurs exigent souvent l'aide des insectes. Ainsi, sur les quarante-neuf genres de la première liste, trente-deux environ ont des fleurs asymétriques ou présentant quelque particularité remarquable, tandis que dans la seconde liste, qui renferme des espèces complètement ou modérément fertiles en dehors de l'intervention des insectes, vingt et un genres environ seulement sur les quarante-neuf sont asymétriques ou présentent quelque particularité saisissante.

378 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION CROISÉE. CHAP. X

Procédés de fécondation croisée. — Les insectes appartenant aux ordres des Hyménoptères, Lépidoptères et Diptères, et, dans certaines parties du monde, les oiseaux sont les agents les plus importants du transport du pollen des anthères au stigmate dans la même fleur ou de fleur à fleur 1 . Le vent a dans le même sens une importance rapprochée, mais inférieure, et pour quelques plantes aquatiques, d'après Delpino, les courants d'eau ont la même valeur. Le simple fait de la nécessité, dans plusieurs cas, d'un facteur extérieur pour assurer le transport du pollen aussi bien que les nombreux artifices employés dans ce but, rendent très-probable la réalisation de quelque grand bénéfice par leur mise en œuvre, et cette conclusion a été ferme-

1 Je veux donner ici tous les cas qui me sont connus d'oiseaux fécondant les fleurs. Dans le sud du Brésil, les oiseaux-mouches fécondent certainement les différentes espèces d'Abutilon qui restent stériles sans leur aide. (Fritz Müller, Jenaische Zeitschrift für Naturwissenschaft, B. VII, 1872, p. 24.) Des oiseaux-mouches à long bec visitent les fleurs de Brugmansia, tandis que quelques [* contresens : quelques-unes des] espèces à bec court pénètrent souvent dans la grande corolle d'une façon anormale et de la même manière que le pratiquent les abeilles dans toutes les parties du monde. Il paraît, en effet, que les becs des oiseaux-mouches sont spécialement adaptés aux différentes espèces qu'ils visitent : dans les Cordillères ils sucent les Sauges et déchirent les fleurs de Tacsonia ; dans le Nicaragua, Mr. Belt les vit suçant les fleurs de Marcgravia et d'Erythina, et transportant aussi le pollen de fleur à fleur. Dans le nord de l'Amérique, on dit qu'ils fréquentent les fleurs de l'Impatiens. (Gould, Introduction to the Trochilidae, Introduction aux Trochilidées, 1861, pp. 15 et 120 ; Gardeners' Chronicle, Chronique des Jardiniers, 1869, p. 389 ; The Naturalist in Nicaragua, Le Naturaliste au Nicaragua, p. 129 ; Journal of the Linnean Society Botany, Journal de la Soc. Linn. bot., vol. XIII, p. 151, 1872.) Je dois ajouter que j'ai vu souvent au Chili un Mimus ayant sa tête jaunie par le pollen d'un Cassia, je crois. On m'a assuré qu'au cap de Bonne-Espérance, le Strelitzia est fécondé par les Nectarinidées. On peut difficilement révoquer en doute que plusieurs [* contresens : de nombreuses] fleurs australiennes soient fécondées par les nombreux oiseaux melliphages de cette contrée. Mr. Wallace dit (Address to the Biological Section, British Association, Discours à la section de Biologie de l'Association britanique, 1876) qu'il « a souvent vu le bec et la face des lories des Molluques à langue en brosse, recouverts de pollen ». En Nouvelle-Zélande, plusieurs [* contresens : de nombreux] spécimens de l'Anthornis melanura avaient leurs têtes colorées avec le pollen des fleurs d'une espèce indigène de Fuchsia. (Potts, Transactions of the New Zealand Institute, Comptes rendus de l'Institut de la Nouvelle-Zélande, vol. III, 1870, p. 72.)

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ment établie par la supériorité bien prouvée en accroissement, en vigueur et en fécondité, des plants d'une parenté croisée sur ceux d'un lignage autofécondé. Mais nous ne devons jamais oublier que deux buts opposés en quelque sorte doivent être atteints : le premier et le plus important est la production des graines par tous les les moyens possibles, et le second la fécondation croisée.

Les avantages que procure un croisement jettent beaucoup de lumière sur les principaux caractères des fleurs. Par là s'expliquent pour nous leurs grandes dimensions, leurs couleurs brillantes et, dans quelques cas, les teintes accentuées [* brillantes] des parties accessoires, comme les pédoncules, les bractées, etc. De cette façon en effet elles attirent l'attention des insectes, et cela d'après le même principe qui veut qu'à peu près chaque fruit appelé à devenir la proie des oiseaux présente, comme couleur, un puissant contraste avec le vert du feuillage, afin qu'il puisse être bien vu et que ses graines soient largement disséminées. Dans plusieurs fleurs, la beauté [*contresens : la visibilité] est obtenue aux dépens des organes reproducteurs mêmes, comme dans les demi-fleurons de beaucoup de Composées, les fleurs extérieures de l'Hydrangea et les fleurs terminales de l'épi du Muscari. Il y a aussi des raisons pour croire (et c'était l'opinion de Sprengel) que les fleurs diffèrent en couleur d'après les espèces d'insectes qui les fréquentent.

Ce ne sont pas seulement les couleurs brillantes des fleurs qui ont pour but d'attirer les insectes, mais encore les stries et les bandes de couleur foncé dont la présence est fréquente [* contresens : Non seulement les couleurs brillantes des fleurs servent à attirer les insectes, mais les stries et les bandes de couleur foncé sont souvent présentes] et dont l'usage, d'après les affirmations anciennes de Sprengel, serait de leur servir de guide pour atteindre au nectar. Ces marques suivent les vaisseaux dans les pétales ou en occupent les intervalles. Elles peuvent régner [* être présentes] seulement sur un ou exister sur tous les pétales supérieurs ou inférieurs (un ou plusieurs exceptés) ; elles peuvent encore former un anneau de couleur foncée dans le tube de la corolle, ou être concentrées sur les lèvres d'une fleur irrégulière.

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Dans les variétés blanches de plusieurs [* contresens : nombreuses] fleurs, comme Digitalis purpurea, Anthirrinum majus, plusieurs espèces de Dianthus, Phlox, Myosotis, Rhododendron, Pelargonium, Primula et Petunia, les marques se conservent généralement, quoique le reste de la corolle soit devenu d'un blanc pur ; mais cette persistance est [* oubli : peut-être] due simplement à ce que leur couleur, étant plus intense, est moins facilement anéantie. Le rôle que, d'après l'opinion de Sprengel, rempliraient les taches en tant que guides, je le considérai longtemps comme imaginaire [* contresens : Je considérai longtemps comme fantaisiste l'idée de Sprengel sur l'utilité de ces marques comme guides], car les insectes en dehors de leur secours découvrent très-bien les nectaires et pratiquent des ouvertures latérales pour l'atteindre. Ils trouvent même les petites glandes nectarifères des stipules et des feuilles dans certaines plantes. Du reste [* contresens : De plus], quelques fleurs, comme certains pavots, quoique non nectarifères, ont ces marques conductrices ; mais nous pouvons admettre, il est vrai, que quelques plantes retiennent des traces d'un premier état nectarifère. D'autre part, les marques sont beaucoup plus fréquentes dans les fleurs asymétriques, dont l'entrée pourrait embarrasser les insectes, que dans les fleurs régulières. M. John Lubbock a aussi prouvé 1 que les abeilles distinguent parfaitement les couleurs et qu'elles perdent beaucoup de temps quand la position du nectar qu'elles ont une fois visité est changée, même très-légèrement. Ces différents cas donnent [* contresens : Le cas suivant donne], je pense, la meilleure preuve que le développement de ces marques est réellement corrélatif de celui du nectar. Les deux pétales supérieurs du Pélargonium commun sont aussi marqués [* contresens : marqués ainsi] à leur base, et j'ai fréquemment constaté que lorsque les fleurs varient de façon à devenir péloriées ou régulières, elles perdent leurs nectaires et en même temps leurs taches de couleur sombre. Ces marques et les nectaires sont donc apparemment en connexion intime les uns avec les autres, et la manière de voir la

1 British Wild Flowers in relation to Insects, 1875, p. 44.

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plus simple est qu'ils sont développés simultanément dans un but spécial, dont le seul concevable est que les marques servent de guides vers le nectar. D'après ce qui a été dit déjà, il est, du reste [* contresens : cependant], évident que les insectes découvriraient fort bien ce nectar sans l'aide de ces marques directrices. Elles sont au service de la plante, uniquement pour aider ces animaux à visiter et à sucer en un laps de temps donné, un plus grand nombre de fleurs qu'il ne serait possible de le faire dans d'autres conditions : ainsi se trouve assurée une chance plus forte de fécondation par le pollen apporté d'un plant distinct, et nous savons que le croisement a une importance capitale.

Les odeurs émises par les fleurs attirent les insectes, ainsi que je l'ai observé dans le cas des plantes recouvertes par un tissu. Nägeli attachait à des rameaux d'abord des fleurs [* contresens : attachait à des rameaux des fleurs] artificielles rendues odoriférantes par l'addition d'huiles essentielles, puis des fleurs naturelles dépourvues de senteur [* contresens : et en laissait d'autres non parfumées (and leaving others unscented )], et les insectes étaient attirés vers les premières d'une manière indubitable 1 . Les fleurs sont rarement tout à la fois odoriférantes et remarquables par leur beauté [* contresens : Peu de fleurs ne sont pas en même temps odoriférantes et bien visibles (Not a few flowers are both conspicuous and odoriferous)]. De toutes les couleurs, le blanc est le plus répandu, et parmi les fleurs blanches une bien plus grande proportion est douée de parfum que parmi celles autrement colorées, c'est-à-dire 14,6 pour cent ; dans la couleur rouge, 8,2 pour cent seulement sont odoriférantes 2 . Ce fait qu'une plus grande proportion de fleurs blanches est pourvue de senteur dépend en partie du grand nombre des fleurs qui pour être fécondées par les papillons exigent la coexistence [contresens : dépend peut-être en partie de ce que les fleurs fécondées par les papillons de nuit nécessitent l'aide double] de l'odeur et de la couleur qui les rend visibles dans l'obscurité. L'économie de la nature est telle que le plus grand nombre des fleurs fécondées

1 Enstehung etc. der Naturhist. Art., 1865, p. 23.

2 Les couleurs et les odeurs des fleurs de 4.200 espèces ont été enregistrées par Landgrabe et par Schübler et Köhler. Je n'ai pas vu leurs travaux originaux, mais une analyse très complète [* un résumé (abstract) très complet] en est donnée dans London's Gardeners' Magazine (le Magasin des Jardiniers de Londres [* 2 erreurs sur ce titre, qui est « Loudon's Gardeners' Magazine », Magazine (et non "Magasin") des Jardiniers publié par John Claudius Loudon – et non "London" ou "Londres"]), vol. XIII, [* oubli : 1837,] p. 367.

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par les insectes crépusculaires ou nocturnes émet surtout ou même exclusivement son parfum le soir. Plusieurs fleurs, du reste [* contresens : cependant], qui sont très-odoriférantes doivent leur fécondation à cette [* oubli : seule] propriété, comme, par exemple, les végétaux à floraison nocturne (Hesperis et quelques espèces de Daphne) [* contresens : comme la Julienne des dames (Hesperis) et quelques espèces de Daphne] : ces dernières présentent le rare cas de fleurs fécondées par les insectes quoique portant des couleurs obscures [* discrètes].

L'entassement [* L'accumulation] d'une provision de nectar dans une fleur protégée [* contresens : dans un endroit protégé] est manifestement lié à la visite des insectes. Il en est de même de la position que les étamines et les pistils occupent, soit d'une façon permanente, soit à la période propice sous l'influence de leurs mouvements propres, car, lorsqu'ils sont mûrs, ces organes se tiennent invariablement sur le chemin qui conduit aux nectaires. La forme des nectaires et des parties accessoires est aussi dépendante des espèces particulières d'insectes qui habituellement visitent les fleurs ; ce fait a été bien démontré par H. Müller quand il a comparé les espèces de la plaine, qui sont surtout fréquentés par les abeilles, avec les espèces alpines appartenant au même genre qui sont visitées par les papillons 1 . Les fleurs peuvent aussi être adaptées à certaines espèces d'insectes en sécrétant un nectar qu'elles apprécient particulièrement et qui n'attire pas les autres : l'Epipactis latifolia présente de ce fait l'exemple le plus frappant qui me soit connu, car il est uniquement visité par les guêpes. Il est aussi certaines structures qui, comme celle des poils de [* dans] la corolle de la digitale, servent apparemment à exclure les insectes mal agencés pour le transport du pollen d'une fleur à l'autre 2 . Je n'ai rien à dire ici des mécanismes sans but connu [* contresens : Je n'ai pas besoin de parler ici des mécanisme en nombre infini], comme les glandes visqueuses attachées aux masses polliniques des Orchidées et des Asclepiadées, ou de l'état soit gluant soit rude des grains

1 Nature, 1874, p. 110 ; 1875, p. 190 ; 1876, p. 210, 289.

2 Belt, The Naturalist in Nicaragua, 1874, p. 132.

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polliniques dans beaucoup de plantes, ou encore de l'irritabilité de leurs étamines [* oubli : qui bougent] quand elles sont touchées par les insectes 1 [* etc] ; toutes ces dispositions favorisent évidemment on même assurent la fécondation croisée.

Toutes les fleurs ordinaires sont assez ouvertes pour que les insectes puissent se frayer un passage dans leur corolle, et cependant [* contresens : malgré que] plusieurs d'entre elles, comme le Muflier (Antirrhinum), plusieurs fleurs de Papilionacées et de Fumariacées sont fermées en apparence. On ne peut pas soutenir que leur ouverture soit nécessaire à leur fécondité, puisque les fleurs cléistogènes, quoique complètement fermées, donnent cependant une grande quantité de graines. Le pollen contient beaucoup de matières azotées et de phosphore qui sont les deux éléments les plus précieux pour l'accroissement des végétaux ; mais, dans le cas des fleurs les plus ouvertes [* contresens : mais dans le cas de la plupart des fleurs ouvertes], une grande quantité de pollen est consommée par les in-

1 Je me suis préoccupé, depuis le commencement de cette traduction, de savoir ce que je devais penser de l'utilité des mouvements staminaux soit provoqués, soit spontanés, au point de vue de la fécondation croisée. Mes expériences ont porté d'une part sur les Mahonia et les Berberis à étamines irritables et de l'autre sur les Saxifraga, les Ruta et le Limnanthes rosea, qui présentent le phénomène du mouvement staminal spontané. Les résultats que j'ai obtenus sans avoir pu les publier jusqu'ici, et dans le détail desquels ce n'est pas le lieu d'entrer, me conduisent à penser que le mouvement provoqué, qui ne peut se produire que par l'intervention des insectes, est au service de la fécondation croisée (les Mahonia et les Berberis conservés sous gaze ne m'ont donné en effet que de rares fruits). Pour ce qui touche au mouvement spontané des étamines, il en serait tout autrement, puisque des représentants de trois familles différentes (Saxifragées, Rutées et Limnanthées) ont parfaitement fructifié sous gaze et n'ont pas moins donné de graines ni de fruits que d'autres sujets cultivés dans les mêmes conditions en plein air. Puisque ces plantes ne tirent aucun profit de la fécondation croisée, il est probable que le mouvement staminal a pour unique but d'assurer la fécondation directe, ce qui est du reste la première idée qui vient à l'esprit de quiconque observe ces faits. Les plantes à étamines douées de mouvements provoqués sont donc dans des conditions supérieures à celles qui ne possèdent que l'irritabilité spontanée, puisque cette manière d'être rend dans les premières la fécondation croisée nécessaire, indispensable sous peine de stérilité ; or, il est évident qu'une plante placée dans ces conditions ne peut avoir qu'une descendance toujours bien munie dans la lutte pour l'existence, et c'est là une supériorité incontestable. (Traducteur.)

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sectes qui s'en nourrissent ou [* et] se trouve détruite par les pluies longtemps continuées. Dans beaucoup de plantes, ce dernier dommage est évité, autant que faire se peut, par la déhiscence des anthères, qui s'opère seulement en temps sec 1 , par la position et la forme de plusieurs ou de tous les pétales, par la présence des poils, et, comme l'a montré Kerner dans une intéressante expérience 2 , par les mouvements des pétales [* oubli : ou] de la fleur entière pendant les temps froids et humides. Afin de compenser la perte du pollen par tant de moyens, les anthères en produisent une bien plus grande quantité qu'il n'en faut pour féconder une même fleur. Je suis conduit à cette appréciation par mes expériences sur l'Ipomœa, relatées dans l'introduction ; elle est mieux confirmée encore par l'étonnante petite quantité de pollen que donnent les fleurs cléistogènes (qui ne perdent rien de ce pollen), comparée à l'abondante masse qu'en produisent les fleurs ouvertes dans les mêmes plantes, et encore cette petite quantité suffit-elle à la fécondation des nombreuses graines qu'elles contiennent. M. Harssall [* Hassall] prit la peine de compter le nombre de grains polliniques produits par une fleur de Dent-de-Lion (Leontodon), et en trouva un total de 243.600 ; dans la pivoine, il atteignit le chiffre de 3.654.000 3 . Le rédacteur du Botanical Register, après avoir pris le nombre des ovules dans les fleurs de Wistaria sinensis, compta [* contresens : estima] avec soin les grains de pollen et trouva qu'il y en avait 7.000 pour chaque ovule 4 . Dans le

1 Mr. Blackley a observé que les anthères mûres du seigle ne s'ouvrent pas quand elles sont maintenues sous une cloche de verre dans une atmosphère humide, tandis que d'autres anthères exposées à la même température en plein air s'ouvrent facilement. Il a trouvé aussi beaucoup plus de pollen adhérant à des appendices gluants qui furent attachés à des cerfs-volants et élevés haut dans l'atmosphère, dans les jours secs et beaux qui suivent les temps humides, qu'à toute autre époque. (Experimental Researches on Hay Fever, 1873, p. 127.)

2 Die Schutzmittel des Pollens (Les moyens de protection du pollen), 1873.

3 Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. VIII, 1842, p. 108.

4 Cité dans Gardener's [Gardeners'] Chronicle, 1846, p. 771.

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Mirabilis, trois ou quatre des très-gros grains de pollen suffisent à féconder un ovule, mais j'ignore combien une fleur peut produire de ces grains. Dans l'Hibiscus, Kölreuter trouva que 60 grains sont nécessaires pour féconder tous les ovules d'une fleur, et il a calculé que 4.863 grains sont produits par une seule fleur, c'est-à-dire quatre-vingt-une fois plus qu'il n'en faut. [oubli : Pour Geum urbanum, cependant, d'après Gärtner, le pollen est seulement 10 fois trop (With Geum urbanum, however, according to Gärtner, the pollen is only ten times too much)] 1 . Comme nous voyons par là que l'état d'ouverture de toutes les fleurs ordinaires et la perte considérable en pollen qui en est la conséquence nécessitent le développement d'un prodigieux excès de cette précieuse substance, nous pouvons nous demander pourquoi les fleurs sont toujours ouvertes. Plusieurs [* contresens : De nombreuses] plantes à fleurs cléistogènes existant dans le règne végétal, on peut difficilement mettre en doute que toutes les fleurs ouvertes puissent [* eussent pu] être aisément converties en fleurs closes. Les divers degrés par lesquels cette transformation pourrait [* aurait pu] être effectuée sont actuellement saisissables [* visibles] dans les Lathyrus nissolia, Biophytum sensitivum et plusieurs autres fleurs [* plantes]. Quant à la réponse à la question que nous venons de nous poser, elle consiste certainement en ceci : que dans les fleurs constamment fermées, il ne pourrait y avoir de fécondation croisée.

La fréquence, pour ne pas dire la régularité, avec laquelle le pollen est transporté de fleur à fleur par les insectes et souvent à une distance considérable, mérite attention 2 . Ce fait est mieux démontré encore par l'impossibi-

1 Kölreuter, Vorläufige Nachricht, 1761, p. 9. Gärtner, Beiträge zur Kenntniss, etc., p. 346.

2 Une expérience de Kölreuter (Fortsetsung etc., 1763, p. 69) apporte une bonne preuve de ce fait. L'Hibiscus vesicarius est fortement dichogame, puisque son pollen tombe avant que les stigmates soient mûrs. Kölreuter marqua 310 fleurs et en imprégna chaque jour les stigmates avec le pollen d'autres fleurs, de façon à les féconder complètement, puis il livra le même nombre de [*autres] fleurs à l'action des insectes. Plus tard il compta les semences des deux lots : les fleurs qu'il avait fécondées avec un soin si particulier donnèrent 11.237 graines, tandis que celles qui furent abandonnées aux insectes en produisirent 10.886 ; ce qui fait une différence de 351 seulement, et cette faible infériorité est

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lité d'obtenir pures deux variétés de la même espèce quand elles végètent côte à côte ; mais je reviendrai bientôt sur ce sujet, aussi bien que sur les nombreux cas d'hybrides spontanément apparus, soit dans les jardins, soit à l'état naturel. Pour ce qui touche à la distance que peut franchir le pollen, nous pouvons dire qu'aucun expérimentateur ne doit s'attendre [* contresens : aucune personne expérimentée ne s'attendrait] à avoir, par exemple, des semences de chou pures, si une plante d'une autre variété se trouve à 2 ou 300 mètres de distance. Un observateur soigneux, feu M. Masters de Canterbury, m'affirma qu'une année il eut toute sa récolte de graines « sérieusement composée [* contresens : affectée (affected)] par un hybride pourpre » sous l'influence de quelques plants de chou pourpre qui fleurissaient dans un jardin du village situé à la distance de 800 mètres ; aucun autre plant de cette variété ne végétait dans le voisinage 1 . Mais le cas le plus remarquable qui ait été rapporté est dû à M. Godron 2 , qui a montré par la nature des hybrides produits que le Primula grandiflora doit avoir été croisé par le pollen du P. officinalis apporté par les abeilles de la distance d'environ 2 kilomètres.

Tous ceux qui se sont longuement occupés de l'hybridation insistent très-fortement sur la facilité qu'ont les fleurs châtrées à être fécondées par le pollen apporté de plants éloignés de la même espèce 3 . Le cas suivant montre

complètement attribuable à la suspension du travail des insectes pendant quelques journées froides et continuellement pluvieuses.

1 M. W.C. Marshall ne prit pas moins de sept spécimens d'un papillon nocturne (Cucullia umbratica) portant les pollinies du grand Orchis-papillon (Habenaria chlorantha), appliquée contre les yeux et par conséquent dans la position la plus propre pour féconder les fleurs de cette espèce ; c'était sur l'île [* dans une île] de Derwentwater, à la distance de 800 mètres de tout lieu où cette plante vivait (Nature, 1872, p. 393).

2 Revue des Sciences naturelles de Montpellier, 1875, p. 331.

3 Voyez, par exemple, les remarques d'Herbert (Amaryllidaceae, 1837, p. 349) : voir aussi Gärtner, qui est très-expressif sur ce sujet dans son Bastarderzeugung, 1849 [*, p. 670], et son Kenntniss der Befruchtung, 1844, pp. 510 et 573 ; voir aussi Lecoq (De la Fécondation, etc., 1845, p. 27). Quelques faits ont été publiées dans ces dernières années en vue de prouver la tendance extraordinaire des hybrides à retourner avec formes [* erreur : aux formes]

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ce fait de la manière la plus claire : Gärtner, encore inexpérimenté, châtra et féconda 520 fleurs, prises sur plusieurs espèces, avec du pollen d'autres genres ou d'autres espèces, et [* mais] les laissa ensuite sans protection ; mais, comme il le dit, il lui vint la louable inspiration que des fleurs de la même espèce les plus rapprochées vivaient à moins de 5 à 600 mètres de là [contresens : il pensa qu'il était ridicule (a laughable idea) d'imaginer que du pollen de fleurs de la même espèce serait apporté alors qu'aucune ne vivait à moins de 500 à 600 mètres de là] 1 . Il en résulta que 289 de ces 520 fleurs ne grainèrent pas ou que les graines produites ne germèrent point ; les semences de 29 fleurs donnèrent naissance à des hybrides, comme on pouvait s'y attendre d'après la nature du pollen employé, et enfin les semences des 202 fleurs restant produisirent des plantes parfaitement pures, de sorte qu'elles durent être [* avoir été] fécondées par les insectes apportant du pollen d'une distance d'environ 500 à 600 mètres 2 . Il est peut-être possible [* Il est bien sûr possible] que quelques-unes de ces 202 fleurs aient été fécondées avec leur pollen accidentellement laissé après castration, mais pour montrer combien cette supposition est improbable, je dois ajouter que Gärtner, pendant les huit années suivantes, ne châtra pas moins de 8.042 fleurs, les hybrida dans une chambre fermée, et les semences de 70 seulement d'entre elles (ce qui nous fait moins de 1 pour 100) donnèrent une descendance pure et sans hybride 3 .

Des faits nombreux que nous venons de rapporter, il se dégage évidemment que les fleurs sont admirablement adaptées pour la fécondation croisée. Cependant, le plus grand nombre

génératrices [* contresens : à retourner aux formes de leurs géniteurs], mais comme on ne dit pas comment les fleurs furent protégées contre les insectes, on peut supposer qu'elles furent souvent fécondées avec du pollen apporté à distance des espèces génératrices [* contresens : fécondées avec du pollen apporté des espèces génératrices à distance].

1 Kenntniss der Befruchtung, p. 539, 550, 575, 576.

2 Les expériences d'Henschel (cité par Gärtner, Kenntniss, etc., p. 574), qui, à tous les autres points de vue, sont sans valeur, montrent aussi combien largement les fleurs sont entre-croisées par les insectes. Il châtra plusieurs [* contresens : de nombreuses] fleurs dans trente-sept espèces appartenant à vingt-deux genres, et laissa les stigmates sans pollen ou les recouvrit du pollen de genres distincts ; elles fructifièrent cependant toutes, et tous les semis qui en provinrent furent [* oubli : bien sûr] purs.

3 Kenntniss, etc., p. 555 et 576.

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d'entre elles présente des dispositions qui sont, quoique d'une manière moins frappante, manifestement propices à l'autofécondation. La principale d'entre ces adaptations est leur état d'hermaphroditisme, c'est-à-dire l'inclusion dans la même corolle de deux organes reproducteurs mâle et femelle. Ils sont souvent très-rapprochés et d'une maturité simultanée, de façon que le pollen de la même fleur ne peut guère manquer d'être déposé sur le stigmate au moment favorable. Il existe aussi de nombreux détails de structure réalisés [* contresens : adaptés] en vue de l'autofécondation 1 . Ces dispositions sont bien évidentes dans les curieux cas découverts par H. Müller, où une espèce existe sous deux formes, l'une portant des fleurs visibles construites pour le croisement, et l'autre de petites fleurs adaptées pour l'autofécondation, ces dernières pourvues de plusieurs parties légèrement modifiées pour ce but spécial 2 .

Comme deux buts opposés à presque tous les points de vue (la fécondation croisée et l'autofécondation) doivent être atteints dans plusieurs [* contresens : de nombreux] cas, nous pouvons comprendre la coexistence constatée dans un si grand nombre de fleurs de structures qui, au premier abord, paraissent être d'une complexité inutile et d'une nature opposée. Nous pouvons également [* ainsi] nous expliquer le grand contraste qui existe comme structure entre les fleurs cléistogènes, qui sont adaptées exclusivement pour l'autofécondation, et les fleurs ordinaires de la même plante, qui sont disposées [* contresens : adaptées] pour profiter de la moindre occasion de fécondation croisée 3 . Les pre-

1 H. Müller, Die Befruchtung, etc., p. 448.

2 Nature, 1873, p. 44, 433.

3 Fritz Müller a découvert dans le règne animal (Jenaische Zeitschrift, B. IV, p. 451) un cas qui présente une curieuse analogie avec les plantes portant à la fois des fleurs parfaites et cléistogènes. Il trouva dans les nids de termites, au Brésil, des mâles et des femelles à ailes imparfaites, qui ne quittent pas le nid et y propagent leur espèce d'une manière cléistogène, mais seulement dans le cas où une reine complètement développée, après avoir essaimé, n'entre plus dans le vieux nid. Les mâles et les femelles sont complètement développés [* oubli : Les mâles et les femelles complètement développés ont des ailes], et les individus de deux nids différents peuvent difficilement manquer de s'entre-croiser.

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mières sont toujours petites, complètement fermées, et munies de pétales plus ou moins rudimentaires dépourvus de couleurs brillantes : elles ne sécrètent jamais de nectar, ne sont jamais odoriférantes, portent de très-petites anthères produisant quelques grains de pollen seulement, enfin, ont des stigmates très-peu développés. Si nous nous souvenons que plusieurs de ces fleurs sont croisées par l'action du vent (Delpino les nomme anémophiles), et d'autres par l'intervention des insectes (entomophiles), nous pouvons de plus comprendre, comme je l'avais montré il y a plusieurs années 1 , le grand contraste apparent entre ces deux classes de fleurs. Les fleurs anémophiles, qui rappellent à divers égards les fleurs cléistogènes, s'en éloignent beaucoup en ce qu'elles ne sont pas fermées, en ce qu'elles produisent une quantité extraordinaire de pollen qui est toujours sans cohésion, et enfin in ce que leur stigmate est souvent plus développé et [* contresens : ou] plumeux.

Nous devons certainement la beauté et le coloris de nos fleurs, aussi bien que l'accumulation d'une grande abondance de nectar, à l'existence des insectes 2 .

Des relations entre la structure et l'éclat des fleurs, entre les visites des insectes et les avantages de la fécondation croisée.

Il a été démontré déjà qu'il n'existe aucune relation étroite entre le nombre des semences produites par les fleurs

Dans l'acte d'essaimage, ils sont détruits en nombre presque infini par une nuées d'ennemis, de sorte qu'une reine peut souvent ne pas entrer dans le vieux nid ; alors les mâles et les femelles imparfaitement développés propagent la vieille souche et la conservent.

1 Journal of the Linnean Society, vol. VII, Botany, 1863, p. 77.

2 Un fait cependant semble s'inscrire en faux contre cette assertion, c'est que les plantes alpines des grandes altitudes (Geum alpinum, Dryas octopetala, Myosotis alpestris, Viola grandiflora et calcarata, Ranunculus aconitifolius et platanifolius, Trollius europeus, etc.), produisent des fleurs plus développées et plus brillantes que celles de la plaine, et cependant dans ces régions élevées (2,500 mètres) les insectes sont rares sinon nuls. (Traducteur.)

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soit après croisement, soit après autofécondation, et le degré d'influence que subit leur descendance par ces deux procédés. J'ai aussi exposé les raisons qui portent à croire que l'inefficacité du propre pollen d'une plante est, dans le plus grand nombre des cas, un résultat accidentel, ou n'a pas été acquis en vue de prévenir l'autofécondation. D'autre part, on peut difficilement mettre en doute que la dichomagie [* typo : dichogamie] (qui prévaut, d'après Hildebrand 1 , dans le plus grand nombre des espèces), que la condition hétérostylée de certaines plantes, et que plusieurs autres dispositions mécaniques [* contresens : et que de nombreuses structures mécaniques,] n'aient été réalisées pour mettre obstacle à l'autofécondation et favoriser le croisement. Les moyens propres à protéger [* contresens : favoriser] la fécondation croisée doivent avoir été acquis avant ceux qui préviennent l'autofécondation, car il serait manifestement préjudiciable à une plante que son stigmate pût manquer de recevoir son propre pollen, à moins qu'elle ne fût déjà bien adaptée à recevoir celui d'un autre individu. Il est bon de remarquer que plusieurs [* contresens : de nombreuses] plantes possèdent encore un haut pouvoir d'autofécondation, quoique leurs fleurs soient excellemment construites pour la fécondation croisée, par exemple celles de plusieurs [* contresens : de nombreuses] espèces de Papilionacées.

On peut admettre comme presque certain que plusieurs dispositions, telles qu'un nectaire étroitement allongé ou une corolle à long tube, ont été développées en vue de permettre uniquement à certaines espèces d'insectes d'atteindre le nectar. Les insectes trouvent ainsi une provision garantie contre l'attaque des autres insectes, et sont par là conduits à visiter fréquemment ces fleurs et à en transporter le pollen de l'une à l'autre 2 . On eût pu s'attendre peut-être à ce que les plantes à fleurs douées de cette structure particulière profiteraient à un plus haut degré d'un croisement que les fleurs ordinaires ou

1 Die Geschlecter Vertheilung, etc. (La Séparation des sexes), p. 32.

2 [* oublié : See the interesting discussion on this subject by H. Müller, ] Die Befruchtung, etc., p. 431.

CHAP. X FLEURS OBSCURES.   391

simples, mais cela ne parait pas en être ainsi. Le Tropæolum minus, par exemple, possède un long nectaire et une corolle irrégulière, tandis que le Limnanthes douglasii a une fleur régulière sans nectaire propre [* contresens : sans nectaire à proprement parler] ; et cependant les semis croisés des deux espèces sont aux autofécondés, en hauteur, comme 100 est à 79. Le Salvia coccinea est pourvu d'une corolle irrégulière et muni d'une disposition curieuse qui permet aux insectes de déprimer les étamines, tandis que les fleurs de l'Ipomœa sont régulières, et les semis croisés des premiers sont, en hauteur, aux autofécondés comme 100 est à 76, tandis que ceux de l'Ipomœa sont dans la proportion de 100 à 77. Le Blé noir [* erreur : le Fagopyrum] est dimorphe, l'Anagallis collina ne l'est point, et les semis croisés issus des deux plantes sont, en hauteur, aux autofécondés, comme 100 est à 69.

Dans les plantes européennes, si nous en exceptons les espèces anémophiles comparativement rares, la possibilité de l'entre-croisement de deux plants distincts dépend de la visite des insectes, et H. Müller a prouvé par ses importantes expériences [* contresens : observations] que des fleurs grandes et belles [*contresens : bien visibles] sont visitées par un plus grand nombre [* contresens : par plus de sortes] d'insectes et plus souvent fréquentées que les petites fleurs obscures [* discrètes] 1 . Il fait remarquer, de plus, que les fleurs qui sont rarement visitées doivent être capables d'autofécondation, sous peine de disparaître promptement 2 . Il y a , du reste [* contresens : cependant], quelque chance d'erreur à courir si on veut émettre un jugement sur ce point, à cause de l'extrême difficulté de s'assurer si les fleurs qui ne sont que rarement ou point du tout fréquentées pendant le jour (comme dans le cas du Fumaria capreolata ci-dessus indiqué) ne reçoivent pas la visite de petits Lépidoptères nocturnes, que l'on sait être fortement attirés par les li-

1 Il y a également des réserves à faire sur ce point pour ce qui touche aux plantes alpines, qui échappent évidemment, et mêmes de la manière la plus absolue, à cette règle spéciale aux végétaux de la plaine ou des régions subalpines. (Traducteur.)

2 Befruchtung, etc., p. 426. Nature, 1873, p. 433.

392 FÉCONDATION CROISÉE. CHAP. X

queurs sucrées 1 . Les deux listes données dans la première partie de ce chapitre confirment la conclusion de Müller, à savoir que les fleurs petites et obscures [* discrètes] sont complètement fécondes par elles-mêmes, car huit ou neuf espèces seulement sur les cent vingt-cinq portées dans ces listes rentrent dans le cas actuel, et toutes furent trouvées très-fécondes après exclusion des insectes. Les singulières fleurs obscures [* discrètes] de l'Ophrys mouche (O. muscifera), comme je l'ai montré ailleurs, sont rarement visitées par les insectes, et c'est là un étrange exemple d'imperfection (en contradiction avec la règle ci-dessus) que le fait de voir ces fleurs infécondes par elles-mêmes, à ce point qu'un grand nombre d'entre elles ne produit pas de graines. L'inverse de cette proposition que les plantes à fleurs petites et obscures [* discrètes] sont fertiles par elles-mêmes, c'est-à-dire cette règle que les plantes à fleurs grandes et belles [* contresens : voyantes (conspicuous)] sont autostériles est loin d'être vraie, comme nous pouvons le voir en examinant notre seconde liste d'espèces spontanément autostériles [ contresens : autofertiles]. Cette liste renferme en effet, des espèces telles que Ipomœa purpurea, Adonis aestivalis, Verbascum thapsus, Pisum sativum, Lathyrus odoratus, quelques espèces de Papaver, de Nymphaea et d'autres.

La rareté des visites des insectes aux petites fleurs ne dépend pas [* oubli : entièrement] de leur obscurité [* discrétion], mais seulement [* contresens : également] du manque d'attraction suffisant ; ainsi les fleurs du Trifolium arvense, quoique extrêmement petites, sont incessamment visitées par les abeilles et par les bourdons, comme le sont les fleurs petites et obscures [* contresens : ternes (dingy)] de l'asperge. Les fleurs de Linaria cymbalaria sont petites et peu brillantes [* contresens : peu voyantes (conspicuous)], et cependant, en temps propice, elles sont souvent fréquentées par les abeilles. Je dois ajouter, d'après M. Bennett 2 ,

1 Comme réponse à une question que je lui posai, l'éditeur d'un journal d'entomologie m'écrit : «Les Dépressariées, comme c'est bien connu de tout collectionneur de Nocturnes, sont attirés très-facilement par les liquides sucrés et visitent sans doute naturellement les fleurs. » L'Entomologists' Weekly Intelligencer, 1860, p. 103.

2 Nature, 1869, p. 11.

CHAP. X FLEURS OBSCURES.   393

qu'il existe une autre classe très-distincte de plantes qui ne peuvent être souvent visitées par les insectes, parce qu'elles fleurissent souvent ou même exclusivement en hiver, et elles semblent alors adaptées pour l'autofécondation, car leur pollen tombe avant que les fleurs soient épanouies.

Que les fleurs aient acquis de la beauté [* contresens : de la visibilité (conspicuous)] en vue de guider les insectes [* oubli : vers elles], la chose est très-probable ou même presque certaine ; mais on peut se demander alors si les autres fleurs sont devenues obscures [* discrètes], afin de n'être point fréquentées par les insectes, ou si elles ont simplement gardé une condition primitive ou antérieure. Si une plante était très-réduite dans ses proportions, il est probable qu'il en arriverait de même à ses fleurs sous l'influence d'une décroissance corrélative : mais les dimensions et la couleur de la corolle sont des caractères très-variables, et il est difficile de mettre en doute que, si le brillant et l'ampleur des fleurs étaient de quelque avantage pour une espèce, ces qualités se fussent développées par sélection naturelle dans un court laps de temps, comme cela se produit réellement pour les plantes alpines. Les fleurs papilionacées sont manifestement construites pour les visites des insectes, et il paraît improbable, d'après les caractères ordinaires, que les progéniteurs des genres Vicia et Trifolium aient produit des fleurs si petites et aussi dépourvues d'attrait que celles du Vicia hirsuta et du T. procumbens. Nous sommes donc conduits à cette déduction, que plusieurs plantes, ou n'ont pas augmenté les dimensions de leurs fleurs, ou les ont actuellement réduites et rendues obscures [* discrètes] dans un certain but, de sorte qu'elles sont maintenant peu fréquentées par les insectes. Dans l'un ou l'autre cas, elles ont ainsi [* contresens : aussi] acquis ou retenu un haut degré d'autofécondité.

Si, par une raison quelconque, il devenait avantageux pour une espèce de voir sa capacité d'autofécondation augmentée, il n'y aurait que peu de difficulté à admettre que cette propriété puisse être affectée [* contresens : effectuée] rapidement. Trois cas de

394 FÉCONDATION CROISÉE. CHAP. X

plantes variant de façon à devenir plus fécondes avec leur propre pollen qu'elles ne l'étaient originellement, se présentèrent en effet dans le cours de mes [* oubli : quelques] expériences ; c'est-à-dire dans le Mimulus, l'Ipomœa et le Nicotiana. Il n'y a pas de raisons pour douter que plusieurs [* contresens : de nombreuses] espèces de plantes soient capables, dans des circonstances favorables, de se propager d'elles-mêmes par autofécondation pendant de nombreuses générations. C'est là le cas pour les variétés du Pisum sativum et du Lathyrus odoratus qui sont cultivées en Angleterre, et pour l'Ophrys apifera et quelques autres plantes vivant à l'état naturel. Néanmoins, le plus grand nombre de ces plantes et peut-être toutes retiennent des dispositions très-efficaces qui ne peuvent être utilisées pour aucun autre but que la fécondation croisée. Nous avons acquis aussi des raisons de supposer que l'autofécondation donne certains bénéfices spéciaux à quelques plantes, mais, si le fait est réel, les avantages ainsi obtenus sont plus que contrebalancés par un croisement avec un rameau nouveau ou avec une variété légèrement différente.

Malgré les nombreuses considérations que nous venons d'avancer, il me semble absolument improbable que les plantes pourvues de fleurs petites et obscures [* discrètes], aient été soumises à l'autofécondation pendant une longue série de générations ou continuent à les [* erreur : la] subir. Je suis conduit à cette manière de voir, non point par la considération du dommage manifeste que cause l'autofécondation (il se produit quelques [contresens : de nombreux] cas même après [contresens : avec] la première génération, comme dans Viola tricolor, Sarothamnus, Nemophila, Cyclamen, etc.), ni même en raison de la probabilité de l'augmentation de ce dommage après plusieurs générations, car sur ce point je n'ai pu acquérir aucune preuve suffisante, par la méthode qui a présidé à mes expériences ; mais, si les plantes à fleurs petites et obscures [* discrètes] n'étaient pas accidentellement [* contresens : occasionnellement] croisées et ne devaient pas profiter de ce procédé de fécondation, toutes leurs fleurs

CHAP. X FLEURS OBSCURES.   395

seraient probablement devenues cléistogènes, car elles auraient été par cette disposition largement favorisées, n'ayant à produire qu'une petite quantité de pollen sûrement protégé. Pour arriver à cette conclusion, j'ai été guidé par la fréquence avec laquelle les plantes appartenant à des ordres distincts ont été rendues cléistogènes, mais je ne connais aucun exemple d'une espèce dont toutes les fleurs le seraient constamment. Le Leersia se rapproche le plus de cet état, mais, comme je l'ai dit déjà, on constate que cette plante produit des fleurs parfaites dans une partie de l'Allemagne. Plusieurs autres plantes de la classe des cléistogènes, l'Aspicarpa par exemple, sont restées sans produire de fleurs parfaites dans une serre chaude pendant plusieurs années, mais il ne s'ensuit pas qu'elles agiraient de même dans leur pays d'origine, pas plus que le Vandellia, qui ne me donna que des fleurs cléistogènes pendant certaines années. Les plantes de cette classe portent communément les deux espèces de fleurs à chaque saison, et les fleurs parfaites de Viola canina donnent de belles capsules, mais seulement lorsqu'elles sont visitées par les abeilles. Nous avons vu aussi que les semis d'Ononis minutissima obtenus de fleurs parfaites fécondées avec le pollen d'un autre plant, furent plus beaux que ceux issus de fleurs autofécondées, et ce fut également le cas, dans une certaine mesure, avec le Vandellia. Donc, comme il n'y a pas d'exemples qu'une espèce portant à un moment donné des fleurs réduites et obscures [* discrètes] les ait transformées en cléistogènes, je dois croire que les plantes actuellement pourvues de fleurs petites et sans éclat profitent de leur état d'épanouissement en ce qu'elles sont accidentellement entre-croisées par les insectes. Une des plus grandes lacunes dans mon travail fut constituée par le manque d'expériences sur ces fleurs, occasionné et par la difficulté de les féconder et par mon ignorance primitive de l'importance de ce sujet 1 .

1 Quelques espèces de Solanum seraient appropriées à ces expériences,

396 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION CROISÉE. CHAP. X

Il est bon de rappeler que dans deux cas [contresens : dans deux des cas] où des variétés hautement fertiles par elles-mêmes apparurent parmi mes plants mis en expérience, c'est-à-dire dans le Mimulus et le Nicotiana, ces variétés profitèrent grandement d'un croisement avec un rameau nouveau ou avec une variété légèrement différente : le même cas se présenta avec les variétés cultivées du Pisum sativum et du Lathyrus odoratus, qui ont été longtemps propagées par autofécondation. Donc, jusqu'à preuve distincte du contraire, il faut considérer comme une règle générale que les fleurs petites et obscures [* discrètes] sont occasionnellement entre-croisées par les insectes, et que si, après une autofécondation longuement continuée, elles sont croisées par le pollen apporté d'une plante végétant dans des conditions quelque peu différentes, ou issue de générateurs ainsi cultivés, leur descendance doit en tirer grand profit. Dans l'état actuel de nos connaissances, il est impossible d'admettre que l'auto-fécondation continuée pendant plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations successives soit toujours le meilleur mode de reproduction.

Moyens qui assurent ou favorisent la fécondation des fleurs par un pollen distinct. — Nous avons vu quatre cas dans lesquels des semis obtenus d'un croisement entre fleurs de la même plante ou même de plantes parais-

car H. Müller les considère (Befruchtung, p. 434) comme n'attirant pas les insectes, à cause du manque absolu de nectar dans les fleurs, de la petite quantité de pollen qu'elles produisent, et de leur état d'obscurité [* de discrétion]. Ainsi s'explique probablement, d'après Verlot (Production des Variétés, 1865, p. 72), pourquoi les variétés « de l'aubergine et de la tomate » (espèces de Solanum) ne s'entre-croisent pas quand elles sont cultivées côte à côte ; mais il ne faut pas oublier que ces espèces ne sont pas indigènes. D'un autre côté, les fleurs de la pomme de terre commune (Solanum tuberosum), quoique ne sécrétant pas de nectar (Kurr, Bedeutung der Nectarien, 1833, p. 40), ne peuvent être considérées comme obscures [* discrètes] et sont quelquefois visitées par les Diptères (H. Müller) et, comme je l'ai constaté, par les bourdons. Tinzmann (cité par le Gardener's [Gardeners'] Chronicle, 1846, p. 183) trouva que quelques-unes des variétés portant graines après fécondation par la même variété sont aussi fécondes avec le pollen d'une autre variété [contresens : quelques-unes des variétés ne portent pas de graines après fécondation par le pollen de la même variété mais sont fécondes avec le pollen d'une autre variété].

CHAP. XI POLLEN DISTINCT.  397

sant distinctes parce qu'elles avaient été propagées par stolons ou boutures, ne furent en rien supérieurs aux semis issus des fleurs autofécondées ; dans un cinquième cas (Digitalis) ils eurent seulement une légère supériorité ; Nous pourrions donc nous attendre à voir dans les plantes vivant à l'état naturel, non pas simplement un croisement entre fleurs de la même plante, mais bien entre fleurs d'individus distincts, s'effectuer généralement ou au moins très-souvent par certains moyens. Ce fait que les abeilles et quelques Diptères visitent les fleurs de la même espèce aussi longtemps qu'elles le peuvent, au lieu de fréquenter indistinctement plusieurs espèces, favorise l'entre-croisement des plantes distinctes. D'autre part, les insectes épuisent un grand nombre de fleurs sur la même plante avant de s'envoler vers une autre, et cette pratique est contraire à la fécondation croisée. Le nombre extraordinaire de fleurs que les abeilles sont aptes à visiter dans un très-court espace de temps, comme nous le verrons dans un prochain chapitre, augmente les chances de fécondation croisée ; le même résultat est obtenu par ce fait que ces insectes ne peuvent savoir, sans entrer dans une fleur, si d'autres abeilles ont épuisé le nectar. Par exemple, H. Müller 1 a trouvé que les quatre cinquièmes des fleurs de Lamium album visitées par un bourdon avaient été déjà débarrassées de leur nectar. Pour que des plants distincts puisent être entre-croisés, il est sans doute indispensable que deux ou plusieurs individus puissent vivre rapprochés les uns des autres [contresens : il est vien sûr indispensable que deux ou plusieurs individus vivent rapprochés l'un de l'autre], et c'est généralement ce qui se passe. Ainsi A. de Candolle remarque qu'en gravissant une montagne, on ne voit pas les individus de la même espèce disparaître d'ordinaire graduellement en atteignant leur limite supérieure, mais bien plutôt brusquement. Ce fait pourrait être difficilement expliqué par la variation graduelle et insensible des conditions

1 Die Befruchtung, etc, p. 311.

398 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION CROISÉE. CHAP. X

ambiantes, il dépend probablement en grande partie de ce que des semis vigoureux ne sont produits assez haut sur la montagne que lorsque plusieurs individus peuvent y subsister ensemble.

Pour ce qui touche aux plantes dioïques, des individus distincts doivent toujours se féconder l'un l'autre. Dans les plantes monoïques, comme le pollen doit être transporté de fleur à fleur, il y a toujours de fortes chances pour qu'il soit transporté de plante à plante. Delpino a aussi observé 1 ce fait curieux que certains individus du noyer monoïque (Juglans regia) sont protérandres et d'autres protérogynes, et ceux-ci se fécondent réciproquement l'un l'autre. Il en est ainsi avec la noisette commune (Corylus avellana) 2 , et, ce qui est plus surprenant, avec quelques plantes hermaphrodites, comme l'a observé H. Müller 3 . [* oubli : Ces dernières ne peuvent manquer d'agir les unes sur les autres comme les espèces dimorphes ou trimorphes, dans lesquelles l'union de deux individus est nécessaire pour une entière fertilité normale (These latter plants cannot fail to act on each other like dimorphic or trimorphic species, in which the union of two individuals is necessary for full and normal fertility.) ] Dans les plantes hermaphrodites [* oubli : ordinaires], l'épanouissement simultané de quelques fleurs seulement, est un des moyens les plus simples propres à favoriser l'entre-croisement des individus distincts ; mais ce procédé rendrait les plantes moins visibles pour les insectes, à moins que les fleurs eussent de grandes proportions, comme c'est le cas dans plusieurs plantes bulbeuses. Kerner pense 4 que c'est dans ce but que la plante australienne Villarsia parnassifolia produit chaque jour une fleur seulement. Mr. Cheeseman fait remarquer aussi 5 que, comme certaines Orchidées de la Nouvelle-Zélande qui ont besoin de l'aide des insectes pour leur fécondation, portent une fleur unique, les plants distincts ne peuvent manquer d'être entre-croisés.

La dichogamie qui prévaut si largement dans le règne végétal augmente de beaucoup les chances de croisement entre individus distincts. Dans les espèces protérandres,

1 Ult. Osservazioni, etc., part II, fasc II, p. 337.

2 Nature, 1875, p. 26.

3 Die Befruchtung, etc., pp. 285, 339.

4 Die Schutzmittel , etc., p. 23.

5 Transactions of the New Zealand Institute, vol. V, 1873, p. 356.

CHAP. XI POLLEN PRÉPONDÉRANT.   399

qui sont de beaucoup plus communes que les protérogynes, les jeunes fleurs ont une fonction exclusivement mâle et les vieilles remplissent le rôle de femelles. Les abeilles s'abattent habituellement à la partie inférieure des épis floraux pour se glisser [pour ramper] vers le haut, puis elles s'envolent recouvertes avec le pollen des fleurs supérieures, qu'elles transportent aux stigmates des fleurs inférieures plus anciennes placées sur l'épi voisin qu'elles vont visiter. Le degré auquel les plants distincts peuvent être ainsi entre-croisés dépend du nombre des épis qui sont en pleine fleur dans le même temps et sur la même plante. Dans les fleurs protérogynes disposées en grappes pendantes, la manière dont les insectes visitent les fleurs doit être diamétralement opposée pour que les plantes distinctes puissent être entre-croisées. Mais ce sujet tout entier demande de nouvelles recherches, car l'importance des croisements entre individus distincts sur le [* par rapport au] simple entre-croisement des fleurs distinctes, a jusqu'ici à peine été reconnu [* reconnue].

Dans quelques cas, les mouvements spéciaux à certains organes assurent presque le transport du pollen de plante à plante. Ainsi, dans plusieurs [* contresens : de nombreuses] Orchidées, les masses polliniques, après avoir été attachées à la tête ou à la trompe d'un insecte, n'exécutent aucun mouvement capable de les mettre en position d'atteindre le stigmate, jusqu'à ce qu'un temps suffisant se soit écoulé pour que l'insecte puisse voler à une autre plante. Dans le Spiranthes autumnalis, les masses polliniques ne peuvent être appliquées contre le stigmate avant que le labelle et le rostellum (bursicule) se soient mus séparément, et ce mouvement est très-lent 1 . Dans le Posoqueria fragrans (Rubiacée) le même but est atteint par le mouvement d'une étamine spécialement construite, comme l'a décrit Fritz Müller.

1 The Various Contrivances by which British and Foreign Orchids are fertilised (De la Fécondation des Orchidées par les insectes ; traduction française par L. Rerolle) 1re édition, p. 128.

400 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION CROISÉE. CHAP. X

Nous arrivons maintenant à des moyens plus généraux, et par conséquent plus importants, par lesquels la fécondation mutuelle des plantes distinctes est effectuée, je veux dire au pouvoir fécondateur plus accentué dans le pollen d'un [* typo : d'une] autre variété ou d'un autre individu que dans celui de la plante elle-même. Le cas le plus simple et le plus connu de l'action prépondérante d'un pollen, est celui (il ne se rapporte cependant pas directement à notre sujet) de la supériorité du pollen propre à la plante sur celui d'une espèce distincte. Si le pollen d'une espèce distincte est appliqué sur le stigmate d'une fleur châtrée et qu'ensuite, après plusieurs heures, le pollen de la même espèce soit porté sur cet organe, les effets du premier seront complètement paralysés, excepté dans quelques rares cas. Le même traitement appliqué à deux variétés donne des résultats analogues, quoique de nature directement opposée, car le pollen d'une autre variété est souvent et même généralement prépondérant sur celui de la même fleur. Je veux en donner quelques preuves [* contresens : exemples] : on sait que le pollen du Mimulus luteus tombe régulièrement sur les stigmates de sa propre fleur, ce qui fait que la plante est grandement féconde par elle-même en dehors de l'action des insectes. Les fleurs d'une variété blanche remarquable par sa constance, furent fécondées, sans castration préalable, par le pollen d'une variété jaunâtre, et sur vingt-huit semis ainsi obtenus, chaque pied porta des fleurs jaunâtres, de sorte que le pollen de la variété jaune anéantit complètement celui de la plante-mère. De plus, l'Iberis umbellata est spontanément fécond par lui-même, et je constatai que les stigmates sont pourvus d'une abondante quantité de pollen appartenant à la fleur même : cependant, sur trente semis obtenus des fleurs non châtrées d'une variété cramoisie croisée avec le pollen d'une variété rose, vingt-quatre portèrent des fleurs roses comme celles du plant mâle ou porte-pollen.

Dans ces deux cas, des fleurs furent fécondées avec le

CHAP. XI PRÉPONDÉRANCE DU POLLEN. 401

pollen d'une variété distincte, et la prépondérance du pollen se manifesta par les caractères de la descendance. Les mêmes résultats se présentent souvent lorsque deux ou plusieurs variétés fécondes par elles-mêmes peuvent végéter l'une à côté de l'autre et sont visitées par les insectes. Le chou commun produit sur le même pied un grand nombre de fleurs, qui, lorsque les insectes sont écartés, donnent beaucoup de capsules modérément riches en graines. Je plantai un chou-rave blanc, un pourpre, un brocoli de Portsmouth, un chou de Bruxelles et un chou sucre-blanc [* sugar-loaf cabbage : chou chicon, dit aussi chou pain de sucre (le « chou sucre-blanc » n'existe pas)], les uns auprès des autres, sans les recouvrir. Des graines cueillies sur chaque espèce furent semées dans des couches séparées, et la majorité des semis dans les cinq couches fut métissée de la manière la plus compliquée, les uns empruntant plus à une variété et les autres à une autre. Les effets du chou-rave furent particulièrement démontrés par l'élargissement des tiges dans plusieurs [* contresens : de nombreux] semis. Au total, 233 plants furent obtenus, dont 155 furent métissés de la manière la plus sensible, et sur les 78 autres, la moitié ne fut pas absolument pure [* contresens : moins dela moitié fut absolument pure]. Je répétai l'expérience en plantant les unes près des autres deux variétés de chou [* à feuilles laciniées], l'une à feuilles laciniées vert-pourpre et l'autre blanc-verdâtre ; sur les 325 semis obtenus de la variété vert-pourpre, 165 avaient les feuilles blanc-verdâtre et 160 vert-pourpre. Sur les 466 semis obtenus de la variété blanc-verdâtre, 220 avaient des feuilles vert-pourpre et 246 blanc-verdâtre. Ces cas démontrent combien le pollen d'une variété de chou voisine efface largement l'action du pollen propre à la plante. Nous ne perdons pas de vue que les abeilles doivent transporter le pollen de fleur à fleur sur la même tige très rameuse [* sur la même grande tige rameuse (large branching stem)] beaucoup plus abondamment que de plante à plante, et que dans les cas de plantes dont les fleurs sont doués d'une certaine dichogamie, celles de la même tige étant d'âge différent, seraient par suite aussi bien préparées pour la fécondation mutuelle que les

402 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION.  CHAP. X

fleurs des pieds distincts, si la prépondérance du pollen d'une autre variété n'existait pas] 1 .

Plusieurs variétés de radis (Raphanus sativus), lequel est modérément autofécond après exclusion des insectes, furent simultanément en fleurs dans mon jardin. On cueillit des semences sur l'un des pieds, et des vingt-deux semis qui en sortirent douze seulement furent d'espèce pure 2 .

L'oignon produit un grand nombre de fleurs, toutes ramassées en une tête globuleuse et ayant toutes six étamines, de sorte que les stigmates reçoivent beaucoup de pollen, soit de leurs propres anthères, soit des étamines voisines. Il s'ensuit que la plante est nettement autofécondée quand elle est protégée contre les insectes. Plusieurs oignons furent piqués les uns près des autres : un rouge-sang, un argenté, un globuleux et un d'Espagne : des semis de chaque variété furent obtenus dans quatre couches séparées. Dans toutes les couches, des métis très-variés furent nombreux, excepté parmi les [* oubli : dix] semis de la variété rouge-sang, qui n'en contenaient que deux. Trente-six [* erreur : Quarante-six] semis en furent obtenus, dont trente et un avaient été certainement croisés.

On sait qu'un résultat semblable se produit dans les variétés de plusieurs [* contresens : nombreuses] autres plantes, quand on les laisse fleurir les unes près des autres. Je rapporterai ici seulement deux espèces [* contresens : Je me réfère ici seulement aux espèces] qui sont certainement capables de se féconder elles-mêmes, car si ce fait n'était pas exact, elles seraient sans doute aptes à être croisées par une autre variété vivant dans le voisinage. Les horticulteurs ne distinguent pas habi-

1 Un auteur déclare (Gardeners' Chronicle, 1855, p. 730) qu'après avoir planté une couche de navets (Brassica rapa) et une de rave (B. napus) très-rapprochées, il sema les graines des derniers. Il en résulta qu'un semis à peine fut d'espèce pure et que les autres avaient une ressemblance intime avec la rave.

2 Duhamel (cité par Godon, De l'Espèce, t. II, p. 50) établit en fait analogue pour cette même plante.

CHAP. XI PRÉPONDÉRANCE DU POLLEN. 403

tuellement les effets de la variabilité de ceux de l'entre-croisement ; j'ai cependant amassé des preuves du croisement naturel des variétés de la tulipe, de la jacinthe, de l'anémone, de la renoncule, de la fraise,du Leptosiphon androsaceus, de l'oranger, du rhododendron, de la rhubarbe, toutes des plantes que je crois autofécondes 1 . Beaucoup d'autres preuves indirectes pourraient être données de la mesure dans laquelle des variétés de la même espèce s'entre-croisent spontanément.

Les jardiniers qui obtiennent des semis pour le commerce sont conduits par leur expérience de chaque jour [* contresens : expérience chèrement acquise] à prendre des précautions extraordinaires contre l'entre-croisement. Ainsi MM. Sharp [* Sharpe] « ont de la terre occupée par la culture des graines au moins dans huit communes différentes ». Le simple fait de la coexistence rapprochée d'un grand nombre de plantes appartenant à la même variété constitue une protection considérable, parce qu'alors les chances sont fortement en faveur de l'entre-croisement des plantes de la même variété, et c'est en grande partie à cette circonstance que certains villages doivent leur réputation comme lieu d'origine de semences pures pour certaines variétés 2 . Deux expériences seulement furent

1 Pour ce qui concerne la tulipe et quelques autres fleurs, voir Godron, De l'Espèce, t. I, p. 252 ; pour les anémones, Gardeners' Chronicle, 1859, p. 98. Pour les fraisiers, voir Herbert dans Transactions of the Horticultural Society, vol. IV, p. 17. Le même observateur parle ailleurs du croisement spontané des rhododendrons. Gallesio établit le même fait pour les orangers. J'ai moi-même constaté que des croisements étendus se produisent dans la rhubarbe commune. Pour le Leptosiphon, voir Verlot, Des Variétés, 1865, p. 20. Je n'ai pas placé dans la liste l'Œillet, le Nemophila, ou l'Antirrhinum, dont on a constaté que les variétés s'entre-croisent facilement, parce que ces plantes ne sont pas toujours fécondes par elles-mêmes. Je ne sais rien sur l'autofécondité du Trollius (Lecoq, De la Fécondation, 1862, p. 93), du Mahonia et du Crinum, genres dont les espèces s'entre-croisent largement. Pour ce qui concerne le Mahonia, il est difficile maintenant dans notre pays de se procurer des spécimens purs de M. aquifolium ou repens ; et les diverses espèces de Crinum envoyées de [* contresens : envoyées à] Calcutta par Herbert (Amaryllidées, p. 32) s'y croisent si facilement que des semences pures ne peuvent être obtenues.

2 Pour ce qui touche à MM. Sharp [* Sharpe], voir Gardeners' Chronicle, 1856, p. 823 ; Theory of Horticulture, de Lyndley [erreur : Lindley], p. 319.

404 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION. CHAP. X

tentées par moi en vue du savoir après combien de temps le pollen d'une variété distincte paralyserait plus ou moins complètement l'action de celui propre à la plante. Les stigmates de deux fleurs tardivement épanouies d'une variété de chou vert lacinié [* (Ragged Jack)] furent bien recouvertes du pollen de la même plante. Après un intervalle de vingt-trois heures, le pollen d'un chou hâtif de Barnes [* Early Barnes Cabbage] végétant à distance fut placé sur les deux stigmates, et, la plante ayant été laissée à découvert, le pollen des autres fleurs du chou vert lacinié doit avoir certainement été déposé sur les deux stigmates par les abeilles durant les deux ou trois premiers jours [* contresens : deux ou trois jours suivants]. Dans de pareilles conditions, il semblait très-improbable que le pollen du chou de Barnes put produire quelque effet ; cependant trois des quinze plantes issues des deux siliques ainsi produites furent complètement métissées, et je ne doute pas que les douze autres plants n'aient, été aussi influencés, car ils s'accrurent beaucoup plus vigoureusement que les semis autofécondés du chou vert lacinié plantés dans le même temps et dans les mêmes conditions. Secondement, je plaçai sur plusieurs stigmates d'une primevère à long style (Primula veris) une grande quantité de pollen de la même plante, et vingt-quatre heures après, j'en ajoutai une autre quantité provenant d'un Polyanthus rouge foncé, à court style, qui constitue une variété de la primevère. Des fleurs ainsi traitées il sortit vingt [* erreur : trente] semis, qui tous sans exception eurent des fleurs rouges ; donc, l'effet du propre pollen de la plante, placé même vingt-quatre heures à l'avance sur les stigmates, fut complètement, détruit par celui de la variété rouge. Il faut, du reste [* contresens : cependant], remarquer que ces plantes sont dimorphes et que la seconde union fut légitime, tandis que la première était illégitime; cependant les fleurs illégitimement fécondées avec leur propre pollen donnèrent un léger excès de graines [* contresens : donnèrent une quantité moyenne de graines].

Jusqu'ici nous n'avons considéré que la prépondérance du

CHAP. XI PRÉPONDÉRANCE DU POLLEN. 405

pouvoir de fécondation dans le pollen d'une variété distincte sur celui de la plante elle-même, les deux espèces de pollen étant placées sur le même stigmate. Un fait beaucoup plus remarquable, c'est que le pollen d'un autre individu de la même variété est prépondérant sur relui de la plante elle-même, ainsi que le prouve la supériorité des semis obtenus d'un croisement de cette nature sur ceux issus de fleurs autofécondées. Ainsi, dans les tableaux. A, B et C, il existe au moins quinze espèces complètement autofécondes après exclusion des insectes, et ce fait implique que leurs stigmates doivent recevoir leur propre pollen : néanmoins, le plus grand nombre des semis qui résultèrent de la fécondation des fleurs non châtrées de ces quinze espèces avec le pollen d'un autre pied fut très-supérieur en hauteur, en poids et en fertilité à la descendance autofécondée 1 . Par exemple, dans l'Ipomœa purpurea, chaque plant entre-croisé surpassa en hauteur son antagoniste autofécondé jusqu'à la sixième génération, et il en fut de même pour le Mimulus luteus jusqu'à la quatrième. Sur les six paires de choux soit croisés soit autofécondés, un quelconque [* chacun] des premiers fut beaucoup plus lourd que chacun des derniers. Dans le Papaver vagum, sur quinze paires, tous les plants croisés, moins deux, furent plus grands que leurs adversaires autofécondés. Sur huit paires de Lupinus luteus, tous les plants croisés, excepté deux, furent plus grands ; sur huit couples de Beta vulgaris, tous les croisés, moins un, eurent la supériorité, et sur quinze paires de Zea maïs, tous, moins deux, furent les plus grands. Sur quinze paires de Limnanthes douglasii, et sur sept paires de Luctuca [* typo : Lactuca] sativa, chaque plant croisé eut la supériorité en hauteur sur son opposant autofécondé. Il faut aussi

1 Ces quinze espèces sont les suivantes : Brassica oleracea, Reseda odorata et lutea, Limnanthes douglasii, Papaver vagum, Viscaria oculata, Beta vulgaris, Lupinus luteus, Ipomœa purpurea, Mimulus luteus, Calceolaria, Verbascum thapsus, Vandellia nummularifolia, Lactuca sativa et Zea mays.

406 PROCÉDÉS DE FÉCONDATION.  CHAP. X

faire remarquer que, dans mes expériences, aucun soin particulier ne fut pris de croiser les fleurs immédiatement après leur épanouissement ; il est donc presque certain que, dans plusieurs de ces cas, un peu de pollen de la même fleur dut être déjà tombé sur le stigmate et l'avoir influencé.

On peut difficilement mettre en doute que plusieurs autres espèces, dont les semis croisés sont plus vigoureux que les autofécondés, comme c'est montré (outre les quinze ci-dessus) dans les tableaux A, B, C, n'aient reçu à peu près simultanément et leur propre pollen et celui d'une autre plante : s'il en est ainsi, les mêmes remarques que celles données ci-dessus leur sont applicables. Aucun résultat, dans mes expériences, ne me surprit autant que le fait de la prépondérance du pollen d'un individu distinct sur celui propre à la plante, telle qu'elle fut établie par la vigueur constitutionnelle plus qu'accentuée des semis croisés. La preuve de la prépondérance est ici basée sur l'examen de l'accroissement dans les deux lots de semis, mais nous trouvons, dans plusieurs [* contresens : de nombreux] autres cas, la même preuve reposant sur la comparaison entre la fécondité plus accentuée dans les fleurs non châtrées sur la plante-mère, après que celles-ci eurent reçu dans le même temps leur propre pollen et celui d'un plant distinct, et celle des fleurs qui reçurent seulement leur propre pollen.

Des différents faits que nous venons d'établir touchant l'entre-croisement spontané de variétés vivant côte à côte, et concernant les effets de la fécondation croisée dans les fleurs qui sont autofécondées sans castration préalable, nous pouvons conclure que le pollen apporté d'une plante distincte par les insectes ou par le vent, préviendra généralement l'action du propre pollen de la fleur, même quand ce dernier aura été appliqué quelque temps avant ; et ainsi se trouve grandement favorisé ou même assuré l'entre-croisement des plants à l'état naturel.

Le cas d'un grand arbre recouvert d'innombrables fleurs

CHAP. XI PRÉPONDÉRANCE DU POLLEN. 407

hermaphrodites semble à première vue fortement contraire à la théorie de la fréquence des croisements entre individus distincts. Les fleurs développées sur des points opposés d'un tel arbre doivent être exposées à des conditions quelque peu différentes, et un croisement entre elles peut être avantageux à certains égards ; mais il n'est pas probable que ces bénéfices soient aussi accusés que ceux qui résultent d'un croisement entre fleurs d'arbres distincts, comme nous pouvons le déduire de l'inefficacité du pollen dans les sujets qui ont été propagés par le même rameau, quoique végétant au moyen des racines séparées. Le nombre des abeilles qui fréquentent certaines espèces d'arbres au moment de leur floraison est très-grand, et on peut les voir volant, d'un arbre à l'autre plus fréquemment qu'on aurait pu le croire. Néanmoins, si nous considérons, par exemple, le grand nombre de fleurs portées par un marronnier d'Inde ou par un tilleul, nous voyons qu'un nombre incomparablement plus grand de fleurs doit être fécondé par le pollen pris sur les autres fleurs du même arbre qu'avec le pollen des fleurs d'un arbre distinct. Mais nous ne devons pas oublier qu'avec le marronnier d'Inde, par exemple, une on deux seulement des fleurs du même pédoncule produisent une graine, et que, dans l'espèce, cette graine est le produit d'un des nombreux ovules contenus dans l'ovaire. Or nous savons, d'après les expériences d'Herbert et d'autres 1 , que si une fleur est fécondée avec un pollen plus efficace que celui qui est appliqué sur les autres fleurs du même pédoncule, les dernières tombent souvent, et il est probable que c'est là ce qui se produirait dans plusieurs des fleurs autofécondées d'un grand arbre si d'autres fleurs voisines avaient éré croisées. Parmi les fleurs produites annuellement par

1 Variation under Domestication (Variation sous l'influence de la domestication, trad. française Moulinié), ch. XVII, 2e édition, vol. II, p. 120.

408 PLANTES ANÉMOPHILES. CHAP. X

un grand arbre, il est presque certain qu'un grand nombre d'entre elles doit être autofécondé, et si nous supposons qu'un arbre donne seulement cinq cents fleurs, et que cette quantité de graines soit nécessaire pour conserver la souche, de façon qu'un semis au moins puisse dans la suite arriver à maturité, il s'ensuit qu'une grande proportion des semis devra nécessairement dériver de graines autofécondées. Mais si cet arbre donne par an cinq mille fleurs [* erreur : cinquantet mille fleurs], dont toutes les autofécondées tombent sans fructifier, alors les fleurs croisées devront donner suffisamment de graines pour conserver la vieille souche, et le plus grand nombre des semis seront vigoureux, étant les produits d'un croisement entre individus distincts. De cette manière, la production d'un grand nombre de fleurs, outre qu'elle servira à attirer de nombreux insectes et à compenser la destruction de plusieurs d'entre elles par les gelées printanières ou par d'autres accidents, sera également très-avantageuse à l'espèce : ainsi donc, lorsque nous voyons nos arbres fruitiers recouverts de leur livrée printanière de fleurs blanches, nous ne devons pas accuser à tort la nature de folle prodigalité, parce qu'elle nous donne comparativement peu de fruits en automne.

Plantes anémophiles. — La nature et les relations des plantes qui doivent leur fécondation à l'action du vent ont été admirablement discutées par Delpino 1 et H. Müller. J'ai déjà fait quelques remarques sur la structure de leurs fleurs comparée à celle des entomophiles. Il y a de

1 Delpino, Ult. Osservazioni sulla Dicogamia, part II, fasc. 1, 1870 ; et Studi sopra un Lignaggio anemofilo, etc., 1871. H. Müller, Die Befruchtung, etc. p. 412, 442. Tous les auteurs [* contresens : Ces deux auteurs] remarquent que les plantes doivent avoir été anémophiles avant d'être devenues entomophiles. H. Müller discute de plus d'une manière très-intéressante les degrés par lesquels les fleurs entomophiles sont devenues nectarifères et ont acquis peu à peu leur structure actuelle à la suite de changements successifs et avantageux.

CHAP. XI PLANTES ANÉMOPHILES. 409

bonnes raisons pour croire que les premières plantes qui apparurent sur notre globe furent cryptogames, et, si nous en jugeons d'après les phénomènes actuels, l'élément fécondateur mâle, ou bien doit avoir été doué de la propriété de se mouvoir spontanément dans l'eau ou les surfaces humides, ou bien a dû être transporté, à la faveur des courants d'eau, aux organes femelles. Que quelques-unes des plus anciennes plantes, telles que les Fougères, aient possédé de vrais organes sexuels, cela ne peut être mis en doute, et nous voyons par là, comme le fait remarquer Hildebrand 1 , que les sexes furent séparés dès les premières périodes. Lorsque les plantes devinrent phanérogames et purent végéter sur un terrain sec, si l'entre-croisement se produisit, il fallut [* contresens : devait se produire, il fallait] absolument que l'élément fécondateur mâle pût être transporté par certains procédés à travers les airs, et le vent constitue le moyen de transport le plus simple. Il dut y avoir aussi une période durant laquelle les insectes ailés n'existaient pas, et les plantes alors ne purent devenir entomophiles. Même dans une période un peu plus avancée, les ordres plus spécialisés des Hyménoptères, des Lépidoptères et des Diptères, qui sont actuellement les agents principaux du transport du pollen, n'existaient pas encore. Donc les plus anciennes plantes terrestres qui nous soient connues, c'est-à-dire les Conifères et les Cycadées, furent sans aucun doute anémophiles, comme le sont encore les espèces vivantes de cette classe. Une trace de ce premier état de choses est encore mise en lumière par la manière d'être de quelques autres groupes de plantes actuellement anémophiles, qui, en somme, occupent dans la série végétale une place moins élevée que les espèces entomophiles.

Il n'y a pas grande difficulté à comprendre comment une plante anémophile peut être devenue entomophile. Le

1 Die Geschlechter-Vertheilung (La séparation des Sexes), 1867, p. 84-90.

410 PLANTES ANÉMOPHILES. CHAP. X

pollen est une substance nutritive qui doit avoir été de bonne heure découverte et dévorée par les insectes, et s'il en restait adhérent à leur corps, il dut être transporté des anthères au stigmate de la même fleur ou d'une fleur a une autre. Un des caractères principaux du pollen des plantes anémophiles est son manque de cohérence, qui ne l'empêche pas toutefois d'adhérer au corps velu des insectes, comme nous le voyons dans quelques Légumineuses, Éricacées et Mélastomacées. Du reste [* contresens : Cependant], nous avons une meilleure preuve de la possibilité de la transition dont nous venons de parler dans certaines plantes qui, actuellement, sont en partie fécondées par le vent et en partie par les insectes. La Rhubarbe commune (Rheum rhaponticum) est si bien dans un état intermédiaire, que j'ai vu plusieurs[* contresen : de nombreux] Diptères qui en sucent les fleurs porter beaucoup de pollen adhérent à leur corps, et cependant ce pollen est si peu cohérent que l'on peut en faire surgir de vrais nuages si l'on secoue la plante doucement un jour de soleil, et alors il ne peut guère manquer de choir sur les grands stigmates des fleurs environnantes. D'après Delpino et H. Müller 1 , quelques espèces de Plantago sont dans la même condition intermédiaire.

Quoiqu'il soit probable que le pollen ait servi d'abord d'unique attraction pour les insectes, et quoiqu'il existe encore aujourd'hui beaucoup de plantes dont les fleurs sont exclusivement fréquentées par les insectes polliniphages, cependant la grande majorité des végétaux possède dans la sécrétion du nectar son principal attrait. Il y a longtemps déjà, je soutenais que primitivement la matière saccharine du nectar était excrétée 2 comme produit inutile résultant de modifications chimiques survenues dans la sève, et que

1 Die Befruchtung, etc., p. 342.

2 Le nectar était regardé par De Candolle et Dunal comme une excrétion, ainsi que l'établit Martinet, Annales des Sc. Nat., 1872, t. XIV, p. 211.

CHAP. XI SÉCRÉTION DU NECTAR. 411

lorsque cette excrétion arrivait à se produire dans les enveloppes d'une fleur, elle était utilisée dans le but important de la fécondation croisée, après avoir été subséquemment augmentée en quantité et accumulée de différentes façons. Cette manière de voir est rendue probable par l'excrétion d'une matière sucrée souvent nommée rosée mielleuse, dont l'apparition en l'absence de toute glande spéciale a été constatée sur certaines feuilles dans quelques arbres, sous certaines conditions climatériques. C'est ce qui se produit dans les feuilles du tilleul ; car, quoique quelques auteurs aient discuté le fait, un juge très-compétent, le docteur Maxwell Masters, m'informe que, après avoir écouté les discussions soutenues sur ce sujet devant la Société d'horticulture, il ne lui reste aucun doute sur ce point. Les feuilles, aussi bien que l'écorce fendue du frêne à manne (Fraxinus ornus), sécrètent de la même manière leur matière saccharine 1 . D'après Tréviranus, la face supérieure des feuilles de Carduus arctioides se comporte de même [* oubli : par temps chaud], et beaucoup d'autres faits semblables pourraient être relatés 2 . Il y a cependant un nombre considérable de plantes pourvues de [* oubli : petites] glandes 3

1 Gardeners' Chronicle, 1876, p. 242.

2 Kurr, Untersuchungen über die Bedeutung der Nektarien (Recherches sur la signification des Nectaires), 1833, p. 115.

3 Un grand nombre de ces cas sont donnés par Delpino dans Bulletino Entomologico, Anno VI, 1874 ; auxquels on peut ajouter ceux qui sont exposés dans mon texte, aussi bien que l'excrétion de la matière saccharine du calice de deux espèces d'Iris, et des bractées de certaines Orchidées : voir Kurr, Bedeutung der Nektarien, 1833, p. 25, 28. Belt aussi rapporte (Nicaragua, p. 224) des cas d'excrétion semblables observés dans les [* de nombreuses] Orchidées épiphytes et les [* et dans des] Passiflores. Mr. Rodgers a montré [* contresens : a vu] que du nectar était abondamment sécrété à la base des pédoncules floraux de la Vanille. Link dit que le seul exemple d'un nectaire hypopétale qui lui soit connu est extérieurement situé à la base des fleurs de Chironia decussata, voyez Reports on Botany, Ray Society, 1846, p. 355. Un important mémoire sur le sujet, dû à Reinke (Göttingen Nachrichten, 1873, p. 825), a paru dernièrement : l'auteur y montre que plusieurs [* contresens : de nombreuses] plantes ont les pointes des dentelures de leurs feuilles dans le bouton, pourvues de glandes qui sécrètent seulement dans le très-jeune âge, et qui ont la même structure morphologique que les vraies glandes

412 PLANTES ANÉMOPHILES. CHAP. X

sur leurs feuilles, pétioles, phyllodes, stipules, bractées ou pédoncules floraux, ou sur l'extérieur de leur calice : ces glandes sécrètent de petites gouttes d'un suc sucré, qui est ardemment recherché par les insectes melliphages, comme les fourmis, les abeilles et les guêpes. Dans le cas des glandes stipulaires du Vicia sativa, l'excrétion dépend manifestement des changements opérés dans la sève sous l'influence des rayons d'un soleil brillant, car j'ai observé à plusieurs reprises que la sécrétion était suspendue dès que le soleil se cachait derrière les nuages et qu'alors les abeilles quittaient la campagne, mais aussitôt qu'il redevient brillant, elles retournent à leur festin 1 . J'ai observé un fait analogue pour ce qui touche à la sécrétion du vrai nectar dans les fleurs du Lobelia erinus.

Delpino cependant soutient que le pouvoir de sécréter une liqueur sucrée a été donné à quelques organes extérieurs à la fleur [* contresens : le pouvoir de sécréter une liqueur sucrée par quelque organe extérieur à la fleur a été acquis], en vue spécialement d'attirer des fourmis et des guêpes, qui auraient la mission de défendre la plante contre ses ennemis ; mais je n'ai jamais vu de raisons pour croire qu'il en soit ainsi dans les trois espèces que j'ai observées : Prunus laurocerasus, Vicia sativa et V. faba. Aucune plante n'est plus faiblement [* aussi peu] attaquée par des ennemis, de quelque sorte que ce soit, que

nectarifères. Il montre de plus que les glandes sécrétant le nectar sur le pétiole du Prunus avium ne sont pas développées de très-bonne heure, quoiqu'elles soient desséchées dans les vielles feuilles. Ces glandes sont homologues de celles qui existent sur les dentelures des [* mêmes] feuilles, comme le montre leur structure et leurs formes de transition ; car les dentelures les plus inférieures dans le plus grand nombre des feuilles sécrètent du nectar au lieu de résine (Harz).

1 J'ai publié une courte note sur ce fait dans Gardeners' Chronicle, 1855, 21 juillet, p. 487, et plus tard j'ai fait d'autres observations. Outre les mouches à miel, une autre espèce d'abeille, un papillon [* de nuit (moth)], des fourmis et deux espèces de mouches suçaient les gouttes du liquide des stipules. Les plus grandes gouttes avaient un goût sucré. Les mouches à miel ne regardèrent jamais les fleurs qui étaient épanouies en même temps, tandis que deux espèces de bourdons négligeaient les stipules et visitaient les fleurs seulement.

CHAP. XI QUANTITÉ DE POLLEN. 413

la fougère commune (Pteris aquilina), et cependant, comme mon fils Francis l'a découvert, de grandes glandes situées à la base des frondes excrètent, mais dans leur jeunesse seulement, une liqueur sucrée abondante, qui est avidement sucée par d'innombrable fourmis, appartenant surtout au genre Myrmica. Ces fourmis, certainement, ne servent pas à protéger la plante contre quelque ennemi. Delpino prétend que ces glandes ne peuvent être considérées comme excrétoires, parce que s'il en était ainsi, elles fonctionneraient dans chaque espèce ; mais je ne sens pas la force de cet argument, car les feuilles de quelques plantes excrètent du sucre seulement pendant la durée de certains états de l'atmosphère. Que dans quelques cas la sécrétion serve à attirer des insectes pour défendre la plante, et qu'elle ait été développée à un haut degré dans ce but spécial, je n'ai pas lieu d'en douter le moindrement, d'après les observations de Delpino et plus spécialement d'après celles de M. Belt sur l'Acacia sphærocephala et sur les fleurs de la passion. Cet acacia produit, comme nouvelle attraction [* contresens : attraction additionnelle] pour les abeilles, quelques corpuscules contenant beaucoup d'huile et de protoplasma, et des formations analogues sont développées sur un Cecropia dans le même but, comme nous l'a appris Fritz Müller 1 .

L'excrétion d'un fluide sucré par des glandes situées au dehors d'une fleur est rarement utilisée en vue de la fécondation croisée déterminée par les insectes ; cependant le fait se présente dans les bractées des Marcgraviacées, ainsi que défunt le docteur Cruger [* Crüger] m'en informait d'après ses observations dans les Indes Orientales [* erreur : Indes Occidentales (West Indies)], et comme Delpino le déduit avec beaucoup plus de finesse [* avec beaucoup de finesse] de la position re-

1 M. Belt a donné un très-intéressant travail (The Naturalist in Nicaragua, 1874, p. 218) sur le rôle très-important que jouent les fourmis comme défenseurs de l'acacia ci-dessus. Pour ce qui touche au Cecropia, voir Nature, 1876, p. 304. Mon fils Francis a décrit la structure microscopique et le développement de ces remarquables substances nutritives dans une note lue devant la Société linnéenne.

414 PLANTES ANÉMOPHILES. CHAP. X

lative des différentes parties de leurs fleurs 1 . Mr. Farrer a aussi montré 2 que les fleurs de Coronilla sont curieusement modifiées, de façon à permettre aux abeilles de les féconder pendant qu'elles sucent la liqueur sécrétée par les parties extérieures du calice. Il paraît, de plus, probable, d'après les observations du Rév. W. A. Leigton [* erreur : Leighton], que l'abondante sécrétion d'un fluide par les glandes des phyllodes situées auprès des fleurs, dans l'Acacia magnifica d'Australie, est en relation avec leur fécondation 3 .

La quantité de pollen produit par les plantes anémophiles, et la distance à laquelle le vent transporte souvent ce pollen, sont vraiment surprenantes. M. Hassall a trouvé que le poids du pollen produit par une seule plante de massette (Typha) était de [* 144 grains] 9gr,36. Des seaux de pollen, appartenant surtout aux Conifères et aux Graminées, ont pu être balayés sur des ponts de navires près des côtes de l'Amérique du Nord, et Mr. Riley a vu, aux environs de St. Louis (Missouri), la terre couverte de pollen, comme si elle avait été saupoudrée de soufre : il y avait des raisons pour croire qu'il avait été transporté des forêts de pins situées au moins à 160 lieues au sud 4 . Kerner a

1 Ult. Osservaz. Dicogamia, 1868-69, p. 188.

2 Nature, 1874, p. 169.

3 Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. XVI, 1865, p. 14. Dans mon ouvrage la Fertilisation of Orchids , et dans une note publiée ensuite dans les Annals and Mag. of Nat. History, j'ai montré que, quoique certaines espèces d'Orchidées possèdent un nectaire, elles ne sécrètent pas de nectar actuellement, mais que les insectes perforent leurs parois [* oubli : internes] et sucent le fluide contenu dans les espaces intercellulaires. J'ai, de plus, admis [* contresens : suggéré] pour ce qui touche certaines autres Orchidées qui ne sécrètent pas le nectar, que les insectes rongeaient le labellum, et cette supposition a depuis été confirmée par l'observation. H. Müller et Delpino ont montré que plusieurs autres plantes, qui sont sucrées et rongées par les insectes, ont épaissi leurs pétales, parce que leur fécondation se trouve ainsi favorisée. Tous les faits observés sur ce point ont été rassemblés par Delpino, dans son Ult. Osserv., part. II, fasc. II, 1875, pp. 59-63.

4 Comme quantité d'éléments reproducteurs accumulés et complètement perdus pour la conservation et l'extension de l'espèce, l'exemple le

CHAP. XI QUANTITÉ DE POLLEN. 415

vu des champs de neige sur les grandes Alpes saupoudrées de même ; et M. Blackley a trouvé de nombreux grains de pollen (1.200 dans un cas) adhérents à des slides gluants, qui furent envoyés recouverts dans l'atmosphère à la hauteur de 150 à 300 mètres au moyen d'un cerf-volant, puis exposés à l'air par un mécanisme spécial. Ces expériences présentent ceci de remarquable qu'il y eut

en moyenne dix-neuf fois plus de grains polliniques dans l'atmosphère aux niveaux les plus élevés que dans les zones les plus basses 1 . D'après ces faits, il n'y a rien de surprenant, quoique cela le paraisse d'abord, à ce que tous ou presque tous les stigmates des plantes anémophiles puissent recevoir le pollen apporté par simple hasard sous le souffle du vent. Pendant la première partie de l'été, chaque objet est ainsi saupoudré de pollen : par exemple, pendant que j'examinais, dans un autre but, les labelles d'un grand nombre de fleurs de l'Ophrys mouche (lequel est rarement visité par les insectes), je trouvai sur toutes les parties de la corolle [* contresens : sur toutes les fleurs] une grande quantité de grains de pollen provenant des autres plantes, qui y avait été retenue par la surface veloutée des pétales.

La légèreté extraordinaire et l'abondance du pollen des plantes anémophiles sont sans doute deux qualités nécessaires, puisque leur poudre fécondante doit être générale-

plus surprenant, sans conteste, est celui que nous fournit l'observation récente faite par MM. Bureau et Poisson (Annales des sciences naturelles, Bot., série 6, t. III, pp. 372, 1877) sur une roche provenant de l'île de la Réunion et formée de spores d'une Polypodiacée. Cette roche d'origine végétale, de plus d'un mètre d'épaisseur, occupe le sol de deux cavernes situées à 1.200 mètres d'altitude. (Traducteur.)

1 Pour les observations de M. Hassall, voir Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. VIII, 1842, p. 108. North American Journal of Science, janvier 1842 ; là se trouve la note concernant le pollen balayé sur le pont d'un vaisseau. Riley, Fifth Report on the Noxious Insects of Missouri, 1873, p. 86. Kerner, Die Schutzmittel des Pollens, 1873, p. 6. Cet auteur a vu aussi un lac du Tyrol tellement recouvert de pollen que les eaux pendant longtemps en perdirent leur couleur bleue. M. Blackley, Experimental Researches on Hay-fever (Recherches expérimentales sur la fièvre de fenaison), 1873, p. 132, 141-152.

416 PLANTES ANÉMOPHILES. CHAP. X

ment transportée sur les stigmates d'autres plantes souvent éloignées, car, comme nous l'avons vu déjà [* contresens : comme nous allons le voir], le plus grand nombre des plantes anémophiles ont leurs sexes séparés. La fécondation de ces plantes est généralement aidée par la manière d'être des stigmates qui sont ou nombreux ou établis sur de grandes dimensions, et dans le cas des Conifères par la nudité des ovules sécrétant une goutte de liquide, comme l'a montré Delpino. Quoique le nombre des espères anémophiles soit petit, comme le fait remarquer l'auteur que nous venons de citer, le nombre des individus est considérable comparé à celui des espèces entomophiles. Ceci s'applique spécialement aux régions froides et tempérées, où les insectes sont moins nombreux que sous les climats chauds, et où par conséquent les plantes entomophiles occupent une situation moins favorable. Nous voyons ce fait se produire dans nos forêts de Conifères, dans d'autres arbres, tels que chênes, hêtres, bouleaux, frênes, etc., et dans les Graminées, Cypéracées et Joncacées qui forment nos prairies et nos marécages ; tous ces arbres et toutes ces plantes sont fécondés par le vent. Comme une grande quantité de pollen est perdue pour les plantes anémophiles, il est surprenant que dans cette catégorie tant d'espèces vigoureuses riches en individus puissent encore exister dans toutes les parties du monde [contresens : dans quelque partie du monde], car si elles étaient devenues entomophiles, leur pollen eût été transporté à l'aide des organes et suivant l'appétit des insectes bien plus sûrement que par le vent. Que pareilles traces évolutives soient possibles, il est difficile d'en douter d'après les remarques faites déjà sur l'existence des formes intermédiaires, et apparemment, du reste, elle a été réalisée dans différents groupes de saules [* contresens : dans le groupe des saules], comme nous pouvons le déduire de la nature de leurs plus proches alliés 1 .

Il semble à première vue bien [* encore] plus surprenant que des

1 H. Müller, Die Befruchtung, etc., p. 149.

CHAP. XI   RELATIONS SEXUELLES DES PLANTES.   417

plantes, après avoir été rendues entomophiles, aient pu redevenir jamais anémophiles : c'est cependant ce qui s'est produit quelquefois mais rarement, comme par exemple dans le Poterium sanguisorba commun, ainsi qu'on peut le déduire de ce que cette plante appartient aux Rosacées. Ces cas sont cependant compréhensibles ; presque toutes les plantes exigent un entre-croisement occasionnel : si donc une espèce entomophile cessait d'être visitée par les insectes, elle périrait probablement, à moins qu'elle ne devînt anémophile. Une plante serait négligée par les insectes si le nectar n'était plus sécrété, à moins qu'elle ne possédât une grande abondance de pollen capable de les attirer, et comme nous avons vu que l'excrétion du liquide sucré des feuilles et des glandes est grandement influencée dans beaucoup de cas [* contresens : dans plusieurs cas] par l'action climatérique, comme, d'autre part, des fleurs qui aujourd'hui ne donnent plus de nectar retiennent encore des marques conductrices colorées, il s'ensuit que la disparition de la sécrétion ne peut pas être considérée comme absolument improbable. Le même résultat se produirait certainement si des insectes ailés ou cessaient d'exister dans un district ou y devenaient très-rares. Actuellement, il n'existe qu'une seule plante anémophile dans le grand groupe des Crucifères [* oubli : , nommément le Pringlea,] et elle habite la terre de Kerguelen 1 , où il existe à peine quelques insectes ailés, probablement parce que, comme je l'ai pensé d'après ce que j'ai vu à Madère, ils y courent de grands risques d'être projetés par le vent dans la mer et détruits.

Un fait remarquable dans les plantes anémophiles est leur [* oubli : fréquent] état de diclinie, c'est-à-dire qu'elles sont ou monoïques avec leurs sexes séparés sur la même plante, ou dioïques avec les sexes portés sur pieds distincts. Dans la classe de la Monœcie de Linnée, Delpino montre 2 que les espèces sont anémophiles dans vingt-huit genres [* contresens : les espèces sont anémophiles de vingt-huit genres] et entomophiles dans

1 Le Rév. A.E. Eaton, dans Proceedings of the Royal Society, vol. XXIII, 1875, p. 351.

2 Studi sopra un Lignaggio anemofilo delle Compositæ, 1871.

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dix-sept [* contresens : et celles de dix-sept genres sont entomophiles]. Dans la classe de la Diœcie, les espèces sont anémophiles dans dix genres et entomophiles dans dix-neuf. La plus grande proportion des genres entomophiles dans cette dernière classe est probablement due indirectement à ce que les insectes ont le pouvoir de transporter plus facilement que le vent le pollen d'une plante à une autre, malgré la distance qui les sépare [* contresens : parfois distante]. Dans les deux classes ci-dessus prises ensemble, il existe trente-huit genres anémophiles et trente-six entomophiles ; tandis que dans la grande masse des plantes hermaphrodites, la proportion des genres anémophiles aux entomophiles est extrêmement petite. La cause de cette remarquable différence peut être attribuée à ce que les plantes anémophiles ont retenu à un plus haut degré que les entomophiles la condition primitive dans laquelle les sexes furent séparés, et leur fécondation mutuelle effectuée par le souffle du vent. Que les membres les plus anciens et les moins parfaits du règne végétal aient eu leurs sexes séparés, comme cela se produit encore dans une large mesure, c'est là une opinion appuyée par une haute autorité, Nägeli 1 . Il est, en effet, difficile d'éviter cette conclusion si nous admettons cette manière de voir (elle semble très-probable) que la conjugaison des Algues et de quelques-uns des animaux les plus simples est le premier degré de la reproduction sexuelle ; et si, de plus, nous ne perdons pas de vue qu'on peut suivre pas à pas, entre les cellules appelées à se conjuguer, les degrés de plus en plus marqués de différenciation et arriver ainsi apparemment jusqu'au développement des deux formes sexuelles 2 . Nous avons aussi vu que dès que les plantes devinrent plus élevées en organisation et se fixèrent à la terre, elles furent conduites,

1 Entstehung und Begriff der Naturhist. Art, 1865, p. 22.

2 Voir l'intéressante discussion sur ce sujet tout entier par O. Bütschli dans ses Studien über die ersten Entwickelungsvorgänge [* typo : Entwicklungsvorgänge] der Eizelle, etc., 1876, p. 207-219 ; également Engelmann, « Ueber Entwickelung [* typo : Entwicklung] von Infusorien », Morphol. Jahrbuch, B. I, p. 573 ; enfin docteur A. Dodel, Die Kraushaar-Alge, Pringsheims Jahrbuch f. Wiss. Bot., B. X.

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par la nécessité de l'entre-croisement, à être anémophiles. Donc, toutes les plantes qui depuis lors n'ont pas reçu de profondes modifications doivent tendre à être tout à la fois diclines et anémophiles, et nous pouvons ainsi comprendre la connexion qui existe entre les deux états, quoique, à première vue, ces manières d'être paraissent dépourvues de toute relation. Si cette manière de voir est correcte, les plantes doivent être devenues hermaphrodites à une période dernière [* période plus récente] quoique très-ancienne, et entomophiles à une période plus avancée, c'est-à-dire après le développement des insectes ailés. De cette façon, les relations entre l'hermaphrodisme et la fécondation par les insectes sent également intelligibles, dans une certaine mesure.

Comment [* contresens : Pourquoi] les descendants des plantes qui furent originellement dioïques et qui, par conséquent, devaient toujours profiter de la nécessité d'un entre-croisement forcé [* contresens : profiter d'un entre-croisement] avec un autre individu, sont ils devenus hermaphrodites ? Ce fait peut s'expliquer par les risques que les descendants couraient, spécialement pendant la durée de leur état anémophile, de ne pas être toujours fécondés et par conséquent de ne pas laisser de descendance. Ce dernier dommage, le plus grand que puisse subir un organisme, devait être bien atténué par la transformation hermaphrodite, malgré le désavantage résultant d'une fréquente autofécondation. Par quels moyens l'état d'hermaphroditisme fut-il graduellement acquis, c'est ce que nous ignorons. Mais nous pouvons préjuger [* contresens : voir] que si une forme organisée inférieure dans laquelle les deux sexes étaient représentés par quelque différence individuelle [contresens : dans laquelle les deux sexes étaient représentés par des individus quelque peu différents] dut s'accroître par bourgeonnement, soit avant soit après la conjugation, les deux sexes rudimentaires furent capables d'apparaître par bourgeons sur la même souche : la même chose se produit actuellement pour certains caractères. L'organisme put ainsi atteindre la condition monoïque qui dut être probablement la première étape vers l'hermaphrodisme, car si

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une fleur mâle très-simple et une femelle (chacune consistant en une seule étamine ou en un seul carpelle) furent portées ensemble sur le même rameau et entourées par une enveloppe commune à peu près de la même manière que les fleurons des Composées, la fleur hermaphrodite se trouvait ainsi constituée.

Il semble qu'il n'y a aucune limite aux changements que les organismes subissent sous l'influence des conditions variables de la vie, car quelques [* contresens : certaines] plantes hermaphrodites, issues comme nous devons le supposer de plantes originellement diclines, ont eu leurs sexes séparés à nouveau. Une semblable formation peut se déduire de l'existence d'étamines rudimentaires dans les fleurs de quelques individus et de la présence de pistils [* oubli : rudimentaires] dans les fleurs d'autres individus, par exemple de Lychnis dioica. Mais une transformation de ce genre ne dut point se produire, à moins que la fécondation croisée ne fût généralement déjà assurée par l'action des insectes. Comment la production des fleurs mâles et des femelles sur des pieds distincts a-t-elle pu être avantageuse à l'espèce, la fécondation croisée ayant été antérieurement assurée, voilà ce qu'il n'est pas aisé de comprendre. Une plante peut, en effet, produire deux fois autant de graines qu'il lui en faut pour conserver son lignage [contresens : conserver le nombre d'individus] en dépit du changement ou de la nouveauté des conditions vitales ; si aucune variation ne vient diminuer le nombre de ses fleurs, si, de plus, elle subit des modifications dans l'état de ses organes reproducteurs (comme cela résulte souvent de la culture), une dépense exagérée de graines et de pollen sera empêchée par la transformation dicline de ses organes floraux.

Un point rapproché est digne d'être noté ici. Je fis remarquer, dans mes Origin of Species, qu'en Angleterre il existe une plus forte proportion de grands arbres et d'arbrisseaux ayant leurs sexes séparés que de plantes herbacées diclines ou dioïques : il en est de même, d'après

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Asa Gray et Hooker, dans l'Amérique du Nord et la Nouvelle-Zélande 1 . Il y a cependant des doutes à émettre sur l'étendue de cette règle, car il ne doit pas en être ainsi en Australie. Mais on m'assure que les fleurs des arbres qui prédominent en Australie, c'est-à-dire les Myrtacées, abondent en insectes, de sorte que si elles étaient [* sont] dichogames, elles pourraient être pratiquement considérées comme diclines 2 . Pour ce qui touche aux plantes anémophiles, nous savons qu'elles sont aptes à séparer les deux sexes, et nous pouvons préjuger que ce serait pour elles une circonstance défavorable que de porter des fleurs près de terre, attendu que leur pollen peut être transporté par le vent à une très-grande hauteur dans l'air 3 : mais puisque nous savons que les chaumes des Graminées atteignent une taille suffisante pour assurer l'accès du pollen, nous ne pouvons, par cette explication, nous rendre compte de l'existence de la diclinie dans tant d'arbres et tant d'arbrisseaux. De la discussion précé-

1 Je trouve dans London Catalogue of British Plants, qu'il existe en Angleterre [* en Grande-Bretagne] 32 arbres et arbrisseaux indigènes classés dans neuf familles ; mais, pour ne pas m'exposer à une erreur, j'ai compté seulement six espèces de saules. Sur ces 32 arbres et arbrisseaux, 19, c'est-à-dire plus de la moitié, ont leurs sexes séparés ; et c'est là une proportion considérable comparée à celle des autres plantes [* oubli : britanniques]. La Nouvelle-Zélande abonde en plantes et en arbres diclines et le docteur Hooker a calculé que sur environ 756 plantes phanérogames habitant les îles, il ne compte pas moins de 108 arbres [* pas moins de 108 sont des arbres,] appartenant à trente-cinq familles. Sur ces 108 arbres, 52, c'est-à-dire à peu près la moitié, ont leurs sexes plus ou moins séparés. Les arbrisseaux sont au nombre de 149, dont 61 ont leurs sexes dans le même état, tandis que sur les 500 plantes herbacées restant, 121 seulement, c'est-à-dire moins d'un quart, ont leurs sexes séparés. Enfin, le professeur Asa Gray m'informe que, aux États-Unis, on trouve 132 arbres indigènes (appartenant à vingt-deux [* erreur : vingt-cinq] familles), dont 95 (appartenant à dix-sept familles) « ont leurs sexes plus ou moins séparés, mais dont la plus grande partie est décidément dicline ».

2 Pour ce qui concerne les Protéacées d'Australie, Mr. Bentham a fait des observations (Journal of the Linnean Society Botany, vol. XIII, 1871, p. 58 et 64) sur les procédés variés par lesquels le stigmate dans plusieurs genre est abrité contre l'action du pollen dans la même fleur. Par exemple, dans le Synaphea, « le stigmate est gardé par un eunuque (c'est-à-dire une étamine stérile) contre tout contact des autres anthères et se trouve ainsi conservé indemne de tout pollen apporté [* qui pourrait être inséré] par les insectes ou par tout autre agent de fécondation ».

3 Kerner, Schutzmittel des Pollens, 1873, p. 4.

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dente nous pouvons conclure qu'un arbre portant de nombreuses fleurs hermaphrodites serait rarement entre-croisé par un autre arbre, à moins que la prépondérance d'un pollen étranger sur celui propre à la fleur ne se fît sentir. Actuellement la séparation des sexes dans les plantes soit entomophiles soit anémophiles, serait le meilleur obstacle à l'autofécondation, et là doit être la cause de l'état dicline dans tant d'arbres et dans tant d'arbrisseaux. Je dirai encore, pour porter la question sur un autre terrain, qu'une plante serait mieux placée pour se développer en arbre si elle était munie de sexes séparés qu'étant à l'état hermaphrodite, car, dans le premier cas, ses nombreuses fleurs seraient moins exposées à la fécondation directe [* oubli : répétée]. Mais il faut remarquer aussi que la longue vie d'un arbre ou d'un arbrisseau permet la séparation des sexes, en ce sens que ces derniers auront moins à souffrir d'un manque accidentel de fécondation et de formation subséquente des graines que ne le feraient des plantes à existence courte. De là probablement, comme le fait remarquer Lecoq, la rareté de la diœcie dans les plantes annuelles.

Enfin, nous avons des raisons [* oubli : vu une raison] de croire que les plus grandes plantes [* erreur : que les plantes supériures] proviennent généalogiquement des formes extrêmement inférieures douées de conjugation [* contresens : qui se conjuguèrent], et que les individus conjugués différaient quelque peu les uns des autres, l'un représentant le mâle et l'autre la femelle, de façon que les plantes furent originellement dioïques. A une période très-primitive, ces végétaux inférieurs dioïques donnèrent probablement naissance par bourgeonnement aux plantes monoïques ayant les deux sexes portés sur le même individu, et plus tard, par une union plus intime des sexes, aux formes hermaphrodites, qui sont maintenant les plus communes de toutes 1 . Dès que les plantes devinrent fixées

1 Il y a beaucoup de preuves pour faire admettre que les animaux les plus élevés soient descendus des hermaphrodites, et c'est un curieux problème que celui de savoir si un pareil hermaphrodisme n'aurait pas été le résul-

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au sol, leur pollen dut être transporté d'une fleur à l'autre par des moyens appropriés, et tout d'abord certainement sur les ailes du vent, ensuite par les insectes mangeurs de pollen et enfin par les insectes suceurs de nectar. Pendant les âges suivants, quelques plantes entomophiles sont retournées à l'état anémophile et quelques plantes hermaphrodites ont eu leurs sexes séparés de nouveau : nous n'apercevons que vaguement les avantages résultant de pareils changements récurrents produits sous certaines conditions.

Les plantes dioïques, de quelque façon qu'elles soient fécondées, ont un grand avantage sur les autres, en ce que leur fécondation croisée est assurée. Mais cet avantage, réalisé dans le cas des espèces anémophiles aux dépens de la production d'une énorme superfluité de pollen, s'accompagne de quelques risques pour elles et pour les espèces entomophiles de voir leur fécondation ne point se produire. La moitié des individus, du reste [* contresens : de plus], c'est-à-dire les mâles, ne donnent pas de graines, ce qui peut constituer une réelle infériorité. Delpino fait remarquer que les plantes dioïques ne peuvent pas prendre un développement aussi aisé [* contresens : se répandre aussi aisément] que les espèces monoïques et hermaphrodites, car un seul individu qui aurait la chance de parvenir à une certaine hauteur [contresens : à un nouveau lieu] ne saurait reproduire sa manière d'être avec ses seules forces [* ne pourrait se reproduire] : mais il est permis de douter que ce désavantage soit sérieux. Les plantes monoïques peuvent difficilement manquer de remplir, dans une large mesure, une fonction dioïque, en raison de la légèreté de leur pollen et de la direction latérale du vent, causes auxquelles il faut ajouter l'avantage d'une production accidentelle ou fréquente de semences croisées [* erreur : de semences autofécondées]. Quand elles sont en outre di-

tat de la conjugaison de deux individus légèrement différents, qui présentaient les deux sexes rudimentaires. D'après cette manière de voir, les animaux les plus élevés devraient leur structure bilatérale, avec tous leurs organes doubles dès la période embryonnaire, à la fusion ou conjugation des deux individus primordiaux.

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chogames, de toute nécessité la fonction dioïque s'établit. Enfin, les plantes hermaphrodites peuvent généralement produire tout au moins quelques graines autofécondées, et elles sont en même temps capables de fécondation croisée par la mise en œuvre des moyens variés spécifiés dans ce chapitre. Lorsque leur structure prévient absolument l'autofécondation, elles sont les unes vis-à-vis des autres dans la position relative des plantes monoïques ou dioïques, avec cet avantage de plus que chaque fleur peut produire des graines.

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CHAPITRE XI.

Les habitudes des insectes en relation avec la fécondation des fleurs.

Les insectes visitent aussi longtemps qu'ils le peuvent les fleurs des mêmes espèces. — Causes de cette habitude. — Moyens par lesquels les abeilles reconnaissent les fleurs de la même espèce. — Sécrétion instantanée du nectar. — Le nectar de certaines fleurs n'attire pas certains insectes. — Industrie des abeilles et nombre de fleurs qu'elles visitent dans un court espace de temps — Perforation de la corolle par les abeilles. — Habileté déployée dans cette opération. — Les abeilles profitent des trous pratiqués par les bourdons. — Effets de cette habitude. — Le motif de cette perforation des fleurs est de gagner du temps. — Les fleurs rapprochées en masses serrées sont surtout perforées.

Les abeilles comme d'autres nombreux insectes doivent être dirigés par leur instinct dans leurs recherches eu vue d'atteindre le pollen et le nectar des fleurs, car elles commencent ce travail sans instruction préalable et dès qu'elles sortent de l'état de chrysalide. Leurs instincts, cependant, ne sont pas d'une nature spéciale car elles visitent plusieurs fleurs exotiques aussi promptement que les espèces indigènes, et souvent on les voit chercher du nectar dans les fleurs qui n'en produisent pas, ou essayer de le sucer en dehors des nectaires à une profondeur telle qu'elles ne sauraient y atteindre 1 . Toutes les espèces d'abeilles et cer-

1 Voir sur ce sujet H. Müller, Befruchtung, etc., p. 427 ; sir J. Lubbock, British Wild Flowers, etc. p. 20. Müller trouve (Bienen Zeitung, juin 1876, p. 119) de bonnes raisons pour croire que les abeilles et plusieurs autres [* de nombreux autres] Hyménoptères ont hérité de quelques ancêtres suceurs [* de quelque ancêtre suceur] leur habilité [* habileté] à dépouiller les fleurs plus grande que celle qui est déployée par les autres insectes.

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tains autres insectes visitent habituellement les fleurs de la même espèce aussi longuement qu'elles le peuvent, avant de s'abattre sur une autre. Ce fait, observé par Aristote chez les abeilles il y a plus de 2000 ans, a été indiqué par Dobbs dans une note publiée en 1736 dans les Philosophical Transactions. Dans tous les jardins à fleurs chacun peut voir, soit chez les abeilles, soit chez les bourdons, que cette habitude n'est pas invariablement suivie. Mr. Bennett observa pendant plusieurs heures 1 quelques plants [* contresens : de nombreux plants] de Lamium album, de L. purpureum, et d'une autre Labiée, Nepeta glechoma, tous vivant pêle-mêle sur une banquette auprès de quelques abeilles [* contresens : quelques ruches], et il trouva que chaque mouche à miel concentrait ses visites sur la même espèce. Le pollen de ces trois plantes différant comme couleur, cet observateur put confirmer ses observations en examinant la nature de celui qui adhérait au corps des abeilles capturées et il ne trouva qu'une espèce de pollen sur chacun de ces insectes.

Les bourdons et les abeilles sont de bons botanistes, car ils savent que les variétés peuvent présenter de profondes différences dans la couleur de leurs fleurs sans cesser d'appartenir à la même espèce. J'ai vu fréquemment des bourdons voler droit d'une plante de Dictamnus fraxinella ordinaire toute rouge vers une variété blanche ; d'une variété de Delphinium consolida et de Primula veris à une autre différemment colorée ; d'une variété pourpre foncée de Viola tricolor à une autre jaune d'or, et dans deux espèces de Papaver, d'une variété à une autre qui différait beaucoup comme couleur. Mais, dans ce dernier cas, quelques abeilles volaient indifféremment à l'une ou à l'autre espèce, quoique passant à travers d'autres genres, et agissaient comme si ces deux espèces avaient été de simples variétés. H. Müller a vu aussi des abeilles voler d'une fleur à l'autre dans les Ranunculus bulsosus [* erreur : bulbosus] et arvensis aussi bien que dans

1 Nature, 4 juin 1874, p. 92.

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les Trifolium fragiferum et repens, et même des Jacinthes bleues aux violettes [* oubli : aux violettes bleues] 1 .

Quelques espèces de Diptères ou mouches fréquentent les fleurs de la même espèce avec presque autant de régularité que les abeilles, et quand on les capture on les trouve recouvertes de pollen. J'ai vu le Rhingia rostrata se livrant à cette pratique avec les fleurs de Lychnis dioica, Ajuga reptans et Vicia sepium. Les Volucella plumosa et Empis cheiroptera volent droit d'une fleur à l'autre du Myosotis sylvatica. Dolichopus nigripennis se comportait de même avec la Potentilla tormentosa [* erreur : tormentilla], et d'autres Diptères avec Stellaria holostea, Helianthemum vulgare, Bellis perennis, Veronica hederæfolia et chamœdrys ; mais quelques mouches visitaient indifféremment les fleurs de ces deux dernières espèces. J'ai vu plus d'une fois un petit Thrips portant du pollen adhérent à son corps, voler d'une fleur à une autre de même nature, et l'un deux s'étant montré à moi pénétrant dans une fleur de Convolvulus, sa tête était garnie de quatre grains de pollen adhérents qui furent déposés sur le stigmate.

Fabricius et Sprengel ont établi que quand des mouches ont pénétré dans une fleur d'Aristoloche elles ne peuvent plus en sortir, et (proposition à laquelle je ne puis croire) que, dans ce cas, les insectes n'aident pas à la fécondation croisée de la plante. Hildebrand, à notre époque, en a du reste [* contresens : cependant] prouvé la fausseté. Comme les spathes de l'Arum maculatum sont pourvues de filaments adaptés pour prévenir la sortie des insectes, elles rappellent celles de l'Aristoloche, et en examinant quelques spathes, on constata dans plusieurs d'entre elles l'existence de trente à soixante petits Diptères appartenant à trois espèces différentes : plusieurs [* contresens : beaucoup] de ces insectes furent trouvés morts au fond des fleurs, comme s'ils avaient été pris au piège depuis longtemps. Afin de savoir si les vi-

1 Bienen Zeitung, juillet 1876, p. 183.

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vants pourraient s'échapper et transporter le pollen à une autre plante, je serrai fortement, durant le printemps de 1842, un sac de fine mousseline autour d'une spathe, et quand j'y retournai, une heure après, je vis plusieurs petites mouches grimpant sur la face intérieure du sac. Je cueillis alors la spathe, soufflai très-fort dans son intérieur, et plusieurs mouches en sortirent aussitôt : toutes, sans exception, étaient recouvertes du pollen de l'Arum. Ces insectes s'enfuirent promptement et je vis distinctement trois d'entre eux voler à une plante distante d'un mètre environ : elles s'abattirent sur la face concave de la spathe et pénétrèrent ensuite dans sa profondeur. J'ouvris alors la fleur, et quoique pas une seule anthère ne fût en déhiscence, je trouvai dans le fond plusieurs grains de pollen qui durent avoir été apportés d'une autre plante par l'une de ces mouches ou par quelques autres insectes. Dans une autre fleur, de petites mouches grouillaient, et je les vis abandonnant du pollen sur les stigmates.

J'ignore si les Lépidoptères fréquentent généralement les fleurs de la même espèce, mais j'ai observé une fois plusieurs [* contresens : de nombreux] petits papillons (le Lampronia (Tinea) calthella, je crois) dévorant ostensiblement le pollen du Mercurialis annua : ils avaient toute la partie antérieure de leur corps recouverte de ce pollen. Je vins alors à une plante femelle éloignée d'un mètre environ, et je vis, dans l'espace de dix minutes, trois de ces papillons voler sur les stigmates. Les Lépidoptères sont probablement souvent conduits à visiter les fleurs de la même espèce par l'existence dans ces dernières d'un nectaire long et étroit ; dans ce cas, en effet, les autres insectes ne peuvent atteindre au nectar, dont l'accès se trouve ainsi réservé à ceux qui ont une trompe allongée. Il n'y a pas de doute que le papillon du Yucca 1 visite uniquement les fleurs de la plante à la-

1 Décrit par M. Riley dans American Naturalist (Naturaliste américain), vol. VII, octobre 1873.

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quelle il doit son nom. car un instinct très-remarquable pousse cet insecte à placer le pollen sur le stigmate, afin de faire développer les ovules dont ses larves se nourrissent. Pour ce qui touche aux Coléoptères, j'ai vu un Meligethes recouvert de pollen voler d'une fleur à l'autre de la même espèce, et ce fait doit se produire souvent, puisque, d'après M. Brisout, « plusieurs [* contresens : de nombreux] insectes de cette espèce affectionnent spécialement une catégorie spéciale de plantes 1 ».

D'après ces faits nombreux, on peut [* contresens : on ne doit pas] supposer que les insectes bornent strictement leurs visites à la même espèce. Elles fréquentent souvent d'autres espèces, mais seulement lorsque des plantes de même nature vivent côte à côte [* contresens : Elles fréquentent souvent d'autres espèces quand seulement quelques plantes de même sorte vivent côte à côte]. Dans un jardin contenant quelques plants d'Onagraire, dont les formes polliniques peuvent être facilement reconnues, je ne rencontrai pas seulement quelques grains isolés, mais des masses de ce pollen dans les fleurs de Mimulus, de Digitale, d'Antirrhinum et de Linaire. D'autres espèces de pollen furent aussi découvertes dans ces mêmes plantes. Un grand nombre des stigmates d'un plant de Thym, dont les anthères étaient complètement avortées, fut soumis à l'examen, et je les trouvai, malgré leurs dimensions comparables à celles d'une aiguille à coudre, recouvert non-seulement du pollen de Thym apporté d'autres plants par les abeilles, mais encore de poudre fécondante de différentes espèces.

Il est d'une grande importance pour la plante que les insectes visitent les fleurs de la même espèce aussi longtemps qu'elles le peuvent, parce que la fécondation croisée se trouve ainsi favorisée dans les divers individus de la même espèce, mais personne ne supposera que les insectes agissent de cette manière en vue des intérêts de la plante. La vraie cause se trouve probablement dans ceci, que les insectes sont, par cet artifice, rendus capables d'un travail plus prompt, et cela parce qu'ils ont appris comment

1 Reproduit dans American Nature, mai 1873, p. 270.

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ils doivent se tenir sur la fleur pour en occuper la partie la plus propice, et jusqu'à quelle profondeur, dans quelle direction enfoncer leur trompe 1 . Elles [* erreur : Ils] agissent d'après le même principe qu'un industriel qui, ayant à construire une demi-douzaine de machines, épargne son temps en fabriquant consécutivement chaque rouage et chaque partie spéciale pour toutes les machines ensemble. Les insectes ou au moins les abeilles semblent être très-influencées par l'habitude dans leurs nombreuses opérations, et nous allons voir maintenant que cette opinion s'accorde bien avec leur pratique insidieuse qui consiste à percer la corolle.

Une curieuse question à résoudre serait de savoir comment les abeilles reconnaissent les fleurs de la même espèce. Que la coloration de la corolle soit pour elles le principal guide, cela n'est pas douteux. Par un beau jour, les abeilles visitaient incessamment les petites fleurs bleues du Lobelia erinus ; j'arrachai tous les pétales dans plusieurs d'entre elles et seulement le pétale inférieur strié dans les autres. De ce moment, ces fleurs ne furent plus une seule fois sucées par les abeilles, quoique plusieurs de ces insectes se glissassent sur elles. La disparition des deux petits pétales supérieurs seuls n'entraîna aucune différence dans leurs visites. M. J. Anderson a aussi constaté que, lorsqu'il arrachait les corolles du Calceolaria, les abeilles n'en visitaient plus les fleurs 2 . D'autre part, dans quelques grandes masses

1 Depuis que ces remarques ont été écrites, j'ai trouvé que H. Müller est arrivé presque exactement aux mêmes conclusions pour ce que touche aux causes qui poussent les insectes à fréquenter [* oubli : les fleurs de] la même espèce aussi longtemps qu'ils le peuvent (Bienen Zeitung, juillet 1876, p. 182).

2 Gardeners' Chronicle, 1853, p. 534. Kurr, après avoir enlevé les nectaires dans un grand nombre de fleurs de plusieurs espèces, a trouvé qu'elles avaient grainé en majorité : mais il est probable que les insectes n'arrivaient pas à connaître [* ne percevaient] la perte du nectaire qu'après avoir introduit leur trompe dans les trous ainsi formés, et par cette pratique ils fécondaient les fleurs. Il enleva aussi toute la corolle dans un nombre considérable de fleurs, et elles donnèrent aussi des graines. Les fleurs qui sont autofertiles devaient naturellement donner des graines dans ces conditions, mais je suis très-surpris que le Delphinium consolida, aussi bien qu'une autre espèce de Delphinium, et le Viola tricolor, aient donné un

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du Geranium phæum, échappé des jardins, j'observai ce fait inaccoutumé de fleurs continuant à sécréter du nectar en abondance après la chute de tous les pétales, et recevant en cet état la visite des bourdons. Mais les abeilles, après avoir trouvé du nectar dans les fleurs qui en avaient perdu un ou deux, devaient avoir appris que ces fleurs, malgré la perte totale des pétales, méritaient encore d'être visitées. La couleur seule de la corolle peut servir de guide approximatif : ainsi j'observai pendant quelque temps des bourdons qui visitaient exclusivement des plants de Spiranthes autumnalis à corolle blanche, végétant sur un petit gazon [* erreur : sur du gazon court] écarté, situé à une distance assez considérable ; ces bourdons quelquefois, dans les limites de quelques pouces, volaient sur [erreur : volaient souvent à quelques pouces] d'autres plantes à fleurs blanches, puis passaient outre, sans autre examen. pour aller à la recherche du Spiranthes. De plus [contresens : Là aussi], plusieurs abeilles qui concentraient leurs visites sur la bruyère commune ( Calluna vulgaris) volaient fréquemment sur l'Erica tetralix, attirées évidemment par une teinte similaire des fleurs, puis passaient instantanément à la recherche du Calluna.

Que la couleur des fleurs ne soit pas le seul guide des insectes, cela est clairement prouvé par les six cas ci-dessus donnés, dans lesquels les abeilles passaient plusieurs fois en ligne directe d'une variété à une autre de la même espèce, quoique les fleurs en fussent différemment colorées. Je vis aussi des abeilles volant en ligne droite d'un groupe d'Œnothera à fleurs jaunes à chaque autre groupe de cette plante dans mon jardin, sans se détourner d'un pouce dans leur course pour voir les plants d'Eschscholtzia ou d'autres fleurs jaunes, qui se trouvaient seulement à un pied ou deux d'un côté ou de l'autre. Dans ces cas, les

grand excès [* contresens : une bonne quantité (sans excès) (a fair supply)] de semences après un pareil traitement. Il ne paraît pas que l'auteur ait comparé le nombre de graines ainsi produites à celui que donnent les fleurs non mutilées abandonnées au libre accès des insectes. (Bedeutung der Nektarien, 1833, pp.123-135.)

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abeilles connaissaient parfaitement la position de chaque plante, ainsi que nous pouvons le déduire de la direction de leur vol ; aussi durent-elles être guidées par l'expérience et la mémoire. Mais comment purent-elles découvrir pour la première fois que les variétés ci-dessus à couleurs différentes appartenaient à la même espèce ? Quelque invraisemblable que cela puisse paraître, elles semblent au moins quelquefois reconnaître les plants, même à distance, d'après leur aspect général, absolument comme nous le ferions nous-mêmes. Dans trois circonstances j'observai des bourdons volant en parfaite ligne droite d'un pied-d'alouette (Delphinium) en pleine fleur à une autre plante de la même espèce située à la distance de 13 mètres, qui n'avait pas une seule fleur épanouie et dont les boutons montraient à peine une légère teinte bleue. Ici, ni l'odeur ni le souvenir des premières visites ne purent venir en aide aux insectes, et la teinte bleue était si faible qu'elle ne saurait guère leur avoir servi de guide 1 .

La beauté [* contresens : visibilité (conspicuousness)] de la corolle ne saurait suffire à provoquer les fréquentes visites des insectes, à moins que le nectar ne soit en même temps sécrété, et que simultanément quelques odeurs ne soient [* oubli : peut-être] émises. J'observai pendant une quinzaine, plusieurs [* contresens : de nombreuses] fois chaque jour, un mur recouvert de Linaria cymbalaria en pleine floraison, et je n'ai jamais vu même une seule abeille les regarder. Une journée très chaude se présenta, et soudain plusieurs [* contresens : de nombreuses] abeilles vinrent activement se mettre à l'ouvrage sur ces fleurs. Il paraît qu'un certain degré de chaleur est nécessaire pour la sécrétion du nectar, car j'observai dans le Lobélia erinus

1 Un fait mentionné par H. Müller (Die Befrunchtung, etc, p. 347) montre que les abeilles possèdent une très-grande puissance de vision et de discernement, car celles qui sont attirées par le Primula elatior pour y butiner le pollen, passaient invariablement devant les fleurs à forme longuement stylée, dans lesquelles les anthères sont placées au fond de la corolle. Cependant la différence comme aspect qui existe entre les formes à long et à court style est extrêmement légère.

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que si le soleil cessait de luire pendant seulement une demi-heure, les visites des abeilles se ralentissaient d'abord pour cesser bientôt après. Un fait analogue a été déjà cité pour ce qui a trait à la sécrétion sucrée des stipules de Vicia sativa. Comme je l'avais fait déjà pour la Linaire, je soumis à l'observation les Pedicularis sylvatica, Polygala vulgaris, Viola tricolor, aussi bien que quelques espèces de Trifolium : jamais je n'avais pu voir une abeille à l'œuvre, quand tout à coup toutes les fleurs furent visitées par une légion de ces insectes. Comment ces Hyménoptères sont-ils avertis du moment où les fleurs sécrètent leur nectar ? Je présume que c'est l'odorat qui leur sert en cette circonstance, et qu'aussitôt que quelques abeilles commencent à sucer les fleurs, d'autres insectes de même espèce ou d'espèce différente observent le fait et en profitent. Nous verrons bientôt, en traitant de la perforation de la corolle, que les abeilles sont très-capables de tirer bénéfice du travail des autres insectes. La mémoire leur sert aussi, car, comme nous l'avons déjà fait remarquer, les abeilles connaissent la position de chaque groupe de fleurs dans un jardin. Je les ai vues bien souvent couper un angle (en ligne d'ailleurs aussi droite que possible) pour aller d'une plante de Fraxinelle ou de Linaire à un autre pied de la même espèce très-éloigné, et cependant, en raison de l'interposition d'autres plantes, ces deux végétaux n'étaient pas en vue l'un de l'autre.

Il paraîtrait que la saveur et l'odeur du nectar de certaines plantes restent sans attrait pour les abeilles ou pour les bourdons, ou pour les uns et les autres, car il ne semble pas y avoir d'autre raison pour expliquer l'abandon de [* contresens : l'abstention envers] certaines fleurs ouvertes en période de sécrétion. La faible quantité de liqueur sucrée que donnent ces fleurs pourrait difficilement être considérée comme la cause de ce dédain, car les abeilles recherchent avidement jusqu'aux petites gouttes sécrétées par les glandes des feuilles de Prunus cerasus.

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Même les abeilles de différentes ruches fréquentent quelquefois différentes espèces de fleurs, comme c'est le cas, d'après M. Grant, pour le Polyanthus et le Viola tricolor 1 . J'ai su que les bourdons visitaient les fleurs du Lobelia fulgens dans un jardin et pas dans un autre situé à quelques kilomètres de là. La coupe nectarifère dans l'Epipactis latifolia n'est jamais touchée, soit par les abeilles, soit par les bourdons, quoique j'aie vu ces insectes voler auprès de ces Orchidées, et cependant le nectar possède un goût qui nous paraît agréable, et de plus il est habituellement consommé par la guêpe commune. Dans notre pays, autant que j'ai pu le voir, les guêpes ne recherchent le nectar que dans les fleurs de l'Epipactis, du Scrophularia aquatica, du Symphoricarpus racemosa 2 et du Tritoma ; les deux premières de ces plantes sont indigènes et les deux autres exotiques. Les guêpes étant très-avides de sucre et de tout liquide sucré, au point qu'elles ne dédaignent pas les petites gouttes sécrétées par les glandes du Prunus laurocerasus, il est étrange de ne pas les voir sucer le nectar qu'elles pourraient atteindre sans l'aide d'une trompe dans plusieurs fleurs ouvertes. Les abeilles visitent les fleurs du Symphoricarpus et du Tritoma, et il est donc bien étonnant qu'elles ne fréquentent pas celles de l'Epipactis, ou, comme j'ai pu le constater, du Scrophularia aquatica, tandis qu'elles visitent celles du Scrophularia nodosa, au moins dans l'Amérique du Nord 3 .

L'étonnante industrie des abeilles et le nombre des fleurs que ces insectes visitent dans un temps très-court, de manière à ce que chacune d'elles soit scrutée plusieurs fois de suite, doit augmenter considérablement la chance qu'elles ont de recevoir le pollen d'une plante distincte,

1 Gardeners' Chronicle, 1844, p. 374.

2 Le même fait se produit, paraît-il, en Italie, car Delpino dit que les fleurs de ces trois plantes ne sont visitées que par les guêpes. (Nettarii Estranuziali, Bulletino Entomologico, anno VI.)

3 Silliman's American Journal of Science, août 1871.

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Lorsque le nectar est caché d'une manière quelconque, les abeilles ne peuvent savoir avant d'avoir introduit leur trompe s'il vient d'être récemment épuisé par leurs sœurs, et cette ignorance, comme je l'ai fait remarquer dans un précédent chapitre, les force à visiter beaucoup plus de fleurs qu'elles ne feraient dans d'autres conditions. Cependant elles souhaitent de perdre le moins de temps possible ; aussi lorsque les fleurs ont plusieurs nectaires, un d'eux étant trouvé desséché, elles n'essaient point les autres, mais, comme je l'ai souvent observé, passent à une autre fleur. Leur travail est si assidu et si efficace que même dans le cas des plantes sociales, dont des centaines de mille peuvent vivre côte à côte, et dans plusieurs espèces [contresens : comme dans les diférentes espèces] de Bruyères, chaque fleur est visitée : je vais donner tout à l'heure une preuve de ce dernier fait. Aucun temps n'est perdu, et elles passent très-rapidement d'une plante à l'autre, mais j'ignore quelle est la rapidité de leur vol. Les bourdons parcourent quatre lieues à l'heure : j'en ai acquis la conviction, pour ce qui concerne les mâles, en profitant de leur curieuse habitude de se rendre dans certains points fixes, coutume qui permet très-facilement de mesurer le temps qu'elles [*erreur : qu'ils] mettent à passer d'un lieu dans un autre.

Pour ce qui touche au nombre de fleurs que les abeilles visitent en un temps donné, j'observai qu'en une minute exactement un bourdon visitait vingt-quatre corolles fermées du Linaria cymbalaria ; dans le même temps, une autre abeille passait en revue vingt-deux fleurs de Symphoricarpus racemosa, et une autre dix-sept fleurs sur deux plants de Delphinium. Dans l'espace de quinze minutes, une seule fleur, placée au sommet d'un pied d'Œnothera, fut scrutée huit fois par plusieurs bourdons, et je pus suivre le dernier de ces insectes pendant qu'il visitait en quelques minutes chaque plante de la même espèce dans un grand jardin à fleurs. En dix-neuf minutes, chaque fleur d'un [* oubli : petit plant de]

436 HABITUDES DES INSECTES CHAP. XI

Nemophila insignis fut visitée deux fois. En une minute, six fleurs d'une Campanule furent examinées par une abeille collectrice de pollen, et ces ouvrières, quand elles sont occupées à ce travail, opèrent plus lentement que quand elles sucent le nectar. Enfin, sept tiges florales d'un plant de Dictamnus fraxinella furent observées pendant dix minutes le 15 juin 1841 et elles reçurent la visite de treize bourdons, qui pénétrèrent chacun dans plusieurs fleurs [* un grand nombre de fleurs (many flowers)]. Le 22 de ce même mois, les mêmes fleurs furent visitées dans le même temps par onze bourdons. Cette plante portait en tout deux cent quatre-vingts fleurs, et, d'après les données ci-dessus, si nous tenons compte de ce que les bourdons travaillent très-avant dans la soirée, chaque fleur dut être quotidiennement visitée au moins trente fois, et nous savons que la même fleur demeure ouverte pendant plusieurs jours. La fréquence des visites des abeilles est encore démontrée quelquefois, par la manière dont leurs tarses crochus déchirent les pétales ; j'ai vu de grandes plates-bandes de Mimulus, de Stachys et de Lathyrus dont la beauté florale était ainsi sérieusement atteinte.

Perforation de la corolle par les abeilles. — J'ai déjà fait allusion à ce que les abeilles pratiquent des trous dans les fleurs pour atteindre le nectar. Elles agissent [* souvent] ainsi, avec des espèces tant indigènes qu'exotiques, dans diverses [* de nombreuses] parties de l'Europe, aux États-Unis et sur l'Himalaya, et probablement aussi dans toutes les parties du monde. Les plantes dont la fécondation dépend de la pénétration des insectes dans les fleurs ne donneront pas de graines si le nectar est enlevé par l'extérieur, et même, pour les espèces qui sont capables d'autofécondation sans aucun secours du dehors, il ne peut exister de fécondation croisée possible, or nous savons que c'est là une grande source de dommages dans le plus grand nombre des cas. L'extension que les bourdons donnent à cette pra-

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pratique de la perforation de la corolle est surprenante : j'en observai un cas remarquable près de Bournemouth, où existaient des landes très-étendues. Je faisais une longue promenade et de temps en temps je cueillais un rameau d'Erica tetralix ; quand j'en eus une poignée, j'examinai toutes les fleurs avec ma loupe. Ce procédé fut renouvelé fréquemment, et, quoique j'en eusse examiné plusieurs centaines, je ne réussis pas à trouver une seule corolle qui n'eût été perforée. Les bourdons avaient, en leur temps [* contresens : à ce moment-là], sucé ces fleurs à travers ces trous. Le jour suivant, dans une autre lande, un grand nombre de fleurs fut examiné avec le même résultat, mais là les abeilles avaient sucé à travers les trous. Ce cas est, de tous, le plus remarquable, en ce sens que [* contresens : est d'autant plus remarquable que] ces trous innombrables avaient été pratiqués dans la durée d'une quinzaine de jours, car avant ce temps j'avais vu les abeilles sucer partout à la manière ordinaire, par la gorge de la corolle. Dans un grand jardin à fleurs, plusieurs grandes couches de Salvinia [* erreur : Salvia] grahami, de Stachys coccinea et de Pentstemon argutus (?) avaient toutes leurs fleurs percées ; j'en examinai un grand nombre. J'ai trouvé des champs entiers de trèfle rouge ( Trifolium pratense) dans le même état. Le docteur Ogle a constaté que 90 pour 100 des fleurs de Salvia glutinosa avaient été perforées. Aux États-Unis, M. Bailey dit qu'il est difficile de trouver un bouton [* erreur : une fleur] de Gerardia pedicularia (plante indigène) non percé, et M. Gentry, en parlant du Wistaria sinensis introduit en Amérique, dit « que presque chaque fleur avait été perforée 1 . »

Autant que j'ai pu le voir, ce sont toujours les bourdons qui pratiquent les premiers trous, et ils sont bien disposés à ce travail par la possession de deux puissantes mandibules ; mais ensuite les abeilles profitent de ces ou-

1 Dr Ogle, Pop. Science Review, juillet 1869, p. 267. Bailey, American Naturalist, novembre 1873, p. 690. Gentry, ibid., mai 1875, p. 264.

438 HABITUDES DES INSECTES. CHAP. XI

vertures. Le docteur H. Müller, cependant, m'écrit que les abeilles opèrent quelquefois elles-mêmes dans les fleurs d'Erica tetralix. Aucun autre insecte que l'abeille, si ce n'est exceptionnellement la guêpe [* contresens : avec pour seule exception la guêpe (with the single exception of wasps)] pour le cas du Tritoma, n'a assez de sens, autant que j'ai pu l'observer, pour profiter des trous déjà pratiqués. Les bourdons eux-mêmes ne découvrent pas toujours qu'il leur serait avantageux de perforer certaines fleurs. Il existe dans le nectaire du Tropæolum tricolor une abondante provision de nectar, cependant j'ai toujours trouvé [* contresens : j'ai trouvé], et dans plus d'un jardin, cette plante intacte, tandis que les fleurs d'autres plantes avaient été largement perforées ; mais, il y a plusieurs années, le jardinier de sir John Lubbock m'assura avoir vu des bourdons perforant les nectaires de [* oubli : de ce] Tropæolum. Müller a vu des bourdons essayant de sucer, par la gorge de la corolle, les fleurs des Primula elatior et de l'Ancolie, et, comme ils ne pouvaient y atteindre, ils pratiquèrent des trous dans la corolle ; mais ils la perforent également alors que sans beaucoup de peine ils pourraient: obtenir le nectar d'une manière légitime par l'ouverture naturelle de la corolle.

Le docteur Ogle m'a fait connaître un cas curieux. Il cueillit en Suisse cent tiges florales de la variété bleue commune de l'Aconit (Aconitum napellus) dont pas une seule fleur n'était perforée ; il cueillit ensuite cent inflorescences d'une variété blanche végétant dans le voisinage, et chacune des fleurs épanouies portait son ouverture artificielle. Cette surprenante différence dans l'état des corolles doit être attribuée avec beaucoup de probabilité à ce que la variété bleue est désagréable comme goût aux abeilles, à cause de la présence de la matière âcre qui est si généralement répandue dans les Renonculacées, tandis qu'elle disparaît dans la variété blanche en même temps que la teinte bleue. D'après Sprengel 1 , cette plante est fortement proté-

1 Das Entdeckte, etc., p. 278.

CHAP. XI PERFORATION DE LA COROLLE. 439

randre. Elle serait donc stérile plus ou moins si les abeilles ne transportaient le pollen des fleurs jeunes aux vieilles. Conséquemment, les variétés blanches dont les fleurs sont toujours percées au lieu d'être visitées normalement par les abeilles, ne devraient pas donner toutes leurs graines et seraient de fait relativement rares ; or le docteur Ogle m'informe que c'est ce qui arrive.

Les abeilles montrent beaucoup d'habileté dans leur travail, car elles pratiquent toujours leurs ouvertures à l'endroit même où le nectar se trouve caché dans la corolle. Toutes les fleurs d'une grande couche de Stachys coccinea avaient une ou deux fentes situées à la partie supérieure de la corolle et près de sa base [* (note : la base est ici la partie supérieure de la corolle)]. Les fleurs d'un Mirabilis et d'un Salvia coccinea furent perforées de la même manière, tandis que celles du Salvia grahami, dans lesquelles le calice est plus allongé, portaient invariablement des ouvertures au calice et à la corolle tout à la fois. Les fleurs de Pentstemon argutus sont plus larges que celles des plantes que nous venons de nommer, et deux trous à côté l'un de l'autre avaient été toujours pratiqués juste au-dessus du calice. Dans ces nombreux [* contresens : divers] cas les perforations furent faites sur la face supérieure, mais dans l'Antirrhinum majus un ou deux trous étaient pratiqués à la face inférieure, tout-près de la petite protubérance qui représente le nectaire, et par conséquent immédiatement en face et tout près du lieu où le nectar est sécrété.

Mais le fait plus remarquable d'habileté et de jugement qui me soit connu, est celui de la perforation des fleurs du Lathyrus sylvatris [* erreur : sylvestris] tel que l'a décrit mon fils Francis 1 . Le nectar, dans cette plante, est enfermé dans un tube constitué par les étamines soudées et qui entourent le pistil si étroitement qu'une abeille est forcée d'introduire sa trompe en dehors de ce tube ; mais deux passages arrondis ou orifices [* oubli : naturels] sont laissés dans le tube auprès de sa base, afin que

1 Nature, 8 janvier 1874, p. 189.

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le nectar puisse être atteint par les abeilles. Mon fils a trouvé dans seize fleurs sur vingt-quatre de cette plante, et dans onze sur seize appartenant au pois cultivé perpétuel (qui est une variété de la même espèce ou d'une [* contresens : ou une] espèce très-proche), que l'orifice gauche est plus grand que le droit. De là découle ce fait important : les bourdons font des trous à travers l'étendard, et ils opèrent toujours du côté gauche vers l'orifice qui est [* oubli : généralement] le plus grand des deux.

Mon fils fait cette remarque : « Il est difficile de dire comment les abeilles peuvent avoir acquis cette habitude : ont-elles découvert l'inégalité dans les dimensions des orifices du nectar en suçant les fleurs à la manière ordinaire, et ont-elles alors utilisé cette connaissance pour déterminer le point où le trou doit être pratiqué, ou bien ont-elles trouvé la meilleure situation en perforant l'étendard sur plusieurs points, et retenu ensuite cette situation en visitant d'autres fleurs ? Dans l'un comme dans l'autre cas elles montrent une remarquable puissance d'utilisation des faits acquis par expérience. » Il semble probable que les abeilles doivent leur habileté à pratiquer des trous dans les fleurs de toutes sortes, à ce qu'elles se sont longtemps livrées instinctivement au moulage des cellules et des gâteaux de cire ou à l'agrandissement de leurs cocons avec des tubes de cire, car elles sont ainsi forcées de travailler le même objet à l'intérieur et à l'extrérieur.

Dans la première partie de l'été 1857, je fus conduit à observer, pendant quelques semaines, plusieurs rangées du haricot [* rouge] d'Espagne (Phaseolus multiflorus) en vue de connaître la fécondation de cette plante, et chaque jour je pus voir des abeilles et des bourdons suçant les fleurs par leur gorge. Mais, un jour, je trouvai plusieurs bourdons occupés à perforer une corolle après l'autre, et, le jour suivant, chaque abeille, sans exception, au lieu de s'abattre sur l'aile gauche et de sucer la fleur de la manière convenable, volait droit et sans la moindre hésitation au calice

CHAP. XI PERFORATION DE LA COROLLE. 441

pour sucer le nectar à travers les trous pratiqués 24 heures avant par les bourdons ; elles continuèrent à agir ainsi pendant plusieurs jours suivants 1 . M. Belt m'a communiqué (28 juin [* erreur : 28 juillet] 1874) un fait en tout semblable, avec celle seule différence que moins de la moitié des corolles avaient été perforées par les bourdons, et néanmoins toutes les abeilles cessèrent de sucer les fleurs par leur ouverture naturelle et visitèrent exclusivement celles qui étaient percées. Comment les abeilles s'aperçurent-elles si rapidement que des ouvertures avaient été pratiquées ? L'instinct semble être ici hors de question, puisque la plante est exotique. Ces trous ne peuvent être vus par les abeilles lorsqu'elles sont sur les ailes [* (note : sur les pétales appelés 'ailes')] où elles s'abattaient toujours antérieurement. D'après la facilité avec laquelle les abeilles furent trompées par l'enlèvement des pétales du Lobelia erinus, il était clair que, dans ce cas, elles ne furent pas conduites au nectar par son parfum et il est douteux qu'elles aient été attirées aux trous de ces fleurs de Phaseolus par l'odeur qui s'en échappait. Sentirent-elles les ouvertures avec leurs [* proboscites ou trompes] par le toucher en suçant les fleurs à la manière ordinaire et alors comprirent-elles qu'elles gagneraient du temps à s'abattre sur l'extérieur de la fleur et à se servir de ces trous ? C'est là un acte de raisonnement qui parait trop profond pour une abeille ; il est plus probable qu'ayant vu les bourdons à l'œuvre et ayant compris ce qu'ils faisaient, elles les imitèrent et tirèrent avantage de l'emploi de ce petit-passage [* contresens : raccourci (chemin plus court)] vers le nectar. Même chez les animaux haut placés dans la série, comme les singes, nous éprouverions quelque surprise à apprendre que les individus d'une espèce ont, dans l'espace de vingt-quatre heures, compris un acte accompli par une autre espèce et en ont profité.

J'ai fréquemment observé dans plusieurs espèces de fleurs que toutes les abeilles et les bourdons qui suçaient à travers les perforations, volaient vers elles, sans la moindre hési-

1 Gardeners' Chronicle, 1857, p. 725.

442 HABITUDES DES INSECTES. CHAP. XI

tation, au-dessus comme au-dessous de la corolle, ce qui montre combien la même connaissance se répand promptement parmi les individus d'une localité 1 . Cependant ici l'habitude intervient dans une certaine mesure, comme dans bien d'autres opérations des abeilles. Le docteur Ogle, MM. Farrer et Belt ont observé, dans le cas du Phaseolus multiflorus 2 , que certains individus viennent seulement aux parties perforées, tandis que d'autres de la même espèce pénètrent dans les fleurs [* oubli : uniquement] par leur ouverture. Je notai exactement le même fait, en 1861, sur le Trifolium pratense. La force de l'habitude est si persistante, que lorsqu'une abeille qui visite les fleurs perforées en rencontre une qui ne l'est pas, elle ne se rend pas à l'ouverture, mais s'envole immédiatement à la recherche d'une autre corolle percée. Néanmoins, je pus voir une fois un bourdon visiter l'hybride Rhododendron azaloides, et pénétrer dans quelques fleurs par l'ouverture, tandis que sur d'autres il pratiquait des trous. Le docteur H. Müller m'informe que dans la même région il a vu plusieurs individus du Bombus mastrucatus percer la corolle et le calice du Rhinanthus alecterolophus, et d'autres la corolle seulement. On peut cependant observer différentes espèces d'abeilles agissant différemment dans le même temps sur la même plante. J'ai vu des abeilles sucer par leur ouverture naturelle les fleurs du haricot commun, des bourdons d'une espèce opérer par les trous percés à travers le calice, et d'autres d'une

1 J'ai observé, l'an dernier (1876), dans le jardin botanique de Nancy, une série d'inflorescences de divers Digitalis dont toutes les leurs portaient fort uniformément une large perforation située sur le côté gauche de la corolle. Ces ouvertures avaient été pratiquées par des bourdons, mais les abeilles que je vis à l'oeuvre s'en servaient sans hésiter pour sucer le nectar. Je les observai pendant plusieurs jours et je constatai qu'elles ne cherchaient jamais l'ouverture à droite et que jamais non plus elles ne pénétraient normalement dans la fleur par son ouverture naturelle. Leur travail s'opérait avec une rapidité étonnante. (Traducteur.)

2 Docteur Ogle, Pop. Science Review, avril 1870, p. 167. M. Farrer, Annals and Mag. of Nat. Hist., 4e série, vol. II, 1868, p. 258. M. Belt in litteris.

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espèce différente sucer les petites gouttes de liqueur excrétées par les stipules. M. Beal du Michigan m'informe que les fleurs de la groseille du Missouri (Ribes aureum) abondent en nectar au point que les enfants le sucent souvent, et il a vu les abeilles butiner à travers les trous faits par un oiseau, le Loriot, tandis que dans le même temps des bourdons suçaient à la manière ordinaire par la gorge des fleurs 1 . Ce fait concernant le Loriot me rappelle ce que j'ai dit de certaines espères d'oiseaux mouches perforant les fleurs de Brugmansia, tandis que d'autres espèces pénètrent par la gorge.

Le motif qui pousse les abeilles à pratiquer des ouvertures à travers la corolle parait être l'économie de temps, car elles en perdent beaucoup en grimpant au dedans et au dehors des fleurs et en introduisant de force leur tête dans celles qui sont fermées. Dans le Stachys et dans le Pentstemon, en s'abattant sur la face supérieure de la corolle et suçant à travers les trous perforés au lieu d'y pénétrer à la manière ordinaire, elles furent capables de visiter à peu près deux fois autant de fleurs que je l'aurais pu juger [* contresens : pour autant que j'aie pu en juger]. Cependant chaque abeille, avant d'avoir acquis beaucoup de pratique doit perdre beaucoup de temps [* contresens : perdre quelque temps] à faire chaque nouvelle perforation, surtout lorsque cette ouverture doit être pratiquée à la fois à travers la corolle et le calice. Cette pratique indique donc une certaine prévision, qualité dont nous avons de nombreuses preuves dans leurs opérations architecturales ; et ne pourrions-nous pas admettre, de plus, que quelque trace de leur instinct social, c'est-à-dire de ce besoin d'être utiles aux autres membres de la communauté, puisse trouver ici sa place ?

Il y a quelques années, je fus frappé de ce fait que,

1 Les fleurs du Ribes sont quelquefois perforées par les bourdons, et M. Bundy dit que ces insectes peuvent percer sept fleurs et les vider de leur nectar dans l'espace d'une minute (American Naturalist, 1876, p. 238).

444 HABITUDES DES INSECTES. CHAP. XI

règle générale, les bourdons perforent les fleurs seulement lorsque celles-ci se trouvent en grand nombre côte à côte. Dans un jardin où se trouvaient quelques couches très-grandes de Stachis coccinea et de Pentstemon argutus, chaque fleur était percée, mais je trouvai deux plants de la première espèce vivant très-éloignés, dont les pétales dilacérés [* contresens : pétales égratignés], témoignaient de la visite fréquente des abeilles, et cependant aucune fleur n'avait été perforée. Je trouvai également un plant séparé de Pentstemon dans les corolles duquel je vis pénétrer naturellement des abeilles, et pas une fleur n'était perforée. L'année suivante (1842), je visitai plusieurs fois le même jardin : le 19 juillet des bourdons suçaient les fleurs du Stachys coccinea et du Salvia Grahami à la manière normale, et pas une corolle ne portait de trous. Le 7 août, toutes les fleurs étaient perforées, même celles de quelques plants de Salvia qui vivaient à une petite distance de la grande couche. Le 21 août, quelques fleurs seulement du sommet des épis de deux espèces restaient intactes et aucune d'elles ne fut plus perforée. De plus, dans mon propre jardin, chaque plant appartenant à plusieurs rangées de haricot commun portait plusieurs fleurs perforées ; mais je trouvai dans les parties éloignées dudit jardin trois plants qui y avaient levé accidentellement, et ceux-là n'avaient pas une seule fleur percée. Le général Strachey avait vu antérieurement beaucoup de fleurs perforées dans un jardin de l'Himalaya : il écrivit au propriétaire de s'assurer [* contresens : pour s'enquérir] si cette relation entre l'entassement des plantes et leur perforation était réelle dans ce pays, et il lui fut répondu affirmativement. Il suit de là que le trèfle rouge (Trifolium pratense) et le haricot commun, quand ils sont cultivés en grande masse, l'Erica tetralix qui végète en grandes touffes dans les landes, les rangées du haricot d'Espagne dans les jardins potagers et. un grand nombre d'espèces [* contresens : des massifs de n'importe quelle espèce] dans les jardins à fleurs, sont tous parfaitement disposés pour la perforation [* contresens : extrêmement susceptibles à être perforés (eminently liable to be perforated)].

CHAP. XI PERFORATION DE LA COROLLE. 445

L'explication de ce fait n'est point difficile. Les fleurs réunies en grand nombre constituent pour les abeilles un riche butin très-visible à une grande distance ; elles sont donc visitées par des nuées de ces insectes, et j'ai compté une fois environ vingt ou trente abeilles volant au dessus d'une couche de Pentstemon. Par rivalité, ces insectes sont stimulés à un travail rapide, et ce qui est [* oubli : beaucoup] plus important, ils trouvent une grande quantité de ces fleurs, ainsi que l'a avancé mon fils 1 , dépouillées de nectar par succion antérieure. Comme ils perdent alors beaucoup de temps à scruter des fleurs vides, ile se trouvent ainsi conduits à percer des trous afin d'arriver aussi promptement que possible à savoir s'il y a du nectar et à l'obtenir quand il en existe.

Les fleurs qui sont partiellement ou complètement stériles en dehors de la visite normale des insectes, comme celles du plus grand nombre des espèces de Salvia, de Trifolium pratense, de Phaseolus multiflorus, etc., doivent manquer plus ou moins complètement de produire des graines quand [* si] les abeilles bornent leur action à la perforation [* contresens : limitent leurs visites aux perforations]. Les fleurs perforées, dans les espèces capables de se féconder elles-mêmes, ne donneront que des semences autofécondées et les semis qui en viendront seront en conséquence moins vigoureux. Donc toutes les plantes ont à souffrir, à un degré quelconque, de ce que les abeilles obtiennent leur nectar d'une manière détournée en pratiquant des trous à travers la corolle, et beaucoup d'espèces, on peut l'admettre [* contresens : on pourrait le penser], devraient ainsi disparaître. Mais ici, comme cela se produit généralement dans la nature, il existe une tendance vers le rétablissement de l'équilibre. Si une plante souffre de son état de perforation, un moins grand nombre d'individus arrive à développement, et comme le nectar est [* oubli : hautement] important pour les abeilles, celles-ci à leur tour souffriront et leur nombre décroîtra ; mais (ce qui est plus efficace), aussitôt que les plantes deviennent

1 Nature, 8 janvier 1874, p. 189.

446 HABITUDES DES INSECTES, ETC.  CHAP. XI

assez rares pour ne plus s'accroître en touffes, les abeilles n'étant plus poussées à percer les fleurs, y pénètrent naturellement. Une plus grande quantité de graines sera ainsi produite et les semis issus de la fécondation croisée devenant alors plus vigoureux, l'espèce tendra à augmenter en nombre jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau réduite dès que les plants se réuniront- encore en grandes masses.

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CHAPITRE XII.

Résultats généraux.

Preuves des avantages de la fécondation croisée et des dommages causés par l'autofécondation. — Des espèces voisines diffèrent beaucoup par les moyens propres à y favoriser la fécondation croisée et à en éloigner l'autofécondation. — Les avantages et les dommages entraînés par ces deux procédés dépendent du degré de différenciation des éléments sexuels. — Les effets préjudiciables ne sont pas dus aux [* oubli : combinaisons des] tendances morbides des parents. — Nature des conditions auxquelles les plantes sont assujetties lorsqu'elles végètent rapprochées ou à l'état naturel ou dans des conditions culturales ; effets de pareilles conditions. — Considérations théoriques sur l'action réciproque des éléments sexuels différenciés. — Déductions pratiques. — Génèse des deux sexes. — Concordance entre les effets de la fécondation croisée et de l'autofécondation, et ceux des unions légitimes et illégitimes dans les plantes hétérostylées, en comparaison avec les unions hybrides.

La première et la plus importante des conclusions à tirer des observations consignées dans ce livre est que la fécondation croisée reste généralement avantageuse et l'autofécondation préjudiciable. Cette proposition se trouve démontrée par la différence en hauteur, en poids. en vigueur constitutionnelle et en fécondité entre la descendance des fleurs soit croisées, soit autofécondées, comme par le nombre des semences que produisent les plants générateurs. Pour ce qui touche à la seconde partie de cette proposition, c'est-à-dire au préjudice généralement causé par l'autofécondation, nous en avons des preuves abondantes. La structure des fleurs dans des plantes telles que les Lobelia ramosa, Digitalis purpurea, rend l'intervention des insectes presque indispensable à leur fécondation, et si nous

448 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

nous rappelons la prépondérance que possède le pollen d'un individu distinct sur celui du même individu, de pareilles plantes doivent certainement avoir été croisées, sinon dans toutes, au moins dans plusieurs [* contresens : de nombreuses] générations antérieures. En raison même de la prépondérance d'un pollen étranger, il doit en être ainsi dans les choux et dans diverses autres plantes dont les variétés s'entrecroisent presque invariablement  quand elles vivent ensemble. La même déduction peut être tirée avec plus [* contresens : encore plus] de sûreté, pour ce qui concerne les plantes qui, comme le Réséda et l'Eschscholtzia, sont stériles avec leur pollen, mais fertiles sous l'influence de celui d'un autre individu. Ces nombreuses [* contresens : Ces différentes] plantes doivent donc avoir été croisées pendant une longue série de générations antérieures, et les croisements artificiels résultant de mes expériences ne peuvent pas avoir augmenté la vigueur de la descendance au delà de celle des progéniteurs. Donc, la différence entre les plantes croisées et les autofécondées que j'obtins ne saurait être attribuée à la supériorité des semis croisés, mais bien à l'infériorité résultant dans les autofécondés des effets préjudiciables de l'autofécondation.

Pour ce qui touche à la première proposition, c'est-à-dire aux avantages généralement réalisés par le croisement, nous avons aussi d'excellentes preuves à donner.

Des plants d'Ipomœa furent entre-croisés pendant neuf générations successives, puis ils furent de nouveau entrecroisés et en même temps croisés par un rameau nouveau, c'est-à-dire par une plante provenant d'un autre jardin, et la descendance issue de ce dernier croisement fut en hauteur à celle des plants entre-croisés comme 100 est à 78, et en fécondité comme 100 est à 51. Une expérience analogue faite sur l'Eschscholtzia donna un résultat semblable pour ce qui touche à la fécondité. Dans aucun de ces cas, ces plantes ne furent le produit de l'autofécondation. Des plants de Dianthus furent autofécondés pendant

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trois générations, ce qui leur fut certainement préjudiciable ; mais lorsque ces plants furent fécondés par un rameau nouveau ou par des sujets entre-croisés appartenant à la même souche, il y eut, entre les deux séries de semis, une grande différence comme fécondité et une légère comme hauteur. Le Pétunia présente un cas presque parallèle. Pour plusieurs autres plants [* erreur : plantes], les effets remarquables d'un croisement avec un rameau nouveau peuvent être saisis dans le tableau C. Plusieurs mémoires ont été publiés 1 sur l'accroissement extraordinaire que prennent les semis résultant d'un croisement entre deux variétés de la même espèce, dont quelques-unes sont reconnues incapables d'autofécondation ; de sorte qu'ici ni la fécondation directe, ni la parenté, même à un degré éloigné, ne peuvent entrer en ligne de compte. Nous pouvons donc conclure que les deux propositions ci-dessus sont vraies, à savoir que la fécondation croisée est généralement avantageuse à la descendance, tandis que la fécondation directe lui est nuisible.

C'est certainement un fait surprenant que de voir certaines plantes, telles par exemple que Viola tricolor, Digitalis purpurea, Sarothamnus scoparius, Cyclamen persicum, etc., qui avaient été naturellement croisées pendant plusieurs générations, souffrir à un extrême degré d'un seul acte d'autofécondation. Rien de ce genre n'a été observé dans nos animaux domestiques, mais nous ne devons pas perdre de vue que le croisement le plus rapproché possible entre animaux placés dans des conditions semblables, c'est-à-dire entre frères et sœurs, ne peut être considéré comme une union aussi intime que celle qui résulte du contact du pollen et des ovules de la même fleur. Nous ne savons pas encore si le dommage résultant de l'autofécondation va en s'accroissant pendant les généra-

1 Voir Variation under Domestication, etc., ch. XIX, 2e édition, vol. II, p. 159.

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tions successives, mais nous pouvons déduire de mes expériences que cette augmentation est loin d'être rapide. Après que les plants ont été propagés par autofécondation pendant plusieurs générations, un simple croisement avec un rameau nouveau ramène en eux leur vigueur primitive, et nous avons de ce fait un résultat analogue dans nos animaux domestiques 1 . Les effets avantageux de la fécondation croisée sont transmis dans les plantes à la génération suivante, et, si nous en jugeons par ce qui se passe dans les variétés de pois commun, aux nombreuses générations qui suivent. Mais ce résultat peut être attribué simplement à ce que les plants croisés de la première génération sont extrêmement vigoureux et transmettent leur force, comme leurs autres caractères, à leurs successeurs.

Malgré le dommage qui résulte pour plusieurs [* contresens : de nombreuses] plantes de l'autofécondation, elles peuvent être propagées de cette manière, dans des conditions défavorables [* contresens : favorables], pendant plusieurs générations, comme le montrent quelques-unes de mes expériences, et comme le prouve surtout la persistance vitale, pendant au moins un demi-siècle, des mêmes variétés du pois commun et du pois de senteur. La même conclusion s'applique probablement aux nombreuses [* contresens : probablement à plusieurs] autres plantes exotiques, qui ne sont jamais ou que très-rarement croisées dans leur pays d'origine [* contresens : dans ce pays (en Angleterre)]. Mais toutes ces plantes, aussi loin que l'expérience ait été poussée [* contresens : pour autant que l'expérience ait été faite], profitent toujours [* contresens : profitent beaucoup] d'un croisement par un rameau nouveau. Quelques plantes, comme l'Ophrys apifera, par exemple, ont certainement été propagées, à l'état naturel, pendant des milliers de générations sans avoir subi un seul entrecroisement, et nous ignorons si elles profiteraient d'un croisement avec un rameau nouveau. Mais de semblables cas ne peuvent jeter aucun doute sur [* contrsens : ne devraient pas nous faire douter de] l'avantage du croisement en tant que règle générale, pas plus que l'existence de

1 Variation under Domestication, etc., ch. XIX, 2e édition, vol. II, p. 159.

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plantes qui, à l'état naturel, se reproduisent exclusivement par rhizomes, stolons, etc. 1 (leurs fleurs ne produisant pas de semences) ne peut nous porter à douter que la génération par graines présente quelques bénéfices, puisque c'est le mode de propagation le plus communément employé par la nature. Quelques espèces se seraient-elles reproduites asexuellement depuis une période très-éloignée, voilà ce que nous ne pouvons affirmer. Le seul moyen que nous ayons de nous former un jugement sur ce point est la persistance, dans nos arbres fruitiers, de variétés qui sont depuis longtemps propagées par greffes et boutures. Andrew Knight soutint autrefois que dans ces conditions les plantes s'affaiblissent toujours, mais cette conclusion a été énergiquement combattue par d'autres observateurs. Un juge compétent et récent, le professeur Asa Gray 2 , a adopté l'opinion de Knight, laquelle me parait être, d'après toutes les preuves que j'ai pu colliger, la manière de voir la plus probable, malgré les nombreux faits qui la contredisent.

Les moyens propres à favoriser la fécondation croisée et à prévenir l'autofécondation, ou inversement à favoriser la fécondation directe et à prévenir le croisement dans une certaine mesure, sont remarquablement diversifiés, et il est étrange qu'ils diffèrent complètement dans des plantes très-rapprochées 3 , par exemple parmi les espèces d'un même genre et quelquefois parmi les individus de la même espèce. Il n'est pas rare de rencontrer, dans le même genre, des plantes hermaphrodites et d'autres ayant leurs sexes séparés ; il est commun de voir quelques-unes des

1 J'en ai relaté plusieurs cas dans ma Variation under Domestication, etc., ch. XVIII, 2e édition, vol. II, p. 152.

2 Darwiniana : Essays and Reviews pertaining to Darwinism, 1876, p. 338.

3 Hildebrand a fortement insisté sur ce point dans ses importantes observations sur la fécondation des Graminées (Monatsbericht K. Akad. Berlin, october 1872, p. 763).

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espèces dichogames et d'autres non dichogames mûrir simultanément leurs éléments sexuels. Le genre Saxifrage, qui est dichogame, renferme certaines espèces protérandres et certaines autres protérogynes 1 . Plusieurs genres renferment à la fois des espèces hétérostylées (à formes dimorphes ou trimorphes) et des espèces homostylées. L'Ophrys offre un remarquable exemple d'une espèce dont la structure est manifestement adaptée à l'autofécondation et d'autres espèces tout aussi manifestement disposées pour la fécondation croisée. Quelques espèces congénères sont complètement stériles et d'autres tout à fait fécondes avec leur propre pollen. Sous l'influence de ces nombreuses causes, nous trouvons souvent dans le même genre des espèces qui, en dehors de l'action des insectes, ne produisent pas de graines, tandis que d'autres en donnent en abondance. Quelques espères portent à la fois des fleurs cléistogènes qui ne peuvent être croisées et des fleurs parfaites, tandis que d'autres du même genre ne produisent jamais ces fleurs cléistogènes. Certaines espèces existent sous deux formes, dont l'une porte des fleurs remarquables [* voyantes (conspicuous)] adaptées pour la fécondation croisée, et l'autre n'a que des fleurs obscures [* discrètes] disposées pour l'autofécondation, tandis que d'autres espèces du même genre ne revêtent qu'une seule forme. Bien plus, [* contresens : Même] dans les individus de la même espèce, le degré d'autofécondité est sujet à variation, exemple le Réséda. Chez les plantes polygames, la distribution des sexes diffère dans les individus de la même espèce. La période relative à laquelle les éléments sexuels de la même fleur arrivent à maturité diffère dans les variétés du Pélargonium, et Carrière relate plusieurs cas 2 qui montrent combien cette période varie avec la température à laquelle les plantes sont exposées. — Cette diversité extraordinaire dans les procédés propres à favoriser ou à prévenir

1 Docteur Engler, Botanische Zeitung, 1868, p. 833.

2 Des Variétés, 1865, p. 30.

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la fécondation soit croisée soit directe [* soit la fécondation croisée, soit l'autofécondation] dans des formes très-rapprochées, dépend probablement de ce que les deux procédés de fertilisation, quoique très-favorables à l'espèce, sont directement opposés l'un à l'autre [* oubli : par de nombreux aspects] et liés à des conditions variables. L'autofécondation assure la production d'une grande quantité de graines, et la nécessité ou l'avantage de ce procédé dans la plante sera déterminé par la longueur moyenne de la vie [contresens : de ce procédé sera déterminé par la longueur moyenne de la vie de la plante], laquelle dépend [* oubli : largement] de la somme des causes [* contresens : de la quantité] de destruction que peuvent subir [* que subissent] les semences et les semis. Cette destruction est liée aux influences [* est due aux causes] les plus variées et les plus variables, comme la présence des animaux de telles ou telles espèces [* contresens : la présence d'animaux de plusieurs espèces] et l'accroissement [* la croissance] des plantes environnantes. La possibilité de la fécondation croisée dépend surtout de la présence et du nombre des [* contresens : de certains] insectes, souvent du groupe spécial auquel appartiennent ces insectes [* contresens : souvent d'insectes appartenant à des groupes spéciaux] et du degré d'attraction qu'exercent sur eux les fleurs d'une espèce particulière de préférence aux autres, toutes circonstances qui sont très-variables. Du reste [* contresens : De plus], les avantages qui résultent de la fécondation croisée diffèrent beaucoup dans les diverses plantes, il est donc probable que des espèces voisines profiteraient du croisement à un degré différent. Sous ces conditions extrêmement complexes et très-fluctuantes, et avec deux buts en quelque sorte opposés à atteindre, savoir : la propagation assurée de l'espèce et la production d'une vigoureuse descendance croisée, il n'est pas surprenant que des formes alliées présentent une extrême diversité dans les moyens mis en œuvre pour atteindre l'un ou l'autre but. Si, comme on peut le supposer, l'autofécondation est avantageuse à certains égards, quoiqu'elle soit plus que contrebalancée dans ses effets par les avantages résultant d'un croisement avec un rameau nouveau, le problème devient encore plus compliqué.

N'ayant expérimenté que deux fois sur plusieurs espèces d'un même genre, je ne saurais dire si la descendance croisée, dans plusieurs espèces du même genre, diffère

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comme degré de supériorité de celle issue des mêmes espères autofécondées ; mais, d'après ce que j'ai observé dans les deux espères de Lobelia et dans deux individus de la même espèce de Nicotiana, je serais tenté d'admettre que l'expérience démontrerait [* oubli : souvent] l'exactitude de la proposition. Les espèces appartenant à des genres distincts de la même famille diffèrent certainement à ce point de vue. Les effets de la fécondation directe et du croisement peuvent être concentrés ou sur le développement ou sur la fécondité de la descendance, mais généralement ils s'étendent à ces deux propriétés. Il ne semble donc [* supprimer 'donc' : Darwin n'exprime pas de cause à effet] y avoir aucune relation intime entre les degrés auxquels les fleurs des diverses espèces sont adaptées pour le croisement et la manière dont la descendance profite de ce mode de fécondation [* contresens : entre les degrés auxquels les descendants profitent de ce processus], mais sur ce point nous pouvons nous tromper aisément, car il existe, pour assurer la fécondation, deux moyens appropriés qui ne se traduisent pas extérieurement, c'est-à-dire l'autostérilité et le pouvoir prépondérant de fécondation du pollen pris sur un autre individu. Enfin, il a été démontré dans un précédent chapitre, que l'effet d'un croisement et de l'autofécondation sur la fertilité des générateurs ne correspond pas [* oubli : toujours] à celui qui est produit sur la hauteur, sur la vigueur et sur la fécondité de la descendance. La même remarque s'applique aux semis croisés et aux autofécondés lorsqu'ils sont employés comme générateurs. Ce manque de concordance dépend probablement, au moins en partie, de ce que la quantité des graines produites est principalement sous la dépendance du nombre des tubes polliniques qui atteignent les ovules (et cette formation est régie par l'action mutuelle qui s'exerce entre le pollen, la surface stigmatique et sa sécrétion), tandis que l'accroissement et la vigueur constitutionnelle de la descendance sont surtout déterminés, à la fois par le nombre de boyaux polliniques pénétrant les ovules, et par la [oubli : nature de la] réaction qui s'exerce entre le contenu des grains polliniques et celui des ovules.

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Deux autres conclusions importantes peuvent encore être déduites de mes observations : premièrement, que les avantages du croisement ne dépendent pas de quelque propriété mystérieuse résidant dans la simple union de deux individus distincts, mais de ce que ces individus ont été assujettis pendant les générations antérieures à des conditions différentes, ou de ce qu'ils ont subi la variation communément nommée spontanée [* ou de ce qu'ils ont varié de façon communément nommée spontanée], de façon que dans l'un comme dans l'autre cas, leurs éléments sexuels se sont différenciés à un certain degré. Secondement, que le dommage causé par l'autofécondation provient du manque d'une pareille différenciation dans les éléments sexuels. Ces deux propositions sont bien établies par mes expériences. Ainsi, lorsque les plants d'Ipomœa et de Mimulus qui avaient été autofécondés pendant sept générations antérieures et conservés constamment dans les mêmes conditions, furent entre-croisés les uns les autres, la descendance ne profita en rien d'un croisement. Le Mimulus offre un autre cas instructif qui montre que les avantages d'un croisent dépendent du traitement antérieur auquel les générateurs ont été soumis. Des plants, au préalable autofécondés pendant huit générations antérieures, furent croisés par des plants qui avaient subi l'entre-croisement pendant le même nombre de générations, et tous avaient été autant que possible conservés dans les mêmes conditions ; les semis issus provenant de ce croisement vécurent en compétition avec d'autres plants issus de la même plante génératrice autofécondée soumise à un croisement avec un rameau nouveau, et les derniers furent aux premiers en hauteur, comme 100 est à 52 et en fécondité comme 100 est à 4. Sur les Dianthus, il fut pratiqué une expérience exactement parallèle, présentant seulement cette différence que les plants n'avaient été autofécondés que pendant les trois générations précédentes, et le résultat, quoique moins fortement accentué, fut similaire. Les deux cas précédents dans lesquelles les descen-

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dants de l'Ipomœa et de l'Eschscholtzia dérivés d'un croisement par un rameau nouveau, devinrent aussi supérieurs aux plants entre-croisés de la vieille souche que ces derniers le furent aux descendants autofécondés, comportent bien [* contresens : soutiennent fortemnt] les mêmes conclusions. Un croisement avec un rameau nouveau ou avec une autre variété parait être toujours très-avantageux, que les plants générateurs aient été ou non entre-croisés ou autofécondés pendant plusieurs générations antérieures. Ce fait qu'un croisement entre deux fleurs de la même plante reste sans effets avantageux ou n'en produit que fort peu vient aussi fortement corroborer mes conclusions, car les éléments sexuels des fleurs de la même plante peuvent rarement être différenciés, et cependant cette variation est possible, puisque les bourgeons floraux sont, à un certain point de vue, des individus distincts qui varient quelquefois de l'un à l'autre et se différencient soit comme structure soit comme constitution. Donc, cette proposition que le bénéfice résultant du croisement dépend de ce que les plantes qui y sont soumises ont subi pendant plusieurs générations antérieures des conditions légèrement différentes, ou de ce qu'elles ont varié sous l'influence d'une cause inconnue, comme si elles avaient été soumises à ces conditions, se trouve fortement et sûrement étayée de toutes parts.

Avant d'aller plus loin, nous devons examiner l'opinion qui a été soutenue par plusieurs physiologistes, à savoir, que tous les désavantages provenant d'un croisement entre animaux trop rapprochés, et sans doute de l'autofécondation des plantes, sont le résultat de l'augmentation de quelque tendance morbide, de la faiblesse constitutive commune aux générateurs trop rapprochés ou aux deux sexes des plantes hermaphrodites. Incontestablement certains dommages peuvent reconnaître cette cause, mais ce serait en vain qu'on tenterait d'étendre cette manière de voir aux nombreux cas contenus dans mes tableaux. Il est bon

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de rappeler que la [* oubli : même] plante mère avait été à la fois autofécondée et croisée, de sorte que si son état eût été maladif, elle aurait transmis la moitié de ses tendances morbides à sa descendance croisée. Mais on avait choisi, pour l'expérience [* contresens : pour les expériences], des plants en parfaite santé, dont quelques-uns vivaient à l'état sauvage ou furent la descendance immédiate soit de plantes sauvages soit de vigoureuses plantes communes dans les jardins. D'après le nombre des espèces mises en expérience, il ne serait rien moins qu'absurde de supposer que dans tous ces cas les plantes mères, quoique sans apparence maladive, furent faibles on atteintes d'une maladie si particulière que leurs semis autofécondés, au nombre de plusieurs centaines, en sont devenus inférieurs en hauteur, en poids, en vigueur constitutionnelle et en fécondité à leurs descendants croisés. D'ailleurs [* contresens : De plus], cette manière de voir ne peut pas être étendue aux avantages fortement marqués qui, autant que j'en puis juger par mes expériences, résultent immédiatement d'un croisement entre individus de la même variété ou de variétés distinctes, lorsque celles-ci ont été assujetties pendant plusieurs générations à des conditions différentes.

Il est évident que le maintien des deux séries de plantes, pendant plusieurs générations, à des conditions dissemblables peut conduire à des résultats dépourvus de tout avantage pour ce qui touche à un croisement, à moins que leurs éléments sexuels n'aient été affectés par ces conditions. Que chaque organisme soit impressionné dans une certaine mesure par des changements dans les conditions ambiantes, c'est là, je pense, une proposition qui ne sera pas combattue. Sur ce point il est presque superflu de donner des preuves : nous pouvons saisir la différence qui existe entre les individus de la même espèce ayant végété soit un peu plus à l'ombre ou au soleil, soit dans des lieux un peu plus secs ou un peu plus humides. Des plants qui pendant plusieurs générations ont été propagés sous des climats divers

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ou dans différentes saisons de l'année transmettent à leurs semis leurs dissemblances constitutionnelles. Dans ces conditions, la constitution chimique de leurs fluides et la nature de leurs tissus se trouvent souvent modifiées 1 . On pourrait ajouter beaucoup d'autres faits de ce genre. En résumé, chaque altération dans la fonction d'une partie a probablement du retentissement sur d'autres parties, quoique souvent les changements de composition ou de structures soient presque imperceptibles [contresens : chaque altération dans la fonction d'une partie est probablement connectée à un changement, souvent presque imperceptible, dans la composition ou dans la structure].

Tout ce qui affecte un organisme de quelque façon que ce soit, tend à agir sur ses éléments sexuels. Nous en trouvons la preuve dans l'hérédité des nouvelles modifications acquises, telles que celles qui résultent de l'augmentation de l'usage ou du non-usage d'une partie, et même des mutilations pathologiques 2 . Nous avons des preuves surabondantes de la haute susceptibilité de l'appareil reproducteur sous l'influence du changement des conditions dans les nombreux exemples d'animaux rendus inféconds par la captivité (de manière qu'ils ne s'unissent plus ou le font sans produire de descendance) même lorsque la réclusion n'est pas rigoureuse, et dans les plantes rendues stériles par la culture. Mais aucun cas ne met en lumière plus vive l'influence du changement des conditions vitales sur les éléments sexuels que ceux déjà relatés, dans lesquels des plantes qui sont complètement autostériles dans un pays, donnent, quand elles sont transportées dans un autre, même à la première génération, une grande provision de graines autofécondées.

Étant admis que les changements de conditions ont une

1 J'en ai cité de nombreux cas avec renvois dans ma Variation under Domestication, ch. XXIII, 2e édition, vol. II, p. 264. Pour les animaux, M. Brackenridge a bien montré (A Contribution to the Theory of Diathesis, Edinburgh, 1869) que les divers organes des animaux sont excités à une activité différente [* contresens : amenés à différents degrés d'activité] par les modifications dans la température ou dans la nourriture, et finissent par s'adapter, dans une certaine mesure, à ces conditions.

2 Variation under Domestication, ch. XII, 2e édition, vol. I, p. 466.

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action sur les éléments sexuels, peut-on dire jusqu'à quel point [contresens : on peut se demander comment il se fait que] deux ou plusieurs plants vivant très-rapprochés soit dans leur pays d'origine, soit dans un jardin, seront différemment influencés, puisque les conditions auxquelles ils paraissent exposés semblent être les mêmes ? Quoique cette question ait été déjà prise en considération, elle mérite, à divers points de vue, que nous nous y appesantissions.

Dans mes expériences sur le Digitalis purpurea, plusieurs fleurs d'un plant sauvage [* oubli : furent autofécondées] et d'autres furent croisées avec le pollen d'un autre plant végétant à deux ou trois pieds de distance. Les plants croisés et les autofécondés issus des semences ainsi obtenues produisirent des inflorescences dont le nombre fut comme 100 est à 47, et la hauteur moyenne comme 100 est à 70. Donc, le croisement entre ces deux plants fut très-ouvertement avantageux ; mais comment leurs éléments sexuels purent-ils être différenciés par une exposition à des conditions différentes ? Si les générateurs de ces deux plants avaient vécu dans le même lieu pendant les vingt dernières générations, et n'avaient jamais été croisés par aucun plant situé en dehors de la distance de quelques pieds, selon toute probabilité leur descendance eût êté réduite au même état que quelques-uns de mes plants d'expérience (comme les sujets entre-croisés de la neuvième génération de l'Ipomœa, ou les plants autofécondés de la huitième génération du Mimulus, ou la descendance issue des fleurs d'un même plant), et, dans ce cas, un croisement entre les deux plants de Digitale fût resté sans bons effets. Mais les graines sont souvent dispersées à une grande distance par les moyens naturels, et l'un des deux plants ci-dessus ou un de leurs ancêtres peut être venu de très-loin [* contresens : de plus loin] et d'un lieu plus ombragé ou plus éclairé, plus sec ou plus humide, ou encore d'un sol de nature différente contenant d'autres matières organiques ou inorganiques. Nous savons par les admirables recherches de

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MM. Lawes et Gilbert 1 , que diverses plantes demandent et consomment des quantités très-différentes de matières organiques [contresens : matières inorganiques]. Mais le total des matières renfermées dans un sol ne détermine probablement pas entre les nombreux individus d'une même espèce une si grande différence qu'on pourrait le croire d'abord, car les espèces environnantes, dont les exigences sont dissemblables, devraient tendre, en raison de ce qu'elles existent en plus ou moins grand nombre, à conserver chaque espèce dans une sorte d'équilibre, au point de vue de ce qu'elles pourraient obtenir du sol. Il devrait en être de même pour [* contresens : Il devrait en être ainsi même pour] ce qui touche à l'humidité pendant les saisons sèches, et la puissante influence que possède une plus ou moins grande quantité d'eau dans le sol sur la présence ou la distribution des plantes, est souvent bien démontrée dans les pâturages qui retiennent encore des traces d'anciennes rides et de sillons. Néanmoins, comme le nombre proportionnel des plantes environnantes est rarement le même exactement dans deux lieux voisins, deux individus de la même espèce y seront assujettis à des conditions quelque peu différentes en raison de ce qu'ils peuvent absorber dans le sol. Il est surprenant de voir jusqu'à quel point le libre développement d'une série de plantes affecte celles qui peuvent vivre mêlées à elles. Je laissai s'accroître les plantes contenues dans un mètre carré environ de gazon qui avait été régulièrement fauché pendant plusieurs années, et neuf espèces sur vingt disparurent ; mais j'ignore si ce résultat fut dû entièrement à ce que certaines espères privèrent les autres de nourriture.

Des graines dorment quelquefois pendant plusieurs années sous terre et germent lorsqu'elles sont apportées près de la surface par un moyen quelconque, par les animaux qui se creusent un terrier par exemple. Elles doivent probablement être affectées par cette simple condition

1 Journal of the Royal Agricultural Soc. of England, vol. XXIV, part. I.

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du sommeil longtemps prolongé, car les jardiniers croient que les production des fleurs doubles et des fruits est soumise à cette influence. Du reste [* contresens : De plus], des graines mûries en des saisons différentes seront assujetties pendant la durée de leur développement à des degrés différents de chaleur et d'humidité.

Dans le dernier chapitre, j'ai montré que le pollen est souvent transporté de plante à plante [* oubli : par les insectes] à des distances considérables. Donc, un des parents ou un des ancêtres des [* contresens : de nos] deux plants de Digitale peuvent avoir été croisés par une plante éloignée vivant dans des conditions légèrement différentes. Des plantes ainsi croisées produisent souvent une quantité de graines inaccoutumée : un exemple frappant de ce fait nous est fourni par le Bignonia déjà relaté, qui, fécondé par Fritz Müller avec le pollen des plants voisins, ne donna que quelques graines à peine, mais qui, après fertilisation par le pollen d'un plant éloigné, devint très-fécond. Les semis issus d'un croisement de cette nature s'accroissent très-énergiquement, et transmettent leur vigueur à leurs descendants. Ceux-là donc, dans la lutte pour l'existence, arriveront à battre et à exterminer les plants qui se sont longtemps développés dans les mêmes conditions et tendront ainsi à s'accroître.

Quand on croise deux variétés présentant quelques différences bien marquées, leurs descendants de la dernière génération diffèrent beaucoup les uns des autres comme caractères extérieurs : ce résultat est attribuable à l'augmentation ou à la disparition de quelques-uns de ces caractères et à la réapparition des premiers par atavisme [contresens : à la réapparition par atavisme de caractères disparus], et il doit en être de même, nous pouvons en être presque assurés, de quelques [* contresens : toutes les] légères différences de constitution dans leurs éléments sexuels. Quoi qu'il en soit, mes expériences indiquent que le croisement des plantes qui ont été longtemps assujetties à des conditions semblables ou presque semblables [* contresens : à des conditions presque quoique pas tout à fait semblables], constitue le plus puissant des moyens propres à retenir quelques degrés

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de différenciation dans les éléments sexuels, ainsi que le démontre la supériorité dans les dernières générations des plants entre-croisés sur les autofécondés. Néanmoins, l'entre-croisement continu des plantes soumises à ces conditions tend à faire disparaître cette différenciation, ainsi qu'on peut le déduire de l'amoindrissement des bénéfices dérivés d'un entre-croisement en opposition avec leur augmentation à la suite d'un croisement avec un rameau nouveau. Il semble probable, je dois l'ajouter ici, que les semences ont acquis leurs innombrables et curieuses adaptations pour une large dissémination 1 , non-seulement parce que les semis sont ainsi rendus capables de trouver un habitat nouveau et convenable, mais aussi parce que les individus assujettis aux mêmes conditions peuvent ainsi profiter accidentellement d'un entre-croisement avec un rameau nouveau.

Des considérations précédentes nous pouvons, je crois, conclure que dans les deux cas ci-dessus, fournis par la Digitale, et même dans celui des plantes qui se sont accrues pendant plusieurs milliers de générations dans la même localité (comme cela doit se présenter pour les espèces à aires très-restreintes), nous sommes portés à exagérer l'identité absolue des conditions auxquelles les individus ont été soumis. Nous pouvons, en effet, au moins admettre sans difficulté que de semblables plantes ont été assujetties à des conditions suffisamment distinctes pour que leurs éléments sexuels en aient été différenciés, car nous savons qu'une plante propagée pendant plusieurs générations dans un autre jardin de la même contrée, joue le rôle de rameau nouveau et possède un haut pouvoir fécondateur. Les curieux cas constitués par les plantes qui peuvent féconder un autre individu de la même espèce et en être fécondées tout en restant l'une et l'autre complètement stériles sous l'influence de leur propre pollen, deviennent très-intelli-

1 Voir l'excellent traité du professeur Hildebrand, Verbeitungsmittel der Pflanzen (Moyens de dissémination des plantes), 1873.

CHAP. XII RÉSULTATS GÉNÉRAUX. 463

gibles si la manière de voir que je propose est correcte, à savoir, que les individus de la même espèce, végétant naturellement très-rapprochés, n'ont pas été, en réalité, soumis pendant plusieurs générations antérieures à des conditions absolument identiques.

Quelques naturalistes affirment qu'il existe dans tous les êtres une tendance innée à varier et à rendre leur organisation plus parfaite indépendamment de l'action des agents extérieurs 1 : ils voudraient expliquer ainsi et les légères différences qui distinguent les divers individus de la même espèce, tant comme caractères extérieurs que comme constitution, et les différences plus accentuées à l'un et à l'autre point de vue qui existent entre entre deux variétés très-rapprochées. Il est impossible de trouver deux indivi-

1 Cette manière de voir déjà très-accréditée, et qui résulte de l'analyse des faits qu'on pourrait désigner sous le nom de phénomènes actuels, se trouve cependant confirmée par l'examen de certaines modifications extérieures décelées par des fonctions physiologiques, chez des végétaux élevés en organisation. Pour ce qui a trait à un phénomène révélateur dont l'étude poursuivie dans la série végétale serait très-fructueuse, je dois citer ici les observations de mon savant collègue M. Carlet, qui, en examinant la constitution florale de la Rue, a constaté par l'étude du mouvement staminal que le type quaternaire si fréquent résulte d'un phénomène de soudure. Dans son article sur le Mouvement dans la fleur (Revue scienti., 3e année, 2e série, n° 20, 1873), M. Carlet s'exprime ainsi : « La fleur tétramère de la Rue est donc, à vrai dire, une monstruosité ; elle dérive de la fleur pentamère et suit, même après sa transformation, les lois auxquelles la forme à cinq pétales est assujettie.... En retournant le même raisonnement, on ne pourrait pas dire que la fleur pentamère de la Rue dérive de la fleur tétramère par dédoublement d'un pétale. Si la fleur à quatre pétales était, en effet, la forme normale, l'évolution de ses étamines n'aurait pas de raison d'être, car elle ne souffre pas d'exceptions. Je suis donc autorisé à considérer une soudure comme une déviation du type et par suite à croire que les monopétales dérivent des polypétales. » Moi-même, en étudiant les mêmes faits sur les étamines motiles des Saxifraga sarmentosa et umbrosa (Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 20 janvier 1876), je suis arrivé à cette conclusion que la tendance virtuelle vers la soudure, accusée par le même phénomène de mouvement ; devient plus manifeste chez d'autres Saxifrages (S. oppositifolia, par ex.) et réelle dans les fleurs tétramères de Chrysosplenium et d'Astilbe. Si l'on pousse les choses à l'extrême, on voit que certaines plantes seraient actuellement en période de passage plus ou moins accusé, de l'état polypétale à celui gamopétale qui est sans contredit supérieur. (Traducteur.)

464 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

dus complètement semblables : ainsi, si nous semons dans des conditions aussi similaires que possible un certain nombre de graines issues de la même capsule, elles germeront à des degrés différents et s'accroîtront plus ou moins vigoureusement. Elles résisteront d'une manière différente au froid et à d'autres conditions défavorables ; selon toute probabilité (car cela se produit, nous le savons, dans les animaux de la même espèce), elles seront différemment influencées soit par le même poison, soit par la même maladie. Elles transmettront à leur descendance leurs différences de caractère avec une puissance différente [* 1], et beaucoup d'autres dissemblances pourraient être encore signalées. S'il était donc exact que les plantes végétant rapprochées à l'état naturel ont été assujetties pendant plusieurs générations antérieures à des conditions absolument identiques, ces différences que nous venons de spécifier seraient tout à fait inexplicables, mais elles sont, dans une certaine mesure, intelligibles d'après la manière de voir que nous venons d'exposer.

Comme le plus grand nombre des plantes sur lesquelles j'expérimentai furent cultivées dans mon jardin ou en pots sous des verres, je dois ajouter quelques mots sur les conditions auxquelles elles furent assujetties et sur les effets de la culture. Lorsqu'une espèce est pour la première fois soumise à l'influence culturale, elle peut subir ou non un changement de climat, mais elle est toujours appelée à végéter séparément [* contresens : dans un sol tavaillé/] et dans une terre plus ou moins fumée : dans ces conditions elle se trouve [* oubli: aussi] garantie de toute compétition avec les autres plantes. L'importance considérable de cette dernière circonstance est prouvée par la multitude des espèces qui, fleurissant et se multipliant dans un jardin, ne peuvent exister à moins d'être protégées contre les autres plantes. Ainsi sauvées de toute compétition, elles peuvent obtenir du sol, et même probablement en excès, tout ce qui leur est nécessaire, et par là elles

[* 1] Référence omise : Vilmorin, cité par Verlot, Des variétés, pp. 32, 38, 39.

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se trouvent soumises à de grands changements de conditions. C'est probablement en grande partie à cette cause qu'il faut attribuer le fait de la variation, à de rares exceptions près, de toutes les plantes après quelques générations cultivées. Les individus qui ont déjà commencé à varier s'entre-croiseront les uns avec les autres sous l'influence des insectes, et ainsi s'explique la diversité extrême de caractères que présentent plusieurs plantes cultivées depuis longtemps. Mais il faut remarquer que le résultat sera largement modifié [*contresens: déterminé] par le degré de leur variabilité aussi bien que par la fréquence des entre-croisements, car si une plante varie très-peu, comme on l'observe dans la plupart des espèces à l'état naturel, la fréquence des entre-croisements tend à établir en elles l'uniformité des caractères.

J'ai essayé de démontrer que chez les plantes vivant à l'état naturel dans la même région, excepté dans le cas inaccoutumé où chaque individu est entouré exactement par le même nombre proportionnel d'autres espèces douées d'un certain pouvoir d'absorption, chacune d'elles est soumise à des conditions très-différentes [* contresens : des conditions légèrement différentes (slightly different conditions)]. Cette proposition ne s'applique pas aux individus de la même espèce cultivée en terre libre dans le même jardin. Mais si leurs fleurs sont visitées par les insectes, elles s'entre-croisent, et cette condition donne à leurs éléments sexuels pendant un nombre considérable de générations une somme suffisante de différenciation pour que le croisement soit avantageux. Du reste [* contresens : De plus], les semences sont fréquemment échangées entre jardins pourvus d'une terre différente, et les individus de la même espèce qu'on y cultive sont ainsi soumis à des changements de conditions. Si les fleurs ne sont pas visitées par nos insectes indigènes ou le sont rarement, comme c'est le cas [oubli :dans le pois commun et] dans le pois de senteur commun et apparemment dans le tabac conservé en serre [* oubli : (serre) chaude], toute différenciation dans les éléments sexuels causée par des entre-croisements tendra à disparaître. C'est ce qui paraît s'être pro-

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duit dans les plantes que nous venons de citer, car elles ne bénéficièrent en rien d'un entre-croisement, tandis qu'elles tirèrent grand profit d'un croisement avec un rameau nouveau.

Sur les causes de la différenciation des éléments sexuels et de la variabilité dans nos plantes de jardin, j'ai été conduit à la manière de voir que je viens d'exposer par les résultats de mes nombreuses expériences et plus spécialement par les quatre cas dans lesquels des espèces extrêmement inconstantes, après avoir été cultivées et autofécondées dans les mêmes conditions pendant plusieurs générations, donnèrent des fleurs d'une teinte uniforme et constante. Ces conditions furent à peu près les mêmes que celles auxquelles sont soumises, quand elles sont propagées dans le même lieu par des semences autofécondées, des plantes végétant dans un jardin débarrassé des mauvaises herbes. Les plantes élevées en pots furent, du reste [* contresens : cependant], exposées à des variations climatériques moins rigoureuses que celles cultivées en pleine terre, mais leurs conditions, quoique absolument [*contresens : presque] uniformes pour tous les individus de la même génération, différèrent légèrement dans la série des générations successives. Dans ces conditions, les éléments [* oubli : sexuels] des plantes soumises à l'entre-croisement retinrent dans chaque génération [* contrsens : soumises à l'entre-croisement dans chaque génération, retinrent], pendant plusieurs années, une somme de différenciation suffisante pour que leur descendance fût supérieure aux générateurs [* contresens : générations d'] entre-croisés, mais cette supériorité s'atténua graduellement d'une manière manifeste, comme le prouva la différence constatée entre les résultats d'un entre-croisement (parmi les plantes entre-croisées) et ceux d'un croisement avec un rameau nouveau. Fréquemment [contresens : Dans quelques cas] ces plantes entre-croisées tendaient aussi à revêtir, dans leurs caractères extérieurs, une certaine uniformité plus accusée qu'elle ne le fut d'abord. Pour ce qui touche aux plantes qui furent autofécondées à chaque génération, leurs éléments sexuels perdirent en apparence

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toute différenciation après quelques années, car un croisement pratiqué entre elles ne produisit pas de meilleurs effets qu'un croisement entre fleurs de la même plante. Mais un fait encore plus remarquable fut que, malgré l'excessive variation du coloris des fleurs dans les premiers semis de Mimulus, d'Ipomœa, de Dianthus et de Pétunia, leur descendance, après avoir végété sous des conditions égales pendant plusieurs générations, porta des fleurs presque aussi uniformes comme teinte que celles d'une espèce naturelle. Dans un cas, les plants eux-mêmes devinrent d'une remarquable constance comme hauteur.

Cette conclusion, que les avantages résultant d'un croisement dépendent absolument de la différenciation des éléments sexuels, s'accorde parfaitement avec ce fait qu'un changement léger et circonstanciel dans les conditions vitales est profitable à toutes les plantes et à tous les animaux 1 . Mais les descendants issus d'un croisement entre organismes exposés au préalable à des conditions différentes, bénéficient de ce croisement à un degré incomparablement plus élevé que ne le font les êtres jeunes ou vieux à la suite d'un simple changement dans leurs conditions d'existence. Dans ce dernier cas, nous ne voyons rien de comparable aux effets qui suivent généralement un croisement avec un autre individu, et spécialement avec un sujet appartenant à un rameau nouveau. Ce résultat pouvait vraisemblablement être prévu, car le mélange des éléments sexuels de deux êtres différenciés affecte la constitution entière à une période de l'existence plus précoce et à un moment où l'organisation est douée de sa plus haute flexibilité. Nous avons d'ailleurs [* contresens : de plus] des raisons pour croire que généralement les changements de condition agissent d'une manière dissemblable sur les différentes parties ou organes d'un

1 J'ai donné sur ce point des preuves suffisantes dans ma Variation under domestication, ch. XVIII, vol. II, 2e édition, p. 127.

468 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

même individu 1 . et si nous pouvons admettre de plus que ces parties une fois légèrement différenciées réagissent les unes sur les autres dans le même individu, l'harmonie entre les bénéfices dus à des modifications de conditions et ceux résultant de la réaction mutuelle des éléments sexuels différenciés devient encore plus parfaite.

Bien que le remarquable et consciencieux observateur Sprengel, après avoir découvert la part importante que prennent les insectes à la fécondation des fleurs, ait appelé son livre Le secret de la nature découvert, cependant il n'entrevit qu'accidentellement [* contresens : qu'occasionnellement] le fait pour lequel tant de curieuses et surprenantes adaptations avaient été acquises (je veux dire la fécondation croisée des plantes), et il ne reconnut aucun des bénéfices qui en résultent pour la descendance, soit comme vigueur, soit comme taille, soit comme fécondité. Mais le voile qui recouvre ce secret, bien loin d'être soulevé, nous cachera la vérité tant que nous n'aurons pas appris d'où proviennent les avantages que les éléments sexuels trouvent à être différenciés dans une certaine mesure, et comment il se fait que, si la différenciation est poussée plus loin, il en résulte des dommages. Il est un fait extraordinaire, c'est, que, dans plusieurs [* contresens : de nombreuses] espèces, les fleurs fécondées avec leur propre pollen sont ou absolument stériles ou frappées d'infécondité à un certain degré ; si la fécondation a lieu avec le pollen d'autres fleurs appartenant à la même plante, elles sont quelquefois, quoique rarement, un peu plus fécondes ; la fertilité est complète quand l'imprégnation pollinique est le résultat de l'intervention d'un autre individu ou d'une autre variété de la même espèce ; enfin, si la fécondation est opérée avec le pollen d'une espèce distincte, tous les degrés possibles de stérilité jusqu'au plus extrême se trouvent réalisés. Nous

1 Voir pour les preuves, Brackenridge, Theory of Diathesis, Edinburgh, 1869.

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avons donc une longue série de fécondité terminée à ses deux points opposés par la stérilité

absolue, laquelle, dans un de ces extrêmes, est due à l'insuffisante différenciation dans les éléments sexuels, et dans l'autre, à ce que cette différenciation s'est produite à un moindre degré [* erreur : à un degré trop élevé], ou d'une manière toute particulière.

Dans les plantes les plus élevées en organisation, la fécondation dépend, en premier lieu, de l'action réciproque entre les grains de pollen, le tissu stigmatique et sa sécrétion, ensuite de la réaction entre les matières contenues dans le grain pollinique et dans l'ovule. Ces deux actions, si nous en jugeons d'après l'augmentation de fécondité dans les plantes génératrices et d'après l'accroissement de la puissance végétative dans la descendance, sont favorisées par certains degrés de différenciation dans les éléments qui réagissent l'un sur l'autre et s'unissent de manière à former un nouvel être. Nous avons là quelque analogie avec l'affinité ou attraction chimique, qui ne s'exerce qu'entre des atomes ou des molécules de nature différente. Comme l'a fait remarquer le professeur Miller : « En thèse générale, plus est grande la différence entre les propriétés de deux corps, plus accentuée aussi est leur tendance vers une mutuelle action chimique... Mais entre les corps de même caractère la tendance à la combinaison est faible 1 . » Cette dernière proposition s'accorde bien avec les effets atténués du pollen propre à la plante sur la plante-mère et sur le développement de la descendance ; la première [* proposition] est en harmonie avec la puissante influence, dans les deux sens, du pollen d'un individu qui a été différencié par l'exposition à des modifications de conditions vitales ou par ce que nous appelons la variation spontanée. Mais l'ana-

1 Elements of Chemistry, 4e édition, 1867, part I, p. 11. Le docteur Frankland m'informe que cette manière de voir pour ce qui touche à l'affinité chimique est généralement adoptée par les chimistes.

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logie fait défaut quand nous revenons aux effets négatifs ou faibles du pollen d'une espèce sur une espèce distincte ; car, quoique certaines substances extrêmement dissemblables, par exemple le carbone et le chlore, aient une très-faible affinité l'une pour l'autre, cependant il est impossible de dire que ce manque d'affinité dépend, dans ces cas, du degré de dissemblance qui existe entre elles. La cause qui rend un certain degré de différenciation nécessaire ou favorable à l'affinité chimique ou à l'union de deux substances, nous échappe aussi bien que celle qui exige les mêmes conditions [* de différentiation] pour la fécondation ou l'union de deux organismes.

M. Herbert Spencer a longuement discuté l'ensemble de ce sujet, et après avoir établi que toutes les forces de la nature tendent vers un état d'équilibre, il fait remarquer « que le besoin d'union entre la cellule-sperme et la cellule-germe provient de la nécessité de vaincre cet équilibre et de rétablir l'activité des changements moléculaires dans un germe détaché, résultat qui est probablement obtenu par le mélange d'unités atteintes d'une légère différence physiologique et provenant d'individus affectés de différenciations peu profondes 1 ». Mais nous ne pouvons admettre cette manière de voir très-générale, pas plus que l'analogie avec les affinités chimiques, autrement que dans le but de nous dissimuler notre ignorance. Nous ne savons pas quelle est, dans les éléments sexuels, la nature du [* contresens : la nature ou le dgré] degré de différenciation qui est favorable à l'union ou qui lui devient défavorable, comme c'est le cas quand on rapproche des espèces distinctes. Nous ne saurions dire pourquoi cer-

1 Principles of Biology, vol. I, p. 274, 1864. Dans mon Origin of Species publié en 1859, je parlai des bons effets résultant soit de légers changements dans les conditions vitales, soit de la fécondation croisées [* typo : croisée] ; et des mauvais effets qui suivent ou les [* contresens : qui s'ensuivent des] profondes modifications dans les conditions vitales ou le [* du] croisement des formes trop distinctes (c'est-à-dire des espèces). Je considérai ces faits comme « reliés les uns aux autres par un lien commun et inconnu qui se rattache essentiellement au principe de la vie ».

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tains individus de certaines espèces profitent beaucoup du croisement et d'autres très-peu. Il existe quelques espèces qui, quoique autofécondées pendant un grand nombre de générations, sont cependant assez vigoureuses pour lutter avec succès contre toute la foule des plantes qui les environnent. Des variétés très-fertiles apparaissent quelquefois parmi des végétaux qui ont été autofécondés et assujettis à des conditions uniformes pendant de nombreuses générations [* phrase non-existante dans l'original de Darwin]. Nous ne pouvons en aucune façon concevoir comment l'avantage d'un croisement peut être quelquefois exclusivement dirigé vers le système végétatif, et d'autres fois sur le système reproducteur, mais plus communément sur l'un et sur l'autre. Il est également impossible de comprendre comment plusieurs individus de la même espèce peuvent être stériles avec leur propre pollen tandis que d'autres sont complètement fertiles dans les mêmes conditions, pourquoi un changement de climat arrive à augmenter ou à diminuer la stérilité des plantes autostériles, enfin, comment il se fait que plusieurs espèces deviennent plus fertiles sous l'influence du pollen d'une espèce distincte qu'avec le leur propre. Il en est de même pour plusieurs autres faits dont l'obscurité est telle que nous sommes réduits au silence devant ces mystères de la vie.

Au point de vue pratique, les agriculteurs et les horticulteurs peuvent apprendre quelque chose des conclusions auxquelles je suis arrivé. D'abord, nous voyons que le dommage résultant soit du croisement entre animaux rapprochés, soit de l'autofécondation des plantes, ne dépend pas nécessairement de quelque tendance maladive ou d'une faiblesse de constitution commune aux parents unis, mais [* contresens : et seulement] indirectement de leur parenté, qui les rend aptes à se ressembler les uns les autres à tous les points de vue, même comme nature sexuelle. Secondement, que les avantages de la fécondation croisée dépendent de ce que les élé-

472 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

ments sexuels ont été, à un certain degré, différenciés soit par l'exposition de leurs générateurs à des conditions différentes, soit par le croisement avec des individus ayant subi ces mêmes conditions, soit enfin par cette inconnue que dans notre ignorance nous appelons la variation spontanée. Donc, quiconque désirera accoupler des animaux très-proches parents, devra les conserver dans des conditions aussi dissemblables que possible. Quelques éleveurs, guidés par leur finesse d'observation, ont agi d'après ce principe en conservant des réserves d'animaux dans deux ou plusieurs fermes éloignées et situées d'une manière différente. Ils ont ensuite rapproché et avec d'excellents résultats les couples provenant de ces diverses fermes 1 . La même méthode est inconsciemment suivie toutes les fois que des mâles élevés dans un endroit sont conduits pour la reproduction aux éleveurs d'un autre lieu. De même que certaines catégories de plantes souffrent beaucoup plus de l'autofécondation que d'autres, il est probable qu'une différence analogue doit se produire dans les animaux à la suite d'un croisement trop rapproché. Les effets de ces unions entre animaux trop proches, si nous en jugeons d'après ce qui se passe dans les plantes, doivent consister en une dépréciation comme vigueur générale et comme fécondité, sans perte nécessaire de l'excellence de la forme : c'est ce qui constitue, semble-t-il, le résultat le plus ordinaire.

C'est une pratique commune chez les horticulteurs que de se procurer des semences d'une autre localité à sol très-différent, afin d'éviter l'obtention des plantes sous les mêmes conditions pendant une longue succession de générations. Mais, pour toutes les espères qui s'entre-croisent facilement par l'intervention des insectes ou du vent, ce serait suivre une méthode méthode incomparablement meilleure que d'obtenir les semences de la variété demandée et dont la création

1 Variation of Animals and Plants under Domestication, ch. XII, vol. II, pp. 98-105.

CHAP. XII RÉSULTATS GÉNÉRAUX. 473

est due au maintien de plusieurs générations dans des conditions aussi différentes que possible, puis de les semer en séries alternatives [* en rangs alternés] avec des semences mûries dans le vieux jardin. Les deux souches s'entre-croiseraient et mêleraient ainsi leur organisation entière sans toutefois que la variété eût rien à perdre de sa pureté, et par cette pratique on obtiendrait des résultats bien plus favorables que d'un simple échange de graines. Nous avons vu dans mes expériences combien des croisements de ce genre donneraient à la descendance de bénéfices étonnants comme hauteur, comme poids, comme vigueur et comme fécondité. Par exemple, des plants d'Ipomœa ainsi croisés furent aux entre-croisés de la même souche, avec lesquels ils vécurent en compétition, en hauteur comme 100 est à 78, et en fécondité comme 100 est à 51 : les plants d'Eschscholtzia comparés de même furent en fécondité comme 100 est à 45. Mis en parallèle avec ceux fournis par les plants autofécondés, ces résultats sont encore plus frappants : ainsi les choux issus d'un croisement avec un rameau nouveau furent aux autofécondés, en poids, comme 100 est à 22.

Les floriculteurs pourront apprendre, d'après les quatre cas qui ont été complètement décrits, qu'ils ont en main le pouvoir de fixer chaque variété à couleur fugitive, s'ils consentent à féconder avec leur propre pollen pendant cinq ou six générations consécutives les fleurs de la variété recherchée et à entourer la culture des semis de conditions semblables. Mais tout croisement avec un autre individu de la même variété doit être soigneusement évité, car chacun de ces sujets possède une constitution particulière. Après une douzaine de générations autofécondées, il est probable que la nouvelle variété restera constante même quand elle sera cultivée dans des conditions quelque peu différentes, et il n'y aura plus aucune nécessité de la protéger contre les entre-croisements avec les individus de la même variété.

474 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

Pour ce qui touche au genre humain, mon fils George s'est efforcé de découvrir par des recherches statistiques 1 si les mariages entre cousins germains sont préjudiciables (ce degré de parenté, nous le savons, ne soulève aucune discussion pour ce qui touche à nos animaux domestiques), et il est arrivé à cette conclusion, d'après ses recherches et celles du docteur Mitchell, que les preuves du dommage causé sont contradictoires, mais que dans tous les cas [* contresens : de façon générale] le mal est très-atténué. Des faits indiqués dans ce volume nous pouvons déduire que, dans l'espèce humaine, les mariages entre personnes de parenté très-rapprochée, dont les générateurs et les ancêtres ont vécu dans des conditions fort différentes, seront moins préjudiciables que ceux entre personnes qui, ayant toujours vécu dans le même endroit, ont dû suivre le même mode d'existence. Je ne vois pas de raisons non plus pour mettre en doute que les habitudes de vie très-différentes des hommes et des femmes dans les nations civilisées, spécialement au milieu des classes élevées, ne doivent tendre à contrebalancer certains dommages résultant des mariages entre personnes bien portantes, mais parentes à un degré rapproché.

Au point de vue théorique, c'est avoir fait progresser la science d'un pas que de pouvoir considérer les innombrables structures des plantes hermaphrodites (et probablement aussi des animaux androgynes [* contresens :hermaphrodites]) comme des adaptations spéciales en vue d'assurer un entre-croisement éventuel [* occasionnel] entre deux individus, et de savoir que les avantages d'un pareil croisement dépendent tout à la fois de ce que les êtres unis ou leurs générateurs ont eu leurs éléments sexuels légèrement modifiés, de façon que, quoiqu'il le fasse à un degré moindre [* contresens : à un plus haut degré (although in a much higher degree)], l'embryon bénéficie cependant et de la même ma-

1 Journal of Statistical Soc., juin 1875, p. 153 ; et Fortnightly Review, juin 1875.

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nière qu'une plante ou un animal adulte, de tout léger changement dans des conditions vitales.

Un autre résultat plus important peut être déduit de mes observations. Les œufs et les graines sont très-utiles comme moyens de dissémination, mais nous savons aujourd'hui que des œufs féconds peuvent être produits sans l'intervention du mâle. Il existe aussi plusieurs [* contresens : de nombreuses] autres méthodes par lesquelles les organismes peuvent être propagés asexuellement. Pourquoi donc alors les deux sexes ont-ils été développés, et pourquoi les mâles existent-ils, puisqu'ils ne peuvent par eux-mêmes donner naissance à aucune descendance ? La réponse, je puis difficilement en douter, se trouve dans le grand avantage qui résulte de la fusion de deux individus ayant subi une certaine différenciation, et si nous en exceptons les organismes les plus inférieurs, cette fusion n'est possible que par l'intermédiaire des éléments sexuels qui consistent en cellules séparées du corps, contenant les germes de toutes les parties et capables de se fondre complètement les uns dans les autres.

J'ai montré dans ce livre que la descendance issue de l'union de deux individus distincts, spécialement quand les générateurs ont été soumis à des conditions très-dissemblables, possède un immense avantage en hauteur, en poids, en vigueur constitutionnelle et en fécondité sur la descendance autofécondée de l'un des mêmes parents. Ce fait est suffisant pour rendre amplement compte du développement des élément sexuels, c'est-à-dire de la genèse des deux sexes.

C'est une question différente de savoir pourquoi les deux sexes sont quelquefois combinés dans le même individu et d'autres fois séparés. Comme, dans beaucoup de plantes et dans de nombreux animaux très-inférieurs, la conjugation de deux individus ou complètement semblables ou légèrement différents [* contresens : ou différents à quelque degré] est un phénomène très-répandu, il semble probable, ainsi que je l'ai indiqué dans le précédent chapitre, que les deux sexes furent primitivement séparés. L'indi-

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vidu qui reçoit le contenu de son conjoint peut être considéré comme l'être femelle, et l'autre, souvent plus petit et plus mobile, peut être appelé le mâle, bien que des désignations sexuelles soient difficiles à appliquer tant que les contenus des deux formes sont fondus en un seul. Le but atteint par l'union des deux sexes dans la même forme hermaphrodite est probablement de permettre une autofécondation accidentelle [* contresens : occasionnelle] ou fréquente en vue d'assurer la propagation de l'espèce, plus spécialement dans le cas des organismes destinés à vivre sur la même place. Il ne paraît pas y avoir grande difficulté à comprendre comment un organisme formé par la conjugation de deux individus représentant les deux sexes rudimentaires, peut avoir donné naissance par bourgeonnement d'abord à la forme monoïque, puis à l'état hermaphrodite. et même sans germination préalable dans le cas des animaux dont la [* contresens : car leur] structure bilatérale indique peut-être qu'ils furent originellement formés par la fusion de deux individus.

Un problème plus difficile à résoudre, c'est celui de savoir comment quelques plantes et apparemment tous les animaux supérieurs, après avoir été hermaphrodites,ont eu ensuite leurs sexes séparés de nouveau. Cette séparation a été attribuée par quelques naturalistes aux avantages résultant d'une division du travail physiologique. Ce principe est admissible quand le même organe doit accomplir à la fois différentes fonctions, mais on a peine à comprendre comment les éléments [* contresens : glandes] mâles et femelles placés [* placées] dans des points différents d'un même composé ou d'un simple individu, ne rempliraient pas leurs fonctions aussi bien que lorsqu'ils sont placés sur deux individus distincts. Dans quelques cas, les sexes doivent avoir été séparés de nouveau dans le but de prévenir de trop fréquentes autofécondations, mais cette explication ne semble pas plausible, puisque le même but pourrait être atteint par d'autres moyens plus simples, tels que la dichogamie. Il se pour-

CHAP. XII RÉSULTATS GÉNÉRAUX. 477

rait que la production des éléments reproducteurs mâles et femelles ainsi que la maturation des ovules constituât un effort et une dépense de force vitale trop exagérée pour un même individu doué d'une organisation très-complexe : si dans le même temps il n'y avait eu aucune nécessité à ce que tous les individus produisissent des rejetons, il ne serait résulté aucun dommage, mais au contraire un certain bénéfice de ce que la moitié des individus, c'est-à-dire les mâles, n'eussent pas produit de descendance.

Il est un autre point sur lequel les faits relatés dans ce livre jettent quelque lumière, c'est l'hybridation. Il est bien connu que lorsque des espèces distinctes de plantes sont croisées, elles produisent, à de rares exceptions près, moins de graines que dans les conditions normales. Cette improductivité varie dans différentes espèces jusqu'à atteindre une stérilité si complète qu'il ne se forme même pas une capsule vide, et tous les expérimentateurs ont trouvé qu'elle est influencée par les conditions auxquelles les espèces croisées sont soumises. Le pollen de chaque espèce a une prépondérance marquée sur celui de toute autre espèce, à ce point que, si le propre pollen d'une plante est placé sur le stigmate quelque temps après qu'un pollen étranger y a été appliqué, les effets de ce dernier sont complètement annihilés. Il est aussi de notoriété générale que non-seulement les espèces génératrices, mais les hybrides obtenus de ces espèces sent plus ou moins stériles, et que le pollen de ces derniers est souvent dans un état d'avortement plus ou moins avancé. Le degré de stérilité qui caractérise plusieurs hybrides ne correspond pas toujours strictement à la difficulté qu'on rencontre à unir les formes génératrices. Lorsque les hybrides sont capables d'entre-croisement, leurs descendants sont plus ou moins stériles, et ils le deviennent souvent davantage dans les générations plus avancées ; mais jusqu'ici des entre-croisements très-rapprochés ont seuls été pratiqués sur des cas semblables. Les hybrides les plus

478 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

stériles sont quelquefois très-rabougris et n'ont qu'une constitution très-faible. D'autres faits pourraient être ajoutés, mais ceux-ci nous suffisent. Les naturalistes attribuèrent d'abord tous ces résultats à ce que la différence qui existe entre les espèces est fondamentalement distincte de celle qui sépare les variétés de la même espèce, et c'est là encore la manière de voir de plusieurs naturalistes.

Les résultats de mes expériences sur l'autofécondation et sur le croisement des individus ou des variétés de la même espèce ont une analogie frappante, quoique inverse, avec ceux que nous venons de faire connaître. Dans la majorité des espèces, les fleurs fécondées avec leur propre pollen donnent moins et même quelquefois beaucoup moins de graines que celles qui sont fécondées avec le pollen d'un autre individu ou d'une autre variété. Quelques [* Certaines] fleurs autofécondées sont absolument stériles, mais le degré de leur stérilité est déterminé par les conditions auxquelles les plants générateurs ont été soumis, comme l'ont bien démontré les cas de l'Eschscholtzia et de l'Abutilon. L'action du pollen de la même plante est annihilée par l'influence prépondérante du pollen d'un autre individu ou d'une autre variété, quoique ce dernier ait été placé sur le stigmate quelques heures après le premier. La descendance des fleurs autofécondées est elle-même plus ou moins stérile, quelquefois elle l'est complètement [* contresens : fortement] et son pollen se trouve souvent [* contresens : parfois] frappé d'imperfection, mais je n'ai jamais rencontré un seul cas de complète infécondité dans les semis autofécondés, tandis que chez les hybrides elle [* (l'infécondité)] se présente communément. Le degré de leur stérilité ne concorde pas avec celui qui existe dans les plantes génératrices après une première autofécondation. La descendance des plantes autofécondées se trouve dépréciée dans sa stature, dans son poids et dans sa vigueur constitutionnelle d'une manière plus fréquente et à un plus haut degré que ne l'est la descendance hybride du plus grand nombre des espèces croisées. La

CHAP. XII RÉSULTATS GÉNÉRAUX. 479

diminution en hauteur est un caractère qui se transmet à la génération suivante, mais je ne puis affirmer qu'il en soit de même pour la diminution de la fécondité.

J'ai démontré ailleurs 1 qu'en unissant de différentes manières des plantes hétérostylées dimorphes ou trimorphes appartenant sans contestation à la même espèce, on obtient une autre série de résultats exactement parallèles à ceux qui résultent du croisement d'espèces distinctes. Les plantes illégitimement fécondées avec le pollen d'une plante distincte appartenant à la même forme, produisent moins et souvent même beaucoup moins de graines qu'elles ne le font après un croisement légitime avec une plante appartenant à une forme distincte. Quelquefois elles ne donnent pas de graines ni même de capsule vide, comme c'est le cas dans les espèces fécondées avec le pollen d'un genre différent. Le degré de stérilité est considérablement influencé par les conditions auxquelles les plantes ont été soumises 2 . Le pollen d'une forme distincte est fortement prépondérant sur celui de la même forme, alors même que le premier a été placé sur le stigmate quelques [* contresens : de nombreuses] heures après le dernier. La descendance issue d'une union entre plants de la même forme est, à la façon des hybrides, plus ou moins stérile, le pollen qu'elle porte est plus ou moins avorté et quelques-uns des semis qui en proviennent sont tout aussi nains et rabougris que les hybrides les plus réduits. La ressemblance avec les hybrides se poursuit sous d'autres points de vue (il n'est pas nécessaire de les spécifier en détail), tels que la non-concordance du degré de stérilité entre elle et ses plants générateurs, l'inégale infécondité de ces derniers lorsqu'ils sont réciproquement unis, et la variation de la stérilité dans les semis obtenus des mêmes capsules séminifères.

Nous avons ainsi deux grandes classes de cas donnant des résultats qui concordent de la manière la plus frappante

1 Journal of the Linnean Society Botany, vol. X, 1867, p. 393.

2 Ibid., vol. XIII [* erreur : vol. VIII], 1864, p. 180.

480 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

avec ceux qui suivent le croisement des espèces distinctes et reconnues vraies. Pour ce qui touche à la différence entre les semis obtenus de fleurs croisées et de fleurs autofécondées, il y a de fortes preuves pour qu'elle dépende absolument de ce que les éléments sexuels des parents ont été suffisamment différenciés soit par une exposition à des conditions dissemblables, soit par la variation spontanée. Il est probable que les mêmes conclusions à peu près peuvent être étendues aux plantes hétérostylées ; mais ce n'est pas le lieu de discuter l'origine des formes à long, à court, et à moyen style, qui toutes appartiennent à la même espèce avec autant de certitude que les deux sexes d'une même plante. Nous ne sommes donc pas en droit de soutenir que la stérilité des espèces après un premier croisement, et celle de leur descendance hybride soit déterminée par quelque cause fondamentalement différente de celle qui entraîne la stérilité des individus à la fois dans les plantes ordinaires et dans celles hétérostylées lorsqu'elles sont unies de différentes manières. Néanmoins, je suis convaincu [* conscient] qu'il faudra beaucoup de temps encore pour faire disparaître ce préjugé.

Il serait difficile de trouver dans la nature un fait plus surprenant que la sensibilité des éléments sexuels aux influences extérieures et la délicatesse de leurs affinités réciproques. Nous en avons la preuve dans l'action favorable de certains légers changements de [* oubli : conditions de] vie sur la fécondité et sur la vigueur des parents, tandis que d'autres changements aussi peu accusés entraînent une complète stérilité sans aucun dommage apparent pour leur santé. Nous pouvons juger de la sensibilité des éléments sexuels par la manière d'être de ces plantes qui, complètement stériles avec leur propre pollen, sont cependant fécondes sous l'influence de celui d'un autre individu de la même espèce. Ces plantes deviennent plus ou moins autostériles quand elles sont assujetties à des changements de conditions même très-légers. Les ovules d'une plante hétérostylée trimorphe sont influencés très-différemment par le pol-

CHAP. XII RÉSULTATS GÉNÉRAUX. 481

len des trois séries d'étamines appartenant à la même espèce. Dans les plantes ordinaires, le pollen d'une autre variété ou simplement d'un autre individu de la même variété est souvent fortement prépondérant sur le leur propre, lorsque les deux matières fécondantes sont placées en même temps

sur le stigmate. Dans les grandes familles qui renferment plusieurs milliers d'espèces voisines, le stigmate de chacune d'elles distingue avec une certitude infaillible son propre pollen de celui de toute autre espèce.

On ne saurait mettre en doute que la stérilité des espèces distinctes après un premier croisement, puis celle de leur descendance hybride, dépend exclusivement de la nature ou des affinités de leurs éléments sexuels. Nous en avons la preuve dans le manque absolu de toute concordance entre les degrés de stérilisé et la somme de différence extérieure dans les espèces croisées : ce qui le prouve plus clairement encore, c'est la grande différence qui existe entre les résultats du croisement réciproque de deux mêmes variétés, c'est-à-dire lorsque l'espèce A est croisée par le pollen de B, puis l'espèce B par le pollen de A. Si nous nous rappelons ce que nous venons de dire sur l'extrême sensibilité du système reproducteur et sur la délicatesse de ses affinités, comment pourrions-nous éprouver quelque surprise à voir les éléments sexuels de ces formes, que nous appelons espèces, différenciés au point de devenir ou absolument incapables ou faiblement capables d'agir l'un sur l'autre ? Nous savons que les espèces ont généralement vécu sous les mêmes conditions et ont retenu leurs propres caractères pendant une période plus longue que les variétés. La domestication prolongée, ainsi que je l'ai montré dans mes Variations sous l'influence de la domestication, fait disparaître la stérilité mutuelle que les espèces distinctes enlevées récemment à l'état naturel présentent presque toujours après entre-croisement, et par là s'explique ce fait que les races d'animaux domestiques les plus diffé-

482 RÉSULTATS GÉNÉRAUX. CHAP. XII

rentes ne sont pas frappées de mutuelle stérilité. Mais on ignore si la même explication s'applique aux variétés cultivées, quoique quelques faits tendent à le prouver. La disparition de la stérilité sous l'influence de la domestication longuement continuée peut être attribué probablement à la variabilité des conditions auxquelles nos animaux domestiques ont été soumis, et c'est sans doute à la même cause qu'il faut rapporter leur résistance à de grands changements soudainement survenus dans leurs conditions vitales sans perte de fécondité au même degré que les espèces naturelles. De ces diverses considérations parait se dégager cette probabilité que la différence dans les affinités des éléments sexuels des espèces distinctes, différence dont dépend leur incapacité d'entre-croisement, est causée par l'accoutumance pendant une longue période de temps à des conditions propres à chaque espèce et par ce fait que les éléments sexuels uni acquis ainsi des affinités fortement fixées. Quoi qu'il en soit, dans les deux classes de cas que nous considérons, c'est-à-dire, ceux relatifs à l'autofécondation et au croisement des individus de la même espèce, et ceux qui ont trait aux unions illégitimes et légitimes des plantes hétérostylées, dire que la stérilité, soit des espèces après un premier croisement, soit de leur descendance hybride, indique qu'elles diffèrent d'une manière fondamentale des variétés ou des individus de la même espèce, serait une assertion injustifiable.

____________________

[page 483]

INDEX ALPHABÉTIQUE

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A.

Abeilles (les) distinguent les couleurs, 380 ; fréquentent les fleurs de la même espèce, 426, 428 [* 429 et non 428] ; guidées par la coloration de la corolle, 428 [* 431 et non 428] ; puissance de vision et de discernement, 430 ; mémoire, 431 ; ne sont pas attirées par l'odeur de certaines fleurs, 431 [* 432 et non 431] ; industrie, 432 [* à 434] ; profitent des trous pratiqués dans la corolle par les bourdons, 437 ; habiles dans leurs travaux, 438 [* 439 et non 438] ; habitudes, 439 |* 440] ; prévoyance, 441.

Abutilon darwinii, autostérile au Brésil, 338, 363 ; modérément autofertile en Angleterre, 345 [* , 349] ; fécondé par les oiseaux, 378 [* note 1].

Acacia sphærocephala, 413.

Acanthacées, 98.

Aconitum napellus, 438.

Adlumia cirrhosa, 372.

Adonis æstivalis, 129 ; mensurations, 329 [* erreur : 129] ; hauteurs relatives des plants croisés et des autofécondés, [* 241,] 279 ; autofertiles, 371.

Ajuga reptans, 375.

Allium cepa (variété à fleurs rouges), 376.

Anagallis collina (var. grandiflora), 216 ; mensurations, 217, [* 243,] 269 ; semences, 321, 328, 330 [* ; non dimorphe, 391].

Anderson (J.), sur la Calcéolaire, 89 ; enlèvement des corolles, 430.

Anémone, 403.

Anémophiles (plantes), 408 ; elles sont souvent diclines, 417.

Antirrhinum majus (var. Rouge), 369 ; [* fleurs fermées en apparence, 383;] perforation de la corolle, 439.

Antirrhinum majus (var. blanche), 369.

[* deuxième colonne]

Antirrhinum majus (var. péloriée), 369.

Apium petroselinum, 172 ; résultats d'expériences, 280.

Arbres, séparation des sexes, 421.

Argemone ochroleuca, 372.

Aristote, sur l'habitude des abeilles de fréquenter les fleurs de la même espèce, 425 [* erreur : 426].

Aristolochia [* Aristoloche], 427.

Arum maculatum, 427.

Autofécondation, dispositions méchaniques pour l'entraver, 390.

Autostériles (plantes), 334-352 ; leur vaste distribution dans le règne végétal, 346 ; différence dans les plantes, 347 ; causes de l'autostérilité, 348 ; affectées par un changement de conditions, 349- 351 ; nécessité de la différenciation dans les éléments sexuels ; 352.

Avant-propos du traducteur, IX à XV.

B.

Bailey (M.), perforation de la corolle, 457 [* erreur : 437].

Bartonia aurea, 170 ; mensurations, 170-171 ; résultat des expériences, 279.

Bartsia odontites, 376.

Beal (W. J.), stérilité du Kalmia latifolia, 365 ; sur le nectar du Ribes aureum, 443.

Belt (M.), poils de Digitalis purpurea, 84 ; Phaseolus multiflorus, 151 [* (et note 1)], n'est pas visité par les abeilles au Nicaragua, 365 ; les oiseaux-mouches en charrient le pollen, 378 ; sécrétion du nectar, [* 411 note 3,] 413 ; [* ourmis défendant l'Acacia sphærocephala, 413 ;] dans

484 INDEX ALPHABÉTIQUE

l'Acacia sphaerocephala et la fleur de passion, 413 ; perforation de la corolle, 441.

Bennett (A.W.), sur le Viola tricolor, 123 [* erreur : 124, note ; 125] ; structure de l'Impatiens fulva, 373 ; plantes fleurisant l'hiver, 392 ; abeilles fréquentént les fleurs de la même espèce, 426.

Bentham, [* haricot d'Espagne originaire du Mexique, 150 ;] sur la protection du stigmate dans le Synaphea, 422 [* erreur : 421].

Beta vulgaris, 227 ; mensurations, 228-229 ; les plants croisés ne sont pas surpassés par les autofécondés, 292, 374 [* p. 374 est sur l'autofertilité élevée] ; [* graines périssant dans le sol ; 293 ;] prépondérance d'un autre pollen, 405.

Bignonia, [* 65 note 3, 309, 334, 336,345,] 369.

Blackley (M.), sur les anthères du seigle, 384 [* note 1] ; pollen transporté par le vent, expériences avec un cerf-volant, 415.

Boraginées, 185.

Borrago officinalis, 185, 279 ; mensurations, 186 ; floraison précoce des plants croisés, 296 ; semences, 328 ; autostérilité partielle, 368.

Bourdons, [oubli : 29, 55, 83, 84, 119, 125, 130, 133, 150, 155, 188, 259, 339, 364, 366, 367, 370, 372, 373, 374, 376, 392, 396, 397, 412, 416, 433, 434 ;] reconnaissent les variétés d'une même espèce, 427 [* erreur : 426] ; la couleur des fleurs n'est pas leur seul guide, [* 431,] 432 ; rapidité de leur vol, 475 [* erreur : 435, non mentionné p. 475] ; nombre des fleurs visitées, [* 435,] 436 ; corolle qu'ils perforent, 437-444 ; habileté et jugement, 439 [* erreur : 438, 440].

Brackenridge (M.), organisation [* contresens : organismes] des animaux affectée par la température et et la nourriture, 458 [* note 1] ; différents effets des changements de conditions, 468.

Brassica oleracea, 100 ; mensurations, 100 ; poids, 102-104 ; remarques sur les expériences, 263 ;

supériorité des plants croisés, 291 ; période de floraison, 295 ; semences, 325 [* erreur : 327] ; autofertilité, 371.

Brassica napus, 402 [* note 1].

rapa, 402 [* note 1].

Brisout (M.), les insectes fréquentent les fleurs de la même espèce, 429.

Brugmansia, 378 ; oiseaux-mouches perforant les fleurs, 443.

Bundy (M.), Ribes perforée par les abeilles, 443 [* note].

Bütschli (O.), relations sexuelles, 418.

Bureau (et Poisson), roche d'origine végétale formée d'éléments reproducteurs, 414, note 4.

C.

Calceolaria, 89, 376.

Calluna vulgaris, 431.

[* deuxième colonne]

Campanula carpathica, 175, 369.

Campanulacées, 174.

Candolle (A. de), en gravissant une montagne, les fleurs de la même espèce disparaissent brusquement, 397.

Canna warscewiczi, 229 ; résultat du croisement et de l'autofécondation du, 281 ; période de floraison, 298 ; semences, 328, 330 [* , 357] ; autofertilité très-accentuée, 376.

Cannacées, 229.

Carduus arctioides, 411.

Carrière, période relative de la maturité des éléments sexuels dans la même fleur, 452.

Caryophyllées, 131.

Caspary (professeur), sur le Corydalis cava [* Cerydalis Halleri et C. intermedia, mais non C. cava], 336 ; Nymphaeacées, 363 ; Euryale ferox, 371.

Cecropia, les corps nutritifs du, 413.

Centradenia floribunda, 370.

Céréales, grains de, 359 [* note].

Cheeseman (M.), sur les Orchidées de la Nouvelle-Zélande, 398.

Chénopodiacées, 227.

Chou, 100 ; [* oubli : croisement d'espèces sur de longues distances, 152 ;] affecté par le pollen d'un hybride pourpre, 386 ; prépondérance d'un pollen étranger, 401, 404 ; chou-rave, prépondérance du pollen, 401 ; [* oubli : chou vert lacinié (Ragged Jack), 404].

Cineraria [* (Cinéraires)], 340.

Clarkia elegans, 169 ; mensurations, 170 [* , 241] ; floraison précoce des autofécondés, 297, 299 ; semences, 321.

Cléistogène (fleurs), [* 4,] 92, 93 notes.

Coe (M.), croise le Phaseolus vulgaris, 153.

Colgate (R.), le trèfle rouge n'est jamais sucé par les abeilles en Nouvelle-Zélande, 367.

Composées, 173.

Conifères, 409 [* ; pollen, 414 ; ovules nus, 416].

Convolvulus major, 28.

tricolor, 55 [* note].

Corolle, son enlèvement, 431 ; perforation par les abeilles, 436.

Coronilla, 414.

Corydalis cava, 336, [* 346, 347,] 364.

halleri, 336.

intermedia, 336.

lutea, 364.

ochroleuca, 365.

solida, 364.

Corylus avellana, 398.

Couleur uniforme des fleurs dans les plantes autofécondées ayant vé-

INDEX ALPHABÉTIQUE 485

gété dans des conditions similaires pendant plusieurs générations, 310, 311.

Couleur des fleurs (la), attire les insectes, 379 ; elle n'est pas le seul guide pour les abeilles, 432.

Crinum, 395 [* 403 note 1, et non 395].

Croisées (plantes), leur vigueur constitutionnelle plus accentuée, 288.

Croisement des fleurs de la même plante, ses effets, 300.

Crucifères, 100.

Crüger (Dr), sécrétion d'une liqueur sucrée dans les Marcgraviacées, 413.

Cuphea purpurea, 327, 367.

Cycadées, 409.

Cyclamen persicum, 214 ; mensurations, 216 ; floraison précoce des plants croisés, 296 ; semences, 321, 328 ; autostérile, 368.

Cyclamen repandum, 214 [* note].

Cytisus laburnum, 367.

D.

Dent-de-lion, nombre de grains de pollen de la, 384.

Darwin (Ch.), autofécondation dans le Pisum sativum, 161 [* note1 1 et 2] ; affinités sexuelles, 209 [* note 1] ; sur le Primula, 218 [* note] ; variation dans le bourgeon, 302 [* note] ; vigueur constitutionnelle donnée par le croisement dans le pois commun, 308 [* note] ; hybrides de Gladiolus et de Cistus, 310 [* note] ; Phaseolus multiflorus, 365 ; nectar des Orchidées, 414, note [* note 3] ; sur la fécondation croisée, 449 [* note], 450 [* note], 467 ; hérédité des modifications acquises, 458 [* note 2] ; les changements dans les conditions vitales sont avantageuses aux plantes et aux animaux, 467 [* note].

Darwin (F.), structure du Phaseolus multiflorus, 150, note 1 ; Pteris aquilina, 413 ; perforation du Lathyrus sylvestris, 439.

Darwin (G.), des mariages entre cousins germains, 474.

Decaisne, sur le Delphinium consolida, 130.

De Candolle (A. P.), nectar considéré comme une excrétion, 410, note 2.

Delphinium consolida, 130 ; mensurations, 131 [* , 241 tableau A] ; semences, [* 320 tableau D,] 327 [* tableau F, 357] ; partiellement stérile, 363 ; enlèvement de la corolle, 431 [* 430 note 2].

Delpino (professeur), Viola tricolor, 124 [* note] ; Phaseolus multiflorus, 150 [* note] ;

[* deuxième colonne]

entre-croisement du pois de senteur, 156 ; Lobelia ramosa, 176 [* note] ; structure des Cannacées, 229 [* note] ; vent et eau agents de transport du pollen, 371 [378 et non 371, 389] ; Juglans regia, 398 ; plantes anémophiles, 408 ; fécondation des Plantago, 410 ; excrétion du nectar, 411, note 3 ; secrétion du nectar pour protéger la plante, 412, 413 ; [* pétales épaissis, 414, note 3] ; plantes anémophiles et entomophiles, 418 [* 416, 417 et non 418] ; plants dioïques, 424 [* 423 et non 424] ; [* trois plantes visitées seulement par les guêpes, 434, note 2].

Denny, Pelargonium zonale, 142 [* note].

Diagramme montrant les hauteurs moyennes de l'Ipomoea purpurea, 54.

Dianthus caryophyllus, 133 ; croisé et autofécondé, 134-137 ; mensurations, 136-139 ; croisement avec un rameau nouveau, 136 ; poids des semences, 140 ; couleur des fleurs, 140 ; remarques sur les expériences, 265, 276 ; floraison précoce des plants croisés, 295 ; couleur uniforme des plants autofécondés, 313 ; semences, 320, 324, 327, 329 ; petit nombre de capsules produites, 365.

Dickie (Dr), autofécondation dans les Cannacées, 229 [* note].

Dictamnus fraxinella, 427 [* 426 et non 427 ; 436].

Digitalis purpurea, 83 ; mensurations, 86-88 ; effets de l'entre-croisement, 87, 303 ; supériorité des plants croisés, 303, 459 ; autostérile, 369.

Dipsacées, 173.

Disemma, 173 [* 171 et non 173], note.

Dobbs, les abeilles fréquentent les fleurs de la même espèce, 427 [* 426 et non 427].

Dodel (Dr A.), reproduction sexuelle, 419 [* 418 note 2, et non 419].

Duhamel, sur le Raphanus sativus, 402 [* note 2].

Dunal, nectar considéré comme une excrétion, 410 [* note 2].

Dyer (M. [* Thiselton]), sur le Lobelia ramosa, 176, note 1 ; sur la Cinéraire, 340, note 1.

E.

Earley (W.), autofécondation du Lathyrus odoratus, 153, note 2.

Eaton Rév. (A.E.), sur le Pringlea, 418 [erreur : 417, note 1].

Engelmann, développement des formes sexuelles, 419 [* erreur : 418, note 2].

Engler (Dr), sur les Saxifraga dichogames, 452 [note 1].

486 INDEX ALPHABÉTIQUE

Entomophiles (plantes), 418.

Epipactis latifolia, attire seulement les guêpes, 382, 434.

Erica tetralix, 431 ; corolle perforée, 437 [*-438], 444.

Erythrina, 365.

Eschscholtzia californica, 111 ; mensurations, 112 [*, 240, 244, 246, 247, 254, 264] ; plantes obtenues de semences brésiliennes, 113 [*, 319] ; poids, 116 ; semences, 117, 118, 319, 324, 327 ; expériences sur, 265 [* 268], 278 ; supériorité des plants autofécondés sur les croisés, [* 286,] 293 ; floraison précoce, 295, 297 ; autofécondation artificielle, 336 ; le pollen des autres fleurs est plus efficace, 345 ; autostérile au Brésil, 348, 363.

Euphrasia officinalis, 375.

Euryale amazonica. 363.

Euryale ferox, 371.

F.

Fabricius, surl'Aristoloche, 428 [* 426 et non 428].

Fagopyrum esculentum, 226 [*-227] ; floraison précoce des plants croisés, 297.

Faivre (professeur), autofécondation des Cannacées, 229, note 1.

Farrer (T.-H.), fleurs papilionacées, 5 ; Lupinus luteus, 147 [* note 1] ; Phaseolus multiflorus, 150 [* note 1], 440 ; Pisum sativum, 160 ; fécondation croisée du Lobelia ramosa, 176 ; sur le Coronilla, [* 367,] 414.

Fécondation, procédés de, 361 ; plantes stériles ou partiellement sans l'intervention des insectes, 363-370 ; plantes fertiles sans l'intervention des insectes, 371-376 ; procédés de fécondation croisée, 378 ; oiseaux-mouches, 378 ; fleurs australiennes fécondées par les oiseaux suceurs de nectar, 378 ; en Nouvelle-Zélande par l'Anthornis melanura, 378 ; attraction des brillantest couleurs, 379 ; des odeurs, 381 ; fleurs adaptées à certaines espèces d'insectes, 382 ; grande quantité de grains polliniques, 383, 384 [* erreur : 384, 385] ; transport du pollen par les insectes, 385, 386 ; structure et beauté [* mise en évidence (conspicuousness)] des fleurs, 381 ; pollen d'une plante distincte, 396 ; pollen prépondérant, 399, 408 [* erreur : 400 à 408].

Fécondité, hauteur et poids relatifs des plants croisés par un rameau nouveau, autofécondées ou entre-croisées (tableau C), 245-253.

Fécondité des plantes influencée par

[* deuxième colonne]

le croisement ou l'autofécondation (tableau D), 318[* -322] ; relative, des parents croisés et des autofécondés (tab. E), 324-325 ; innée, d'un croisement avec un rameau nouveau (tabl. F), 326[* -328] ; relative, de fleurs croisées avec le pollen d'un plant distinct ou avec leur propre pollen (tabl. G), 325 [* erreur : 329-330] ; de fleurs croisées et autofécondées, 329, 330.

Fermond (M.), Phaseolus multiflorus, 151 ; P. coccineus hybridus, 151.

Fleurs, blanches, plus grande proportion d'odoriférantes parmi elles, 381 ; leur structure et leur beauté [* contresens : visibilité (conspicuousness)], 392 ; remarquables et obscures [* discrètes], 398 [* erreur : 391-393] ; papilionacées, 393 ; fécondées avec le pollen d'un plant distinct, 397.

Flocon de neige, 176.

Floraison (période de), supériorité sur ce point des plants croisés sur les autofécondés, 294-300.

Forsythia viridissima, 346.

Fraisier, 403 [* note 1].

Frankland (Dr), affinité chimique, 469 [* note 1].

Fraxinus ornus, 411.

Fumaria capreolata, 372.

Fumaria officinalis, 372.

G.

Galium aparine, 376.

Gallesio, croisement spontané des orangers, 403.

Galton (M.), Limnanthes douglasii, 146 ; rapport sur les tableaux de mensurations, 16-19, 146, 233 ; plants autofécondés, 293 [* 294 et non 293] ; vigueur supérieure des semis croisés dans le Lathyrus odoratus, 358, 360.

Gärtner, excès de pollen est nuisible, 24 [* 25 et non 24] ; plantes se fécondant les unes les autres à une distance considerable, 152 ; Lobelia fulgens, 179 [* 180 note 1, et non 179], 335 ; stérilité du Verbascum nigrum, 335 ; [* oubli : nombre de grains de pollen pour féconder Geum urbanum, 377] ; [* oubli : fécondation des fleurs châtrées par le pollen de plants éloignés, 386;] expériences avec le pollen, 387.

Genêt-à-balai, 163.

Gentry (M.), perforation de la corolle, 437.

Géraniacées, 142.

Geranium phæum, 431.

Gerardia pedicularia, 437.

Germination (période de), et poids relatif des semences des fleurs croisées et autofécondées, 357- 360.

Gesneria pendulina, 94 ; mensurations, 94 ; semences, 327.

Gesneriacées, 94.

[* oubli : Geum urbanum, nombre de grains de pollen pour fécondation, 377.]

INDEX ALPHABÉTIQUE 487

Glaucium luteum, 372.

Godron (Dr, Prof.), entre-croisement de la carotte, 172 ; Primula grandiflora , impressionnée [* affectée (affected)] par le pollen du P. officinalis, 386 ; tulipes, 403 [* note 1].

Gould, oiseaux-mouches fréquentent l'Impatiens, 378.

Graminées, 232 [*-236], 451, note.

Grant (M.), des abeiles différentes [* contresens : de ruches différentes (of different hives)] visitent differentes espèces de fleurs, 434.

Gray, Asa, relations sexuelles des arbres aux États-Unis, 422 [* 421 et non 422] ; sur la reproduction sexuelle, 451.

Guêpes, attirées par l'Epipactis latifolia, 382.

H.

Hallet (Major), sur la sélection des grains de céréales, 359 [* note].

Haricot, [* haricot-grain (kidney-bean), 152 ;] 153 ; — d'Espagne, 150 [* , 168] ; [* haricot commun, 440].

Hassall (M.), nombre des grains polliniques dans la pivoine et la Dent-de-Lion, 384 ; poids du pollen produit par un plant de Typha, 414.

Hauteurs relatives des plantes croisées et des autofécondées (tableau A), 239-243.

[* oubli : Hauteurs, poids et fécondité, résumé, 237-287.]

Heckel (Éd., professeur). Avant-propos, IX-XV ; fleurs et plantes cleistogènes, cleistogames ou clandestines, 4 [* notes 1 et 2], 92 [* note] ; état protérandre des étamines de Mimulus luteus, observations, 65 [* note] ; mouvements d'abaissement des stigmates des Passiflora, utiles à la fécondation croisée, 171 [* note] ; fleurs cléistogènes et fleurs complètes portées sur le même pied (Impatiens fulva), utilité d'étudier un grand nombre de ces cas pour connaître la signification physiologique des fleurs complètes qui restent sans utilité, 373 [* note] ; supériorité des plantes à étamines douées d'irritabilité provoquée sur celles douées de mouvement spontané, expériences sur les Mahonia et les Berberis d'une part, sur les Saxifrages, les Ruta et les Limnanthes de l'autre, 383 ; les plantes alpines, quoique pourbues de fleurs fort belles, sont peu ou point fréquentées par les insectes, 389, 391 ; perforation de la corole des Digitalis par les bourdons, tou-

[* deuxième colonne]

jours dans le même sens, succion par les abeilles, 442 [* note 1] ; mouvements des étamines révélateurs des phénomènes actuels et de la supériorité des Gamopétales sur les Polypétales, 463.

Hedychium, 370.

Hedysarum onobrychis, 367.

Henschel, expériences sur le pollen, 387.

Henslow (Rév. G.), fécondation croisée dans le Sarothamnus scoparius, 164 [* note 1 ; 375].

Herbert, sur la fécondation croisée, 7 [* 8 et non 7, et 8 note 2] ; pollen apporté de plantes éloignées, 386 [* note 3] ; croisement spontané des rhododendrons, 403 [* et croisement du fraisier].

Hérédité, 307 [* 309 et non 307].

Héros, descendants de cette plante, 47-51 [* 48-52], 260 ; son autofécondation, 354.

Heterocentron mexicanum, 370.

Hibiscus africanus, 141 ; mensurations, 141 ; résultat des expériences, 280 ; floraison précoce des plants croisés, 296, 300 ; nombre des grains polliniques pour assurer la fécondation, 385.

Hildebrand, sur le pollen du Digitalis purpurea, 83 [* erreur : 84] ; Thunbergia alata, 98 ; expériences sur l'Eschscholtzia californica, 111 [* erreur : 112] ; Viola tricolor, 124 ; Lobelia ramosa, 176 ; Fagopyrum esculentum, 228 [* erreur : 226] ; autofécondation du Zea maïs, 233 [* erreur : 232] ; Corydalis cava, 336 [* ; 346] ; Hypecoum grandiflorum, 336, 365 ; et H. procumbens, 336, 372 ; stérilité de l'Eschscholtzia, 337 ; expériences sur l'autofécondation, 345 ; Corydalis lutea, 364 [* erreur : 365] ; fleurs spontanément autofécondées, 372 ; [* oubli : Fumaria officinalis, 372;] différentes dispositions mécaniques pour faire obstacle à l'autofécondation, 390 ; séparation précoce des sexes, 409 ; sur l'Aristolochia, 427 ; fécondation des Graminées, 451, note 1 ; dissémination lointaine des graines, 462.

Hoffmann (prof. H.), capsules autofécondées de Papaver somniferum, 108 [* erreur : 110], 373 [* 372 et non 373] ; Adonis aestivalis, 129 [* erreur : 130] , 371 ; variabilité spontanée du Phaseolus multiflorus, 151 ; autofécondation du haricot [* haricot-grain (kidney-bean)], 152 ; Papaver alpinum, 336 [, 364] ; [* oubli : stérilité du Corydalis solida, 358] ; [* oubli : Papaver somniferum somnierum, 372;] Linum usitatissimum, 373.

Hooker (Dr), [* oubli : Mimulus luteus, 64;] Euryale ferox et Victoria regia, produisant chacune plusieurs fleurs à la fois, 371 ; sur

488 INDEX ALPHABÉTIQUE

les relations sexuelles des arbres en Nouvelle-Zélande, 421.

Humboldt, sur les grains de céréales, 359 [* note].

Hybrides (plantes), tendance au retour vers les formes génératrices, 387.

Hypecoum grandiflorum, 336, 365.

procumbens, 336, 372.

I.

Iberis umbellata (var. violet pourpre [* kermesiana]), 105 ; mensurations, 106-108 [* , 109] ; croisement avec un rameau nouvau, 107 ; remarque sur ces expériences, 263 ; supériorité des semis croisés sur les autofécondés, 294 [* erreur : 292] ; floraison précoce, 294 [* erreur : 295] ; nombre de semences, 319 ; autofertilité très-accentuée, 371 ; prépondérance d'un pollen étranger, 400.

Iberis amara, 371.

Impatiens fréquenté par les oiseaux-mouches, 378 [* note].

Impatiens barbigera, 373.

fulva, 346, 373.

noli-me-tangere, 373.

pallida, 346.

Insectes, procédés de fécondation, 378 ; attirés par les couleurs brillantes, 379 ; par les odeurs, 381 ; par les fleurs remarquables, 391 ; les taches foncées leur servent de guides, 379 ; fleurs adaptées à certaines espèces d' —, 382.

Ipomœa purpurea, 28 [* 29 et non 28] ; mensurations, 30-52 ; fleurs croisées sur la même plante, 42-45 ; croisement avec un rameau nouveau, 45-48 ; descendants de Héros, 48-52 ; résumé des mensurations, 52 ; diagramme montant les hauteurs moyennes, 54 ; résumé des observations, 52-63 ; des expériences, 258-261 ; supériorité des plants croisés, 292 ; leur [* supprimer 'leur' : les autofécondés fleurissent les premiers] floraison précoce, 293 [* 295 et non 293], 300 ; effets de l'entre-croisement, 303 ; couleur uniforme des plants autofécondés, 312 ; semences, 318, 326, 329 ; autofertilité très-accentuée, 375 ; prépondérance d'un pollen étranger, 405.

Iris, sécrétion d'une matière saccharine par le calice, 411, note 3.

Isotoma, 176, note 2, 370.

J.

Jacinthe, 403.

Juglans regia, 398.

[* deuxième colonne]

K.

Kalmia latifolia, 365.

Kerner, sur la protection du pollen, 384 ; sur la fleur de Villarsia parnassifolia dont la durée est d'un jour, 398 ; pollen transporté par le vent, 414, 415, 423 [* 421 et non 423].

Kitchener (M.), sur l'action du stigmate, 65 ; sur le Viola tricolor, 124, note.

Knight (A.), des relations sexuelles entre les plantes, 7 [* erreur : 8] ; croisement des variétés de pois, 161 [*, 163, 308] ; reproduction sexuelle, 451.

Kœlreuter [* Kölreuter dans le texte], sur la fécondation croisée, 8 ; nombre of grains polliniques nécessaires à la fécondation, 25 ; affinités sexuelles des Nicotiana, 210 [* 209] ; Verbascum phoeniceum, 335 ; expériences sur le pollen de l'Hibiscus vesicarius, 385, note 2.

Kuhn, adopte le terme de cléistogène, 92, note 1.

Kurr, sur l'excrétion du nectar, [* 396 note 1,] 411, note 2 [* et note 3] ; enlèvement de la corolle, 481 [* erreur : 430 note 2].

L.

Labiées, 94.

Lactuca sativa, 173 ; mensurations, 174 ; [* fertilité en dehors de l'action des insectes, 376 ;] prépondérance d'un pollen étranger, 405.

Laitues, 173.

Lamium album, 397, 427 [* erreur : 426].

purpureum, [* 373 note 1 du traducteur ;] 427 [* erreur : 426].

Lathyrus odoratus, 153-160 ; mensurations, 157-160 [* , 249] ; remarques sur les expériences, 266 ; période de floraison, 298 ; fécondation croisée, 308 [, 396] ; semences, 321, 329 [* , 357, 358, 360] ; autofertile, 374 [* , 394 ; pétales déchirés par les abeilles, 436].

Lathyrus grandiflorus, 156, [* 168,] 366.

nissolia, 374 [* , 385].

sylvestris, perforation de la corolle, 439.

Lawes et Gilbert (MM.), absorption de différentes matières organiques [contresens : matières inorganiques] par les plantes, 460.

Laxton (M.), croisement des variétés de pois, 163 [* , 305].

Lecoq, Cyclamen repandum, 214 [* note] ; sur les Fumariacées, 364 ; les plantes annuelles sont rarement dioïques, 423 [* 422 et non 423].

Leersia oryzoïdes, 355 [* , 395].

Légumineuses, 146 ; résumé sur les, 168.

INDEX ALPHABÉTIQUE 489

Leighton (Rev. W.A.), sur le Phaseolus multiflorus, 151 ; Acacia magnifica, 414.

Leptosiphon androsaceus, 375, 403.

Leschenaultia formosa, 370.

Lilium auratum, 346, note 2.

Limnanthes douglasii, 145 ; mensurations, 146 [* , 241] ; précocité de floraison des plants croisés, 296 ; semences, 320, 327 ; autofécondité très-accentuée, 373 ; prépondérance d'un pollen étranger, 405, note.

Linaria vulgaris, 9, 90 ; semences, 326 ; autostériles, 369.

Linaria cymbalaria, 392, 432.

[* Lindley : voir Lyndley (erreur de transcription du nom)]

Link, nectaire hypopétale dans le Chironia decussata, 411 [* note 3].

Linum grandiflorum, 348.

usitatissimum, 373.

Loasacées, 170.

Lobelia erinus, 176 [* erreur : 177 et non 176] ; sécrétion du nectar sous l'action d'un soleil brillant, 212 [* erreur : 412] ; expériences sur les abeilles, 431 [* erreur : 430, 432, 441].

Lobelia fulgens, 179 ; mensurations, 180-182 ; résumé des expériences, [* 242,] 276 ; précocité de floraison des autofécondés, 294, 297, 298 ; [* autostérile, 335 ;] stérile en dehors de l'action des bourdons, 369 ; semences, 328 [* ,332].

Lobelia ramosa, 176 ; mensurations, 177, 178 ; précocité de floraison des croisés, 296, 299 ; semences, 330 ; autostérile, 369.

Lobelia tenuior, 176.

Loche, fructification anormale des Balsaminées, 373, note.

Loiseleur-Deslongchamps, sur les grains de céréales, 359.

Lotus corniculatus, 366.

Lubbock (sir John), fécondation croisée des fleurs, 6 [* note 2] ; sur le Viola tricolor, 124 ; les abeilles distingent les couleurs, 380 ; instincts des abeilles et des insectes suceurs de nectar, 425 [* note 1].

Lupinus luteus, 147 ; mensurations, 148 ; précocité de floraison des autofécondés, 297, 299 ; autofertile, 374 ; prépondérance d'un pollen étranger, 405.

Lupinus pilosus, 149 ; autostérile [* erreur : autofertile], 374.

Lychnis dioica, 420.

Lyndley [* erreur : Lindley], sur les Fumariacées, 364.

M.

MacNab (M.), sur les étamines longues et courtes des rhododendrons, 301 [* note 1].

[* deuxième colonne]

Mahonia aquifolium, 403 [* note 1].

repens, 403 [* note 1].

Malvacées, 141.

Marcgraviacées, 413.

Marronnier d'Inde, 407.

Massette (Typha), 414.

Masters (M.), [* dominance de la variété de Lathyrus odoratus à couleur plus foncée, 154, 155 ;] fécondation croisée dans le Pisum sativum, 161 ; choux influencés à distance par le pollen étranger, 386.

Masters (Dr Maxwell), sur la rosée sucrée [* miellat (honey-dew)], 411.

Mensurations, résumé des, [* 237-] 239 ; tableau A, 239-243 ; tableau B, 244 ; tableau C, 245-253.

Medicago lupulina, 375.

Meehan (M.), [* autofécondation causée par la fermeture nocturne des fleurs de Claytonia virginica et de Ranunculus bulbosus, 175, note 2 ;] fécondation du Petunia violacea par le papillon de nuit, 188.

Melastomacées, 301.

Melilotus officinalis, 366.

Mercurialis annua, 428.

[* Miellat (Honey-dew), que Heckel nomme « rosée mielleuse »], 411.

Miller (professeur), sur les affinités chimiques, 469.

Mimulus luteus, effets du croisement, 10 ; plants croisés et autofécondés, 64-73 ; mensurations, 70- 78 ; croisement avec un rameau distinct, 73-76 ; entre-croisement dans le même plante, 76-79 ; résumé des observations, 80-83 ; des expériences, 261-263 ; supériorité des plants croisés, 290 ; simultanéité de floraison, 295, 298 ; effets de l'entre-croisement, 304 ; couleur uniforme des plants autofécondés, 311 ; semences, 319, 321 [* 324 et non 321], 326, 330 [* 329 et non 330] ; autofertilité accentuée, 353, 376 ; prépondérance du pollen étranger, 400, 405.

Mimulus roseus, 65.

Miner (M.), le trèfle rouge n'est jamais sucé par les abeilles aux États-Unis, 367.

Mirabilis, plants nains résultant de l'emploi d'un trop petit nombre de grains polliniques, [* 25,] 301, note ; nombre de grains nécessaires à la fécondation, 385 [* ; perforation de la corolle, 439].

Mitchell (Dr), sur les mariages entre cousins germains, 474.

Monochætum ensiferum, 370.

Moore (M.), sur les Cinéraires, 340, note.

Müller (Fritz), sur la Posoqueria fragrans, 5 [* (étamines irritables)], 399 ; expériences sur les hybrides d'Abutilons et de Bignonias, 309, 310 ; grand nombre d'Orchidées stériles dans leur pays d'origine comme les Bignonias

490 INDEX ALPHABÉTIQUE

et le Tabernaemontana echinata, 336 ; stérilité de l'Eschscholtzia californica, 337, 345 ; Abutilon darwinii, 338 ; expériences sur l'autofécondation, 345 ; plantes autostériles, 346 ; impuissance des tubes polliniques à pénétrer dans le stigmate, 347 [* 348 et non 347] ; fécondation croisée opérée par les oiseaux, 378 [* note 1] ; termites mâles et femelles imparfaitement développés, 388, note 3 ; corps nutritifs du Cecropia, 413.

Müller (Hermann), fécondation des fleurs par les insectes, 6, 7 ; sur le Digitalis purpurea, 83 [* 84 note 3, et non 83] ; Calceolaria, 89 [* note 1] ; Linaria vulgaris, 90 ; Verbascum nigrum, 91 ; le chou commun, 100 ; Papaver dubium, 109 ; Viola tricolor, 124 [* note 1] ; structure du Delphinium consolida, 130 [* note 3] ; du Lupinus lutea [* (luteus dans le texte)], 147 ; fleurs de Pisum sativum, 160 [* note 1], 161 ; sur la non-sécrétion de nectar dans le Sarothamnus scoparius, 164 ; Apium petroselinum, 172 ; Borago officinalis, 185 ; le trèfle rouge visité par les abeilles en Allemagne, 367 ; rare visite des insectes dans le Fumaria officinalis, 372 ; comparaison entre les espèces de la plaine et celles des Alpes, 382 ; structure des plantes adaptées pour les fécondations croisée et directe, 388 ; les fleurs d'une grande beauté [* contresens : visibilité (conspicuousness)] sont plus fréquemment visitées par les insectes que les fleurs petites et obscures, 391 ; les Solanum sont généralement sans attrait pour les insectes, 395[* note 1] ; Lamium album, 397 ; sur les plantes anémophiles, 408 ; fécondation des Plantago, 410 ; sécrétion du nectar, [* 413,] 414, note 3 ; instinct des abeilles suceuses de nectar, 426 ; les abeilles fréquentent les fleurs de la même espèce, 427 ; cause de cette habitude, 430 ; puissance de vision et de discernement des abeilles, 433 [432 note 1, et non 433].

Müller (Dr. H.), les abeilles perforent occasionnellement les fleurs de l'Erica tetralix, 438 ; calice et corolle du Rhinanthus alecterolophus percés par Bombus mastrucatus, 443 [* 442 et non 443].

Munro (M.), quelques espèces d'Oncidium et de Maxillaria stériles avec leur propre pollen, 335.

Myrtacées, 423 [* 421 et non 423].

[* deuxième colonne]

N.

Nægeli [* Nägeli dans le texte], sur les odeurs attractives des [* contresens : attirant les] insectes, 381 ; relations sexuelles, 420 [* 418 et non 420].

Naturelle (sélection), ses effets sur l'autostérilité et sur l'autofécondation, 350, 351.

Naudin, sur le nombre des grains polliniques nécessaires pour la fécondation, 25 ; Petunia violacea, 188.

Nectar considéré comme une excrétion, 402 [* 410 et non 402], note 2.

Nemophila insignis, 182 [* 183 et non 182] ; mensurations, 183-185 ; floraison précoce des plants croisés, 296 ; effets du croisement et de l'autofécondation, 307 ; semences, 321, 328.

Nepeta glechoma, 427 [* 426 et non 427].

Nicotiana glutinosa, 209

tabacum, 203 ; mensurations, 211-214 [* 204-208] ; croisement avec un rameau nouveau, 210 ; mensurations, 211-214 ; résumé des expériences, 268, 269, 282 ; supériorité des plants croisés, 291-292 [* , 293] ; leur floraison précoce, 296-298 ; semences, 328, 330 ; expériences sur, 354 ; autofertile, 375.

Nolana prostrata, 186 ; mensurations, 187 [* , 242] ; plants croisés et plants autofécondés, 280 ; nombre des capsules et des semences, 326, 328 [* 327 et non 328 ; 375] ; autostérile [* autofertile], 375.

Nolanacées, 186.

Nymphaea, 363, 371.

O.

Odeurs (les) émises par les fleurs attirent les insectes, 381.

Œillet, [* 10,] 133.

Ogle (Dr.), sur le Digitalis purpurea, 83 [* erreur : 84] ; Gesneria pendulina, 94 [note 1] ; Phaseolus multiflorus, 151, 365, 441 [* 442 et non 441] ; perforation de la corolle, 437 ; cas de l'Aconit napel, [* 438], 439.

Oignon, prépondérance du pollen étranger dans l', 402.

Oiseaux, procédés de fécondation, 378.

Oiseaux-mouches, (les), agents de la fécondation croisée, [* 339,] 378.

Ombellifères, 172.

Ononis minutissima, [* 13 note 1], 167 , [* 395] ; mensurations, 168 [* 169 et non 168] [* , 241] ; semences, 327 ; autofertilité, 374.

Ophrys apifera, 355, 374 [* 376 et non 374 ; 394], 450.

INDEX ALPHABÉTIQUE 491

Ophrys muscifera, 392, 415.

Oranges, croisement spontané, 402 [* erreur : 403].

Orchidées, 370, 376 ; excrétion de matière sucrée [* saccharine], 411, note 3.

Orchis-mouche [* Ophrys-mouche], 415

Origanum vulgare, 96 ; mensurations, 97 ; précocité de floraison des plants croisés, 295 ; effets de l'entre-croisement, 305.

P.

Papaver alpinum, 333 [* 336 et non 333], 364.

argemonoides, 372.

bracteatum, 110.

dubium, 109.

orientale, 110.

rhœas, 109.

somniferum, 110, 336, 371.

vagum, 109 ; mensurations, 111 ; nombre des capsules, 319 ; semences, [* 13 note 3,] 364 [* , 372] ; [* fruits spontanément autofécondés, 336 ;] prépondérance d'un pollen étranger à la fleur, 405.

Papavéracées, 109.

Papilles du Viola tricolor attractive pour les insectes, 125, note.

Passiflora alata, 335.

edulis, 363.

gracilis, 171 ; mensurations, 171 ; plants croisés et plants autofécondés, 279 ; semences, 328 ; autofertilité, 371.

Passiflorées, 171.

Pedicularis sylvatica, 433.

Pelargonium zonale, 142 ; mensurations, 143 ; effets de l'entre-croisement, 304 ; presque autostérile, 365.

Pensée, 124.

Pentstemon argutus, corolle perforée, 437, 439, 444.

Persil, 172.

Petunia violacea, 188 ; mensurations, 189-203 ; mensurations, 189, 203 ; poids des semences, 196 ; croisement avec un rameau nouveau, 196-201 ; fécondité relative, 201-203 ; couleur, 203 ; résumé des mensurations, 267, 277 ; supériorité de plants croisés sur les autofécondés, 292 ; précocité de floraison, 296, 297 ; couleur uniforme des plants autofécondés, 313 ; semences, 321, 324, 328, 330 ; autostérile, 368.

Phalaris canariensis, 234 ; mensurations, 235, 236 ; floraison précoce des croisés, 297.

Phaseolus coccineus, 150.

multiflorus, 150 ; mensuration, 152 ; partiellement stérile,

[* deuxième colonne]

168, 365 ; plants croisés et plants autofécondés, 279 ; précocité de floraison des plants croisés, 296 ; semences, 321 ; perforation par les bourdons, 440.

Phaseolus vulgaris, 153 ; autofertile, 168, 374.

Pisum sativum, 160 ; mensurations, 162 ; entrecroisement rare, 169 ; résumé des expériences, 266, 281 ; autofertile, 374.

Pivoine, nombre des grains polliniques, 384.

Plants croisés, vigueur constitutionelle plus accentuée, 288.

Pleroma species, 370.

Poids relatifs des plantes croisées et des autofécondés [* (tableau B)], 244, 286 ; et période de germination des graines, 357-360.

Pois, 160, 351. [* (voir Pisum sativum)]

Pois de senteur, 153. [* (voir Lathyrus odoratus)]

Poisson (et Bureau), voyez Bureau.

Polémoniacées, 183.

Pollen, fécondité relative des fleurs croisées avec une plante distincte ou avec leur propre pollen [* (tableau F)], 325 ; différence des résultats dans le Nolana prostrata, 326, 328 ; plants croisés et plants autofécondés croisés de nouveau avec un plant distinct et avec leur propre pollen, 329 ; stériles avec leur propre pollen, 335-345 ; semi-autostérile, 345, 347 ; [* transport par les oiseaux, 378 note ;] destruction du — , 383 [* erreur : 384] ; nombre de ses grains dans les Dent-de-lion, Pivoine et Wistaria sinensis, 384 ; nombre de grains nécessaires pour la fécondation, 385 ; transporté de fleur à fleur, 385 ; prépondérance du - , 399-408 ; originellement la seule attraction pour les insectes, 410 ; quantité produite par les plantes anémophiles, 410.

Polyanthus, sa prépondérance sur la Primevère, 404.

Polygonées, 227.

Pomme de terre, 395 [* erreur : 396], note.

Posoqueria fragrans, 5, 399.

Poterium sanguisorba, 417.

Potts, têtes d'Anthornis melanura recouvertes de pollen, 378, note.

Primevère de Chine, 224, 296. [* (voir Primula sinensis)]

Primula elatior, 432.

grandiflora, 386.

mollis, 375.

officinalis, 386.

scotica, 368.

sinensis, 224, 279 [* erreur : 281] ; mensura-

492 INDEX ALPHABÉTIQUE

tions, 226 ; floraison [* précoce] des plants croisés, 296 [* ; variétés isostylées avec les organes sexuels des deux formes combinées dans la même fleur, 356].

Primula veris ( officinalis, var.), 218 ; mensurations, [* 220], 221 [* , 269, 270] ; résultat des expériences, 269, 270 ; floraison précoce des plants croisés, 296 ; semences, 221 [* , 321, 322, 323] ; auto-fertilité, 356 ; prépondérance du Polyanthus à fleurs rouge sombre, 404.

Primulacées, 214.

Pringlea, 416 [* erreur : 417].

Protéacées d'Australie, 423 [* erreur : 421 note 2].

Prunus avium, 411, note 3.

laurocerasus, 412 [* , 434].

Pteris aquilina, 413.

R.

Radis, 402. [* (voir Raphanus sativus)]

Ranunculus acris, 371.

[* Ranunculus aconitifolius, 389, note 2.]

[* Ranunculus arvensis, 426]

[* Ranunculus bulbosus, 175, note 2 ; 426]

[* Ranunculus platanifolius, 389, note 2.]

Raphanus sativus, 371, 402.

Renke [* Reinke], glandes nectarifères du Prunus avium, 411, note 3.

[oubli : Renonculacées, 128.]

Reseda lutea, 118 ; mensurations, 119-120 ; résultat des expériences, 344 ; autofertile, 371.

Reseda odorata, 121 ; mensurations, 120-124 ; les autofertiles [* contresens : autofécondés] à peine surpassés par les croisés, 292 ; semences, 320 ; manque de concordance entre la nature des semences et la vigueur de la descendance, 333 ; résultat des expériences, 341 ; stérile et autofertile, 363, 371.

Résédacées, 118.

Rheum rhaponticum, 410.

Rhexia glandulosa, 370.

Rhododendron, [* étamines courtes et longues, 301 note 1;] croisement spontané, 403.

Rhododendron azaloides, 442.

Rhubarbe, 403, 410.

Ribes aureum, 443.

Riley (M.), pollen transporté par le vent, 414 ; papillon du Yucca, 428.

Rodgers (M.), sécrétion du nectar dans la vanille, 418 [* erreur : 411 note 3].

[* oubli : Rosée mielleuse (Miellat, Honey-dew), 411.]

S.

Salvia coccinea, 94 ; mensurations, 95 ; floraison précoce des croisés, 295 ; semences, 319, 327 ; partiellement autostérile, 368.

glutinosa, 437.

grahami, 437, 439, 444.

tenori, 368.

Sarothamnus scoparius, 163 ; mensurations, 165-167 ; supériorité des

[* deuxième colonne]

semis croisés, 289, 293 ; semences, 327 ; autostérile, 366.

Scabiosa atro-purpurea, 173 ; mensurations, 173.

Scott (J.), Papaver somniferum, 170 [* erreur : 110 note 2 (et non 170 ; stérilité des Passiflora, Tacsonia et Disemma fécondés avec leur propre pollen, 171 note ] ; stérilité du Verbascum, 335 ; Oncidium et Maxillaria, 335 ; sur le Primula scotica et Cortusa matthioli, 368.

Scrophularinées, 64.

Seigle, expériences sur le pollen, 384, note 1.

Sélection naturelle, ses effets sur l'autostérilité et l'autofécondation. Voyez Naturelle.

Senecio cruentus, 340, 370.

heritieri, 340.

maderensis, 340.

populifolius, 340.

tussilaginis, 340.

Sharpe (Messrs.), précautions contre l'entre-croisement, 403.

Solanées, 188.

Solanum tuberosum, 368, 395, note 1.

Specularia perfoliata, 175, note 1.

speculum, 174 ; mensurations, 175 [* note 1], 176 ; résumé des mensurations, 278 ; croisé et autofécondé [* (floraison précoce des croisés)], 296 ; semences, 328 ; autofertile, 376.

Spencer (Herbert), affinités chimiques, 470.

Spiranthes autumnalis, 399, 432 [* erreur : 431].

Sprengel (C.K.), fécondation des fleurs par les insectes, 5, 6 [* erreur : 6,7] ; Viola tricolor, 124 ; les couleurs dans les fleurs attirent et guident les insectes, 380, 381 [* erreur : 379, 380] ; de l'Aristoloche, 427 ; Aconitum napellus, 438 ; importance des insectes dans la fécondation des fleurs, 468.

Stachys coccinea, 437, 439, 444.

Stellaria media, 374.

Strachey (général), fleurs perforées dans l'Himalaya, 444.

Strelitzia fécondé par les Nectarinidés, 378, note.

Structure des plants adaptés pour le croisement et pour l'autofécondation, 387[* -388].

Swale (M.), le lupin des jardins n'est pas visité par les abeilles en Nouvelle-Zélande, 150 [* 149 et non 150], note.

Symphoricarpus racemosa, 434.

T.

Tabac, 203.

Tabernœmontana echinata, 336, 368.

Tables de mensurations des hauteurs,

INDEX ALPHABÉTIQUE 493

poids et fécondité des plants, 239, 273.

Tacsonia, mouvements stigmatiques des - , 171, note.

Termites, mâles et femelles imparfaitement développés, 388, note 3.

[* Thunbergia alata, 96, 277, 331.]

Thym, 429.

[* oubli : Typha, poids du pollen produit par une plante, 414.]

Tinzmann, sur le Solanum tuberosum, 368, 396 [* note].

Transmission des bons effets d'un croisement aux dernières générations [* contresens : aux générations suivantes], 306.

Trifolium arvense, 374, 392.

[* — fragiferum, 427]

incarnatum, 367.

minus, 375.

pratense, 366, 437, [* 442, 444,] 445.

procumbens, 374 [* ; 394].

repens, [* 427,] 366.

Tropæolum minus, 144 ; mensurations, 145 ; floraison précoce des croisés, 296 ; semences, 320, 328 [* 327 et non 328].

Tropæolum tricolor, 438 ; semences, 328 [* 327 et non 328].

Tulipes, 403.

Typha, 414.

U.

Urban (Ig.), fécondation du Medicago lupulina, 375.

V.

Vandellia nummularifolia, 90 [* 91 et non 90], 280 ; semences, 319, [* 322,] 326 ; autofertile, 376.

Vanille, sécrétion du nectar, 411 [* note 3].

Verbascum lychnitis, 89 [* 91 et non 89], 346, 376.

nigrum, 89 [* 91 et non 89], 335, 346 [* , 369].

phœniceum, 335, 346 [* , 369].

thapsus, 89 [* 91 et non 91] ; mensurations, 90 [* 92 et non 90] ; autofertiles, 346, 376.

Verlot, sur le Convolvulus tricolor, 55, note ; entre-croisement du Nemophila, 183, note 1 ; [* du non-croisement de l'aubergine et de la tomate, 396 note ;] du Leptosiphon, 403, note 1.

[* deuxième colonne]

Veronica agrestis, 375.

chamœdrys, 375.

hederœfolia, 375.

Vicia faba, 365, 412.

hirsuta, 374 [* , 393].

sativa, 374, 412.

Victoria regia, 371.

Villarsia parnassifolia, 398.

[* oubli : Vilmorin, sur la transmission de caractères aux descendants, 464.]

Vinca major, 367.

rosea, 368.

Viola canina, 363.

tricolor, 123 [* 124 et non 123] ; mensurations, 126, 127 [* ; 128, 185, 241] ; supériorité des plants croisés, 289, 293 ; période de floraison, 295, 300 ; effets de la fécondation croisée, 307 ; semences, 320, 329 ; stérilité partielle, 363 ; enlèvement de la corolle, 430 [* note 2].

Violacées, 123 [* erreur : 124].

Viscaria oculata, 130 [* erreur : 131] ; mensuration, 132 [* -133] ; hauteur moyenne des plants croisés et des autofécondés, 278 ; floraison simultanée, 298 ; semences, 320, 327 ; autofertile, 374.

W.

Wallace (M.), becs et faces des loris à langue en brosse recouverts de pollen, 378, note.

Wilder (M.), fécondation des fleurs par leur propre pollen, 346, note 2.

Wilson (A.J.), vigueur supérieure des semis croisés dans le Brassica campestris ruta baga, 358.

Wistaria sinensis, 384, 437.

Y.

Yucca (mouche du), 428.

Z.

Zea mays, 16, 232 ; mensurations, 16-18, 234 ; différence en hauteur ente les plants croisés et les autofécondés, 292 ; floraison précoce des plants croisés, 297 ; autofertilité, 376 ; prépondérance d'un pollen étranger, 405.

____________________

ERRATA.

Page 1, ligne 15, au lieu de causes d'erreurs, lisez : causes d'erreur.

— 15, ligne 27, au lieu de Je me suis, lisez : Après m'être.

— 15, ligne 28, au lieu de et je me suis, lisez : je me suis.

— 53, après le tableau, ligne 2, au lieu de les plantes croisées et auto fécondées, lisez : les plantes croisées et les auto-fécondées.

— 84, ligne 25, au lieu de M. Belta, lisez : M. Belt.

— 87, ligne 27, au lieu de pesaient 77, lisez : pesaient 7,7.

— 106, ligne 31, au lieu de jusqu'au moment, lisez : jusqu'au sommet.

— 119, ligne 11, au lieu de par les insectes, lisez : contre les insectes.

— 149, ligne 17, au lieu de ce dernier mourut, lisez : l'un de ces derniers.

— 150, ligne 4, au lieu de originaire de Mexico, lisez : originaire du Mexique.

— 164, note, ligne 1, au lieu de par le Rew., lisez : par le Rév.

— 197, ligne 28, au lieu de être complète, lisez : être complet.

— 229, ligne 12, au lieu de qu'un petit très-nombre, lisez : qu'un très petit nombre.

— 250, ligne 21, au lieu de où les géniteurs, lisez : où les générateurs.

— 257, ligne 17, au lieu de et les tous auto fécondés, lisez : et tous les auto fécondés.

— 279, ligne 14, au lieu de Passiflora edulis, lisez : Passiflora gracilis.

— 294, ligne 12, au lieu de avec propension, lisez : avec la propension.

— 308, ligne 26, au lieu de est transmis, lisez : est transmise.

— 322, ligne 14, au lieu de Nemophida, lisez : Nemophila.

— 337, ligne 33, au lieu de (pour les auto-fécondées), lisez : (pour les croisées).

— 363, ligne 21, au lieu (le Abuliton Darwini, lisez : Abutilon Darwini.

— 371, ligne 12, au lieu de plante rameuse, lisez : plante rameuse.

496 ERRATA.

Page 373, lignes 6 et 23, au lieu de Impatiens barbigerum, lisez : Impatiens barbigera.

— 376, ligne 3, au lieu de V. hederifolia, lisez : V. hederæfolia.

— 376, ligne 6, au lieu de Calceoralia, lisez : Calceolaria.

— 376, ligne 11, au lieu de Bartsia ondontites, lisez : Bartsia odontites.

— 382, ligne 33, au lieu de Asclepiadées, lisez : Asclépiadées.

— 384, ligne 21, au lieu de M. Hasssall, lisez : M. Hassall.

— 386, ligne 40, au lieu de avec formes, lisez : aux formes.

— 417, ligne 11, au lieu de serait négligée, lisez : se verrait négligée.

— 426, ligne 35, au lieu de Ranunculus bulbosus, lisez : Ranunculus bulbosus.

— 427, ligne 12, au lieu de Potentilla tormentosa, lisez : Potentilla tormentilla.

— 430, ligne 4, au lieu de Elles agissent, lisez : Ils agissent.

— 432, ligne 20, au lieu de ne saurait suffire, lisez : ne pourrait suffire.

— 437, ligne 19, au lieu de Salvinia Grahami, lisez : Salvia Grahami.

— 439, ligne 30, au lieu de Lathyrus sylvatris, lisez : L. sylvestres.

— 469, ligne 6, au lieu de à un moindre degré, lisez : à un degré trop élevé.

____________________

PARIS. - TYPOGRAPHIE PAUL SCHMIDT, 5, RUE PERRONET.

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Citation: John van Wyhe, ed. 2002-. The Complete Work of Charles Darwin Online. (http://darwin-online.org.uk/)

File last updated 18 August, 2023