RECORD: Darwin, C. R. 1870. De la fécondation des orchidées par les insectes et des bons résultats du croisement. Trans. by Louis Rérolle. Paris: C. Reinwald.

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DE LA FÉCONDATION

DES

ORCHIDÉES

PAR LES INSECTES

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DE LA FÉCONDATION

DES

ORCHIDÉES

CHARLES DARWIN

H. A., F. R. S. ITC.

TRADUIT DE L'ANGLAIS l'Ail L. HÈllOLLË

PARIS

C. HEINWALD ET C", LIBRAIRES-ÉDITEURS

15, l\UE IIKS SAISTS-I'ÈIIKS, 15
187 0

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I» U E F A C E-

Deux ouvrages de iM. Darwin ont été traduits en
français; les observations considérables qu'ils ren-
ferment, les vues importantes qui y sont exposées
sur un des plus hauts problèmes des sciences na-
turelles, ont eu un grand retentissement; et, à
quelque opinion qu'on appartienne, on ne saurait
méconnaître leur valeur.

L'ouvrage dont je publie la traduction a sans
doute une moindre portée, car il n'étudie qu'une
seule famille végétale, au seul point de vue des phé-
nomènes qui assurent la fécondation. Néanmoins,
j'ai pensé que des recherches poursuivies avec pa-
tience, pendant plusieurs années, par un observa-

a

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h                                                      PRÉFACE.

leur comme M. Darwin, sur un groupe d'êtres aussi
remarquable que celui des Orchidées, et sur un
acte physiologique aussi capital que celui de la
fécondation, intéresseraient les personnes qui se
livrent à l'élude de l'histoire naturelle. Nous avons
vu l'éminent naturaliste anglais, dans ses autres
ouvrages, faire une large place à l'interprétation
des faits, raisonner et juger en philosophe, for-
muler des hypothèses que l'on peut combattre,
mais dont on ne saurait nier la grandeur; il sera
juste de l'apprécier aussi dans un volume où, sans
perdre ses autres mérites, il se montre plus parti-
culièrement observateur exact et ingénieux expé-
rimentateur.

Ce livre n'est pas d'ailleurs aussi spécial qu'on
pourrait le croire au premier abord ; les faits qui
y sont consignés ont un intérêt général, car ils"
touchent à l'organisation florale dans sa plus haute
expression; ils mettent en lumière le rôle merveil-
leux des insectes dans la propagation des plantes ;
ils viennent à l'appui de cette doclrine que le croi-
sement individuel est une loi générale de la nature.
M. Darwin a signalé dans divers mémoires des
faits tendant à la môme conclusion, observés sur

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PRÉFACE.                                                     m

d'autres plantes; mais nulle part il n'en a réuni
un plus grand nombre et de plus décisifs.

Je suis heureux d'exprimer ma reconnaissance
envers M. Faivre, doyen de la Faculté des sciences
de Lyon, dans le laboratoire duquel j'ai pu vérifier
un certain nombre des descriptions données dans
cet ouvrage, et qui m'a aidé de ses bienveillants
conseils. Je remercie également M. Darwin du bon
accueil qu'il a fait à ma traduction, et des notes
précieuses dont il a bien voulu l'enrichir. Ces notes
résument les recherches faites, par lui ou d'autres
naturalistes, sur la fécondation des Orchidées, pos-
térieurement à la publication de son ouvrage, et
mettent ce travail au niveau des découvertes ré-
centes de la science.

L. Rékolle.

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INTRODUCTION

L'objet de ce travail est de montrer que les pro-
cédés qui servent à la fertilisation des Orchidées sont
aussi variés et presque aussi parfaits que les plus
beaux mécanismes du règne animal; et, en second
lieu, qu'ils ont pour objet propre la fécondation de
chaque fleur par le pollen d'une autre fleur. Dans mon
ouvrage sur l'Origine des espèces, je me suis borné
à donner des raisons générales à l'appui de mon opi-
nion que tout être organisé, sans doute d'après une
loi universelle de la nature, demande à être acciden-
tellement croisé avec un autre individu, ou, en d'au-
tres termes, qu'un hermaphrodite ne se féconde pas
lui-même indéfiniment. On m'a blâmé d'émettre cette
doctrine sans en donner des preuves suffisantes, ce
que ne permettait pas la médiocre étendue de mon

1

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2                                          LNTHODUCTION.

ouvrage. Je désire donc montrer que je n'ai pas parlé
sans avoir étudié les détails.

J'ai été amené à publier ce petit traitéséparémenl,
parce qu'il est devenu trop gros pour être réuni au
reste de mes travaux sur le même sujet. Comme les
Orchidées sont universellement admises parmi les
formes végétales les plus étranges et les plus déviées
du type primitif, les faits que je publie maintenant
conduiront peut-être quelques observateurs à prêter
une plus grande attention à la physiologie de nos es-
pèces indigènes ; l'étude des nombreux phénomènes
remarquables qu'elles présentent élèvera le règne
végétal tout entier dans l'estime de beaucoup de
gens. Je crains cependant que les détails qu'exige ce
sujet ne soient trop minutieux et trop complexes
pour qui n'aurait pas un goût prononcé pour l'histoire
naturelle. Ce traité m'en donnant l'occasion, je m'ef-
forcerai aussi de montrer que l'étude des corps or-
ganisés offre un intérêt égal, et à l'observateur plei-
nement convaincu que des lois coordonnées régissent
la structure de chaque être, et au naturaliste qui voit
dans les plus petits détails de structure le résultat
de l'action directe du Créateur.

Je dois dire d'avance que Christian Konrad Spren-
gel, dans son curieux et important travail : Das ent-
deckte Geheimniss der Natur, publié en 1793, a donné
un excellent aperçu des fonctions des différents or-
ganes chez les Orchidées; en effet, il connaissait
bien la place qu'occupe le stigmate ; il avait reconnu
que les insectes sont nécessaires pour enlever les

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INTRODUCTION.                                        3

masses polliniques, en ouvrant la poche du rostellura
et atteignant les glandes visqueuses qu'elle renferme.
Mais il passa sous silence beaucoup de faits curieux,
sans doute parce qu'il croyait que chaque stigmate
reçoit généralement le pollen de sa propre fleur. De
même, Sprengel a en partie décrit la structure des
Épipactis ; mais, à propos du Listera, il a complète-
ment méconnu le remarquable phénomène qui ca-
ractérise ce genre et qui a été si bien décrit par le
docteur Hooker, dans les Philosophical Transactions,
1854. Le docteur Hooker a donné des dessins et une
description exacte et complète de la structure et du
jeu des organes; mais n'ayant pas tenu compte du
rôle des insectes , il n'a pas entièrement com-
pris le résultat. Robert Brown *, dans un mé-
moire célèbre publié, dans les Linnsean Transactions,
exprima l'opinion que la plupart des Orchidées exi-
gent pour fructifier l'intervention des insectes; mais
il ajouta que la fertilité de tous les ovaires d'une
grappe serrée, fait fréquemment observé, est difficile
à concilier avec cette idée. Nous verrons bientôt que
ce doute est sans fondement. Plusieurs autres auteurs
ont aussi exposé des" faits ou exprimé des opinions
sur la nécessité de l'intervention des insectes dans la
fertilisation des Orchidées.

J'aurai, dans ce travail, le plaisir d'exprimer ma
vive reconnaissance envers plusieurs personnes qui,
avec une inépuisable obligeance, m'ont envoyé des

1 Linnxan Transactions, 1&55. vol. XVI, p. 704.

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i                                    INTRODUCTION.

plantes fraîches, sans le secours desquelles ces recher-
ches auraient été impossibles. La peine qu'ont prise
quelques-uns de mes bienveillants auxiliaires a été non
commune ; je n'ai jamais exprimé un désir, demandé
un secours ou un renseignement, qu'on nemeles ait
accordés aussi larges et aussi généreux que possible.

Il me paraît utile, dans l'intérêt des personnes
complètement étrangères à la botanique qui pour-
raient lire ce traité, d'expliquer le sens des mots dont
je ferai le plus fréquent usage. Dans la plupart des
fleurs, les étamines ou organes mâles entourent
comme d'un anneau un ou plusieurs organes fe-
melles, qu'on nomme carpelles. Dans toutes les Orchi-
dées ordinaires, il n'y a qu'une étamine, et elle se
soude au carpelle pour former la colonne. Les étamines
se composent d'un filet servant de support à une an-
thère (ce filet manque souvent dans les Orchidées
d'Angleterre); dans l'anthère se trouve le pollen, élé-
ment mâle et fécondateur. L'anthère se divise en
deux loges, très-distinctes chez la plupart des Orchi-
dées, et qui semblent même dans quelques espèces
former deux anthères séparées. Chez toutes les
plantes ordinaires le pollen consiste en une poussière
fine et granuleuse ; mais chez beaucoup d'Orchidées,
les grains sont unis en masses, qui ont souvent pour
support un très-curieux appendice, le caudicule;
nous l'expliquerons dans la suite avec plus de dé-
tails. Les masses de pollen, avec leurs caudicules et
autres appendices, ont reçu le nom de pollinies.

rigoureusement, il y a chez les Orchidées trois car-

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INTRODUCTION.                                          5

pelles soudés. Au sommet de ce verticille femelle est
une surface antérieure, molle et visqueuse, consti-
tuant le stigmate. Les deux stigmates inférieurs sont
souvent si complètement soudés, qu'ils ne semblent
en former qu'un seul. Dans l'acte de la fécondation,
de longs tubes émis par les grains de pollen pénètrent
dansle stigmate et conduisent lecontenu des grainsjus-
qu'aux ovules, jeunes graines renfermées dans l'ovaire.
Des trois stigmates qui doivent exister, celui du car-
pelle supérieur seul est modifié en un organe extraor-
dinaire nommé rostellum qui, dans beaucoup de cas,
est tout à fait différent d'un vrai stigmate. Ce rostel-
lum est rempli ou formé d'une matière visqueuse, et
dans un très-grand nombre d'Orchidées les masses
polliniques sont fortement attachées à une portion de
sa membrane extérieure, destinée, comme les masses
de pollen, à être enlevée par les insectes. Cette por-
tion qui sera transportée consiste généralement chez
les Orchidées d'Angleterre en une petite pièce mem-
braneuse, portant sous elle une couche ou balle de
matière visqueuse que je nommerai disque visqueux;
mais, dans beaucoup d'Orchidées exotiques, elle est si
grande et si importante, qu'une de ses parties doit,
comme dans le premier cas, s'appeler le disque vis-
queux, l'autre prenant le nom de pédicelle du rostel-
lum; c'est alors au sommet de ce pédicelle que sont
fixées les masses polliniques. Le pédicelle., prolonge-
ment du rostellum sur lequel, chez beaucoup d'Or-
chidées étrangères, les pollinies sont fixées, paraît
avoir été généralement confondu, sous le nom de

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(5                                        INTRODUCTION.

caudicule, avec le vrai caudicule des masses pollini-
ques; ces deux organes sont pourtant tout à fait diffé-
rents de nature et d'origine. On nomme quelquefois
bursicule, fovea on poche1, la partie du rostellum qui
n'est pas enlevée et qui entoure la matière visqueuse.
Mais il me paraît plus convenable de rejeter tous ces
termes, d'appeler tout le stigmate modifié rostellum,
sauf à ajouter parfois un adjectif pour déterminer sa
forme; et de nommer la portion de cet organe qui
adhère aux pollinies et est enlevée avec elles, le disque
visqueux, disque quelquefois muni d'un pédicelle.

Enfin, on nomme sépales les trois divisions exté-
rieures de la fleur, et leur réunion forme le calice ;
mais au lieu d'être vertes, comme dans la plupart des
autres fleurs, elles sont généralement colorées comme
les trois pièces intérieures ou pétales. Un des pétales,
qui est ordinairement au bas de la fleur, est plus dé-
veloppé que les autres et revêt souvent les formes les
plus bizarres; on l'appelle lèvre inférieure ou label-
lum. Il sécrète le nectar, liqueur qui attire les in-
sectes, et souvent il est muni à cet effet d'un long
nectaire en forme d'éperon.

1 Dans les principaux traités de botanique français, on appelle le dis-
que visqueux rdtinacle et le rostellum bursicule. (Trad.)

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DE LA FÉCONDATION

DES

ORCHIDÉES

CHAPITRE PREMIER

Structure des Orchis. — Mouvement des pollinies. — Parfaite adaptation
des parties dans l'Orchis pyramidalis. — Des insectes qui visitent les
Orchidées, et de la fréquence de leurs visites. — De la fertilité et de
la stérilité de quelques Orchidées. — De la sécrétion du nectar, et du
retard utile à la fécondation que les papillons éprouvent en le, prenant.

À mon avis, les Orchidées anglaises peuvent être
reparties en trois groupes, et dans la plupart des cas
cette classification est naturelle ; toutefois, j'en ex-
clus notre Cypripedium indigène, dont la fleur a deux
anthères, et que je ne connais point. Le premier de
ces trois groupes est celui des Ophrydées ; chez ces
plantes, les pollinies sont pourvues à leur extrémité
inférieure d'un caudicule attaché dès l'origine à un
disque visqueux ; l'anthère est placée au-dessus du
rostellum. A ce groupe appartiennent la plupart de
nos Orchidées communes.

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8                                                  ORCHIS MASCULA.

Commençons par le genre ûrchis. Peut-être le lec-
teur trouvera-t-il les détails suivants difficiles à com-
prendre , mais je peux l'assurer que s'il a la pa-
tience de lire ce premier article, il n'aura pas
de peine à comprendre ceux qui suivent. Les
figures ci-jointes (fig. I) montrent la position
relative des principaux organes dans la fleur de
VOrchis mascula. Les sépales et les pétales sont
enlevés, à l'exception du labellum et de son nec-
taire. Le nectaire se voit seulement de côté (n,
fig. A) ; car son large orifice est tout à fait caché
sur la fleur qu'on voit de face (B). Le stigmate (s)
est bilobé et consiste en deux stigmates presque
entièrement soudés ; il est au-dessous d'un ros-
tellum (r) en forme de poche. L'anthère (a, fig. À
et B) consiste en deux loges largement séparées,
s'ouvrant en avant par une fente longitudinale ; dans
chacune d'elles se trouve une masse de pollen ou
pollinie.

La figure G représente une pollinie retirée d'une
des deux loges de l'anthère. Elle consiste en une
grande quantité de grains de pollen groupés en pa-
quets cunéiformes (voy. la fig. F, dans laquelle ces
paquets sont fortement séparés), que relient des fils ex-
cessivement minces et élastiques. Ces fils se réunis-
sent à l'extrémité inférieure de chaque pollinie, et
forment ainsi (c, C) un caudicule élastique et droit.
L'extrémité du caudicule est fermement attachée au

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STRUCTURE.                                                    9

disque visqueux (d, C) qui consiste, comme on peut le
voir sur une coupe {fig. E), en une petite pièce mem-
braneuse, à contour ovalaire, portant sous sa face in-
férieure une balle de matière visqueuse. Chaque pol-
linie a son disque propre, et les balles de matière vis-
queuse sont enfermées l'une et l'autre {fig. D) dans le
rostellum.

Le rostellum est une saillie presque sphérique,
légèrement aiguë (r, fig. A et B), suspendue au-dessus
des deux stigmates soudés; il mérite d'être décrit
avec soin, car chaque détail de sa structure est d'une
haute importance. La figure E représente une coupe
de l'un des disques et de l'une des balles visqueuses ;
et sur la face antérieure de la fleur (fig. D), on voit
les deux disques visqueux dans le rostellum. Cette
dernière figure (D) est probablement la plus propre à
expliquer la structure du rostellum; mais on doit re-
marquer que la lèvre antérieure y est considérable-
ment abaissée. La partie inférieure de l'anthère est
unie à la partie postérieure du rostellum, comme
l'indique la figure B. Dans les premières périodes de
son développement, le rostellum se compose d'un
amas de cellules polygonales, pleines d'une matière
brunâtre, puis bientôt ces cellules se fondent en deux
balles d'une substance demi-fluide, extrêmement vis-
queuse et homogène. Ces masses visqueuses sont un
peu allongées, presque planes à leur sommet, mais
convexes en dessous. Elles sont parfaitement libres

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or.cnis mascula

Plff. i<

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ORCHIS MASCDLA

a. ANTHÈRE.                                      71. NECTAIRE.

r. IlOSTELLUM.                                  p. POLL1NIE OD MASSE POLI.INIQDE.

S. STIGMATE.                                      C. CAUDICOI.E DE LA POLLINIE.

/. LADBLLUM.                                    d. DISQUE VISQUEUX DE LA POLL1N1E.

A. Vue latérale de la fleur :.tous les sépales et pétales sont enlevés, sauf le
labcllum ; on a coupé seulement la moitié du labellum et delà partie pos-
térieure du nectaire. . *

II. Face antérieure de la .fleur : les pétales et sépales sont enlevés, saufle la-
bellum.

C.  Une pollinie ou masse pollinique, comprenant les groupes de grains do
pollen, le caudicule' et le disque visqueux.

D.  Los disques et les caudicules des deux pollinies, vus par devant, dans le
rostelluin dont la lèvre est abaissée.

E.  Coupe du rostellum, montrant le disque qui y est renfermé,,et le caudicule
d'une pollinie.

F.  Groupes de grains de pollen f les fils élastiques qui les réunissent son
distendus. (Copié sur Bauer.)

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12                                              ORCHIS MASCULA.

dans le rostellum, car elles baignent de toute part
dans un fluide, excepté en arrière, où chaque balle
adhère fortement à un disque, petite portion de la
membrane extérieure du rostellum. Les extrémités
des deux caudicules sont fermement liées à ces deux
petits disques membraneux.

La membrane qui forme toute la surface extérieure
du rostellum est d'abord continue; mais dès que la
fleur est ouverte, au plus léger contact elle se rompt
transversalement suivant une ligne sinueuse, en avant
des loges de l'anthère et de la petite crête ou repli
membraneux (voy. fig. D) qui s'étend entre elles. Cette
rupture n'altère pas la forme du rostellum, mais
elle convertit sa partie antérieure en une lèvre qu'on
peut facilement abaisser. On voit cette lèvre consi-
dérablement abaissée dans la figure D, et la figure B
en montre le bord. Quand la lèvre est tout à fait
abaissée, les deux balles de matière visqueuse sont à
découvert. Grâce à l'élasticité de sa partie postérieure,
jouant le rôle de charnière, la lèvre ou poche qui
vient de se former, dès qu'elle n'est pas abattue par
la pression', se relève et recouvre de nouveau les deux
balles gluantes.

Je ne peux pas affirmer que la membrane exté-
rieure du rostellum ne se rompe jamais spontané-
ment ; sans nul doute, elle se dispose à la rupture en
devenant très-faible suivant certaines lignes; mais
j'ai vu quelquefois le fait se produire à la suite du

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STRUCTURE.                                               15

contact le plus léger, si léger même qu'à mon avis
cet acte n'est pas purementmécanique, mais pourrait,
faute d'un meilleur terme, être appelé vital. Plus
loin, nous trouverons des cas dans lesquels le plus
léger contact ou l'action de la vapeur de chloroforme
suffisent pour faire rompre la membrane extérieure
du rostellum, suivant certaines lignes définies.

Au moment où le rostellum se rompt transversale-
ment en avant, il est probable (bien que je n'aie pu
m'assurer de ce fait à cause de la position des orga-
nes) qu'il se rompt de même en arrière suivant deux
lignes ovalaires, ce qui sépare du reste de sa surface
extérieure et met en liberté les deux petits disques
membraneux, auxquels sont attachés extérieurement
les deux caudicules et intérieurement les deux balles
de matière visqueuse. Les points de ruptures devien-
nent ainsi très-complexes, mais pourtant ils sont
strictement déterminés.

Comme les loges de l'anthère s'ouvrent en avant,
de la base au sommet, même avant l'épanouissement
de la fleur, dès que le rostellum, à la suite de la plus
légère secousse, s'est convenablement rompu, sa lèvre
peut aisément s'abaisser ; les deux petits disques
membraneux étant déjà séparés, les deux pollinies
deviennent alors absolument libres, mais sont encore
couchées côte à côte dans leurs premières places.
Ainsi les paquets de pollen et leurs caudicules restent
dans les loges de l'anthère ; les disques font encore

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14                                              ORCUIS MASCCL.Y.

partie de la face postérieure du rostellum , mais en
sont isolés ; les balles de matière visqueuse sont en-
core cachées dans la cavité de ce dernier organe.

Voyons maintenant comment fonctionne un méca-
nisme si complexe. Supposons qu'un insecte s'abatte
sur le labellum, vestibule delà fleur très-propre à le
soutenir, et qu'il introduise sa tête dans la chambre
(voy. fig. I, vue latérale A, vue de face B) au fond de
laquelle se cache le stigmate (s), dans l'espoir d'at-
teindre avec sa trompe l'extrémité du nectaire, ou,
ce qui rend également compte du fait, qu'on fasse
pénétrer très-doucement dans le nectaire un crayon
iinement taillé en pointe. Comme le rostellum, qui a
la forme d'une poche, fait saillie dans l'étroite en-
trée du nectaire, il est presque impossible d'intro-
duire un objet dans ce canal, sans le toucher. La
membrane du rostellum se rompt alors suivant les
lignes convenables et sa lèvre ou poche s'abaisse très-
aisément ; cela fait, une ou deux des balles visqueuses
atteindra presque infailliblement le corps qui vient
de s'introduire. Telle est la viscosité de ces balles
qu'elles s'attachent fortement à tout ce qu'elles tou-
chent. De plus, la matière visqueuse a la propriété
chimique spéciale de se prendre en une masse sèche
et dure, comme le ciment, après quelques minutes.
Les loges de l'anthère étant ouvertes le long de leur
face antérieure, quand l'insecte retire sa tète, ou
lorsqu'on retire le crayon, les deux pollinies (ou seu-

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FÉCONDATION.                                           là

lement l'une d'elles) sont entraînées et fortement
unies à l'objet, au-dessus duquel elles s'élèvent comme
de petits cornets ; on peut le voir sur, la figure 2 (A).

Fig. 2.

A, Masse pollinique d'O. mascula, venant d'être attachée au crayon. — B. M.,
après l'abaissement.

Il est très-nécessaire que la force d'adhésion du ciment
soit grande, comme nous allons le voir de suite ; en
effet, si les pollinies s'abattent, soit de côté, soit en
arrière, elles ne pourront jamais fertiliser une fleur.
Par suite de la position qu'elles avaient dans leurs
loges, elles divergent un peu lorsqu'elles sont fixées
à un objet. Supposons maintenant que notre insecte
s'envole et se pose sur une autre fleur, ou qu'on insère
le crayon (A, fig. 2) avec la pollinie qui lui est atta-
chée, dans le même ou dans un autre nectaire;
en jetant les yeux sur le dessin (fig. 1, A), on se
convaincra que la pollinie fermement attachée sera
tout simplement poussée contre ou dans son ancienne
place, l'une des loges de l'anthère. Comment donc

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16                                           0RCH1S MASCULY.

pourra-t-elle féconder la fleur? Grâce à un merveilleux
artifice. Bien que la surface visqueuse reste immo-
bile et adhérente, le disque membraneux auquel est
fixé le caudicule, disque petit et insignifiant en ap-
parence, est doué d'un remarquable pouvoir de
contraction (ce mouvement sera décrit plus bas
avec plus de détails) grâce auquel la pollinie s'a-
baisse en décrivant un arc d'environ 90° toujours
dans la même direction, vers la pointe du crayon
ou de la trompe ; ce qui a lieu, en moyenne, dans
l'espace de trente secondes. La figure 2 montre
en B la position que prend la pollinie après ce
mouvement. On peut voir en consultant le dessin
(fig. 1, A) qu'après ce mouvement (et un espace de
temps qui aura permis à l'insecte de voler sur un
autre fleur), si le crayon est introduit dans le nectaire,
le gros bout de la pollinieviendra frapper précisément
la surface du stigmate.

Ici, de nouveau, la nature met enjeu un ingénieux
mécanisme, depuis longtemps signalé par Robert
Brown*. Le stigmate n'est pas assez visqueux pour pou-
voir, au contact de la pollinie, la détacher tout en-
tière de la tête de l'insecte ou du crayon ; mais il l'est
assez pour briser les fils élastiques (Jig. 1, F) qui
relient entre eux les paquets de grains de pollen, dont
quelques-uns restent à sa surface. Il suit de là qu'une

' Transactions ofthe Li?inxan Society, vol. XVI, p. 731.

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FÉCONDATION.                                                   17

pollinie attachée au crayon ou à l'insecte pourra être
transportée sur plusieurs stigmates et les fécondera
tous. J'ai vu des pollinies d'Orchis pyramidalis adhé-
rant à la trompe d'un papillon ; les caudicules y res-
taient seuls, tous les paquets de pollen ayant été collés
aux stigmates des fleurs que l'insecte avait successi-
vement visitées.

Je dois encore mentionner un ou deux points se-
condaires. Les balles de matière visqueuse situées
dans la poche du rostellum baignent dans un fluide;
ceci est très-important, car, comme je l'ai déjà dit,
la matière visqueuse durcit après une exposition à
l'air de très-courte durée. J'ai retiré ces balles de
leurs poches, et j'ai vu qu'en quelques minutes elles
perdent entièrement leur force adhésive. En outre,
les petits disques membraneux dont le mouvement,
cause de celui des pollinies, est si rigoureusement in-
dispensable pour la fertilisation de la fleur, sont fixés
à la face supérieure et postérieure du rostellum, sont
complètement enveloppés et par suite restent humides
dans la base des loges de l'anthère ; et ceci est très-
nécessaire, car il suffit d'une exposition à l'air d'en-
viron trente secondes, pour que le mouvement d'abais-
sement se produise; mais tant que le disque est hu-
mide, la pollinie reste prête à agir dès qu'elle aura été
transportée par un insecte.

Enfin, j'ai montré qu'après avoir été abaissée, la

lèvre se redresse et reprend sa position primitive, ce

2

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18                                           OltCHIS MASCULA.

qui est*très-utile ; en effet, si cela n'avait pas lieu, et
qu'un insecte, après avoir abaissé la lèvre, manquât
d'enlever les balles visqueuses, ou s'il n'en enlevait
qu'une seule, dans le premier cas, les deux balles, et
dans le second, l'une d'elles, demeureraient exposées
à l'air; elles perdraient donc bientôt toute leur force
adhésive, et les pollinies deviendraient absolument
inutiles. Il est hors de doute que, souvent, dans plu-
sieurs espèces d'Orchis, les insectes n'enlèvent à la
fois qu'une seule pollinie; il est même probable qu'il
en est généralement ainsi, car dans un épi les fleurs
les plus basses et les plus anciennement écloscs ont
presque toujours leurs deux pollinies enlevées, tandis
que les fleurs plus jeunes situées immédiatement au-
dessous des boutons, ayant été plus rarement visitées,
n'en ont perdu qu'une seule. Dans un épi d'Orchis
maculata je n'ai pas trouvé moins de dix fleurs, sur-
tout parmi les plus élevées, qui n'avaient perdu qu'une
seule pollinie ; l'autre pollinie était à sa place, la
lèvre du rostellum s'étant très-bien redressée, et tout
était parfaitement disposé en vue de son prochain
enlèvement par quelque insecte.

La description que je viens de donner de l'action
des organes chez l'Orchis mascula s'applique égale-
ment aux 0. morio, fusca, maculata et latifolia, et à
l'Aceras anthropophora1. Ces espèces présentent dans

1 Ce genre est évidemment artificiel. L'Aceras est un vérilable Orchis,

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0RCH1S PYRAMIDAL1S.                                          19

la longueur du caudicule, la direction du nectaire,
la forme et la position du stigmate, des différences
légères et sans doute coordonnées, qui ne méritent pas
d'être examinées en détail. Chez toutes, les pollinies,
après leur enlèvement des loges de l'anthère, exécu-
tent le curieux mouvement d'abaissement qui est si
nécessaire pour les placer, sur la tête de l'insecte,
exactement de manière à ce qu'elles viennent frapper
la surface du stigmate dans une autre fleur. Chez
l'Aceras, le caudicule est plus court que de coutume,
le nectaire est réduit à deux petites dépressions ar-
rondies, le stigmate est allongé dans le sens transver-
sal, les deux disques visqueux sont tellement rappro-
chés dans le rostellum, que leurs bords empiètent
l'un sur l'autre; ce fait est digne d'attention, car c'est
un pas vers la soudure complète des disques, dont
l'O. pyramidalisetl'O. hircina nous offrent l'exemple.
Malgré cela, les insectes n'enlèvent parfois qu'une
seule pollinie, mais ce fait est plus rare chez l'Aceras
que chez les espèces précédentes.

Nous arrivons à VOrchis ou Anacamptis pyrami-
dalis, que plusieurs botanistes rangent dans un genre
spécial; c'est, parmi les espèces que j'ai soumises à
mon examen, une des mieux organisées. La position
relative des organes (fig. 3) diffère ici considérable-

seulement son nectaire est très-court. Le docteur Weddel a décrit (An-
nales des Sciences naturelles, 3" série, Bot., t. XVIII, p. 6) de nombreux
hybrides, produits naturellement entre cette espèce et VOrchis galeata.

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20                                       ORCUIS PYRAMIDALIS.

ment de ce qu'elle est chez l'O. mascula et les espèces
voisines. Le stigmate se compose de deux surfaces ar-
rondies et parfaitement distinctes (s, s, A) placées de
chaque côté d'un rostellum en forme de poche. Ce
dernier organe, au lieu de rester un peu au-dessus
du nectaire, est tellement déjeté vers le bas (voy. B,
coupe latérale de la fleur), qu'il s'avance au-dessus de
lui et ferme en partie son orifice. Le vestibule qui
conduit au nectaire, formé par la colonne unie aux
bords du labellum, est moins vaste que chez l'O. mas-
cula et les espèces voisines. Le rostellum, en forme
de poche, est creusé d'un sillon vers le milieu de sa
face inférieure ; il est plein d'une matière fluide. Il
n'y a qu'un seul disque visqueux (fig. C et E), delà
forme d'une selle, portant, sur son côté presque plat,
les deux caudicules des pollinies ; les extrémités tron-
quées de ces caudicules adhèrent fortement à sa sur-
face supérieure. Avant la rupture de la membrane du
rostellum, le disque en forme de selle, on peut le voir
sans peine, fait partie de la surface continue de cet
organe. Les membranes qui forment la base des
loges de l'anthère, se repliant largement au-dessus du
disque, le couvrent en partie et lui conservent sa fraî-
cheur, ce qui est d'une grande importance. La mem-
brane supérieure du disque se compose de plusieurs
couches de petites cellules, et par conséquent son
épaisseur est assez grande; elle est enduite en dessous
d'une couche de matière très-adhésive, qui s'élabore

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STRUCTURE.                                                 21

dans le rostellum. Ce disque unique, en forme de
selle, correspond exactement aux deux disques mem-
braneux séparés, petits et ovales, auxquels sont fixés
les caudicules chez l'O. mascula et les espèces voi-
sines: ici, deux disques primitivement distincts se
sont complètement soudés.

Quand la fleur s'ouvre et que le rostellum, soit
spontanément, soit à la suite d'un contact (j'ignore
lequel des deux est vrai) s'est rompu suivant des li-
gnes symétriques, il suffit de le toucher aussi légère-
ment que possible, pour abaisser la lèvre, portion in-
férieure et bilobée de sa membrane extérieure qui
s'avance dans l'orifice du nectaire. Lorsque la lèvre
s'est abaissée, la surface inférieure et visqueuse du
disque, bien que restant dans sa position première,
est à découvert, et il est presque sûr qu'elle s'atta-
chera à l'objet qu'elle touche. Un cheveu d'homme
introduit dans le nectaire est assez roide pour abaisser
la lèvre, et la surface visqueuse de la selle s'attache
à lui. Néanmoins, si la lèvre est trop légèrement tou-
chée, elle se redresse et recouvre de nouveau le bord
inférieur de la selle.

Pour bien juger de la parfaite adaptation des parties,
on peut couper l'extrémité du nectaire et insérer une
soie de porc dans l'ouverture ainsi faite, c'est-à-dire
dans une direction inverse de celle que la nature
s'est proposé de faire suivre aux papillons, quand ils
engagent leur trompe dans la fleur; on peut ainsi

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0PCI1IS MltÀHItoALlS

«g- S-

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ORCHIS rYIUJUDALIS.
a. AjTiiènB.          r. rostelldh. /'. crête-guide dd labellum.

SS. STIGMATE.            I. UBELLUM.              ». NECTAIRE.

I. Fleur vue en face : les sépales et les pétales sont enlevés, sauf le labellum.
— B. Fleur vue de côté : les sépales et pétales sont enlevés; le labellum est
fendu en deux dans le sens de sa longueur ; l'une des parois de la partie
supérieure du nectaire est coupée. — C. Les deux pollinies, attachées au
disque visqueux en forme de selle. — D. Le disque ayant exécuté son pre-
mier mouvement sans saisir aucun objet. — E. Le disque vu d'en liaut,
aplati de force, avec une de ses pollinies enlevées; on voit l'abaissement
qui résulte du second acte de contraction. — F. Pollinie retirée par une
aiguille qu'on a introduite dans le nectaire, après que par son premier
mouvement elle a embrassé l'aiguille. — G. La même pollinie, après le
second mouvement d'abaissement et de contraction.

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24                                         ORCIIIS PÏRAMIDAL1S.

percer ou déchirer aisément lerostellum, sans jamais
atteindre ou en atteignant rarement la selle. Aussitôt
que la selle, s'attachant à la soie, est enlevée avec ses
pollinies, la lèvre inférieure s'enroule rapidement
de dehors en dedans, et laisse l'orifice du nectaire
plus largement ouvert qu'il ne l'était d'abord. Cet
acte est-il réellement utile aux petits papillons qui
visitent si fréquemment ces fleurs, et par suite
à la plante elle-même? Je ne prétends pas l'af-
firmer.

Enfin, le labellum est muni de deux crêtes proémi-
nentes (/', fig. A et B), inclinées en bas vers le centre
et s'étalant au dehors comme l'ouverture d'un piège.
Ces crêtes sont très-propres à diriger tout corps sou-
ple, un cheveu ou un crin par exemple, vers l'entrée
étroite et arrondie du nectaire qui, bien que déjà peu
spacieuse, est encore en partie fermée par le ros-
tcllum. Ces crêtes, entrelesquelles glissent les trompes
des insectes, peuvent être comparées au petit instru-
ment dont on se sert parfois pour guider un fil dans
le mince trou d'une aiguille.

Voyons maintenant comment agissent ces organes.
Qu'un papillon engage sa trompe (et nous allons voir
de suite combien fréquemment les lépidoptères visi-
tent ses fleurs) entre les deux crêtes-guides du label-
lum, ou qu'on insère dans ce passage une soie très-
fine, l'objet sera sûrement conduit à l'étroite entrée
du nectaire, et ne pourra guère manquer d'abais-

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FÉCONDATION.                                                25

ser la lèvre du rostellum ; cela fait, la soie entre
en contact avec la surface inférieure du disque en
forme de selle qui est suspendu à l'entrée du nec-
taire, surface gluante et qui vient d'être mise à nu.
Si on retire la soie, on retire avec elle la selle et les
pollinies qui lui sont attachées. Presque instantané-
ment, dès que la selle est exposée à l'air, il se pro-
duit un mouvement rapide ; les deux ailes du disque
se recourbent en dedans et embrassent la soie. En
enlevant les pollinies par leurs caudicules à l'aide
d'une paire de pinces, de telle sorte que la selle n'ait
rien à embrasser, j'ai vu ses deux bouts se recourber
assez en dedans pour venir se toucher l'un l'autre,
suivant mes observations, en neuf secondes (voy. la
fiçj. D), et après neuf autres secondes, le mouvement
continuant, la selle prit l'apparence d'une balle com-
pacte. J'ai examiné les trompes de plusieurs papillons,
auxquelles étaient attachées des pollinies de cet Or-
chis ; elles étaient si menues que les bouts de la selle
se rencontraient juste sous elles. Un naturaliste qui
m'envoya un papillon avec quelques pollinies atta-
chées à sa trompe, et qui ignorait ce mouvement, fut
très-naturellement amené à cette conclusion surpre-
nante, que l'insecte avait été assez adroit pour percer
le centre même de la glande visqueuse de quelque
Orchidée.

Sans doute, par cet enlacement rapide, le disque
s'affermit sur la trompe et maintient les pollinies

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26                                      ORCIIiS PYMMIML1S.

dressées, ce qui est très-important ; toutefois le dur-
cissement si prompt de la matière visqueuse suffirait
probablement pour atteindre ce but, et l'avantage
réel ainsi obtenu est la divergence des pollinies. Les
pollinies, attachées au sommet ou coté plat de la
selle, sont d'abord dirigées directement en haut et
presque parallèles l'une à l'autre ; mais dès que ce
côté plat s'enroule autour de la trompe fine et cylin-
drique de l'insecte ou autour d'une soie de porc, les
pollinies divergent forcément. Aussitôt que la selle a
embrassé la soie et que les pollinies divergent, com-
mence un second mouvement : comme le premier, il
est exclusivement dû à la contraction du disque mem-
braneux qui a la figure d'une selle, et sera plus com-
plètement décrit dans le septième chapitre. Ce mou-
vement est celui que nous avons constaté chez l'O.
mascula et les espèces voisines; les deux pollinies di-
vergentes, qui d'abord étaient perpendiculaires àl'ai-
guille ou à la soie (voy. fig. F), décrivent un arc d'en-
viron 90° en s'abaissant vers le bout de l'aiguille
(voy. fig. G), et viennent finalement s'abattre dans la
même direction qu'elle. Trois fois j'ai vu ce mouve-
ment s'effectuer trente ou trente-quatre secondes
après que les pollinies avaient été enlevées des
loges de l'anthère, et par conséquent quinze se-
condes après l'enlacement du disque autour de la
soie.

L'utilité de ce double mouvement devient évidente

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FÉCONDATION.                                                 27

si l'on fait glisser une soie portant des pollinies qui
ont divergé et se sont abaissées, entre les crêtes-guides
du labellum, jusque dans le nectaire de la même ou
d'une autre fleur (comparez les fig. A et G); on voit
alors que les extrémités des pollinies ont pris exac-
tement une position telle que l'une vient frapper un
des stigmates, et qu'au même instant l'autre s'ap-
plique sur celui du côté opposé. Les stigmates sont
assez visqueux pour briser les fils élastiques qui
relient les paquets de pollen, et on peut voir,
même à l'œil nu, quelques grains d'un vert sombre
retenus sur leurs surfaces blanches. J'ai montré
cette petite expérience à plusieurs personnes, et
toutes ont exprimé la plus vive admiration pour la
manière merveilleuse dont se fertilise cette Or-
chidée.

Comme il n'est aucune autre plante, peut-être
même aucun animal, chez qui les organes soient
mieux adaptés les uns aux autres, et qui dans son en-
semble soit plus en harmonie avec d'autres êtres
organisés très-éloignés dans l'échelle de la na-
ture, il serait juste que je résume en quelques mots
les principaux traits de cette harmonie. Les fleurs
recevant tour à tour la visite des lépidoptères diurnes
et celle des nocturnes, ce n'est point, je pense, un
caprice de l'imagination de croire que leur brillante
livrée pourpre (qu'elle leur soit ou non donnée spé-
cialement dans ce but) attire ceux qui volent le jour,

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28                                         ORCHIS PYRAMIDALIS.

et que la forte odeur de renard qu'elles exhalent fait
accourir les nocturnes. Le sépale et les deux pétales
supérieurs forment un capuchon qui protège l'an-
thère et les surfaces des stigmates contre le mauvais
temps. Du labellum naîtun long nectaire chargé d'at-
tirer les papillons, et, comme des raisons que nous
allons bientôt donner tendent à le prouver, le nectar
est logé de telle manière qu'il ne peut être aspiré
qu'avec lenteur (ce qui est tout différent dans plu-
sieurs fleurs appartenant à d'autres tribus), afin que
la matière visqueuse formant la partie inférieure de la
selle ait le temps de devenir, grâce à sa curieuse pro-
priété chimique, dure, sèche et adhérente. Il suffit
d'introduire une soie de porc fine et flexible dans
l'orifice ouvert entre les crêtes inclinées du labellum,
pour se convaincre qu'elles guident la soie ou la
trompe et l'empêchent effectivement de descendre
obliquement dans le nectaire. Cette disposition est
d'une importance évidente; car, si la trompe entrait
obliquement, le disque en forme de selle s'attache-
rait obliquement à elle, et, après les mouvements
combinés des pollinies, celles-ci ne s'appliqueraient
pas exactement sur les deux surfaces latérales du
stigmate.

Voyons maintenant le rostellum qui ferme en partie
l'entrée du nectaire, semblable à un piège placé sur
le passage de l'oiseau ; piège si compliqué, si parfait,
se rompant suivant des lignes symétriques pour

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FÉCONDATION.                                                 29

former en haut le disque en forme de selle, en bas la
lèvre de la poche ; enfin cette lèvre si facile à abaisser,
que la trompe d'un papillon peut à peine manquer de
découvrir le disque visqueux et de s'attacher à lui ;
si cependant elle ne le découvre pas, la lèvre, qui est
élastique, se redresse, couvre de nouveau et conserve
fraîche la surface gluante du disque. Voyons la ma-
tière visqueuse qui est dans le rostellum, n'adhérant
qu'à la selle et entourée de fluide, afin qu'elle ne
durcisse pas avant l'enlèvement du disque; puis la
face supérieure de la selle avec les caudicules qui lui
sont attachés, également préservée de la dessiccation
par la hase des loges de l'anthère, jusqu'à ce qu'é-
tant enlevée, elle commence aussitôt son curieux
mouvement d'enlacement et fasse ainsi diverger les
pollinies ; vient ensuite le second mouvement qui les
abaisse, et ces mouvement combinés ont exactement
pour résultat de permettre que les bouts des pollinies
viennent frapper les deux surfaces du stigmate. Ces
surfaces ne sont pas assez visqueuses pour tirer à
elles, en l'arrachant à la trompe de l'insecte, une
pollinie tout entière, mais elles le sont assez pour
rompre les fils élastiques et s'emparer de quelques
paquets de pollen, en en laissant un grand nombre
pour d'autres fleurs.

Il faut observer que, bien que l'insecte mette pro*
bablement un temps considérable à aspirer le nectar
de chaque 110111*, cependant le mouvement abaisseur

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30                                  ORCUIS USTULATA.

des pollinies ne commence pas (je le sais par une ex-
périence) avant qu'elles ne soient tout à fait enlevées
de leurs loges ; ce mouvement ne sera pas achevé,
et les pollinies ne seront pas prêtes à couvrir les sur-
faces du stigmate, avant qu'une demi-minute ne se
soit écoulée ; ce qui donnera largement au papillon
le temps de voler sur une autre plante, afin que l'u-
nion ait lieu entre deux individus distincts. Signa-
lons enfin la merveilleuse production des tubes pol-
liniques, leur marche à travers le tissu du stig-
mate et les mystères delà germination, phénomènes
communs d'ailleurs à toutes les plantes phanéro-
games *.

L'Orchis ustulata*, semblable à plusieurs égards à
l'Orchis pyramidalis, en diffère sous d'autres points
de vue. Son labellum est creusé d'un profond canal ;
ce canal, tenant lieu des crêtes-guides del'O. pyrami-
dalis, conduit au petit et triangulaire orifice d'un
court nectaire. Au-dessus de l'angle supérieur du
triangle s'avance le rostellum, dont la poche est un
peu aiguë en dessous. Par suite de cette position du

1  [Récemment, le professeur Treviranus a confirmé (BolanUche Zei-
tung, 1863, p. 241) nies observations sur ÏOrchis ou Anacamptis pyra-
midalis, et ne ditfère de moi que sur un ou deux points secondaires. En
Angleterre, d'autres observateurs ont confirmé mes observations sur
cette remarquable espèce.] C. D., mai 1809.

2  Je suis très-obligé envers M. G. Chichester Oxenden, de Broome
Park, qui m'a fourni des échantillons frais de cet Orchis, et avec une
obligeance inépuisable, de nombreux échantillons de plantes vivantes
et des indications concernant plusieurs de nos plus rares Orchidées.

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VISITES DES INSECTES.                                      31

rostellum tout auprès de l'entrée du nectaire, il y a né-
cessairement deux stigmates latéraux; mais on peut re-
marquer ici une intéressante gradation : le stigmate
unique, médian, à peine lobé, de l'O. maculata, devient
bilobc chez l'O. mascula et franchement double chez
l'O. pyramidalis ; mais il passe de l'une à l'autre de ces
deux dernières formes, à l'aide d'une forme inter-
médiaire : en effet, chez l'O. ustulata, immédiate-
ment au-dessous du rostellum, se trouve une crête
étroite qui relie les deux stigmates latéraux ; elle est
formée d'utricules ou de tissu stigmatique, exacte-
ment comme eux, et présente ainsi elle-même les ca-
ractères d'un vrai stigmate. Les disques visqueux sont
un peu allongés. Les pollinies exécutent le mouve-
ment ordinaire d'abaissement, et en prenant cette
position, afin d'être prêtes à frapper les deux stigmates
latéraux, s'écartent un peu l'une de l'autre.

Je viens de décrire, telle que je l'ai vue sur des
plantes fraîches, la structure de plusieurs espèces
anglaises du genre Orchis. Toutes ces espèces exigent
absolument pour fructifier le concours des insectes.
On le comprend, car les pollinies sont tellement en-
fouies dans les loges de l'anthère, et le disque avec
sa balle de matière visqueuse l'est tellement dans la
poche du rostellum, qu'un coup ne saurait les faire
tomber. Nous avons vu aussi les procédés très-variés
par lesquels, après quelques instants, les pollinies
prennent la position convenable pour frapper la sur-

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52                                     VISITES DES INSECTES.

face du stigmate, et cette étude montre qu'elles
sont habituellement transportées d'une fleur à une
autre. Mais, pour m'assurer de la nécessité de l'in-
tervention des insectes, j'ai mis un pied d'Orchis
morio sous une cloche, avant qu'aucune de ses polli-
nies n'ait été enlevée, laissant à découvert trois pieds
voisins de la même espèce. Chaque matin j'examinai
ces derniers et constatai l'enlèvement de quelques
pollinies. A la fin; toutes furent enlevées, sauf celles
d'une fleur située au bas d'un épi et d'une ou deux
fleurs au sommet de chaque épi, qui ne le furent
jamais. Je regardai alors la plante très-bien por-
tante que j'avais couverte d'une cloche, et, comme de
juste, toutes ses pollinies étaient dans leurs loges.
En répétant cette expériencesur des pieds d'O. mascula,
j'obtins exactement le même résultat. Ceci montre
que les épis placés sous la cloche, lorsqu'ensuite ils
furent découverts, n'avaient pas perdu leurs pollinies
et par conséquent ne produisirent pas de fruits,
tandis que les pieds voisins donnèrent beaucoup de
graines ; de ce fait, je conclus aussi qu'il existe sans
doute un temps favorable à la fertilisation pour
chaque espèce d'Orchis ; les insectes mettent fin à
leurs visites dès que ce temps est passé et que la sé-
crétion régulière du nectar n'a plus lieu.

Depuis vingt ans j'observe les Orchidées, et je n'ai
jamais pu voir un insecte visiter une fleur, excepté
deux papillons qui aspiraient le nectar d'un Orchia

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VISITES DES INSECTES.                              55

pyramidalis et d'un Gymnadenia conopsea. Je suis sûr
que les abeilles visitent quelquefois les Orchidéesl,
car le professeur Westwood m'en a envoyé deux,
l'une de ruche et l'autre sauvage, chargées de polli-
nies ; en outre, M. F. Bond m'apprend qu'il a vu des
pollinies attachées à des abeilles d'une autre espèce ;
cependant, je tiens presque pour certain que les Or-
chis communs en Angleterre reçoivent rarement la
visite des abeilles*. D'autre part, j'ai rencontré dans

1 M. Ménière (Bull. Soc. bot. de France, 1.1, 1854, p. 370) dit avoir
vu, dans la collection du docleur Guépin, des abeilles prises à Saumur,
ayant des pollinies d'Orchidées attachées à leur tête ; il raconte qu'une
personne, qui élevait des abeilles près du jardin de la Faculté de Tou-
louse, se plaignit de ce qu'elles revenaient du jardin avec la tête cou-
verte de petits corps jaunes, dont elles ne pouvaient pas se débar-
rasser. Ceci montre combien les pollinies sont fortement attachées.
J'ignore si dans ce cas les pollinies appartenaient au genre Orchis ou à
d'autres genres de la famille, que je sais être visités par les abeilles.

s [Après de nouvelles recherches, je reconnais que c'est là une erreur.
On peut, je crois, sûrement admettre que les Orchidées a très-longs
nectaires, telles que YOrckis (Anacamplis) pyramidalis, les Gymnadenia
et les Platanthera, sont habituellement fertilisées par des lépidoptères,
et que celles dont les nectaires ont une dimension plus ordinaire, sont
fécondées par des abeilles et des diptères ; de sorte qu'il y a un rapport
entre la largeur du nectaire et celle de la trompe de l'insecte qui fertilise
la plante. J'ai vu maintenant YOrckis mono fertilisé par diverses espèces
d'abeilles, notamment par l'abeille domestique (Apis mellifica) que j'ai
vue parfois porter de dix à seize masses polliniques, par le Bombus
muscorum (il avait plusieurs masses polliniques attachées à la surface
nue qui est immédiatement au-dessus de ses mandibules), par YEucera
longicornis (onze masses polliniques étaient fixées à sa tête) et par
YOsmia nifa. Ces abeilles et d'autres hyménoptères, mentionnés dans cet
ouvrage, m'onl été nommés par notre plus haute autorité en cette ma-
tière. M. Fred. Smith, du Muséum britannique. — Les diptères ont été
déterminés par M. Walker, du même établissement. Dans l'Allemagne
septentrionale, le docteur U. Mûller, de Lippsladl, a lrou\é des masses

5

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34                               VISITES DES INSECTES.

des ouvrages d'entomologie quelques exemples de
pollinies qu'on avait vu attachées à des papillons
de nuit.M. F. Bond a eu la bonté de m'envoyer un
grand nombre de ces insectes dans cette condition,
en me permettant d'enlever les pollinies, au risque
d'abîmer les échantillons ; c'était chose tout à fait
nécessaire pour déterminer les espèces auxquelles
appartenaient les pollinies. Chose singulière, toutes
ces pollinies (à l'exception d'un petit nombre d'entre
elles qui appartenaient aux Orchidées du genre Ila-
benaria, dont je vais bientôt parler) étaient celles de
l'O. pyramidalis. Voici les noms de vingt-quatre lôpi-

polliniques d'Orchis morio portées par des Bombus silvarum, lapidarius,
confusus et pratorum. Le même et excellent observateur a trouvé des
pollinies d'Orcliis lalifolia attachées à un Bombus; mais cet Orchis est
aussi fréquenté par des diptères. Un de mes amis a examiné l'Orcliis
mascula, et vu plusieurs fleurs visitées par un Bombus, sans doute le
Bombus muscorum. Mais je suis surpris de ce qu'on ait si rarement vu
des insectes visiter une espèce aussi commune. Mon fils, M. Georges
Darwin, qui s'occupe d'entomologie, a clairement expliqué le mode de
fertilisation de VOrchis maculata. Il a vu plusieurs fois une mouche
(Empis livida) insérer sa trompe dans le nectaire, et plus tard j'ai pu
moi-même le constater. Il a recueilli six mouches de cette espèce, qui
portaient des pollinies attachées à leurs yeux sphériques, au niveau de
la base des antennes. Ces pollinies avaient exécuté le mouvement d'a-
baissement, et se dirigeaient parallèlement à la trompe, un peu au-
dessus d'elle ; elles étaient par conséquent dans une position excellente
pour atteindre le stigmate. Une des mouches portail six pollinies ainsi
attachées, et une autre en portait trois. Mon fils vit aussi une mouche
plus petite et d'une autre espèce [Empis pennipes) insérer sa trompe
dans le nectaire ; mais elle ne parut pas agir aussi bien et aussi régu-
lièrement que la première ; une mouche de cette seconde espèce avait
cinq pollinies, et une autre en avait trois ; elles étaient fixées à la face
dorsale convexe de leur thorax.] C. D., mai 1809.

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VISITES DES INSECTES.                                   35

doptères d'espèces différentes, qui portaient attachées
à leur trompe les pollinies de cet Orchis :

pieris biussice.
polyommatus alexis.
lycieka p1ilœas.
arge gw.atea.
resperia svlvamds.
hesperia linea.

StniCHTHUS ALVEOLDS.
ANTHROCERA FIUPEKDUL.E.

LEUCANIA LITMARGYRIA EDCL1DIA GLYPHICA.

(deux spécimens), xylopiiasia sudlustris

ANTHROCERA TnlFOLlI
LITnOSIA COHPLANA.

CARADRINA RLANDA

CARADRINA ALSINES.
.TGKOTIS CATALEUCA.
EUDOLIA MENSURAR1A

(deux spécimens).

HELIOTIIIS MARGIXATA

(deux spécimens).

(deux spécimens).

IIADENA DENTIXA.
TOXOCAMI'A PASTWUM.
HEI.AKIPPE RIVARIA.
SP1LODF.S PALEAL1S.
SPILODES CINCTALIS.
ACOXTIA LUCTUOSA.

La grande majorité de ces papillons portaient
deux ou trois paires de pollinies, invariablement
attachées à leur trompe. L'Àcontia en avait sept
paires et le Caradrina pas
moins de onze! Les trom-
pes de ces deux papillons
avaient un aspect étrange,
arborescent [ftg.. 4). Les dis-
ques en forme de selle adhé-

.                                           ,                        Fi" i

raient a la trompe, ranges „,             "„'..,

r               ° Tête et trompe d un Acontia luc-

l'un devant l'autre, avec une tuosa, avec sept paires de pol-

, .            . . .                              Hnies d'Orchis pyramidalis al-

symetrie parfaite (comme cela tachées à la trompe.
devait nécessairement être, par suite delà direction
que les crêtes-guides du labellum avaient imprimée à la
trompe), et chaque selle portait sa paire de pollinies.

* Je dois à M. Parfitt l'examen d'un papillon de cette espèce ; le fait
est mentionné dans the Enlomologist'sweeldy InteUigencer,\o\.l\,p. 182,
et vol. III, p. 3, 3 octobre 1857. Les pollinies furent prises par erreur
pour celles d'un Ophrys api fera. Le pollen, naturellement jaune, était de-
venu vert; mais ayant été lavé, puis desséché, il reprit sa couleur normale.

[page break]

3b'                               VISll'ES DES INSECTES.

L'infortuné Caradrina, avec sa trompe ainsi encom-
brée, aurait eu de la peine à atteindre l'extrémité
d'un nectaire et serait bientôt mort de faim. Ces
deux papillons doivent avoir visité beaucoup plus des
sept ou onze fleurs dont ils portaient les dépouilles,
car les pollinies les plus anciennement attachées
avaient perdu beaucoup de pollen, montrant ainsi
qu'elles avaient déjà payé leur tribut à plus d'un
visqueux stigmate.

Cette liste montre aussi combien d'espèces de lépi-
doptères visitent une seule espèce d'Orchis. L'Hadena
fréquente aussi lesHabenarias. Toutes les Orchidées
munies de nectaires en forme d'éperon sont sans
doute visitées indifféremment par plusieurs espèces
de papillons nocturnes. Deux fois j'ai vu le Gymna-
denia conopsea, transplanté à plusieurs milles du lieu
où il vivait, avoir presque toutes ses pollinies enle-
vées. M. Marshall, d'Ely1, a fait la même remarque
sur des pieds transplantés d'Orchis maculata. Bien
que je ne puisse pas l'affirmer, je soupçonne que les
Nœottiées et les Malaxidées, qui n'ont pas de nectaires
en forme de tube, sont fréquentées par des insectes
d'un autre ordre. Le Listera est généralement fertilisé
par de petits hyménoptères, le Spiranthes par des
abeilles sauvages. Suivant M. Marshall, pas une seule

1 Gardener's Chronicle, 1801, p. 75. La note de M. Marshall est une
réponse à quelques remarques que j'avais déjà publiées dans Gardener's
Chronicle, 1SG0, p. 528.

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VISITES DES INSiXTES.                                  57

pollinie ne fut enlevée sur quinze pieds d'Ophrys
muscifera transplantés à Ely; un Epipactis latifolia
planté dans mon jardin, n'eut pas un meilleur sort
pendant un premier été ; mais l'été suivant, six fleurs
sur dix eurent leurs pollinies enlevées par quelque
insecte. Ces faits paraissent indiquer que certaines
Orchidées exigent, pour les fertiliser, des espèces
déterminées d'insectes. Cependant, un Malaxis palu-
dosa, transporté dans un marais distant de deux
milles de celui où il croissait, eut immédiatement la
plupart de ses pollinies enlevées.

Le tableau suivant montre que,dans un grand nom-
bre de cas, les papillons accomplissent avec succès
leur œuvre de fertilisation; mais il ne dit pas d'une
manière exacte dans combien de cas ils réussissent.
En effet, j'ai souvent trouvé presque toutes les pol-
linies enlevées, mais, en général, mes observations
précises n'ont porté que sur des cas exceptionnels,
comme on peut en juger par les remarques jointes à
cette liste. De plus, dans plusieurs cas, les pollinies
non enlevées appartenaient aux fleurs les plus hautes,
au-dessous des boutons; plusieurs d'entre elles ont
sans doute été enlevées plus tard. Plus d'une fois j'ai
trouvé les stigmates couverts de pollen dans des fleurs
qui n'avaient pas encore perdu leurs pollinies : elles
avaient donc reçu la visite des insectes. Dans beaucoup
d'autres fleurs les pollinies avaient été prises, mais
aucun pollen n'était encore déposé sur les stigmates.

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38                                       VISITES DES INSECTES.

Le second lot d'Orchis morio, dont il est question
dans le tableau, montre quelle nuisible influence eut
le temps extrêmement froid et humide de 1860 sur le
nombre des visites des insectes, et par suite sur la
fertilité de cette Orchidée. Il ne se produisit cette
année qu'un très-petit nombre de graines.

J'ai examiné des épis d'Orchis pyramidalis dans
lesquels chaque fleur épanouie avait ses pollinies en-
levées. Les quarante-neuf fleurs inférieures d'un épi
que m'envoya de Folkestone sir Charles Lyell, produi-
sirent q-uarante-huit belles capsules ; et des soixante-
neuf fleurs inférieures de trois autres épis, sept seu-
lement n'en produisirent pas.Ces faits montrent d'une
manière concluante avec quel succès les insectes s'ac-
quittent de leur rôle d'intermédiaires matrimoniaux.

Le troisième lot d'Orchis pyramidalis croissait sur
un coteau escarpé, herbeux, s'avançant au-dessus de
la mer, près de Torquay ; il n'y avait là nul buisson,
nul abri pour l'insecte. Surpris du petit nombre des
pollinies qui avaient été enlevées, bien que les épis
fussent vieux et que plusieurs des fleurs inférieures
fussent déjà flétries, je cueillis, pour les comparer
aux premiers, six autres épis, dans deux vallons buis-
sonneux et bien abrités, situés à un demi-mille de
chaque côté du coteau découvert; ces épis étaient
certainement plus jeunes et auraient probablement eu
dans la suite plusieurs autres pollinies enlevées, mais
on voit combien, même alors, ils avaient été plus

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OlîCHlS PYttAMIDAUS .
ÛRCHIS MACULATA. . .

OliCMS LATIFOLIA. . .
OllCIMS Fl'SCA.....

Trente-huit plantes, N. Kent. Ces plantes ont été examinées
après environ quatre semaines d'un temps extrêmement
froid et pluvieux, en 1860; par conséquent, dans les cir-

Fleuri ajanl

nue ou deui

polliniei

enlettes.

(A l'exclusion

des llcurs

rècem ouv.

Fleurs n'ajanl

qu'uc seule

pollinie

enlerée.

(Ces llcurs

s ntcompiis.

dans In culon.

de gauche.)

Fleurs
n'ajant pas

perdu
de polliuies.

22

110
39

102
57

32
21
28

50

8
63

2

23
>

»

V

6

5

17

27

5
6

6

193

8

66

166

12

7

50

119

54
34

 

Six plantes cueillies dans deux vallées abritées. Devonshire..

Six pliintes cueillies sur un coteau très-découvert. Devonshire.

Une plante. Staffordshire. Parmi les douze fleurs dont les pol-

linies n'étaient pas enlevées, la plupart étaient près des

 

Neuf plantes, qui mefurentenvoyées du Sud de Kent,par le Rev.

B.-S. Mal'len Lesfleurs étaient toutes à une période avancée.

Deux plantes, S. Kent. Fleurs tout à fait avancées, et même

   
   

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40                                       VISITES DES INSliCTES.

fréquemment visités par les papillons, et par consé-
quent fertilisés, que ceux qui habitaient le rivage
découvert. L'Ophrys abeille et l'Orchis pyramidal
croissent, mêlés ensemble, sur plusieurs points de
l'Angleterre ; il en était ainsi sur ce coteau, mais
l'Ophrys abeille, au lieu d'être, comme de coutume,
le plus rare des deux, était beaucoup plus abondant
que l'Orchis pyramidal. Qui aurait soupçonné qu'une
des principales causes de cette différence était proba-
blement l'exposition de ce lieu peu agréable aux pa-
pillons et, par suite, peu favorable à la fertilisation
de l'Orchis pyramidal, mais n'influant en rien sur
celle de l'Ophrys abeille qui, comme nous le verrons
plus loin, ne dépend pas des insectes?

J'ai examiné plusieurs épis d'Orchis latifolia, et
connaissant bien l'état habituel de l'Orchis maculala,
espèce très-voisine, je fus surpris devoir, dans neuf
épis presque fanés, combien peu de pollinies avaient
été enlevées. Une fois cependant, j'ai trouvé l'Orchis
maculata encore plus mal fertilisé ; sept épis portant
trois cent quinze fleurs n'avaient produit que qua-
rante-neuf capsules, ce qui fait en moyenne sept cap-
sules pour chacun d'eux ; les plantes, formant de
vastes groupes, étaient rassemblées en plus grand
nombre que je ne l'avais encore vu, et j'imagine que les
papillons avaient trop de fleurs à sucer et à fertiliser.
Sur d'autres plantes, croissant à peu de distance decet
endroit, j'ai trouvé plus de trente capsules par épi.

[page break]

VISITES DES INJECTES.                                     41

L'Orchis fusca présente un exemple plus curieux
de fertilisation imparfaite. J'ai examiné dix beaux
épis provenant de deux localités du sud de Kent, que
m'avaient envoyés M. Oxenden et M. Malden. La plu-
part de leurs fleurs commençaient à se flétrir, et le
pollen était moisi, même dans les plus hautes ; de là
nous pouvons sûrement conclure qu'aucune pollinie
n'aurait plus été enlevée. Je n'ai pu examiner en en-
tier que deux épis, à cause de l'état trop avancé des
fleurs, et le résultat qu'on peut voir sur le tableau
ci-dessous, fut : cinquante-quatre fleurs avec leurs
deux pollinies en place, et huit seulement avec une
ou deux pollinies enlevées. Nous voyons dans cet
Orchis et dans l'Orchis latifolia, qui n'avaient été ni
l'un ni l'autre suffisamment visités, que les fleurs
ayant encore une pollinie étaient plus nombreuses
que celles qui les avaient perdues toutes deux. Parmi
les fleurs appartenant aux autres épis d'Orchis fusca,
j'en ai examiné plusieurs; le nombre des pollinies en-
levées n'y était évidemment pas plus grand que dans
les deux épis dont le tableau fait mention. Les dix
épis réunis avaient eu trois cent cinquante-huit fleurs,
mais conformément au petit nombre des pollinies
enlevées, il ne s'était développé que onze capsules,
et cinq épis sur dix n'en portaient pas une seule ;
deux autres n'en avaient qu'une, et sur un seul le
nombre s'élevait à quatre. Pour donner une preuve
de ce que, comme je l'ai déjà dit, on trouve souvent

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42                                  SÉCRÉTION DU NECTAR.

imprégnés de pollen les stigmates des fleurs dont les
propres pollinies sont encore en place, j'ajouterai
que parmi les onze fleurs qui avaient produit des cap-
sules, cinq avaient encore leurs deux pollinies en-
fouies dans les loges de leur anthère.

Ces faits font naturellement naître un soupçon : si
l'O. fusca est si rare dans la Grande-Bretagne, n'est-ce
point parce qu'il n'attire pas assez puissamment nos
insectes, et par suite, ne donne pas assez de graines?
C. K. Sprengel1 a remarqué qu'en Allemagne l'O.
militaris (considéré par Bentham comme une variété
de l'O. fusca) n'est aussi, bien qu'à un moindre degré,
qu'imparfaitement fertilisé; il a vu, en effet, cinq
vieux épis, portant cent trente-huit fleurs, ne produire
que trente et une capsules, et il compare cette espèce
au Gymnademia conopsea, dont presque toutes les
fleurs sont fertiles.

Il me reste à traiter un sujet curieux, voisin du pré-
cédent. L'existence d'un nectaire en forme d'éperon,
bien développé, semble impliquer la sécrétion du nec-
tar. Et pourtant Sprengel, très-consciencieux obser-
vateur, après de minutieuses recherches faites sui-
des fleurs d'O latifolia et d'O. morio, n'a pu décou-
vrir une seule goutte de nectar ; Krùnitz* n'en a pas
trouvé non plus, ni sur le labellum, ni dans le nec-

1 Das Entdeckte Geheimniss, etc., s. 404.

- Cité par J. G. Kurr dans son Untenuahungen tiber die Bedeulimg der
Nekltirien, 1853, s. 2S. Voy. aussi das Entdeckle Geheimniss, s. 405.

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SÉCRÉTION DU NECTAR.                                       43

taire des 0. morio, fusca, militaris, maculata et lati-
folia. Pour moi, j'ai étudié les espèces déjà citées
dans cet ouvrage, et je n'ai pu y trouver aucune trace
de nectar. J'ai examiné, entre autres, onze fleurs d'O.
maculata, provenant de différentes plantes et de dif-
férents districts, et prises sur chaque épi dans les
conditions les plus favorables, sans jamais voir même
au microscope le plus petit atome de nectar. Spren-
gel appelle ces fleurs Scheinsa/lbïumen, ou fleurs à
faux nectar ; il suppose, car il savait bien que la fé-
condation ne peut avoir lieu sans les visites des in-
sectes, que ces plantes doivent leur existence à un
système suivi de tromperies. On ne peut pas croire à
une aussi monstrueuse imposture, si l'on pense au
nombre incalculable d'Orchidées qui ont dû vivre pen-
dant d'immenses périodes d'années, et à l'interven-
tion indispensable d'un insecte dans la naissance de
chacune d'elles; si l'on pense aux dispositions spé-
ciales d'où l'on doit conclure qu'un insecte, après
avoir visité une fleur qui l'aurait trompé, va presque
aussitôt s'abattre sur une seconde fleur pour que
l'imprégnation du stigmate ait lieu; et le grand nom-
bre des pollinies attachées aux trompes des papillons
qui ont visité l'O. pyramidal nous donne de ce fait
la preuve la plus décisive. Celui qui ajouterait
foi à une telle doctrine abaisserait bien bas les
facultés instinctives de plusieurs espèces de papillons.
Pour mettre à l'épreuve leur instinct, j'ai fait

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44                                  SÉCRÉTION DU NECTAR.

la petite expérience suivante, que j'aurais dû insti-
tuer sur une plus large échelle, .l'enlevai dans un
épi d'O. pyramidalis quelques fleurs déjà ouvertes,
puis je coupai vers la moitié de leur longueur les nec-
taires de six fleurs voisines qui n'étaient pas encore
écloses. Lorsque toutes les fleurs furent presque flé-
tries, je vis que sur quinze fleurs supérieures dont le
nectaire était intact, treize avaient perdu leurs polli-
nies ; deux seulement.les avaient encore dans les
loges de leur anthère. Des six fleurs dont j'avais mu-
tilé les nectaires, trois avaient leurspollinies enlevées
et trois les avaient encore en place. Ce résultat sem-
ble indiquer que les papillons n'agissent pas sans quel
que intelligence.

On peut dire que la nature a tenté, mais incomplè-
tement, la même expérience. En effet, M. Benthaml
a montré que l'O. pyramidalis produit parfois des
fleurs monstrueuses, dont le nectaire est tantôt nul,
tantôt court et imparfait. Sir Charles Lyell m'a envoyé
de Folkestone quelques épis qui comptaient plusieurs
fleurs dans cet état: j'en ai vu six qui n'avaient pas
le moindre vestige de nectaire, et leurs pollinies
n'étaient pas enlevées. Sur environ douze autres fleurs
ayant, soit un nectaire atrophié, soit un labellum
anormal dont les crêtes-guides, tantôt faisaient dé-
faut, tantôt étaient développées outre mesure et pre-

' Handbook of the Brilish Flora, 1858, p. 501.

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SÉCRÉTION DU NECTAR.                                        45

naient un aspect foliacé, une seule avait ses pollinies
enlevées et l'ovaire d'une autre commençait à se gon-
fler. J'ai remarqué que, dans les six premières fleurs
et dans ces douze autres, les disques en forme de
selle étaient dans un état parfait et enlaçaient prompte-
ment une aiguille, lorsque celle-ci était convenable-
ment insérée. Les papillons avaient dépouillé de leurs
pollinies et très-bien fertilisé les fleurs normales que
contenaient ces mêmes épis; tandis qu'ils avaient
négligé de visiter leurs voisines monstrueuses, ou,
s'ils les avaient visitées, le dérangement survenu
dans les rouages si compliqués de la fleur avait mis
obstacle à l'enlèvement des pollinies et empêché la
fécondation.

Ces quelques observations me portèrent de plus en
plus à croire que nos Orchidées communes sécrètent
du nectar, et je résolus d'examiner rigoureusement
l'O. morio. Dès que plusieurs fleurs furent ouvertes,
je me mis à les passer en revue pendant vingt-trois
jours consécutifs : je les regardai après un brûlant
soleil, après la pluie, à toute heure; je mis les épis
dans l'eau et je fis sur eux de nouvelles enquêtes à
minuit, et le matin suivant, de bonne heure; j'irri-
tai les nectaires avec un crin, je les soumis à l'action
de vapeurs irritantes ; je pris des fleurs dont les pol-
linies venaient tout récemment d'être enlevées par
les insectes, ce dont j'eus une fois une preuve parti-
culière en trouvant au fond du nectaire quelques

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46                                      SÉCKÉTION DU NECTAR.

grains d'un pollen étranger1; enfin j'observai des
fleurs qui, par leur position dans l'épi, semblaient
destinées à perdre bientôt leurs pollinies ; mais je ne
vis jamais qu'un nectaire tout à fait sec.

Ayant remarqué que, chez d'autres fleurs, la sé-
crétion du nectar commence et s'arrête en très-peu
de temps, je pensai que chez les Orchis elle se fait
peut-être au premier point du jour. En conséquence,
comme l'O. pyramidalis est visité (on peut en juger
par la liste placée plus haut) par des papillons et
quelques autres lépidoptères diurnes (telles que l'An-
throcera etl'Acontia), j'examinai avec soin son nec-
taire, choisissant, comme je viens de le dire, des
plantes provenant de différentes localités et les fleurs
les plus convenables; mais les points luisants de
l'intérieur du nectaire n'étaient pas humectés de la
moindre gouttelette. De là nous pouvons sûrement
conclure que jamais, ni dans mon pays, ni en Alle-
magne, les nectaires des Orchidées citées plus haut
ne contiennent de nectar.

En examinant les nectaires des 0. morio et macu-
lata, et surtout de l'O. pyramidalis, je fus surpris de
voir combien les membranes intérieure et extérieure
du tube ou éperon sont séparées l'une de l'autre ; de

1 En mouillant et en séparant les deux lames de la trompe d'un
papillon, qui portait des pollinies d'Ilabenaria attachées à sa tête, j'ai
trouvé dans l'eau un nombre surprenant de grains de pollen, qui appar-
tenaient à une autre plante.

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SÉCRÉTION DU iNECTAR.                                       47

même, la structure délicate de la membrane inté-
rieure que l'on peut très-aisément percer, et enfin la
grande quantité de fluide contenu entre ces deux
membranes, m'étonnèrent. Ce fluide est tellement
abondant, qu'ayant d'abord simplement coupé les ex-
trémités des nectaires d'un 0. pyramidalis, comme je
les pressais faiblement sur la plaque de verre d'un
microscope, de larges gouttes de fluide exsudèrent
des extrémités que je venais de couper, et j'en con-
clus que les éperons contenaient certainement du
nectar. Mais lorsque je faisais avec soin, sans exercer
aucune pression, une fente le long de la surface su-
périeure, en regardant dans le tube, je trouvais la
surface intérieure parfaitement sèche.

J'examinai alors les nectaires du Gymnadenia co-
nopsea (plante dont quelques botanistes font un véri-
table Orchis) et de l'IIabenaria bifolia, qui sont tou-
jours au tiers ou aux deux tiers pleins de nectar. La
membrane intérieure avait la même structure que
celle de l'O. pyramidal, étant couverte de papilles;
mais il y avait entre elles une grande différence, car
elle était immédiatement unie à la membrane exté-
rieure, au lieu d'en être quelque peu séparée par un
espace rempli de fluide, comme dans les espèces d'Or-
chis déjà citées. Ceci me conduit à supposer que, chez
ces dernières, les papillons percent la faible mem-
brane qui tapisse intérieurement les nectaires, et as-
pirent le fluide qui s'amasse abondamment entre les

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48                                    SÉCRÉTION DU NECTAR.

deux membranes. Je n'ignore pas que c'est là une
audacieuse hypothèse; car il n'y a pas encore d'exem-
ple de nectar contenu entre les deux membranes d'un
nectaire1, ni de lépidoptères perforant à l'aide de leur
trompe si délicate, même la plus faible membrane*.
Nous avons vu combien et quels admirables rouages
sont mis en jeu pour la fertilisation des Orchidées.
Nous savons combien il est important que les polli-

1 Le cas qui s'en rapprocherait le plus, mais pourtant en resterait
distinct, est celui de quelques plantes monocotylédones (décrit par Ad.
Brongniart dans les Bull, de la Soc. bot. de France, 1.1,1854, p. 75) ;
la sécrétion de leur nectar se fait entre les deux feuillets qui forment les
cloisons de l'ovaire. Mais ce nectar est conduit au dehors par un canal
excréteur, et, au point de vue morphologique, la surface sécrétante est
une surface extérieure.

* [J'ai repris mes observations sur les nectaires de quelques espèces
communes, spécialement sur ceux de VOrchis morio, pendant que dif-
férentes abeilles visitaient continuellement ces fleurs; mais je n'ai jamais
aperçu la plus mince gouttelette de nectar. — Chaque alieille laissait
pendant un temps considérable sa trompe engagée dans le nectaire, et
animée d'un mouvement continuel. J'ai vu un Empis se comporter de
même sur VOrchis maculata, et j'ai découvert par hasard sur cet Orchis
de petites taches brunes, où des piqûres avaient été faites antérieu-
rement. On peut donc sûrement accepter mon hypothèse, que les
insectes perforent le revêtement intérieur du nectaire et aspirent le
fluide contenu enlre les deux parois de ce tube. J'ai dit dans le texte
que cette hypothèse était hardie, parce qu'on ne connaissait aucun
exemple de lépidoptères perforant une membrane à l'aide de leur
trompe délicate : mais j'apprends maintenant de M. R. Trimen, auteur
d'un excellent travail sur les lépidoptères du cap de Bonne-Espérance,
que dans ce pays les teignes et les papillons font beaucoup de mal aux
pêches et aux prunes en perçant leur peau sur des points qui n'ont subi
aucune rupture. Des faits qui seront avancés dans cet ouvrage, faits
relatifs à des insectes qui rongent le labellum chez diverses Orchidées
exotiques, comportent l'idée que des insectes d'Europe perforent la
paroi interne des nectaires.] C. D., mai 1809.

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SÉCRÉTION DU NECTAR.                                          49

nies attachées à la tête ou à la trompe d'un insecte,
ne s'abattent ni de côté ni en arrière. Nous savons
que la balle de matière visqueuse qui termine en bas
la pollinie devient rapidement de plus en plus vis-
queuse, se coagule et durcit en quelques minutes ;
nous allons voir aussi que si les papillons éprouvent
un retard en aspirant la liqueur du nectaire, c'est un
avantage pour la plante, car alors le disque visqueux
a le temps de se fixer inébranlablement sur son véhi~
cule. Il est certain qu'ils éprouveraient un retard,
s'ils avaient à percer quelque point de la membrane
intérieure du nectaire et à puiser le nectar dans les
espaces intercellulaires. L'avantage qui en résulterait
est une preuve à l'appui de cette hypothèse, que les
nectaires des espèces d'Orchis citées plus haut ne dé-
versent pas le nectar à l'extérieur, mais le déposent
dans des réservoirs intérieurs.

La singulière observation qui suit confirme encore
mieux cette vue. Je n'ai vu les nectaires contenir du
nectar que chez cinq espèces anglaises d'Ophrydées,
les Gymnadenia conopsea et albida, les Habenaria bi-
folia et chlorantha et le Peristylus (ou Habenaria) vi-
ridis. Dans les quatre premières espèces, la surface
visqueuse des disques des pollinies, au lieu d'être
enfouie dans une poche, est à découvert: ce qui mon-
tre bien que la matière visqueuse n'a pas ici les
mêmes propriétés chimiques que chez les véritables
Orchis, et ne durcit pas aussitôt qu'elle est exposée

4

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50                                      SÉCRÉTION DU NECTAR.

à l'air. Pour m'en assurer directement, j'ai enlevé
les pollinies des loges de l'anthère, de sorte que
les surfaces supérieure et inférieure des disques fu-
rent, l'une et l'autre, librement exposées à l'air. Le
disque du Gymnadenia conopsea resta gluant pendant
deux heures, celui de l'Habenaria chlorantha pen-
dant plus de vingt-quatre heures. Dans le Peristylus
viridis, une membrane en forme de poche recouvre
le disque, mais elle est si menue que les botanistes
ne font pas mention d'elle. Lorsque j'aj examiné
cette espèce, je ne voyais pas encore quelle impor-
tance il y a à connaître exactement la rapidité avec
laquelle durcit la matière visqueuse ; mais voici ce que
j'écrivis dans mes notes à cette époque: le disque
reste visqueux pendant quelque temps, après qu'on
l'a retiré de sa petite poche.

Maintenant le sens de ces faits est clair; si, comme
cela est sans nul doute, la matière visqueuse des
disques chez ces cinq dernières espèces est assez
gluante pour pouvoir de suite souder fortement les
pollinies aux insectes, et si elle ne devient pas rapi-
dement de plus en plus visqueuse et dure, il n'est
pas nécessaire que les papillons mettent longtemps à
aspirer le nectar et soient obligés de percer sur quel-
ques points la paroi interne des nectaires ; aussi est-
ce exclusivement dans ces cinq espèces que nous
trouvons une ample provision de nectar amassée,
pour l'usage des insectes, dans le tube ouvert de ces

[page break]

SÉCRÉTION DU NECTAtt.                                  51

organes. Ainsi, quand la matière visqueuse demande
quelques instants pour jouer son rôle de ciment, le
nectar est logé de telle manière que les papillons
mettent plus de temps à l'atteindre ; et quand cette
matière est tout d'abord aussi gluante qu'elle le sera
jamais, le nectar est tout prêt à être rapidement as-
piré : si cette double coïncidence est accidentelle,
c'est un heureux accident pour la plante ; mais si
elle n'est pas fortuite, et je ne puis croire qu'elle le
soit, quelle merveilleuse harmonie1 !

1 [Depuis la publication de ce travail, les observations suivantes ont
été publiées sur des formes voisines de celles que j'ai étudiées. M. I.
Trnherne Moggridge a donné (Journal of Linnsean Society, vol. VIII,
Botany, 1865, p. 256) des détails très-intéressants sur la structure et le
mode de fertilisation de YOrchis ou Aceras longibructeata. Comme chez
YOrchis pyramidalis, les deux pollinies sont attachées à un seul et
même disque visqueux ; mais, contrairement à ce qui a lieu chez cette
espèce, après avoir été retirées des loges de l'anthère, elles convergent
l'une vers l'autre, puis obéissent au mouvement d'abaissement. Mais ce
qu'il y a de plus intéressant dans cette espèce, c'est que les insectes
puisent le nectar dans de petites cellules ouvertes, donnant à la surface
du labellum l'apparence d'un gâteau de miel. M. Moggridge a vu cette
plante fécondée par une grosse abeille, le Xylocopa violacea ; il rapporte
aussi quelques observations relatives à YOrchis hircina, et décrit la
structure et le mode de fertilisation du Serapias cordigera, fécondé par
une autre abeille, le Ceratina albilabris. Chez ce Serapias, les deux
pollinies sont attachées à un seul disque, après leur enlèvement ; elles
sont d'abord inclinées en arrière, mais bientôt après, elles se portent en
avant et en bas de la manière ordinaire. Comme la cavité du stigmate
est étroite, les pollinies sont guidées vers elle par deux crêtes.

M. Moggridge m'a envoyé de l'Italie septentrionale des plantes vivantes
à'Orchis ou Neolinea intacta, accompagnées d'excellents dessins et d'un
exposé complet de la structure de toutes les parties. Il m'apprend que
cette espèce produit des graines sans l'intervention des insectes, cas
rare chez les Orchidées. Je me suis assuré moi-même de la vérité de ce

[page break]

52

SÉCRÉTION DU NliCTAR.

ait en couvrant une plante ; presque toutes les fleurs fructifièrent. Ceci
tient à ce que le pollen est extrêmement peu cohérent, et tombe sur
le stigmate. Cependant les fleurs sont pourvues d'un court nectaire, et
les pollinies ont de petits disques visqueux ; toutes ces parties sont dis-
posées de telle sorte que, si un insecte les visitait, les masses polliniques
seraient probablement enlevées, mais avec moins de succès que chez
beaucoup d'autres Orchidées. Nous trouverons dans la suite un petit
nombre d'Orchidées qui présentent des particularités de structure dis-
posées à la fois en vue du croisement et de la fécondation de chaque
fleur par elle-même.

Je peux consulter ici un Mémoire de M. R. Trimen (Journal of Lin-
nxan Society, vol. Vil, Botany, 1803, p. 144) sur le merveilleux Disa
grandiflora, du cap de Bonne-Espérance. Cette espèce présente quelques
caractères remarquables : ainsi, les pollinies n'exécutent aucun mouve-
ment spontané d'abaissement, car le poids des masses polliniques suffît
pour plier la caudicule et lui donner la courbure sans laquelle la fécon-
dation ne pourrait s'opérer ; on doit noter aussi que le sépale postérieur
sécrète du nectar, et se prolonge en un éperon semblable au nectaire.
il. Trimen m'apprend qu'il a vu un insecte de l'ordre des diptères,
voisin des bombylius, fréquenter ces fleurs ; je dois ajouter qu'il m'a
i-nvoyé la description et des spécimens de différentes autres Orchidées
du sud de l'Afrique, confirmant les conclusions générales auxquelles je
fiis arrivé.] C. 1)., mai 1800.

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CHAPITRE II

Suite des Ophrydées. — Ophrys mouche et araignée. — Ophrys abeille,
en apparence organisé pour se fertiliser toujours lui-même, mais avec
des dispositions contraires favorables au croisement. — L'Orehis gre-
nouille; fécondation due à ce que deux parties du labellum sécrètent
du nectar. — Gymnadenia conopsea. — Grand et petit Orchis papillon ;
leurs différences et leurs modes de fertilisation. — Exposé des divers
mouvements des pollinies.

Nous arrivons à ces genres d'Ophrydées qui diffè-
rent surtout des Orchis, parce que leurs deux rostel-
hims1 en forme de poche sont distincts au lieu d'être
soudés ensemble. Commençons par le genre Ophrys.

Dans VOphrys muscifera ou Ophrys mouche, le cau-

1 II n'est pas correct de parler de deux rostellums, mais on me par-
donnera cette incorrection à cause de ses avantages. Rigoureusement, le
rostellum est un.organe impair, résultant d'une modification du stigmate
ou du carpelle postérieur; ainsi, chez les Ophrys les deux poches et l'espace
qui les sépare forment par leur ensemble le vrai rostellum. De même,
chez les Orchis, j'ai parlé de l'organe en forme de poche comme s'il était
tout le rostellum, mais en réalité cette dénomination s'applique aussi à
la petite crête ou repli membraneux qui s'avance entre les bases des
loges staminales. Celte crête plissée ( quelquefois convertie en un
sillon) répond au sillon uni qui s'étend entre les deux poches chez les
Ophrys, et, si elle est saillante et plissée, elle le doit au rapprochement
et à la fusion de ces deux poches. Usera plus complètement question de
rette modification dans le septième chapitre.

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5i                                     OPIIRYS MOUCHE.

diculede la pollinie (B) est courbé deux fois, presque
à angle droit. La pièce membraneuse presque circu-
laire , au côté inférieur de laquelle est attachée la
balle de matière visqueuse, est d'une dimension con-

Fig. 5.

a. ANTHÈRE.                      S. STIGMATE.

TT. ROSTELL1IM.                  I. LABELLUH.

A.  Face antérieure de la fleur : les deux pétales supérieurs sont presque cy-
lindriques et filiformes. Les deux rostellums se voient un peu en avant des
bases des loges staminales, mais la réduction du dessin empêche de s'en
rendre compte.

B.  Une des pollinies retirée de sa loge et vue latéralement.

sidérable; elle forme nettement le sommet du rostel-
lum, au lieu de n'en former, comme chez les Orchis,
que la surface postérieure et supérieure ; par suite,
dès que la fleur s'ouvre, l'extrémité du caudicule qui

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FÉCONDATION.                                               55

lui est attachée, est exposée à l'air. Comme on pou-
vait s'y attendre d'après cela, le caudicule ne peut
pas exécuter ce mouvement d'abaissement qui carac-
térise toutes les espèces d'Orchis ; car ce mouvement
se produit toujours quand la membrane supérieure
du disque est pour la première fois exposée à l'air1.
La balle visqueuse est entourée de fluide, dans la poche
formée par la moitié inférieure du rostellum ; et ceci
est nécessaire, car la matière visqueuse se dessèche
rapidement à l'air. La poche n'est pas élastique et ne
peut pas se relever après l'enlèvement de la pollinie.
Une telle élasticité n'aurait pas été utile, car ici cha-
que disque visqueux a une poche spéciale ; chez les
Orchis, au contraire, quand une pollinie a été enlevée,
l'autre doit rester recouverte afin d'être toujours
prête à s'acquitter de ses fonctions. Il semble que la

4 [M. T.-1I. Farrer, qui a étudié dernièrement la fertilisation de diffé-
rentes plantes, m'a convaincu que je m'étais trompé, et que les pollinies
de cet Ophrys exécutent le mouvement d'abaissement. Quand l'atmos-
phère est très-humide, le mouvement est lent. Mes remarques sur les
rapports de diverses plantes entre elles sont donc jusqu'à un certain
degré confirmées, mais on ne peut douter que le caudicule naturelle-
ment recourbé ne joue un rôle important, en plaçant la masse pollinique
dans une position convenable pour qu'elle frappe le stigmate. Continuant
à examiner à l'occasion celte espèce, je n'ai jamais pu voir les insectes
visiter ses fleurs; mais j'ai été amené à soupçonner qu'ils piquent ou
rongent les petites proéminences d'aspect métallique qui existent sous
les disques visqueux et se voient aussi chez les espèces voisines. J'ai
quelquefois aperçu sur ces proéminences de très-petites piqûres, niais
sans pouvoir décider si elles étaient l'œuvre des insectes, ou si elles
étaient dues à la rupture spontanée de quelques cellules superficielles.]
CD., mai 18(19.

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56                                                OPHKYS MOUCHE.

nature soit économe au point de s'épargner la dépense
d'un peu d'élasticité superflue.

Les pollinies ne peuvent pas, comme j'en ai sou-
vent fait l'expérience, être expulsées violemment de
leurs cellules. Il est certain, comme nous allons
le voir de suite, que quelques insectes visitent,
quoique rarement, ces fleurs et enlèvent leurs pol-
hnies. Deux fois j'ai trouvé le stigmate bien garni
de pollen dans des fleurs qui avaient encore leurs
deux pollinies dans leurs cellules; et si j'avais
examiné un plus grand nombre de fleurs, j'aurais,
sans nul doute, observé ce fait plus souvent. Le label-
lum allongé de l'Ophrys mouche est un bon lieu de
repos pour les insectes: à sa base, juste au-dessous
du stigmate, il présente une dépression profonde qui
rappelle le nectaire des Orchis ; mais je n'ai jamais
trouvé aucune trace de nectar. En outre, bien que
j'aie souvent observé ces fleurs sans apparence et sans
parfum, je n'ai jamais vu un insecte s'approcher
d'elles. De chaque côté de la base du labellum se
trouve une excroissance brillante, douée d'un éclat
presque métallique, semblable à une gouttelette de
fluide ; si dans quelques cas je pouvais croire aux faux
nectaires de Sprengel, ce serait dans celui-ci. Pour-
quoi les insectes visitent-ils ces fleurs? Je ne peux
jusqu'à présent que le conjecturer. Les deux poches
qui recouvrent les disques visqueux ne sont pas
très-éloignées l'une de l'autre et s'avancent au-des-

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KÉCO.NDATION.                                                    57

sus du stigmate : un objet doucement poussé en
droite ligne vers l'une d'elles ( dans un Orchis il fau-
drait qu'il soit dirigé plus bas) abaisse la poche,
touche la balle visqueuse et s'attache à elle, et la
pollinie est facilement enlevée.

La structure de la fleur me conduit à penser que
de petits insectes (comme nous le verrons aussi à
propos du Listera) montent le long du labellum jus-
qu'à sa base, et qu'inclinant et relevant tour à tour
leur tète, ils viennent, frapper une des poches; ils
s'envolent alors sur une autre fleur avec une pollinie
attachée à leur tête, et là, montant de nouveau du
sommet à la base du labellum, ils portent la pollinie
qui, grâce à la double courbure de son caudicule,
vient frapper la surface gluante du stigmate et y
laisse du pollen. En étudiant les espèces voisines,
nous trouverons de bonnes raisons pour croire que,
dans FOphrys mouche, le double pli du caudicule
remplace le mouvement ordinaire d'abaissement.

Les faits suivants montrent que les insectes visitent
les fleurs de l'Ophrys mouche et en transportent les
pollinies, bien que d'une manière insuffisante. Pen-
dant quelques années avant 1858, j'eus l'occasion
d'examiner quelques fleurs: j'ai trouvé que sur cent
deux d'entre elles, treize seulement avaient une ou
deux pollinies enlevées. A cette époque j'écrivis dans
mes notes que la plupart de ces fleurs commençaient
à se flétrir; cependant je crois avoir compris parmi

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58                                           0P11RYS MOUCHE.

elles bon nombre de fleurs fraîchement épanouies,
qui peut-être ont été visitées dans la suite. C'est pour-
quoi je préfère n'ajouter foi qu'aux observations sui-
vantes.

En 1858, 17 plantes portant 57 fleurs, crois-

Nombre du
lleau dont lu
déni polliuei
ou l'nno d'elles
aiileol M
enleiéei par
les iuieeles.

Konhre des

euri dont lei

deux pollioies

résultat

dam leurs

cellules.

   
 

50

27

En 1858, 25 plantes portant 65 fleurs, crois-

   
 

15

50

En 1800, 17 plantes portant 61 fleurs. . . .

28

53

En 1861, A plantes ayant 24 fleurs, provenant

   

du sud de Kent. (Toutes les précédentes vi-
vaient dans le nord du même comté. ). . .

Total............

15

9

88

119

 

Ainsi, sur deux cent sept fleurs que j'ai examinées,
il n'y en avait pas la moitié qui avaient reçu la visite
des insectes; sur les quatre-vingt-huit fleurs visitées,
trente et une n'avaient perdu qu'une pollinie. Comme
les visites des insectes sont indispensables à la fer-
tilisation de cet Ophrys, il est surprenant (comme
pour l'Orchis fusca) que la nature ne l'ait pas rendu
plus attrayant pour ces petits animaux. Le nombre
des capsules produites est même proportionnelle-
ment moindre que celui des fleurs visitées. L'an 1861
fut très-favorable à l'Ophrys mouche dans cette partie

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Ol'IIRYS ARAIGNÉE.                                              59

du comté de Kent, et jamais je n'ai vu fleurir un plus
grand nombre de ces plantes; j'ai profité de cette
occasion pour en observer onze, qui portaient qua-
rante-neuf fleurs, mais elles ne produisirent que sept
capsules. Deux de ces plantes portèrent chacune deux
capsules, trois autres en donnèrent une, de sorte
qu'il n'y eut pas moins de six plantes qui furent tout
à fait stériles! Que devons-nous conclure de ces faits?
Les conditions de vie sont-elles peu favorables à
cette espèce, bien que, cette année, elle se soit assez
multipliée en certains endroits pour mériter d'être
qualifiée de très-commune? La plante pourrait-elle
nourrir plus de graines, et serait-ce pour elle un
avantage d'être plus féconde ? Pourquoi se couvre-t-elln
de tant de fleurs, s'il ne lui est pas utile de produire
plus de graines ? Sans doute, il y a dans le mécanisme
de sa vie quelque chose que nous ne pouvons saisir.
Nous allons bientôt voir quel remarquable contraste
existe, au point de vue de la production des graines,
entre cette espèce et une autre du même genre,
l'Ophrys apifera ouOphrys abeille.

Ophrys aranifera, ou Ophrys araignée.—J'ai pu,
grâce à M. Oxenden, observer quelques épis de cette
espèce rare. Le caudicule (fig. A) s'élève d'abord per-
pendiculairement au disque visqueux, puis se courbe
ou s'incline en avant delà même manière, mais à un
moindre degré, que dans la dernière espèce. Le point
d'attache du caudicule avec la membrane du disque

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OPHRTS AIUtïIFERA.

60                                        OI'HRYS ARAIGNÉE.

est caché dans les bases des loges staminales, et
ainsi il reste humide. Par suite, dès que les pollinies
sont exposées à l'air, le mouvement ordinaire d'abais-
sement a lieu, et elles s'abattent en décrivant à peu

près un arc de 90°. Par ce
mouvement les pollinies (je
suppose qu'elles se soient at-
tachées à la tête d'un insecte)
prennent exactement la posi-
tion convenable pour couvrir
A. l'ollinie avant son abais- la surface du stigmate, qui

n. Poiiinie Sa"son abaisse-est situé. relativement aux
ment-                 rostellums, un peu plus bas

dans cette fleur que dans celle de l'Ophrys mouche.
Si l'on compare, sur la gravure qui les représente,
une pollinie d'Ophrys araignée après son mouvement,
avec une pollinie d'Ophrys mouche qui n'a pas la fa-
culté de se mouvoir, il est impossible de douter que
la courbure rectangulaire et permanente de la der-
nière ne serve pas au même usage que le mouvement
d'abaissement.

J'ai examiné quatorze fleurs d'Ophrys araignée,
parmi lesquelles quelques-unes commençaient à se
flétrir ; aucune n'avait perdu ses deux pollinies, et
trois seulement n'en avaient plus qu'une. Cette espèce
paraît donc, comme l'Ophrys mouche, n'être pas très-
fréquemment visitée par les insectes.

Les loges de l'anthère s'ouvrent si largement,

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OPHRYS ABEILLE.                                        61

que deux paires de pollinies voyageant dans une boîte
tombèrent de ces cavités, et s'attachèrent à la fleur
par leurs disques visqueux. Il y a ici, comme dans
toute la nature, une gradation évidente; en effet,
l'étendue considérable de l'ouverture des loges sta-
minales n'a pas d'utilité pour cette espèce, mais
elle est de la plus haute importance, comme nous
allons le voir immédiatement, dans l'espèce suivante,
l'Ophrys abeille. De même, l'inflexion de l'extrémité
supérieure du caudicule vers le labellum, sans la-
quelle, chez les Ophrys mouche et araignée, la pol-
linie qu'un insecte vient d'enlever et de déposer au
sein d'une nouvelle fleur ne pourrait frapper le stig-
mate, est exagérée dans l'espèce suivante, mais pour
servir à l'accomplissement d'une tout autre vue, la
fécondation d'une fleur par elle-même1.

Ophrys apifera. — Dans l'Ophrys abeille, nous trou-
vons des moyens de fertilisation tout à fait spéciaux,
si on le compare aux autres espèces du même genre,
et même, autant que je peux le savoir, à toutes les

1 [F. Delpino dit (Fecondazione nelle piante, etc., Firenze, 18G7)
avoir examiné en Italie plus de dix mille individus de cette espèce, et
constaté qu'elle fructifie rarement. Cet Ophrys ne sécrète pas de nectar.
Bien qu'il n'ait jamais vu d'insecte sur ces fleurs (sauf une fois, une
sauterelle verte), il sait qu'elles sont fécondées par les insectes, ayant
trouvé du pollen sur les stigmates de quelques-unes, alors que leurs
pollinies étaient encore dans les loges de l'anthère. Les pollinies ne
tombent jamais spontanément. Le même auteur parait croire que j'ad-
mets la fertilisation directe chez cet Ophrys; c'est une erreur.] C. D.,
mai 1800.

[page break]

(52                                      OPIIRYS ABEILLE.

autres Orchidées. Pour les deux poches du rostcl-
lum, les disques visqueux, la position du stigmate,
il ne diffère presque pas des autres Ophrys ; mais
j'ai remarqué avec surprise qu'il n'en est pas de
même pour l'espace qui s'étend entre les deux
poches et pour la forme des masses de pollen. Les
caudicules des pollinies sont notablement longs,

Fig. 7.
opiibïs apifeba, on ophbts abeille.

a. ANTHÈRE.                 II. LABELLUH.

A. Vue latérale delà Heur, le sépale et les deux pétales supérieurs éiant en-
levés. Une pollinie, dont le disque est encore dans le rostellum, est figurée
au moment où elle tombe de sa loge ; l'autre, dont la chute est presque
terminée, regarde déjà la surface cachée du stigmate.

B Pollinie dans la position qu'elle occupe dans sa loge.

minces et flexibles, au lieu d'être, comme chez les
autres Ophrydées, assez fermes pour se tenir dres-
sés. Par suite de la forme des loges staminales,
ils sont forcément courbés en avant à leurs extré-

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FÉCONDATION SINS CROISEMENT.                          65

mites supérieures ; les masses de pollen, dont la
forme est celle d'une poire, sont logées tout à fait en
haut et précisément au-dessus du stigmate. Les
loges de l'anthère s'ouvrent d'elles-mêmes dès que la
fleur est entièrement épanouie, les gros bouts, des
pollinies s'en dégagent et tombent, mais les disques
visqueux restent toujours dans leurs poches. Quel-
que faible que soit le poids du pollen, le caudicule
est si mince et devient bientôt si flexible, qu'en peu
d'heures les pollinies s'abattent jusqu'à pendre libre-
ment dans l'air (voy. la pollinie la plus basse dans la
fig. À), exactement vis-à-vis de la surface du stig-
mate. Qu'un léger souffle, effleurant les pétales étalés
de l'Ophrys, vienne alors ébranler leurs flexibles et
élastiques supports, et presque immédiatement elles
frapperont le stigmate : dès lors elles ont atteint leur
but et l'imprégnation a lieu. Pour m'assurer que nul
autre secours n'intervenait dans cet acte, bien que
cette expérience fût superflue, je mis une plante
sous un filet, afin que le vent puisse agir sur elle sans
qu'aucun insecte la visite : peu de jours après, les
pollinies étaient attachées aux stigmates ; mais sur
un épi qu'on laissait sous l'eau dans une chambre
tranquille, les pollinies restèrent libres, suspendues
en face du stigmate.
Robert Brown1 a remarqué le premier que la struc-

1 Transact. Linn. Soc, vol. XVI, p. 740. Iirown croyait à tort que
c'est là un caractère commun à tout le genre Ophrys. Sur les quatre

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04                                  Ul'lilU'S ABEILLE.

ture de l'Ophrys abeille est favorable à la fécondation
directe. Si l'on considère la longueur inusitée et par-
faitement calculée, la ténuité frappante des caudi-
cules des pollinies ; si l'on remarque que les loges
de l'anthère s'ouvrent d'elles-mêmes, et que les
masses de pollen, en vertu de leur poids, tombent
lentement jusqu'au niveau exact de la surface des
stigmates, puis oscillent au gré du plus léger souffle,
jusqu'à ce qu'elles viennent à la frapper; on ne
peut douter que ces détails de structure et de
fonction, que ne nous offre aucune autre Orchidée
d'Angleterre, aient pour objet spécial la fécondation
sans croisement.

Le résultat est tel qu'on pourrait le prévoir. J'ai
souvent remarqué que les épis de l'Ophrys abeille
semblent produire autant de fruits que de fleurs ;
près de Torquay, j'ai examiné avec soin plusieurs
douzaines de plantes, quelque temps après leur flo-
raison; sur toutes, j'ai trouvé de une à quatre, et
une fois cinq belles capsules, c'est-à-dire autant de
capsules qu'il y avait eu de fleurs ; je n'ai trouvé des
fleurs stériles, en négligeant quelques fleurs mal
formées, situées généralement au sommet de l'épi,
que dans un très-petit nombre de cas. Il est bon d'ob-
server quel contraste présente ce cas avec celui de
l'Ophrys mouche, qui demande l'intervention des in-
espéces d'Ophrys qui croissent en Angleterre, celle-ci est la seule à la-
quelle il s'applique.

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FÉCONDATION SANS CROISEMENT.                             lia

sectes, et dont quarante-neuf fleurs n'ont produit
que sept capsules.

En raison de ce que j'avais vu chez les autres Orchi-
dées anglaises, la découverte delà fécondation directe
de cette espèce me causa une telle surprise, que du-
rant plusieurs années j'observai l'état des masses
polliniques dans des centaines de fleurs; mais je n'ai
jamais rencontré, pas même une seule fois, des motifs
pour croire que le pollen ait été transporté d'une fleur
à une autre. Sauf dans quelques fleurs monstrueuses,
je n'ai jamais vu une pollinie manquer de s'unir au
stigmate de sa propre fleur1. Dans un très-petit nom-
bre de cas, j'ai constaté la disparition d'une pollinie,
mais dans quelques-uns d'entre eux des traces de-
matière visqueuse étant restées, j'ai pensé que des
limaces l'avaient dévorée. Par exemple, en 1860, j'ai
examiné dans le nord du comté de Kent douze épis
portant trente-neuf fleurs : trois d'entre elles avaient
leurs pollinies enlevées, et toutes les autres pollinies
étaient adhérentes à leurs stigmates respectifs. Ce-
pendant, dans un lot provenant d'une autre loca-
lité, j'ai trouvé un cas sans autre exemple : deux
fleurs avaient perdu leurs deux pollinies et deux
autres n'en avaient plus qu'une. J'ai trouvé sur des

1 [Pour quelque raison que je ne comprends pas, dans un très-grand
nombre de plantes des environs (Kent), pendant l'été de 1868, les pol-
linies ne sont pas tombées spontanément des loges de l'anthère, ou
ne sont tombées que longtemps après l'éclosion de la fleur.] C. D ,
mai 1869.

5

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66                                             OPHRYS ABEILLE.

fleurs venant du sud de Kent le même résultat. Près
de Torquay, j'ai vu douze épis portant trente-huit
tleurs, chez lesquelles une seule pollinie avait été
enlevée. N'oublions pas que des ébranlements pro-
duits par les animaux, ou les orages, peuvent occa-
sionnellement causer la perte d'une pollinie.

Dans l'île de Wight, M. A.-G. More a eu la bonté
d'examiner avec soin un grand nombre de fleurs. Il a
remarqué que, dans les plantes croissant isolément,
les deux pollinies étaient invariablement présentes.
Mais parmi plusieurs plantes qui vivaient dans deux
localités distinctes, en ayant pris quelques-unes chez
lui, et choisissant les pieds qui semblaient avoir eu les
pollinies enlevées, il examina cent trente-six fleurs :
dix d'entre elles avaient perdu leurs deux pollinies,
quatorze en avaient perdu une ; ainsi il semblait tout
d'abord évident que ces pollinies avaient été trans-
portées, attachées à quelque insecte. Mais ensuite
M. More ne trouva pas moins de onze pollinies, non
comprises dans celles citées plus haut comme enle-
vées, dont les caudicules avaient été coupés ou rongés
de tous côtés, mais dont les disques visqueux étaient
toujours dans les poches ; ceci prouve que quelques
animaux autres que des insectes, probablement des
limaces, s'étaient mis à l'œuvre. Trois fleurs étaient
en grande partie rongées. Deux pollinies qui avaient
été apparemment entraînées par un vent violent,
étaient collées aux sépales ; on en trouva trois autres

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FÉCONDATION SANS CIIOISEMENT.                              67

errant dans la boîte où avaient été rassemblées les
plantes; il est donc douteux que plusieurs polli-
nies, ou même qu'une d'entre elles, aient été en-
levées par les insectes. J'ajouterai seulement que je
n'ai jamais vu un insecte visiter ces fleurs1. Robert
Brown a imaginé qu'elles ressemblent aux abeilles
afin que les insectes ne songent pas à leur faire visite ;
je ne suis pas de cette opinion. La ressemblance,
peut-être plus frappante, de la fleur de l'Ophrys
mouche à un insecte, n'empêche pas quelque insecte
inconnu de la visiter : ce qui, dans cette espèce, est
indispensable pour la fécondation.

Soit que nous poussions l'examen anatomique de
certaines parties de la fleur aussi loin que nous ve-
nons de le faire, soit que nous nous attachions à l'état
actuel des pollinies, chez un grand nombre de plantes
cueillies dans différentes saisons et provenant de di-
verses localités, ou au nombre des capsules fertiles
qu'elles ont produites, il est évident, semble-t-il, que
nous avons là une plante qui se fertilise toujours di-
rectement. Mais voyons maintenant l'autre côté de la
question. Lorsqu'on pousse un objet, comme chez
l'Ophrys mouche, droit contre l'une des poches du
rostellum, la lèvre s'abaisse, le disque, qui est large

1 M. Gérard E. Smith, dans son Catalogue of plants ofS. Kent, 1829,
p. 25, dit : « M. Price a souvent été témoin d'attaques faites par une
abeille sur l'Ophrys abeille, attaques semblables à celles de l'importun
Apis muscorum. » Je ne peux pas comprendre ce qu'il veut dire.

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68                                            OPHRYS ABEILLE.

et extrêmement visqueux, s'attache fortement à cet
objet, et la pollinie est enlevée. Même après que les
pollinies sont naturellement tombées de leurs cellules
et sont accolées au stigmate, on peut quelquefois les
retirer de cette manière. Aussitôt que le disque est
entraîné hors de sa poche, commence le mouvement
d'abaissement qui, sur la tête d'un insecte, porterait
la pollinie en avant et la rendrait prête à frapper le
stigmate. Si enfin l'on porte la pollinie sur un stig-
mate, puis qu'on l'en retire, les fils élastiques qui
unissent ensemble les paquets de pollen se brisent et
laissent quelques-uns de ces paquets sur la surface
gluante. De même, dans toutes les autres Orchidées,
la lèvre du rostellum s'abaisse dès qu'on la touche
légèrement, le disque est visqueux, le caudicule s'a-
bat brusquement après l'enlèvement du disque, les
fils élastiques sont rompus par la viscosité du stig-
mate de façon à ce que chaque fleur ait sa part de
pollen : et là, le sens de ces combinaisons est clair,
il n'y a pas à s'y tromper. Mais faut-il croire que chez
l'Ophrys abeille les mêmes mécanismes existent ab-
solument sans but, ce qui serait évidemment si, dans
cette espèce, chaque fleur se fertilisait toujours elle-
même? Si les disques étaient petits ou seulement peu
visqueux, si les arrangements que je viens de men-
tionner offraient un moindre degré de perfection,
nous pourrions conclure qu'ils commencent à avorter;
que la nature, si je puis ainsi parler, voyant que les

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FÉCONDATION SANS CROISEMENT.                              60

Ophrys mouche et araignée sont imparfaitement fer-
tilisés et produisent peu de graines, a changé son
plan et réalisé une fécondation sans croisement com-
plète et perpétuelle, afin que les graines mûrissent
en plus grande abondance. Le cas est aussi embar-
rassant que possible, puisque nous avons étudié chez
une même fleur des mécanismes disposés dans deux
buts précisément contraires1.

Nous avons déjà vu plusieurs curieuses structures,
plusieurs mouvements, par exemple chez l'Orchis py-
ramidalis, qui ont pour but, sans nul doute, la fé-
condation d'une fleur par le pollen d'une autre; et en
parcourant la vaste famille des Orchidées, nous ren-
contreronsjbeaucoup d'autres mécanismes très-variés
organisés clans la même vue. C'est pourquoi on ne
saurait douter que quelque grand bien ne résulte de
l'union de deux fleurs distinctes, souvent portées sur
deux pieds distincts ; mais les Ophrys mouche et arai-
gnée achètent ce bien au prix de leur fertilité, dès
lors très-amoindrie. L'Ophrys abeille, au contraire,
gagne une grande fertilité au prix d'une fécondation
sans croisement, qui semble perpétuelle; mais chez
lui persistent les combinaisons ordinaires : assuré-

1 [Le professeur Treviranus a d'abord (Botanische Zeitung, 1862,
p. 11) mis en doute l'exactitude de ce que je dis sur cet Ophrys, et des
différences qui le séparent de VOphrys arachnitfs ; mais ensuite (Bot.
Zeitung, 1863, p. 241) il a confirmé pleinement toutes mes assertions.]
C. D., mai 1869.

[page break]

70                                          OPHRYS ARACHNITES.

ment elles sont destinées à lui donner de temps en
temps le bienfait du croisement individuel. La con-
clusion la plus sûre, à mon avis, est celle-ci : sous
l'influence de certaines circonstances qui nous sont
inconnues, à de longs intervalles de temps peut-être,
un individu d'Ophrys abeille est croisé par un autre.
C'est ainsi que les fonctions génératrices de cette
plante s'harmoniseraient avec celles des autres Or-
chidées, et même avec celles des autres plantes,
autant que je peux en juger par ce que j'ai étudié de
leur structure.

Ophrys arachniles. — Plusieurs botanistes d'un
grand poids considèrent cette forme comme une
simple variété du variable Ophrys abeille.
M. Oxenden m'en a envoyé deux épis char-
gés de sept fleurs. Les loges de l'anthère
ne sont ni aussi élevées ni aussi recourbées
Kg. 8. au-dessus du stigmate que chez l'Ophrys
pollinie abeille. La masse pollinique est générale-

D OPHKÏS ARA-                                                       r                ^                    °

cimiTEs. ment plus allongée. La partie supérieure
du caudicule est courbée en avant, et la partie in-
férieure obéit au mouvement d'abaissement, comme
chez les Ophrys abeille et araignée. La longueur du
caudicule est à ce qu'elle est dans l'O. abeille, comme
deux est à trois, ou même comme deux est à quatre;
mais bien qu'ainsi relativement plus petit, ce cau-
dicule n'est ni moins épais ni moins large que celui
de l'O. abeille; il est même beaucoup plus ferme, de

[page break]

FÉCONDATION.                                                 71

telle sorte que si l'on pousse le bout supérieur de la
pollinie hors de sa cellule, tandis que le disque vis-
queux reste enfermé dans sa poche, il se fléchit dif-
ficilement vers le bas pour atteindre le stigmate. Nous
ne trouvons plus ici de combinaisons spéciales en vue
de la fécondation directe.

Les sept fleurs qu'on m'a envoyées étaient certai-
nement ouvertes depuis longtemps, et les épis étant
venus par le chemin de fer avaient reçu plus d'une
secousse'; cependant sur six de ces fleurs, les polli-
nies étaient encore dans leurs cellules; dans la sep-
tième, elles adhéraient toutes deux au stigmate,
mais les disques étaient toujours dans leurs poches :
il est vrai que cette fleur était plus flétrie et pour-

1 [Depuis, j'ai eu l'occasion d'observer quelques autres échantillons
vivants, et j'ai constaté que les pollinies ne tombent pas, même quand
on secoue fortement les épis ; une immersion dans l'eau pendant
une semaine ne les fait pas tomber non plus. M. J.-T. Moggridge
a fait (Journal of Linnxan Soc. bot., vol. VIII, 1865, p. 258) une
observation remarquable sur YOphry* scolopax, espèce très-voisine de
YOphry s arachnites : à Menton, il ne montre aucune tendance à se fer-
tiliser direclement, tandis qu'à Cannes toutes les fleurs, grâce à une
légère modification de la courbure des anthères, qui détermine la chute
des pollinies, se fécondent elles-mêmes! Ce botaniste a donné, dans sa
Flore de Menton, une description complète des Oplirys scolopax, arach-
nites, aranifera et apifera. accompagnée d'excellentes figures, et le
nombre des formes intermédiaires le porte à croire qi:e toutes ces formes
peuvent être regardées comme des variétés d'une seule et même espèce ;
les différences qui les distinguent lui paraissent être inlimemput liées
à la période de floraison de chacune d'elles. En Angleterre, si l'on juge
d'après leur distribution, ces formes ne semblent pas être susceptibles
de passer de l'une à l'autre, du moins pendant une période de temps
modérée et qu'on puisse observer.] C. D., mai 1869.

[page break]

72                                         HERMIMUM MONORCIIIS.

rait avoir été froissée. Des six autres, trois étaient
si vieilles que leur pollen était moisi et leurs pétales
décolorés; néanmoins, comme je l'ai constaté de
suite, les pollinies étaient encore dans leurs cellules.
Or, sur tant de centaines de fleurs d'Ophrys abeille
que j'ai examinées, je n'ai jamais rencontré un cas
semblable. Considérant cette importante différence
fonctionnelle qui sépare l'O. apifera et l'arachnites,
les différences plus légères qui existent dans la struc-
ture de leurs pollinies et qui entraînent aussi une
modification fonctionnelle, enfin la petite dissem-
blance de leurs fleurs, il me semble que, bien que
ces deux formes puissent être reliées par des variétés
intermédiaires, on doit faire de l'Ophrys arachnites
une bonne espèce ; son mode de fertilisation l'allie
môme plus intimement à l'O. aranifera qu'à l'apifera.
Herminium monorchis. — L'Orchis musc passe gé-
néralement pour avoir des disques nus, ce qui n'est
pas rigoureusement correct. Le disque est d'une
grandeur inusitée, car il a presque le volume de la
masse pollinique : il est de forme presque triangu-
laire, asymétrique, un peu semblable à un casque,
mais avec un côté proéminent. Il est formé d'une
membrane dure ; la base est concave, et c'est la seule
partie visqueuse; une étroite bande membraneuse la
recouvre et l'abrite, peut aisément s'en détacher, et
répond à la poche des Orchis. Toute la partie supé-
rieure du casque répond à ce petit lambeau de mem-

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FÉCONDATION.                                                  73

brane, de forme ovalaire, auquel le caudicule est
attaché chez les Orchis, et qui devient plus grand et
convexe dans l'Ophrys mouche. Si quelque objet ter-
miné en pointe vient à ébranler la partie inférieure
du casque, la pointe glisse si promptement dans le
creux de la base, puis y est si bien retenue par la
matière visqueuse, que cette partie semble destinée à
s'attacher à quelque point saillant de la tête d'un
insecte. Le caudicule est court et très-élastique ; il est
fixé, non pas au sommet du casque, mais à son extré-
mité postérieure ; s'il avait été fixé au sommet, son
point d'attache aurait été librement exposé à l'air, et
n'aurait pu se contracter pour provoquer l'abaisse-
ment des pollinies, lorsque celles-ci ont été retirées
de leurs loges. Ce mouvement est bien accusé; il
est nécessaire pour donner au gros bout de la masse
pollinique la position qui lui permettra de frapper le
stigmate. Les deux disques visqueux sont éloignés
l'un de l'autre. Il y a deux surfaces stigmaliques
transversales, se touchant par leurs pointes sur la
ligne médiane; mais la partie large de chacune d'elles
s'étend directement au-dessous du disque.

Le labellum est dressé, ce qui rend la fleur à peu près
tubulaire. Autant que j'ai pu m'en assurer, quelque
insecte, en circulant sur la fleur pour y entrer
ou pour en sortir, pourrait heurter les extrémités
supérieures et extraordinairement saillantes des dis-
ques en forme de casque, et déplacer ainsi leurs sur-

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74

HERMINIUM MONORCIIIS.

faces inférieures visqueuses qui s'attacheraient à sa
tête ou à son corps. A la base du labellum, il y a une
cavité si profonde qu'elle mérite presque le nom de
nectaire; cependant, je n'ai point vu de nectar. Les
fleurs sont très-petites et peu apparentes, mais exha-
lent, surtout de nuit, une forte odeur de miel. Elles
paraissent avoir beaucoup d'altrait pour les insectes;
dans un épi qui ne contenait que sept fleurs récem-
ment écloses, quatre avaient leurs deux pollinies en-
levées et une avait perdu l'une d'elles1.

1 [Mon fils, M. Georges Darwin, a complètement expliqué le mode de
fécondation de ce petit Orchis ; ses observations, que j'ai vérifiées de-
puis, montrent que cette fécondation diffère de celle de toutes les autres
Orchidées que je connais. Il a vu différents petits insectes entrer dans
les fleurs, et après de nombreuses visites il n'a pas rapporté moins de
vingt-sept d'entre eux, portant généralement une pollinie, quelquefois
deux. Ces insectes étaient de petits hyménoptères (le plus commun
était le Tetraslichus diaphantus), diptères et coléoptères (Mallhodes
brevicollis). Il paraît seulement indispensable que les insectes soient
d'une taille très-minime, car le plus grand n'avait qu'un vingtième de
pouce de long. Il est extraordinaire que chez tous les pollinies soient
attachées à la même place, au côté externe de l'une des deux pattes
antérieures, sur la saillie formée par l'articulation du fémur avec l'os
coxal ; une seule fois, une pollinie était attachée au côté externe du
fémur, un peu au-dessous de l'articulation. La cause de ce mode spécial
d'attachement est assez claire ; la partie moyenne du labellum est si
rapprochée de l'anthère et du stigmate, que les insectes entrent toujours
dans la fleur par le même point, entre le labellum et l'un des pétales
supérieurs : de cette façon, ils s'avancent avec leurs dos tournés, direc-
tement ou obliquement, du côté du labellum. Mon fils en a vu quelques-
uns qui, s'étant engagés dans la fleur d'une manière différente, en sor-
tirent et changèrent de position. Se tenant ainsi dans un des coins de
la fleur, avec leurs dos tournés vers le labellum, ils insèrent leurs têtes
et leurs pattes antérieures dans le court nectaire qui se trouve dans le
vaste espace situé entre les disques ; j'en ai eu la preuve en trouvant
dans des fleurs trois insectes morts qui étaient restés attachés aux

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PERISTYLUS VIRIDIS.                                 75

Perirtylus (ou Habenaria) viridis. — L'Orchis gre-
nouille a été décrit, lui aussi, comme ayant ses dis-
ques visqueux nus, ce qui est
inexact. Les deux petites poches
sont éloignées l'une de l'autre. La *
balle de matière visqueuse est
ovale et ne durcit pas de suite ; sa
surface est protégée par une petite
poche. La membrane qui forme la
face supérieure du disque est large,
et, comme dans l'Ophrys mouche
(0. muscifera), le point où elle
s'unit au caudicule est librement
exposé à l'air; cette^artie ne sau-
rait donc, en se contractant, faire a^\^uS™
exécuter à la pollinie le mouve- StoùiT-liSm!
ment d'abaissement dont il a été souvent question1.

Fig. 9.

PERISTYLUS VIRIDIS,
On ORCHIS GRENOUILLE.

FACE ANTÉRIEURE DE LA FLEUR

disques. Pendant qu'ainsi placés ils aspirent le nectar, ce qui demande en-
viron deux ou trois minutes, le renflement articulaire du fémur se trouve,
de chaque côté, sous le gros disque en forme de casque ; et quand l'in-
secte se retire, ce disque s'adapte bien et s'attache à la jointure. Le
mouvement d'abaissement du caudicule se produit alors, et la masse
pollinique tombe juste en dehors du tibia ; de sorte que l'insecte, lors-
qu'il entre dans une seconde fleur, ne peut guère manquer de fertiliser
le stigmate, qui se trouve de chaque côté, au-dessous du disque. J'aurais
peine à citer une fleur dont toutes les parties soient plus merveilleuse-
ment coordonnées en vue d'un mode de fécondation plus spécial quedans
cette petite fleur de l'Herminium.] C. D., mai 18G9.

* [M. Farrer m'apprend que je me suis assurément trompé, et que
les pollinies obéissent au mouvement d'abaissement, mais ce mouve-
ment n'a lieu que vingt ou trente minutes après leur enlèvement des
cellules de l'anthère; c'est là sans doute la cause de mon erreur.

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7G                                     PERISTYLUS VIRIDIS.

Mais les caudicules ne sont pas recourbés deux fois,
comme ceux de l'Ophrys mouche. La surface du stig-
mate est médiane et peu étendue ; et quoique les
loges de l'anthère soient légèrement inclinées en
arrière et convergent un peu à leurs extrémités su-
périeures, affectant ainsi la position que prennent
les pollinies lorsqu'elles sont attachées à un objet, il
est difficile de comprendre comment les pollinies,
enlevées par les insectes, peuvent venir s'appliquer
sur le stigmate.

L'explication en est assez curieuse. Le labellum est
allongé; il forme une dépression assez profonde en
avant du stigmate, et dans cette fosse, mais en s'ap-
prochant un peu du stigmate, tn trouve une petite
fente (n) qui donne accès dans un nectaire court et à
deux lobes. Un insecte, pour aspirer la liqueur dont
est rempli le nectaire, aurait donc à courber sa tête
vers le bas, vis-à-vis du stigmate. Le labellum est
sillonné par une crête médiane, qui probablement
engagerait l'insecte à s'abattre sur l'un des côtés ;
mais, sans doute pour l'y attirer avec plus de sûreté,

Il m'affirme que les pollinies, après s'être abaissées, sont beaucoup
mieux placées pour atteindre le stigmate. Selon lui, les insectes met-
traient peut-être longtemps à puiser le nectar, soit dans ses réservoirs
latéraux, soit dans la fente étroite qui conduit au nectaire central ; et
pendant ce temps, la pollinie prenant lentement la position qui lui est
nécessaire, deviendrait, par suite du durcissement graduel de la matière
visqueuse, solidement adhérente au corps de l'insecte ; quand celui-ci
visiterait une autre fleur, elle serait dès lors prêle à la féconder.] C. D.,
mai 1869.

[page break]

FÉCONDATION.                                                    77

outre le vrai nectaire, il y a deux fossettes (»') cir-
conscrites par les bords saillants du labellum, pla-
cées de chaque côté à la base de cet organe, précisé-
ment au-dessous des deux poches, et qui sécrètent
des gouttes de nectar. Supposons qu'un insecte vienne
se poser, probablement sur un des côtés du labellum,
et boive d'abord la goutte de nectar qui s'y trouve ;
comme les poches sont placées exactement au-dessus
des gouttes latérales, la pollinie du côté où s'abreu-
vera l'insecte s'attachera presque certainement à sa
tête ; s'il se rendait alors vers l'ouverture du vrai nec-
taire, assurément il pousserait la pollinie contre le
stigmate. Nous voyons donc ici un cas unique : le
nectar est sécrété sur les bords de la base du label-
lum, aussi bien que dans le petit nectaire central,
et cette disposition remplace la faculté qu'ont les
pollinies de se mouvoir, si générale chez les autres
Orchidées, ainsi que la double courbure des caudi-
cules chez l'Ophrys mouche.

Si les choses se passent comme je viens de le dire,
chaque fleur est fécondée par son propre pollen ; mais
si l'insecte puisait d'abord son nectar à la source plus
riche du nectaire, et ne venait qu'en second lieu
boire les gouttes latérales, les pollinies ne s'attache-
raient à sa tête qu'en ce moment, et volant à une
autre fleur, il réaliserait l'union de deux fleurs
ou de deux pieds distincts. D'ailleurs, s'il aspirait d'a-
bord les gouttes latérales, d'après les observations de

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78                               GYMNADENIA ET HABENARIA.

Sprengel sur le Listera *, on pourrait croire que,
troublé par l'attachement des pollinies à son corps,
il ne continuerait pas immédiatement à s'abreuver de
nectar, maiss'envolerait vers une autre fleur; ily aurait
donc encore union entre deux individus différents.

Je dois au Rév. B. S. Malden, de Cantorbéry, deux
épis d'Orchis grenouille. Quelques-unes des fleurs
avaient une pollinie enlevée, et l'une d'elles les avait
perdues toutes deux.

Les deux genres Gymnadenia et Habenaria sont re-
présentés en Angleterre par quatre espèces chez les-
quelles les disques visqueux sont réellement à dé-
couvert. Leur matière visqueuse, comme je l'ai déjà
fait remarquer, diffère un peu de celle des Orchis et
ne durcit pas rapidement. Leurs nectaires sont rem-
plis de nectar. Au point de vue de la dénudation des
disques, la dernière espèce, le Peristylus viridis, est
dans une condition presque intermédiaire. Les quatre
formes suivantes composent une série de transitions
graduelles: dans le Gymnadenia conopsea,les disques
visqueux sont étroits et très-allongés, rapprochés l'un
de l'autre ; dans le G. albida, ils sont moins longs,
mais encore rapprochés ; ceux de l'Habenaria bifolia
sont ovales et distants l'un de l'autre ; enfin ceux de
l'H. chlorantha sont circulaires et plus largement
séparés encore.

1 Das Entdeckte Geheimniss der Natur, p. 407.

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GYMNADENIÀ CONOPSEA.                                         79

Gymnadenia conopsea. — Par son aspect général,
cette plante ressemble beaucoup à un véritable Or-
chis ; mais les pollinies ont des disques nus, étroits,
semblables à des bandelettes, presque aussi longs
que les caudicules (/?</. 10). Quand les pollinies sont
exposées à l'air, le caudicule s'abaisse en 30 ou 60
secondes ; et comme sa surface antérieure est légère-
ment creuse, il embrasse la surface supérieure mem-
braneuse du disque. Le mécanisme de ce mouve-
ment sera décrit dans le dernier chapitre. Les fils élas-
tiques qui relient entre eux les paquets de pollen
sont d'une faiblesse inaccoutumée, ce qui s'observe
aussi dans les deux espèces suivantes d'Habenaria :
l'état de quelques plantes qui avaient été plongées
dans de l'esprit-de-vin me l'a bien démontré. Il y a
sans doute une relation entre la faiblesse de ces fils
et la nature de la matière visqueuse des disques, qui
ne devient pas dure, sèche et adhérente comme chez
les Orchis ; un papillon portant une pollinie attachée
à sa trompe pourrait ainsi visiter plusieurs fleurs,
sans que tout son fardeau lui fût enlevé par le pre-
mier stigmate qu'il frapperait. Les deux disques en
forme de bande sont placés l'un près de l'autre et
forment le palais de la bouche du nectaire. Us ne sont
pas, comme chez les Orchis, renfermés dans une lèvre
ou poche située inférieurement, de sorte que la struc-
ture du rostcllum est plus simple. Quand nous trai*
terons des homologies du rostellum, nous verrons

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80                                      GYMNADENIA CONOPSEA.

que cette différence est due aune légère modification,
à ce que les cellules inférieures et extérieures du
rostcllum se résolvent en matière visqueuse ; chez

les Orchis, au contraire, la
surface extérieure garde
sa condition primitive, qui
est cellulaire et membra-
neuse.
"iîg. 10.                    Comme les deux disques

cïhsaderia conopsea.            visqueux forment le palais

A.  Pollinie avant son abaissement. j i i        1 j             

B. Pollinie après l'abaissement, mais de la DOUCne du nectaire et
avant qu'elle ait embrassé le disque. s(mt par conséquent déje-

tés en bas vers le labellum, les deux stigmates, au
lieu d'être réunis et placés au-dessous du rostellum,
sont nécessairement latéraux et séparés. Ils forment
deux saillies proéminentes, presque en forme de
cornes, de chaque côté de l'orifice du nectaire. J'ai eu
la preuve que ces surfaces sont réellement celles des
stigmates, car je les ai trouvées profondément percées
par une multitude de tubes polliniques. Comme chez
l'Orchis pyramidalis, on fait une agréable expé-
rience en introduisant une fine soie de porc dans
l'étroit orifice du nectaire; on voit sûrement les
longues et étroites bandes visqueuses qui en forment
le toit s'attacher à cette soie, et quand on la retire, on
retire les pollinies : elles sont fixées à son bord supé-
rieur et divergent un peu, sans doute à cause de la
position qu'elles avaient dans les loges de l'anthère.

[page break]

FÉCONDATION.                                           81

Elles s'abaissent alors rapidement jusqu'à ce qu'elles
soient dans le même plan que la soie, et si la soie,
mise dans la même position relative, est maintenant
insérée dans le nectaire d'une autre fleur, les deux
extrémités des pollinies viennent exactement frapper
les deux surfaces stigmatiques, situées de chaque
côté de l'entrée du nectaire. Cependant, je ne suis pas
tout à fait certain de comprendre pourquoi les polli-
nies divergent, car les papillons n'enlèvent souvent
qu'une seule pollinie ; ce fait me porte à supposer
qu'ils engagent leur trompe obliquement dans le nec-
taire1.

Les fleurs ont une douce odeur, et le nectar que
contiennent toujours abondamment leurs nectaires

* [M. Georges Darwin, s'étant rendu de nuit dans une localité où cetle
espèce croissait en abondance, a pris aussitôt un Plusia chrysilis avec
six pollinies attachées à sa trompe, un Plusia gamma (trois pollinies),
un Anaitis plagiala (cinq pollinies) et un Triphxna pronuba (sept pol-
linies). Je dois ajouter qu'il a pris le premier de ces papillons, portant
des pollinies de cet Orcliis, dans mon parterre, bien qu'il soit distant
de plus d'un quart de mille de tout lieu habité par la plante. Je dis
dans le texte que je ne sais pas pourquoi les pollinies divergent afin de
frapper les deux surfaces latérales du stigmate ; mais l'explication en est
simple. La paroi supérieure du nectaire est voûtée, formée de chaque
côté par le disque de la pollinie correspondant. Si maintenant un pa-
pillon introduit sa trompe obliquement (et il n'y a pas de crêtes-guides,
comme chez YAnacamptis pyramidalis, pour l'obliger à l'engager di-
rectement en avant), ou si l'on introduit obliquement une soie de porc,
une seule pollinie, comme me l'ont prouvé des expériences, est enlevée.
Dans ce cas la pollinie s'attache de préférence à l'un des côtés de la soie
ou de la trompe, et son extrémité, après le mouvement vertical d'a-
baissement, est placée exactement de manière à frapper le stigmate
correspondant]. C. D., mai 1869.

G

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82                                          GYMNODENIA ALBIIIA.

semble avoir beaucoup d'attrait pour les lépidoptères,
car les pollinies sont enlevées de bonne heure et avec
succès. Par exemple, dans un épi qui portait qua-
rante-cinq fleurs ouvertes, quarante et une avaient
leurs pollinies enlevées ou du pollen déposé sur leurs
stigmates; dans un autre épi chargé de cinquante-
quatre fleurs, trente-sept avaient deux pollinies en-
levées et quinze une seule, de sorte que dans tout
l'épi deux fleurs seulement n'avaient point perdu de
pollinies.

Gymnadenia albida. — Sur beaucoup de points de
sa structure, cette fleur ressemble à la précédente,
mais le renversement du labellum la rend presque
tubulaire. Les glandes sont nues, petites, mais al-
longées et rapprochées. Les surfaces stigmatiques
sont en partie latérales et divergentes, le nectaire
court et plein de nectar. Quelque petites que soient
les fleurs, elles semblent attirer puissamment les
insectes : des dix-huit fleurs inférieures d'un épi,
dix avaient deux pollinies enlevées, sept n'en avaient
plus qu'une. Dans quelques épis dont les fleurs étaient
plus avancées, toutes les pollinies étaient enlevées,
excepté dans deux ou trois fleurs supérieures '.

1 [Le professeur Asa Gray a publié quelques détails intéressants (Ame-
rican Journal of Science, vol. XXXIV, 1862,notejp.260etp.426; et vol.
XXXVI, 1865, p. 293) sur le Gymnadenia tridenlata, espèce américaine.
L'anthère s'ouvre dans le bouton, et invariablement un peu de pollen
tombe sur « l'extrémité nue et cellulaire de l'étroite proéminence du
rostellum, et, chose étrange j les tubes polliniques s'engagent dans la

[page break]

1JABENARIA CHLORANTIIA.                                    83

Habenaria ouIHatanthera chlorantha.—Les pollinies
du grand Orchis papillon diffèrent considérablement
de celles des espèces mentionnées jusqu'ici. Les
loges de l'anthère sont séparées l'une de l'autre par
une large membrane connective. Les pollinies sont
inclinées en arrière (fig. 11), et les disques visqueux,
déjetés en avant de la surface du stigmate, se font face
l'un à l'autre. De cette position des disques résulte
l'allongement des caudicules et des masses pollini-
ques. Le disque visqueux est circulaire, et dans un
jeune bouton consiste en une masse celluleuse dont
les couches extérieures, qui répondent à la lèvre ou
poche des Orchis, se résolvent en matière adhésive.
Cette matière a la propriété de demeurer gluante
au moins vingt-quatre heures, après que la pollinie
a été retirée de sa cellule. Le disque, couvert exté-
rieurement d'une épaisse couche de matière adhésive
(voir la section G, faite de telle sorte que la couche
de matière visqueuse soit en bas), est muni, sur son
côté opposé et enveloppé, d'un petit pédicelle en
forme de tambour. Ce pédicelle se continue avec la
portion membraneuse du disque et présente le même
tissu. À l'extrémité enveloppée du pédicelle, le eau-
substance de cette partie, de sorte que les fleurs se fécondent elles-
mêmes ; cependant, toutes les combinaisons qui favorisent l'enlèvement
des pollinies par les insectes (y compris le mouvement d'abaissement)
sont aussi parfailes que chez les fleurs qui exigent le concours des in-
sectes. » On ne peut donc guère douter que cette espèce ne soit croisée
de temps en temps]. C. D., mai 1869.

[page break]

84                                     HABENARIA CHLORANTHA.

dicule est attaché dans une direction transversale et
se prolonge en une queue recourbée et rudimentaire,
juste au-dessus du tambour. Ainsi le caudicule et le

Fig\ 11.

HABENARIA CHLORANTHA, OU GRAND ORCIIIS PAPILLON.

aa. anthère.           n. nectaire.

d. disque.              n'. orifice du nectaire.

S. STIGMATE.              /. LABELLUM.

A.  Face antérieure de la fleur : tous les sépales et pétales sont enlevés, à l'ex-

ception du labellum et de son nectaire.

B.  Une pollinie (elle est à peine assez allongée). Le pédicelle, en forme de

tambour, est caché derrière le disque.
G. Coupe d'un disque visqueux, du pédicelle en forme de tambour et de l'ex-
trémité inférieure du caudicule.

disque visqueux s'unissent par l'intermédiaire d'une
pièce qui leur est perpendiculaire, d'une manière
très-différente de ce qui a lieu chez les autres Orchi-

[page break]

FÉCONDATION.                                                 80

dées d'Angleterre. Dans le court pédicelle en forme
de tambour, on voit une ébauche de ce long pédicelle
du rostellum qui, chez beaucoup de Vandées exoti-
ques est si remarquable, et qui unit alors le dis-
que visqueux au vrai caudicule de la pollinie.

Le pédicelle en forme de tambour a la plus haute
importance, non-seulement parce qu'il rend le disque
visqueux plus proéminent et plus propre à s'accoler
à la tête d'un insecte, lorsque celui-ci engage sa
trompe dans le nectaire, au-dessous du stigmate,
mais par rapport à son pouvoir de contraction. Les
pollinies sont inclinées en arrière dans leurs cellules
(voy. fig. A), au-dessus et un peu de chaque côté de la
surface du stigmate ; si elles se fixaient dans cette
position sur la tête d'un insecte, celui-ci pourrait
visiter un certain nombre de fleurs sans que le pol-
len soit déposé sur leurs stigmates. Mais voici ce qui
arrive. Quelques secondes après que l'extrémité in-
férieure du pédicelle a quitté la loge dans laquelle
elle était enveloppée et se trouve exposée à l'air, un
côté du tambour se contracte et cette contraction en-
traîne en dedans le gros bout des pollinies ; dès lors
le caudicule et la surface visqueuse du disque qui,
comme on le voit sur la coupe C, étaient d'abord pa-
rallèles, cessent de l'être. Au même moment le tam-
bour tourne en décrivant environ un quart de cercle,
ce qui porte le caudicule en bas comme une aiguille
d'horloge et abaisse le gros bout de la pollinie ou

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86                                     HABENARIA CHLORANTHA.

masse des grains de pollen. Après ce double mouve-
ment, supposons que le disque droit, par exemple,
soit fixé au côté droit de la tête d'un insecte; lorsque
l'insecte, après un court intervalle de temps, visite
une autre fleur, l'extrémité pollinifère de la pollinie
s'étant abaissée et portée en dedans, frappera dès
lors infailliblement la surface gluante du stigmate,
lequel est situé au centre, sous et entre les loges
de l'anthère.

La petite queue rudimentaire du caudicule, qui
fait saillie au-dessus du pédicelle, est intéressante
pour ceux qui croient à la modification des espèces ;
elle nous montre que le disque s'est un peu déjetc en
dedans, et que primitivement les deux disques étaient
encore plus en avant du stigmate qu'ils ne le sont
aujourd'hui. Elle nous indique que, par sa structure
la forme originelle se rapprochait un peu plus du Bo-
natia speciosa, singulière Orchidée du cap de Bonne-
Espérance.

La remarquable longueur du nectaire, qui contient
beaucoup de nectar, l'apparence de la fleur et sa couleur
blanche, l'odeur suave qu'elle exhale fortement pen-
dant la nuit, tout nous dit que le soin de fertiliser cette
plante est remis aux plus grands papillons noctur-
nes. Souvent j'ai trouvé des épis dont presque toutes
les pollinies étaient enlevées. A cause de la position
latérale des disques visqueux et de l'espace qui les sé-
pare, le même papillon paraît n'enlever généralement

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HABENA.RIA. BIFOLIA.                                         87

qu'une seule pollinie à la fois ; dans un épi qui n'avait
pas encore été beaucoup visité, trois fleurs avaient
perdu deux pollinies et huit n'en avaient plus qu'une.
A cause de la position des disques, on peut prévoir
que les pollinies se fixent latéralement sur la tête ou
la face des papillons; M. F. Bond m'a envoyé un Hadena
dentina qui avait un œil couvert et fermé par un
disque, et un Plusia v. aureum avec un disque atta-
ché au bord de l'œil. La viscosité des disques est si
grande que, si l'on prend à la main une grappe de
fleurs, presque toutes les pollinies sont enlevées par
les pétales et les sépales qui, ébranlés, viennent tou-
cher ces disques; et cependant il est certain que les
papillons de nuit, peut-être les plus petites espèces,
visitent souvent ces fleurs sans enlever les pollinies ;
car en examinant avec soin les disques d'un grand
nombre de pollinies laissées dans leurs cellules, j'ai
trouvé attachées à eux de petites écailles de lépi-
doptères.

Habenaria ou Platanthera bifolia {petit Orchis pa-
pillon1). — Je suis prévenu que cette forme et la prc-

1 [Selon le docteur H. Millier, de Lippstadt, le Platanthera bifolia
des auteurs anglais est le Platanthera solstitialis de Bœnninghausen ; il
s'accorde parfaitement avec moi pour pour en faire une espèce distincte
du Platanthera chlorantha. Il dit que cette dernière espèce est unie par
une série de gradations à une autre, nommée en Allemagne Platanthera
bifolia. Il donne un aperçu très-complet et très-important de la varia-
bilité de ces espèces et de leur structure, en ce qui concerne leur
fécondation. Voy. Verhandl. d. Nat. Verein, JalirXNV, 3 Forlga, V Bd.,
s. 36-58]. C. D., mai 1869.

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88                                         HABENARIA BIFOLU.

cédente sont considérées par M. Bentham et quelques
autres botanistes comme deux simples variétés d'une
même espèce ; car on dit que, relativement à la posi-
tion de leurs disques visqueux, il y a entre elles des
gradations intermédiaires. Mais nous allons voir de
suite que ces deux formes diffèrent par un grand
nombre de caractères, abstraction faite des différences
dans leur aspect général et leur habitat, dont nous ne
nous occupons pas ici. Si dans la suite on vient à dé-
montrer que ces deux formes tendent actuellement
l'une vers l'autre, ce sera un remarquable exemple
de variation; et moi, entre autres, je serais aussi
heureux que surpris de ce fait, car certainement ces
deux plantes diffèrent plus l'une de l'autre que la
plupart des espèces du genre Orchis.

Les disques visqueux du petit Orchis papillon sont
ovales; ils se font face l'un à l'autre et sont beaucoup
plus rapprochés que dans la dernière espèce, telle-
ment même que dans le bouton, lorsque leurs surfaces
sont cellulaires, ils se touchent presque. Ils ne sont
pas placés aussi bas par rapport à l'orifice du nectaire.
La matière visqueuse est d'une nature chimique un
peu différente, car elle devient beaucoup plus vis-
queuse quand on l'humecte, après l'avoir fait long-
temps sécher, ou l'avoir plongée dans de l'alcool fai-
ble. On peut à peine dire qu'il y ait un pédicelle en
forme de tambour ; il est représenté par une crêle
longitudinale tronquée à l'extrémité où s'attache le

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FÉCONDATION.                                         89

caudicule. Dans la figure 12, les disques des deux
espèces sont représentés avec leurs proportions natu-
relles, vus verticalement d'en haut. Les pollinies,
lorsqu'elles ont été enlevées
de leurs cellules, exécutent
les mêmes mouvements; mais
celui qui les porte en dedans
semble être plus accentué               F's-12,

que dans la dernière espèce, B- Msque et caudicule du ehio-

1                                            r ' rantha, vus d en haut, avec le

Ce qui résulte de la position pédicelle en forme de tambour,

du stigmate. Dans les deux k^^tt et caudicule d-H. bifo-
espèces, on peut se rendre «a, vus d'en haut.
compte du mouvement si, avec une pince, on enlève
une pollinie par son gros bout, et qu'on porte cette pol-
linie immobile sur la plaque du microscope; on verra
le plan du disque visqueux décrire un arc d'au moins
45°. Les caudicules du petit Orchis papillon sont re-
lativement beaucoup plus petits que ceux de l'es-
pèce voisine ; les petits paquets de pollen sont plus
courts, plus blancs, et dans une fleur parfaitement
développée, s'isolent beaucoup plus promptement
l'un de l'autre. Enfin, la surface du stigmate n'a pas
la même forme, étant plus profondément trifide et
présentant deux saillies latérales situées au-dessous
des disques visqueux. Ces saillies resserrent l'entrée
du nectaire et la rendent presque quadrangulaire.
De là je peux conclure que le grand et le petit Orchis
papillon sont deux espèces distinctes, dont les carac-

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90                                         HABENARIA BIFOLIA.

tères différentiels sont masqués par une étroite res-
semblance extérieure.

Dès que j'eus examiné le petit Orchis papillon, je
me sentis convaincu que, vu la position des disques
visqueux, il ne devait pas être fertilisé de la même
manière que le grand; etdepuis, grâce à l'obligeance
de M. F. Bond, j'ai vu deux papillons, l'Agrotis sege-
tum et l'Anaitis plagiata, l'un avec trois et l'autre
avec cinq pollinies attachées, non pas sur un des
côtés de la tête, comme pour l'espèce précédente,
mais à la base de la trompe. Je dois faire remarquer
que- les pollinies de ces deux espèces d'Habenaria,
quand elles sont fixées sur les insectes, se reconnais-
sent au premier coup d'œil1.

1 [Le professeur Asa Gray a décrit la structure de dix espèces améri-
caines du genre Platanthera (American Journ. of Science, vol. XXXIV,
1862, p. 143, 259 et 424; et vol. XXXVI, 1863, p. 292). La plupart
d'entre elles ressemblent, pour leur mode de fécondation, aux deux
espèces d'Angleterre ; mais quelques-unes, chez lesquelles les disques
visqueux sont l'un à côté de l'autre, présentent des dispositions cu-
rieuses, telles qu'un labellum cannelé, des sortes de boucliers latéraux,
etc., qui engagent les insectes à insérer leurs trompes directement en
avant. D'autre part, le Platanthera Hookeri (comme me l'a appris le
professeur Asa Gray, voy. même vol. XXXIV, 1862, p. 143) diffère à cer-
tain égard, et d'une manière très-intéressante, des deux espèces que j'ai
décrites. Les deux disques visqueux sont très-éloignés ; un papillon
pourrait donc, à moins d'être d'une très-grande taille, boire à l'abon-
dante source de nectar sans en toucher aucun : mais ce péril est évité
de la manière suivante. La ligne médiane du stigmate est proéminente,
et le labellum, au lieu d'être pendant, se recourbe vers le haut : ainsi
la fleur se trouve être en avant presque tubulaire et se divise en deux
moitiés. Ceci oblige un papillon à se placer sur l'un ou l'autre côté pour
prendre le nectar, et de cette façon sa tête viendra presque certaine

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RÉSUMÉ.                                          91

Nous avons terminé l'étude des Ophrydées, mais
avant de passer à la tribu suivante je vais récapituler
les principaux faits relatifs aux mouvements des pol-
linies; ils sont tous dus à la contraction minutieuse-
ment réglée d'une petite portion de membrane située
entre la couche ou balle de matière adhésive et l'ex-
trémité du caudicule, et, en outre, au pédicelle chez
les Habenaria. Chez la plupart des espèces du genre
Orchis, le stigmate est exactement au-dessous des cel-
lules de l'anthère, et il suffit aux pollinies de se por-

ment toucher un des disques. Le pédicelle en forme de tambour se con-
tracte après avoir été enlevé, comme chez le Platanthera chloranlha.
Le professeur Gray a vu un papillon du Canada portant sur chacun de
ses yeux une pollinie de cette espèce. Chez le Platanthera flava (selon
le même botaniste, American Journ. of Science, vol. XXXVI, 1805,
p. 292) le même résultat, l'entrée des papillons dans le nectaire par
un de ses côtés, est atteint par d'autres procédés. Une étroite mais forte
saillie s'élève de la base du labellum, et s'avance vers le bas et vers le
haut, de manière à toucher presque la colonne ; le papillon est ainsi
forcé de s'abattre de l'un ou de l'autre côté, et de toucher un des dis-
ques. Chez le Bonatea speciosa, merveilleuse espèce du cap de Bonne-
Kspérance, on trouve une disposition semblable affectée au même
usage.

Les Platanthera hyperborea et dilatala ont été regardés par quelques
botanistes comme des variétés de la même espèce, et le professeur Asa
Gray dit (American Journ. of Science, vol. XXXIV, 18G2, p. 259 et 425)
qu'il a été souvent sur le point de se ranger de cet avis ; mais après un
examen plus approfondi, il trouve entre eux, outre d'autres caractères,
une remarquable différence physiologique : le Platanthera dilatala,
comme ses congénères, a besoin de l'intervention des insectes et ne
pourrait pas se fertiliser lui-même, tandis que chez le Platanthera
hyperborea les masses polliniques tombent ordinairement de leurs
cellules, lorsque la Heur est très-jeune ou avant son éclosion, et le
stigmate est fécondé sans croisement ; mais les mécanismes variés qui
favorisent le croisement existent toujours]. C. D., mai 1869.

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92                                                    RÉSUMÉ.

ter directement eu bas. Dans l'Orchis pyramidalis et
les Gymnadenia, comme il y a deux stigmates latéraux
et inférieurs, les pollinies se portent à la fois vers le
bas et en dehors, et par un mécanisme différent dans
l'une et l'autre espèce, divergent en formant un an-
gle tel qu'elles puissent exactement s'appliquer sur
les deux stigmates latéraux. Chez les Habenaria, la
surface du stigmate étant inférieure et située entre
les deux cellules staminales largement séparées, les
pollinies s'abaissent encore, mais en même temps
convergent l'une vers l'autre. Un poëte pourrait ima-
giner que les pollinies, tandis que portées sur le corps
d'un papillon elles vont d'une fleur à l'autre, pren-
nent volontairement et avec empressement, dans
chaque espèce, l'attitude précise qui seule leur per-
mettra de réaliser leur désir et de perpétuer leur
race.

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CHAPITRE III

Epipaclis palustris ; curieuse forme du labellum el son importance appa-
rente pour la fructification de la fleur — Cephalanthera grandiflora ;
avortement du rostellum, pénétration hâtive des tubes polliniques,
exemple de fécondation directe imparfaite, concours des insectes. —
Goodyera repens. —Spiranthes autumnalis; remarquables disposi-
tions grâce auxquelles le pollen d'une jeune fleur est transporte sur
une autre plante, sur le stigmate d'une fleur plus avancée.

Nous arrivons à une autre grande tribu d'Orchi-
dées anglaises, les Néottiées, dont l'anthère est uni-
que, libre, placée derrière le stigmate. Les grains de
pollen sont reliés par de fins fils élastiques qui adhè-
rent partiellement entre eux et font saillie près de
l'extrémité supérieure de la masse pollinique ; c'est
vers le bout opposé chez les Orchis. Dans beaucoup
de cas, ces fils s'attachent finalement à la face dor-
sale du rostellum ; mais les masses polliniques n'ont
pas de vrais et distincts caudicules. Dans le seul
genre Goodyera, les grains de pollen sont groupés en
paquets comme chez les Orchis. Par leur mode de fer-
tilisation, lesEpipactis et les Goodyera sont très-voisins
des Ophrydées, mais leur organisation est plus simple;

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94                                   EPIPACTIS PALUSTMS.

le Spiranthes rentre dans la même catégorie, bien
qu'il diffère à certains égards. Le Cephalanthera sem-
ble être un Epipactis dégradé ou simplifié; comme il
n'a point de rostellum, organe éminemment carac-
téristique, et que ses grains de pollen ne sont pas
composés, il est aux autres Orchidées ce qu'un oiseau
sans ailes serait au reste des oiseaux.

Epipactis palustris1. — La partie inférieure du
stigmate est bilobée et fait saillie en avant de la co-
lonne (voir s sur les dessins G, D, fig. XIII). Sur son
sommet se trouve un rostellum unique, petit,
presque globuleux. La face antérieure du rostellum
(r, G, D) s'avance un peu au delà de la partie
supérieure du stigmate, ce qui n'est pas sans
importance. Dans un jeune bouton, le rostellum
est une masse de cellules molles, dont la surface
extérieure est rugueuse; pendant le développement,
ces cellules superficielles changent beaucoup, car
elles se convertissent en une trame ou membrane
douce, unie, très-élastique, et tellement tendre qu'un
cheveu d'homme la perfore ; si l'on perfore ainsi
cette membrane ou qu'on la frotte légèrement,
sa surface devient laiteuse et quelque peu vis-
queuse, et les grains de pollen s'attachent à elle.
Dana quelques cas, bien que j'aie observé ceci plus

1 Je suis très-obligé envers M. Ai G. Moref de Bembridge (ile de
V/'ight), qui m'a plusieurs fois envoyé des échantillons frais de ce bel
Orchis.

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STRUCTURE.                                                  95

complètement dansl'Epipactis latifolia, la surface du
rostellum parait devenir laiteuse et visqueuse sans
qu'on l'ait touchée. Cette membrane extérieure,
douce et élastique, coiffe comme un bonnet le ros-
tellum, et intérieurement elle est tapissée par une
couche de matière beaucoup plus adhésive; exposée à
l'air, cette matière se dessèche en cinq ou dix mi-
nutes. En poussant légèrement le bonnet en haut et
en arrière avec un objet quelconque, on l'enlève tout
entier, lui et son enduit visqueux, avec une extrême
facilité ; et un petit moignon carré, la base du ros-
tellum, reste seul sur le sommet du stigmate.

Dans le bouton, l'anthère est tout à fait libre der-
rière le rostellum et le stigmate; elle s'ouvre de haut
en bas avant l'épanouissement de la fleur, et laisse à
découvert deux masses polliniques ovales, qui sont
alors libres dans leurs loges. Le pollen consiste en
granules sphériques, réunis par groupes de quatre ;
ces grains composés sont reliés entre eux par des fils
fins et élastiques. Ces fils forment des paquets qui s'é-
tendent dans le sens longitudinal le long de la ligne
médiane de la face antérieure de chaque pollinie, vers
le point où elle se trouve en contact avec la partie
postérieure et supérieure du rostellum. Tel est le
nombre de ces fils, que cette ligne médiane parait
plus foncée, et que chaque masse pollinique montre
une tendance à être divisée longitudinalement en
deux moitiés : à tous ces points de vue, il y a une

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ENMCÎLS PALISOIS

rr, l*

[page break]

EPIPACT1S PALUSTRIS.

o. Anthère ; on voit en D les deux loges ouvertes.

d. Anthère rudimentaire ou auricule, dont je parlerai dans un autre

chapitre.
r. Ilostellum ; — s. Stigmate ; — l. Lahellum.

A.  Vue latérale de la Heur (les sépales inférieurs sont seuls enlevés) dans sa
position naturelle.

B. Vue latérale de la fleur, avec le segment terminal du labellum abaissé,
comme il le serait par le poids d'un insecte.

C. Vue latérale de la fleur, avec tous les sépales et pétales enlevés, à l'excep-
tion du labellum, dont on a retranché la partie qui serait en avant sur le
dessin; on peut voir combien l'anthère est grosse et massive.

D.  Face antérieure de la colonne, avec tous les sépales et pétales enlevés :
le rostellum s'est un peu aboteséTUms,I£Tfl«nr ici représentée, et doit avoir
été plus haut, de façon y^gcAl tne/phisVfirande partie des loges de
l'anthère.                     /q^ ' ' <& <^v\

[S '§&! ~A

7

[page break]

98                                        EPIPACTIS PALUSTR1S.

grande ressemblance générale entre ces pollinies
et celles des Ophrydées.

La ligne suivant laquelle les fils parallèles se diri-
gent en plus grand nombre, est la plus résistante ;
partout ailleurs les pollinies sont extrêmement fria-
bles,et même des masses de pollen s'en détachent faci-
lement. Dans le bouton, le rostellum est un peu cour-
bé en arrière et pressé contre l'anthère qui Tient de
s'ouvrir; les faisceaux de fils élastiques dont j'ai
parlé, étant un peu proéminents, contractent alors une
forte adhérence avec le pan postérieur du bonnet
membraneux du rostellum. Le point d'attache se
trouve un peu au-dessous du sommet des masses
polliniques; mais sa position exacte est un peu va-
riable, car j'ai vu des fleurs chez lesquelles ce point
était à un cinquième de la longueur des pollinies, à
partir de leur sommet. Cette variabilité offre un grand
intérêt, car c'est un pas conduisant à la structure des
Ophrydées, chez lesquelles les fils réunis ou cau-
dicules naissent des extrémités inférieures des mas-
ses polliniques. Lorsque les pollinies se sont fer-
mement attachées par leurs fils à la face postérieure
du rostellum, celui-ci s'incurve légèrement en
avant, ce qui les entraîne en partie hors des logea
de l'anthère. Le bout supérieur de l'anthère est
mousse, ferme, dépourvu de pollen; il s'avance légè-
rement au delà de la surface du rostellum, circon-
stance qui, comme nous le verrons, est importante.

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FÉCONDATION.                                                99

Les fleurs [fig. A) se détachent horizontalement de
la tige. Le labellum a une curieuse forme, comme
on peut le voir sur les dessins : la moitié terminale,
qui s'avance au delà des autres pétales et forme un
excellent pied-à-terre pour les insectes, est unie à la
moitié basilaire par une charnière étroite; elle est
naturellement un peu redressée (fig. A), et ses bords
s'engagent en dedans de ceux de la portion basilaire.
La charnière d'union est si flexible et si élastique,
que le poids d'une seule mouche, M. More me l'as-
sure, abaisse la portion terminale (la figure B repré-
sente une fleur dans cet état); mais le poids est à
peine enlevé, qu'instantanément elle se redresse,
reprend sa position première et habituelle {fig. A), et
à l'aide des curieuses crêtes médianes dont elle est
garnie, ferme en partie l'entrée de la fleur. La por-
tion basilaire du labellum est une coupe qui, en temps
opportun, se remplit de nectar.

J'ai dû décrire avec détail toutes ces parties;
voyons maintenant comment elles fonctionnent. La
première fois que j'étudiai cette fleur, je fus très-em-
barrassé : suivant la même marche que si c'eût été
un véritable Orchis, je poussai délicatement vers le
bas le proéminent rostellum, et il se déchira sans
aucune peine; je retirai un peu de matière visqueuse,
mais les pollinies restèrent dans leurs loges. Réflé-
chissant à la structure de la fleur, j'eus l'idée qu'un
insecte y entrant pour aspirer le nectar, comme le

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100                                     EPIPACTIS PALUSTIUS.

segment terminal du labellum s'abaisserait sous lui,
ne toucherait pas le rostellum; mais qu'une fois en-
tré dans la chambre florale, ce même segment s'étant
redressé, il serait presque forcé, pour sortir, de mon-
ter parallèlement au stigmate dans le haut de la fleur.
J'effleurai alors légèrement le rostellum en haut et
en arrière avec'une plume d'oiseau ou quelque objet
semblable; je fus heureux de voir avec quelle facilité
le bonnet membraneux du rostellum se détachait, et
grâce à sa grande élasticité, s'adaptait à l'objet, quelle
que soit sa forme, puis s'attachait fermement à lui en
vertu de la viscosité de sa surface inférieure. Avec le
bonnet, de grosses masses de pollen qui lui étaient
unies par les fils furent nécessairement enlevées.

Néanmoins je n'enlevais pas les masses polliniques
aussi nettement que le font les insectes; j'ai fait la
même expérience sur une douzaine de fleurs, tou-
jours avec ce résultat imparfait. J'ai pensé alors
qu'un insecte, en sortant de la fleur, doit na-
turellement heurter avec quelque partie de son
corps, l'extrémité supérieure, mousse et saillante de
l'anthère, qui s'avance au-dessus du stigmate. En
conséquence, j'ai dirigé ma plume de telle sorte que,
effleurant de bas enhautle rostellum, je l'ai poussée
contre le bout mousse et résistant de l'anthère (voy.
sect. G) ; ceci délivra dès la première fois les polli-
nies, et elles furent retirées en entier. C'est ainsi
qu'enfin je compris le mécanisme de la fleur.

[page break]

FÉCONDATION.                                        101

L'anthère est grosse, située presque parallèlement
au stigmate et derrière lui (sect. C), de sorte que les
pollinies, quand un insecte les enlève, doivent natu-
rellement s'attacher à son corps dans la position qui
leur permet de frapper, dès que leur porteur s'abat sur
une nouvelle fleur, la surface presque parallèle du
stigmate. Il suitde là qu'ici et chez les autres Néot-
tiées, le mouvement d'abaissement qu'exécutent si
communément les pollinies des Ophrydées, n'a pas
lieu. Lorsqu'un insecte portant des pollinies fixées à
son dos ou à sa tête, entre dans une autre fleur, le
facile abaissement du segment terminal du labellum
joue sans doute un rôle important; car les masses
polliniques sont extrêmement friables, et si, en en-
trant, elles venaient à heurter les extrémités des péta-
les, il pourrait se perdre beaucoup de pollen ; mais,
grâce à lui, un large passage s'ouvre, et le stigmate
visqueux avec sa partie inférieure proéminente, située
en face, est le premier objet contre lequel les masses
polliniques, s'avançant au-devant du dos de l'insecte,
doivent naturellement frapper1. Je n'ai pas compté les

4 Craignant d'avoir exagéré l'importance de la conformation spéciale
du labellum, j'ai prié M. A. G. More de couper le segment terminal et
flexible de ce pétale sur quelques fleurs, avant leur épanouissement,
mais je l'ai fait trop tard. Il n'a pu expérimenter ainsi que sur deux
fleurs, situées près du sommet de l'épi. Les capsules qui succédèrent
à ces fleurs étaient certainement petites ; mais cela résultait peut-être de
leur position. En outre, ces capsules me furent envoyées et perdirent
malheureusement la plus grande partie de leurs graines pendant le
voyage;jen'ai donc pu reconnaître si les graines étaient bien formées.

[page break]

102                                  EP1PACTÏS PALUSTRIS.

fleurs, mais, dans quelques épis que m' a envoyés
M. More, la grande majorité des pollinies avaient été
prises naturellement et nettement par un insecte
inconnu1.

Sur le peu de graines qui restaient, beaucoup étaient mauvaises et
ridées.

[L'année suivante, M. More a repris cette expérience; il a enlevé le
segment flexible et terminal du labellum sur neuf fleurs : trois d'entre
elles n'ont pas produit de capsules séminifères, mais ceci est sans doute
accidentel. Sur les six bonnes capsules obtenues, deux avaient à peu
près autant de graines que les capsules provenant de fleurs non mutilées
du même pied; mais quatre en contenaient beaucoup moins. Quant aux
graines elles-mêmes, elles étaient bien conformées. Ces expériences,
dans la limite de leur étendue, permettent de croire que la portion ter-
minale du labellum joue un rôle important en réglant l'entrée des
insectes dans la fleur et leur sortie, en vue d'une parfaite fécondation.]
C. D. mai 1869.

1 [Mon fils, M. W. E. Darwin, a étudié avec soin pour moi cette plante,
dans l'ile de Wight. Les abeilles de ruche semblent être les principaux
agents de la fécondation ; il a vu une vingtaine de fleurs environ visitées
par ces insectes qui, pour la plupart, avaient des masses polliniques
attachées au-devant de leur tète, juste au-dessus des mandibules. J'ai
supposé que les insectes s'introduisent dans les fleurs ; mais les abeilles
sont trop grosses pour pouvoir le faire ; elles s'attachaient toujours,
pendant qu'elles puisaient le nectar, au segment terminal et mobile du
labellum, qui se trouvait ainsi abaissé. Comme ce segment est élastique
et tend à se redresser, les abeilles, en quittant la fleur, semblaient
s'envoler en s'élevant un peu ; ceci favoriserait, selon moi, le parfait
enlèvement des pollinies, tout autant que le ferait l'insecte en se diri-
geant vers le haut lorsqu'il sort de la fleur. Peut-être, cependant, ne
serait-ce pas aussi nécessaire que je l'ai supposé ; car, à en juger par le
point d'attachement des pollinies sur le corps des abeilles, la partie
postérieure de la tète doit frapper, et par suite soulever l'extrémité
supérieure arrondie et ferme de l'anthère, ce qui dégagerait les masses
polliniques.

Beaucoup d'autres insectes, outre les abeilles, visitent cet Epipaclis.
Mon fils a vu quelques grosses mouches (Sarcophaga Mimosa) fréquenter
ces fleurs; mais elles ne le faisaient pas aussi nettement et aussi régu-
lièrement que les abeilles ; néanmoins, deux d'entre elles avaient des

[page break]

EP1PACTIS LATIFOLIA.                              103

Epipactis latifolia. — Cette espèce ressemble à la
précédente pour tous les détails que je viens de don-
ner; seulement le rostellum s'avance beaucoup plus
loin en avant du stigmate, et l'extrémité supérieure
de l'anthère s'avance moins. La matière visqueuse
qui tapisse le bonnet élastique du rostellum met plus
longtemps à durcir. Les sépales et pétales supérieurs
sont plus largement ouverts que dans l'Epipactis pa-
lustris : le segment terminal du labellum est plus
petit et fermement uni au segment basilaire (fig. 14);
il n'est donc plus flexible et élastique : apparemment
son unique rôle est de servir de pied-à-terre aux in-
sectes. Pour que la fécondation ait lieu, il suffit
qu'un insecte pousse en haut et en arrière le rostel-

masses polliniques attachées à leur tête. Quelques mouches plus petites
(Cœlopa frigida) sont aussi entrées dans les fleurs, et à leur sortie, des
masses polliniques étaient plus irrégulièrement attachées à la face dor-
sale de leur thorax. Trois ou quatre espèces d'Hyménoptères (l'un de
petite taille, le Crabro brevis) visitaient aussi les fleurs ; et trois d'entre
ces Hyménoptères portaient des masses polliniques sur la face dorsale
de leurs corps. Des Diptères encore plus petits, des Coléoptères et des
fourmis venaient également aspirer le nectar, mais ils paraissaient trop
petits pour pouvoir transporter des masses polliniques. 11 est étonnant
que quelques-uns des insectes précédents visitent les fleurs; M. F. Walker
m'informe en effet que le Sarcophaga fréquente les matières animales
en décomposition, et le Cœlopa une algue qui, par exception, produit
des fleurs ; le Crabro, comme je l'apprends de M. Smith, cherche de
petits Coléoptères (Hallicse) pour en approvisionner son nid. En voyant
que de si nombreuses espèces d'insectes peuvent visiter cet Epipactir
je m'étonne aussi d'avoir vu mon fils observer pendant quelques heures,
à trois reprises différentes, des centaines de ces plantes, sans avoir
surpris à s'arrêter sur ces fleurs une seule des nombreuses abeilles sau-
vages qui volaient autour d'elles.] C. D., mai 1809.

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lui                              EHIttCriS LATIFOLU.

lum, qui est très-saillant; il doit pouvoir le faire en
se retirant, après avoir puise a l'abondante source de
nectar que contient la cupule dulabellum. Il ne pa-
raît nullement être nécessaire que l'insecte pousse
en arrière le bout supérieur de l'anthère, qui est peu
proéminent; du moins j'ai vu que pour enlever aisé-
ment les pollinies, il surfil de tirer le bonnet du ros-
tellum dans une direction postéro-supérieure.

bpïpactis unroLu.

Flmir tuo de cfllG, atocious Iw «épatas et péUilcs enlcvte. sauf 1o labellum.
a. Anthère. — r. ftosiellum. — *. Stiçmalc, — L Ubcllum.

En Allemagne, C, K. Sprengel a pris une mouche
qui portait sur son dos des pollinies de cette espèce.
En Angleterre, les insectes aiment à visiter ces fleurs;
pendant les mois froids et pluvieux de 1860, dans le
Stissex, un de mes amis examina cinq épis portant
quatre-vingt-cinq fleurs ouvertes : cinquante-trois
d'entre elles avaient perdu leurs pollinies, et trente-
deux les avaient encore; mais comme plusieurs de
ces dernières étaient immédiatement au-dessous des
boutons, de nouvelles pollinies auraient presque ccr-

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FÉCONDATION.                                    105

tainement été enlevées dans la suite. Dans le Devon-
shire, j'ai trouvé un épi de neuf fleurs épanouies, et
toutes les pollinies étaient enlevées à une seule ex-
ception près : une mouche, trop faible pour enlever
ces petits corps, était demeurée engluée à eux et au
stigmate, victime d'une mort misérable1.

1 [Cette Orchidée n'est pas commune dans nos environs ; cependant,
j'ai eu l'heureuse chance d'en voir croître quelques pieds dans une allée
couverte de gravier, près de ma maison ; j'ai pu les observer pendant
plusieurs années et j'ai découvert ainsi quels insectes les fertilisaient.
Quoique des abeilles de ruche et des abeilles sauvages de différentes
espèces fussent constamment autour de ces plantes, alors complètement
fleuries, je n'en ai jamais vu une, ni aucun insecte Diptère, visiter ces
fleurs; d'autre part, j'ai vu à plusieurs reprises, chaque année, la guêpe
commune (Vespa sylvestris) en aspirer le nectar. J'ai vu également les
masses polliniques enlevées et transportées à d'autres fleurs sur les
têtes des guêpes, et la fécondation ainsi effectuée. En outre, M. Oxenden
m'a informé qu'un vaste groupe d'Ê. purpurata (forme dont certains
botanistes font une espèce et d'autres une variété), était fréquenté par
« des essaims de guêpes. » Il est très-remarquable que le suc mielleux
de cet Epipactis n'ait d'attrait pour aucune espèce d'abeille. Si les guêpes
venaient à disparaître de quelque district, il en serait de même de
YEpipaclis latifolia.

Le docteur H. Mûller, de Lippstadt, a publié (Verhandl. d. Nat. Verein,
Jahr 35, III Folge, Bd., pp. 7-36) quelques observations très-impor-
tantes sur les différences dans la structure et le mode de fécondation
qui séparent les Epipactis rubiginosa, microphyla et viridiflora, et sur
les affinités qui les réunissent. La dernière espèce est très-remarquable
par son manque de rostellum et sa fécondation directe régulière ; ceci
résulte de ce que le pollen non cohérent de la partie inférieure des
masses polliniques émet, lorsqu'il est encore dans les loges de l'an-
thère, et même lorsque la fleur est encore à l'état de boulon, des tubes
polliniques qui s'engagent dans le tissu du stigmate. Il est probable
cependant que cette espèce est visitée par les insectes, et que des croi-
sements ont lieu quelquefois ; car le labellum contient du nectar. L'£.
microphylla est également remarquable, étant intermédiaire entre
YE. lalifolia qui est toujours fertilisée par les insectes, et \'E. viridiflora

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106                      CEPHALANTHERA GRANDIFLORA.

Cephalanthera grandi/lora. — Cette Orchidée sem-
ble intimement liée aux Epipactis, bien que certains
auteurs l'aient classée dans un rang très-différent. Le
stigmate a relativement à l'anthère la même position
que chez les Epipactis; mais, par une exception sans
autre exemple (mes remarques ne s'appliquent jamais
au groupe si différent des Cypripédiées), il n'y a point
de rostellum. L'anthère est semblable à celle des
Epipactis, mais elle située plus haut par rapport au
stigmate. Le pollen est extrêmement friable, et s'at-
tache promptementà tout objet qui vient à l'effleurer;
ses granules sphériques sont isolés, au lieu d'être
unis par groupes de trois ou de quatre, comme chez
toutes les autres Orchidées * ; ils sont reliés entre eux
par des fils élastiques faibles et peu nombreux : ainsi
l'état du pollen, aussi bien que l'avortement du ros-
tellum, témoigne d'une dégradation dans la structure.
L'anthère s'ouvrant avant l'éclosion de la fleur, re-
jette une partie du pollen, qui se groupe en deux co-
lonnes verticales presque libres : chacune d'elles est
presque divisée en deux moitiés longitudinales. Ces
colonnes ainsi subdivisées se voient vis-à-vis du som-
met quadrangulaire du stigmate, qui s'élève jusqu'au

qui n'exige pas forcément leur intervention. Tout le mémoire du
docteur H. Mûller mérite d'être étudié avec soin.] C. D., mai 1869.

* Celte séparation des grains de pollen a été observée et figurée par
Bauer dans la planche publiée par Lindley dans ses splendides Illustra-
tions o\ orchidaceous plants.

[page break]

FÉCONDATION.                                           107

tiers environ de leur hauteur. (Voir la vue de face B
et la vue latérale G.)

Avant l'épanouissement de la fleur, ou du moins
avant qu'elle soit ouverte aussi complètement qu'elle
doit l'être, les grains de pollen qui s'appuyent contre
le bord supérieur aigu du stigmate (mais non ceux
qui occupent les extrémités supérieures et inférieu-
res de la masse) émettent une multitude de tubes
qui pénètrent profondément dans le tissu de cet or-
gane. Après cela, le stigmate s'infléchit en avant,
d'où il résulte que les deux fragiles colonnes de pol-
len se dégagent tout à fait des loges de l'anthère
et même restent suspendues au-dessus de lui :
les tubes polliniques qui ont pénétré dans la sub-
stance du stigmate les relient à lui et leur servent de
support en avant. Si elles n'avaient ce point d'appui,
les colonnes ne tarderaient pas à tomber.

Contrairement à ce qui a lieu chez l'Epipactis, la
fleur se tient droite ; la partie inférieure du labellum
est redressée et parallèle à la colonne (/?</. A), les
bords des pétales latéraux ne s'écartent jamais beau-
coup l'un de l'autre l ; ainsi les colonnes de pollen
se trouvent protégées contre le vent, et comme la
fleur est dressée, leur poids ne les entraîne pas en
bas. Ces points sont d'une haute importance pour la
plante, car autrement le pollen, au moindre souffle,

Bauer figure des fleurs beaucoup plus largement ouvertes ; tout ce
que je puis dire, c'est qHe je n'en ai vu aucune dans cet état

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108                           CEPIIÀUNT11KIU GRAWMFLORÀ.

tomberait et serait perdu. Le lal>cllum;sc compose de
deux parties, comme celui des Epipactis ; et quand la
Heur est à sa période de maturité, la portion termi-

Fif. 15.

CEPiiÀLAnTiiKiu r.iusmF.oiu,

a* Anthère ; sur !.. vue do face B, on voit les deui loges cl 1c pollen*

0. Anthère ruduneniaire ou aurkule.

;i. Ma^es de pollen,

a. St.trm.Ue.

L Segment terminal du jaMlum.

A.  La fleur complète et enlkucmcnt êpnnouic. vue obliquement.

B.  la colonne vue en face, avec ions le* sépale et pétales enlevés,

C.  Vue latérale de la colonne, avec tous lesaéjKile* et peoles enleva; on peut
à peine voiries imuce& colonnes de pollen, entra l'anthère et IcàLigmate.

noie, qui est petite et triangulaire, se rabat a angle
droit sur l'autre ; elle devient ainsi une sorte de
petit palier devant une porte triangulaire, placée ;\

[page break]

FÉCONDATION.                                         109

la moitié de la hauteur d'une fleur figurant presque
un tube, et par laquelle les insectes peuvent entrer.
Je n'ai pas vu de nectar ; mais comme la partie infé-
rieure du labellum forme une petit coupe et présente
la même structure que chez les Epipactis, je présume
qu'il s'en produit. Bientôt, dès que la fleur est par-
faitement fécondée, le segment terminal du labellum
se relève, ferme la porte triangulaire, et de nouveau
recouvre entièrement les organes de la fructification.
Puisqu'une multitude de tubes polliniques pénè-
trent de bonne heure dans le tissu du stigmate, où
j'ai pu les suivre fort loin, il semble que nous avons
ici un second cas (le premier est celui de l'Ophrys
A.beille) de fécondation sans croisement perpétuelle.
Fortement surpris de cela , je me suis demandé
pourquoi le segment terminal du labellum, pendant
une courte période de temps, s'abat-il et ouvre-t-il
la chambre florale ? Quel est l'usage de la grande
masse de pollen, qui se trouve au-dessus et au-des-
sous de cette couche de grains dont les tubes pénè-
trent seuls dans le stigmate par son bord supérieur ?
Le stigmate a une surface visqueuse, large et plate ;
et pendant quelques années j'ai presque invariable-
ment trouvé des masses de pollen adhérent à sa
surface, tandis que par un mécanisme quelconque
les fragiles colonnes polliniques s'étaient brisées '.

1 [Pendant l'année 1862, les fleurs de cel Orchis ont paru beaucoup
moins fréquemment visitées par les insectes que pendant les année

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110                             CEPIIALANT1IERA GRANDIFLORA.

J'ai pensé que, bien que les fleurs soient dressées et
les colonnes bien protégées contre le vent, les masses
polliniques pourraient à la longue s'affaisser, en vertu
de leur propre poids, tomber ainsi sur le stigmate et
déterminer une fécondation sans croisement. En
conséquence, j'ai couvert d'un filet une plante por-
tant quatre boutons, et j'ai examiné ces fleurs aussitôt
qu'elles furent fanées ; les larges stigmates de trois
d'entre elles n'avaient point reçu de pollen, mais
quelques grains étaient tombés sur un coin du qua-
trième. De plus, sauf le sommet d'une colonne polli-
nique de cette dernière fleur, toutes les colonnes
étaient encore droites et non brisées. J'ai examiné
les fleurs de quelques pieds croissant dans les envi-
rons, et partout j'ai trouvé, comme je l'avais déjà
fait si souvent, les colonnes brisées et les masses de
pollen sur les stigmates.

On peut donc sûrement conclure que des insectes
visitent ces fleurs, dispersent le pollen et en laissent
quelques masses sur les stigmates. On voit dès lors
que si le segment terminal du labellum se rabat pour
établir momentanément un palier et une porte ; si
le labellum est dressé, ce qui rend la fleur tubulairc

précédentes ; il y eut peu de masses de pollen brisées. Bien que j'aie
examiné ces fleurs à plusieurs reprises, je n'ai jamais trouvé trace de
nectar ; mais j'ai lieu de soupçonner que les crêtes dont est pourvue la
base du labellum ont quelque attrait pour les insectes ; ils viendraient
les ronger, comme ils le font sur beaucoup de fleurs de Vandées et
d'autres Orchidées exotiques.] C. D., mai 1809.

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FÉCONDATION.                                                  111

et force les insectes à se glisser tout auprès du stig-
mate ; si le pollen s'attache de suite à tout objet qui
le touche et se groupe en colonnes fragiles, mais pro-
tégées contre le vent ; enfin, s'il y a de grosses mas-
ses de pollen au-dessus et au-dessous de la couche
pollinique dont les grains émettent seuls des tubes
pénétrant dans le stigmate : toutes ces dispositions
sont coordonnées et chacune d'elles est utile ; or elles
seraient sans usage, si la fleur était soumise à une
fécondation directe exclusive.

Afin de reconnaître jusqu'à quel point la cons-
tante et hâtive pénétration des grains de pollen par
le bord supérieur du stigmate , auquel ils se fixent,
entraîne une fécondation efficace, je couvris une
plante immédiatement avant l'épanouissement des
fleurs, et j'enlevai le léger filet dont je m'étais
servi, dès qu'elles commencèrent à se faner. Grâce
à une longue expérience, j'étais sûr qu'en les cou-
vrant ainsi quelque temps, je ne nuirais pas à leur
fertilité. Ces quatre fleurs couvertes produisirent
autant de belles capsules qu'aucune de celles des
plantes voisines. Quand ces capsules furent mûres,
je les cueillis, ainsi que celles de quelques autres
plantes croissant dans des conditions semblables,
et je pesai les graines dans une balance chimique.
Les graines des quatre capsules cueillies sur des
plantes non couvertes pesaient un grain et demi,
et celles d'un même nombre de capsules prises

[page break]

112                              CEPUALANTIIERA GRANDIFLORA.

sur la plante couverte, moins d'un grain ; mais
ceci ne donne pas une bonne idée des différences
relatives de fertilité, car j'ai remarqué qu'un
grand nombre des graines de cette dernière plante
étaient réduites aux téguments atrophiés et ridés.
En conséquence j'ai mêlé les graines, puis j'ai pris
quatre petits lots dans l'un des tas et quatre dans
l'autre, et les ayant trempés dans l'eau, je les ai
comparés sous le microscope composé ; sur qua-
rante graines provenant de la plante non couverte,
quatre seulement étaient mauvaises, tandis que sur
quarante graines de la plante couverte, vingt-sept au
moins ne valaient rien ; il y avait donc presque sept
fois plus de graines mauvaises sur la plante couverte
que sur celles auprès desquelles les insectes avaient
libre accès.

Ainsi, nous avons un cas complexe et curieux : par
les tubes polliniques qui pénètrent de bonne heure
dans le stigmate, fécondation directe perpétuelle
mais à un degré extrêmement imparfait ; ceci serait
fort utile à la plante, au cas où les insectes viendraient
à ne pas visiter ses fleurs. Cependant, le principal
rôle de cette pénétration des tubes polliniques semble
être de retenir les colonnes de pollen à leurs places,
afin que les insectes, en s'agitant dans la fleur, puis-
sent se couvrir de la poussière fécondante. Les in-
sectes concourent habituellement beaucoup à la
réalisation de cette fécondation directe imparfaite,

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GOODYERA REPENS.                                115

en transportant le pollen d'une fleur sur son propre
stigmate; mais un insecte ainsi enduit de pollen ne
peut guère manquer d'unir aussi deux fleurs distinc-
tes. Il semble même probable, d'après la situation
relative des parties (quoique j'aie négligé de m'en
assurer en enlevant d'avance les anthères, afin de
voir si le pollen déposé sur le stigmate provenait
d'une autre fleur) que l'insecte se couvrirait plus
fréquemment de pollen en sortant d'une fleur qu'en
y entrant, et sans doute ceci favoriserait l'union de
deux fleurs distinctes. Le Cephalanthera n'offre donc
qu'une demi-exception à cette règle générale qu'une
fleur d'Orchidée est fécondée par le pollen d'une autre
fleur de même espèce.

Goodyera repens*. — Ce genre, pour la plupart de
ceux de ses caractères qui nous concernent, est inti-
mement uni aux Epipactis. Le roslellum, en forme
de bouclier et presque carré, s'avance au delà du
stigmate ; il est soutenu de chaque côté par des crêtes
inclinées, s'élevant du bord supérieur du stigmate,
presque de la môme manière que chez le Spiranthes,
comme nous allons bientôt le voir. La surface de la
partie saillante du rostellum est rude, et quand elle
est sèche, on peut voir qu'elle est formée de cellules ;
elle est délicate, et quand on la pique légèrement,

* Des plantes de celte rare espèce, qui croit dans les montagnes,
m'ont été envoyées avec beaucoup d'obligeance par le Rév. G. Gordon,
d'Elgin.

8

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ili                                   GOODYERA REPENS.

laisse exsuder une goutte de fluide laiteux et vis-
queux ; elle est couverte d'une couche de matière très-
adhésive, qui durcit promptement quand on l'expose
à l'air. La surface saillante du rostellum, quand on
la frotte doucement vers le haut, s'enlève aisément,
et entraîne avec elle un morceau de membrane à l'ex-
trémité postérieure duquel sont attachées les pol-
linies.

Les crêtes inclinées qui soutiennent le rostellum
ne sont pas retirées en même temps, mais restent
saillantes en haut et figurant une fourche, puis bien-
tôt se flétrissent. L'anthère repose sur un filet long
et large ; des deux côtés une membrane unit ce filet
aux bords du stigmate, ce qui forme imparfaite-
ment une coupe ou clinandre. Les loges de l'anthère
s'ouvrent dans le bouton, et les pollinies s'attachent
par leurs faces antérieures, juste au-dessous de leurs
sommets, à la face postérieure du rostellum ; à la
fin, l'anthère s'ouvre largement, laissant les polli-
nies presque à découvert, quoique en partie abri-
tées par la coupe membraneuse ou clinandre. Chaque
pollinie est incomplètement divisée dans le sens de
sa longueur ; les grains de pollen sont groupés en
masses presque triangulaires, qui renferment une
multitude de grains ; chaque grain se compose de
quatre granules, et les masses sont liées entre elles
par des fils élastiques très-forts qui, à leurs extrémités
supérieures, se réunissent et forment une seule bande

[page break]

FÉCONDATION.

115

brune, aplatie et élastique, dont le bout tronqué
adhère à la face postérieure du rostellum.

La surface orbiculaire du stigmate est très-vis-
queuse, ce qui lui permet de rompre les fils unissant
les paquets de pollen, dont la résistance est ici
plus grande que de coutume. Le labellum est incom-
plètement partagé en deux parties : le segment ter-
minal est réfléchi, et le segment basilaire, en forme
de cupule, est plein de nectar. L'entrée de la fleur
est un passage resserré entre le rostellum et le la-
bellum. Depuis que j'ai étudié le Spiranthes, dont
je vais parler de suite, j'ai soupçonné qu'à la matu-
rité de la fleur la colonne s'écarte davantage du la-
bellum, afin de permettre aux insectes portant des
pollinies attachées à leur tête ou à leur trompe, d'en-
trer plus librement. Dans beaucoup des échantillons
qu'on m'a envoyés, les pollinies avaient été enlevées
par les insectes, et la petite fourche formée par les
deux branches qui soutenaient le rostellum était
demi flétrie1.

* [M. R. B. Thomson m'informe que dans le nord de lTcosse il a vu
beaucoup d'abeilles sauvages visiter ces fleurs et enlever leurs pollinies,
qui étaient attachées à leurs trompes. L'insecte qu'il m'a envoyé est le
Bombus pratorum. Cette espèce existe aussi aux États-Unis; et le profes-
seur Gray (Amer. Journ. of Science, v. XXXIV, 1862, p. 427) confirme les
idées que j'ai émises sur sa structure et son mode de fécondation, qui
sont également applicables à une espèce très-distincte, le Goodyera pu-
bescens. M. Gray pense que le passage conduisant dans la fleur, très-
étroit d'abord, devient plus large, comme je l'avais soupçonné, lorsque
la floraison est plus avancée ; mais il croit que c'est la colonne, et non
le labellum, qui change de position.] C. D., mai 1869.

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U6                                    GOODYERA. REPENS.

Le Goodyera nous intéresse; c'est un anneau qui
relie entre elles quelques formes très-distinctes. Au-
cune autre Néottiée ne m'a paru être plus près d'a-
voir un vrai caudicule1, comme celui des Ophry-
dées; et, chose curieuse, dans ce genre seul (autant
que j'ai pu m'en assurer) les grains de pollen sont
unis en gros paquets comme dans cette dernière
tribu. Si les caudicules rudimentaires naissaient de
l'extrémité inférieure des pollinies au lieu d'être
fixés un peu au-dessous de leur sommet, les pollinies
seraient presque identiques à celles d'un véritable
Orchis. D'autre part, les deux crêtes inclinées qui
soutiennent le rostellum et se flétrissent après l'en-
lèvement du disque visqueux, la cupule membra-
neuse ou clinandre qui se trouve entre le stigmate
et l'anthère, et quelques autres détails, décèlent une
affinité marquée avec le Spiranthes. La largeur du
filet qui supporte l'anthère rappelle le Cephalanthera.
Par la structure de son rostellum, à part l'existence

1 Chez une espèce étrangère, le Goodyera discolor, que m'a envoyée
M. Bateman, les pollinies se rapprochent encore plus par leur structure
de celles desOphrydées; elles s'amincissent en de longs caudicules, rap-
pelant beaucoup par leur forme ceux des Orchis. Le caudicule est formé
d'un faisceau de fils élastiques, auxquels sont attachés de très-petits et
très-fins paquets de grains de pollen, disposés comme les tuiles d'un
toit. Les deux caudicules s'unissent près de leurs bases, et là, sont atta-
chés à un disque membraneux tapissé de matière visqueuse. Près de la
base, les paquets de pollen deviennent si petits et si fins, et ils sont si
fermement attachés aux fils élastiques, que je les crois sans usage; s'il
en est ainsi, ces prolongements des pollinies sont de vrais caudicules.

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SPIRANTHES AUTUMNALIS.                           117

des crêtes inclinées, et par la forme de son labellum,
le Goodyera se trouve voisin des Epipactis. Le Goo-
dyera nous montre sans doute comment étaient les
organes reproducteurs dans un vaste groupe d'Orchi-
dées, maintenant en grande partie éteint, mais d'où
descendent beaucoup d'espèces actuellement vivantes.
Spiranthes autumnalis. — Cette Orchidée, gracieu-
sement nommée en Angleterre Ladiei tresses, offre
quelques particularités dignes d'intérêt1. Le rostel-
lum est une lame saillante, longue, mince et aplatie,
que des épaules inclinées relient au sommet du stig-
mate. Au milieu du rostellum, on peut voir un objet
brun, étroit, vertical (fig. 16, C), bordé de chaque
côté et couvert par une membrane transparente. Cet
objet brun , je l'appellerai le disque en forme de bar-
que. Il forme la partie médiane de la surface posté-
rieure du rostellum, et consiste en une bande étroite
de la membrane extérieure modifiée. Terminé en
pointe au sommet (fig. E), arrondi à la base, légère-
ment bombé, il a tout à fait l'aspect d'une barque
ou d'un canot. Il a un peu plus de ^ de pouce de
long, et moins de -^ de large. Presque rigide et d'as-
pet fibreux, il est en réalité formé de cellules allon-
gées et épaissies, en partie fondues entre elles.

1 Je suis três-obligé envers le docteur Battersby, de Torqiieay, et
M. A. G. More, de Brembridge, qui m'ont envoyé des échantillons de
cette espèce ; mais dans la suite, j'ai pu examiner beaucoup de plantes
vivantes.

[page break]

H8                                SP1RANTHES A.UTUMNÀLIS.

Ce bateau, placé verticalement sur sa poupe, est
plein d'un fluide épais, laiteux, extrêmement adhésif,

Fig. 10.
SPIRANTHES AUTUMNA.LIS (LAMES* TRESSES).

a. ANTHÈKE.                                                                   cl. BOAD DU CLINANDRE.

p. GIUINS DE POLLEN.                                             T. ROSTELLUM.

t. FILS DES MASSES POLLINIQUES.                     S. STIGMATE----- 71. RÉSERVOIR DD NECTAR.

A.  Vue latérale de la fleur dans sa position naturelle, avec les deux sépales
intérieurs seuls enlevés. On reconnaît le labellum à sa lèvre frangée et
réfléchie.

B.  Vue latérale d'une fleur arrivée à malurité, avec tous les sépales et
pétales enlevés. La position du labellum (qui s'est éloigné du rostellum) et
du pélale supérieur, est indiquée par des points.

C.  Le stigmate, le rostellum et le disque visqueux qui en occupe le centre,
vus par devant.

D.  Le rostellum et le stigmate vus de même, mais après l'enlèvement du
disque.

E.  Le disque visqueux retiré du rostellum, très-amplifié, vu par derrière,
avec les fils élastiques des masses polliniques qui lui sont attachés ; les
grains de pollen en ont été enlevés.

qui, exposé à l'air, brunit rapidement, puis durcit et
se coagule tout à fait au bout d'environ une minute.

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FÉCONDATION.                                                119

Un objet s'attache à lui en quatre ou cinq secondes,
et lorsque le ciment s'est desséché, l'adhérence est
merveilleusement forte. Les bords transparents du
rostellum, de chaque côté du disque, consistent en
une membrane attachée en arrière aux bords du ba-
teau et repliée au-dessus de lui en avant, de manière
à former la face antérieure du rostellum. Cette
membrane repliée sur elle-même recouvre ainsi,
comme, le pont, la cargaison de matière visqueuse
renfermée dans le navire.

La face antérieure du rostellum est légèrement
sillonnée par une ligne longitudinale, sur le milieu
du bateau ; elle est douée d'une propriété vitale re-
marquable : en effet, qu'on touche très-doucement
le sillon avec une aiguille, ou qu'on fasse glisser une
soie de porc le long de ce sillon, immédiatement il
se fend dans toute sa longueur, et une gouttelette de
fluide adhésif et laiteux exsude au dehors. Cette ac-
tion n'est pas mécanique ou due à la simple violence.
La fente gagne toute la longueur du rostellum, de-
puis le stigmate qui est au-dessous jusqu'au sommet :
au sommet elle se bifurque et court en bas sur la
face postérieure du rostellum, de chaque côté et au-
tour de la poupe du bateau. Quand cette.rupture s'est
opérée, le disque se trouve tout à fait libre, mais re-
tenu entre les branches d'une fourche dans le rostel-
lum. La rupture paraît ne jamais se produire spon-
tanément. J'ai couvert d'un filet une plante dont les

[page break]

120                                 SPIRANTHES AUTUMNAIIS.

fleurs n'étaient pas encore ouvertes, et cinq de ces
fleurs restèrent pendant une semaine complètement
épanouies sous le filet : j'examinai alors leurs rostel-
lums, et pas un ne s'était fendu; au contraire, sur
des épis voisins que je n'avais pas couverts, presque
chaque fleur, ayant été visitée et touchée par des in-
sectes, après vingt-quatre heures seulement d'épa-
nouissement, avait son rostellum fendu. Le rostel-
lum se fend au bout de deux minutes quand.on l'ex-
pose à un peu de vapeur de chloroforme ; et, dans la
suite, nous verrons qu'il en est de même pour quel-
ques autres Orchidées.

Quand on laisse une soie de porc pendant deux
ou trois secondes dans le sillon du rostellum et
que par suite la membrane s'est fendue, la matière
visqueuse qui est dans le disque en forme de bateau
est si près de la surface (et même elle exsude un peu)
que le disque sera presque infailliblement attaché
dans le sens longitudinal à cette soie et retiré avec
elle. Quand le disque est enlevé, les deux branches
du rostellum (fig. D), que quelques botanistes ont dé-
crites comme deux appendices foliacés distincts, de-
meurent en place et forment une sorte de fourche.
Tel est l'état ordinaire des fleurs, deux ou trois jours
après leur éclosion, lorsqu'elles ont reçu la visite des
insectes. La fourche se flétrit bientôt.

Quand la fleur est en bouton, la face postérieure
du disque est couverte d'une couche de grosses cel-

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FÉCONDATION.                                              121

Iules arrondies, de sorte que ce disque ne forme pas
rigoureusement la surface extérieure du dos du ros-
tellum. Ces cellules contiennent peu de matière vis-
queuse : elles restent intactes ( comme le montre la
figure E) vers le sommet du disque; mais au point
où sont fixées les pollinies, elles disparaissent. J'ai
conclu de là que la matière visqueuse renfermée dans
ces cellules, quand celles-ci s'ouvrent, servait à lier
au disque les fils intrapolliniques ; mais, n'ayant pas
vu trace de telles cellules chez plusieurs grandes
Orchidées étrangères, je présume que cette vue est
erronée.

Le stigmate est au-dessous du rostellum et se ter-
mine par une surface oblique (voy. la vue latérale B);
son bord inférieur est arrondi et garni dé poils: De
chaque côté une membrane (cl, B) s'étend des bords
du stigmate au filet de l'anthère, formant ainsi une
cupule membraneuse ou clinandre, dans laquelle
s'abritent les extrémités inférieures des masses pol-
liniques.

Chaque pollinie consiste en deux feuilles de pollen,
tout à fait disjointes à leurs bouts inférieurs, dis-
tinctes aussi à leurs sommets, mais unies*par des
fils élastiques sur la moitié environ de leur lon-
gueur : une très-légère modification convertirait les
deux pollinies en quatre feuilles de pollen, ce qui a
lieu dans le genre Malaxis et beaucoup d'Orchidées
exotiques. Chacune des quatre feuilles consiste, d'ail-

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122                                 SMRANTHES AÏÏTUMNALIS.

leurs, en une double rangée de grains de pollen,
unis seulement sur leurs bords. Les grains de pollen
(chacun d'eux est composé de quatre granules) sont
unis par des fils élastiques qui sont plus nombreux
sur les bords des feuilles et convergent au sommet
de chaque pollinie. Les lames ou feuilles de pollen
sont très-fragiles, et quand on les place sur le gluant
stigmate d'une fleur, de larges tranches en sont aisé-
ment détachées.

Longtemps avant que la fleur s'ouvre, les loges
de l'anthère pressées contre la partie postérieure du
rostellum s'ouvrent en haut et, par suite3 les polli-
nies qu'elles renferment sont mises en contact immé-
diat avec le dos du disque en forme de barque ; les
fils qui sortent de la masse pollinique s'attachent
alors fermement au dos de ce disque, un peu au-des-
sus de son milieu. Les loges de l'anthère s'ouvrent
ensuite plus bas, leurs parois membraneuses se con-
tractent et brunissent; ainsi, tandis que la fleur s'est
complètement épanouie, les parties supérieures des
pollinies sont tout à fait à découvert, leurs bases
reposent dans de petites cupules formées par les
loges flétries de l'anthère, et sur les côtés le cli-
nandre les protège. Dès que les pollinies sont ainsi
devenues libres, elles sont facilement enlevées.

Les fleurs sont tubulaires et décrivent une élégante
spirale autour de la tige, se détachant d'elle dans
une direction horizontale (fig. A). Le labellum est

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FÉCONDATION.                                    125

creusé d'un sillon médian et muni d'une lèvre ré-
fléchie et frangée, sur laquelle descendent les abeil-
les; à ses angles internes ou basilaires on trouve deux
saillies globuleuses qui sécrètent du nectar en abon^
dance. Le nectar s'amasse (n, fig. B) dans un petit
réservoir qui est au-dessous. Grâce à la proéminence
du bord inférieur du stigmate et des deux nectaires
latéraux infléchis, l'orifice qui conduit au réservoir
du nectar est fort étroit; il est en outre central.
Quand la fleur commence à s'ouvrir, le réser-
voir est plein de nectar, et, à ce moment, la partie an-
térieure du rostellum, qui offre un sillon peu marqué,
est très-rapprochée du labellum; par conséquent,
entre ces deux organes reste un passage, mais il est
si étroit qu'une soie très-fine peut seule y être intro-
duite1. Après un jour ou deux, le labellum s'éloigne
un peu du rostellum et laisse ainsi, pour aller au
stigmate, un plus large passage. A ce léger mouve-
ment du labellum est absolument liée la fertilisation
de la fleur.
Chez la plupart des Orchidées les fleurs restent

1 Le professeur Asa Gray a bien voulu examiner les Spiranthes gracilis
et cernua aux États-Unis. Il a trouvé la même, organisation générale que
chez le S. aulumnalU, et a remarqué comlwen l'entrée de la fleur était
étroite. Gomme à l'égard du Goodyera, le prof. Gray pense que c'est la
colonne qui s'éloigne du labellum à mesure que la fleur vieillit, et non,
comme je l'avais supposé, le labellum qui s'éloigne de la colonne. Il
ajoute que ce changement de position, qui joue un rôle si important
dans la fertilisation de la fleur, « est si frappant, qu'on s'élonne de ne
pas l'avoir remarqué. (Amer. Journ. of Science, vol. XXXIV, p. 427.)

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VU                                   SPIRANTHES AUTUMNALIS.

quelque temps ouvertes avant d'être visitées par les
insectes; mais, chez leSpiranthes, j'ai généralement
trouvé le disque en forme de barque enlevé presque
aussitôt après l'épanouissement de la Heur. Par exem-
ple, des deux derniers épis que j'eus l'occasion d'exa-
miner, l'un avait à son sommet de nombreux bou-
tons, et parmi ses sept fleurs inférieures qui seules
étaient ouvertes, six avaient déjà perdu leurs disques
et leurs pollinies; l'autre avait huit fleurs ouvertes
'et toutes les pollinies étaient enlevées. Nous avons
vu que la fleur doit être à même d'attirer les in-
sectes dès qu'elle s'ouvre, car alors le réservoir
contient déjà du nectar; et à ce moment le rostel-
lum est si rapproché du labellum, qu'une abeille
ou un papillon ne pourrait introduire sa trompe
dans le passage, sans toucher le sillon' médian du
rostellunu J'en suis certain, je le sais par des expé-
riences répétées à l'aide d'une soie.

Remarquons comme tout est merveilleusement
combiné pour qu'un insecte, visitant la fleur, enlève
-les pollinies. Les pollinies sont dès l'abord attachées
au disque par leurs fils, et comme les loges de
l'anthère se fanent de bonne heure, elles restent li-
brement pendantes, quoique le clinandre les abrite.
Au contact de la trompe d'un insecte, le rostellum se
fend en avant et en arrière : ceci met à nu un disque
long, mince et de la forme d'une barque, chargé
d'une matière extrêmement visqueuse qui ne peut

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FÉCONDATION.                                              125

manquer de s'attacher longitudinalement à la trompe.
Ainsi, quand l'abeille reprend son vol, elle em-
porte sûrement avec elle les pollinies; celles-ci
étant attachées parallèlement au disque, se fixent
parallèlement à la trompe. Ici, cependant, sur-
git une difficulté : lorsque la fleur vient de s'ou-
vrir et que tout y est pour le mieux arrangé en
vue de l'enlèvement des pollinies, le labellum est
si rapproché du rostellum que les pollinies atta-
chées à la trompe d'un insecte pourraient peut-
être ne pas pénétrer assez avant dans la fleur pour
atteindre le stigmate; elles seraient renversées ou
brisées; mais nous avons vu qu'après deux ou trois
jours le labellum se réfléchit davantage et s'écarte de
la colonne et du rostellum, ou ce dernier organe s'é-
carte du labellum, et le passage devient ainsi plus
large. La fleur étant dans cet état, j'ai fait des expé-
riences avec des pollinies attachées à une soie fine;
en introduisant cette soie dans le réservoir du nec-
tar (n, fig. B), on voit les lames de pollen rester par-
faitement adhérentes à la surface visqueuse du stig-
mate. On peut voir par la figure B, que l'orifice con-
duisant au réservoir du nectar, grâce à la saillie que
fait le stigmate, est situé près du bord inférieur de
la fleur; les insectes doivent donc diriger leur trompe
de ce côté, et un large espace est ménagé pour que
les pollinies qui leur sont attachées soient entraînées,
sans se heurter contre rien, jusqu'au stigmate. 11 est

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126                                    SPIRANTIIES AUTUMNALIS.

clair que le stigmate n'est aussi proéminent qu'afin
que les pollinies puissent plus sûrement le rencon-
trer.

Ainsi, chez le Spiranthes, non-seulement il faut
que le pollen soit transporté d'une fleur à une autre,
comme chez la plupart des Orchidées, mais une fleur
nouvellement ouverte, dont les pollinies sont dans
les meilleures conditions pour être enlevées, ne peut
pas alors être fécondée. En général les vieilles fleurs
seront fécondées par le pollen des jeunes, qui leur
sera apporté, comme nous le verrons, d'une autre
plante; conformément à cela, j'ai remarqué que la
surface du stigmate est beaucoup plus visqueuse chez
les fleurs avancées que chez les jeunes. Toutefois,
une fleur qui n'aurait pas reçu de bonne heure la vi-
site des insectes, ne serait pas forcément condamnée,
dans la seconde période de sa floraison, à garder inu-
tilement son pollen; car les insectes, en introdui-
sant et en retirant leurs trompes, les courbent en
avant, et ainsi, peuvent souvent frapper le sillon
du rostellum. J'ai imité cet acte à l'aide d'une soie,
et souvent j'ai réussi à retirer les pollinies. J'ai
été conduit à faire cette expérience, en choisissant
d'abord pour objet de mon examen des fleurs avan-
cées; j'introduisis une soie de porc ou un brin
d'herbe très-fin, en droite ligne dans le nectaire,
et je ne pus jamais retirer les pollinies; mais je
réussis en recourbant ma soie en avant. Ces fleurs

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FÉCONDATION.                                                127

dont les pollinies ne sont pas enlevées peuvent
sans doute être fécondées, et j'ai vu bon nombre
de fleurs dont les pollinies étaient encore en place,
avoir des feuilles de pollen sur leurs stigmates.

A Torquay, j'ai examiné un certain nombre de ces
fleurs qui croissaient ensemble, pendant environ une
demi-heure, et j'ai vu trois abeilles sauvages de deux
espèces différentes les visiter. J'en pris une et je re-
gardai sa trompe : sur la face supérieure, à une pe-
tite distance du bout, étaient attachées deux pollinies
entières et trois disques en forme de bateau, sans
pollen ; cette abeille avait donc enlevé les pollinies
de cinq fleurs, et probablement déposé sur les stig-
mates d'autres fleurs le pollen de trois d'entre elles.
Le lendemain, j'ai observé les mêmes fleurs pendant
un quart d'heure, et pris une abeille à l'œuvre ; à sa
trompe étaient attachés une pollinie intacte et quatre
disques, l'un placé sur le sommet de l'autre, ce qui
montrait combien exactement chaque rostellum avait
été touché par la même partie de la trompe.

Les abeilles s'arrêtaient toujours au bas de l'épi,
puis, s'élevant le long de sa spirale, puisaient à cha-
que fleur l'une après l'autre. Je suppose qu'elles
font de même toutes les fois qu'elles visitent une
grappe de fleurs très-serrées, trouvant que cette
marche leur convient davantage ; c'est ainsi que le
pic-vert s'élève le long d'un arbre quand il cherche
des insectes. Ceci semble une remarque très-insigni»

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128                                   SPIRANTIIES AUTUMNALIS.

fiante, mais voyons ses conséquences. De grand ma-
tin, l'abeille va faire sa ronde; supposons qu'elle s'a-
batte au sommet de l'épi. Sûrement elle dépouil-
lera de leurs pollinies les fleurs supérieures, les
plus récemment écloses; mais ensuite, qu'elle vi-
site la fleur voisine dont le labellum, selon toute pro-
babilité, ne se sera pas écarté de la colonne (car ce
mouvement s'effectue lentement et par degrés), et
les masses polliniques seront souvent balayées hors
de sa trompe et perdues. La nature ne saurait souf-
frir une telle prodigalité. L'abeille va d'abord à la
fleur la plus basse, puis s'élève en spirale le long de
l'épi, ne fait rien sur le premier épi qu'elle visite
avant d'atteindre ses fleurs supérieures, et enlève à
ces dernières leurs pollinies ; puis elle vole sur une
autre plante, et s'abattant sur les fleurs les plus bas-
ses et les plus avancées, dans lesquelles, grâce à la
réflexion du labellum, elle trouve un large passage,
elle fait frapper ses pollinies contre la saillie du stig-
mate : si maintenant lç stigmate de la plus basse fleur
a déjà été bien fécondé, sa surface desséchée ne re-
tient que peu ou point de pollen; mais sur la fleur
qui suit immédiatement celle-ci, le stigmate étant
visqueux, l'insecte dépose de larges feuilles de pol-
len. Puis dès que l'abeille approche du sommet de
l'épi, elle fait une nouvelle moisson de pollinies fraî-
ches; elle vole alors sur les fleurs inférieures d'une
autre plante et les fertilise; tandis qu'elle fait sa

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FÉCONDATION.                                                 12'J

ronde et augmente sa provision de miel, sans cesse
elle féconde de nouvelles fleurs et perpétue la race de
notre Spiranthe d'automne, qui à son tour donnera
du miel aux futures générations d'abeilles.

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CHAPITRE IY

Malaxis paludosa : simples moyens de fécondation — Lislera ovata :
sensibilité du rostellum, explosion de la matière visqueuse; rôle des
insectes ; parfaite disposition des divers organes — Listera cordala —
Neottia nidus-avis : sa fécondation semblable à celle du Listera.

Nous arrivons aux dernières Orchidées anglaises,
espèces chez lesquelles aucune partie de la surface
extérieure membraneuse du rostellum n'est attachée
d'une manière permanente aux pollinies. Dans cette
subdivision, je ne connais que les trois genres Ma-
laxis, Listera et Neottia, que je réunis simplement
pour plus de commodité. Le Malaxis n'est pas une
forme intéressante au point de vue de la fécondation;
mais les Listera et Neottia doivent être rangées parmi
les Orchidées les plus remarquables par la manière
dont les insectes enlèvent leurs pollinies, grâce à la
soudaine explosion de la matière visqueuse contenue
dans leurs rostellums.

Malaxis paludosa. — Cette rare Orchidée1, la plus

1 Je suis très-obligé envers M. Wallis, de Ëartfield (Sussex), pour de
nombreux pieds vivants de cette espèce.

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MALAXIS PALUDOSA.                                    151

petite des espèces anglaises, diffère des autres par la
position de ses fleurs. Le lahellum du Malaxis occupe
le haut de la fleur1, au lieu d'être en bas et d'être,
comme chez les autres Orchidées, la pièce sur laquelle
s'abattent les insectes; son bord inférieur embrasse
la colonne et rend tubulaire l'entrée de la fleur. Grâce
à sa position, il protège en partie les organes de la
fructification (fig. 17). Chez la plupart des Orchidées,
les pièces protectrices sont le sépale et les deux pétales
supérieurs ; mais ici ils sont réfléchis d'une singu-
lière façon (comme le montre le dessin, fig. A), sans
doute pour permettre aux insectes de visiter la fleur
plus librement. Cette position de la fleur est très-re-
marquable, car elle s'est réalisée dans un but déter-
miné, comme le montre l'ovaire contourné en spirale.
Chez toutes les Orchidées, le labellum est normale-
ment en haut de la fleur, et s'il devient ordinaire-
ment une lèvre inférieure, c'est par suite de la tor-
sion de l'ovaire; mais chez le Malaxis la torsion
est portée à un tel degré que la fleur reprend la
position qu'elle aurait eue si l'ovaire n'était nul-
lement tordu ; cette position, l'ovaire la recouvre en-
suite à la maturité, en se détordant peu à peu.

1 Sir James Smith a, je crois, signalé le premier ce fait dans English
Flora, vol. IV, p. il. 1828. Vers le sommet de l'épi, le sépale supérieur
n'est point pendant, comme le représente la gravure (fig. A), mais s'a-
vance presque horizontalement ; la torsion de la fleur n'est prs non plus
toujours aussi complète.

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MAI..tXtS l'ALIL'UM

Hf- I*.

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MALAXIS FALDDOSA.

(Copié en partie surDauer, mais modifié après l'examen des plantes virantes!

a. ANTIIÈ11E.                                                                  )'. HOSTELLU1I.

p. POLLEN.                                                                     S. STIGHATE.

Cl. CLINAKDRE.                                                               I. LABELLDH.

V. TRACHÉES.                                                                 11. SÉPALE SDPBMEUR

A.  Fleur intacte, vue de côté, avec le labellum en haut, dans sa position
naturelle.

B.  Colonne vue par devant : on voit le rostellum, le stigmate en forme de
gousset, et les parties antérieures et latérales du clinandre.

C.  Colonne vue par derrière sur un boulon : on voit l'anthère, faiblement
les pollinies pyriformes qu'elle contient, et les bords postérieurs du cli-
nandre.

D. Fleur ouverte, vue par derrière ; l'anthère maintenant contractée et flétrie,
laisse a découvert les pollinies.

E.  Les deux pollinfcs attachées à une petite masse transversale de matière
visqueuse, durcies pur l'esprit de-vin.

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134                                         MALAXIS PALUDOSA.

Si l'on dissèque cette petite fleur, on voit que la
colonne est divisée longitudinalement en trois par-
ties; la moitié supérieure de la partie médiane est le
rostellum (fig. B). Le bord supérieur de la moitié in-
férieure de la colonne s'avance au delà de son point
d'union avec la base du rostellum et forme ainsi un
pli ou creux très-profond. Ce pli est la cavité du stig-
mate et peut être comparé à un gousset. J'ai trouve
des masses polliniques dont les insectes avaient
poussé les gros bouts dans cette poche; et un fais-
ceau de tubes polliniques avait pénétré en ce point
dans le tissu du stigmate.

Le rostellum, ou portion médiane, est une longue
saillie membraneuse et blanchâtre, formée de cellules
quadrangulaires et couverte d'une légère couche de
matière visqueuse : il est un peu concave en arrière,
et une petite langue de matière visqueuse surmonte
sa crête. La colonne, avec son stigmate en forme de
poche étroite, et au-dessus, son rostellum, s'unit de
chaque côté à une expansion membraneuse de cou-
leur verte, convexe extérieurement et concave à l'in-
térieur, dont les sommets, de chaque côté, sont ter-
minés en pointe et sont situés un peu au-dessus de la
crête du rostellum. Ces deux membranes (voy. les
fig. C et D) entourent le filet, ou base de l'anthère,
et s'unissent à lui; elles forment ainsi derrière le
rostellum une cupule profonde ou clinandre. Cette
cupule, comme nous allons le voir, est destinée à pro-

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FÉCONDATION.                                               155

téger les masses polliniques. En traitant de l'hoino-
logie des différents organes, je montrerai en suivant
la distribution des trachées, que ces deux membranes
qui forment le clinandre sont les deux anthères su-
périeures du verticille interne, réduites à l'état rudi-
mentaire, mais utilisées dans un but spécial.

Avant l'épanouissement de la fleur,- on peut voir
une petite masse ou gouttelette de fluide visqueux
sur la crête du rostellum, débordant un peu la sur-
face antérieure de cet organe. Quand la fleur est de-
meurée quelque temps ouverte, cette goutte se res-
serre et devient plus visqueuse. Elle n'a pas les mê-
mes propriétés chimiques que la matière visqueuse
de la plupart des Orchidées, car elle conserve sa flui-
dité plusieurs jours, quoique librement exposée à
l'air. Ces faits m'avaient amené à conclure que le
fluide visqueux exsude de la crête du rostellum ;
mais par bonheur, j'ai eu l'occasion d'examiner une
espèce indienne très-voisine, le Microstylis Rlwdii,
(que le docteur Hooker m'a envoyé de Kew), où j'ai
vu de même exsuder, avant l'ouverture de la fleur, une
goutte de matière visqueuse; mais, en ouvrant un
bouton moins développé, j'ai aperçu sur la crête du
rostellum une petite lame saillante, régulière, lingui-
forme, formée de cellules qui, pour peu qu'on les
agite, se résolvent en une gouttelette de matière vis-
queuse. A ce moment, toute la face antérieure du
rostellum, entre sa crête et la poche stigmatique,

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136                                          MALAXIS PALUDOSA.

était aussi revêtue de cellules pleines d'une matière
analogue, brune et gluante; il n'est donc pas dou-
teux que si j'avais examiné un bouton de Malaxis as-
sez jeune, j'aurais trouvé de même une petite langue
cellulaire saillante sur la crête du rostellum.

L'anthère s'ouvre largement pendant que la fleur
est en bouton, puis elle se flétrit et se contracte, de
sorte que, lors du complet épanouissement de la
fleur, les pollinies sont entièrement à découvert, sauf
leurs larges extrémités inférieures qui reposent dans
deux petites cupules formées par les loges dessé-
chées et plissées de l'anthère. On peut comparer l'é-
tat de rétraction des anthères (fiq. D) avec l'aspect
qu'elles ont dans le bouton (fig. C). Les extrémités
supérieures des pollinies, terminées en pointe, re-
posent sur la crête du rostellum, mais s'avancent un
peu au delà d'elle; dans le bouton elles sont libres,
mais pendant que la fleur s'ouvre, elles sont toujours
englobées par la surface postérieure de la gouttelette
de matière visqueuse, dont la surface antérieure s'a-
vance légèrement au delà du rostellum ; je me suis
assuré, en faisant ouvrir quelques boutons dans ma
chambre, qu'elles sont ainsi englobées sans aucun
secours mécanique. Les pollinies figurées en E ne
sont pas tout à fait dans leur position naturelle, mais
exactement telles que je les ai retirées à l'aide d'une
aiguille, sur une plante plongée dans de l'esprit-de-
vin; la petite masse irrégulière de matière visqueuse

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FÉCONDATION.                                                137

avait durci et adhérait fortement à leurs extrémités.

Les pollinies consistent en deux paires de feuilles
très-minces que forme un pollen d'apparence ci-
reuse ; ces quatre feuilles se composent de grains
anguleux (chacun d'eux paraît subdivisé en quatre
granules) qui ne se séparent jamais. Les sépales et
les pétales ayant la direction qu'on leur connaît,
quand les pollinies sont presque libres, n'étant plus
retenues que par leurs sommets qui adhèrent au
fluide visqueux et par leurs bases qu'enveloppent les
loges de l'anthère repliées sur elles-mêmes, lors-
que la fleur est complètement ouverte, elles seraient
exposées d'une manière frappante et un souffle
pourrait les chasser de leur place, s'il n'y avait
des expansions membraneuses qui, de chaque côté de
la colonne, forment un clinandre dans lequel elles
reposent en sûreté.

Qu'un insecte engage sa ti'ompe ou sa tête dans l'é-
troit espace qui sépare le labellum vertical du rostel-
lum,infailliblement il touchera la petite masse vis-
queuse saillante, et, en s'envolant, il enlèvera les
pollinies déjà attachées à la matière visqueuse, mais
libres de tout autre part. C'est là ce que j'ai facile-
ment imité, en introduisant un petit objet dans le
tube floral, entre le labellum et le rostellum. Si l'in-
secte visite une autre fleur, les feuilles polliniques
très-minces qui sont attachées parallèlement sur
sa trompe ou sur sa tête seront poussées , leurs

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158                                         MALAXIS PALUDOSA.

gros bouts en avant, dans la poche du stigmate. J'ai
trouvé des pollinies dans cette position, engluées à
l'expansion membraneuse qu'émet en haut le rostel-
lum, et de nombreux tubes polliniques pénétraient
dans le tissu du stigmate. L'usage de la fine couche
de matière visqueuse qui revêt la surface du rostel-
lum dans ce genre et dans le genre Microstylis, cou-
che qui ne sert pas au transport du pollen d'une fleur
à l'autre, semble être de maintenir les lames de pol-
len, pendant que les insectes les portent, dans la po-
sition nécessaire pour entrer et rester dans l'étroite
cavité du stigmate. Ce détail est très - intéressant
au point de vue homologique, car, comme nous
le verrons plus loin, la matière visqueuse du rostel-
lum a la même nature et la même destination pri-
mordiales que la matière visqueuse du stigmate chez
la plupart des fleurs, étant chargée de retenir le
pollen lorsque, par une voie quelconque, il est ap-
porté à sa surface.

Les fleurs du Malaxis, quoique si petites et si peu
apparentes, ont un puissant attrait pour les insectes ;
en effet, sur plusieurs épis, toutes tes fleurs ont eu
leurs pollinies enlevées, sauf une ou deux placées
immédiatement au-dessous des boutons. Sur quel-
ques épis à fleurs avancées, toutes les pollinies ont
été enlevées. Quelquefois les insectes n'enlèvent
qu'une des deux paires. J'ai remarqué une fleur dont
les quatre pollinies étaient en place et qui avait une

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LISTERA OVATA.                                       159

seule feuille de pollen dans la cavité de son stigmate;
il est clair qu'elle y avait été déposée par un insecte.
J'ai trouvé des feuilles de pollen sur les stigmates de
plusieurs autres fleurs. La plante produit beaucoup
de graines : sur un épi, treize des vingt et une fleurs
inférieures avaient formé de grosses capsules.

Listera ovata (ou Tway-blade). — La structure et le
rôle du rostellum de cette Orchidée ont fait l'objet
d'un mémoire très-remarquable, publié, dans les Phi-
losophical Transactions, par le docteur Hooker ', qui a
décrit minutieusement, et par conséquent avec exac-
titude, sa curieuse structure; toutefois, il n'a pas
fait attention au rôle que jouent les insectes dans la
fertilisation de cette fleur. C. K. Sprengel connaissait
bien l'importance de l'intervention des insectes ,
mais il a méconnu à la fois la structure et la fonction
du rostellum.

Ce rostellum est de grande taille, mince et foliacé,
convexe en avant et concave en arrière; son sommet,
taillé en pointe, est légèrement creusé de chaque côté
et forme une voûte au-dessus du stigmate {fig. 18, r,
s, A). En dedans, selon le docteur Hooker, des cloisons
longitudinales le divisent en une série de loges qui
contiennent et plus tard expulsent violemment la ma-
tière visqueuse. Ces loges gardent des traces de leur
structure cellulaire originelle. Je n'ai retrouvé un

1 Pliilosophical Transactions, 1854, p. 259.

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HO                                      LISTERA OVATA.

rostellum ainsi fait que dans le genre Neottia, très-

Kig. 18.

MSTERA OVATA (OU TWAY-BLADe).
(En partie copié sur Hooker).

COI. SOMMET DE Ll COLONNE.                             S. STIGMATK.

a. ANTHÈRE.                                                                  /. LABELLUH.

p. POLLEN.                                                                     II. SILLON NECTAMFÈnE.

r. ROSTELLUM.

A.  Fleur vue   de côté, avec tous les sépales et pétales enlevés, sauf le
labellum.

B.  La même,   avec les pollinies enlevées et le rostellum réfléchi après
l'explosion.

voisin de celui-ci. L'anthère, placée derrière le ros-

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FÉCOK DATION.                                                141

lellum, protégée par une large expansion du sommet
de la colonne, s'ouvre dans le bouton. Les pollinies,
quand la fleur est entièrement ouverte, restent tout
à fait libres, supportées en arrière par les loges de
l'anthère et appliquées en avant contre le dos con-
cave du rostellum, dont la crête soutient leurs extré-
mités supérieures terminées en pointe. Chaque pol-
linie est presque divisée en deux masses. Les grains
de pollen sont reliés les uns aux autres comme à l'or-
dinaire par un petit nombre de fils élastiques ; mais
ces fils sont faibles, et de grosses masses de pollen
peuvent facilement se détacher. Quand la fleur est
demeurée ouverte pendant longtemps, le pollen de-
vient plus fragile. Le labellum est très-allongé, con-
tracté à sa base et infléchi vers le bas, comme le
montre le dessin ; il présente un sillon médian qui
commence un peu au-dessus de sa bifurcation et va
jusqu'au stigmate ; les bords de ce sillon sont glan-
duleux et sécrètent beaucoup de nectar.

Aussitôt que la fleur s'ouvre, si l'on touche la crête
du rostellum, quelque légèrement que ce soit, une
large goutte de fluide visqueux en est aussitôt expri-
mée; cette goutte, comme l'a fait voir le Dr Hooker,
se forme par la réunion de deux gouttelettes qui sor-
tent des deux dépressions situées de chaque côté de
la crête. Quelques plantes plongées dans de l'alcool
faible m'ont donné une bonne preuve de ce fait : la
matière visqueuse n'avait pu sans doute être expri-

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142                                           LISTERA OVATA.

mée qu'avec lenteur, et l'on voyait deux petites mas-
ses distinctes de cette matière, sphériques, durcies et
attachées aux deux pollinies. Le fluide est d'abord
légèrement opaque et laiteux ; mais si on l'expose à
l'air, en moins d'une seconde, il se recouvre d'une
pellicule, puis en deux ou trois secondes la goutte
entière devient dure, et prend aussitôt une teinte
brun pourpré. Le rostellum jouit d'une sensibilité
tellement exquise, que le contact du cheveu le plus fin
suffit pour provoquer l'explosion. Sous l'eau, le même
phénomène se produit. Une exposition d'une minute
environ aux vapeurs de chloroforme agit de même.
Le fluide visqueux, pressé entre deux plaques de
verre avant sa coagulation, paraît homogène ; mais il
prend un aspect réticulé, dû peut-être à ce que les
globules d'un fluide plus dense sont mêlés à un fluide
plus léger. Les bouts effilés des pollinies devenues
libres, reposant sur la crête du rostellum, sont tou-
jours englobés par la goutte de fluide qui vient de
jaillir ; jamais je n'ai vu ce fait manquer de se pro-
duire. L'explosion est si rapide et le fluide si vis-
queux, qu'il est difficile de toucher le rostellum avec
une aiguille assez promptement pour ne pas enlever
les pollinies, déjà attachées à la gouttelette en partie
durcie. C'est pourquoi, si l'on porte à la main jusqu'à
sa maison une grappe de ces fleurs, quelques sépales
ou pétales se trouvant secoués, toucheront presque
sûrement le rostellum et enlèveront les pollinies ;

[page break]

FÉCONDATION.                                             145

celles-ci paraîtront alors, ce qui serait faux, avoir
été lancées violemment à distance.

Quand les loges de l'anthère se sont ouvertes et
que les pollinies, mises à découvert, reposent sur le
dos convave du rostellum, le rostellum s'incurve un
peu en avant, et peut-être aussi l'anthère se rejette-
t-elle légèrement en arrière. Ce mouvement est très-
important, car sans lui, les extrémités de l'anthère
seraient englobées dans la matière visqueuse qui vient
de jaillir, et les pollinies seraient à tout jamais em-
prisonnées et rendues inutiles. J'ai eu l'occasion de
voir une fleur chez laquelle une pression blessante
avait fait jaillir la gouttelette visqueuse, avant l'épa-
nouissement complet, et l'anthère, avec les masses
polliniques qu'elle contenait, était engluée pour tou-
jours à la crête du rostellum. Au moment où la goutte
jaillit, le rostellum, qui déjà forme une voûte au des-
sus du stigmate, se courbe rapidement en avant et en
bas, de façon à devenir (/?</. B) perpendiculaire à
la surface de cet organe. Les pollinies, si elles
ne sont pas enlevées par l'objet dont le conctact a
déterminé l'explosion, se fixent au rostellum, et son
mouvement les entraîne un peu en avant. Si alors, à
l'aide d'une aiguille, on dégage leurs extrémités
inférieures des loges de l'anthère, elles se redres-
sent brusquement ; mais ce mouvement ne leur per-
met pas d'atteindre le stigmate. En quelques heures,
ou en un jour, non-seulement le rostellum recouvre

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144                                          LISTERA 0VATA.

lentement sa position première et sa forme légère-
ment voûtée, mais il devient tout à fait droit et paral-
lèle à la surface du stigmate. Ce mouvement qui le
porte en arrière est important, car si, après l'explo-
sion , il continuait à s'avancer verticalement et
presque immédiatement au-dessus du stigmate, le
pollen ne pourrait pas aisément être déposé sur la
surface visqueuse de celui-ci. Lorsque le rostellum
est touché assez faiblement pour que les pollinies
ne soient pas enlevées, celles-ci, comme je l'ai dit,
sont entraînées légèrement en avant, au moment
de l'explosion, par le mouvement du rostellum ; mais
ensuite, le mouvement qui le porte en arrière les
repousse jusqu'à leur place primitive.

D'après ce que je viens d'exposer, on peut sûre-
ment comprendre comment s'effectue la fécondation
de cette Orchidée. De petits insectes s'abattent sur la
large extrémité inférieure du labellum, attirés par le
nectar qu'elle sécrète en abondance ; en s'abreuvant
de ce nectar, ils s'élèvent lentement le long de cette
lame de plus en plus étroite, jusqu'au point où leur
tète se trouve directement au-dessous de la voûte du
rostellum ; en élevant leur tête ils atteignent cette
voûte: la gouttelette visqueuse en jaillit, et les polli-
nies se trouvent solidement attachées à eux. L'insecte
s'envole en emportant les pollinies, aborde à une
autre fleur, et laisse sur le visqueux stigmate de cette
fleur quelques masses du fragile pollen.

[page break]

FÉCONDATION.                                              Ub

Sûr que les choses se passaient ainsi, j'ai voulu être
témoin du fait : observant un groupe déplantes deux
ou trois fois par heure, je vis chaque jour de nom-
breux insectes appartenant à deux petites espèces
d'hyménoptères, des Hœmiteles et des Cryptus, voler
tout autour des plantes et aspirer leur nectar ; plu-
sieurs fleurs, qui furent visitées un grand nombre de
fois, avaient déjà été dépouillées de leurs pollinies,
mais à la fin je vis des insectes de ces deux espèces
se glisser sur le labellum de fleurs plus jeunes, puis
soudain se retirer avec une paire de pollinies d'un
jaune brillant attachées au-devant de leur tête ; je les
pris, et je vis que le point où les pollinies se fixaient
élait le bord interne de l'œil ; sur l'autre œil d'un de
ces insectes il y avait une goutte de matière visqueuse
durcie, attestant qu'il avait déjà enlevé une autre
paire de pollinies, et qu'ensuite, selon toute probabi-
lité, il l'avait laissée sur le stigmate de l'une de mes
fleurs. Quand j'ai pris ces insectes, je n'ai pu con-
stater l'acte même de la fertilisation ; mais mainte-
nant, C.-K. Sprengel a vu un insecte hyménoptère
déposer une masse pollinique sur un stigmate. Mon
fils a examiné un autre groupe de ces Orchidées, crois-
sant à une distance de quelques milles ; il m'a apporté
les mêmes hyménoptères chargés de pollinies, et a
vu des diptères visiter aussi les fleurs. Il a été frappé
du grand nombre de toiles d'araignées qui se dé-
ployaient sur ces plantes ; il semble que les araignées

10

[page break]

UG                                            LISTERA OVATA.

sachent combien le Listera a d'attrait pour les insec-
tes, et combien ces derniers sont nécessaires pour le
fertiliser.

Pour montrer que le contact le plus délicat suffit
pour déterminer l'explosion du rostellun, je peux
mentionner ceci : j'ai trouvé un hyménoptère extrê-
mement petit, faisant de vains efforts pour dégager
sa tête, qui était ensevelie toute entière dans une
goutte durcie de matière visqueuse, et par suite collée
à la crête du rostellum et aux extrémités des polli-
nies ; l'insecte était moins gros qu'une des pollinies,
et après avoir fait jaillir le fluide visqueux, il n'avait
pas la force d'enlever son fardeau ; il fut puni d'avoir
entrepris un travail au-dessus de ses forces et périt
misérablement.

Chez le Spiranthes, les jeunes fleurs, dont les pol-
linies sont dans la meilleure condition pour être
enlevées, ne sauraient alors être fécondées; elles
doivent rester à l'état virginal tant qu'elles ne seront
pas un peu plus avancées et que la colonne ne se sera
pas éloignée du labellum. Ici, il semble en être de
même, car les stigmates des anciennes fleurs sont
plus visqueux que ceux des nouvelles. Ces dernières
ont leurs pollinies parfaitement prêtes à être enle-
vées ; mais immédiatement après l'explosion le ros-
tellum, comme nous l'avons vu, se courbe en avant
et en bas, et protège ainsi quelque temps le stig-
mate ; puis il prend insensiblement une direction

[page break]

FÉCONDATION.                                                 147

tout à fait plane, et le stigmate plus mûr reste li-
brement exposé à l'air, prêt à être fécondé.

J'étais curieux de m'assurer si le rostellum, quand
rien ne vient le toucher, finit par faire explosion de
lui-même ; mais ce fait m'a paru très-difficile à ob-
server, car ces fleurs ont tant d'attrait pour les in-
sectes, et il suffit du contact de si petits insectes pour
provoquer l'explosion, qu'il est presque impossible de
l'éviter.

J'ai plusieurs fois couvert des plantes, et lésai lais-
sées couvertes longtemps après que d'autres plantes
eurent formé leurs graines ; sans entrer dans des dé-
tails inutiles, je peux dire positivement que dans quel-
ques fleurs les rostellums n'avaient point fait explo-
sion, bien que le stigmate soit flétri, et le pollen tout
à fait moisi et incapable d'être enlevé. Cependant un
petit nombre de ces fleurs très-avancées, pouvaient
encore faire faiblement explosion quand on les tou-
chait rudement. D'autres fleurs firent explosion sous
le filet, et les extrémités de leurs pollinies se fixè-
rent à la crête du rostellum ; quelque insecte d'une
petitesse extrême les avait-il touchées, ou l'explosion
s'était-elle faite spontanément ? Il m'est impossible
de le dire. Il est bon de noter que, chez ces dernières
fleurs, aucun grain de pollen n'était tombé sur les
stigmates (et j'ai regardé avec soin) et que les ovaires
n'étaient nullement gonflés. Ces quelques faits mon-
trent clairement que, chez cette espèce, la féconda-

[page break]

US                                  LISTERA OVATA.

tion ne peut jamais avoir lieu sans que les insectes
transportent les pollinies1.

Les faits suivants témoignent du succès de l'œuvre
des insectes : un très-jeune épi, portant encore en
haut beaucoup de boutons, n'avait pas perdu les pol-
linies de ses sept fleurs supérieures, mais celles des
dix fleurs inférieures étaient complètement enlevées ;
six de ces fleurs inférieures avaient du pollen sur
leurs stigmates. Sur deux épis cueillis ensemble, les
vingt-sept fleurs inférieures avaient perdu leurs pol-
linies, et il y avait du pollen sur tous leurs stigmates;
au-dessus d'elles, cinq fleurs ouvertes avaient encore
leurs pollinies, et leurs stigmates n'avaient point
reçu de pollen ; le tout était surmonté par dix-huit
boutons. Enfin, sur un épi plus avancé qui portait
quarante-quatre fleurs, toutes bien épanouies, cha-
cune de ces fleurs était dépouillée de ses pollinies ;
et sur tous les stigmates que j'ai examinés il y

1 [Ayant couvert quelques nouvelles plantes, j'ai trouvé que le rostel-
lum perd la facilité de faire explosion après environ quatre jours, et
qu'alors, dans l'intérieur de ses loges, la matière visqueuse brunit; le
temps, alors exceptionnellement chaud, peut avoir hâté ce résultat.
Après quatre jours, le pollen s'était désagrégé et il en était tombé un
peu sur deux coins, ou même sur la surface entière du stigmate, dans
le tissu duquel s'étaient engagés des tubes polliniques ; par conséquent,
si les insectes manquaient d'enlever les pollinies en déterminant
l'explosion durostellum, cette Orchidée pourrait certainement, semble-
t-il, produire des graines par une fécondation directe accidentelle. Mais
la dispersion du pollen désagrégé était grandement favorisée ( et peut-
être en dépendait-elle tout à fait) par la présence des Thrips, insectes
si petits qu'aucun filet ne pouvait les exclure.] C. D. mai 18G9.

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FÉCONDATION.                                              U9

avait du pollen, généralement en grande quantité.
Peut-être vaudra-t-il la peine que je résume les
quelques combinaisons spéciales qui servent à la fé-
condation de cette Orchidée. Les loges de l'anthère
s'ouvrant de bonne heure, les masses polliniques res-
tent tout à fait libres et leurs extrémités reposent sur
la lame concave du rostellum. Le rostellum s'incurve
alors lentement au-dessus de la surface du stigmate,
de sorte que sa surface d'explosion se trouve à quel-
que distance de l'anthère; ce mouvement est très-né-
cessaire, car sans lui l'anthère serait saisie par la
matière visqueuse et le pollen emprisonné pour tou-
jours. Cette flexion du rostellum sur le stigmate et la
base du labellum vient à merveille en aide à l'in-
secte : elle lui permet de frapper plus sûrement la
lame lorsqu'il relève la tête, après avoir gravi le label-
lum et aspiré la dernière goutte de nectar à la base
de cet organe. Le labellum, comme le remarque
Sprengel, devient plus étroit lorsqu'il rejoint la co-
lonne, au-dessous du rostellum, afin qu'en ce point
l'insecte ne puisse pas aller plutôt d'un côté que de
l'autre. La crête rostellienne jouit d'une sensibilité
tellement exquise, qu'au contact du plus petit in-
secte elle se rompt sur deux points, et à l'instant
deux gouttes d'un fluide visqueux jaillissent et s'u-
nissent. Ce fluide durcit avec une si merveilleuse
promptitude, que rarement il manque de coller les
extrémités des pollinies, qui étaient placées exacte-

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150                                           LISTERA CORDATA.

ment sur le rostellum, sur la tête de l'insecte. Dès
que le rostellum a fait explosion, il se courbe brus-
quement vers le t>as, jusqu'à ce qu'il forme au-dessus
du stigmate une saillie perpendiculaire à cet organe;
dès lors il protège le stigmate, qui n'est pas encore
mûr, en empêchant qu'il ne s'imprègne de pollen,
de même que le labellum du Spiranthes, en embras-
sant la colonne, protège le stigmate de cette fleur.
De même que chez le Spiranthes le labellum s'éloi-
gne plus tard de la colonne, laissant aux pollinies à
introduire un libre passage, de même ici le rostellum
se déjette en arrière, et il ne recouvre pas seulement
la forme voûtée qu'il avait d'abord, mais se redresse,
laissant la surface du stigmate, qui est maintenant
plus visqueuse, parfaitement accessible au pollen
qui doit y être déposé. Les masses polliniques, quand
une fois elles sont collées à la tête d'un insecte, lui
restent en général fermement adhérentes, jusqu'à ce
que le visqueux stigmate d'une fleur mûre délivre
l'insecte de ce fardeau qui l'embarrasse, en brisant
les faibles fils élastiques qui unissent les grains entre
eux; et c'est ainsi qu'il reçoit en même temps le
bienfait de la fécondation.

Listera cordata. — Le professeur Dickie, d'Aber-
deen, a eu la bonté de me faire deux envois de plan-
tes de cette espèce, mais je les ai étudiées trop tar-
divement. La structure est essentiellement celle de
l'espèce précédente, et on voit très-bien les loges

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NE0TT1A NIDUS-AVIS.                               151

du rostellum. Sur le milieu de la lame rostellienne,
se dressent deux ou trois petits poils, mais j'ignore
s'ils ont quelque importance fonctionnelle. Le label-
lum a deux lobes basilaires (dont le L. ovala offre
des vestiges) qui se recourbent vers le haut de cha-
que côté, et obligent peut-être l'insecte à s'avancer
directement en face du rostellum. Deux fleurs avaient
été touchées pendant le voyage, ou de bonne heure
par quelque insecte, et l'explosion avait eu lieu; en
conséquence, leurs pollinies étaient fortement en-
gluées à la lame du rostellum ; mais sur la plupart
des épis, les insectes avaient enlevé toutes les masses
polliniques1.

JNeoltia nidus-avis. — J'ai fait de nombreuses re-
cherches sur l'Orchis Nid-d'oiseau*; mais elles ne
méritent pas d'être publiées, car la structure et le
rôle de chaque organe sont presque identiquement

  [Le prof. Dickie a bien voulu examiner des fleurs sur des plantes
vivantes. 11 m'informe que, lorsque le pollen est mûr, la lame rostellienne
est tournée vers le labellum, et que si on la touche, elle laisse aussitôt
jaillir la matière visqueuse, d'où résulte l'attachement des pollinies à
l'objet qui a provoqué l'explosion; que le rostellum s'incurve ensuite
vers le bas et s'étend sur la surface du stigmate, pour empêcher qu'elle
ne reçoive du pollen ; que plus tard enfin il se relève, laissant désormais
le stigmate à découvert. Ainsi, tout ce passe comme chez le Listera
ovata. Les Heurs sont visitées par de petits diptères ou hyménoptères.]
C. D. mai 1809.

* Cette plante singulière et d'aspect maladif est généralement regar-
dée comme parasite sur les racines des arbres à l'ombre desquels elle
vil; mais, d'après Irmisch (Beitràge zur Biologie und Morphologie der
Orchideen, 1853, s. 25), ceci est certainement faux.

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152                                      NEOTTIA. NIDUS-AV1S.

les mêmes que chez le Listera ovata '. Le labellum
sécrète beaucoup de nectar, ce que je ne dis qu'ayec
réserve; en effet, pendant une saison froide et hu-
mide, j'en ai cherché quelquefois et n'en ai pas pu
voir une seule goutte; j'étais étonné de voir cette
plante manquer en apparence de tout attrait pour les
insectes, mais si je l'avais examinée avec plus de
persévérance, j'aurais probablement trouvé du nec-
tar.

Je ne veux pas affirmer que le rostellum, lorsque
rien ne vient à le toucher, finisse par faire explo-
sion ; mais il est certain qu'il reste longtemps sans se
rompre, quoique prêt à le faire; ayant trouvé en
1860 un grand nombre de fleurs dont l'explosion
était faite, avec un petit morceau de ciment pourpré
et durci, attaché à la crête du rostellum et aux polli-
nies qui étaient restées en place, je soupçonne qu'a-
près un certain temps l'explosion se fait d'elle-même,
sans que le rostellum ait été irrité par aucun objet*.

1 [Le docteur II. Huiler, de Lippstadt, m'apprend qu'il a vu des
diptères aspirer le nectar et enlever les pollinies.] C. D. mai 1869.

s [J'ai couvert d'un filet quelques plantes, et j'ai vu que le rostellum
n'avait pas fait explosion spontanément après quatre jours, qu'il avait
même presque perdu la faculté de le faire. Le pollen s'était désagrégé,
et dans beaucoup de fleurs il en était tombé sur le stigmate, dans lequel
s'étaient engagés des tubes polliniques. La dispersion du pollen est due
en partie aux Thrips, qui couraient en grand nombre tout autour, tout
couverts de la poussière pollinique. — Les plantes que j'ai couvertes
ont produit beaucoup de capsules, mais la plupart de celles des plantes
voisines et non couvertes, cueillies sur l'épi à la même hauteur, étaient
beaucoup plus grosses et contenaient beaucoup plus de graines. Je dois

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FÉCONDATION.                                    155

Sur un gros épi, chaque fleur avait reçu la visite des
insectes et toutes les pollinies étaient enlevées. Un
autre épi, remarquablement beau, qui m'a été en-
voyé du sud du comté de Kent par M. Oxenden, avait
porté quarante et une fleurs et produisit vingt-sept
belles capsules, outre quelques autres plus petites.
Le pollen ressemble à celui du Listera : il consiste
en grains (chacun est formé de quatre granules) re-
liés par un petit nombre de fils faibles; il en diffère
en étant beaucoup moins adhérent, à tel point qu'a-
près peu de jours, il se gonfle et s'avance au delà des
bords et du sommet du rostellum; il suit de là que,
si le rostellum d'une fleur assez avancée est touché
et fait explosion, les pollinies ne sont pas aussi net-
tement saisies par leurs bouts que chez le Listera;
une grande quantité de ce fragile pollen est donc
souvent laissée en arrière dans les loges de l'an-
thère, et sans doute perdue. Une partie tombe sur la
corolle, et comme dans cet état le pollen adhère sans
peine à tout objet, il n'est pas improbable que les
insectes qui circulent tout autour se couvrent de cette
poussière et en laissent un peu sur le visqueux stig-
mate, sans avoir touché le rostellum et déterminé
son explosion. Certainement, si le labellum était plus
redressé, ce qui forcerait les insectes à effleurer

ajouter que j'ai découvert sur la lame roslellienne de petites rugosités
qui semblaient particulièrement sensibles et propres à déterminer l'ex-
plosion.) C. D. mai 18G9.

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154                                     NEOTTIA NIDUS-AVIS,

l'anthère et la colonne, ils s'enduiraient de pollen
dès que celui-ci serait devenu friable, et ils pour-
raient ainsi fertiliser efficacement la fleur.

Cette observation m'intéressait, car en examinant
naguère le Cephalanthera, son rostellum avorté, le re-
dressement de son labellum, la fragilité de son pol-
len, je m'étais demandé comment, à l'aide de modi-
fications graduelles utiles à la plante, pouvait s'être
effectuée une transition entre l'état du pollen et de
la fleur chez le genre Epipactis, où les pollinies sont
attachées à un rostellum très-développé, et l'état ac-
tuel du Cephalanthera. Or, leNeottia nidus-avis mon-
tre jusqu'à un certain point comment peut s'être faite
une semblable transition. Actuellement, cette Orchi-
dée doit surtout sa fécondation à l'explosion du ros-
tellum, qui n'a de résultat qu'autant que le pollen
reste cohérent ; mais quoique la prompte désagréga-
tion des masses de pollen me semble fâcheuse pour
la plante, on doit admettre que le pollen, dans cette
condition, est quelquefois transporté sur le stigmate
parce qu'il s'attache aux corps velus des insectes. S'il
en est ainsi, on peut voir qu'il suffit d'un léger chan-
gement dans la forme de la fleur et dans l'évolution
du pollen dont la désagrégation serait plus hâtive en-
core, pour rendre cette chance de fécondation de plus
en plus grande, et l'explosion du rostellum de moins
en moins utile. Finalement, le rostellum deviendrait
ainsi un organe superflu ; et alors, d'après le grand

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FÉCONDATION.                                              155

principe d'économie d'organisation, rendu si néces-
saire par la concurrence vitale qui tend à épargner
les organes de chaque être, le rostellum avorterait
ou serait résorbé. Dans ce cas se réaliserait une nou-
velle Orchidée dans la condition précise du Cepha-
lanthera, éloignée autant que l'exigent ses moyens de
fécondation, mais cependant encore, par sa structure
générale, intimement alliée aux genres Neottia et
Listera.

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CHAPITRE Y

Cattleya, fertilisation très-simple. — Masdevallia, curieuse fleur fer-
mée. — Dendrobium, dispositions favorables à la fécondation directe.

— Vandées, structure variée des pollinies, importance de l'élasticité
et des mouvements du pédicelle. — Élasticité et force du caudicule.

—  Calanthe et ses stigmates latéraux, mode de fertilisation. — An-
grœcum sesquipedale, merveilleuse longueur du nectaire. — Acio-
pera, cas difficile.

Après avoir étudié les modes de fertilisation de
tant d'Orchidées anglaises, choisies dans quatorze
genres, j'ai voulu m'assurer si les formes exotiques,
appartenant à des tribus tout à fait différentes, ré-
clamaient de même l'intervention des insectes. Je dé-
sirais spécialement reconnaître si elles sont en général
soumises à la même règle, d'après laquelle chaque
fleur est nécessairement fécondée par le pollen d'une
autre ; et en second lieu, j'étais curieux de savoir si
les pollinies exécutent ces singuliers mouvements
d'abaissement qui les placent, lorsqu'un insecte les
a enlevées, dans la position convenable pour frapper
le stigmate.

J'ai pu, grâce à l'obligeance de divers amis ou
étrangers, examiner des fleurs fraîches de plusieurs

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ORCHIDÉES EXOTIQUES.                                 157

espèces, appartenant à quarante-trois genres exoti-
ques très-dispersés parmi les subdivisions de la vaste
famille des Orchidées '. Mon intention n'est pas de
décrire les modes de fertilisation de tous ces genres,
mais seulement de choisir un petit nombre de cas
remarquables, ou d'exemples qui éclairent les descrip-
tions précédentes. La diversité des combinaisons réa-
lisées presque toujours en vue du croisement entre
fleurs distinctes, semble être inépuisable.

1 Je suis surtout obligé envers le docteur Hooker, qui m'a donné en
toute occasion son important avis, et ne s'est jamais fatigué de m'envoyer
des piaules du jardin royal de Kew.

M. James Veitch, jun., m'a généreusement donné beaucoup de belles
Orchidées, dont plusieurs m'ont été d'une utilité toute spéciale. M. R.
Parker m'a envoyé aussi une série d'espèces très-remarquables. Lady
Dorothy Nevill a mis très-obligeamment sa magnifique collection d'Or-
chidées à ma disposition. M. Rucker de West-Hill, Wandsworth, m'a
envoyé à plusieurs reprises de beaux épis de Catasetum, un Mormodes
d'une extrême valeur pour moi, et quelques Dendrobium. M. Rodgers
de Sevenoaks m'a donné des renseignements intéressanls. M. Raleman,
si connu par son magnifique travail sur les Orchidées, m'a expédié
plusieurs formes remarquables, entre autres le merveilleux Angrœcum
sesquipedale.

Je dois de grands remerciements à M. Tumbull, de Down, qui a mis
à ma disposition ses serres, et m'a donné quelques curieuses Orchidées;
à son jardinier, M. Horwood, qui m'a aidé dans quelques-unes de mes
recherches.

Le professeur Oliver m'a aidé avec bonté de sa vaste science, et a
dirigé mon attention sur quelques écrits. Enfin, le docteur Lindley m'a
envoyé des plantes, soit fraîches, soit desséchées, et m'a secouru de
diverses manières avec la plus grande obligeance.

A tous ces messieurs, je ne peux qu'exprimer ma vive reconnaissance
pour leur infatigable et généreux empressement à me rendre service.

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158                                              ÉP1DENDRÉES.

ÉPIDENDRÉES

Dans la classification qu'a donnée Lindley dans son
inappréciable travail The vegetable Kingdom, on ren-
contre d'abord les deux grandes tribus des Malaxidées
et des Épidendrées. Elles sont caractérisées par leurs
grains de pollen unis en grosses masses cireuses,
qui ne sont pas congénitalement attachées au rostel-
lum. Chez les Malaxidées, dont j'ai décrit une espèce
anglaise, les pollinies n'ont à proprement parler
point de caudicule; chez les Épidendrées, qui n'ont
aucun représentant en Angleterre, elles en ont un,
mais non attaché au rostellum.

Selon moi, on aurait pu fondre ces deux tribus en
une seule ; comme les pollinies de quelques Ma-
laxidées ont un petit, mais véritable caudicule, leur
distinction fondée surtout sur ce caractère, s'efface.
Mais c'est là un obstacle contre lequel tout natura-
liste vient se heurter, lorsqu'il tente de classer un
groupe naturel et très-développé, dans lequel, relati-
vement aux autres groupes, peu de formes se
sont éteintes. Pour que le naturaliste puisse dé-
limiter ses divisions d'une manière claire et pré-
cise, il faut que toutes les formes intermédiaires ou
de transition aient complètement disparu ; si çà et là
un des degrés intermédiaires a échappé à l'extinction,
il oppose une véritable barrière à toute définition
rigoureuse.

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CATTLKYA.                                            \b9

Je commencerai par le genre Cauleya, dont j'ai vu
quelques espèces ; sa fécondation se fait d'une ma-
nière très-simple, maïs autrement que chez toute

Fis. «

CATTLEVA
JJ. KiNJ l»ûUI*IQCE4.                    ,           n* H''«ri

t. mnuTi.

A é Face antérieure de ta colonne» arec tous les sépales et pécules enlevés.
lî. Coupe et vue UliTale <lc h llcurt avec Ions les sepafcf et pétales enlevés,

cieepLr le latallum, mn ci f> it-l-i on deux et «eulrment indiqué.
t. Anthère Tue en dessous, montrant le» quatre caudiculea ri leurs ma&us

u\ Vue pollin^e i)oW*e, vue de cûti\ montrant h masse pollinique et le eau-
di aile.

Orchidée anglaise. Le rostellum (i\ fitj À, B) est une
grosse saillie en forme de langue, formant un peu la

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ICO                                                 CATTLEYA.

voûte au-dessus du stigmate : la face supérieure est
une membrane lisse; la face inférieure et le centre
(originairement c'est une masse cellulaire) consistent
en une couche très-épaisse de matière visqueuse.
Cette masse visqueuse est à peine séparée de l'épaisse
couche gluante qui revêt la surface du stigmate,
située immédiatement au-dessous du rostellum. La
lèvre, supérieure de l'anthère, généralement sail-
lante, repose sur la base de la surface supérieure et
membraneuse du rostellum, et s'ouvre immédiate-
ment au-dessus. En arrière, au point où l'anthère
s'attache au sommet de la colonne, se trouve une
sorte de ressort qui la maintient fermée. Les pollinies
se composent de quatre masses cireuses (huit chez le
Cattleya crispa) ; chacune d'elles (voy. /?</. C et D) pos-
sède une queue semblable à un ruban, formée par
un faisceau de fils très-élastiques, auxquels s'atta-
chent de nombreux grains de pollen. Ainsi le pollen est
de deux sortes, masses cireuses et grains libres, re-
liés par des fils élastiques (chaque grain se compose,
comme à l'ordinaire, de quatre granules). Le pollen
de cette dernière espèce est semblable à celui des
Épipactis et des autres Néottiées1. Les queues, quoi-
que formées de véritable pollen, servent aussi de cau-
dicules, et on leur donne ce nom, car c'est par elles

1 Les masses polliniques du Bletia sont admirablement représentées
dans de gigantesques proportions dans les dessins de Bauer, publiés
par Lindley (Illustrations).

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FÉCONDATION.                                                 ICI

que les grosses masses cireuses sont entraînées hors
des loges de l'anthère. Les extrémités de ces caudi-
cules sont généralement réfléchies, et dans les fleurs
avancées, dépassent un peu l'anthère (voy. fig. A) ;
elles reposent sur la base de la lèvre supérieure et
membraneuse du rostellum. Le labellum enveloppe
la colonne et donne à la fleur une forme tubulaire;
il s'allonge inférieurement en un nectaire qui pé-
nètre dans l'ovaire.

Étudions maintenant l'action de ces organes. Si
quelque corps de dimensions en rapport avec celles
du tube floral, est introduit dans ce tube (une
abeille morte m'a très-bien servi pour cela), le ros-
tellum lmguifbrme s'abaisse, et souvent l'objet s'en-
duit à peine de matière visqueuse ; mais quand on le
retire, le rostellum se relève et une quantité surpre-
nante de matière visqueuse est entraînée au-dessus
de ses bords et dans la lèvre de l'anthère ; celle-ci est
légèrement soulevée par le redressement du rostel-
lum. Alors les extrémités saillantes des caudicules
sont en un instant engluées au corps qui se retire, et
les pollinies sont enlevées. Ceci n'a presque jamais
manqué d'arriver dans mes nombreuses expériences.
Une abeille vivante ou quelque autre gros insecte,
s'abattant sur le bord frangé du labellum et se glis-
sant dans l'intérieur de la fleur, abaisserait le label-
lum, et le rostellum risquerait moins d'être atteint
jusqu'au moment où, ayant aspiré son nectar, l'insecte

11

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1G2                                                     CATTLEYA.

commencerait à se retirer. Lorsqu'une abeille morte,
au corps de laquelle pendent par leurs caudicules les
quatre masses cireuses de pollen, est introduite dans
une autre fleur, toutes ces masses ou quelques-unes
d'entre elles sont sûrement retenues par le stigmate,
dont la surface peu profonde, large et très-visqueuse
arrache, pour ainsi dire, les grains de pollen aux fila-
ments des caudicules.

Il est certain que les abeilles vivantes peuvent en-
lever ainsi les pollinies. Sir W. G. Trevelyan a envoyé
à M. Smith, du Muséum Britannique, un Bombus
hortorum pris dans sa serre chaude, où un Cattleya
était en fleur, et celui-ci me l'a fait parvenir : tout le
dos, entre les deux ailes, était enduit d'une matière
visqueuse desséchée, et portait, fixées par leurs cau-
dicules, quatre pollinies prêtes à être retenues par le
stigmate de la première fleur que l'abeille aurait
visitée.

Les caudicules des pollinies sont libres, la matière
visqueuse du rostellum ne les atteint pas sans une
intervention mécanique, et la fertilisation se fait, en
général, de la même manière, chez les espèces que
j'ai examinées dans les genres Lœlia, Chysis, Leptotes,
Sophronitis, Barkeria, Phaius, Evelyna, Bletia et
Cœlogyne. Chez le Cœlogyne cristata, la lèvre supé-
rieure du rostellum est très-allongée. Chez l'Evelyna
caravata, le pollen a huit masses cireuses qui se réu-
nissent en un caudicule unique. Chez les Barkeria

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EPIDENDHM.                                         103

le labellum, au lieu d'envelopper la colonne, est ap-
pliqué contre elle, disposition qui paraît rendre plus
sûr encore le contact des insectes et du rostellum.
Les Epidendrum diffèrent un peu des genres précé-
dents : la face supérieure du rostellum, au lieu de
rester toujours membraneuse, est si tendre qu'au
moindre contact elle se fond avec toute la région infé-
rieure, en une masse de matière visqueuse. Dans ce
cas le rostellum tout entier, avec les pollinies qui lui
sont fixées, est enlevé par les insectes qui se retirent
de la fleur. J'ai vu sur l'E. glaucum comme chez les
Epipactis, la face supérieure du rostellum laisser
exsuder, quand on la touche, de la matière visqueuse ;
il est difficile de dire, dans de pareils cas, si la face
supérieure du rostellum doit être appelée membrane
ou matière visqueuse.

Chez l'Epidendrum floribundum il y a une diffé-
rence plus grande ; les cornes antérieures du clinan-
dre (cupule du sommet de la colonne, qui loge les
pollinies) s'approchent assez l'une de l'autre pour
atteindre les deux bords du rostellum, qui se trouve
par conséquent dans une sorte d'entaille ; les polli-
nies sont au-dessus de lui, et comme, dans cette
espèce, la face supérieure du rostellum se résout en
matière visqueuse, elles s'attachent à lui sans aucune
intervention mécanique. Les pollinies, bien qu'ainsi
attachées, ne] peuvent pas sortir des loges de l'an-
thère sans le secours des insectes. Chez cette espèce,

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164                                         EPIDENDRUM.

il pourrait arriver (quoique d'après la situation des
parties, ce ne soit pas probable) qu'un insecte livre
les pollinies à leur propre stigmate. Chez tous les au-
tres Epidendrum que j'ai examinés et chez tous les
genres mentionnés plus haut, comme les pollinies
restent non attachées au-dessus du rostellum, il est
évident que la matière visqueuse doit être poussée
vers le haut et entraînée dans la lèvre de l'anthère
par un insecte sortant de la fleur, qui dès lors trans-
porte forcément les pollinies d'une fleur sur le stig-
mate de l'autre1.

1 [Le docteur Crûger dit (Journal Linn. Soc, vol. VII. Botany, 18G4,
p. 131) : « Il existe à la Trinidad trois plantes de la tribu des Épiden-
drées, un Schomburgkia, un Cattleya et un Epidendrum, dont les fleurs
s'ouvrent rarement, et lorsqu'elles ne s'ouvrent pas, sont invariablement
fécondées. On voit aisément que les masses polliniques ont subi l'action
du fluide du stigmate, et que des tubes polliniques descendent de ces
masses in situ dans le canal de l'ovaire. » M. Anderson, habile cultivateur
d'Orchidées en Ecosse, m'informe (voy. aussi Cottage Gardener, 1805,
p. 206) que chez lui les fleurs du Dendrobium crelaceum ne s'ouvrent
jamais et produisent néanmoins beaucoup de graines; j'ai examiné ces
graines et les ai trouvées parfaitement bonnes. — Ces Orchidées produi-
sant des fleurs ouvertes et des fleurs fermées rappellent beaucoup ces
cas de dimorphisme observés chez les Oxalis, les Ononis, les Viola,
dans lesquels la même plante produit habituellement des fleurs ouverts
et parfaites, et d'autres imparfaites et fermées. J'ajouterai que chez
YOxalis sensiliva et le Lathyrus nissolia, les fleurs ont toutes la même
structure, mais quelques-unes ne s'ouvrent jamais et produisent cepen-
dant des graines.] C. D., mai 1809.

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MALAXIDÉES.

105

MALAXIDÉES

Voyons maintenant les Malaxidées : chez les Pleu-
rothallis proliféra et ligulata (?) les pollinies ont un
caudicule court, et il faut une intervention mécani-
que pour que la matière visqueuse soit entraînée de
la face inférieure du rostellum jusque dans l'an-
thère, pour que les caudicules soient atteints par
elle et les pollinies enlevées. D'autre part, chez notre
Malaxis indigène et chez le Microstylis Rhedii, de
l'Inde, la face supérieure de la petite langue qui re-
présente le rostellum devient visqueuse et s'attache
aux pollinies sans aucun secours mécanique. Dans
ces deux genres, il existe une disposition curieuse :
la face inférieure aplatie du rostellum est revêtue
d'un léger enduit de matière visqueuse, sans doute
dans le but de maintenir les pollinies qu'apportent
les insectes, dans la position nécessaire pour entrer
et rester dans la fente que forme le stigmate. Sur un
Stelis racemifiora, les pollinies s'étaient aussi, du
moins apparemment (car les fleurs n'étaient pas en
bon état), attachées d'elles-mêmes au rostellum; et
je mentionne cette fleur surtout parce que, dans la
serre chaude de Kew, un insecte avait enlevé la plu-
part des pollinies et avait laissé quelques-unes d'en-
tre elles adhérentes aux stigmates latéraux. Ces cu-
rieuses petites fleurs sont largement ouvertes et

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166                                        J1ASDEVALLIA.

très-exposées ; mais après quelque temps les trois
sépales les ferment très-exactement et en défendent
l'entrée, de sorte qu'on peut à peine distinguer une
fleur avancée d'un bouton; en outre, j'ai constaté
avec surprise que les fleurs ainsi fermées s'ouvrent
sous l'eau.

Le Masdevallia fenestrata, espèce voisine, est une
fleur extraordinaire. Les trois sé-
pales, au lieu de se fermer, comme
chez le Stelis, après que la fleur
est demeurée quelque temps ou-
verte, sont toujours unis et ne
Fig. 20.            s'ouvrent jamais. Deux fenêtres

masdevallia fenestrata petites, ovales et latérales (de là
L'une des fenêtres se déta- \e nom jg fenestrata),situées dans

che en noir. — n. Nec-                         '                    '

taire-                       le haut de la fleur et opposées

l'une à l'autre, donnent seules accès dans cette fleur;
mais la présence de ces deux petites fenêtres (fig. 20)
montre combien il est important que les insectes, ici
comme chez les autres Orchidées, puissent y pénétrer.
Je n'ai pu comprendre comme les insectes accomplis-
sent ici leur œuvre de fertilisation. Au fond de la
chambre vaste et sombre que circonscrivent les sé-
pales, se trouve une petite colonne; en avant de
celle-ci s'étend lelabellum, creusé d'un sillon et muni
d'une charnière très-flexible; les deux autres pétales
sont placés de chaque côté, et tous ces organes réu-
nis forment un petit tube. Quand un peLit insecte

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BOLBOPHYLLUM.                                             167

entre, ou, ce qui est moins probable, quand un in-
secte plus gros introduit sa trompe par l'une ou l'au-
tre fenêtre, il doit chercher ce tube intérieur afin
d'atteindre le singulier nectaire qui se trouve à sa
base. Dans ce petit tube, formé par la colonne, le la-
bellum et les pétales latéraux, s'avance à angle droit
un large rostellum, relié par une charnière et dont
la face inférieure est visqueuse ; les petits caudicules
des pollinies, qui s'avancent hors de la loge de l'an-
thère, reposent sur la base de la face supérieure
membraneuse du rostellum. La cavité du stigmate
est profonde. J'ai vainement essayé, après avoir
coupé les sépales, d'introduire une soie de porc dans
le tube et de retirer les pollinies. Toute la structure
de la fleur semble disposée avec soin pour empêcher
l'enlèvement des pollinies, et leur introduction sub-
séquente dans la chambre stigmatique ; il y a donc
ici quelque mécanisme nouveau et curieux qui reste
à découvrir.

J'ai examiné les curieuses petites fleurs de quatre
espèces de Bolbophyllum, mais je n'essayerai pas de les
décrire en entier. Chez les B. cupreum et cocoinum,
les faces supérieure et inférieure du rostellum se ré-
solvent en une matière visqueuse que des insectes
doivent entraîner en haut jusque dans l'anthère, pour
assurer le sort des pollinies. J'ai reproduit ce fait
sans peine en introduisant une aiguille au-dessous,
et la retirant ensuite de la fleur, que la position du

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168                                              BOLBOPHYLLUM

labellum rend tubulaire. Chez le B. rhizophorae, les
loges de l'anthère se déjettent en arrière quand la fleur
est complètement développée, laissant complètement à
découvert les deux masses polliniques, qui s'attachent
d'elles-mêmes à la face supérieure du rostellum. Les
masses polliniques sont unies par delà matière vis-
queuse, et si l'on en juge à l'aide d'une soie, sont
toujours enlevées ensemble. La chambre stigmatique
est très-profonde ; son orifice est ovale, et l'une des
masses polliniques le remplit exactement. Quelque
temps après l'épanouissement de la fleur, les bords de
cet orifice se rapprochent et le ferment complète-
ment : fait que je n'ai observé sur aucune autre Or-
chidée, et qui, je pense, tire sa raison d'être de ce
que la fleur est très-mal protégée contre l'extérieur.
Quand les deux pollinies étaient attachées à une ai-
guille ou à une soie et poussées contre le stigmate, une
de ces masses glissait dans l'étroit orifice plus facile-
ment qu'on n'aurait pu le supposer. Cependant, il est
évident que les insectes doivent prendre, dans leurs
visites successives, précisément la même position,
afin d'enlever d'abord les deux pollinies, et ensuite
d'en engager une dans l'orifice qui conduit au stig-
mate. Les deux pétales supérieurs, qui sont filifor-
mes, pourraient servir à guider l'insecte; mais le la-
bellum, au lieu de rendre la fleur tubulaire, pend
exactement comme la langue hors d'une bouche lar-
gement ouverte.

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IRRITABILITÉ DU LABELLUM.                                 ICI)

Dans toutes les espèces que j'ai vues, et plus spé-
cialement chez le B. rhizophorae, j'ai remarque que
le labellum est uni à la base de la colonne par une
petite courroie blanche, très-étroite, très-flexible et
montrant, quand on la distend, une grande élas-
ticité, comme une bande de caoutchouc. Lorsque
les fleurs de cette dernière espèce sont agitées par
un peu de vent, les labellums linguiformes oscillent
d'une façon très-singulière. Chez quelques espèces
que je n'ai pas vues, telles que le B. barbigerum,
le labellum est couvert de poils fins, et grâce
à eux, le moindre souffle suffit pour le mettre en
mouvement. Je ne saurais dire pourquoi le labellum
est doué de cette extrême flexibilité et de cette ten-
dance au mouvement, à moins que ce ne soit pour
attirer l'attention des insectes sur ces fleurs som-
bres, petites et sans apparence, comme le font sans
doute chez beaucoup d'autres Orchidées des odeurs
fortes ou de brillantes couleurs.

Parmi tant de curieuses propriétés des Orchidées,
on doit remarquer, chez plusieurs espèces très-diffé-
rentes, l'irritabilité du labellum. Il se meut dès qu'on
le touche, selon des descriptions. C'est le cas de quel-
ques espèces du genre Bolbophyllum, mais je n'ai
point trouvé d'irritabilité chez celles que j'ai exami-
nées; je n'ai même vu, à mon grand regret, aucune
Orchidée à labellum irritable. Le genre Calœna,
d'Australie, jouit de cette propriété à un degré très-

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170                                             DENDROBIUM.

élevé; car lorsqu'un insecte se pose sur le labellum,
celui-ci s'abat brusquement contre la colonne, en-
fermant sa proie comme dans une boite. Le docteur
Hooker1 pense que ce mouvement sert de quelque
manière à la fertilisation de la fleur.

Je citerai enfin parmi les Malaxidées le genre Den-
drobium; une de ses espèces au moins, le D. chrysan-
thum, est intéressante, car ses fleurs semblent orga-
nisées pour se féconder directement, dans le cas où
l'insecte qui les visite manquerait par hasard de re-
tirer les masses polliniques. Le rostellum a deux fa-
ces membraneuses, l'une supérieure, l'autre infé-
rieure plus petite; une masse épaisse de matière
blanche comme du lait est enfermée entre elles deux,
mais on peut facilement l'en faire sortir. Cette ma-
tière blanche est moins visqueuse que de coutume ;
quand on l'expose à l'air, une pellicule se forme à sa
surface en moins d'une demi-minute, et bientôt elle
se prend en une substance cireuse ou caséeuse. Au-
dessous du rostellum se voit le stigmate, large et
concave, mais peu épais et visqueux. La lèvre anté-
rieure saillante de l'anthère (voy. A) couvre pres-
que entièrement la face supérieure du rostellum. Le
filet est d'une longueur considérable, mais caché sur
la vue latérale A, derrière le milieu de l'anthère; on
le voit en B, lorsqu'il s'est déjeté en avant : il est

1 Flora of Tasmania, vol. II, p. 17, article Calœna.

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KÊQXSUATIOS SAKS CROISEMENT.                           171

rlaslkjue, et presse fortement ranthère en bas sur les
snrfiicc inclinée; du cli nu mire (voy. B) qui se trouve
derrière le rostcUuui. Après l'épanouissement de la

fi* 21-
DBSDnonm» cununfBDi

a. A*rnbi£.              L LAQtum.

Â, *TM1M*ÏE t

A. Vue htêrtlt de la BbiT. avec l'anUrôrc dan* si position naturelle avnni
R'ipiiWoiidesuollïtiio*, Tous les sépales et pelâtes sùih enlève* ci ccple le
luMlmn, qui est coup* en deu* longiludinalemMl.

It, bqufatfl d'uiw vue latérale Je la eoknne, après que l'anilicre a Uneé
les pollitiics.

G. lace aniorieure <le la colonne; on voit les loge* de l'hnthcre villes sprea
L'cipulsiou des pollitiies. On a ttçuvr l'anthère Irop drji i,v ver* le Las et
couvrait une phi* |f*Rdc partie du stigmate qu'elle m? le fait en ntalil*.

fleur, 1rs deux polliiries, unies en une seule masse,
sont complètement libres sur lo clinandre et sous les
loges de l'anthère. Le lalielluni embrasse la colonne,

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172                                                 DENDROBIUM.

laissant devant elle un passage tubulaire ; il est plus
épais dans sa partie moyenne (voy. sa section, fig. A),
région qui s'étend en haut jusqu'au sommet du stig-
mate. Sa partie inférieure se développe en un nec-
taire en forme de soucoupe, qui sécrète n suc miel-
leux.

Si un insecte s'introduit dans une de ces fleurs,
le labellum, qui est élastique, doit céder, et la lèvre
saillante de l'anthère doit empêcher que le rostellum
ne soit atteint; mais quand l'insecte se retire, cette
lèvre se redresse et la matière visqueuse du rostel-
lum est entraînée dans l'anthère, engluant la masse
pollinique à l'insecte, qui la transportera ainsi sur
une autre fleur. J'ai imité ceci sans peine; mais
comme les masses polliniques n'ont pas de caudi-
cule, et qu'elles sont placées très en arrière dans le
clinandre et sous l'anthère, comme d'ailleurs la ma-
tière qui sort du rostellum n'est pas extrêmement
visqueuse, elles sont quelquefois restées en arrière et
n'ont pas été enlevées.

Grâce à l'inclinaison de la base du clinandre, à la
longueur et à l'élasticité du filet, quand l'anthère se
redressait, elle venait toujours frapper contre le ros-
tellum et restait là pendante, avec ses loges vides sur
la face inférieure (fig. C), suspendues au-dessus du
sommet du stigmate. Le filet (voy. fig. B) s'étend alors
dans l'espace qu'occupait primitivement l'anthère.
Quelquefois, ayant enlevé tous les pétales y compris

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FÉCONDATION SANS CROISEMENT.                            175

le labellum, et porté la fleur sous le microscope, j'ai
soulevé avec une aiguille la lèvre de l'anthère sans
toucher au rostellum; j'ai vu l'anthère prendre,
comme d'un bond, la position dans laquelle elle est
représentée, de côté sur la figure B, et en face sur la
figure C. Par ce brusque mouvement, l'anthère chasse
la masse pollinique hors du clinandre concave, et la
lance en l'air avec juste assez de force pour qu'elle
aille tomber sur le milieu du visqueux stigmate, qui
la retient.

Toutefois, dans la nature, les choses ne peuvent se
passer comme je viens de le décrire, parce que le
labellum est incliné vers le bas ; pour comprendre ce
qui suit, il faudrait placer le dessin sens dessus des-
sous, dans une position presque opposée à la sienne.
Si un insecte manquait d'enlever la pollinie à l'aide
de la matière visqueuse du rostellum, la pollinie sej
rait d'abord-lancée en bas sur la surface proéminente
du labellum, qui se trouve immédiatement au-des-
sous du stigmate. Mais il faut se rappeler que le la-
bellum est élastique, et qu'à l'instant même où l'in-
secte, en sortant de la fleur, redresserait la lèvre de
l'anthère et déterminerait ainsi l'expulsion de la
masse pollinique, le labellum rebondirait en arrière
et, frappant la masse pollinique, la lancerait vers le
haut contre le visqueux stigmate. La fleur étant dans
sa posilion naturelle, j'ai réussi deux fois à repro-
duire ceci en imitant les mouvements de l'insecte

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174                                                 VANDÉES.

qui sort ; et en ouvrant la fleur, j'ai trouve la niasse
pollinique collée au stigmate.

Si l'on considère combien l'action doit être com-
pliquée, cette explication de l'usage du filet élastique
peut sembler un peu fantaisiste ; mais nous avons vu
tant et de si curieux mécanismes, que je ne saurais
regarder la grande élasticité du filet et l'épaisseur de
la partie moyenne du labellum comme des particu-
larités inutiles. Si les choses se passent telles que je
l'ai décrit, ce serait un avantage pour la plante que son
unique et grosse masse pollinique ne soit pas perdue,
dans le cas où elle manquerait de s'attacher à un in-
secte au moyen de la matière visqueuse du rostellum.
Cette organisation n'est pas commune à toutes les es-
pèces du genre; en effet, chez les D. bigibbum et
formosum, le filet de l'anthère n'est pas élastique et
le labellum n'est pas épaissi à son milieu. Chez
le D. tortile, j'ai trouvé le filet élastique ; mais
n'ayant vu qu'une seule fleur, et avant d'avoir étudié
la structure du D. chrysanthum, je ne connais pas son
histoire.

VANDÉES

Nous arrivons à l'immense tribu des Vandées, de
Lindley, qui renferme un grand nombre des plus extra-
ordinaires productions de nos serres chaudes, mais
n'a aucun représentant en Angleterre. J'en ai étudié
vingt-quatre genres. Le pollen se compose de masses

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STRUCTURE DE LA FLEUR.                              175

cireuses, comme dans les deux dernières tribus, et
chaque masse est munie d'un caudicule, qui s'unit
de bonne heure au rostellum. Il est rare que ce CaU-
Anthère.             Caudicule.

Pollen.

Filament
de l'anthère.

Pédicule
\        /           , du rostellum.

Disque visqueux.

Stigmate.

i 2 3

Fig. 22.

Figure théorique, expliquant la structure de la colonne chez les Vandées.

1.   Le filet, portant l'antbère et ses masses polliniques : l'anthère s'est
ouverte sur toute la longueur de sa face inférieure, ce qui ne peut se voir
sur cette figure.

2.  Le carpelle supérieur, modifié en haut pour former le rostellum.

3.  Les deux carpeUes inférieurs soudés, avec leurs stigmates soudés éga-
lement.

dicule soit directement attaché au disque visqueux,
comme chez les Ophrydées, mais il est uni à la face
postérieure et supérieure du rostellum ; et cette par-
tie doit être, ainsi que le disque, enlevée par les in-
sectes. La figure théorique (fig. 22), où les parties
sont disjointes, expliquera bien la structure-type des
Vandées. L'organe médian (2) est le plus dorsal ou
postérieur des trois carpelles qui existent toujours
chez les Orchidées ; sa partie supérieure, recourbée
au-dessus du stigmate, se modifie pour former le

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176                                            VAMlÉES.

rostellum. Le stigmate est double, et dépend des deux
autres carpelles soudés (3). A gauche, se trouve le
filet (1) qui porte l'anthère. Celle-ci s'ouvre de bonne
heure ; les extrémités des deux caudicules, incom-
plètement durcies, s'engagent dans une petite
fente et s'attachent au côté postérieur du rostellum
(le dessin ne représente qu'un seul caudicule et une
seule masse pollinique). La surface du rostellum
est généralement creusée pour recevoir les masses
polliniques ; le dessin la représente lisse, mais en
réalité elle est souvent munie de crêtes ou de nœuds
pour servir à l'attachement des deux caudicules.
Dans la suite, l'anthère s'ouvre plus largement sur
sa face inférieure, laissant les masses polliniques
libres, sauf qu'elles tiennent au rostellum par leurs
caudicules.

Pendant cette première période du développement
floral, il s'est effectué un changement remarquable
dans le rostellum : soit l'extrémité, soit la face infé-
rieure devient extrêmement visqueuse, et une ligne
de séparation, apparaissant d'abord comme une sim-
ple zone de tissu hyalin, se forme graduellement,
isolant l'extrémité visqueuse ou disque, ainsi que
toute la face supérieure du rostellum jusqu'au point
d'attache des caudicules. Si quelque objet vient alors
à toucher le disque visqueux, ce disque, toute la
partie postérieure du rostellum, les caudicules et les
masses polliniques, peuvent être aisément enlevés

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SrRUCTURE DE LA FLEUR.                                  177

d'un seul coup. Dans les ouvrages de botanique, on
désigne sous le nom de caudicule tout ce qui est
compris entre le disque (généralement appelé gland)
et les masses cireuses de pollen ; mais comme cette
portion de l'appareil qu'enlèvent les insectes joue un
rôle essentiel dans la fertilisation de la fleur, et
comme elle se divise en deux parties foncièrement
différentes parleur nature et les détails de leur struc-
ture, je nommerai caudicules les deux cordons élas-
tiques qui sont strictement renfermés dans les loges
de l'anthère, et pédicelle la portion du rostellum à
laquelle ces caudicules s'attachent (voy. la figure) et
qui n'est pas visqueuse. J'appellerai disque visqueux,
comme précédemment, la portion visqueuse du ros-
tellum. Le tout sera convenablement nommé pollinie.
Les Ophrydées ont toutes, excepté l'Orchis pyra-
midalis, deux disques visqueux séparés ; les Vandées,
sauf les Angrœcum, n'ent ont qu'un seul. Ce disque
n'est pas enfermé dans une poche, mais à découvert.
Chez les Habenaria les disques, comme nous l'avons
vu, ne s'unissent aux deux caudicules que par l'inter-
médiaire de petits pédicelles en forme de tambour
répondant à l'unique pédicelle des Vandées, qui est
généralement beaucoup plus développé. Chez les
Ophrydées les caudicules des pollinies, bien qu'élas-
tiques, ont une certaine rigidité, et servent à mettre
les paquets de pollen à une distance convenable de

la tète ou de la trompe de l'insecte, afin qu'ils attei-

12

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178                                                 VANDÉES.

gnent le stigmate. Chez les Vandées, le même résul-
tat s'obtient à l'aide du pédicelle du rostellum. Les
deux caudicules des Vandées sont enfouis et attachés
dans une fente profonde dont chaque masse pollinique
est creusée, et à moins d'être distendus, sont rarement
visibles, car les masses polliniques font immédiatement
suite au pédicelle. Ces caudicules répondent, par
leur position et leurs fonctions, aux filaments élasti-
ques qui, chez les Ophrydées, relient entre eux les
paquets de pollen, au point où ils se réunissent pour
former la partie supérieure du caudicule ; car la fonc-
tion du vrai caudicule des Vandées est de se briser
quand les masses polliniques, transportées par les
insectes, s'attachent à la surface du stigmate.

Chez beaucoup de Vandées les caudicules se bri-
sent aisément, et la fertilisation de la fleur, sur ce
point du moins, est chose simple ; mais dans d'autres
cas, la force des caudicules et la longueur qu'ils peu-
vent atteindre par distension sans se briser, sont sur-
prenantes. J'ai eu d'abord de la peine à comprendre à
quel bon résultat pouvaient concourir la force si grande
et l'extensibilité des caudicules. Il est clair que, si la
pollinie fait une saillie considérable sur la tête de
l'insecte, tandis que celui-ci vole (et l'insecte, pour
les plus grandes fleurs d'Orchidées, doit être très-
gros), la force de résistance du caudicule la protège
contre un choc qui pourrait la faire tomber. De plus,
lorsqu'un insecte porteur d'une pollinie visite, soit

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ACTION DES ORGANES.                                       179

une fleur trop jeune dont le stigmate n'est pas encore
assez visqueux, soit une fleur déjà fécondée dont le
stigmate commence à se dessécher, la résistance du
caudicule doit empêcher les masses polliniques d'être
inutilement déposées. 11 faut se rappeler que les
masses polliniques sont précieuses, car dans la plu-
part des genres, chaque fleur n'en produit que deux ;
et dans beaucoup de cas, si l'on en juge par les di-
mensions du stigmate, un seul de ces orgnnes doit
recevoir les deux masses ; dans d'autres cas néan-
moins, l'entrée de la chambre stigmatique est assez
étroite pour qu'une seule masse pollinique puisse s'y
engager, de sorte que le pollen d'une seule fleur
suffit probablement à en féconder deux.

Bien que chez plusieurs espèces, notamment les
Phalsenopsis et les Saccolabium, la surface du stig-
mate soit en temps convenable extraordinairement
visqueuse, cependant, ayant enlevé les pollinies par
leurs disques visqueux à l'aide d'un scalpel, j'ai in-
troduit les masses de pollen dans la chambre stigma-
tique, et elles ne se sont pas attachées à sa surface avec
une force assez grande pour empêcher que je ne les re-
tire. Je les ai même laissées quelques instants en con-
tact avec la surface visqueuse, comme l'aurait fait un
insecte afin d'aspirer son nectar ; mais quand j'ai voulu
les entraîner hors de la chambre du stigmate, leurs
caudicules, bien que considérablement distendus, ne
se sont pas rompus, elle disque visqueux ne s'est pas

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180                                            VANDÉES.

détaché du scalpel; ainsi les masses polliniques n'ont
pas été retenues par le stigmate. Il me vint alors à
l'idée que l'insecte pourrait, en s'envolant, pousser
les pollinies, non pas en droite ligne hors de la
chambre du stigmate, mais presque perpendiculaire-
ment à son entrée. J'imitai cette action supposée, et
les caudicules distendus effleurant les bords de la
chambre, le frottement qu'ils subirent, joint à la vis-
cosité du stigmate, détermina le plus souvent leur
rupture ; les masses polliniques restèrent donc sur le
stigmate. Ainsi, il semble que la grande force et l'ex-
tensibilité des caudicules, qui, tant qu'ils ne sont pas
distendus, restent enfouis dans les masses pollini-
ques, préservent à l'occasion celles-ci de la perte,
tout en permettant en temps convenable et par l'in-
tervention des insectes, lorsque le frottement brise
leur résistance, que ces mêmes masses restent adhé-
rentes à la surface du stigmate, ce qui assure la fé-
condation de la fleur.

Le disque et le pédicelle du rostellum présentent
chez les Vandées une grande diversité de formes, et
se prêtent à un nombre en apparence inépuisable
de combinaisons. Même dans les espèces d'un seul
genre, le genre Oncidium par exemple, ces parties
diffèrent grandement. Je donne ici (fig. 25) un
petit nombre de figures, prises presque au hasard.
En général (d'après ce que j'ai pu examiner), le pé-
dicelle est une pièce membraneuse simulant un ru-

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ACTION DES ORGANES.                                  181

ban mince (fig. A), long ou court ; mais il est par-
fois presque cylindrique (fig. G) et souvent de toutes
sortes de formes. Le pédicelle est généralement pres-
que droit, mais chez le Mittonia Glowesii, il est natu-
rellement incurvé ; et dans quelques autres cas,

Fig. 25.
POLLINIES DES VANDÉES.

cl. Disque visqueux. —ped. Pédicelle.—p. Masses polliniques.

Les caudicules, enfouis dans l'intérieur des niasses polliniques, ne se voient
pas.

A. Pollinie d'Oncidium grande, partiellement abaissée
B.- Pollinie de Brassia maculata (copié surBauer).

C.  Pollinie de Stanhopea saccata, après abaissement.

D.  Pollinie de Savcanthus terelifolius, après abaissement.

comme nous allons le voir de suite, il prend après
son enlèvement des formes variées. Les caudicules
extensibles et élastiques qui relient les masses polli-
niques au pédicelle, ne peuvent se voir ici, enfouis
qu'ils sont dans une fente ou cavité, dans l'intérieur
de chacune de ces masses. Le disque, visqueux sur
sa face inférieure, est une pièce membraneuse fine
ou épaisse, de formes très-diverses. Chez l'Acropera,
c'est un bonnet terminé en pointe; quelquefois il a la
forme d'une langue, d'un cœur (fig. C), d'une selle,

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182                                                  VANDÉES.

comme "chez certains Maxillaria, ou d'un coussin
épais (fig. A) comme chez plusieurs espèces d'Onci-
dium ; dans ce dernier cas, le pédicelle est attaché à
l'un des bouts, au lieu de l'être, ce qui est plus ordi-
naire, près du centre. Chez les Angrsecum distichum
et sesquipedale le rostellum est échancré, et l'on peut
enlever deux disques séparés, minces, membraneux ;
chacun d'eux porte sur un court pédicelle sa masse
pollinique. Chez le Sarcanthus teretifolius le disque
(fig. D) est de forme très-bizarre ; comme la chambre
du stigmate est très-profonde et d'une forme non
moins singulière, on est porté à croire que le disque
doit se fixer d'une manière très-précise sur la tête
carrée et saillante de quelque insecte.

Il y a, le plus souvent, une relation manifeste en-
tre la longueur du pédicelle et la profondeur de cette
chambre du stigmate dans laquelle les masses polli-
niques doivent être introduites ; dans un petit nom-
bre de cas cependant, le pédicelle étant long et le
stigmate peu profond, de curieux phénomènes de com-
pensation interviennent. Quand le disque et le pé-
dicelle ont été enlevés, la forme du rostellum change;
il est généralement un peu plus court et moins épais,
quelquefois échancré : chez le Stanhopea, tout le
pourtour de l'extrémité du rostellum est enlevé, et
il ne reste qu'une saillie fine, terminée en pointe et«
semblable à une aiguille, qui originairement en
formait le centre.

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ACTION DES ORGANES.                                      185

Jetons maintenant les yeux sur la figure théorique
qui précède (fig. 22, p. 119), supposons que le ros-
tellum soit plus étroit, le stigmate plus rapproché de
sa face inférieure, et nous verrons que, si un insecte
ayant une pollinîe attachée à sa tête vole à une autre
fleur et y prend presque exactement la position qu'il
avait lors de l'attachement du disque, les masses pol-
liniques frapperont le stigmate, surtout si, sollicitées
par leur poids, elles se sont abaissées le moins du
monde.Voilà tout ce qui se passe chez les Lycaste Skin-
nerii, Cymbidium giganteum , Zygopetalum Mackai,
Angrœcum eburneum, Miltonia Clowesii, chez un
Warrea, et, je crois, chez le Galeandra Funkii. Mais
supposons que, sur notre figure, le stigmate soit si-
tué plus bas, au fond d'une cavité profonde, ou que
l'anthère soit située plus haut, de sorte que le pédi-
celle du rostellum soit relevé pour l'atteindre et se
trouve dans d'autres conditions qu'il est inutile de
détailler ; dans de tels cas, si un insecte visite une
fleur avec une pollinie attachée à sa tête, les masses
polliniques ne frapperont pas le stigmate, à moins
qu'un grand changement ne soit survenu dans leur
position, après leur attachement à leur porteur.

Chez beaucoup de Yandées, ce changement s'effec-
tue suivant le procédé si commun chez les Ophrydées,
savoir, par un mouvement de la pollinie qui, en une
demi-minute environ, s'abaisse après avoir été déta-
chée du rostellum. J'ai vu ce mouvement s'exécuter

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184                                       VANDÉES.

d'une façon très-nette, la pollinie enlevée décrivant
en générale peu près un arc de90°ou quart de circon-
férence, chez quelques espèces des genres Oncidium,
Odontoglossum, Brassia, Vanda, Aerides, Sarcanthus,
Saccolabium, Acropera et Maxillaria. Chez le Rodri-
guezia suaveolens, l'abaissement est remarquable par
son extrême lenteur1 ; chez l'Eulophia viridis, par son
peu d'extension. Chez quelques-unes des plantes no-
tées comme n'offrant pas de mouvement des pol-
linies, je ne suis vraiment pas sûr qu'il n'y ait pas un
très-léger abaissement. Chez les Ophrydées, les loges
de l'anthère sont placées parfois en dedans, parfois
en dehors par rapport au stigmate; les pollinies ont
donc à se porter, suivant le cas, en dedans ou en
dehors : mais chez les Vandées, les loges de l'anthère
se trouvent directement au-dessus du stigmate, et la
pollinie se porte toujours directement en bas. Chez
le Calanthe, cependant, les deux stigmates sont
placés extérieurement aux loges de l'anthère, mais
les pollinies, comme nous le verrons, les atteignent
par suite d'un arrangement mécanique des parties.
Chez les Ophrydées, la contraction qui détermine
l'abaissement des pollinies se produit à la surface

1 [M. Ch. Wright, dans une lettre au professeur Asa Gray, dit avoir
vu à Cuba une pollinie d'Oncidium attachée à un Bombus, et il en a
contlu d'abord que je m'étais complètement (rompe au sujet de cet
abaissement des pollinies ; mais après quelques heures cette pollinie
prit elle-même la position nécessaire pour la fécondation de la fleur.]
CD. mail8G9.

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ACTION DES ORGANES.                                      185

supérieure du disque visqueux, près du point d'at-
tache du caudicule. Chez les Yandées, c'est aussi à la
surface supérieure du disque visqueux, mais au point
où il s'unit au pédicelle, et par suite à une distance
considérable du point d'attache des vrais caudicules.
La contraction et le mouvement qui la suit sont de
nature hygrométrique (mais ce point, comme on le
verra dans le septième chapitre, est assez obscur) et
par conséquent n'ont pas lieu avant que la pollinie
ait été détachée du rostellum et que le point d'union
du disque et du pédicelle ait été exposé quelques
secondes ou quelques minutes à l'air. Si, après la
contraction et le mouvement subséquent du pédi-
celle, tout l'appareil enlevé est placé sous l'eau, le
pédicelle se relève lentement et reprend, relative-
ment au disque visqueux, la position qu'il avait
quand il faisait partie du rostellum. Si alors on le
retire de l'eau, il s'abaisse de nouveau. Il importe
de noter ces faits; ils peuvent servir à distinguer ce
mouvement de certains autres.

Le Maxillaria ornithorhyncha nous offre un cas tout
spécial. Le pédicelle du rostellum est très-allongé,
entièrement couvert par la lèvre antérieure saillante
de l'anthère, et par suite reste humide. Après l'en-
lèvement , il ne se produit pas de mouvement à
la jonction du disque et du pédicelle ; mais le pé-
dicelle lui-même, en un point un peu plus haut
que le milieu de sa hauteur, s'infléchit rapidement

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186                                                 VANDÉES.

en bas et sur lui-même, dans une direction opposée
à celle qui est prise dans tous les autres cas. Placé
sous l'eau, ce pédicelle se redresse et reprend sa
forme première. Si l'on suppose que le long cou re-
dressé d'un oiseau représente le pédicelle, et la tète
les masses polliniques, le mouvement, dans tous les
cas ordinaires, sera celui de l'oiseau pour saisir une
graine sur le sol : les "vertèbres inférieures seules
décrivent une courbe en s'approchant de son corps ;
chez ce Maxillaria, au contraire, le mouvement est
celui que ferait l'oiseau pour porter sa tête en arrière
au point d'atteindre presque son propre dos, la cour-
bure ne portant ici que sur les vertèbres moyennes
du cou. J'ai dit plus haut que si le pédicelle est
long et la cavité du stigmate peu profonde, comme
chez ce Maxillaria, il y a une action compensatrice ;
en voici un exemple : le labellum présente vis-à-vis
le stigmate une saillie quadrangulaire, ce qui rend
plus étroite l'entrée de la fleur; et si le pédicelle du
rostellum ne venait d'une manière ou d'une autre à
se raccourcir, la fleur serait difficilement fécondée.
Or, après le mouvement de réflexion que je viens de
décrire et raccourcissement du pédicelle qui en ré-
sulte, la pollinie, attachée à quelque petit objet, peut
être introduite dans la fleur, et les masses de pollen
sont placées de telle sorte qu'elles adhèrent prompte-
ment à la surface du stigmate. .
Dans quelques cas, ces mouvements hygrométri-

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ACTION DES ORGANES.                                      187

ques ne sont pas les seuls, et l'élasticité entre en jeu.
Chez les Aerides odorata et virens, et l'Oncidi'um (ro-
seum?), le pédicelle du rostellum est maintenu en
ligne droite, attaché au disque par une de ses extré-
mités et à l'anthère par l'autre; cependant, il a une
tendance très-forte, due à son élasticité naturelle, à
se dresser perpendiculairement au disque. Par con-
séquent, quand le disque s'attache à quelque objet
et que la pollinie est enlevée, le pédicelle se dresse
instantanément et se place perpendiculairement à sa
position première, en élevant en l'air les masses pol-
liniques. Ceci a déjà été remarqué par d'autres ob-
servateurs; et je crois comme eux que le résultat
ainsi obtenu est de mettre les masses polliniques
en liberté, hors de leurs loges. Aussitôt après ce
redressement élastique , commence le mouvement
hygrométrique d'abaissement qui entraîne assez
singulièrement le pédicelle, encore en arrière et, re-
lativement au disque, presque dans la position qu'il
avait lorsqu'il était uni au rostellum. Cependant
l'extrémité du pédicelle à laquelle, chez les Aerides,
les masses polliniques sont appendues par de petits
caudicules, reste un peu courbée vers le haut ; et ceci
semble bien disposé pour faire tomber les masses pol-
liniques, par-dessus un rebord, dans la profonde ca-
vité du stigmate. J'ai bien saisi la différence entre le
premier mouvement, qui est élastique, et le second
(mouvement de réflexion) qui est hygrométrique,

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188                                                  VANDÉES.

lorsque la pollinie étant placée dans l'eau après ses
deux mouvements, le pédicelle prit de nouveau la
position qu'il avait d'abord acquise par son élasticité ;
l'action de l'eau ne changea nullement cette dernière
position. Aussitôt que la pollinie fut retirée de l'eau,
le mouvement hygrométrique d'abaissement com-
mença. Je n'ai fait celte expérience que sur l'Onci-
dium.

Chez le Rodriguezia secunda, je n'ai pas constaté
comme chez le R. suaveolens mentionné plus haut,
un abaissement lent du pédicelle, mais un abatte-
ment rapide qui, là seulement, paraît dû à l'élasti-
cité ; placé sous l'eau, le pédicelle n'a pas montré de
tendance à recouvrer sa position primitive, comme
chez toutes les autres et nombreuses Orchidées que
j'ai examinées.

Chez les Phalaenopsis grandiflora et amabilis, la
cavité du stigmate est peu profonde et le pédicelle
du rostellum est long. C'est pourquoi une action com-
pensatrice est nécessaire ; mais, contrairement à ce
qui a lieu chez les Maxillaria, elle s'effectue à l'aide
de l'élasticité. Il n'y a pas de mouvement d'abaisse-
ment ; mais quand la pollinie est enlevée, le pédi-
celle, qui était droit, s'incurve soudain en son mi-
lieu, comme ceci : (——~—). Le point à gauche .peut
représenter les masses polliniques, et on doit se figu-
rer le disque, à droite, comme une pièce membra-
neuse triangulaire. Le pédicelle ne se redresse pas

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CALANTHE MASUCA.                                        189

sous l'eau. Après la contraction, l'extrémité qui porte
les masses polliniques est un peu relevée, et le pédi-
celle, grâce à cette inclinaison d'un de ses bouts et
à la courbure de sa partie moyenne, convexe en haut,
semble bien conformé pour faire glisser les mas-
ses polliniques, par-dessus une crête, jusque dans la
profonde cavité du stigmate1.

La structure du Calanthe Masuca et de l'hybride
C. Dominii est très-différente. Il y a deux stigmates
latéraux, petites fossettes ovales, placées exactement
de chaque côté du rostellum (fig. 24). Le disque vis-
queux est ovale (fig. B) ; il n'a pas de pédicelle, mais
huit masses de pollen s'attachent à lui par des cau-
dicules très - courts et faciles à rompre. Ces mas-
ses polliniques se détachent du disque comme les
rayons d'un éventail. Le rostellum est gros, et ses
bords s'abaissent de chaque côté vers les fossettes
stigmatiques. Quand on enlève le disque, on voit que
le rostellum est profondément échancré au milieu
(fig. C). Le labellum est uni à la colonne presque jus-
qu'à son sommet, mais il laisse une ouverture au long
nectaire (n, A) qui se trouve immédiatement sous le

1 [Je dois remarquer ici que Delpino (Fecondazione nelle piante,
Firenze, 1807, p. 19) dit avoir examiné des fleurs de Vanda, Epiden-
drum, Pliaius, Oncidium et Dendrobium, et confirme en général mes
observations. Dernièrement le professeur Bronn, dans la traduction alle-
mande de cet ouvrage (1862, p. 221), a donné une description de la
structure et du mode de fertilisation du Slanhopea devoniensis.] C. D.
mai 1869.

[page break]

190                                   CAUXTIIK MASIC».

rostclluDK Ce labclhun est garni d'excroissances bi-
zarres, verruqueuses et globuleuses,

Si on introduit une grosse aiguille dans l'orifice du
nectaire (/fy.A)^puisqu'on Ton relire,on retirera avec

H*. 2*.
CALAKTHE MASCCA.

V. W41M3 POLU711QUK4.                               I. lABKLmi.

S.9. US DEfX SlMUUlcf.                             d* ruagtt v&qchzx.

H, MUFICE tUT 3CECTAIAE*                             '' CLI5AXDBE, AWC LLa NASSES *MU-

MQm E*ttïfiES.

A, fleur vue d'en haut; les loges de l'anthère sont enlevées ci on toit les
huit masses polLiniijueàddns leur position naturelle, dans. le climndre. Tmu
Icssépales et pétales sont coupés, excepte lelabeHum.

E. Masses poil iniques attachées au di^jue visqueux, mes par leur Face
inférieure.

C, Fleur dans la même position qu'eu At mai* dont le tfi&iuc et les oHWI
poHintques sont enlevés : le roMellum est alors échancré, et leclinanrire,
réceptacle des masses polliniques, est ride. On peut voir deux masses
poil iniques adhérant :i la surface du stipmalc du coté puchc.

elle le disque visqueux, portant son élégant éventail de
masses poil iniques rayonnantes; ces masses polUni-
ques ne changent point de position. Si maintenant on
introduit l'aiguille dans le nectaire d'une autre fleur,
les extrémités de ces niasses viennent nécessairement
frapper les bords supérieurs cl latéraux du rostcllum

[page break]

ANGR/ECUM SESQUIPEUALE.                                   191

et, se divisant en deux groupes, s'engagent dans les
deux fossettes latérales du stigmate. Les caudicules
étant très-fins se brisent aisément, et les masses
polliniques restent, semblables à de petits dards,
adhérentes à la surface visqueuse des deux stigmates
(voy. le stigmate gauche, fig. C) ; la fécondation de
la fleur s'effectue ainsi d'une manière simple et inté-
ressante.

J'aurais dû dire qu'une étroite bande transversale de
tissu stigmatique relie, par-dessous le rostellum, les
deux stigmates latéraux; car il est probable que quel-
ques-unes des masses polliniques médianes s'engagent
dans l'échancrure du rostellum ou au-dessous de lui.
Je suis d'autant plus incliné à le croire que j'ai trouvé
chez l'élégant Calanthe vestita, un rostellum s'éten-
dant tellement au-dessus des stigmates latéraux,
qu'apparemment toutes les masses polliniques doi-
vent s'engager au-dessous de sa surface.

Je crains de fatiguer le lecteur, mais je ne puis
entièrement passer sous silence YAngrxcum sesquipe-
dale, dont les grandes fleurs à six rayons, semblables à
des étoiles formées d'une cire blanche comme la
neige, ont excité l'admiration des voyageurs à Mada-
gascar. Un nectaire vert, semblable à un fouet et d'une
longueur surprenante, pend sous le labellum. Sur
quelques fleurs que m'a envoyées M. Bateman, j'ai vu
des nectaires longs de H pouces et demi, mais pleins
sur une longueur d'un pouce et demi seulement, à

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192                                  ANGRyECUM SESQUIPEDALE.

l'extrémité inférieure, d'un très-doux nectar. Quel est
l'usage, doit-on se demander, d'un nectaire d'une lon-
gueur si démesurée? Nous allons voir, je pense, que
la fécondation de la plante dépend de cette longueur
du nectaire, et de ce que le nectar n'est contenu que
dans sa partie extrême et amincie. Il est toutefois
étonnant qu'un insecte puisse atteindre ce nectar :
en Angleterre, les sphinx ont bien des trompes aussi
longues que leur corps ; mais à Madagascar, il faut
qu'il y ait des papillons dont la trompe atteigne, en se
déployant, une longueur de 10 à H pouces!

Le rostellum est large et foliacé ; il s'avance per-
pendiculairement au-dessus du stigmate et de l'o-
rifice du nectaire : il présente une échancrure pro-
fonde, qui s'élargit en dedans. Ce rostellum res-
semble donc beaucoup (voy. fîg. 14, C) à celui du
Calanthe après l'enlèvement du disque. Les deux bords
de l'échancrure, près de l'extrémité large de celle-ci,
sont bordés inférieurement par un étroit lambeau de
membrane visqueuse, qui est facilement enlevée ; il
y a donc deux disques visqueux distincts. Au milieu
de chaque disque s'attache un petit pédicelle mem-
braneux, et chaque pédicelle porte à son autre bout
une masse pollinique. Sous le rostellum se trouve un
stigmate visqueux, en forme de crête étroite.

Pendant quelque temps je n'ai pu comprendre com-
ment les pollinies de cette plante sont enlevées, com-
ment la fécondation peut s'opérer. J'ai introduit crins

[page break]

FÉCONDATION.                                              193

et aiguilles dans le large orifice du nectaire et dans
l'échancrure du rostellum, sans obtenir de résultat.
Il me vint alors à l'idée que, vu la longueur du nec-
taire, la fleur doit être visitée par de grands papil-
lons, dont la trompe serait épaisse à la base; et que
pour épuiser jusqu'à la dernière goutte de nectar,
même le plus gros de ces insectes aurait à dérouler
sa trompe et à l'étendre aussi bas que possible. Pour
cela le papillon, soit qu'il ait engagé d'abord sa
trompe dans le nectaire par le large orifice qui y
donne accès (et d'après la forme de la fleur, c'est le
plus probable), soit qu'il l'insère de suite dans l'é-
chancrure du rostellum, doit finalement l'introduire
dans cette fente, car c'est le plus court chemin, et
une légère pression suffit pour abaisser toute la
feuille rostellienne : la distance de l'extérieur de la
fleur au fond du nectaire se trouve ainsi raccourcie
d'un quart de pouce environ. Je pris donc un cylindre
d'un dixième de pouce de diamètre, et le poussai
vers le bas à travers l'échancrure du rostellum : les
bords de cette fente se disjoignirent aussitôt, et fu-
rent abaissés ainsi que tout le rostellum. Quand
j'ai doucement retiré cet objet, le rostellum s'est re-
levé en vertu de son élasticité, les bords de l'échan-
crure se sont retournés et ont embrassé le cylindre.
Alors les bandes de matière visqueuse qui bordent
inférieurement l'échancrure, se sont trouvées en con-
tact avec le cylindre et se sont attachées à lui ; c'est

15

[page break]

191                                   ANGR.ECUM SESQUIPEDALE.

ainsi que les masses polliniques ont été enlevées. Ce
procédé est le seul par lequel j'aie réussi à retirer les
pollinies; et on ne saurait douter, je crois, qu'un
gros papillon ne soit contraint d'agir ainsi, c'est-à-
dire, de dérouler complètement sa trompe en l'en-
gageant dans l'échancrure du rostellum, de manière
à atteindre l'extrémité du nectaire, puis de la retirer
chargée de pollinies.

Je n'ai pas réussi à reproduire la fécondation de la
fleur aussi bien qu'à enlever les pollinies, mais ce-
pendant j'y suis arrivé deux fois. Comme les bords de
l'échancrure du rostellum doivent se retourner avant
que les disques s'attachent au cylindre, ceux-ci se
fixent, pendant qu'on le retire, à quelque distance
de sa base. Les deux disques ne s'attachent pas tou-
jours à des points exactement correspondants. Main-
tenant, qu'un papillon engage sa trompe, portant des
pollinies fixées près de sa base, dans l'orifice du nec-
taire, et probablement les masses polliniques seront
d'abord introduites au-dessous du rostellum ; puis
quand, dans un dernier effort, l'insecte fera passer sa
trompe dans l'échancrure de ce dernier organe, elles
seront presque nécessairement déposées sur le stig-
mate, crête étroite qui s'avance au-dessous du rostel-
lum. En imitant ceci à l'aide de pollinies attachées à
un cylindre, j'ai vu deux fois les masses polliniques
arrachées, rester engluées à la surface du stigmate.

Si l'Angraecum, dans les forêts de son pays natal,

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FÉCONDATION.                                              195

sécrète plus de nectar que les vigoureuses plantes que
m'a envoyées M. Bateman, de telle sorte que son nec-
taire en soit rempli, de petits papillons peuvent en
prendre leur part, mais sans aucun avantage pour la
plante. Les pollinies ne serontpas enlevées jusqu'à ce
qu'un très-gros papillon, muni d'une trompe mer-
veilleusement longue, ait essayé d'aspirer la dernière
goutte. Si l'espèce de ces grands papillons venait à
s'éteindre à Madagascar, assurément il en serait de
même del'Angraecum. D'autre part, comme le nectar,
au moins à l'extrémité du nectaire, se trouve hors de
la portée des autres insectes, la disparition de l'An-
graecum serait probablement une sérieuse perte pour
ces lépidoptères. On peut en partie comprendre com-
ment le nectaire a pu acquérir son étonnante lon-
gueur par voie de modifications successives. Certains
papillons de Madagascar étant devenus plus grands,
sous l'influence des conditions générales de vie et par
voie de sélection naturelle, soit à l'état de larve, soit
à celui d'insecte parfait, ou la trompe seule s'étant
allongée pour puiser le suc que l'Angrsecum et d'au-
tres fleurs logent au fond d'un long tube, les pieds
d'Angracum qui avaient les plus long nectaires ( le
nectaire varie beaucoup de longueur chez quelques Or-
chidées), et qui forçaient par conséquent les papillons
à introduire leur trompe tout entière, ont dû être
mieux fécondés. Ces plantes ont dû produire plus de
graines, et les jeunes plantes nées de ces graines

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190                                      ACROPEUA.

hériter le plus souvent de la longueur des nectaires;
et de même dans les générations suivantes de la plante
ou de l'insecte. Il semble qu'il se soit alors engagé
une lutte pour la longueur, entre le nectaire de l'An-
grdecum et la trompe de certains papillons; mais
l'Angrsecum a triomphé, car il fleurit en abondance
dans les forêts de Madagascar, et oblige encore chaque
papillon d'introduire sa trompe aussi loin que possi-
ble pour aspirer la dernière goutte de nectar.

Pour finir, je signalerai le genre Acropera, remar-
quable à un point de vue spécial. Quoique le docteur
Hooker m'ait envové maintes fois des fleurs fraîches
de deux espèces (A. luteola1 et Loddigesii), ce genre
a été longtemps l'opprobre de mon travail. Toutes les
parties de la fleur me semblaient manifestement
disposées de manière à empêcher la fécondation. Je
pense avoir enfin résolu une partie de cette énigme,
bien que le rôle de quelques organes importants me
soit encore totalement inconnu. Mais d'ailleurs je
ne crois comprendre complètement le mécanisme de
la fécondation chez aucune Orchidée; car plus j'étu-
die nos espèces les plus communes, plus je découvre
de combinaisons nouvelles et admirables.

Le rostellum de l'Acropera, mince et allongé, s'a-

1 Le docteur Lindleym'a|iprfind qu'il ne connaît point celte espèce; l'o-
rigine de ce nom est également inconnue à Kew. Espèce ou variété, celte
forme est très-voisine de Y A. Loddigesii, et n'eu diffère peut-être que
par sa couleur jaune uniforme.

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FÉCONDATION.                                                197

vance perpendiculairement à la colonne (voy. la
/?</. 22); lepédicelle de la pollinie est aussi, par con-
séquent, long et très-mince ; le disque, extraordinai-
rement petit, a la forme d'une calotte visqueuse en
dedans, coiffant l'extrémité du rostellum. Après de
nombreux essais, j'ai vu que le disque ne s'attache à
aucun objet avant d'être entièrement détaché de
la pointe du rostellum ; et on ne peut bien obtenir ce
résultat qu'en poussant tout le rostellum vers le haut,
afin qu'il glisse sur et contre l'objet avec lequel on le
touche : quand le petit disque est ainsi enlevé, il
s'attache bien à cet objet. Le sépale supérieur forme
un capuchon qui enveloppe et protège la colonne. Le
labellum est un organe extraordinaire, qui défie toute
description : il articule avec la base de la colonne par
une bande mince, tellement élastique et flexible que
le moindre souffle la fait vibrer. Il est pendant, et
ceci semble être important à noter, car la plante elle-
même est pendante, et pour mettre le labellum dans
cette position, le support de chaque fleur (ovaire)
s'incurve en demi-cercle. De chaque côté, les deux
pétales supérieurs peuvent guider un objet sous le
capuchon que figure le sépale supérieur. Mais com-
ment toutes ces pièces peuvent-elles conduire l'in-
secte à pousser quelque partie de son corps sous le
capuchon, pour soulever le rostellum et en détacher
le petit disque visqueux? Je ne peux nullement le
comprendre.

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198                                                ACROPERA.

La pollinie, lorsqu'elle s'est attachée à un objet
par son disque, exécute le mouvement ordinaire d'a-
baissement; et ceci semble inutile, car la cavité du
stigmate est placée haut (voir fig. 22), à la base de
la saillie perpendiculaire que forme le rostellum.
Mais ce n'est là, relativement, qu'une petite diffi-
culté; la difficulté réelle provient de ce que l'orifice
de la chambre stigmatique est tellement étroit qu'on
a beaucoup.de peine à y introduire les masses polli-
niques. J'ai essayé de le faire à plusieurs reprises et
n'ai réussi que trois ou quatre fois. Même après avoir
laissé les masses polliniques se dessécher pendant
une heure, ce qui les fait diminuer un peu de vo-
lume, j'ai rarement pu les faire entrer. J'ai examiné
de jeunes fleurs et des fleurs presque flétries, pen-
sant que la largeur de l'orifice pourrait varier pen-
dant la floraison, car nous avons vu que cet orifice se
ferme chez une espèce de Bolbophyllum ; mais j'ai
toujours eu la même peine à introduire les pollinies.
Cependant, si l'on remarque que le disque visqueux
est extrêmement petit, que par conséquent sa force
d'adhésion n'est pas aussi grande que chez les Orchi-
dées où il est de grande taille, et que le pédicelle
est grêle et allongé, il semble presque indispensable,
pour que l'introduction des pollinies soit facile, que
la chambre stigmatique ait une largeur inaccou-
tumée. Or, nous avons vu que, loin d'être ainsi, elle
est tellement resserrée que j'ai rarement pu faire

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FÉCONDATION.

199

entrer dans son intérieur même une seule masse pol-
linique. En outre, comme l'a également observé le
docteur Hooker, la surface du stigmate est singuliè-
rement peu visqueuse!

J'avais mis ce cas de côté comme inexplicable lors-
qu'il me vint à l'esprit que, bien qu'on ne connaisse
aucun exemple de séparation des sexes chez les Or-
chidées, l'Acropera que j'examinais pourrait bien
être une plante mâle1. Je regardai alors les utricules

1 [J'ai commis une grande erreur, en supposant que, dans ce genre,
les sexes sont séparés. M. J. Scott, du Jardin botanique royal d'Edim-
bourg, m'a bientôt convaincu que l'Acropera est hermaphrodite, en
m'envoyant des capsules pleines de bonnes graines, qu'il avait obtenues
en ouvrant la chambre du stigmate et y introduisant alors des masses
polliniques prises sur la même plante. Mon erreur a été causée par mon
ignorance de ce fait remarquable, si bien décrit depuis par le docteur
Hildebrand (Botanische Zeitung, 1865, Oct. 30 et Aug. 4, 18G5), que
chez plusieurs Orchidées, les ovules ne se développent que quelques se-
maines ou même quelques mois après la pénétration des tubes pollini-
ques dans le tissu du stigmate. Si j'avais examiné les ovaires de l'Acro-
pera quelque temps après que les fleurs se sont flétries, j'aurais certai-
nement trouvé des ovules bien développés. Je sais maintenant que chez
plusieurs Orchidées exotiques, outre l'Acropera (par exemple les Gon-
gora, Cirrhœa, Acinela, Stanhopea, etc.), l'entrée de la chambre stig-
malique est si étroite qup les masses polliniques ne peuvent y être intro-
duites sans les plus grandes difficultés. On ignore encore comment ces
plantes sont fertilisées. Il est certain que les insectes concourent à leur
fertilisation. Le docteur Crùger a vu une abeille (Euglossa) visiter un
Stanhopea, avec une pollinie fixée sur son corps, et des abeilles du même
genre visitent sans cesse les Gongora. Fritz Millier a remarqué (Bolan.
Zeitung., Sept. 18G8, s. C5(J) que si l'un des bouts de la masse polli-
nique s'engage dans l'étroit orifice de la chambre stiginatique d'un Cir-
rhœa, il est humecté par le fluide du stigmate et se gonfle, et la masse
pollinique entière est ainsi graduellement attirée vers le stigmate. Mais,
d'après des observations que j'ai faites sur l'Acropera et le Slanhoppa dans
ma propre serre chaude, je soupçonne que chez beaucoup de ces Orchi-

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200                                      ACROPLRA.

de la surface stigmatique sur des échantillons qui
avaient séjourné dans de l'esprit-de-vin, et je les
trouvai vides, semblables à de petites loges de verre,
mais généralement pourvues d'une aréole pâle ou
d'un noyau visible1. Puis, j'ai examiné les mêmes
utricules sur un très-grand nombre d'Orchidées, et
jusqu'ici je n'ai trouvé aucune exception à cette règle
que l'esprit-de-vin y détermine la coagulation d'une
quantité considérable de matière d'un brun jaunâtre.
J'ai pris des Orchidées fraîches et les ai plongées dans
l'esprit-de-vin ; après vingt-quatre heures, le contenu
des utricules était coagulé et les noyaux avaient une
teinte beaucoup plus sombre. Il faudrait de plus
nombreuses observations pour qu'on puisse accorder
une grande importance à ce fait, mais je peux en
inférer dès à présent que les utricules du stigmate de
l'Acropera ne sont pas semblables à celles des autres
Orchidées. L'état de l'ovaire en donne une meilleure
preuve.

Si l'on prend une fine tranche horizontale de cet
ovaire et qu'on l'examine à un très-faible grossisse-
ment, on voit sur les trois segments ou arcs qui

dées, ce n'est pas le gros bout de la pollinie, mais le pédicelle, auquel
fait suite le bout le plus mince , qui est introduit dans la chambre du
stigmate. En introduisant ainsi la pollinie, j'ai pu accidentellement fé-
conder quelques-unes des espèces nommées plus haut, et obtenir des
graines.] C. D.,mai 1869.

1 Voir pour le noyau des utricules stigmatiques, Robert Brown (Lin-
nxan Transactions, vol. XVI, p. 710), elles beaux dessins de Bauer dans
le grand ouvrage de Lindley.

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FÉCONDATION.                                              201

doivent porter les jeunes graines dç petites saillies
qui, à première vue, ressemblent à de vrais ovules.
Mais, si on les examine avec plus de soin, on voit que
ce sont de petites franges membraneuses, un peu
ramifiées, tout à fait fines et transparentes, qui,
chez certains échantillons, présentent la structure
cellulaire beaucoup plus nettement que chez d'au-
tres. Si ces franges sont les placentas, ils sont plus
développés que chez les autres Orchidées; si, comme
je le pense, ce sont les ovules (ou plutôt les tégu-
ments des ovules) dans un état d'atrophie, ces corps
sont plus fermement attachés aux placentas qu'à
l'ordinaire, ils ne laissent pas voir de micropyle à
leurs extrémités libres et on ne distingue pas de
nucelle dans leur intérieur ; aucun d'eux enfin n'est
anatrope. J'ai examiné six ovaires de fleurs vieilles et
jeunes d'Acropera, les unes fraîches, les autres après
immersion dans de l'esprit-de-vin, et les trois
arcs ovulifères étaient toujours à peu près dans le
même état. J'ai examiné aussi, pour comparer, des
ovaires d'Orchidées appartenant à presque toutes les
divisions principales, sur des fleurs vieilles ou jeu-
nes, mais non fécondées, les unes fraîches, les au-
tres après immersion dans l'esprit-de-vin, et in-
variablement les ovules avaient un aspect tout
autre.

De ces quelques faits, savoir : le peu de largeur de
l'entrée de la chambre stigmatique, dans laquelle les

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202                                      ACROPEBA.

masses polliniques peuvent à peine être introduites,
bien que la longueur et la finesse du pédicelle du ros-
tellum, la petitesse du disque visqueux et le mouve-
ment d'abaissement semblent commander une vaste
cavité stigmatique située plus bas, — la faible visco-
sité de la surface du stigmate, — l'état de vacuité
des utricules de cette surface, — et surtout l'état
des arcs ovulifères, je puis inférer que la plante
de Kew, sur laquelle on a cueilli à plusieurs reprises
des fleurs d'Acropera luteola, est une plante mâle.
Après avoir examiné beaucoup d'Orchidées de serre
chaude, je n'ai pas lieu de supposer que la culture
puisse affecter les organes femelles au point de les
rendre tels que je viens de les décrire. Il est à peine
possible d'admettre qu'elle puisse resserrer les so-
lides parois de la chambre du stigmate1. Je ne vois
donc rien qui infirme ma conclusion sur le sexe mâle
de cette plante.

La forme femelle ou hermaphrodite de l'Acropera
luteola ressemble-t-elle beaucoup à la forme mâle,
ou bien est-elle encore déguisée sous un autre nom
et attribuée à un genre distinct? il m'est impossible
de le dire. Chez l'Acropera Loddigesii, très-voisin de

1 Sur un épi de Goodyera discolor (du Brésil), que m'a envoyé M. Ba-
teman, et dont toutes les fleurs, déformées et monstrueuses, avaient des
stigmates imparfaits, j'ai trouvé des ovules pourvus de nucelles très-
saillants hors des téguments ( exactement tels que les a figurés Bron-
gniart sur un Epipactis dans les Annales des sciences naturelles, t. xxiv,
1851, pi. 9), et en apparence bien développés.

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FÉCONDATION.                                             205

l'A. luteola et n'en différant que par la couleur, j'ai
trouvé de même une difficulté presque insurmon-
table à faire entrer les masses polliniques dans la
cavité du stigmate; mais quand j'ai examiné cette
espèce, je ne soupçonnais pas encore que toutes
les plantes connues de ce genre fussent mâles, et je
n'ai pas pris garde à l'ovaire.

J'ai maintenant décrit, peut-être avec trop de dé-
tail, quelques-unes des nombreuses combinaisons
qui assurent la fécondation des Yandées. Position
relative des organes, frottement, viscosité, mouve-
ments élastiques ou hygrométriques, toutes choses
parfaitement en harmonie les unes avec les autres,
concourent au résultat. Mais la mise en œuvre de tous
ces moyens est subordonnée à l'intervention-des in-
sectes ; sans leur aide, aucune plante dans cette
tribu, parmi les vingt-quatre genres que j'ai exami-
nés , sauf celles qui produisent des fleurs toujours
closes et pourtant fécondes, ne pourrait produire
une graine. De plus, il est évident que dans la grande
majorité des cas, l'insecte n'enlève les pollinies qu'en
se retirant de la fleur et, les transportant avec lui,
effectue l'union de deux fleurs distinctes. Ceci est
parfaitement clair dans les cas nombreux où les pol-
linies changent de position, après avoir été détachées
du rostellum, et se placent de manière à frapper ai-
sément le stigmate; elles ne peuvent le faire, en
effet, que lorsque l'insecte a quitté la fleur qui joue

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!iOi                                            VANDÉES.

le rôle de mâle, et avant qu'il en ait visité une se-
conde, destinée à jouer celui de femelle1.

* [J'ai reçu de Fritz Mùller plusieurs lettres contenant un nombre
étonnant d'observations neuves et très-curipuses, sur la structure et la
fécondation croisées de diverses Orcbidées de la partie sud du Brésil. Je
regrette beaucoup que le manque de temps et d'espace ne me permette
pas de donner un extrait de ces nombreuses découvertes, qui viennent
à l'appui des conclusions générales de mon travail. Mais j'espère qu'un
jour leur auteur sera conduit à en publier un compte rendu détaillé.]
CD., mail8G9.

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CHAPITRE \ï

Catasétidées, les plus remarquables de toutes les Orchidées. — Mécanisme
par lequel les pollinies des Catasetum sont lancées à distance et trans-
portées par les insectes. — Sensibilité des cornes du rostellum. —
Différence extraordinaire entre les formes mâle, femelle et herma-
phrodite du Catasetum tridentatum. — Mormodes ignea : curieuse
structure de la fleur, expulsion de ses pollinies.— Cypripedium : im-
portance de la forme du labellum, qui ressemble à un sabot. — Sé-
crétion du nectar. — Avantage qui résulte du temps que tes insectes
mettent à l'aspirer. — Bizirres excroissances du labellum, qui pa-
raissent altirer les insectes.

J'ai réservé pour l'étudier séparément une sous-
tribu des Vandées, celle des Catasétidées, la plus
remarquable, selon moi, de toute la famille des Or-
chidées.

Je commencerai par le genre Catasetum, celui dont
l'organisation est la plus complexe. Une rapide in-
spection de la fleur montre qu'ici, comme chez les
autres Orchidées, une intervention mécanique est
indispensable pour retirer les masses polliniques de
leurs loges et les transporter sur la surface du
stigmate. De plus, nous allons voir que les trois
formes suivantes de Catasetum sont des plantes
màlcs. Il est donc certain que, pour que des graines

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200                                               CATASETUM.

se produisent, les masses polliniques doivent être
transportées sur des plantes femelles. Dans ce genre,
la pollinie est munie d'un disque visqueux de grande
taille ; mais ce disque, au lieu d'être placé, comme
chez les autres Orchidées, de telle sorte qu'un in-
secte visitant la fleur ait grande chance de l'atteindre
et de l'enlever, est tourné en dedans et accolé à la
surface supérieure et postérieure d'une chambre que
je dois nommer chambre stigmatique, bien qu'elle
ne remplisse pas les fonctions de stigmate. Il n'y a
rien dans cette chambre qui puisse attirer les insec-
tes ; et lors même qu'ils y entreraient, il serait diffi-
cile que le disque s'attache à eux, car sa surface
visqueuse est en contact avec la paroi supérieure de la
chambre.

Comment donc fait la Nature?.Elle a doué ces plan-
tes de ce que, faute d'un meilleur terme, j'appellerai
sensibilité, et de la remarquable faculté de lancer
fortement leurs pollinies à distance. C'est pourquoi,
lorsque certains points déterminés de la fleur vien-
nent à être touchés par un insecte, les pollinies sont
lancées comme des flèches qui auraient, au lieu
de barbes, un renflement très-gluant. L'insecte,
troublé par le brusque coup qu'il reçoit ou après
s'être rassasié de nectar, s'envole et s'abat tôt ou
tard sur une plante femelle; il y reprend la posi-
tion qu'il avait lorsqu'il a été frappé, l'extrémité pol-
linifère de la flèche est introduite dans la cavité du

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GÉNÉRALITÉS.                                    207

stigmate, et du pollen s'attache à la surface visqueuse
de cet organe. C'est de cette manière seulement
qu'au moins trois espèces du genre Catasetum sont
fécondées1.

Chez beaucoup d'Orchidées, par exemple les Lis-
tera, les Spiranthes et les Orchis, nous avons vu
que la surface du rostellum est tellement sensible

1 [Afin que le lecteur accepte avec confiance les détails qui suivent,
je ferai quelques remarques préliminaires. A ma grande satisfaction, le
docteur Crûger, directeur du Jardin botanique de la Trinité, a derniè-
rement, par lettres et dans un mémoire inséré dans un journal de la
Société Linnéenne (vol. VIII, Bot., 1864, p. 127), pleinement confirmé
mes observations sur les Catasetum, et les conclusions que j'en avais
déduites. Il m'a envoyé des abeilles qu'il avait vues rongeant le de-
dans du labellum'; elles appartiennent à trois espèces d'Euglossa, et
avaient des pollinies attachées à la surface dorsale et velue de leur
thorax, de telle sorte que, pendant leur vol, elles fussent étendues
sur leur dos et leurs ailes. Le docteur Crûger a reconnu, en cherchant à
fertiliser lui-même ces plantes, que les sexes sont séparés ; Fritz Mùller
a fait de même sur le Catasetummentosum, du Brésil méridional. Néan-
moins, d'après deux notes qu'on m'a adressées, il parait que le Cata-
setum tridentatum, bien que ce soit une plante mâle, produit accidentel-
lement des capsules et des graines ; mais tout botaniste sait que c'est là
une anomalie susceptible de se montrer sur d'autres plantes mâles. Fritz
Mùller a donné (Botanische Zeitung, sept. 1868, s. 630) une descrip-
tion très-intéressante et s'accordant parfaitement avec la mienne , de
l'état des petites pollinies sur les pieds femelles ; l'anthère ne s'ouvre
jamais, et les masses polliniques, n'étant pas attachées aux disques vis-
queux, ne sauraient être enlevées. Les grains de pollen, comme il arrive,
si généralement aux parties ou organes rudimentaires, varient extrême-
ment de dimension et de forme. Cependant Mùller a trouvé qu'en ap-
pliquant ces masses polliniques atrophiées et rudimentaires sur la surp-
lace du stigmate (ce qui ne peut jamais avoir lieu naturellement), on
leur fait émettre des tubes polliniques! C'est là, selon moi, un exemple
vraiment merveilleux de la gradation de structure et de fonction dans
des parties devenues rudimentaires.] C. D., mai 1869.

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208                                               CATASETUM.

que, si on la touche ou si on l'expose aux vapeurs du
chloroforme, elle se rompt suivant certaines lignes
déterminées. Il en est de même dans la tribu des
Catasétidées, mais avec cette remarquable différence
que chez les Catasetum le rostellum se prolonge en
deux cornes recourbées et terminées en pointe, que
j'appellerai les antennes ; elles pendent au-dessus
du labellum sur lequel les insectes s'abattent, et l'ex-
citation produite par le contact d'un corps est trans-
mise le long de ces antennes jusqu'à la membrane
qui doit se rompre ; puis, quand cette rupture a eu
lieu, le disque de la pollinie se trouve subitement
libre. Nous avons vu aussi que chez quelques Vandées
les pédicelles des pollinies restent forcément abattus,
mais sont élastiques et tendent à se redresser, de
sorte qu'aussitôt libres ils s'enroulent brusquement
sur eux-mêmes , sans doute afin de détacher les
masses polliniques des loges de l'anthère. Dans le
genre Catasetum, au contraire, les pédicelles sont
retenus dans une position arquée, et, quand ils
deviennent libres par la rupture des bords du disque
auxquels ils s'attachaient, ils se redressent avec une
telle force que non-seulement ils entraînent hors
de leurs places les masses de pollen et les loges de
l'anthère, mais toute la pollinie est lancée en avant,
au-dessus et au delà de l'extrémité des appendices
que j'ai nommes antennes, à la distance de deux ou
trois pieds. Ici donc, comme ailleurs dans la nature,

[page break]

CA.TASETUM SÀCCATUM.                                     209

une même structure et de mêmes propriétés sont
utilisées pour de nouveaux desseins.

Cataselum saccatum '. — J'entrerai maintenant
dans les détails. On peut juger de l'aspect général de
la fleur dans cette espèce, par la gravure suivante
(fig. 25). On voit en B une vue latérale de la fleur en-
tière, mais avec les pétales et les sépales enlevés,
sauf le labellum ; en A, la face antérieure de la co-
lonne. Le sépale et les deux pétales supérieurs entou-
rent et protègent la colonne ; les deux sépales infé-
rieurs s'avancent transversalement en dehors. La fleur
se tient plus ou moins inclinée d'un côté, mais le
labellum en occupe toujours le bas. Une couleur
sombre et cuivrée, avec des taches orangées ; une
ouverture béante dans un grand labellum bordé de
franges; deux antennes, dont l'une est simplement
pendante et l'autre déjetée en dehors, donnent à ces
fleurs un aspect étrange, sinistre, reptilien.

En avant, au milieu de la colonne, on peut voir la
profonde cavité du stigmate (fig. A, s); on la voit aussi
sur une coupe (fig. 26, c), où l'on a séparé un peu les
disparties les unes des autres, afin de rendre leur
position plus intelligible. Au milieu de la paroi
supérieure de la chambre stigmatique, fort en ar-

4 Je suis très-obligé envers M. James Veitch, de Chelsea, qui m'a
donné le premier une fleur de celte espèce ; plus tard, M. S. Rucker,
dont on connaît la magnifique collection d'Orchidées, m'a généreuse-
ment envoyé deux beaux épis, et m'a aidé de la manière la plus
obligeante au moyen d'autres spécimens.

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GATASGTUJI SAGKVILK

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A. Face antérieure de h colonne

R. Tue latérale île la fleur, *roc les sépales cl les neUles enletc*, *aul le

label lu m.
1- Coupe de la colonne, avec lonle* les parties un peu tliqninu».
D. Pollinift: tac supérieure.
L. I*ollinic : face intérieure. >|tii est ai contact avec le ntficllum.

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212                                       CATASETUM SACCATUlft.

rière (A,cî), on peut distinguer l'extrémité antérieure
du disque visqueux de la pollinie. Ce disque se conti-
nue, de chaque côté, avec une petite frange membra-
neuse qui rejoint les bases des antennes. Au-des-
sus du disque, s'avance un rostellum proéminent,
cordiforme, sur lequel s'applique une fine mem-
brane d'enveloppe. Cette membrane est le pédicelle
de la pollinie (ped., sur la coupe C et en A) : en bas,
il s'attache à la face supérieure du disque visqueux; en
haut, il s'engage sous les loges de l'anthère et va s'unir
aux deux masses polliniques. Dans sa position natu-
relle, le pédicelle est fortement arqué pour recouvrir la
convexité du rostellum ; mais dès qu'il devient libre,
il se redresse avec vigueur, et en même temps, ses
bords latéraux s'enroulent en dedans. Dans le bou-
ton, quand le développement est encore peu avancé,
ce pédicelle membraneux fait partie du rostellum,
mais dans la suite il s'en sépare par suite de la disso
lution d'une couche de cellules.

La pollinie, après qu'elle est devenue libre et qu'elle
s'est redressée, est représentée en D (fig. 26) ; sa face
inférieure, qui est en contact avec le rostellum, se voit
en E ; les bords latéraux du pédicelle sont maintenant
très-recourbés en dedans. Sur cette dernière ligure,
on voit la fente située sur la face inférieure de chaque
masse pollinique. Dans la base de cette fente, se trouve
une couche de tissu très-extensible, formant le eau
diculepar lequel les masses polliniques sont unies au

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STRUCTURE.                                              213

pédicelle. Par une disposition toute spéciale à ce
genre, l'extrémité inférieure du pédicelle s'unit au
disque à l'aide d'une charnière mobile, de telle sorte
que ce pédicelle peut se mouvoir d'arrière en avant
aussi loin que le permet l'extrémité du disque vis-
queux, tournée vers le haut (fig. D). Le disque est gros
et épais ; il se compose d'une membrane supérieure
forte, à laquelle s'attache le pédicelle, et au-dessous,
d'un coussin d'une grande épaisseur, amas de matière
pulpeuse, floconneuse et gluante. La face postérieure
(qui est inférieure sur la figure D) est de beaucoup1 la
plus visqueuse, et c'est forcément elle qui frappe la
première un objet, après l'expulsion de la pollinie.
La matière visqueuse est prompte à durcir. Toute la
surface du disque reste fraîche avant l'expulsion, car
elle est appliquée contre la paroi supérieure de la
chambre stigmatique. Sur la coupe (fig. C), elle est
représentée, comme les autres parties, un peu séparée
de cette paroi.

Le connectif de l'anthère (a, dans les figures) se
prolonge en une pointe, qui adhère lâchement à
l'extrémité effilée de la colonne ; cette extrémité
(f, fig. C), homologiquement, est le filet de l'anthère.
Sans doute l'anthère est ainsi conformée afin de pou-
voir se déchirer plus aisément lorsqu'elle est poussée
par son extrémité inférieure, que la pollinie est mise
en liberté et violemment expulsée, grâce à l'élasticité
du pédicelle.

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214                                 CATASETUM SACCATUM.

Le labellum se tient perpendiculairement à la co-
lonne ou un peu incliné vers le bas ; ses lobes laté-
raux et basilaires se recourbent sous la portion
médiane, afin qu'un insecte ne puisse s'abattre qu'en
face de la colonne. Au milieu du labellum est une
cavité profonde, bordée de crêtes saillantes ; les parois
de cette cavité ne sécrètent point de nectar, mais sont
épaisses et charnues et ont une saveur légèrement
douce et succulente. Je pense, comme nous le ver-
rons plus loin, que les insectes visitent les fleurs du
Catasetum pour ronger ces parois et ces crêtes char-
nues. La pointe de l'antenne gauche se trouve immé-
diatement au-dessus de la cavité, et serait presque
infailliblement atteinte par un insecte conduit à
visiter, dans un but quelconque, celte partie du
labellum.

Les antennes, qui n'existent chez aucun autre genre,
sont les plus singuliers organes de cette fleur. Ce sont
deux cornes rigides, recourbées, se terminant en
pointe. Elles sont formées d'une étroite bande mem-
braneuse, dans les bords se replient en dedans et
viennent se toucher, mais ne se soudent pas ; chaque
corne est donc un tube semblable à la dent à venin
d'une i ipère, et fendu sur un de ses côtés. Elles se
composent de cellules nombreuses , très-allongées,
généralement hexagonales, effilées à leurs deux bouts,
pourvues (comme celles de beaucoup d'autres tissus
(Je la fleur) de nucléus et de nucléoles. Les antennes

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FÉCONDATION.                                              215

sont les prolongements des côtés de la face antérieure
du rostellum. Comme le disque visqueux est en
continuité avec la petite frange membraneuse de
chaque côté, et que cette frange se continue avec
les bases des antennes, ces derniers organes sont
mis en relation directe avec le disque. Le pédicelle
de la pollinie passe entre les bases des deux antennes.
Celles-ci ne sont pas libres dans toute leur longueur ;
leurs bords externes, sur une étendue considérable,
s'unissent intimement et se confondent avec ceux de
la chambre stigmatique.

Dans toutesles fleurs quej'ai examinées, etquiavaient
été cueillies sur trois plantes, les deux antennes avaient
la même position; mais quoique semblables d'ailleurs,
elles n'étaient pas placées symétriquement. La partie
terminale de l'antenne gauche se recourbe vers le
haut (voir fig. B, où cette position est mieux indiquée
qu'en A), et en outre un peu en dedans, de sorte que
sa pointe est sur la ligne médiane et défend l'en-
trée dans la fossette du labellum. L'antenne droite
est pendante, la pointe tournée un peu en dehors ;
par suite de cette position, le pli ou sillon, formé par
l'union de ses deux bords, se voit à l'extérieur;
tandis que sur l'autre antenne, il est caché le long de
la face inférieure. Nous allons voir que l'antenne
droite est un organe secondaire, presque paralysé et
apparemment sans fonctions.

Étudions maintenant l'action de tous ces organes.

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216                                  CATASETUM SACCATUM.

Si l'on touche, dans cette espèce, l'antenne gauche
(l'une ou l'autre antenne dans les deux espèces qui
suivent), les bords de la membrane supérieure du
disque, qui sont en continuité avec la surface environ-
nante, se rompent instantanément, et le disque se
trouve libre. Le pédicelle, qui est très-élastique,
lance aussitôt le disque pesant hoTS de la chambre
stigmatique, et avec une telle force que toute la pol-
linie est expulsée, y compris les deux masses de pol-
len, et que la longue pointe lâchement attachée de
l'anthère, se détache du sommet de la colonne. La
pollinie est toujours lancée avec son disque visqueux
en avant. J'ai imité cette action avec un petit fragment
de baleine, portant à l'un de ses bouts un léger poids
qui représentait le disque; l'ayant courbé contre un
objet cylindrique, j'ai retenu doucement son extré-
mité supérieure sous la tête arrondie d'une épingle,
pour simuler l'action ralentissante de l'anthère, puis,
laissant tout à coup l'extrémité inférieure libre, j'ai
vu la haleine violemment lancée, comme la pollinie
du Catasetum, avec le petit poids en avant.

Je me suis assuré que le disque est lancé le premier,
en pressant avec un scalpel sur le milieu du pédicelle,
et touchant ensuite l'antenne; le disque sortitaussitôt,
mais à cause de la pression exercée sur le pédicelle,
la pollinie resta en place. L'élasticité du pédicelle,
cause de ce brusque redressement qui entraîne l'ex-
pulsion des pollinies, se manifeste encore dans le sens

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FÉCONDATION.                                              217

transversal : si l'on fend en deux un tuyau de plume,
et qu'on en fasse glisser la moitié sur un crayon trop
épais, dès que la pression qu'on a dû employer cesse,
il se contracte et se détache du crayon ; or, le pédi-
celle de la pollinie se comporte d'une manière ana-
logue, car ses deux bords, dès qu'ils le peuvent, se
recourbent en dedans. Ces forces combinées suffisent
pour lancer violemment la pollinie à une distance de
deux ou trois pieds. Quelques personnes m'ont rap-
porté, qu'ayant touché des fleurs de ce genre dans
leurs serres chaudes, elles ont été frappées à la figure
par les pollinies. J'ai touché moi-même les antennes
du G. callosum, en tenant la fleur à 92 centimètres en-
viron de la fenêtre, et j'ai vu la pollinie frapper un
carreau de vitre et s'attacher par son disque adhésif
à la surface lisse et verticale du verre.

Les observations suivantes sur la nature de l'exci-
tation par suite de laquelle le disque se sépare des
parties voisines, ont été faites quelquefois sur les deux
espèces dont je parlerai après celle-ci. Quelques fleurs
qu'on m'a envoyées par la poste ou le chemin de fer,
ont dû éprouver beaucoup de secousses, et cependant
l'expulsion des pollinies n'avait pas eu lieu. J'ai laissé
deux fleurs tomber de la hauteur de deux ou trois
pouces sur une table, sans que ce phénomène se pro-
duise. A l'aide d'une paire de ciseaux, j'ai coupé l'o-
vaire immédiatement au-dessous de la fleur, les sé-
pales, et même dans quelques cas la masse épaisse du

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218                                 CATASETUM SACCATUM.

labellum ; mais cette mutilation n'a pas eu le résultat
attendu. Des piqûres profondes dans diverses parties
de la colonne et même dans la chambre stigmatique,
n'ont pas eu plus d'effet. Un coup, assez fort pour
faire tomber brusquement l'anthère, comme il m'est
arrivé une fois par accident, détermina l'expulsion
des pollinies. Deux fois, j'ai pressé assez fortement
sur le pédicelle, et par conséquent sur le rostellum
qu'il recouvre, mais sans résultat. J'ai comprimé le
pédicelle et doucement écarté l'anthère; alors l'ex-
trémité pollinifère de la pollinie jaillit au dehors en
vertu de son élasticité, et ce mouvement entraîna la
séparation du disque d'avec les parties voisines. Ce-
pendant M. Ménière1 a montré que l'anthère se dé-
tache quelquefois d'slle-même, ou peut être détachée
délicatement, sans que le disque devienne libre, et
qu'alors le pédicelle reste pendant en avant du stig-
mate.

Après avoir expérimenté sur quinze fleurs apparte-
nant à trois espèces, je reconnais qu'une violence
modérée, exercée sur une partie quelconque de la
fleur à l'exception des antennes, reste sans effet.
Mais quand on touche l'antenne droite chez le C. sac-
catum, ou l'une ou l'autre antenne chez les deux es-
pèces suivantes , la pollinie est lancée à l'instant
même. Les antennes sont sensibles à leur pointe et

» Bulletin de la Soc. bot. de France, t. I, 185t, p. 367.

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FÉCONDATION.                                               219

dans toute leur longueur. Sur une fleur de C. triden-
tatum, il m'a suffi de les toucher avec une soie de
porc ; cinq fleurs de C. saccatum ont exigé le léger
contact d'une fine aiguille; enfin, pour quatre autres,
un petit coup fut nécessaire. Même sur le C. triden-
tatum, un courant d'air ou d'eau froide, dirigé au
moyen d'un petit tuyau, ne suffisent pas; dans aucun
cas un cheveu d'homme n'est assez fort : ainsi, les
antennes sont moins sensibles que le rostellum du Lis-
tera. Mais une extrême sensibilité n'eût pas été utile
à cotte plante, car il y a lieu de croire que les fleurs
en sont visitées par de gros insectes.

Il est presque certain que la mise en liberté du dis-
que ne résulte pas simplement d'un mouvement des
antennes; car celles-ci, sur une longueur considé-
rable, adhèrent fermement aux bords de la chambre
stigmatique, et sont ainsi fixées et inamovibles près
de leurs bases. Quelques fleurs, lorsque je les ai re-
çues, n'étaient pas sensibles ; mais elles le sont deve-
nues après une immersion d'un jour ou deux dans
l'eau. J'ignore si ce fait est dû à une maturation plus
complète ou à l'absorption de l'eau. Deux fleurs de C.
callosum, dont la sensibilité était tout à fait engour-
die, furent plongées dans de l'eau tiède pendant une
heure, et leurs antennes devinrent très-sensibles ;
ceci indique que le tissu cellulaire des antennes doit
devenir turgescent pour être à même de recevoir et
de transmettre les effets du contact, et me conduit

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220                                 CATASETUM SACCATUM.

à supposer qu'une vibration se transmet d'un bout à
l'autre de ces organes ; s'il en est ainsi, la vibration
doit être de quelque nature spéciale, car l'action or-
dinaire de diverses forces plus grandes n'entraîne pas
la rupture. Deux fleurs placées dans de l'eau chaude,
pas assez chaude cependant pour me brûler les doigts,
lancèrent spontanément leurs pollinies. Ayant perdu
une plante sur laquelle je me proposais de faire d'au-
tres expériences, je n'ai pas vu comment agissent les
gouttes ou la vapeur des fluides acres. D'après ces
derniers faits, on peut se demander si c'est bien une
vibration, produite par le léger contact d'une aiguille,
qui est transmise d'un bout à l'autre des antennes.
J'ai constaté que, chez le G. tridentatum, les antennes
ont un pouce et un dixième de long, et que si l'on
touche doucement avec une soie leur extrême pointe,
la vibration qui en résulte est transmise, autant que
j'ai pu en juger, instantanément dans toute leur lon-
gueur. J'ai mesuré la longueur de plusieurs cellules
du tissu des antennes, et par un grossier calcul, j'ai
trouvé que cette transmission doit se faire à travers
non moins de soixante-dix à quatre-vingts cellules fer-
mées.

Nous pouvons, du moins, sûrement conclure que
les antennes, quicaractérisentlegenreCatasetum, sont
spécialement destinées à recevoir les effets d'un con-
tact et à les transmettre au disque de la pollinie; ce
qui amène la rupture d'une membrane et, par un

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FÉCONDATION.                                              221

phénomène d'élasticité, l'expulsion de toute la polli-
nie. S'il faut une preuve de plus, elle est fournie par
la plante dont on a fait le genre Monachanthus, et qui,
comme nous le verrons plus loin, est le pied femelle
du Gatasetum tridentatum ; comme elle n'a point de
pollinies à lancer, elle manque entièrement d'an-
tennes.

J'ai dit que, chez le C. saccatum, l'antenne droite
est invariablement pendante, avec la pointe tournée
un peu en dehors, et qu'elle est presque paralysée.
Cette opinion repose sur cinq expériences, dans les-
quelles j'ai violemment frappé, ployé et piqué cette
antenne, sans produire aucun effet; tandis qu'à peine
avais-je touché l'antenne gauche avec une force bien
moindre, la pollinie était lancée en avant. Dans un
sixième cas, un grand coup sur l'antenne droite dé-
termina l'expulsion : cette antenne n'est donc pas
complètement paralysée. Mais comme elle ne défend
pas l'abord du labellum qui, chez toutes les Orchidées,
semble être chargé d'attirer les insectes, sa sensibilité
eût été inutile.

La grande dimension de cette fleur, celle surtout
de son disque visqueux, et la merveilleuse puissance
d'adhésion de celui-ci, me font admettre que le C. sac-
catum est visité par de gros insectes. La matière
visqueuse, quand elle a durci, devient si adhérente,
et le pédicclle est si fort (bien qu'il soit très-mince et
large seulement d'un vingtième de pouce à sa base)*

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222                                  CATASETUM SACCATUM.

qu'à ma grande surprise, il a pu supporter pen-
dant quelques secondes un poids de 1,262 grains,
c'est-à-dire près de 90 grammes ; il a résisté
pendant un temps considérable à un poids un peu
moins fort. Quand la pollinie est lancée, la grande
pointe de l'anthère est généralement entraînée avec
elle. Quand le disque va frapper une surface plane,
comme celle d'une table, l'extrémité pollinifère de
la pollinie est souvent entraînée au delà du disque par
suite de la pesanteur de l'anthère, et la pollinie, si
elle s'attachait au corps d'un insecte, se fixerait ainsi
dans une position fâcheuse au point de vue de la fer-
tilisation. De plus, elle décrit souvent un arc trop
accentué1. Mais il ne faut pas oublier que, dans la

4 M. Bâillon (Bull, delà Soc. bot. de France, 1.1, 1854, p. 285) dit que
le Calaselum luriduvi lance toujours sa pollinie en ligne droite et dans
une direction telle qu'elle s'attache de suite au fond de la concavité du
labellum : dans cette position, selon lui, elle féconde la fleur suivant un
procédé qui n'est pas clairement expliqué. Dans un mémoire inséré
dans le même recueil (p. 567), M. Ménière attaque avec raison la con-
clusion de M. Bâillon. 11 remarque qu'on peut facilement détacher l'an-
thère , qui se détache quelquefois d'elle-même ; dans ce cas, grâce à
l'élasticité du pédicelle, les pollinies restent pendantes, et le disque
visqueux reste encore adhérent au plafond de la chambre du stigmate.
M. Ménière donne ensuite à entendre que, par le retrait subséquent et
progressif du pédicelle , les masses polliniques pourraient être entraî-
nées dans la chambre stigmatique. Ceci ne saurait avoir lieu sur les
trois espèces que j'ai examinées et y serait inutile. M. Ménière continue
en montrant de quelle importance sont les insectes pour la fertilisation
des Orchidées ; il parait croire que leur intervention est nécessaire chez
les Cataselum, que ces plantes ne pourraient se féconder elles-mêmes.
M. Bâillon et M. Ménière décrivent tous deux correctement la posiliou
recourbée du pédicelle élastique lorsqu'il n'est pas encore litre. Ni

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CÀTASETUM CALLOSUM.                                 225

nature, l'expulsion résulte du contact des antennes
avec un gros insecte posé sur le labellum, et dont la
tête et le thorax doivent être peu éloignés de l'anthère.
Un objet arrondi, mis dans la même position, est
toujours frappé exactement à son milieu, et si on le
retire avec la pollinie qui s'est attachée à lui, celle-ci
s'abat sous le poids de l'anthère à partir de son arti-
culation avec le disque ; alors l'anthère tombe, lais-
sant les masses polliniques libres et dans une position
convenable pour la fertilisation. L'utilité d'une expul-
sion aussi violente de la pollinie est sans doute d'ap-
pliquer le coussin doux et gluant du disque sur le
thorax velu de quelque gros hyménoptère ou le dos
sculpté d'un scarabée qui cherche sa nourriture sur
les fleurs. Quand le disque et le pédicelle se sont at-
tachés à l'insecte, celui-ci ne peut certainement s'en
débarrasser; mais les caudicules se brisant assez ai-
sément, les masses polliniques doivent être déposées
sur le stigmate visqueux d'une fleur femelle.

Cataselum callosum. — Cette fleur ', plus petite
que la précédente, lui ressemble à beaucoup d'égards.
Le bord du labellum est couvert de papilles ; sa ca-
vité médiane est petite, et derrière elle se trouve une
longue saillie en forme d'enclume ; je mentionne ces

l'un ni l'autre de ces botanistes ne semble savoir que les espèces du
genre Catasetum (du moins les trois espèces que j'ai examinées) ne sont
en réalité que des plantes mâles.

1 Un bel épi de ces fleurs m'a été très-obligeamment envoyé par
M. Rucker et déterminé par le docteur Lindley.

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224                                  CATASETDM TRIDENTATUM.

détails parce que cette forme est voisine du Myanthus
barbatus, que je vais décrire de suite. Le pédicelle
est coloré enjaune, très-arqué, uni par une charnière
à un disque extrêmement visqueux. Quand l'une ou
l'autre des antennes est atteinte, les pollinies sont
lancées avec beaucoup de force. Les deux antennes
sont placées symétriquement de chaque côté de la
saillie en forme d'enclume, et leurs pointes sont dans
la cavité du labellum. Les parois de cette cavité ont
un goût succulent et agréable. Les antennes ont cela
de remarquable, que toute leur surface est hérissée
de papilles. La plante que je décris ainsi n'est qu'une
forme mâle.

Catasetum tridentatum. — L'aspect général de cette
fleur est tout autre que celui des deux premières ; la
figure 27 la représente, avec un sépale enlevé de
chaque côté. Le labellum occupe le haut de la fleur,
situation opposée à celle qu'il a chez la plupart des
Orchidées ; il a la forme d'un casque ou d'un seau,
qui serait terminé par trois petites pointes. Il est
clair, d'après cette position, qu'il ne peut contenir de
nectar ; mais ses parois sont épaisses, et ont, comme
chez les fleurs précédentes, un goût succulent et
agréable. La chambre stigmatique, bien qu'elle ne
remplisse pas les fonctions de stigmate, est de grande
taille. Le sommet de la colonne et la pointe effilée
de l'anthère sont moins allongés que chez le G. sac-
catum. Pour le reste, il n'y a pas de différence impor->

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STRUCTURE.                                          22

tante. Les antennes sont plus longues et leurs pointes,
sur un vingtième environ de leur longueur, sont hé-
rissées de cellules papilliformes.

Comme précédemment, le pédicelle de la pollinie
s'articule avec le disque à l'aide d'une charnière ;
l'extrémité antérieure du disque est tournée vers le

CATASETUM TUIDENTATUM.

a. ANTHÈHE.                                                   M. ANTEHNES.

pd. PÉDICELLE DE LA l'OLLISlE.              I. LAHELLUSI.

A.  Vue latérale de la fleur dans sa position naturelle ; les deux sépales in-
férieurs sont coupés.

B.  La colonne vue par devant et dressée.

haut, de sorte que le pédicelle, quand il est attaché
à la tête d'un insecte, ne peut se porter en arrière,
mais seulement en avant, mouvement qui paraît in-
tervenir dans la fertilisation de la plante femelle.
Comme dans les autres espèces, le disque est de grande
taille, et son extrémité postérieure qui, lors de l'ex-

15

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226                                  CATASETUM TRIDENTATUM.

pulsion, va frapper l'objet la première, est beaucoup
plus visqueuse que le reste de la surface. Cette sur-
face est humectée par un fluide laiteux qui, exposé à
l'air, brunit rapidement et se prend en une matière
de la consistance du fromage. La face supérieure du
disque est une membrane forte et formée de cellules
polygonales ; chacune de ces cellules contient une
ou plusieurs masses d'une matière brune et translu-
cide. Cette membrane recouvre, en lui adhérant, une
couche épaisse composée de masses arrondies de ma-
tière brune (dans la partie inférieure, leur forme de-
vient extrêmement irrégulière) séparées l'une de
l'autre, et enfouies dans une substance transparente,
homogène et très-élastique. Vers l'extrémité posté-
rieure du disque, cette couche se transforme en une
matière extrêmement visqueuse qui, solidifiée, de-
vient brune, translucide et homogène. Ainsi, le
disque a une structure beaucoup plus complexe que
chez les autres Vandées.

Je ne décrirai rien de plus dans cette fleur, si ce
n'est la position des antennes. Sur les six fleurs que
j'ai examinées, elles étaient placées exactement de
même. Elles nesont pas symétriques. Toutes deux sont
sensibles, mais j'ignore si c'est au même degré. Toutes
deux se recourbent sous la voûte du labellum : l'an-
tenne gauche s'élève plus haut, et sa pointe s'incurve
en dedans vers le milieu ; l'antenne droite est plus
basse et mesure toute la base du labellum, mais sa

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FORMES SEXUELLES.                                       227

pointe dépasse à peine le bord gauche de la base delà
colonne. Grâce à la disposition des pétales et des sé-
pales, un insecte visitant la fleur doit, presque sûre-
ment s'abattre sur la crête du labellum; mais il lui sera
difficile de ronger une partie quelconque de la grande
cavité du labellum sans toucher une des deux an-
tennes, car la gauche en défend la partie supérieure,
et la droite l'inférieure ; et dès que l'une d'elles sera
touchée, la polliniesera infailliblement lancée et vien-
dra frapper la tête ou le thorax de l'insecte.

On peut se représenter la position des antennes chez
ce Catasetum en supposant un homme dont le bras
gauche serait soulevé et plié de façon que la main
soit en avant de la poitrine, et dont le bras droit croi-
serait ce dernier en passant plus bas, ses doigts
atteignant un peu au delà du côté gauche. Chez le C.
callosum, les deux bras descendent plus bas et s'éten-
dent symétriquement. Chez le C. saccatum, le bras
gauche est plié et dirigé en avant, comme chez le G.
tridentatum, mais plus bas ; tandis que le bras droit
est pendant, presque paralysé, avec la main tournée
un peu en dehors. Dans chacun de ces cas, dès qu'un
insecte visite le labellum, les antennes transmettent
admirablement bien leur message, et le moment est
dès lors venu où la pollinie est lancée et transportée
à la plante femelle..

Le Catasetum tridentatum intéresse à un autre point
de vue. Les botanistes furent surpris, quand sir

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228                               CATASETUM TRIDENTATUM.

R. Schomburgk * affirma qu'il avait vu trois formes,
regardées comme constituant trois genres distincts, le
Catasetum tridentatum, le Monachanthus viridis et le
Myanthus barba tus, croître toutes trois sur un même
pied. Lindley fit observer5 « qu'un tel fait ébranle
jusque dans leurs fondements toutes nos idées sur
la stabilité des genres et des espèces.» Sir R. Schom-
burgk affirme avoir vu des centaines de pieds deC. tri-
dentatum dans l'Essequibo, sans en trouver un seul
qui portât des graines5 ; tandis qu'il fut surpris de
voir les gigantesques loges séminifères du Monachan-
thus. Il remarque avec justesse «qu'on a ici des indi-
ces de différence sexuelle chez les fleurs des Orchi-
dées. »

Le cours de mes recherches m'a conduit à exami-
ner moi-même avec soin, les organes femelles des C.
tridentatum, callosum et saccatum. Dans aucun cas la

1  Transactions ofthe Linnxan Society, vol. XVII, p. 522. — Le doc-
leur Lkidley a publié (Bolanical Regisler, fol. 1951) le cas d'une autre
espèce de Myanthus et de Monachanthus se rencontrant sur la même
tige : il parle aussi d'autres cas analogues. Quelques fleurs étaient dans
un état intermédiaire, ce qui n'est pas étonnant, car on trouve parfois
des plantes dioïques qui reprennent partiellement les caractères de
l'hermaphrodisme. M. Rodgers, de Riverhill, m'a fait savoir qu'ayant
apporté de Demerara un Myanthus, il le vit, à la seconde floraison,
métamorphosé en Catasetum. Le docteur Carpenter (Comparative Phy-
siology, 4° édit., p. G33) fait allusion à un fait semblable observé à
Bristol.

2  The Vegelable Kingdom, 1853, p. 178.

3 M. Brongniart dit (Bull, de la Soc. bot. de France, tom.'H, 1855,
p. 20) que M. Neumann, habile à pratiquer la fécondation artificielle des
Orchidées, n'a jamais réussi à féconder les Catasetum.

[page break]

FORMES SEXDELLES.                                       229

surface du stigmate n'était visqueuse, comme cela a
lieu chez toutes les autres Orchidées excepté Jes Cypri-
pedium, et bien qu'elle ne puisse, sans cela, briser les
caudicules et retenir les masses polliniques : j'ai soi-
gneusement étudié ce point sur des fleurs jeunes et
avancées de C. tridentatum. Si on enlève en grattant,
sur les trois espèces ci-dessus, la surface de la cham-
bre et du canal stigmatiques, après immersion dans
l'esprit-de-vin, on trouve qu'elle est composée d'utri-
cules contenant des noyaux semblables pour la forme
à ceux des autres Orchidées, mais beaucoup moins
nombreux. Les utricules adhèrent mieux entre elles
et sont plus transparentes ; pour comparer, j'ai exa-
miné les mêmes utricules sur plusieurs espècos d'Or-
chidées que j'avais plongées dans de l'esprit-de-vin,
et je les ai toujours trouvées beaucoup moins trans-
parentes. Chez le C. tridentatum, l'ovaire est plus
court, beaucoup moins profondément sillonné, plus
étroit à la base et plus plein intérieurement, que chez
le Monachanthus. De plus, chez les trois espèces de
Catasetum, les cordons ovulifères sont courts, et les
ovules diffèrent considérablement de ceux d'un grand
nombre d'autres Orchidées, auxquels j'ai pu les compa-
rer ; ils sont plus fins, plus transparents et moins pul-
peux. Ils n'étaient pourtant pas aussi complètement
atrophiés que ceux de l'Acropera. Bien que, par leur
aspect général et leurs connexions, ils correspondent
si clairement à de véritables ovules, peut-être n'ai-je

[page break]

230                                   CATASETUM TRIDENTATUM.

pas rigoureusement le droit de les désignerainsi, car
dans aucun cas je n'ai pu découvrir le micropyle et
le nucelle intérieur; en outre, ils ne sont jamais ana-
tropes.

En résumé, l'ovaire est étroit et court, sa surface
est plus unie, les cordons ovulifères sont moins longs,
les ovules eux-mêmes sont presque atrophies, la sur-
face du stigmate n'est pas visqueuse et ses utiïcules
sont vides : si l'on rapproche de ces faits le témoi-
gnage de sir R. Schomburgk, qui n'a jamais vu le G.
tridentatum produire des graines dans sa propre
patrie, on peut regarder avec confiance cette prétendue
espèce, aussi bien que les deux autres, comme exclu-
sivement mâle.

Pour le Monachanthus viridis et le Myanthus barba-
tus, j'ai dû à l'obligeance du président et des direc-
teurs de la Société linnéenne, de pouvoir examiner
l'épi qui portait ces deux fleurs, conservé dans l'esprit-
de-vin et envoyé par sir R. Schomburgk. Elles sont
représentées par la figure 18. Chez le Monachanthus,
comme chez le Catasetum, le labellum occupe le haut
de la fleur ; sa cavité n'est pas à beaucoup près aussi
profonde, surtout sur les côtés, et son bord est crénelé.
Les autres pétales et les sépales sont tous réfléchis,
et moins tachetés que ceux du Catasetum. La bractée
qui esta la base de l'ovaire est beaucoup plus grande.
Toute la colonne, surtout le filet et la pointe de l'an-
thère, sont de bien plus petite dimension ; le rostel-

[page break]

FORMES SEXUELLES,                                     251

lum est beaucoup moins saillant. Les antennes man-
quent complètement, et les masses polliniques sont
rudimentaires. Ces faiissont intéressants, parce qu'ils
confirment l'opinion émise sur la fonction des anlen-

fie. 28.

VIHTIIIH lUttlATl*.

an. àJtlUNi*,

t. lAblLIAX.

p. MASSE HÏLlWlQI J: Rt'IiîXt.M A'IiE.

s. rrxrr sncvATieri:.

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relle (Ces iIl*ik dessins sonl ambres tf'nnres le <k*siii île ÏL Iteiss dans
Les tjHH<ra$t Trttnsafti&tt**\

0* Yue iiii i\t\r d'un.* ftVnrrie M^mthus bartatusdiuu*zt position naturelle.

nés; en effet, puisqu'il n'y a pas ici de vraies pollinies
a lancer, il était inutile qu'un organe spécial trans-
mette l'ébranlement du a son contact avec un corps

[page break]

252                                  CATASETUM TR1DENTATUM.

étranger, jusqu'au rostellum. Je n'ai pas trouvétrace
de disque visqueux ou de pédicelle ; si ces organes
existent, il faut qu'ils soient extrêmement rudimen-
taires, car il n'y a presque point d'espace pour loger
le disque.

Au lieu d'une vaste chambre stigmatique, on trouve
une fente transversale étroite, immédiatement au-
dessous de la petite anthère. J'ai pu introduire une
des masses polliniques du Catasetum mâle dans cette
fente, qui pour avoir été plongée dans l'esprit-de-vin,
était couverte de gouttelettes coagulées de matière
visqueuse, et d'utricules. Ces cellules du stigmate
différant de celles que nous avons étudiées chez le
Catasetum, étaient pleines (après leur immersion dans
l'esprit-de-vin) d'une matière brune. L'ovaire est plus
long, plus épais vers sa base, plus franchement
sillonné que chez le Catasetum ; les cordons ovulifères
sont aussi beaucoup plus longs, les ovules plus opa-
ques et plus pulpeux, comme chez toutes les Orchi-
dées communes. Je crois avoir vu le micropyle à
l'extrémité semi-anatrope du testa, avec un gros nu-
celle saillant ; mais comme les échantillons étaient
restés plusieurs années plongés dans l'esprit-de-vin
et qu'ils étaient un peu altérés, je n'ose rien affirmer.
Ces seuls faits montrent d'une manière presque cer-
taine que le Monachanthus est une plante femelle;
et, en effet, sir R. Schomburgk l'a vu couvert de
graines abondantes. Sa fleur diffère de la manière la

[page break]

FOBMES SEXDELLES.                                       233

plus frappante de la fleur mâle du Catasetum triden-
tatum, et il ne faut pas s'étonner que ces deux plantes
aient été d'abord rangées dans deux genres distincts.
Les masses polliniques nous donnent un exemple
si curieux et si juste d'une organisation rudimentaire
qu'elles méritent une description spéciale ; .mais je
dois décrire auparavant les masses polliniques par-
faites de la plante mâle. On peut les voir en D et en
E, figure 26, attachées au pédicelle; ce sont deux
grosses lames composées de grains de pollen cohé-
rents et cireux, courbées en dessus de manière à for-
mer un sac, avec une fente ouverte le long de la face
inférieure; dans cette fente se loge un tissu cellulaire,
pendant que le pollen est en voie de développement.
Dans la partie inférieure et allongée de chacune
d'elles, se trouve une couche de tissu très-élastique,
formant le caudicule ; son extrémité s'attache au pédi-
celle du rostellum. Les grains de pollen les plu
extérieurs sont plus anguleux, plus jaunes et ont des
parois plus épaisses que les grains intérieurs. Dans
un jeune bouton, les deux masses polliniques sont
enveloppées dans deux sacs membraneux accolés, que
percent bientôt leurs extrémités inférieures et leurs
caudicules ; et alors les extrémités des caudicules
s'unissent au pédicelle. Avant l'épanouissement de
la fleur, les sacs membraneux s'ouvrent, et les masses
polliniques qu'ils renfermaient reposent dès lors à
découvert sur la face postérieure du rostellum.

[page break]

234                                CATA.SETUM TRIDENTATUM.

Chez le Monachanthus au contraire, les deux sacs
membraneux qui renferment les masses polliniques
rudimenlaires ne s'ouvrent jamais ; ils se séparent
aisément l'un de l'autre et se dégagent de l'anthère.
Leur tissu est épais et pulpeux; comme la plupart
des parties rudimentaires, ils varient beaucoup de
dimensions et de forme. Les masses polliniques qui
y sont renfermées, et par conséquent restent sans
usage, n'ont pas le dixième du volume de celles
du mâle; elles ont la forme d'une poire à poudre
(fig. 28, p), avec leur extrémilé inférieure ou la plus
mince, très-développée et perforant presque le sac
membraneux extérieur. Elles sont enlières, sans fente
le long de la face inférieure. Les grains de pollen les
plus extérieurs sont quadrangulaires et ont des parois
plus épaisses, exactement comme sur la plante mâle;
et ce qui est très-curieux, chaque cellule a son nucléus.
R. Brown a établi ' que dans les premières phases de
formation des grains de pollen, chez les Orchidées
ordinaires, on peut souvent distinguer une petite
aréole ou un nucléus ; de sorte que les grains de pol-
len rudimentaires du Monachanthus ont sans doute
gardé, comme il arrive si généralement aux organes
atrophiés dans le règne animal, un caractère embryo-
naire. Enfin, à la base, dans l'intérieur du flacon que
figure la masse pollinique, se trouve une petite masse

1 Transactions ofthe Linnsean Society, vol. XVF, p. 711.

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FORMES SEXUELLES.                                       235

de tissu brun élastique, vestige du caudicule, qui
court dans l'extrémité mince du flacon, mais (du
moins sur quelques échantillons) n'atteint pas la sur-
face extérieure, et ne peut avoir été attachée à aucune
partie du rostellum. Ces caudicules rudimentaires
sont, par conséquent, complètement sans usage.

Nous voyons donc que chaque détail de structure
caractérisant les masses polliniques de la plante
mâle, se retrouve, avec quelques parties plus déve-
loppées et d'autres légèrement modifiées, dans les
simples rudiments de la plante femelle. De tels faits
sont familiers à tout observateur, mais on ne peut
jamais les étudier sans un nouvel intérêt. A une
époque peu éloignée, les naturalistes apprendront
avec surprise, peut-être avec mépris, que des hommes
sérieux et instruits admettaient autrefois que ces
organes sans usage ne sont pas des restes arrêtés de
bonne heure par le principe d'hérédité à des pério-
des correspondantes de leur développement, mais
ont été créés à part et disposés à leurs places res-
pectives comme des plats sur une table (c'est la com-
paraison qu'a employée un naturaliste distingué) par
une main toute-puissante, « pour compléter le plan
de la nature. »

Arrivons maintenant à la troisième forme, le
Myanthus barbatus [fig. 28, B), qui se développe
souvent sur le même pied que les deux précédentes.
Cette fleur, par son aspect extérieur, mais non par sa

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236                                 CATASETUM TRIDENTATUM.

structure essentielle, diffère plus des deux autres
que celles-ci ne diffèrent entre elles. Elle se tient gé-
néralement dans une position opposée à la leur, c'est-
à-dire que le labellum en occupe le bas. Celabellum
est garni d'un nombre extraordinaire de longues
franges ; il n'a qu'une cavité médiane tout à fait in-
signifiante, au bord postérieur de laquelle fait saillie
une singulière corne recourbée et aplatie. Les autres
pétales et les sépales sont tachetés et allongés, et les
deux sépales inférieurs sont seuls réfléchis. Les an-
tennes ne sont pas aussi longues que dans la fleur
mâle du C. tridentatum ; elles s'avancent symétri-
quement de chaque côté de l'appendice en forme de
corne qui se trouve à la base du labellum, et leurs
pointes, qui ne sont pas hérissées de papilles, attei-
gnent presque la cavité médiane. La chambre stigma-
tique tient à peu près le milieu, pour la dimension,
entre celle du Catasetum et celle du Monachanthus ;
elle est tapissée de cellules chargées d'une matière
brune : l'ovaire droit est franchement sillonné et pres-
que deux fois aussi long que celui du Monachanthus,
mais moins épais au point où il s'unit à la fleur ; les
ovules ne sont pas aussi nombreux que ceux de la fleur
femelle, mais deviennent comme eux pulpeux et opa-
ques après avoir séjourné dans l'esprit-de-vin, et leur
ressemblent à tous égards. Comme'chez le Monachan-
thus, je crois, sans oser l'affirmer positivement, avoir
vu le nucdle faire saillie hors du testa. Lespolhnies

[page break]

GENRE CATASETUM.                                         237

ont environ le quart du volume de celles de la fleur
mâle, mais leur disque et leur pédicelle sont parfai-
tement bien développés. Les échantillons que j'ai exa-
minés avaient perdu leurs masses polliniques ; mais
par bonheur, M. Reiss a donné de ces masses (Linnxan
Transactions) un dessin montrant qu'elles ont propor-
tionnellement la taille nécessaire, et qu'elles pré-
sentent la fente ordinaire et la forme voulue : on ne
peut donc guère douter qu'elles ne soient assez par-
faites pour jouer leur rôle physiologique. On voit que,
sur cette fleur, les organes de l'un et de l'autre sexe
paraissent en état de fonctionner; aussi peut-on con-
sidérer le Myanthus barba tus comme la forme her-
maphrodite d'une seule et même espèce, dont le
Catasctum est la forme mâle et le Monachanthus la
forme femelle.

Chose curieuse, le Myanthus, forme hermaphro-
dite, se rapproche beaucoup plus, par toute son
organisation, de la forme mâle des deux autres espèces
(le Catasetum saccatum, et surtout le C. callosum)
que de la forme mâle ou de la forme femelle de sa
propre espèce.

En résumé, le genre Catasetum offre un intérêt
tout spécial sous certains rapports. La séparation des
sexes est inconnue aux autres Orchidées, sauf proba-
blement, comme nous allons le voir, au genre voisin
Cycnoches. Chez les Catasetum, nous trouvons trois
formes sexuelles, généralement portées sur des pieds

[page break]

258                                        GENRE CATASETUM.

distincts, mais quelquefois réunies sur le même ; et
ces trois formes diffèrent étonnamment l'une de
l'autre, beaucoup plus, pour citer un exemple, qu'un
paon ne diffère d'une paonne. Mais leur réunion sur
une même plante cesse maintenant d'être une ano-
malie, et ne peut plus être regardée comme un
exemple hors ligne de variabilité.

Ce genre est encore plus intéressant par son mode
de fertilisation. Nous voyons une fleur attendre pa-
tiemment, ses antennes tendues en avant dans une
position bien calculée, prêtes à donner le signal dès
qu'un insecte introduira sa tête dans la cavité du
labellum. Le Monachanthus, forme femelle, n'ayant
point de pollinies à lancer, est dépourvu d'antennes.
Dans les formes mâle et hermaphrodite, qui sont le
Catasetum tridentatum et le Myanthus, les pollinies
sont repliées sur elles-mêmes comme des ressorts,
prêtes à être lancées instantanément, dès que les
antennes auront été touchées ; elles sont toujours
lancées le disque en avant, et ce disque est enduit
d'une matière visqueuse qui, durcissant vite, fixe
fortement le pédicelle qui lui est lié, au corps de
l'insecte, L'insecte vole d'une fleur à l'autre, et finit
par visiter une plante femelle ou hermaphrodite : il
introduit alors une des masses de pollen dans la cavité
du stigmate. Quand il s'envole, le caudicule élastique
qui est assez faible pour céder à la viscosité de la sur-
face du stigmate, se rompt et abandonne la massepoU

[page break]

MORMODES IGNEA.                                          '259

Unique ; alors les tubes polliniques se forment lente-
ment et s'engagent dans le canal du stigmate; l'acte
de la fécondation s'accomplit. Qui aurait été assez
hardi pour soupçonner que la propagation d'une
espèce pouvait dépendre d'un mécanisme si complexe,
si artificiel en apparence, et pourtant si admirable ?

J'ai pu étudier deux autres genres de la sous-tribu
des Catasétidées, les genres Mormodes et Cycnoches.

Mormodes ignea. — Pour montrer combien il est
parfois difficile de comprendre le mode de fertilisation
des Orchidées, je dois dire que j'ai examiné avec soin
douze fleurs de cette espèce1, en les soumettante des
expériences variées dont j'enregistrais les résultats,
sans pouvoir aucunement saisir la signification et le
rôle des diverses parties. Il était clair que les pollinies
étaient lancées, comme chez les Catasetum, mais
comment chaque partie de la fleur prenait-elle part
à cet acte? Je ne pouvais pas même le conjecturer.
J'avais abandonné ces recherches désespérantes,
quand, résumant mes observations, j'eus tout d'un
coup l'idée d'expliquer les faits comme il suit, idée
que je reconnus ensuite conforme à la vérité par de
nombreuses expériences.

L'aspect de la fleur est extraordinaire, et son

' Je dois exprimer ma cordiale reconnaissance envers M. Rucker, de
"West-llill, qui m'a prêté une plante de Mormodes portant, sur deux épis,
une abondance de fleurs, et m'a permis de la garder pendant un temps
considérable>

[page break]

140                                    MORMODES IGNE*.

organisation plus curieuse encore que son aspect
(fuj. 19)- A sa base la colonne se dirige en arrière,

i v. 2Vi

hoiuiopi:$ icska,

Vue latérale de la fleur ; le sépale supérieur et k petulc supérieur voitïti

sont coupes*

N* H* le label lu m e*i tin peu releva. aûn qu'on puisse voir son échancrure,
qui devrait s'appliquer immédiatement sur le sommet recourba de La
i:oloniiCi

ci. tiAVIIPSi

tvf\ i-Ltiicttu: m; la POI.Lmi:.

1. MUTITE.

/. uicilw.

'* *mmli: iftri:Hiia*r.t

perpendiculairement à l'ovaire qui tient lieu de pé-
doncule, puis elle prend une direction verticale jus-

[page break]

STRUCTURE.                                              241

que près de son sommet, puis s'infléchit de nouveau.
De plus, elle est tordue d'une manière toute spéciale,
de telle sorte que sa surface antérieure, qui comprend
l'anthère,le rostellum et la partie supérieure du stig-
mate, regarde latéralement à droite ou à gauche,
selon que les fleurs sont d'un côté ou de l'autre de
la tige. La surface du stigmate qui participe à cette
torsion singulière, s'étend jusqu'au bas delà colonne:
à sa partie supérieure elle forme une cavité profonde,
au-dessous de la saillie du rostellum (pd), cavité
dans laquelle est logé le gros disque visqueux de la
pollinie.

L'anthère, allongée et triangulaire, ressemble
beaucoup à celle du Catasetum : elle ne s'étend pas
en haut jusqu'au sommet de la colonne. Ce sommet
est un filament mince et aplati que, par analogie avec
le Catasetum, je suppose être le prolongement du filet
de l'étamine, mais ce pourrait être aussi un prolonge-
mentdela colonne. 11 est droit dans lebouton, mais avant
l'ouverture de la fleur, se courbe sous la pression du
labellum. Un groupe de trachées court vers le haut de
la colonne jusqu'au sommet de l'anthère; là, ces
vaisseaux se réfléchissent et redescendent un peu le
long de cet organe. Lejpoint où ils se réfléchissent
forme une petite charnière très-fine, par laquelle l'ex-
trémité échancrée de l'anthère s'articule avec la co-
lonne, immédiatement sous la pointe recourbée de
celle-ci. Cette charnière, quoique moins grosse que la

46

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242                                           MORMODES IGNEA.

tête d'une épingle, est de la plus haute importance,
car elle est sensible et transmet l'ébranlement produit
par le contact d'un corps au disque de la pollinie ;
elle sert aussi de guide dans le phénomène de l'ex-
pulsion. Puisqu'elle communique au disque l'indis-
pensable ébranlement, on pourrait soupçonner qu'une
partie du tissu du rostellum, qui est en contact im-
médiat avec le filet de l'anthère, se prolonge jusqu'à
elle; mais je n'ai pu découvrir aucune différence de
structure avec les parties correspondantes du Catase-
tum. Le tissu cellulaire qui entoure la charnière est
gorgé de fluide, car lorsque l'anthère se déchire,
pendant l'expulsion de la pollinie, une grosse goutte
en exsude. Cet état de réplétion facilite peut-être la
rupture finale de la charnière.

La pollinie ne diffère pas beaucoup de celle du Ca-
tasetum (voy. fig. 26, D) : elle suit la courbure du
rostellum, qui est moins proéminent que dans ce
dernier genre. Toutefois, le sommet épais du pédi-
celle se dilate sous les masses polliniques, que de
plus faibles caudicules attachent à une crête médiane
de sa surface supérieure.

Le disque est grand ; sa surface visqueuse est en
contact avec le plafond de la chambre stigmatique,
et ne saurait être atteinte par les insectes. Son extré-
mité antérieure est pourvue d'un petit rideau qui en
dépend (on le voit [obscurément sur la fig. 29), et
qui, avant l'expulsion, est en continuité de chaque

[page break]

STRUCTURE.                                              245

côté avec les bords supérieurs delà fossette stigma-
tique. Le pédicelle s'unit à l'extrémité postérieure du
disque; mais quand le disque devient libre, la partie
inférieure du pédicelle se recourbe doublement, de
telle sorte qu'il semble alors attaché au centre du
disque par une charnière.

Le labellum est vraiment remarquable : il s'atténue
à sa base en une sorte de pédoncule à peu près cylin-
drique, et ses bords sont tellement recourbés, qu'ils
se rencontrent presque en arrière. Il s'élève d'abord
verticalement, puis forme une voûte au-dessus et en
arrière du sommet de la colonne, contre lequel il
s'applique fortement. En ce point (et cela, même dans
le bouton), il est creusé d'une petite cavité qui reçoit
la pointe, finalement courbée, de la colonne. Il est
clair que ce petit enfoncement représente la vaste
fosse à parois épaisses et charnues qui, creusée dans
le labellum des diverses espèces de Catasetum et
d'autres Vandées, doit attirer les insectes. Ici, par un
singulier changement de destination, il sert à retenir
le labellum dans sa position normale sur le sommet
de la colonne; toutefois, il serait possible que les
insectes viennent le ronger, et qu'ainsi, il contribue
encore à les attirer. Sur le dessin (fîg. 19), le la-
bellum est fortement relevé, afin qu'on puisse voir
cette légère échancrure et le filament incliné. Dans
sa position naturelle, il peut presque être comparé à
un énorme chapeau tricorne, s'appuyant sur un

[page break]

244                                           MORMODES IGNEA.

support allongé et posé sur la tète de la colonne.

Par suite de la torsion de la colonne, que je n'ai
observée chez aucune autre Orchidée, tous les orga-
nes importants de la fructification regardent à gauche
dans les fleurs placées au côté gauche de la tige, et à
droite dans les fleurs du côté droit. Ainsi deux fleurs
prises de chaque côté de la grappe et mises dans la
même position relative, paraissent avoir été tordues en
sens inverse. Une seule fleur, perdue parmi les autres,
était peu tordue et sa colonne regardait le labellum.
Le labellum est aussi un peu tordu : par exemple, sur
la fleur que représente la gravure et qui regarde à
gauche, sa nervure médiane se porte d'abord à
droite, puis revient, mais à un moindre degré, vers
le côté gauche, de façon à presser contre la surface
postérieure du sommet de la colonne. La torsion de
toutes les parties de la fleur commence avant la flo-
raison.

La position que prend ainsi chaque organe est de
la plus haute importance ; car si la colonne et le la-
bellum ne se tournaient pas de côté, les pollinies,
lorsqu'elles sont lancées, iraient frapper la voûte du
labellum qui s'arrondit au-dessus d'elles et seraient
repoussées en arrière, comme il advint sur la seule
fleur dont la colonne était, par anomalie, presque
droite. Si tous les organes ne se tordaient pas en sens
opposé de chaque côté de la grappe, de manière à
regarder tous en dehors, comme les fleurs sont très-

[page break]

FÉCONDATION.                                               24d

serrées, les pollinies n'auraient pas 'assez d'espace
pour être librement lancées et s'attacher aux insec-
tes.

Quand la fleur est entièrement développée, les trois
sépales sont pendants, mais les deux pétales supérieurs
sont presque dressés. Ces pièces, les deux pétales
surtout, sont épaisses, gonflées et jaunâtres à leur
base; à leur parfaite maturité, elles sont en ce point
tellement gorgées de liquide que, si on les pique, avec
un fin tube de verre, le fluide s'élève à une certaine
hauteur dans ce tube en vertu de la capillarité. Ces
bases renflées des sépales et des pétales, ainsi que
celle du labellum, qui s'atténue en une sorte de pé-
doncule, ont une saveur vraiment douce et agréable;
je ne doute pas qu'elles ne servent à attirer les insec-
tes, car aucun réservoir ouvert ne se remplit de
nectar.

Je vais maintenant essayer de montrer comment
toutes les parties de la fleur sont coordonnées et
agissent de concert. Comme précédemment, la polli-
nie se courbe autour du rostellum ; dans le genre
Catasetum, lorsqu'elle devient libre, elle se dresse
seulement avec force : mais chez ce Mormodes il y
a quelque chose de plus. Le lecteur pourra voir plus
bas, sur la figure 50, la coupe du bouton d'une autre
espèce de Mormodes, qui ne diffère de celh3-ci que par
la forme de l'anthère et parce que le rideau annexé
au disque visqueux est beaucoup plus profondément.

[page break]

246                                           MORMODES IGNEA.

Supposons maintenant que le pédicelle de la pollinie
soit assez élastique pour que, devenu libre, non-seule-
ment il se redresse, mais il s'incurve brusquement
en arrière en sens inverse de sa première courbure,
en formant une sorte de cercle irrégulier ; et nous
verrons qu'alors la surface extérieure du rideau, qui
n'est pas visqueuse, s'appliquera sur l'anthère, la
surface visqueuse du disque se trouvant au côté exté-
rieur du cercle. C'est là précisément ce qui se passe
chez notre Mormodes. Mais la pollinie se courbe en
sens inverse avec tant de force (sans doute les deux
bords du pédicelle aident ce mouvement en se recour-
bant transversalement en dehors), qu'elle rebondit
aussitôt, repoussée par la surface bombée du rostel-
lum. Comme les deux masses polliniques adhèrent
d'abord assez fortement à l'anthère, lorsqu'elles re-
bondissent, cette dernière se déchire par sa base ; et
comme le petite charnière qui est au sommet de l'an-
thère ne se brise pas tout d'abord, la pollinie et sa
loge Testent un instant pendantes comme le balancier
d'une horloge : mais bientôt les oscillations font cé-
der la charnière, et la masse entière est lancée en
l'air verticalement, à un pouce ou deux au-dessus,
en avant et près de la partie terminale du labellum.
Quand la pollinie ne rencontre aucun objet sur son
parcours, elle retombe généralement et s'attache,
quoique peu fermement, dans le pli qui est sur la
crête du labellum, directement au-dessus de la co-

[page break]

FÉCONDATION.                                               247

lonne. J'ai constaté à plusieurs reprises l'exactitude
de tout ce que je viens de décrire.

Le rideau du disque qui, lorsque la pollinie s'est
courbée en cercle, se trouve reposer sur l'anthère,
rend un service considérable en empêchant que la
matière visqueuse du disque ne s'attache à elle, et
ne retienne ainsi pour toujours la pollinie dans la
position qu'elle vient de prendre. Ceci, comme nous
allons le voir, aurait entravé un mouvement ultérieur
de la pollinie, nécessaire à la fertilisation de la fleur.
C'est ce qui arriva dans quelques-unes de mes expé-
riences, comme je mettais des obstacles au jeu natu-
rel des organes, et la pollinie et l'anthère restèrent
engluées l'une à l'autre en figurant un cercle irrégu-
lier.

J'ai déjà dit que la petite charnière par laquelle
l'anthère s'articule avec la colonne, un peu au-dessous
du filament incliné qui termine celle-ci, est sensible
au toucher. A quatre reprises, j'ai trouvé que je pou-
vais toucher avec une certaine force toute autre partie ;
mais qu'à peine avais-je atteint ce point avec la plus
fine aiguille, instantanément la membrane qui unit le
disque aux bords de la cavité dans laquelle il est logé
se rompait, la pollinie était lancée vers le haut et re-
tombait sur la crête du labellum, comme je viens de
le décrire.

Supposons maintenant qu'un insecte s'abatte sur
la crête du labellum (c'est la seule partie de la fleu

[page break]

248                                           MORMODES 1GNEA.

où il puisse convenablement s'arrêter), et qu'il se
penche en avant de la colonne pour ronger ou sucer
les bases des pétales, qui sont remplies d'un suc miel-
leux. Son poids et ses mouvements abaisseront et
feront bouger le labellum, ainsi que le sommet in-
cliné de la colonne, qui est au-dessous ; et celui-ci,
en pressant sur la charnière, déterminera l'expulsion
de la pollinie, qui viendra infailliblement frapper la
tête de l'insecte et s'attacher à elle. J'ai mis mon
doigt, revêtu d'un gant, sur le sommet du labellum,
son bout avançant un peu au delà du bord, et l'agi-
tant alors légèrement, je fus réellement émerveillé de
voir avec quelle promptitude la pollinie fut lancée
vers le haut, et avec quelle précision la surface vis-
queuse du disque tout entière vint frapper mon doigt
et s'attacher fermement à lui. Cependant, je doute
que le poids et les mouvements d'un insecte suffisent
pour agir ainsi indirectement sur le point sensible ;
mais si l'on jette les yeux sur la gravure, on verra
combien il est probable que l'insecte, pour mieux
s'appuyer en cherchant à atteindre les bases des pé-
tales, aille poser ses pattes antérieures par-dessus le
bord du labellum sur le haut de l'anthère, et touche
ainsi lui-même le point sensible; la pollinie serait
alors lancée, et le disque visqueux frapperait certai-
nement la tête de l'insecte et s'attacherait à elle.

Avant de passer outre, je crois devoir mentionner
quelques-unes de mes premières expériences. J'ai pi-

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FÉCONDATION.                                               249

que profondément diverses parties de la colonne ouïe
stigmate, et j'ai coupé les pétales, ou même le label-
lum, sans que la pollinie soit lancée; une seule fois,
en coupant plus rudement la base étroite et épaisse du
labellum, j'ai déterminé l'expulsion, sans nul doute
pour avoir ainsi causé l'ébranlement du filament ter-
minal de la colonne. J'ai soulevé doucement l'anthère
à sa base ou sur un de ses côtés, et la pollinie a été
lancée ; mais alors la charnière sensible s'est né-
cessairement fléchie. Lorsque la fleur est ouverte de-
puis longtemps et qu'elle est presque prête à lancer
spontanément sa pollinie, un léger tiraillement sur
l'une ou l'autre de ses parties provoque ce phénomène.
La compression de son mince pédicelle, et par consé-
quent du rostellum saillant qu'il recouvre, vers la base
de l'anthère, entraîne l'expulsion ; mais ceci n'est
pas surprenant, puisque l'excitation produite par le
contact d'un corps sur la charnière sensible, doit tou-
jours être transmise à travers cette partie du rostellum
jusqu'au disque. Chez les Catasetum, on peut presser
légèrement sur ce point sans causer l'expulsion; mais
dans les fleurs de ce genre, la partie saillante du ros-
tellum n'est pas située sur le trajet que suit l'excita-
tion dans sa transmission des antennes au disque.
Une goutte de chloroforme, d'esprit-de-vin ou d'eau
bouillante, placée sur cette partie du rostellum, ne
produit pas d'effet; j'ai été surpris de voir qu'il
ne s'en produit pas non plus, quand on expose la

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250                                           MORMODES IGNEA.

fleur entière à l'action de la vapeur de chloroforme
Voyant que cette partie du rostellum est sensible à
la pression et que la fleur est largement ouverte de
chaque côté, préoccupé d'ailleurspar l'exemple dse
Catasetum, je fus d'abord convaincu que les insectes
devaient entrer par la partie inférieure de la fleur et
toucher le rostellum. Je pressai donc sur le rostellum
avec des objets de différentes formes, mais pas une
seule fois le disque visqueux ne s'attacha bien à eux.
Si je me servais d'une grosse aiguille, la pollinie ex-
pulsée se courbait en cercle autour d'elle, avec sa sur-
face visqueuse en dehors; si je prenais un objet large
et plat, la pollinie s'agitait autour de lui et se roulait
quelquefois en spirale, mais le disque ne s'atta-
chait pas ou ne s'attachait que très-imparfaitement.
Après la douzième tentative, je me laissai aller au dés-
sespoir. L'étrange situation de ce labellum qui vient
s'appuyer sur le haut de la colonne, aurait dû me
montrer dans quel sens j'avais à expérimenter. J'au-
rais dû repousser l'idée que le labellum n'était ainsi
placé dans aucun but utile ; négligeant ce guide
naturel, j'ai pendant longtemps tout à fait méconnu
l'organisation de cette fleur.

Nous avons vu que, lorsque la pollinie est librement
lancée vers le haut, elle s'attache, par toute la surface
visqueuse de son disque, à tout objet qui s'avance au
delà du bord du labellum, directement au-dessus de
la colonne. Ainsi attachée, elle figure un cercle irré-

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FÉCONDATION.                                              251

gulier ; l'anthère déchirée couvre encore les masses
polliniques et se trouve en contact immédiat avec le
disque, mais le rideau empêche qu'elle ne lui adhère.
Tant que cette position subsiste, le pédicelle saillant
et recourbé doit empêcher efficacement les masses
polliniques d'être déposées sur un stigmate, même
en supposant que l'anthère soit tombée. Admettons
maintenant que la pollinie soit attachée à la tête d'un
insecte, et voyons ce qui a lieu. Le pédicelle, lorsque
l'expulsion le sépare du rostellum, a sa face inférieure
très-humide : pendant qu'elle se dessèche, le pédicelle
se redresse lentement, et quand il est parfaitement
droit, l'anthère ne tarde pas à tomber. Les masses pol-
liniques sont dès lors à découvert, et des caudicules
faciles à rompre les lient à l'extrémité du pédicelle,
à une distance convenable et du côté qui se trouvera
naturellement en contact avec le visqueux stigmate,
lorsque l'insecte visitera une autre fleur ; de sorte
que chaque détail est maintenant parfaitement favo-
rable à la fertilisation.

Quand l'anthère tombe, elle s'est acquittée de ses
trois fonctions : sa charnière a agi comme organe sen-
sible ; grâce à son faible attachement à la colonne,
la pollinie est restée d'abord un instant suspendue ;
enfin son bord inférieur a concouru, avec le rideau du
disque, à empêcher que les masses polliniques ne
soient pour toujours engluées au disque visqueux.

D'après des observations faites sur quinze fleurs,

[page break]

252                                            MORMODES IGNEA.

le pédicelle se redresse en douze ou quinze minutes.
Le premier mouvement, qui provoque l'expulsion,
est élastique : le second, qui est plus lent et en sens
contraire, résulte du dessèchement de la surface ex-
terne ou convexe ; mais ce mouvement diffère de celui
que j'ai vu se produire chez tant de Vandées et d'Ophry-
dées, car, si l'on plonge dans l'eau la pollinie de ce
Mormodes, elle ne recouvre pas la forme circulaire
que son élasticité lui avait donnée.

Le Mormodes ignea est hermaphrodite. Les pollinies
sont bien développées. La surface du stigmate, si sin-
gulièrement allongée, est extrêmement visqueuse et
couverte d'innombrables utricules, dont le contenu
se contracte et se coagule par une immersion de moins
d'une heure dans l'esprit-de-vin. Si cette immersion
dure un jour, l'action subie par les utricules est si
grande qu'elles se dissolvent, fait que je n'ai remar-
qué chez aucune autre Orchidée. Les ovules, soumis
à l'action de l'esprit-de-vin pendant un ou deux jours,
prennent cet aspect demi-opaque, pulpeux, qu'ils ont
en pareil cas chez toutes les Orchidées femelles ou
hermaphrodites. La longueur inusitée de la surface
du stigmate m'a fait supposer que, si les pollinies n'é-
taient par expulsées, l'anthère se détacherait elle-
même et les masses polliniques, oscillant librement,
féconderaient leur propre fleur. En conséquence, j'ai
mis quatre fleurs à l'abri de tout contact; huit ou dix
jours après leur éclosion, l'élasticité du pédicelle

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CYCNOCHES VENTRICOSUM.                                  253

triompha de toute résistance, et les pollinies furent,
mais inutilement, spontanément expulsées.

Bien que le Mormodes ignea soit hermaphrodite,
il doit être, de fait, aussi véritablement dioïque que le
Gatasetum, en ce qui concerne le concours de deux in-
dividualités distinctes dans l'acte delà reproduction :
en effet, comme il faut douze ou quinze minutes,
après l'expulsion, pour que la pédicellede lapollinie
se redresse et que l'anthère tombe, il est presque cer-
tain que l'insecte ayant la pollinie attachée à sa tête,
doit pendant ce temps quitter la plante où il l'a prise
et s'abattre sur une autre \

Cycnoches ventricosvm. — J'ai reçu d'abord de
M. Veitch quelques gros boutons de cette- espèce, qui
m'ont fourni le sujet de la figure 50, puis quelques
fleurs développées, qui arrivèrent trop tard pour être
dessinées. Les pétales et les sépales, d'un vert jaunâtre,
sont réfléchis; le labellum est épais, et d'une forme
curieuse: il ressemble à un vase peu profond et ren-
versé, sa face supérieure étant convexe. La colonne,
mince et extraordinairement longue, se recourbe

1 [J'ai maintenant examiné une autre espèce de Mormodes, le rare
M. luxalum. Par les principaux points de sa structure, la sensibilité du
filament et le jeu des différents organes, il est semblable au M. ignea;
mais la fossette du labellum est beaucoup plus grande et n'est pas for-
tement pressée contre le filament qui termine la colonne. Je pense
que, comme chez le Catasetum, elle sert à attirer les insectes, qui ron-
gent ses parois. Les fleurs sont tout à fait irrégulières, le côté droit et
le côté gauche différant beaucoup l'un de l'autre.] C. D. mai, 1869.

[page break]

m                             CÏCSÛCU1ÎS VENTIllCOSUM.

comme le cou d'un cygne au-dessus du lahcllum ; de
sorte que la fleur entière a un trës-singnlier aspect.
Sur une coupe on voit le pédi celle élastique de la pol-
linic courbé comme chez le Catasctumou le Mormo-

Fi-. 30.

cours d un bquox v\: ctoocmis.

f* Hiti ht i/wcnint.

/«/, rfUUXUJE ht ia POlilvlK, HOXf

tuj.uk esr immolé*.

ci. difqiti: m: u munfc
jf. umtnnr; iTicvmqit:^

y, CHAI* -IIl.K UEWk ttHUU*A>T
L'OTAIUI.

des : mais à la période du développement que repré-
sente la gravure, il est encore uni au rostcllum, et la
future ligne de séparation n'est marquée que par une
couche de tissu hyalin, indistincte vers l'extrémité
supérieure du disque. Celui-ci est de taille gigantes-

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FÉCONDATION.                                        255

que, et son extrémité inférieure se prolonge en un
grand rideau frangé, pendant en avant de la chambre
stigmatique. La matière visqueuse durcit très-promp-
tement, en changeant de couleur. Le disque s'attache
à un objet avec une force surprenante. L'anthère
diffère beaucoup par sa forme de celle du Catasetum
ou du Mormodes, et paraît retenir avec plus de force
les masses polliniques. Une partie du filet de l'anthère,
placée entre deux petits appendices foliacés, est sen-
sible ; quand on touche cette partie, la pollinie est
lancée vers le haut, comme chez le Mormodes, et avec
une force suffisante pour atteindre, si aucun objet ne
l'arrête, la distance d'un pouce. Sans doute quelque
gros insecte s'abat sur le labellum pour en ronger la
surface convexe, ou sur l'extrémité de la colonne qui
se recourbe vers le bas ; venant alors à toucher le point
sensible, il provoque l'expulsion des masses pollini-
ques, qui s'attachent à son corps et sont transportées
par lui sur une autre fleur et peut-être une autre
plante. J'ajouterai qu'on sait, grâce à Lindley ', que
le C. ventricosum produit sur la même hampe des
{leurs à labellum simple, d'autres à labellum très-dé*
coupé, et d'autres enfin dans un état intermédiaire.
Comme chez les Catasetum, le labellum présente des
différences analogues suivant les sexes, on peut croire

1 Vegetable Kingdom, 1835, p. 177. Lindley rapporte encore, dans le
Dotanical Iiegister, fol. 1951, un exemple analogue de dimorphisme
observé sur un pied d'une autre espèce de Cycnoches.-

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256

ARÉTIIUSÉES.

que ces variations correspondent aux formes mâle,
femelle et hermaphrodite du Cycnoches.

ARÉTHUSÉEo

J'ai décrit un grand nombre d'Orchidées anglaises,
appartenant à la quatrième et à la sixième tribu de
Lindley, les Ophrydées et lesNéottiées. Delà cinquième
tribu, celle des Aréthusées, je n'ai vu aucune fleur
fraîche. A en juger par des observations relatives à
trois espèces très-différentes, les fleurs de cette tribu
ne pourraient être fécondées sans une intervention
mécanique. Irmisch fait cette remarque au sujet de
l'Epipogium aphyllum1. M. Rodgers, de Sevenoaks,
m'informe que dans sa serre les espèces du genre
Limodorum ne fructifient pas sans un secours étran-
ger; on sait qu'il en est de même de la Vanille. Ce
dernier genre est cultivé à Taïti, à Bourbon et aux
Indes orientales, pour ses fruits aromatiques ; mais,
pour qu'il les produise, on est obligé de recourir à la
fécondation artificielle !. Il doit donc exister dans

1  Beitrâge zur Biologie der Orchideen, s. 1855, 55. — [Le docteur
P. Rohrbach a publié un admirable mémoire(Ueber den BhUenbau,etc.;
Gôttingen, 1866) sur l'Epipogium Gmelini : les fleurs sont fécondées
par le Bombus lucorum. — Le docteur Scudden, des États-Unis, a
décrit (Proc. of tlie Boston Nat. Hist. Soc, vol. IX, 1863, p. 1S2) le
mode de fécondation d'un autre genre de cette tribu, le genre Pogonia,
et là encore les insectes interviennent.] C. D., mai 1869.

2  Pour l'île Bourbon, voir Bull, de la Soc. bol. de France, tom. I,
1854, p. 290. Pour Taïti, voy. H.-A. Tilley, Japan, the Amour, etc.,
1861, p. 375. Pour les Indes, consulter Morren, dans Annals and Maga-
zine ofNat. Hist., 1859, vol. 111, p. 6.

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CYPRIPEDIUM.                                              257

l'Amérique, sa patrie, quelque insecte spécialement
chargé de le féconder. Les insectes des pays chauds
que je viens de nommer et où la vanille fleurit, ne
visitent pas ses fleurs, bien qu'elles sécrètent une
grande quantité de nectar, ou ne les visitent pas de la
manière voulue.

CYPRIPÉDIÉES

La septième et dernière tribu de Lindley ne ren-
ferme que le genre Cypripedium, mais il diffère
de tous les autres genres de la famille, beaucoup
plus que deux Orchidées quelconques ne diffèrent
l'une de l'autre. Il faut qu'une multitude de formes
intermédiaires se soient éteintes, et que ce seul
genre, aujourd'hui très-disséminé, ait survécu
comme un souvenir d'un état primitif et plus simple
de la grande famille des Orchidées. Le Cypripedium
n'a point de rostellum ; ses trois stigmates sont
bien développés, mais soudés ensemble. La seule
anthère qui soit parfaite chez toutes les autres Or-
chidées, est ici rudimentaire et représentée par une
singulière proéminence en forme de bouclier, pro-
fondément échancrée à son bord inférieur. Il y a deux
anthères fertiles, qui font partie d'un verticille plus,
intérieur, et que divers rudiments représentent chez
les Orchidées ordinaires. Les grains de pollen ne sont
pas composés de trois ou quatre granules réunis,
comme dans tous les autres genres, excepté le genre

17

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258                                              CYPRIPEDIUM.

dégradé Cephalanthera. Ces grains ne sont ni agglu-
tinés en masses cireuses, ni liés ensemble par des
filaments élastiques, ni pourvus d'un caudicule. Le
labellum est de grande taille, et comme chez toutes
les autres Orchidées, c'est un organe composé.

Les observations suivantes s'appliquent seulement
aux quatre espèces quej'ai vues, les C. barbatum, pur-
puratum, insigne et venustum. Les fleurs ne sont pas
fertilisées de la même manière que dans les nombreux
casdontj'aidéjàparlé. Le labellum se recourbe autour
d'une courte colonne, de telle sorte que ses bords
se rencontrent presque sur la face dorsale; et sa large
extrémité se replie au-dessus et en arrière d'une ma-
nière spéciale, en figurant assez bien un sabot dont
le fond termine la fleur. C'est pourquoi, en Angle-
terre, on appelle cette fleur Ladies'-slipper (pantoufle
de dame). Dans sa position naturelle, telle que la
figure la représente, la surface dorsale sur laquelle
les bords du labellum viennent presque se rejoindre
se trouve en haut. La surface du stigmate, un peu
proéminente, n'est pas visqueuse ; elle regarde la
surface de la base du labellum ; on peut à peine en
distinguer le côté supérieur et dorsal, entre les bords
du labellum et dans l'échancrure de l'anthère avortée
(a'), mais sur la gravure (s, fig. A), les bords du la*
bellum sont abaissés et celui du stigmate se trouve
en dehors d'eux. L'extrémité du labellum est aussi
légèrement abaissée, de sorte que la fleur paraît un peu

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STRUCTURE.                                         25U

plus ouverte qu'elle ne Test eu réalité. On peut aper-
cevoir les masses polliuiqucs des deux anthères laté-
rales (a), placées dans la partie inférieure du labellum

cl s'avançaiil un pou au delà delà colonne. Los grains

n* H.

CIFUHDIOII.

X H» EOPCUËD,

A. FlcurvuoclVit liant, moiilrniil «afacedonalc; les sépales cl les pétales, à
reicc|>tion du laMluin, Huit t;ou|w* eii |>arlie. Le labellum eal un peu
nb;iisM>f cif qui docouvro U surface dimftlcdu &li#itialc; Icslxiixlg du U-
ItUiiui ai? trouvent auiai legêreuxïnl H/puiv*, cl ïoii cttrêiuili? e*l \>Uia

Ï.Lf-r,

R. Vue latérale delà cotonni', le*s«*palei et pétales ftant lous enleva.

de pollen sont révolus d'un enduit de lluide si vis-
queux, qu'on peut le tirer ell'allonger eu (ils. Comme
les deux anthères sont situées au-dessus el en arriére
de la surface inférieure convexe (voy. fttj* M) du stig-
mate, il est impossible que le julien glutiueux qu'elles

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260                                             CYPRIPEU1UM.

renferment puisse l'atteindre et la fertiliser sans une
intervention mécanique.

Un insecte pourrait gagner l'extrémité du labelluni
c'est-à-dire la pointe du sabot, en suivant la fente
longitudinale de la face dorsale; mais selon toute
probabilité, c'est la partie de la base située en avant
«lu stigmate qui lui offre le plus d'attrait. Or, la
portion terminale du labellum, se recourbant pour
former le dessus du sabot, ferme l'extrémité de la
fleur; la face dorsale du stigmate, et cette grosse an-
thère avortée qui ressemble à un bouclier, obstruent
presque complètement la portion basilaire de la fente
médiane; et il ne reste plus à l'insecte, pour atteindre
avec sa trompe la partie inférieure du labellum, que
deux passages praticables : directement au-dessus et
immédiatement en dehors des deux anthères laté-
rales1. Si un insecte entre par cette voie, et il lui

1 [Le professeur Asa Gray, après avoir examiné quelques espèces
américaines du genre Cypripedium, m'a écrit (voir aussi Amer. Joitrn.
of Science, vol. XXXIV, 1862, p. 427) qu'il était convaincu que je me
trompais ; selon lui, la fleur est fécondée par de petits insectes qui
entrent dans la cavité du labellum, par la grande ouverture de la face
supérieure, et sortent par l'un ou l'autre des petits orifices voisins des
anthères et du stigmate. En conséquence, j'ai pris une très-petite
abeille qui me semblait être de la taille convenable, un Andrenapar-
vula (par un hasard singulier, comme nous allons le voir, ce genre était
justement le bon), et je l'ai introduite dans la cavité du labellum par la
grande ouverture de la face supérieure. Cet insecte essaya vainement
d'en sortir et retomba toujours au fond par suite du plissement du bord
du labellum , qui est une des particularités les plus importantes de la
structure de celle fleur. Ainsi le labellum agit comme une de ces
trappes à bords renversés en dedans qui servent à prendre les blattes

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FÉCONDATION.                                              2G1

serait difficile de faire autrement, sa trompe sera
certainement enduite de pollen, comme le fut une
soie de porc que j'avais introduite de la même ma-
nière. Quand je poussais cette soie enduite de pollen
plus avant dans la fleur, et surtout quand je l'enga-
geais dans la petite échancrure qui est en dehors de
l'anthère, un peu de pollen glutineux restait en gé-
néral sur la surface légèrement convexe du stigmate.
La trompe d'un insecte doit effectuer cette petite opé-
ration mieux qu'une soie, grâce à sa flexibilité et à ses
mouvements. Un insecte doit donc déposer le pollen
sur le stigmate de la fleur où il l'a pris, ou s'il s'en-
vole, le transporter à une autre fleur; l'un ou l'autre
de ces deux cas se réalise, selon que l'insecte intro-

dans les cuisines de Londres. A la fin, l'abeille se fraya un chemin jus-
qu'à l'un des petits orifices, près de l'une des anthères, et, l'ayant prise,
je l'ai trouvée enduite de pollen. Ayant de nouveau mis cette même
abeille dans le labellum, je l'ai vue sortir encore par un des petits ori-
fices ; j'ai fait la même expérience cinq fois, toujours avec le même ré-
sultat. Alors , ayant coupé le labellum, j'ai examiné le stigmate et l'ai
trouvé tout enduit de pollen. Delpino (Fecondazione, etc., 1807, p. 20)
a prévu avec beaucoup de sagacité qu'on trouverait quelque insecte
agissant comme mon abeille; il remarque que, si un insecle introdui-
sait sa trompe, comme je l'avais supposé, du dehors dans l'un des pe-
tits orifices voisins des anthères, le stigmate serait fécondé par le pollen
de sa- propre plante; or il présume qu'il n'en est pas ainsi, ayant
grande confiance en ce que j'ai si souvent avancé que tout est générale-
ment disposé en vue de réaliser l'union du stigmate et du pollen de
deux plantes ou fleurs distinctes. On sait maintenant par les admirables
observations du docteur II. Mùller, de Lippsladt (Verkandhmg d. Nal.
Vcrein, Jabr XXV, III, Folge V. Bd., p. 1), que, dans la nature, le C\j-
pripedium calceulas est fertilisé par deux espèces du genre Andrena,
exactement de la manière que je viens de décrire.] C. D., mai 1869.

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262                                        CYPRIPEDIUM.

duit d'abord sa trompe directement au-dessus de
l'anthère, ou en dehors par la petite échancrure.

On voit maintenant de quelle importance, ou plu-
tôt de quelle nécessité, est pour la fertilisation de la
plante la curieuse forme de sabot qu'affecte le la-
bellum, en conduisant les insectes à engager leurs
trompes dans les passages latéraux adjacents aux
anthères. L'anthère supérieure, rudimentaire et en
forme de bouclier, est également nécessaire, et pour
la même raison.

La nature montre ici dans ses ressources une éco-
nomie frappante : chez toutes les Orchidées que j'ai
vues, sauf les Cypripedium, un stigmate plus ou moins
concave est assez visqueux pour retenir le pollen sec,
transporté jusqu'à lui grâce à la matière visqueuse
que sécrète un stigmate modifié, le rostellum. Chez
les Cypripedium seuls, le pollen estglutineux et joue
ce rôle de la substance visqueuse dont, chez les autres
Orchidées, la production est attribuée à la fois au vrai
stigmate et à un stigmate modifié ou rostellum :
D'autre part, chez les Cypripedium, le stigmate perd
tout à fait sa viscosité et devient légèrement con-
vexe, afin que par le frottement, il détache mieux
le glutineux pollen qui adhère à la trompe de l'in-
secte. Ainsi l'acte de fertilisation s'effectue sans la
moindre prodigalité1.

1 [Cetle vue sur la corrélation qui existe entre l'état du pollen et ce-
lui du stigmate, est puissamment confirmée par une remarque de

[page break]

SÉCRÉTION DU NECTAR.                             263

SÉCRÉTION OU NECTAR.

Beaucoup d'Orchidées exotiques sécrètent du nec-
tar en abondance dans nos serres chaudes. J'ai trouvé
remplis de fluide les nectaires en forme de cornet
del'Aerides; etM. Rodgers,de Sevenoaks, m'apprend
qu'il a retiré des cristaux de sucre d'une taille consi-
dérable du nectaire de l'A. cornutum. Dans presque
toutes les fleurs d'Angrsecum distichum qu'on m'a en-
voyées de Kew, les insectes avaient percé les parois
des nectaires afin d'atteindre plus promptement le
nectar; s'ils suivaient,invariablement cette mauvaise
habitude dans les pays de l'Afrique où croît cette
plante, sans aucun doute l'espèce ne tarderait pas à
s'éteindre, car elle ne produirait jamais de graines. Les
organes sécréteurs du nectar présentent une grande
diversité de structure et de position dans les différents
genres ; mais ils semblent toujours faire partie de la
base du labellum. Chez leDendrobium chrysanthum,

M. Asa Gray, qu'il m'a communiquée par lettre et qu'il a insérée clans
Amer. Journ. of Science, vol. XXXIV, 1802, p. 428 : chez le Cypride-
dium acaule, le pollen est beaucoup plus granuleux ou moins visqueux,
sauf sur sa face extérieure, que chez les autres espèces américaines du
môme genre, et le stigmate est en même temps un peu concave et vis-
queux ! Le docteur Cray ajoute que l'épais stigmate des fleurs de ce
genre présente une autre particularité remarquable, « étant tout cou-
vert de petites papilles rigides et terminées en pointe, toutes dirigées
en avant, » très-propres à retenir le pollen en le détachant de la têle
ou ducorps d'un insecte.] C. D., mai 1869,

[page break]

264                            SÉCRÉTION DU NECTAR.

le nectaire est une soucoupe peu profonde; chez l'E-
velyna, il se compose de deux grosses masses cellu-
laires réunies; chez leBolbophyllum cupreum, c'est
un sillon médian. Le nectaire du Cattleya pénètre dans
l'ovaire ; celui de PAngrœcum sesquipedale atteint,
comme nous l'avons vu, l'étonnante longueur de plus
de 11 pouces anglais (0m,275) ; mais je ne peux entrer
dans le détail de chaque cas. L'appareil nectarifère
du Coryanthes, décrit par M. Manière1, est pourtant si
remarquable que je ne saurais le passer entièrement
sous silence : deux petits cornets, près d'une sorte
de courroie qui joint le labellum à la base de la co-
lonne, sécrètent un nectar limpide, à saveur, légère-
ment sucrée, en si grande abondance qu'il tombe len-
tement goutte à goutte. M. Ménière estime la quantité
sécrétée par une seule fleur à environ une once an-
glaise (28er,5). Mais ce qu'il y a de remarquable, c'est
que l'extrémité profondément creusée du labellum
pend exactement au-dessous des deux petits cornets
et recueille les gouttes de nectar à mesure qu'elles
tombent, comme un seau suspendu un peu au-des-
sous d'une source s'écoulant goutte à goutte1.

*  Btilletin de la Soc. bot. de France, tom. II, 1855, p. 351.

*  [Le Coryanthes macrantha est peut-être la plus merveilleuse de
toutes les Orchidées, sans même en excepter le genre Calaselum. Son
mode de fertilisation a été décrit par le docteur Crùger dans Journ. of
tke Linn. Soc. (vol. VIII, 1864, p. 130) et dans les lettres qu'il m'a
adressées en m'envoyant des abeilles du genre Englossa qu'il avait vues
à l'œuvre sur cette fleur. Le fluide recueilli par le labellum n'est pas du
nectar et ne sert pas à attirer les insectes, mais en mouillant leurs

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SÉCRÉTION DU NECTAR.                                265

Bien que le but extrêmement important de la sé-
crétion du nectar soit, chez les Orchidées, d'attirer
les insectes indispensables pour la fécondation, il
semble que, dans certains cas du moins, cette sécré-
tion serve aussi comme excrétion. En effet, on a ob-

ailes, leur empêche de sortir par une autre voie que les petits passages
ménagés près de l'anthère et du stigmate. Ainsi la sécrétion de ce
fluide sert exactement à la même fin que le plissement du bord du
labellum, chez le Cypripedium. Je transcris de la dernière édition de
mon Origine des espèces un passage relatif à la fertilisation du Co-
ryanthes.

« Le labellum de cette Orchidée est creusé en un grand godet, dans
lequel des gouttes d'une eau presque pure, sécrétée par deux cornets
situés au-dessus, tombent continuellement; quand il est à demi plein,
cette eau s'écoule d'un côté par une gouttière. La base du labellum est
au-dessus du godet, creusée elle-même en une sorte de chambre dans
laquelle donnent accès deux ouvertures latérales ; dans celte chambre
se trouvent de curieuses éminences charnues. L'homme le plus ingé-
nieux, s'il n'avait été témoin des faits, n'aurait jamais deviné à quoi
tout cela sert. Or le docteur Crùger a vu des essaims de grosses abeilles
visiter les gigantesques fleurs de cette Orchidée, non pour en aspirer le
nectar, mais pour ronger les éminences charnues au-dessus du godet;
souvent elles se faisaient tomber l'une l'autre dans le godet, et alors
leurs ailes mouillées ne leur permettant plus de s'envoler, elles étaient
forcées de sortir par la gouttière qui déverse au dehors le trop-plein
du réservoir. Le docteur Crùger voyait « une procession continuelle »
d'abeilles sortant ainsi de leur bain involontaire. Le passage est étroit,
et la colonne en forme la voûte, de sorte qu'une abeille, en s'y frayant
un chemin, frotte le dessus de son corps, d'abord contre la surface vis-
queuse du stigmate, puis contre les glandes visqueuses des masses pol-
liniques. Ainsi, la première abeille qui sort par cette voie d'une fleur
récemment ouverte emporte les masses polliniques attachées sur son
corps. Le docteur Crùger m'a envoyé une fleur conservée dans l'esprit—
de-\in et une abeille qu'il avait tuée avant qu'elle en fût complètement
sortie, portant encore la masse pollinique. Quand l'abeille, ainsi char-
gée, vole à une autre fleur ou s'abat une seconde fois sur la même,
qu'elle est poussée par ses compagnes et tombe dans le godet, puis sort
par la gouttière, la masse pollinique touche nécessairement d'abord le

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266                                SÉCRÉTION DU NECTAR.

serve que les bractées de certaines Orchidées ' sécrètent
du nectar ; et comme elles se trouvent en dehors de la
fleur, leur sécrétion ne saurait attirer les insectes
dans un but utile. M. Rodgers me dit avoir vu beau-
coup de nectar sécrété à la base des pédoncules des
fleurs chez la Vanille. Il peut très-bien entrer dans
le plan de la nature, tel que l'exécuterait la sélection
naturelle, que la matière excrétée pour débarrasser
l'économie d'éléments superflus ou nuisibles soit uti-
lisée en vue d'un résultat de la plus haute importance.
Pour donner un exemple qui contraste avec celui des
fleurs et de leur suc, les larves de certains lamelli-
cornes (Cassidœ, etc.) se servent de leurs propres
excréments comme d'un revêtement protecteur pour
leurs corps délicats.

Le labellum en forme de sabot des Cypripedium
semble destiné à recueillir du nectar; mais sur au-

stigmate, s'attache à lui et le féconde. On comprend maintenant tout l'u-
sage des diverses parties de la fleur : les cornets sécrètent un liquide
qui s'amasse dans le godet, empêche les abeilles de s'envoler et les
force à sortir par la gouttière, et là elles frottent en passant les masses
polliniques visqueuses et le stigmate visqueux, convenablement placés
sur leur trajet. »] C. D., mai 1869.

4 J.-G. Kurr, Ueber die Bedeutung der Nektarien, 1835, s. 28, sur
la foi de Treviranus et de Curt. Sprengel. Fritz Mùller me dit avoir ob-
servé le même fait sur les bractées de quelques Orchidées du Brésil
méridional. Le calice de certaines espèces d'Iris (id., s. 25) sécrète
aussi du nectar. J'ai vu les stipules des Vicia sativa et faba sécréter une
grande quantité de nectar que recueillent avidement les abeilles. Les
glandes de la face inférieure des feuilles, chez le laurier ordinaire,
sécrètent aussi un nectar qui, bien qu'il se produise par gouttes extrê-
mement petites, est recherché par divers insectes.

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SÉCRÉTION DU NECTAR.                                  267

cune des quatre espèces de ce genre nommées plus
haut, je n'ai vu ce suc s'y amasser; selon Kurr1, le
G. calceolus ne sécrète jamais de nectar. Cependant,
chez les quatre espèces, le labellum est garni de poils ;
et j'ai presque toujours remarqué à leurs extrémités
de petites gouttes d'un fluide un peu visqueux qui,
s'il est sucré, suffit certainement pour attirer les in-
sectes; desséché, ce fluide visqueux forme une petite
pellicule, mais je n'ai pu découvrir aucune trace de
cristallisation.

Je rappellerai que dans le premier chapitre j'ai
démontré que chez certaines espèces d'Orchis la ca-
vité de l'éperon ou nectaire ne contient jamais de
nectar, mais qu'entre les deux membranes de cet
éperon se trouve une abondante provision de fluide.
Chez toutes les espèces qui présentent ce caractère, la
matière visqueuse du disque de la pollinie durcit en
une ou deux minutes, et il serait heureux pour la
plante qu'un insecte cherchant à atteindre le nectar
soit retardé par la nécessité de perforer le nectaire
sur quelques points, ce qui donnerait à la matière vis-
queuse le temps de durcir. D'autre part, chez toutes
les Ophrydées dont le nectar s'amasse librement dans
le nectaire, la matière visqueuse ne durcit pas rapi-
dement, et il n'y aurait aucun avantage à ce que les
insectes éprouvent un obstacle semblable.

1 Bedeutung der flektarien, 1833, s. 29.

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268                                     SÉCRÉTION DU NECTAR.

Chez les Orchidées exotiques cultivées dont le nec-
taire ne contient pas de nectar, il est impossible de
s'assurer s'il resterait vide dans des conditions de
vie plus naturelles. Je n'ai pas fait beaucoup d'ob-
servations comparatives sur le mode de durcissement
de la matière visqueuse du disque chez ces formes
exotiques. Néanmoins il me semble que certaines
Vandées sont dans la même condition que nos espèces
indigènes d'Orchis; ainsi le Galantlie masuca a un
très-long nectaire qui, sur toutes les fleurs que j'ai
examinées, était tout à fait sec en dedans et habité
par des Coccus couverts de poussière ; mais dans les
espaces inter-cellulaires, entre ses deux tuniques, il
y avait beaucoup de fluide; dans cette espèce la ma-
tière visqueuse du disque, dès que j'eus troublé
sa surface, perdit complètement en deux minutes
son pouvoir d'adhésion. Le disque d'un Oncidium,
troublé de même, devint sec en une minute et
demie; celui d'un Odontoglossum, en deux minutes:
aucune de ces Orchidées n'a de nectar libre. D'autre
part, chez l'AngraBcum sesquipedale, dont le nectar
s'amasse librement dans l'extrémité du nectaire, le
disque de la pollinie, après qu'on l'eut retiré de la
fleur et qu'on eut troublé sa surface, était encore
très-gluant après quarante-huit heures.

Le cas du Sarcanthus teretifolius est plus curieux.
Après que la pollinie se fut détachée du rostcllum, le
disque perdit toute sa viscosité en moins de trois

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SÉCRÉTION DU NECTAR.                                    269

minutes. D'après cela, on pouvait s'attendre à trouver
du fluide dans les espaces intercellulaires du nec-
taire, mais point dans sa cavité libre; mais il y en
avait des deux côtés, de sorte qu'on voit ici réunis
dans la même fleur les deux états des organes pro-
ducteurs de nectar. On pourrait peut-être penser que
les insectes aspirent rapidement le nectar libre et
négligent celui qui se trouve entre les deux tuniques.
Mais je soupçonne beaucoup qu'ils sont, par des
moyens totalement différents, retardés dans leurs
efforts pour atteindre le nectar libre, ce qui donne à
la matière visqueuse le temps de durcir. Chez cette
Orcliidée, le labellum et son nectaire forment un or-
gane extraordinaire. J'aurais voulu en avoir un des-
sin; mais j'ai reconnu que sa structure serait aussi
difficile à représenter que les gardes d'une serrure
compliquée : l'habile Bauer lui-même, par un grand
nombre de figures et de coupes faites sur une large
échelle, a peine à la rendre intelligible. Le passage
conduisant du dehors au réservoir du nectar est si
compliqué, qu'à plusieurs reprises je n'ai pu y faire
passer une soie ; je n'ai pas mieux réussi en l'intro-
duisant en sens inverse, de l'extrémité sectionnée du
réservoir à l'ouverture extérieure. Sans nul doute un
insecte doit pouvoir diriger sa trompe, qu'il meut à
son gré, à travers les sinuosités de ce passage ; mais
la configuration du canal doit néanmoins retarder
l'instant où elle atteindra le nectar, et le singulier

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270                                 SÉCRÉTION DU NECTAR.

disque visqueux, de forme carrée, trouvera ainsi le
temps nécessaire pour s'attacher fortement à la tête
ou au corps de l'insecte.

La cupule qui forme la base du labellum chez l'Epi-
pactis servant de réservoir au nectar, je m'atten-
dais à voir les cupules analogues des Stanhopea,
Acropera, etc., servir à la même fin; mais je n'ai
jamais pu y trouver une goutte de nectar. Selon
M. Ménière1, on n'en trouve jamais ni dans ces
genres, ni dans les genres Gongora, Cirrhœaetautres.
Chez le Catasetum tridentatum, et chez sa forme
femelle leMonachanthus, la cupule du labellum étant
renversée, ne saurait contenir du nectar. Comment
donc ces fleurs attirent-elles les insectes? 11 est
certain qu'ils doivent être attirés, surtout sur le
Catasetum, dont les sexes sont portés par des pieds
différents. Dans plusieurs genres de Vandées il n'y
a pas de trace d'organe sécréteur de nectar, ni de
réservoir; mais dans tous ces cas, autant que j'ai pu
m'en assurer, le labellum est épais et charnu ou
pourvu d'excroissances. Le labellum des Oncidium
et des Odontoglossum, par exemple, nous montre
toutes sortes de protubérances singulières. Chez le
Calanthe (fig. 24), on voit sur le labellum un amas
de petites boules bizarres, et en même temps un nec-
taire extrêmement long qui ne contient pas de nec-

' » Bull. Soc. bol. de France, tora. Il, ib55, p. 552.

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SÉCRÉTION DD NKCTA.R.                                    271

tar; chez l'Eulophia viridis, le nectaire est court et
vide, et le labellum couvert de crêtes longitudinales
bordées de franges. Enfin, chez quelques Ophrydées
qui n'ont pas de nectaire, comme les Ophrys mouche
et araignée, et à un degré moins évident l'O. abeille,
à la base du labellum se trouvent deux proéminences
brillantes, placées au-dessous des deux poches. Lindley
a remarqué que l'usage de ces excroissances étranges
et variées est tout à fait inconnu.

D'après la position qu'occupent ces excroissances
relativement au disque visqueux de la pollinie, et
d'après le manque de nectar, il me semble grande-
ment probable qu'elles jouent le rôle d'aliments, et
attirent ainsi, soit des hyménoptères, soit des coléop-
tères vivant au dépens des fleurs. J'expose cette opi-
nion parce qu'un examen attentif des fleurs de Van-
dées qui, dans leur pays natal, auraient eu leurs
pollinies enlevées, trancherait bientôt la question1.
Puisque des grains sont habituellement disséminés
par des oiseaux qu'attire la matière douce et pulpeuse

4 [J'ai éprouvé une grande satisfaction en apprenant que cette hypo-»
thèse était pleinement confirmée. Le docteur Crûger a vu, en Amé-
rique, des abeilles du genre Euglossa ronger le labellum des Cataseluin,
Coryanthes, Gongora et Stanhopea dans le sud du Brésil, Fritz Mùller
a plusieurs fois trouvé les proéminences du labellum de l'Oncidium
rongées. Ces faits nous mettent à môme d'expliquer l'existence de ces
saillies diverses et singulières qu'on remarque sur le labellum de plu-«
sieurs Orchidées exotiques, car invariablement elles sont placées de
telle sorte que, si un insecte les ronge, il doit toucher les disques vis-
queux et, par conséquent, enlever les pollinies.] C. D.y mai 1869.

[page break]

272                                     SÉCRÉTION DU NECTAR.

qui les enveloppe, une fleur peut bien être habituel-
lement fertilisée par un insecte venant prendre sa
nourriture sur le labellutn. Mais je suis obligé de dire
que le docteur Percy, ayant analysé pour moi le la-
bellum épais et sillonné d'un Warrea, en le faisant
fermenter sur du mercure, n'a pas constaté qu'il con-
tînt plus de matière sucrée que les autres pétales.
D'autre part, le labellum épais des Catasetum, et
môme les bases des pétales supérieurs chez le Mor-
modes ignea, ont, comme je l'ai dit plus haut, une
saveur un peu douce, assez agréable et succulente.

Nous en avons fini avec les Orchidées exotiques.
Pour moi j'ai trouvé le plus grand intérêt dans l'étude
de ces productions végétales si merveilleuses et sou-
vent si belles, si différentes des fleurs ordinaires par
tous leurs mécanismes variés, leurs parties suscep-
tibles de mouvement ou douées d'une propriété sem-
blable à la sensibilité, quoique certainement elle en
diffère. Les fleurs des Orchidées, avec leurs formes
étranges et diversifiées à l'infini, peuvent être com-
parées à la grande classe vertébrée des poissons, ou
plus justement encore aux insectes tropicaux de la
famille des homoptères, qui semblent à notre igno-
rance avoir été façonnés par le plus bizarre caprice.

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CHAPITRE VII

Homologies des fleurs d'Orchidées. — Profonde modification qu'elles
ont subies. — Gradation des organes, du rostellum, des masses pol-
liniques. — Formation du caudicule. — Affinités généalogiques. —
llécanisme du mouvement des pollinies. — Usages des pétales. —
Production des graines. — Importance des plus minimes détails de
structure. — Pourquoi la structure est si diversifiée quand le but gé-
néral à atteindre est toujours le même. — Pourquoi les combinaisons
organiques sont si parfaites chez les Orchidées. — Résumé sur le
rôle des insectes. — La nature a horreur de la fécondation directe
perpétuelle.

Il est peu de fleurs dont la structure théorique ait
donné lieu à plus de recherches que celles des Orchi-
dées; et ce n'est pas étonnant, si l'on remarque com-
bien elles diffèrent des fleurs ordinaires. On ne peut
bien comprendre aucun groupe d'êtres organisés avant
de s'être rendu compte de ses homologies ; c'est-à-dire
avant d'avoir discerné le modèle général, ou, comme
on l'appelle plus souvent, le type idéal des divers
membres de ce groupe. Aucun membre actuellement
existant ne peut être exactement semblable au type ;
mais ceci ne diminue pas l'importance de la question
pour le naturaliste, probablement même devient-elle

18

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274                                HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES'.

plus importante à résoudre pour l'intelligence com-
plète du groupe.

On arrive à discerner les homologies d'un être ou
d'un groupe d'êtres quelconques, surtout par l'étude
du développement embryogénique, quand elle est
possible; par la découverte d'organes à l'état rudi-
mentaire; ou en suivant, à travers une longue série
d'êtres, des transitions graduelles d'une partie à une
autre, jusqu'à ce que ces deux parties, très-dissem-
blables et employées à des fonctions tout à fait diffé-
rentes, puissent être reliées par une suite non inter-
rompue d'anneaux intermédiaires. On n'a jamais
relié ainsi deux organes, à moins qu'homologique-
ment ils ne fassent qu'un seul et même organe.

La science de l'Homologie est importante, parce
qu'elle nous donne la mesure des variations que le
plan de chaque groupe peut comporter, nous permet
de classer convenablement les organes les plus divers;
nous montre des gradations que nous n'aurions pas
aperçues et nous aide ainsi dans notre classification.
Elle explique beaucoup de monslruosités ; elle nous
fait découvrir des parties obscures et cachées ou
môme de simples vestiges d'organes* et nous révèle
la signification des rudiments. Outre ces avantages
pratiques, pour le naturaliste qui croit à une modifi-
cation graduelle des êtres organisés, la science de
l'Homologie enlève toute obscurité à des expressions
telles que le plan de la nature} le type idéal, l'arche-

[page break]

HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.                                275

type, etc., car alors ces mots expriment des faits
réels. Ainsi guidé, le naturaliste voit que tous les
organes homologues, quoique très-diversifiés, sont
des modifications d'un seul et même organe primitif;
en suivant les gradations actuellement existantes, il
pose des jalons pour déterminer, autant qu'il sera
possible, le cours probable des modifications pendant
une longue suite de générations. Soit qu'il suive le
développement de l'embryon, qu'il s'attache à l'étude
des organes rudimentaires, ou qu'il trace des transi-
tions graduelles entre les êtres les plus différents, il
peut être certain que par ces diverses voies il poursuit
le même but, marchant à la connaissance du progé-
niteur actuel du groupe, tel qu'il vivait et croissait
jadis. L'étude de l'Homologie gagne ainsi beaucoup
en intérêt.

Bien que cette étude, à quelque point de vue qu'on
la considère, offre toujours un grand intérêt à celui
qui s'occupe de la nature, il est très-douteux que les
détails suivants, relatifs à la nature homologique de la
fleur chez les Orchidées, puissent être supportés par
la plupart des lecteurs. Cependant, s'ils désirent voir
de quelle lumière vive, quoique encore bien impar*
faite, l'homologie peut éclairer un sujet, ces détails
seront peut-être aussi propres à le leur montrer que
tout autre exemple. Ils verront avec quel art une
fleur peut être façonnée à l'aide de plusieurs organes
distincts, combien l'adhérence de deux parties pri-

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276                              HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.

milivement séparées peut devenir intime, comment
des organes peuvent être employés dans des buts tout
à fait différents de leurs fonctions naturelles, com-
ment d'autres peuvent entièrement disparaître, ou ne
laisser de leur existence première que de simples
traces sans usage. Enfin, ils verront quelle énorme
somme de changements ces fleurs ont subie en s'éloi-
gnant de leur structure primordiale ou typique.

Robert Brown a le premier clairement discuté les
homologies des Orchidées1, et, comme on pouvait le
prévoir, il a peu laissé à faire. Guidé par la structure
générale des plantes monocotylédones, et par diverses
considérations, il a proposé d'admettre que la fleur se
compose proprement de trois sépales, trois pétales,
six anthères disposées sur deux rangs ou verticilles
(dont une seule, appartenant au verticille externe, est
parfaite chez toutes les formes ordinaires) et trois
carpelles, dont l'un se modifie et devient le rostellum.
Ces quinze organes sont disposés selon la règle com-
mune, trois par trois, sur cinq verticilles alternes.
R. Brown ne démontre pas suffisamment l'existence
de trois des anthères, mais il pense qu'elles sont
combinées avec le labellum, quand cet organe pré-
sente des crêtes ou des sillons. Ces vues de Brown

1 Je crois que ses dernières opinions ont été formulées dans son cé-
lèbre mémoire lu en novembre 1831 (Linnaean Transactions, vol. XVI,
p. 685). [Consulter aussi le docteur Crùger, qui adopte une autre ma-
nière de voir dans Journ. ofLinn. Soc., vol. VIII, Bot. 1864, p. 152.]
CD., 1869.

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HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.                               277

ont été acceptées par la plus haute autorité actuelle
en matière d'Orchidées, Lindley.

Robert Brown a suivi les trachées dans la fleur en
faisant des coupes transversales1, et seulement à l'oc-
casion, autant qu'on peut en juger, par des coupes lon-
gitudinales. Comme ces vaisseaux se développent de
très-bonne h°ure, ce qui donne toujours beaucoup
de valeur à un organe dans l'étude des homologies,
et comme ils paraissent avoir une haute importance
physiologique, quoique leur fonction ne soit pas bien
connue, il m'a semblé, guidé par les conseils du
Dr Hooker, qu'il serait utile de suivre dans le haut
de la fleur toutes les trachées naissant des six groupes
qui entourent l'ovaire. De ces six groupes de trachées,
j'appellerai (quoique ce ne soit pas correct) celui qui
est au-dessous du labellum, groupe antérieur; celui
qui est au-dessous du sépale supérieur, groupe pos-
térieur; et les deux groupes placés de chaque côté de
l'ovaire, groupes antéro-latéral et postéro-latéral.

Le diagramme suivant montre le résultat de mes
dissections. Les quinze petits cercles représentent au-

Linn. Transact., vol. XVI, p. 696-701. Link, dans ses Bemerkun-
gen iiber den Bau dcr Orchideen (Botanische Zeitung, 1849, s. 745)
semble aussi s'en êlre rapporté aux coupes transversales. S'il avait
suivi les vaisseaux dans leur longueur, je crois qu'il n'aurait pas atta-
qué l'opinion de Brown sur la nature des deux anthères du Cypripe-
dium. lîrongniart, dans son admirable mémoire (Annales des Se. Nat.,
tom. XXIV, 1851) indique accidentellement la marche de quelques tra-
chées.

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278                                HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.

tant de groupes de trachées, que j'ai tous suivis jus-
qu'à l'un des six grands faisceaux ovariens. Ils for-
ment, comme on le voit, cinq verticilles alternes;
mais je ne me suis pas préoccupé d'indiquer les dis-
tances exactes qui les séparent. Afin de guider l'œil,
on a réuni par un triangle les trois groupes centraux
qui se rendent aux trois carpelles.

Cinq groupes de trachées se rendent aux trois sé-
pales et aux deux pétales supérieurs, trois entrent
dans le labellum, et sept s'élèvent dans la grande co-
lonne centrale. Ces vaisseaux sont disposés, comme
on peut le voir, suivant des rayons qui partent de l'axe
de la fleur; et invariablement, tous les vaisseaux
d'un même rayon se rendent au même groupe ova-
rien : ainsi, ceux qui se distribuent au sépale supé-
rieur, à l'anthère fertile (A 1) et au carpelle ou stig-
mate supérieur (rostellum Sr), s'unissent pour former
le groupe ovarien postérieur. De même, ceux qui
desservent l'un des sépales inférieurs, un coin du
labellum et l'un des deux stigmates (S), s'unissent
pour former le groupe antéro-latéral ; et ainsi des
autres.

D'après cela, si l'on peut se fonder sur la présence
des groupes de trachées, et le Dr Hooker m'apprend
qu'il n'a jamais trouvé faux leur témoignage, une
fleur d'Orchidée se compose certainement de quinze
organes, dans un état remarquable de modification
et de soudure, Nous voyons trois stigmates, dont les

[page break]

HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.                            279

deux inférieurs sont généralement soudés, et le supé-
rieur se modifie pour former le rostellum. Nous
voyons six étamines disposées sur deux rangs, dont

Sépale supérieur ou postérieur.

Pétale
supérieur.

Sépale
inférieur.

Pétale
supérieur.

Sépale
inférieur.

Labellum.
Fig.52.

COUPE DE LA FLEUR D'UNE ORCHIDÉE.
Les petits cercles représentent les trachées.
SS. Stigmates. — Se. Stigmate modifié pour former le rostellum.
A4. Anthère fertile du verlicille externe; A2 et A3, anthères du même verticille
combinée avec le pétale inférieur, pour former le labellum.

a, et <!,, anthères rudimentaires du vertieille interne, formant généralement
le clinandre, fertiles chez les Cypripedium ; a5l troisième anthère du même
verticille qui, quand elle existe, forme le devant de la colonne.

une seule (À 1) est ordinairement fertile; chez les
Cypripedium, cependant, deux étamines du verticille
interne (a 1 et a 2) sont fertiles, et chez les autres Or-
chidées elles sont représentées de diverses manières,

[page break]

280                             HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.

plus manifestement que les autres. La troisième
étamine du verticille interne (a 3), quand on peut
suivre ses trachées, forme le devant de la colonne :
Brown pensait qu'elle formait souvent une excrois-
sance médiane ou crête adhérente au labellum,
ou, chez le Glossodia1, un organe filamenteux qui
s'avance librement au-devant de lui. La première de
ces opinions ne s'accorde pas avec mes dissections ;
à l'égard du Glossodia, je ne sais rien. Les deux éta-
mines stériles du verticille externe (A 2, A 3) étaient,
pour R. Brown, représentées quelquefois par des
excroissances latérales du labellum; j'ai constaté la
présence de leurs trachées dans le labellum chez
toutes les Orchidées dont j'ai fait l'examen, même
dans les cas où ce labellum est très-étroit ou tout
à fait simple, comme chez les Malaxis, les Ilenni-
nium et les Habenaria.

Nous voyons donc qu'une fleur d'Orchidée se com-
pose de cinq parties simples, qui sont trois sépales et
deux pétales, et de deux parties composées, la colonne
et le labellum. La colonne est formée de trois car-
pelles et généralement de quatre étamines, le tout
complètement soudé. Le labellum est formé d'un
pétale et de deux étamines pétaloïdes du verticille
externe, avec soudure également parfaite. Je remar-

» Voy. les observations de R. Rrown sur l'Apostasia, dans les Plantx
Asiaticx rariores, 1850, p. 74, de Wallich.

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HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES                              281

querai, comme venant à l'appui de ce fait, que dans
la famille voisine des Marantacées les étamines, et
même les étamines fertiles, sont souvent pétaloïdes
et partiellement soudées. Cette manière d'envisager la
nature du labellum explique sa grande taille, sa forme
fréquemment triparlite, et surtout son mode d'union
à la colonne, qui diffère de celui des autres pétales1.
Comme les organes rudimentaires varient beaucoup,
elle peut aussi nous faire comprendre la variabilité
qui, selon le docteur Iïooker, caractérise les excrois-
sances du labellum. Chez quelques Orchidées dont le
nectaire est en forme d'éperon, les deux côtés de cet
organe paraissent formés par les deux étamines mo-
difiées; ainsi chezleGymnadenia conopsea (mais non
chez l'Orchis pyramidalis), les trachées provenant du
groupe ovarien antéro-latéral, descendent sur les cô-
tés du nectaire ; celles qui viennent du groupe anté-
rieur descendent en suivant exactement le milieu du
nectaire, puis remontent sur le côté opposé et vont
former la nervure médiane du labellum. Le dévelop-
pement de ces éléments latéraux du nectaire explique
sans doute la tendance de son extrémité à se bifur-
quer, chez les Calanthe, l'Orchis morio, etc.

J'ai observé le nombre, la position et la marche des
trachées, telles que les montre le diagramme (fig. 52),

1 Link parle du mode d'union du labellum et de la colonne dans
Bemerkungen, etc., dans Bolanische Zeitung, 1849, p. 745,

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282                              HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.

sur quelques Vandées et Epidendrées1. Chez les Mala-
xidces, j'ai retrouvé les mêmes trachées excepté a 3,
qui est la plus difficile de toutes à suivre et paraît le

1 Je devrais peul-être donner quelques détails sur les fleurs que j'ai
disséquées ; mais j'examinais des points spéciaux, tels que la marche
des trachées dans le labellum, et pour la plupart ils ne méritent pas
d'être rapportés ici. Pour la tribu des Vandées, j'ai suivi toutes les tra-
chées chez les Cataselum tridentatum et saccatum; le grand faisceau
qui se rend au rostellum se sépare (ainsi que chez les Mormodes) du
groupe ovarien postérieur, au-dessous de la bifurcation qui fournit les
groupes du sépale supérieur et de l'anthère fertile ; le groupe ovarien
antérieur court un peu le long du labellum avant de se bifurquer, et
d'envoyer un faisceau (a 3) vers le haut de la face antérieure de la co-
lonne; les trachées qui naissent du groupe postéro - latéral s'élèvent
le long de la face dorsale de la colonne, de chaque côté de celles qui se
dirigent vers l'anthère fertile, et ne vont pas aux bords du clinandre.
Chez YAcropera luteola la base de la colonne, au point où s'attache le
labellum, est très-allongée, et les trachées de tout le groupe ovarien an-
térieur s'allongent de même; celles qui s'élevaient sur le devant de
la colonne (a 3) sont brusquement réfléchies; à leur point de ré-
flexion , elles sont curieusement indurées et aplaties, et présentent des
saillies et des renflements bizarres. Sur un Oncidium, j'ai suivi les tra-
chées Sr jusqu'à la glande visqueuse de la pollinie. Parmi les Epiden-
drées, j'ai suivi toutes les trachées chez un Cattleya ; et chez YEvelyrta
caravata, toutes, excepté a 5, que je ne cherchais pas. Dans les Malaxi-*
dées, chez le Liparis pendula, toutes aussi, sauf a 3, qui manque pro-
bablement. Sur le Malaxis paludosa, j'ai suivi presque toutes les tra-
chées. Sur les Cypripedium barbatum et purpuratum de même, sauf a 3
qui manque, j'en suis presque certain. Parmi les Neottiées, j'ai examiné
le Cephalanlliera graiidiflora et suivi tous ses groupes vasculaires, ex-
cepté celui du rostellum avorté et ceux des deux oreillettes a 1 et a 2,
qui étaient certainement absents; YEpipactis, ou les groupes a 1, a 2,
a 5, manquent certainement; le Spiranthes autumnalis, où le groupe
Sr court jusqu'au sommet de la fourche du rostellum : dans celte espèce
et le Goodyera, il n'y a pas de vaisseaux se rendant aux membranes du
clinandre Chez aucune des Ophrydées, on ne trouve les groupes a 1,
a 2 et a 3. Sur YOrchis pyramidalisi'ù suivi tous les autres, y compris
deux qui se rendaient aux deux stigmates séparés : dans celte espèce,
les vaisseaux du labellum contrastent d'une manière frappante avec

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HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.                              285

plus souvent manquer. Chez les Cypripédiées aussi1, je
les ai suivies sauf a 3, qui, j'en suis certain, était ici
réellement absente : dans cette tribu l'étamine (A 1)
est représentée par un rudiment très-apparent et en
forme de bouclier, tandis qu'a 1 et a 2 se dévelop-
pent en anthères fertiles. Chez les Ophrydées et les
Néottiées toutes les trachées ont été suivies, à l'ex-
ception importante de celles qui appartiennent aux
trois étamines (a \, a 2 et a 3) du verticille interne.

ceux des sépales et des autres pétales ; ces derniers, en effet, sont sim-
ples, tandis que dans le labellum il y en a trois, dont les deux latéraux
rejoignent naturellement le groupe ovarien antéro-latéral. J'ai égale-
ment tout suivi sur le Gymnadenia conopsea; mais je ne suis pas sûr
que les trachées qui desservent les côtés du sépale supérieur ne s'é-
cartent pas de leur tracé ordinaire, comme dans le genre voisin Habe-
naria, pour se jeter dans le groupe ovarien postéro-latéral : le groupe
Sr, allant au rostellum, pénètre dans la petite crête membraneuse qui
s'avance entre les bases des loges de l'anthère. Enfin, sur YHabenaria
chlorantha j'ai suivi toutes les trachées, excepté, bien entendu, les
trois groupes qui se rendent au verticille staminal interne ; et cepen-
dant, j'ai cherché avec beaucoup de soin a 3 : le faisceau qui dessert
l'anthère Fertile monte le long du connectif, entre les deux loges de
l'anthère, mais ne se bifurque pas : celui qui dessert le rostellum monte
vers le haut de l'épaule ou rebord qui est au-dessous du connectif, mais
ne se bifurque pas non plus et ne s'étend pas jusqu'aux deux disques
visqueux largement séparés.

1 D'après la description que donne Irmisch (Beitrâge zur Biologie der
Orchideen, 1855, s. 78 et 42) du développement d'un bouton de Cypri-
pedium, il semble qu'il y ait chez cette fleur tendance à la formation
d'un filament libre en avant du labellum, comme chez le Glossodia dont
j'ai parlé plus haut; et ceci expliquerait peut-être l'absence des tra-
chées qui proviennent du groupe ovarien antérieur et se rendent dans
la colonne. Dans le genre Uropedium, que Brongniarl [Annal, des Se.
nat., 3°" série, Bot., tome XIII, p. 114) regarde comme très-voisin, et
peut-être comme une monstruosité, du genre Cypripedium, une troi-
sième anthère fertile occupe exactement cette même position.

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284                                IIOMÛLOGIES DES ORCHIDÉES.

Cependant, chez le Cephalanthera grandiflora, j'ai
clairement vu a 5 se détacher du groupe ovarien an-
térieur et s'élever sur le devant de la colonne; ce
membre anormal de la tribu des Néottiées n'a pas
de rostellum, et le faisceau vasculaire désigné par Sr
sur le diagramme manquait totalement, bien qu'il
existe chez toutes les autres Orchidées.

Quoique chez aucune véritable Orchidée, à l'excep-
tion des Cypripedium, les deux anthères (a 1 et a 2)
du veiticille interne ne soient complètement déve-
loppées, elles existent généralement à l'état rudimen-
taire etsont souvent utilisées ; ainsi, elles forment en
général les parois membraneuses du clinandre, cu-
pule qui termine en haut la colonne, renferme et
protège les masses polliniques. Ces rudiments vien-
nent donc en aide à leur sœur l'anthère fertile. Dans
un jeune bouton de Malaxis paludosa, les membranes
du clinandre et l'anthère fertile, pour la forme, la
texture, la hauteur à laquelle les trachées atteignent,
se ressemblent d'une manière très-frappante : il est
impossible de ne pas voir dans ces deux membranes
deux anthères rudimentaires. Chez une Épidendrée,
l'Evelyna, le clinandre est de forme semblable, et il
en est de même, chez les Masdevallia, des cornes du
clinandre qui servent pareillement à maintenir le
labellum à une distance convenable de la colonne. Chez
le Liparis pendula et quelques autres plantes, non-
seulement ces deux anthères rudimentaires forment

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II0M0L0GIES DES ORCHIDÉES.                               285

le clinandre, mais elles s'avancent comme deux ailes
de chaque côté de l'entrée de la cavité stigmatique,
et servent à guider l'introduction des masses polli-
niques. Dans les genres Acropera et Stanhopea, au-
tant que j'ai pu m'en assurer, les bordures membra-
neuses qui descendent le long de la colonne jusqu'à
sa base, ont la même origine ; mais dans d'autres
cas, comme chez les Cattleya, les bordures ailées de
la colonne m'ont paru être de simples développe-
ments des deux carpelles. Dans ce dernier genre et
dans le genre Catasetum, les deux mêmes étamines
rudimentaires, si l'on juge d'après la situation des
vaisseaux, servent surtout à raffermir la partie dor-
sale de la colonne ; et consolider de même la partie
antérieure est l'unique fonction de la troisième éta-
mine (a 3) du verticille interne, dans le cas où j'ai
pu la découvrir. Cette troisième étamine remonte au
milieu de la colonne, jusqu'au bord inférieur ou
lèvre de la cavité du stigmate.

J'ai dit que chez les Ophrydées et les Néottiées, les
trachées marquées al, al, a 5 dans le diagramme
manquent totalement, et je.les ai cherchées avec soin ;
mais chez presque tous les membres de ces deux tri*
bus, deux petites papilles, souvent nommées oreillet-
tes, se voient exactement dans la position que les deux
premières de ces trois anthères occuperaient, si elles
s'étaient développées. Non-seulement elles se trou-
vent dans cette position, mais la colonne, dans quel-

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286                                HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.

ques cas, comme chez le Cephalanthera, présente de
chaque côté une ligne proéminente, courant de ces
deux oreillettes aux bases ou aux nervures médianes
des deux pétales supérieurs, c'est-à-dire précisément
suivant la direction des filets des deux étamines en
question. De plus, on ne saurait douter que les mem-
branes du clinandre, chez le Malaxis, ne soient for-
mées par ces deux anthères dans un état de modifica-
tion et d'atrophie. On peut maintenant, depuis le
clinandre parfait du Malaxis, en passant par ceux du
Spiranthes, du Goodyera, de l'Epipactis latifolia et
de l'E. palustris (voy. fig. 14, p. 104, et 13, p. 96),
jusqu'aux oreillettes petites et légèrement aplaties du
genre Orchis, tracer une gradation complète. J'en
conclus que ces oreillettes sont doublement rudimen-
taires ; car ce sont les rudiments des parois membra-
neuses du clinandre, qui elles-mêmes sont les rudi-
ments des deux anthères dont j'ai si souvent parlé.
L'absence de trachées se rendant aux oreillettes ne
semble nullement suffire pour renverser ces quelques
suppositions sur leur nature si controversée; la
preuve que ces vaisseaux peuvent tout à fait dispa-
raître nous est fournie par le Cephalanthera grandi-
flora, chez lequel le rostellum et ses trachées ont
complètement avorté.

En résumé, des six étamines ou anthères qui doi-
vent être représentées chez toute Orchidée : les trois
qui appartiennent au verticille externe sont toujours

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HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.                                 287

présentes, la supérieure est généralement fertile, et
les deux inférieures, invariablement pétaloïdes, font
partie du labellum; les trois qui composent le ver-
ticille interne sont moins bien développées, sur-
tout l'inférieure, a 5, qui, lorsqu'on peut la décou-
vrir, sert seulement à renforcer la colonne, et dans
quelques cas rares, selon R. Brown, forme une saillie
distincte ou un filament. Les deux anthères supé-
rieures de ce verticille interne sont fertiles chez les
Cypripedium, et dans les autres cas, sont générale-
ment représentées par des expansions membraneuses
ou par de petites oreillettes sans trachées ; toutefois,
ces oreillettes elles-mêmes peuvent faire complète-
ment défaut, comme chez quelques espèces d'Ophrys.

Ces notions sur les homologies des fleurs d'Orchi-
dées nous permettent de comprendre l'existence de
la remarquable colonne centrale, la grandeur, la
forme généralement tripartiLe et le mode spécial d'at-
tachement du labellum, l'origine du clinandre, la
position relative de l'unique anthère fertile chez la
plupart des Orchidées et des deux anthères fertiles
chez les Cypripedium, la situation du rostellum et
celle des autres organes, enfin la division fréquente
du stigmate en deux lobes et la présence plus rare de
deux stigmates distincts.

Je n'ai rencontré qu'un seul cas auquel il me fût
difficile d'appliquer les vues précédentes, celui des
deux genres voisins, Habenaria et Bonatea. Ces fleurs

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288                                HOMOLOGIGS DES ORCIHDÉhS.

ont subi une déformation si extraordinaire, par suite
de l'écartement considérable des deux loges de leur
anthère et des deux disques visqueux de leur rostel-
lum, qu'une anomalie n'a chez elles rien de surpre-
nant. Cette anomalie porte seulement sur les tra-
chées qui se rendent aux côtés du sépale et des deux
pétales supérieurs ; celles qui forment les nervures
médianes de ces pièces ou se distribuent aux organes
plus importants, suivent identiquement le même tra-
jet que chez toutes les autres Ophrydées. Les trachées
latérales du sépale supérieur, au lieu de s'unir à
celles delà côte médiane pour se jeter dans le groupe
ovarien postérieur, divergent et tombent dans les
groupes postéro-latéraux : de même, les trachées de
la face antérieure des pétales supérieurs, au lieu de
s'unir à celles de la côte médiane pour se jeter dans
les groupes ovariens postéro-latéraux, divergent et
s'écartent de leur tracé ordinaire, pour se joindre aux
groupes antéro-latéraux.

L'importance de cette anomalie dépend du doute
qu'elle peut jeter sur la vérité de ma proposition,
que le labellum est toujours un organe composé d'un
pétale et de deux étamines pétaloïdes; car si l'on
venait à avancer que, pour quelque cause inconnue,
chez un ancien représentant de la famille des Orchi-
dées, les vaisseaux latéraux du pétale inférieur se
soient détournés de leur trajet primitif pour se jeter
dans les groupes ovariens antéro-latéraux, et que

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HOMOLOGIKS DES ORCHIDÉES.                               289

cette particularité se soit perpétuée par hérédité
chez toutes les Orchidées actuelles, même chez celles
dont le labellum est le plus petit et le plus simple,
je ne pourrais donner que la réponse suivante ; mais
elle est, je crois, satisfaisante. On peut s'attendre à
trouver dans les fleurs d'Orchidées, par analogie
avec les autres fleurs de plantes monocotylédones,
quinze organes plus ou moins dissimulés, arrangés
en cinq verticilles alternes ; or on trouve quinze
groupes de vaisseaux arrangés précisément ainsi.
D'après cela, il y a une forte probabilité pour
que les vaisseaux des groupes A 2 et A 3, qui pé-
nètrent dans les parties latérales du labellum,
non pas dans un ou deux cas, mais chez toutes les
Orchidées que j'ai vues, et qui sont placés absolu-
ment comme ils le seraient s'ils desservaient deux
étamines normales, représentent réellement des éta-
mines modifiées ou pétaloïdes, et ne soient pas les
vaisseaux latéraux du pétale inférieur qui se seraient
écartés de leur trajet primitif. D'autre part, dans les
genres Habenaria et Bonateal, les vaisseaux venant

4 Chez le Bonatea speciosa, dont je n'ai examiné que des échantillons
desséchés, envoyés par le docteur Hooker, les trachées provenant des
côtés du sépale supérieur se jettent dans le groupe ovarien postéro-
latéral, exactement comme chez les Habenaria. Les deux pétales supé-
rieurs sont fendus jusqu'à leurs bases, et les vaisseaux du segment an-
térieur s'unissent à ceux de la portion antérieure du segment postérieur
pour se jeter, comme chez les Habenaria et contrairement à ta règle
ordinaire, dans les groupes antéro-latéraux. Les segments antérieurs
des deux pétales supérieurs se soudent au labellum, qui se trouve

19

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290                              HOMOLOG1ES DES ORCUIDÉES.

des côtés du sépale et des deux pétales supérieurs et
se jetant dans des groupes ovariens inaccoutumés,
ne peuvent représenter aucun organe autrefois dis-
tinct et actuellement disparu.

Nous avons terminé maintenant l'étude des homo-
logies générales de la fleur chez les Orchidées. Il est
intéressant dejeterlesyeuxsurunedes espèces étran-
gères les plus magnifiques, ou seulement sur une de
nos plus humbles formes, et d'observer combien elle
apparaît profondément modifiée quand on la compare
à toutes les fleurs ordinaires. Cette fleur, avec son
labellum généralement grand, formé d'un pétale et
de deux étamines pétaloïdes, avec ses curieuses mas-

ainsi, de la manière la plus spéciale, divisé en cinq segments. Les
deux stigmates, merveilleusement saillants, se soudent aussi à la
face supérieure du labellum, tandis que les sépales inférieurs paraissent
se souder à son cùté inférieur. Par conséquent, une section de la base
du labellum divise le pétale inférieur, deux anthères pétaloïdes, des
parties des deux pétales supérieurs et, sans doute, des deux sépales in-
férieurs et des deux stigmates : elle coupe en tout ou en partie non
moins de sept ou neuf organes. La base du labellum est ici un organe
aussi complexe que la colonne des autres Orchidées.

[La structure et le mode de fertilisation de cette merveilleuse Orchi-
dée sont maintenant complètement décrites par M. R. Trimen (Journ.
of Linn. Soc, vol. IX, bot. 1865, p. 156). Une saillie ou cheville qui
s'élève de la base du labellum est une des particularités les plus remar-
quables, car elle contraint l'insecte d'introduire sa trompe d'un côté, et
de cette manière il atteint un des disques. M. J.-B. Mansel Weale a
publié aussi (ibid., vol. X, p. 470, 1869) des observations analogues
sur une seconde espèce, le Bonatea Darwini. Il a pris un papillon sau-
teur, un Pyrgus elmo, tout à fait embarrassé par le nombre des polli-
nies qui s'étaient attachées à son sternum. Je ne connais aucun autre
cas dans lequel les pollinies s'attachent au sternum d'un Lépidoptère.]
C. D., mai 1869.

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HOMOLOGIES DES ORCHIDÉES.                                 291

ses polliniques dont je vais maintenant m'occuper, et
sa colonne résultant de la soudure de sept organes,
dont trois seulement remplissent leur fonction natu-
relle, savoir, une anthère et deux stigmates ordinai-
rement soudés, tandis qu'un troisième stigmate est
incapable d'être fécondé, mais se transforme et de-
vient le merveilleux rostellum, et que trois anthères,
semblablement incapables de produire du pollen,
servent à protéger le pollen de l'anthère fertile ou à
consolider la colonne, ou sont réduites à l'état rudi-
mentaire, ou disparaissent entièrement ; cette fleur,
quelle somme de modifications, de changements de
fonction, de soudures et d'avortements elle réunit ! Et
pourtant nous savons que dans cette colonne et les
pétales et sépales qui l'entourent, se trouvent cachés,
disposés trois par trois sur cinq verticilles concentri-
ques alternes, quinze faisceaux vasculaires qui sans
doute ont subsisté jusqu'au temps présent pour s'être
développés dans chaque fleur dès le début de son évo-
lution, avant la formation ou l'existence de telle ou
telle partie nécessaire au bien-être de la plante.

Pouvons-nous, en vérité, être satisfaits d'admettre
que chaque Orchidée a été créée, exactement telle que
nous la voyons aujourd'hui, d'après un certain «type
idéal, » et que le tout-puissant Créateur, ayant tracé
un plan unique pour toute la famille, n'a pas voulu
s'écarter de ce plan? qu'ainsi, le Créateur a fait ac-
complir au même organe diverses fonctions, souvent

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292                                              GRADATIONS

insignifiantes par rapport à sa fonction primitive, a
réduit d'autres organes à de simples rudiments sans
usage, et les a tous disposés comme s'ils devaient rester
séparés, pour les souder ensuite ? N'est-il pas plus
simple et plus intelligible d'admettre que toutes les
Orchidées doivent leurs caractères communs à leur
descendance de quelque plante monocotylédone, qui
comme tant d'autres plantes du même embranche-
ment, possédait quinze organes, disposés trois par
trois sur cinqverticilles alternes; et que la structure
présente de leur fleur, si merveilleusement changée,
a été acquise par une longue suite de lentes modifi-
cations, chaque modification utile ayant été fixée,
pendant le cours des changements incessants auxquels
le monde organique et le monde inorganique ont été
exposés ?

De la gradation des organes. — Le rostellum, les
pollinies, le labellum, et à un moindre degré la co-
lonne, sont les parties les plus remarquables de l'or-
ganisme des Orchidées. Je me suis déjà suffisamment
étendu sur les deux dernières. Quant au rostellum,
hors de la famille des Orchidées, il n'existe aucun
organe qui lui soit comparable. Si les homologies de
ces fleurs n'étaient pas assez bien connues, ceux qui
croient à la création distincte de chaque être pour-
raient s'appuyer sur ce fait, et citer le rostellum
comme un organe absolument nouveau, spécialement
créé, qui ne saurait être dérivé d'aucun organe

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DANS LA. STRUCTURE DU ROSTELLUM. 293

préexistant par voie de modifications lentes et succès
sives.Mais, Brown l'a remarqué depuis longtemps, ce
n'est pas un organe nouveau. Il est impossible de jeter
les yeux sur les deux groupes de trachées (fig. 3'2,
p. 279) qui vont des nervures médianes des deux sé-
pales inférieurs aux deux stigmates inférieurs quel-
quefois tout à fait distincts, puis sur le troisième
groupe de ces vaisseaux allant de la nervure médiane
du sépale supérieur au rostellum, qui occupe exacte-
ment la place d'un troisième stigmate, sans recon-
naître sa nature homologique. Il y a toute raison de
croire que ce stigmate supérieur tout entier, et non pas
simplement une partie, s'est transformé en rostellum ;
car dans beaucoup de cas il y a deux stigmates, mais
jamais il n'y en a trois chez les Orchidées qui ont un
rostellum. D'autre part, chez les Cypripedium et les
Apostasia (ce dernier genre était rangé par Brown
parmi les Orchidées), il n'y a point de rostellum et
la surface du stigmate est trifide.

Ne connaissant que les plantes actuellement exis-
tantes, il nous est impossible de suivre tous les degrés
par lesquels le stigmate supérieur a passé pour deve-
nir le rostellum ; mais voyons quels sont les faits fa-
vorables à l'hypothèse d'une telle transformation. Le
changement physiologique n'a pas été aussi grand
qu'il semble tout d'abord. La fonction du rostellum
est de sécréter une grande quantité de matière vis-
queuse ; il n'est plus apte à être traversé, par les

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294                                               GRADATIONS

tubes polliniques, et par conséquent, a perdu sa fer-
tilité ; mais cette perte est si commune parmi les
plantes, qu'elle mérite à peine d'être mentionnée. Les
stigmates des Orchidées, comme ceux de la plupart
des autres plantes, sécrètent une matière visqueuse
dont l'usage est toujours de retenir le pollen, quand
par un moyen quelconque JJ. est déposé sur leur sur-
face. Maintenant, examinons le rostellum le plus
simple, par exemple, celui d'un Gattleya ou d'un Epi-
dendrum.Nous trouverons une couche épaisse de ma-
tière visqueuse, qui n'est pas distinctement séparée
de la surface gluante des deux stigmates soudés : sa
fonction est simplement d'enduire le dos d'un insecte
qui sort de la fleur et de lui attacher les masses pol-
liniques : elles sont ainsi tirées hors de l'anthère et
transportées sur une autre fleur, et là, retenues par
la surface presque aussi visqueuse du stigmate. Le
rôle du rostellum est donc encore de mettre en sû-
reté les masses polliniques, mais indirectement, en
les attachant au corps d'un insecte.

La matière visqueuse du rostellum et celle du stig-
mate paraissent avoir presque les mêmes caractères :
celle du rostellum a généralement la propriété spé-
ciale de se dessécher promptement ou de durcir ;
celle du stigmate, quand on la retire de la plante,
semble se dessécher plus vite que de l'eau gommée
au même degré de viscosité. Cette tendance à la des-
siccation est très - remarquable, car, d'après Gœrl-

[page break]

DANS LA. STRUCTURE DU ROSTELLUM. 295

ner1, des gouttes de la sécrétion stigmatique d'une
Nicotiane n'ont pu se dessécher en deux mois. Chez
beaucoup d'Orchidées, la matière visqueuse du ros-
tellum, quand on l'expose à l'air, change de couleur
avec une rapidité remarquable et devient d'un brun
pourpré ; j'ai observé un changement de couleur
semblable, quoique lent, dans la sécrétion visqueuse
des stigmates de quelques Orchidées, entre autres le
Cephalanthera grandiflora. Quand on place dans l'eau
le disque visqueux d'un Orchis, comme l'ont aussi
constaté Brown et Bauer, de petites parcelles en sont
expulsées avec violence et d'une manière particulière,
et j'ai observé exactement le même fait sur la couche
de matière visqueuse qui recouvrait les utricules
stigmatiques, dans une fleur non épanouie de Mor-
modes ignea.

Pour comparer en détail la structure du rostellum
à celle du stigmate, j'ai examiné de jeunes boutons
des Epidendrum cochleatum et floribundum, fleurs
qui, à leur complet développement, ont un rostellum
simple. La surface postérieure était la même dans les
deux organes; le rostellum, à cette période peu avan-
cée, se composait d'un amas de cellules presque orbi-
culaires, contenant des sphérules de matière brune,
qui se résolvent plus tard en matière visqueuse : le
stigmate était couvert d'une couche plus mince de

1 Beitrâge zur Kenntniss der Befruchtung, 1844, s. 236.

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296                                              GRADATIONS

cellules semblables, et au-dessous d'elles étaient les
utricules fusiformes adhérentes. On pense que ces
utricules sont en rapport avec la pénétration des
tubes polliniques, et leur absence dans le rostellum
explique sans doute sa stérilité. Sur un bouton, n'ayant
pas trouvé dans le stigmate, la couche extérieure
de cellules presque orbiculaires qui paraît sécréter la
matière visqueuse et que mentionnent des observa"
teurs plus expérimentés, je ne peux m'empêcher
d'avoir quelque doute à ce sujet ; toutefois, je n'ai
nulle autre raison pour suspecter l'exactitude de mes
recherches. Si la structure du rostellum chez une
des Orchidées les plus simples, et celle du stigmate,
sont telles que je les ai décrites, leur seule diffé-
rence est que, chez le rostellum, la couche de cellu-
les qui sécrète la matière visqueuse est plus épaisse
et les utricules ont disparu.

D'après cela, on peut très-bien concevoir que pen-
dant le cours d'une transformation lente, le stigmate
supérieur, tandis qu'il est encore jusqu'à un certain
degré fertile ou susceptible d'être traversé par les
tubes polliniques, puisse sécréter un excès de matière
visqueuse ; et que les insectes, en s'enduisant de cette
matière, parviennent à retirer les masses polliniques
et à les transporter sur les stigmates des autres fleurs.
Ainsi se serait formée une ébauche de rostellum.

Les détails suivants sur le rostellum et les polli-
nies intéresseront seulement celui qui se préoccupe

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DANS LA STRUCTURE DU ROSTELLUM. 297

beaucoup de l'organisation des Orchidées, ou qui
désire voir jusqu'à quel point deux états très-diffé-
rents d'un même organe peuvent être reliés l'un à
l'autre, dans les limites d'une seule famille. Si l'on
parcourt les sept tribus, on voit que le rostellum offre
une merveilleuse diversité de structure ; mais la plu-
part de ses états peuvent être reliés sans laisser entre
eux de trop grandes lacunes. L'une des variations les
plus frappantes consiste en ce que, tantôt toute la
surface antérieure jusqu'à une certaine profondeur,
et tantôt la portion centrale seule deviennent vis-
queuses; dans ce dernier cas, chez les Orchis par
exemple, la surface reste membraneuse. Mais entre
ces deux états il y a tant de transitions insensibles,
qu'il est à peine possible de tirer une ligne de sépa-
ration : ainsi, chez les Epipactis, la surface exté-
rieure s'écarte beaucoup de sa nature cellulaire pri-
mitive; elle se convertit en une membrane très-élas-
tique et tendre, qui est elle-même légèrement vis-
queuse, et laisse volontiers exsuder la matière vis-
queuse qu'elle recouvre; toutefois, c'est encore une
membrane, dont une couche plus épaisse de matière
visqueuse enduirait la surface inférieure. Chez l'Ha-
benaria chlorantha la surface extérieure est très-vis-
queuse, mais ressemble encore beaucoup, sous le
microscope, à la membrane extérieure de l'Epipactis.
Enfin, chez quelques espèces d'Oncidium, etc.,
la surface visqueuse extérieure, autant que peut

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298                                              GRADATIONS

le montrer son aspect sous le microscope, diffère
de la couche visqueuse sous-jacente seulement par
la couleur ; mais il doit y avoir quelque différence
essentielle ; j'ai trouvé en effet que la couche sous-
jacente reste visqueuse tant que la couche exté-
rieure très-mince est intacte, et si elle cesse de
l'être, durcit rapidement. Il ne faut pas s'étonner
de cette gradation dans l'état de la surface du ros-
tellum, car dans le bouton, la surface est toujours
cellulaire ; il ne s'agit donc que de la persistance
plus ou moins parfaite d'un état premier.

La nature de la matière visqueuse varie d'une façon
remarquable parmi les Orchidées : chez le Listera,
elle durcit presque instantanément, plus vite que le
plâtre de Paris; chez le Malaxis et l'Angraecum, elle
reste fluide et visqueuse pendant quelques jours; et
entre ces deux extrêmes il y a beaucoup d'intermé-
diaires. J'ai vu la matière visqueuse d'un Oncidium
se dessécher en une minute et demie ; à celle de quel-
ques espèces d'Orchis il faut deux ou trois minutes;
chez l'Epipactis il en faut dix, chez le Gymnadenia
deux heures, chez l'IIabenaria plus de vingt-quatre
heures. Quand la matière visqueuse d'un Listera s'est
durcie, ni l'eau ni l'esprit-de-vin faible n'ont d'ac-
tion sur elle ; celle de l'Habenaria bifolia, au contraire,
après avoir séjourné dans l'alcool et avoir été dessé-
chée pendant quelques mois, devient, quand on l'hu-
mecte, aussi gluante que jamais ; la matière visqueuse

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DANS LA. STRUCTURE DU ROSTELLUH. 299

de certaines espèces d'Orchis, en pareil cas, présente
un état intermédiaire.

Une des variations les plus importantes du rostel-
lum porte sur ce que les pollinies lui sont ou ne lui
sont pas congénitalement attachées. Je ne fais pas
allusion aux cas dans lesquels la surface supérieure
du rostellum devient visqueuse, comme chez le Ma-
laxis et quelques Epidendrum, et s'attache sans inter-
vention mécanique aux masses de pollen ; ces cas ne
présentent pas de difficulté, et on peut les relier par
une gradation. Mais je m'occupe de ce qu'on appelle
l'attachement congénital des pollinies par leurs cau-
dicules. Il n'est pas strictement correct de parler d'un
attachement congénital, car au début, les pollinies
sont invariablement libres; elles ne s'attachent au
rostellum qu'ensuite, plus ou moins promptement
selon les espèces. On ne connaît point de gradation
actuelle dans le mode d'attachement; mais on peut
montrer qu'il dépend de conditions et de modifica-
tions très-simples. Chez les Épidendrées, les pollinies
se composent d'une masse de pollen cireux, avec un
long caudicule (formé de fils élastiques auxquels
adhèrent des grains de pollen) qui ne s'attache
jamais spontanément au rostellum. D'autre part,
le Cymbidium giganteum a un caudicule attaché
congénitalement à cet organe, mais sa structure est
identiquement la même, avec cette seule différence
que les fils élastiques, près de sa base, adhèrent à la

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300                                               GRADATIONS

lèvre supérieure du rostellum au lieu de reposer
simplement sur elle.

Sur une forme voisine, l'Oncidium unguiculatum,
j'ai suivi le développement des caudicules. Les masses
polliniques sont d'abord renfermées dans des loges
membraneuses ; bientôt ces loges se rompent sur un
de leurs points. A cette période peu avancée, on peut
découvrir dans la fente que présente chaque masse pol-
linique une couche de substance cellulaire, avec des
cellules d'assez grande dimension, chargées d'une
matière notablement opaque. On peut suivre tous les
degrés de transformation par lesquels passe ce con-
tenu, pour devenir la trame translucide des filaments
du caudicule. A mesure que ce changement s'effectue,
les cellules disparaissent. Finalement, ces fils adhè-
rent par une de leurs extrémités au pollen cireux, et
par l'autre, tandis qu'ils ne sont encore qu'à demi
développés, sortent par la petite ouverture de la loge
membraneuse et s'attachent au rostellum, contre
lequel l'anthère est pressée. Ainsi, l'attachement des
pollinies à la face dorsale du rostellum semble dé-
pendre uniquement de la rupture prématurée des
parois de l'anthère, et d'une légère saillie que font
les caudicules par l'ouverture ainsi formée, avant
qu'ils ne se soient entièrement développés et durcis.

Chez toutes les Orchidées une portion du rostellum
est réellement enlevée par les insectes avec les polli-
nies; car la matière visqueuse, bien que j'en aie jus-

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DANS LA STRUCTURE DU ROSTELLUM. 301

tement parlé comme d'une sécrétion, est une partie
modifiée du rostellum. Mais chez celles dont les cau-
dicules s'attachent de bonne heure au rostellum, une
portion solide, membraneuse, non modifiée de sa
surface extérieure, est également retirée. Chez les
Vandées, cette portion est parfois d'une taille consi-
dérable (elle forme le disque et la pédicelle de la
pollinie) et donne aux pollinies leur caractère le plus
saillant; mais les variations de forme et de taille
qu'offrent les portions enlevées du rostellum, même
chez les Vandées, peuvent très-bien être réunies en
série graduelle ; et la série sera plus parfaite encore,
si l'on remonte au minime fragment de membrane
ovalaire auquel s'attache le caudicule d'un Orchis,
pour arriver au disque de l'Habenaria bifolia, à celui
de l'H. chlorantha avec son pédicelle en forme de
tambour ; puis de là, en' passant par beaucoup d'au-
tres formes, jusqu'au grand disque et au pédicelle
des Catasetum.

Dans tous les cas où une portion de la surface exté-
rieure du rostellum, attachée aux caudicules, est en-
levée avec eux, afin qu'elle se détache aisément, il se
forme des lignes de séparation définies et souvent
complexes, ou, du moins, une diminution de la fer-
meté du tissu prélude à leur formation. Mais la for-
mation de ces lignes de plus grande faiblesse rappelle
assez bien ce fait déjà signalé, que certaines portions
définies de la surface extérieure du rostellum pren-

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302                                                GRADATIONS

nent une condition intermédiaire entre celle de mem-
brane véritable et celle de matière visqueuse. L'ap-
parition de ces lignes dépend dans beaucoup de cas,
peut-être dans tous, de l'excitation produite par un
contact; comment cette excitation agit-elle? c'est
pour le moment inexplicable. Mais la propriété d'être
sensible au contact, chez le stigmate (et nous savons
que le rostellum est un stigmate modifié) et même
chez tous les organes de la végétation, n'est pas très-
rare chez les plantes.

Dans les genres Listera et Neottia, il suffit de tou-
cher le rostellum avec un cheveu pour qu'il se rompe
sur deux points, et que la matière visqueuse contenue
dans son intérieur soit instantanément expulsée. Jus-
qu'ici, ce cas ne peut être relié aux autres par aucune
gradation. Mais le docteur Hooker a montré que le
rostellum est d'abord composé de cellules, comme
chez les autres Orchidées, et que la matière visqueuse
se développant originairement dans ces cellules, reste
ensuite, sans doute dans un état de tension, renfer-
mée dans les petites loges, prête à être expulsée dès
que la surface extérieure se rompra.

La dernière et remarquable variation du rostellum
que je veuille mentionner, se rapporte à l'existence,
chez beaucoup d'Ophrydées, de deux disques visqueux
largement séparés, quelquefois renfermés dans deux
poches distinctes. Il semble tout d'abord qu'il y ait
ici deux rostellums ; mais on ne trouve jamais qu'un

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DANS LA STRUCTURE DU ROSTELLUM. 303

seul groupe médian de trachées. On voit chez les Yan-
dées comment un disque visqueux unique et un pé-
dicelle unique peuvent se dédoubler ; car chez quel-
ques Stanhopea le disque cordiforme montre une
trace de tendance à la division ; et chez les Angraecum,
il y a deux disques distincts et deux pédicelles, rap-
prochés l'un de l'autre ou un peu écartés.

On pourrait croire qu'une gradation semblable,
d'un rostellum unique à deux rostellums en appa-
rence distincts , est encore plus évidente chez les
Ophrydées ; car on a la série suivante : chez l'Orchis
pyramidalis, un seul disque dans une seule poche ;
chez l'Àceras, deux disques se touchant et empiétant
l'un sur l'autre, mais non réellement fondus en un
seul; chez les Orchis latifolia et maculata, deux dis-
ques tout à fait distincts, avec une poche ne montrant
encore que des indices de division; et enfin, dans le
genre Ophrys, deux poches parfaitement distinctes,
qui contiennent deux disques aussi évidemment dis-
tincts. Mais cette série n'indique pas les premiers
degrés par lesquels un rostellum simple aurait passé
pour se diviser en deux organes séparés ; elle montre
au contraire comment deux rostellums anciennement
séparés se seraient, dans quelques cas, fusionnés en
un seul.

Cette conclusion est fondée sur la nature de la pe-
tite crête médiane (quelquefois appelée saillie rostel-
lienne) qui se voit entre les bases des loges de l'an-

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304                                      GRADATIONS

thère(voy./?<7.1,B etD, p. 10). Dans les deux divisions
des Ophrydées (celles à disques nus et celles à disques
enfermés dans une poche), toutes les fois que les deux
disques sont très-rapprochés l'un de l'autre, on trouve
cette crête médiane1. D'autre part, quand les disques
sont largement séparés, le sommet du rostellum situé
entre eux est lisse, ou presque lisse. Dans l'Orchis
grenouille (Peristylus viridis), ce sommet est voûté,
et incliné comme le toit d'une maison; c'est le pre-
mier degré de la formation d'une crête recourbée.
Chez l'Herminium, qui a deux gros disques séparés,
il y a cependant une crête notablement plus déve-
loppée qu'on n'aurait pu le prévoir; chez le Gymna-
denia conopsea, l'Orchis maculata et d'autres, ce
repli forme une mince coiffe membraneuse; chez
l'O. mascula, les deux bords de cette coiffe sont en
partie adhérents; chez l'O. pyramidalis et l'Aceras,
elle est convertie en une proéminence pleine. Ces faits
ne sont intelligibles que dans cette hypothèse : tandis
que, durant une longue suite de générations, s'opérait
graduellement la fusion de deux disques en un seul,
la portion intermédiaire ou sommet du rostellum
s'est voûtée de plus en plus, est arrivée à former ainsi

1 Le professeur Babington (Manual of British Bolany, 3°" édit., se
sert de l'existence de cette « saillie rostellienne » comme d'un carac-
tère pour distinguer les genres Orchis, Gymnadenia et Aceras des au-
tres genres d'Ophrydées. Les trachées du rostellum se rendent vers
et même dans la base de cette crête ou saillie.

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DANS LA. STRUCTURE DU ROSTELLUM. 505

un repli saillant, puis enfin une proéminence pleine.
Que nous comparions entre eux les états variés du
rostellum dans les diverses tribus des Orchidées, ou
le rostellum avec le carpelle et le stigmate des fleurs
ordinaires, les différences sont merveilleusement
grandes. Un carpelle simple, chez une plante ordi-

Fig. 33.

ROSTELLUM D'UN CATASETUM.

(in. ANTENNES DU ROSTELLUM.              pC(l. PÉDICELLE DU HOsTF.l.LUM, AU-

(l. DISQUE VISQUEUX.                                             QUEL I.ESVMASSES FOLL'NIQUES

SONT ATTACHÉES.

naire, est un cylindre surmonté d'une petite surface
visqueuse. Quel contraste offre avec lui le rostellum
d'un Catasetum, lorsqu'on l'a séparé des autres élé-
ments de la colonne! Comme j'ai suivi le cours de
toutes les trachées chez cette Orchidée, on peut ad-
mettre que le dessin est approximativement exact.

L'organe tout entier a perdu sa fonction normale de

20

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306                                                GRADATIONS

fertilité. Sa forme est des plus singulières : son extré-
mité supérieure est épaissie et recourbée, et se pro-
longe en deux antennes sensibles, terminées en
pointe, creuses à l'intérieur comme les dents à venin
d'une vipère. En arrière et entre les bases de ces an-
tennes, se voit un gros disque visqueux, attaché à un
pédicelle dont la structure diffère de celle de la por-
tion sous-jacente du rostcllum, et qui en est séparé
par une couche de tissu hyalin se dissolvant sponta-
nément. Le disque, attaché aux parties environnantes
par une membrane qui se rompt sous l'influence de
l'excitation produite par un contact, est formé en
haut d'un tissu ferme, et au-dessous, d'un coussin
élastique revêtu de matière visqueuse ; cette matière
elle-même, chez beaucoup d'Orchidées, est recouverte
d'une pelliculede nature différente.Quelle prodigieuse
spécialisation des parties nous voyons ici ! L'examen
des Orchidées décrites dans ce volume, bien qu'elles
soient relativement peu nombreuses, nous ayant
montré tant et de si évidentes gradations dans la
structure du rostellum, et tant de probabilités pour
que le carpelle supérieur se soit originairement con-
verti en cet organe, il devient très-admissible que,
si nous pouvions voir toutes les Orchidées qui aient
jamais existé dans le inonde, toutes les lacunes de
la chaîne des Orchidées actuelles et de beaucoup de
chaînes perdues seraient amplement comblées par
une série de transitions faciles.

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DANS LA SIRUC1LRK DU POLLEN. 507

Nous arrivons aux derniers des organes tout spé-
cialement remarquables chez les Orchidées, à leurs
masses polliniques. L'anthère s'ouvre de bonne heure,
déposant souvent les masses de pollen mises à nu sur
la partie dorsale du rostellum. Ceci est déjà indiqué
chez les Canna, membres delà famille la plus voisine
de celle des Orchidées, chez lesquels le pollen est
déposé sur le pistil, immédiatement au-dessous du
stigmate. Il y a de grandes variations dans l'état du
pollen : chez les Cypripedium, fleurs si anormales, les
grains sont plongés isolément dans un fluide gluti-
neux; chez toutes les autres Orchidées (sauf le genre
dégradé Cephalanthera), chaque grain se compose
généralementd'une réunion de quatre granules1. Ces
grains composés sont reliés par des fils élastiques, ou

' Dans quelques cas, j'ai vu les quatre granules émettre quatre tubes
polliniques. Sur quelques fleurs demi-monstrueuses de Malaxis palu-
dosa et d'Aceras anthropophora et sur des fleurs normales de Neottia
nidus-avis, j'ai vu les grains de pollen émettre leurs tubes, tandis
qu'ils étaient encore dans l'antbère et non pas sur le stigmate. J'ai cru
devoir mentionner ce fait, car R. Brown (Linn. Transact., vol. XVI,
p. 729) rapporte, sans doute avec quelque surprise, que du pollen en-
fermé dans l'antbère, sur une fleur avancée d'Asclepias, produisit des
tubes polliniques. Ces exemples montrent que ces tubes, du moins
tout d'abord, se forment aux dépens du contenu des grains de pollen.

Ayant parlé des fleurs monstrueuses d'Aceras, j'ajouterai que j'en ai
vu quelques-unes, toujours les plus basses de l'inflorescence; le label-
lum y était à peine développé et pressé contre le stigmate. Le rostellum
ayant avorté, les pollinies n'avaient pas de disques visqueux ; mais
leur trait le plus curieux était celui-ci : les deux loges de l'antbère,
sans doute par suite de la position du labellum rudimentaire, s'étaient
largement séparées et se trouvaient réunies par une membrane connec-
live presque aussi large que celle de l'Habenaria chloranlha.

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308                                               GRADATIONS

unis par un ciment inconnu en masses dites cireuses.
Les masses cireuses ainsi formées sont nombreuses
chez les Ophrydées ; chez les Épidendrées et les Van-
dées, leur nombre se réduit à huit, quatre, deux, et
enfin, par la fusion de ces deux, à une seule. Chez
les Épidendrées il y a deux sortes de pollen dans la
même anthère ; on y trouve en effet des masses ci-
reuses, et des caudicules formés de fils élastiques
auxquels sont attachés de nombreux grains composés.
Je ne peux jeter aucune lumière sur le mode
d'adhérence des grains de pollen dans les masses ci-
reuses ; quand ces masses ontséjournô trois ou quatre
jours dans l'eau, les grains composés se séparent
aisément l'un de l'autre, mais les granules qui for-
ment chaque grain restent fermement unis : ainsi,
la nature de l'adhérence n'est pas la même dans les
deux cas. Les fils élastiques qui relient les paquets
de pollen chez les Ophrydées, et qui s'avancent fort
loin dans l'intérieur des masses cireuses chez les
Vandées, sont aussi d'une nature différente ; car le
chloroforme ou une longue immersion dans l'al-
cool agit sur eux, tandis que ces fluides n'ont pas
d'effet particulier sur la cohésion des masses ci-
reuses. Chez quelques Épidendrées et Vandées, les
grains extérieurs de la masse diffèrent des grains,
intérieurs; ils sont plus gros, et ont des parois plus
jaunes et plus épaisses. Ainsi, dans le contenu d'une
seule loge d'anthère, on voit une variation surprenante

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DANS LA STRUCTURE DL POLLEN.                       509

de structure: des granules soudés quatre à quatre, ce
qui parait dû à leur mode de développement, et des
grains composés en partie reliés par des fils, en partie
unis et pétris ensemble, les extérieurs différant des
intérieurs.

Chez les Vandées, le caudicule, composé de finsfils
cohérents, se développe aux dépens du contenu semi-
fluide des cellules d'une couche membraneuse. J'ai
constaté que le chloroforme agit de même, d'une
manière particulière et énergique, sur les caudicules
de toutes les Orchidées et sur la matière glulineuse
qui enveloppe les grains de pollen des Cypripedium,
matière que l'on peut aisément étirer en fils ; on peut
donc supposer que dans cet organisme plus simple
des Cypripedium, nous voyons l'état primordial des
fils élastiques qui servent à relier les grains de pollen
chez tant d'autres Orchidées plus élevées en organi-
sation1.

1 Auguste Sainl-IIilaire dit (Leçons de botanique, 1841, p. Ail) que
les fils élastiques existent dans le jeune bouton lorsqueles grains de pol
Ion ont commencé à se former, sous forme de fluide épais et semblable
à de la crème. Se< observations sarVOphrys api fera, ajoute-t-il, lui ont
montré que ce lluide est sécrété par le rostelluin et qu'il s'écoule lenle-
tement goutte par goutte dans l'anthère. Si celte assertion n'était pas
celle d'un savant de tant de valeur, je ne la citerais pas ici, car elle est
cerlainement erronée. Dans des boutons d'Epipaclis lalifoua j'ai ou-
vert l'anthère, alors entièrement fermée et séparée du rostellum, e j ai
trouvé les grains de pollen réunis par les fils élastiques. Le Ceplta-
lanlhcra grandiflora n'a p:is de rostelluin pour sécréter le fluide épais,
et cependant les grains de pollen sont unis de même. Sur un spécimen
monstrueux d'Orchis pyramidalis, les oreillettes, ou anthères rudimen-
lairos situées de chaque côte de l'anlhère véritable, s'étaient en partie

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310                                          GRADATIONS

Le caudicule, quand il est bien développé et dé-
pourvu de grains de pollen, est ce qu'il y a de plus
frappant dans les pollinies. Chez quelques Néottiées,
notamment le Goodyera, nous le voyons à l'état nais-
sant, dépassant à peine la masse pollinique, et ses
fils élastiques ne sont que partiellement unis. Si, chez
les Yandées, on suit la gradation, du caudicule ordi-
naire nu au caudicule presque nu des Lycaste et à
celui des Calanthe, jusqu'à celui du Cymbidium
giganteum, qui est couvert de grains de pollen, il
semble probable que cet organe soit arrivé à son
état habituel par une modification d'une pollinie, telle
que celle d'une Épidendrée, savoir : par l'avortcment
des grains de pollen qui étaient primitivement atta-
chés à des fils élastiques séparés, et par la soudure
de ces fils.

C'est en partie ainsi que s'est formé le caudicule
allongé, ferme et nu des Ophrydées; nous en avons
unepreuve meilleure que celle fournie par une simple
gradation. Au milieu de ce caudicule transparent,
j'avais souvent observé une sorte de nuage ; et en ou-
vrant avec attention celui del'Orchispyrainidalis, j'ai
trouvé sur quelques échantillons, au centre, exacte-
ment à égale distance des paquets de pollen et du

développées et se trouvaient manifestement d'un côté du rostellum et
du stigmate ; j'ai trouvé dans Tune d'elles un caudicule distinct (qui
n'avait nécessairement point de disque à son extrémité), et ce caudicule
ne pouvait certainement pas avoir été sécrété par le stigmate. Je pour-
rais donner encore d'autres preuves, mais ce serait superflu.

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DANS LA STRUCTURE DU POLLEN. 311

disque visqueux, quelques grains de pollen (composés,
comme à l'ordinaire, de quatre granules soudés) tout
à fait libres. Il est impossible que ces grains, ainsi en-
fouis, soient déposés sur le stigmate d'une fleur, et ils
sont absolument inutiles. Ceux qui peuvent se per-
suader que des organes ont été créés spécialement
sans but, tireront peu de conclusions de ce fait. Ceux
au contraire qui croient à une modification lente des
êtres organisés, ne seront pas surpris que le change-
ment n'ait pas été toujours parfaitement complet, que
pendant et après les phases nombreuses de l'avorte-
ment des grains de pollen inférieurs et de la soudure
des fils élastiques, il y ait encore eu tendance à la pro-
duction d'un petit nombre de grains au point où ils
s'étaient primitivement développés, et que par consé-
quent ces grains aient été englobés dans les fils déjà
cohérents du caudicule. Les petites masses nuageuses
formées parles grains de pollen libres dans les caudi-
cules de l'Orchis pyramidalis, seront pour eux une
bonne preuve que la masse pollinique de la souche
dont il descend était semblable à celle de l'Epipactis
ou du Goodyera, et que les grains ont lentement dis-
paru des parties inférieures de la masse, laissant les
fils élastiques nus et prêts à se souder en un véri-
table caudicule.

Comme le caudicule, long ou court selon l'espèce,
joue un rôle important dans la fertilisation, il doit
sans doute s'être développé, à partir de cet état nais-

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312                                               GRADATIONS

sant qu'il a conservé chez l'Epipaclis, par la fixation
continuelle de divers accroissements de longueur,
chacun d'eux étant avantageux par rapport aux autres
changements qui s'opéraient dans la structure de la
fleur. Mais d'après les faits, nous pouvons conclure
que ce procédé n'a pas été le seul, et que le caudicule
doit une grande partie de sa longueur à l'avortcment
des grains de pollen inférieurs. Il est grandement
probable qu'ensuite, dans quelques cas, il s'est beau-
coup allongé par voie de sélection naturelle; car,
chez leBonateaspeciosa, le caudicule est actuellement
plus de trois fois aussi long que la masse allongée
des grains de pollen ; et on ne peut guère supposer
qu'une masse aussi allongée de grains faiblement
cohérents se soit formée, sans qu'un insecte ait pu
sûrement transporter et appliquer sur le stigmate une
masse pollinique de cette forme et de cette dimension.

Nous avons étudié jusqu'ici les transitions gra-
duelles dans l'état d'un organe isolé. Avec des connais-
sances plus étendues que les miennes, il serait inté-
ressant de suivre aussi loin que possible, dans cette
famille à formes nombreuses et très-voisines les unes
desautres, les transitions graduelles entre les diverses
espèces et les divers groupes. Pour avoir une grada-
tion parfaite, il faudrait pouvoir rappeler à la vie
toutes les formes éteintes qui aient jamais existé, dans
plusieurs séries de générations remontant à la souche

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DANS LES GROUPES D'ORCHIDÉES.                            515

commune de la famille. C'est par suile de leur ab-
sence et des lacunes qui en résultent dans les séries,
que nous pouvons classer les espèces existantes en
groupes bien définis, tels que genres et tribus. Si
aucune forme n'avait disparu, il y aurait eu néan-
moins de grandes lignes, des branches d'un dévelop-
pement spécial ; les Vandées, par exemple, auraient
toujours formé un grand corps, distinct du grand
corps des Ophrydées; mais-des formes anciennes et
intermédiaires, probablementtrès-différenles deleurs
descendants actuels, auiaient rendu la séparation de
ces deux grands corps par des caractères .rigoureux
absolument impossible.

Je risquerai seulement quelques observations. Le
genreCypripedium, par ses trois stigmates développés
et son manque de rostellum, par ses deux anthères
fertiles et son largerudimentdela troisième, et enfin
par l'état de son pollen, semble être une forme réa-
lisée lorsque la famille était encore dans un état plus
simple, et qui aurait échappé à l'extinction. Près de
lui se place le genre Apostasia, admis par R. Brown
au nombre des Orchidées, mais rangé par Lindley
dans une petite famille distincte. Ces groupes frap-
pés d'arrêt ne nous révèlent pas la nature de la sou-
che commune de toutes les Orchidées, mais ils ser-
vent sans doute à nous montrer l'état de la famille à
des périodes reculées, alors qu'aucune forme n'était
encore aussi profondément différenciée des formes

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314                                               GRADATIONS

de la même et des autres familles, que le sont nos
Orchidées actuelles, et surtout les Vandées et les
Ophrydées; et alors que, par conséquent, la famille
des Orchidées se rapprochait davantage par l'ensem-
ble de ses caractères, des groupes les plus voisins,
tels que celui des Marantacées.

Parmi les autres Orchidées, on peut voir qu'une
forme ancienne, par exemple une des Pleurothalli-
dées, dont quelques-unes ont des masses polliniques
cireuses avec un petit caudicule pourrait donner
naissance, par l'entier avorlement du caudicule
aux Dendrobiées , et par son accroissement aux
Épidendrées. On voit par l'exemple du Cymbi-
dium, avec quelle facilité une forme telle qu'une
de nos Épidendrées actuelles pourrait se trans-
former en une Yandée. Les Néottiées sont presque
aux Ophrydées ce que les Épidendrées sont aux
Vandées. Dans certains genres de Néottiées, les
grains de pollen sont réunis en paquets que relient
des fils élastiques, et ceux-ci forment une ébauche
de caudicule. Mais ce caudicule ne naît pas de l'ex-
trémité inférieure de la pollinie comme chez les
Ophrydées ; il ne se détache pas non plus invariable-
ment de l'extrémité supérieure', de sorte que, sur ce
point, des transitions intermédiaires ne seraient nul-
lement impossibles. Chez le Spiranthes, la partie dor-
sale du rostellum, enduite de matière visqueuse, est
seule enlevée ; la partie antérieure est membraneuse,

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DANS LES GROUPES D'ORCHIDÉES.                     315

et se rompt comme le rostellum en forme de poche
des Ophrydées. Une forme ancienne, dans laquelle
seraient combinés, mais avec un moindre dévelop-
pement, la plupart des caractères du Goodyera, de
l'Epipactis et du Spiranthes, pourrait, par de légères
modifications subséquentes, donner naissance à toute
la tribu des Ophrydées.

Peu de questions en histoire naturelle sont plus
vagues et plus ardues que celle de décider quelles
formes, dans un vaste groupe, doivent être considé-
rées comme les plus élevées1; car toutes sont émi-
nemment bien appropriées à leurs conditions d'exis-
tence. Si l'on prend pour point de comparaison les
indices de modifications successives, la différencia-
tion des parties et la complexité de structure qui en
résulte, les Ophrydées et les Vandées seront les pre-
mières. Attache-t-on beaucoup d'importance à la
grandeur et à la beauté de la fleur, aux dimensions
de la plante entière, les Vandées l'emporteront. Elles
ont en outre des pollinies plus complexes, et leurs
masses polliniques se réduisent souvent à deux.
D'autre part, le rostellum semble s'être plus éloigné
de sa nature stigmatique primitive chez les Ophrydées
que chez les Vandées. Chez toutes les Ophrydées les

' La discussion la plus complète et la plus remarquable de cette ques-
tion dilïicile a été publiée par le professeur II.—G. Bronn dans son Ent-
wicl;elungs-Gesctze der Organischen Well, 1858. J'ai lu l.i traduction
française publiée en 18G1, Supplément, Comptes rendus, tom. II, p. 520
et suiv. Ce grand travail a été couronné par l'Académie des sciences.

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316                                 MOUVEMENTS DES POLLIN1ES.

anthères du verticille inlernc ont presque entière-
ment disparu ; elles sont réduites à l'état d'oreillettes
doublement rudimentaires. Sans doute ces anthères
ont éprouvé une modification considérable ; mais leur
dégradation si profonde peut-elle être considérée
comme un signe d'élévation organique? Je doute
qu'aucun membre de la famille des Orchidées ait été
plus profondément modifié dans toute sa structure
que le Bonatea speciosa, qui appartient à la tribu
des Ophrydées, et, dans cette même tribu, quoi
de plus parfait que l'ensemble des phénomènes qui
assurent la fécondation chez l'Orchis pyramidalis?
Néanmoins, un sentiment mal défini me porte à pla-
cer les magnifiques Vandées au plus haut rang. Si
l'on considère chez les Catasetum, dans cette tribu,
le mécanisme si fini de l'expulsion et du transport
des pollinies, le rostellum doué d'une sorte de sensi-
bilité et si merveilleusement conformé, enfin la sépa-
ration des sexes sur des plantes distinctes, on doit
peut-être donner à ce genre la palme de la victoire.

Je dois présenter encore quelques observations,
que je ne pouvais introduire dans le courant de l'ou-
vrage. Je parlerai d'abord du mécanisme par lequel
les pollinies s'abaissent, chez un si grand nombred'Or-
chidées, après avoir été enlevées et exposées pendant
quelques secondes à l'air. Ce mouvement est toujours
dû à la contraction d'une partie de la surface exté-

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MOUVEMENTS DES POLLINIES.                               317

rieure du rostellum, partie quelquefois très-minime,
comme dans le genre Orchis, et qui reste à l'état
membraneux. Nous avons vu que cette membrane
est, en outre, sensible au moindre contact. Chez un
Maxillaria, c'est le milieu du pédicelle qui se con-
tracte, et dans le genre flabenaria, c'est tout le pédi-
celle en forme de tambour. Dans toutes les autres
espèces que j'ai examinées, le siège de la contraction
se trouve au point d'attache du caudicule ou du pé-
dicelle avec le disque; mais le disque et le pédicelle

o

Fig. 34.

DISQUE UD GYJ1NADENIA CONOPSEA.

sont des parties delà surface extérieure du rostellum.
Mes remarques ne s'appliquent pas aux mouvements
qu'exécutent les pollinies des "Validées en vertu de
leur simple élasticité.

On peut très-bien étudier le mécanisme de l'abais-
sement, sur le disque allongé en forme de bande du
Gymnadcnia conopsea. La ligure 10 (p. 80) représente
une pollinie entière, avant et après son mouvement
(mais elle n'est pas complètement abaissée). La figure
ci-dessus montre le disque très-grossi, vu par en

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318                              MOUVEMENTS DES POLUNIES.

haut avant sa contraction (1), et une coupe longitudi-
nale du même disque, également avant sa contrac-
tion, mais avec la partie inférieure du caudiculequi
s'attache à lui et se dirige perpendiculairement à sa
surface (2). A l'extrémité la plus large du disque se
voit une dépression profonde, en forme de croissant,
que borde une petite crête formée de cellules allon-
gées. Le caudicule s'attache aux bords abrupls de
cette dépression et de cette crête. Si maintenant le
disque est exposé à l'air pendant environ trente
secondes, la crête se contracte et s'abat ; en s'abattant5
elle entraîne avec elle le caudicule. Si on la met
alors dans l'eau, elle se relève, et si on l'expose une
seconde fois à l'air, elle s'abaisse de nouveau ; mais
à chaque mouvement, elle perd un peu de sa force.
Chaque fois que le caudicule s'abaisse ou se relève, il
en est de même de la pollinie tout entière.

L'exemple du disque en forme de selle de l'Orchis
pyramidalis montre bien que la faculté d'exécuter ce
mouvement appartient exclusivement à la surface du
rostellum. En effet, ayant détaché sous l'eau les eau-
dicules de ce disque, ainsi que la couche de matière
visqueuse qui tapisse sa surface inférieure, je l'ai
exposé à l'air, et aussitôt la contraction habituelle
s'est produite. Ce disque, et je pense qu'il en est de
même de celui du Gymnadenia conopsea, est formé
de quelques couches de petites cellules qu'un séjour
dans l'esprit-de-vinrend plus facilement visibles* car

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MOUVEMENTS DES POLLINIES.                            519

leur contenu devient alors plus opaque ; sur les côtés
de la selle, ces cellules sont un peu allongées. Tant
que la selle reste humide sa surface supérieure est
presque plane, mais dès qu'elle se trouve exposée ù
l'air (voy. fig. 3, E, p. 22), elle se contracte immédia-
ment au-dessous du point où s'attache l'extrémité
tronquée de chaque caudicule et devient oblique ; il se
creuse deux petites vallées en avant des deux caudi-
cules. Cette contraction entraîne les caudicules en
bas; c'est presque comme si l'on creusait deux tran-
chées en ligne droite au-devant de deux pieux, et
qu'on enlevât en même temps le sol qui se trouve au-
dessous d'eux. Autant que j'ai pu m'en assurer, c'est
une contraction semblable qui détermine l'abaisse-
ment des pollinies chez l'Orchis mascula '.

Quelques pollinies, après avoir passé plusieurs
mois collées à une carte, ont été plongées clans l'eau :
elles se redressèrent d'abord, puis exécutèrent le mou-
vement d'abaissement. Une pollinie fraîche, tour à
tour humectée et exposée à l'air, peut se dresser et
s'abaisser plusieurs fois de suite. Avant d'avoir con-
staté ces faits, qui semblent indiquer que le mouve-
ment est de nature hygrométrique, je croyais à une
action vitale; j'ai cherché quel serait l'effet du chlo-
roforme, de l'acide prussique, d'une immersion dans

1 [Sur ÏOrchis hircina, j'ai bien vu au microscope toute la partie an-
térieure du disque s'abaisser, pendant que s'effectuait le mouvement
simultané des deux pollinies.] C. D. mai 1869i

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520                               MOUVEMENTS DES POLLIMES.

le laudanum : mais ces réactifs n'empêchaient pas le
mouvement de s'effectuer. Néanmoins, on éprouve
de grandes difficultés à admettre que ce mouvement
soit simplement hygrométrique. Chez l'Orchis pyra-
midnlis, les côtés de la selle (voy. fig. o, D, p. 22) se
recourbentcomplétementen dedans en neuf secondes,
c'est-à-dire avec une rapidité surprenante si ce phé-
nomène est dû à une simple évaporation ; et c'est la
surface inférieure qui se recourbe, elle, par consé-
quent, qui devrait se dessécher aussi prompte.nent ;
mais il ne peut en être ainsi, puisqu'elle est couverte
d'une couche épaisse de matière visqueuse : toutefois,
les côtés de la selle pourraient bien se dessécher un
peu pendant les neuf secondes. Le disque en forme
de selle se contracte énergiquement dans l'esprit-dc-
vin, et si on le plonge ensuite dans l'eau, il s'ouvre
de nouveau. Ceci n'indique pas que le phénomène
soit purement hygrométrique, liais que la contraction
soit hygrométrique, due à l'endosmose ou à une autre
cause quelconque, les mouvements qui en résultent
et par lesquels les pollinies s'abaissent, sont admira-
blement réglés dans chaque espèce de telle sorte que
les masses polliniques, lorsque les insectes les trans-
portent d'une fleur à l'autre, prennent la position né-
cessaire pour frapper la surface du stigmate.

Ces mouvements seraient tout à fait inutiles, si
les pollinies ne s'attachaient tout d'abord à l'insecte
dans une position déterminée relativement à la fleur,

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PÉTALES ET SÉPALES.                              321

afiu dese trouver, après l'abaissement, invariablement
tournées vers le stigmate; et pour cela, il'fautqueles
insectes soient amenés à visiter toutes les fleurs de
la même espèce d'une manière uniforme. Cette con-
sidération me conduit à dire quelques mots des sé-
pales et des pétales. Leur fonction première est cer-
tainement de protéger les organes de la fructification
dans le bouton, et même après l'entier épanouisse-
ment de la fleur, le sépale et les deux pétales supé-
rieurs continuent souvent à jouer leur rôle protecteur.
Nous ne pouvons douter qu'ils ne le fassent utilement,
lorsque nous voyons, chez le Stelis, les sépales se
refermer si exactement et protéger de nouveau la
fleur après qu'elle est demeurée quelque temps ou-
verte ; chez le Masdevallia, les sépales rester soudés
ensemble, et deux petites fenêtres donner seules ac-
cès dans la fleur ; et dans les fleurs très-ouvertes et
malprotégées du Bolbophyllum,l'orificedela chambre
stigmatique se fermer après quelque temps. Le Ma-
laxis, le Cephalanthera, etc., pourraient fournir des
exemples analogues. Mais le capuchon formé par le
sépale et les deux pétales supérieurs, outre ses fonc-
tions protectrices, sert évidemment à guider les in-
sectes, en les forçant à entrer par le devant de la
fleur. Je ne regarde pas comme un simple effet d'ima-
gination l'opinion de G. K. Sprengel1, que la couleur

1 Je sais que souvent on a parlé légèrement du curieux ouvrage de
cet auteur, publié sous le curieux titre : Das Entdeckte Gelieimniss der

21

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522 USAGES DES PETALES ET SÉPALES.

vive et brillante de la fleur sert à attirer de loin les
insectes ; les fleurs de certaines Orchidées sont pour-
tant singulièrement verdâtres et peu apparentes,
sans doute afin d'échapper à quelque danger ; mais
beaucoup de ces fleurs obscures exhalent une odeur
pénétrante, qui pourrait remplir le même office.

Le labellum est de beaucoup la plus importante des
enveloppes extérieures de la fleur. Il sécrète le nectar,
et souvent le recueille dans un réservoir ; ou bien il
est charnu, et chargé d'excroissances que les insectes
viennent ronger. Si les fleurs n'avaient pas un attrait
quelconque pour ces agents de la fécondation, elles
seraient condamnées à une stérilité perpétuelle. Le
labellum est toujours placé au-devant du rostellum,
et, d'après ce que j'ai vu, c'est souvent sur sa partie
la plus extérieure que s'abattent les indispensables
visiteurs : chez l'Epipactis palustris , cette partie est
flexible et élastique; elle paraît contraindre les in-
sectes, lorsqu'ils se retirent, à effleurer le rostellum ;
chez les Cypripedium,elleest recourbée comme le fond
d'un sabot, ses bords sont infléchis, et ainsi les in-
sectes ne peuvent sortir de la fleur que par les petits

Natur. Sans doule Sprengel était un exalté, et il parait avoir poussé
quelques-unes de ses idées à des conclusions extrêmes. Mais je suis cer-
tain, d'après mes propres observations, que son travail renferme beau-
coup de notions exactes. 11 y a longtemps déjà, Robert Brown, dont le
jugement fait autorité aux yeux de tous les botanistes, me parlait de cet
ouvrage avec éloge, et observait que les gens peu versés dans la science
seuls, se permettaient d'en rire.

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USAGES DES PÉTALES ET SÉPALES. 523

orifices voisins des anthères et du stigmate. Dans les
fleurs avancées de Spiranthes, la colonne s'écarte du
labellum, laissant un passage plus large pour que
des pollinies, attachées à la trompe d'une abeille, y
soient sûrement introduites. Chez certaines Orchidées
exotiques, le labellum, par un mouvement brusque,
emprisonne les insectes comme dans une boîte. Chez
le Mormodes ignea, il s'appuie sur le sommet de la
colonne, et les insectes s'abattent sur lui pour attein-
dre la charnière sensible de l'anthère. Souvent le
labellum est profondément cannelé, ou muni de
crétes-guides, ou étroitement pressé contre la co-
lonne, et dans une multitude de cas il s'en approche
assez pour rendre la fleur tubulaire. Ces différents arti-
fices ont pour effet de forcer l'insecte à effleurer
le rostellum. Toutefois on ne saurait admettre que
tout détail de structure du labellum est utile : dans
quelques cas, chez le Sarcanthus par exemple, sa
forme extraordinaire semble due en partie à ce que,
dans le bouton, il s'est développé en contact immédiat
avec le rostellum, si curieusement conformé.

Chez le Listera ovata, le labellum est éloigné delà
colonne, mais, grâce au peu de largeur de sa base, les
insectes sont conduits immédiatement sous le milieu
du rostellum : dans d'autres cas, comme chez les
Slanhopea, Phalœnopsis, etc., il est pourvu de lobes
basilaires renversés, qui agissent évidemment, de
chaque côté, en guidant les insectes. Quelquefois,

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".24                                     NOMBRE DES GRAINES.

par exemple chez le Malaxis, les deux pétales supé-
rieurs se recourbent en arrière et se trouvent hors de
leur chemin ; ailleurs, comme chez l'Acropera, le
Masdevallia et quelques Bolbophyllum, ces pétales
supérieurs servent clairement à guider l'insecte, le
forçant à entrer dans la fleur ou à introduire sa
trompe directement en avant du rostellum. Dans
d'autres cas, des ailes se détachent latéralement des
bords du clinandre, c'est-à-dire des côtés de la co-
lonne, et servent de guides à la pollinie, lorsque l'in-
secte la retire et lorsque ensuite il l'introduit dans la
cavité du stigmate. Ainsi, on ne peut douter que les
pétales, les sépales et les anthères rudimentaires ne
rendent divers bons services, outre celui de protéger
avant la floraison les organes propagateurs.

La fleur entière, avec toutes ses parties, a pour
mission de produire des graines; elle en produit à
profusion chez les Orchidées. Mais ce n'est point là
une distinction pour la famille; car la production
d'un nombre presque infini d'œufs ou de graines, est
certainement un signe de dégradation physiologique.
Si une plante vivace, à quelque période de son exis-
tence, n'échappe à la destruction que par la produc-
tion d'une grande quantité de graines ou de rejetons,
c'est qu'elle est pauvrement organisée, ou n'est pas
convenablement protégée contre les dangers qui la
menacent. J'étais curieux d'évaluer le nombre de
graines que produit une Orchidée : ayant pris une

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NOMBRE DES GRAINES.                                 525

capsule mûre de Cephalanthera grandiflora, j'ai dis-
posé ses graines aussi uniformément, que j'ai pu sui-
vant une rangée étroite, le long d'une ligne tracée
avec une règle; puis je les ai comptées sur une lon-
gueur, exactement mesurée, d'un dixième de pouce..
Il y en avait 83, ce qui donnerait pour la capsule en-
tière 6,020, et pour les quatre capsules que portait
la plante 24,000 graines. En soumettant au même
calcul les graines plus petites de l'Orchis maculata,
j'ai trouvé presque le même nombre, 6,200, et comme
j'ai souvent vu plus de trente capsules sur une seule
plante, la somme des graines d'une plante serait
186,300, nombre prodigieux pour un végétal des plus
humbles l. Comme cette espèce est vivace, et, dans
beaucoup de lieux, ne peut pas augmenter en nombre,
il est probable que, dans une période de quelques
années, une seule de ces graines si nombreuses pro-
duit une plante destinée à atteindre tout son déve-
loppement. J'ai examiné beaucoup de graines de

* [Cependant, ces graines sont peu nombreuses en comparaison de
celles que produisent certaines espèces exotiques. J'ai avancé (Variation
des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, trad. par
il. iloulinié, vol. II, p. 405, n. 54.), sur l'autorité de M. ScoU, qu'une
seule capsule d'Acropera contient 571,250 graines; et cette espèce pro-
duit tant de racèmes et de fleurs, que probablement une seule plante
ne porte quelquefois pas moins de 74 millions de graines dans le cours
d'une année. Fritz Millier a évalué avec soin le nombre des graines dans
une capsule d'un Maxillaria du Brésil méridional : il a trouvé le nombre
1,756,440; le même pied porte parfois une douzaine de capsules.] C. D.,
mai 1869.

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326                                     NOMBRE DES GRAINES.

Cephalanthera, je n'en ai trouvé que très-peu de mau-
vaises.

Pour indiquer quelle est la portée réelle des chif-
fres ci-dessus, je montrerai brièvement dans quelle
mesure peut se multiplier l'O. maculata : un acre
(0,40 hect.)pourraitcontenirl 74,240plantes, chacune
ayant un espace de six pouces carrés; elles seraient
un peu trop pressées pour pouvoir fleurir ensemble ;
en déduisant douze mille graines comme mauvaises,
on trouve qu'un acre serait complètement couvert
par la progéniture d'une seule plante. La multiplica-
tion continuant à se faire dans la même mesure, les
plantes de la seconde génération couvriraient un es-
pace un peu plus étendu que l'île d'Anglesey ; et celles
de la troisième génération d'une seule plante revêti-
raient presque (dans la proportion de 47 à 50) d'un
tapis vert uniforme toute la surface des terres.

On ignore comment une aussi effrayante progres-
sion est arrêtée. Les graines, si menues et revêtues
de téguments si légers, sont susceptibles de la plus
vaste dissémination; et j'ai plusieurs fois observé, dans
mon verger et dans un bois nouvellement planté, de
jeunes plantes qui devaient forcément avoir été ap-
portées d'une*petite distance. Cependant il est notoire
que les Orchidées sont distribuées avec parcimonie ;
par exemple, le district que j'habite est très-favorable à
cette famille, car autour de ma maison, dans un
rayon d'un mille, croissent treize espèces appartenant

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COMBINAISONS SPÉCIALES.                                   327

à neuf genres; mais une seule d'entre elles, l'Or-
chis morio, est assez abondante pour former un des
traits saillants delà végétation ; il en est de même, mais
à un moindre degré, de l'O. maculata, dans les lieux
légèrement boisés. La plupart des autres espèces,
bien qu'elles ne méritent pas l'épithète de rares, sont
distribuées avec économie ; et pourtant, si leurs grai-
nes ou les jeunes plantes qui en proviennent n'étaient
pas habituellement détruites en grande partie, la pos-
térité d'une seule d'entre elles, comme nous venons
de le voir, couvrirait immédiatement toute la surface
terrestre du globe.

Ce trop long volume touche maintenant à sa fin. Je
pense avoir montré quelle diversité presque inépui-
sable de merveilleuses combinaisons nous présente
l'organisme des Orchidées. De ce que j'ai désigné
telle ou telle partie comme adaptée à un but spécial,
il ne faut pas conclure qu'elle ait été formée dès l'o-
rigine en vue de ce but unique. Il semble au contraire
que, dans le cours régulier de l'évolution, chaque
organe originairement affecté à la réalisation d'un
seul but, s'adapte par changements insensibles à
des fonctions très-différentes. Par exemple, le long
et ferme caudicule des Ophrydées sert manifeste-
ment à appliquer les grains de pollen sur le stig-
mate, quand la pollinie est attachée à un insecte et
transportée par lui d'une fleur à l'autre ; et l'anthère
s'ouvre largement pour que la pollinie puisse être

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328                                    COMBINAISONS SPÉCIALES

aisément retirée; mais, chezl'Ophrys abeille, l'anthère
s'ouvrant un peu plus largement encore et le caudi-
cule devenant un peu plus long et moins épais,
celui-ci se trouve spécialement propre à concourir,
avec l'aide de la pesanteur de la masse pollinique et
d'un ébranlement éprouvé parla fleur, à une fin toute
différente, la fécondation sans croisement. Toute
condition intermédiaire entre ces deux états pourrait
se réaliser, et nous en avons un exemple dans l'O.
arachnites.

De même, l'élasticité du pédicelle de la pollinie
chez quelques Yandées sert à dégager les masses pol-
liniques des loges de leur anthère; mais par de lé-
gères modifications, elle devient spécialement desti-
née à lancer les pollinies à une certaine distance. La
grande cavité creusée dans lelabellum chez beaucoup
de Vandées sert à attirer les insectes, mais chez le
Mormodesignea, où ses dimensions sont très-réduites,
elle contribue à maintenir le labellum dans une po-
sition convenable sur le sommet de la colonne. L'exa-
men d'un grand nombre de plantes nous permet
d'admettre qu'un long nectaire en forme d'éperon
est primitivement destiné à sécréter et à recueillir
une provision de nectar; mais chez plusieurs Orchi-
dées, il a si bien perdu cette fonction, qu'il ne con-
tient du fluide qu'entre ses deux tuniques. Chez les
Orchidées dont le nectaire contient à la fois du nectar
libre et du fluide dans les espaces intercellulaires,

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DIVERSIFIÉES A L'INFINI.                                   329

on peut voir comment la transition d'un état à l'autre
a dû s'effectuer: insensiblement, la quantité du nec-
tar sécrétée par la membrane intérieure a dû dimi-
nuer, tandis que ce suc s'accumulait de plus en plus
dans les méats intercellulaires. Je pourrais" citer en-
core d'autres exemples analogues.

Quoiqu'un organe n'ait pas été à son origine formé
dans tel but spécial, s'il sert actuellement à la réali-
sation de ce but, on peut dire avec justesse qu'il est
spécialement constitué pour lui. D'après le même prin-
cipe, si un homme construit une machine dans une
lin déterminée, mais emploie à cet effet, en les modi-
fiant un peu, de vieilles roues, de vieilles poulies et
de vieux ressorts, la machine, avec toutes ses parties,
pourra être considérée comme organisée en vue de
cette fin. Ainsi, dans la nature, il est à présumer que
les diverses parties de tout être vivant ont servi, à
l'aide de modifications légères, à différents desseins.
et ont fonctionné dans la machine vivante de plusieurs
formes spécifiques anciennes et distinctes.

Dans le cours de mes études sur les Orchidées,
aucun fait peut-être ne m'a plus vivement frappé que
cette inépuisable diversité de structure, cette prodi-
galiLé de moyens pour obtenir toujours ce même ré-
sultat : la fécondation d'une fleur par le pollen
d'une autre. Ce fait peut jusqu'à un certain point
s'expliquer par le principe de sélection naturelle. Les
diverses parties de la fleur formant un ensemble

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330                                    COMBINAISONS SPÉCIALES

coordonné, si de légères variations dans l'une d'elles
sont conservées par la sélection comme utiles à la
plante, les autres parties devront en général subir des
modifications correspondantes. Mais certaines parties
ne sauraient varier d'une manière correspondante, et
toutes les variations, quelle que soit leur nature, qui
mettront les organes floraux en plus parfaite harmo-
nie les uns avec les autres, seront fixées et conser-
vées par la sélection naturelle.

En voici un simple exemple : chez beaucoup
d'Orchidées, l'ovaire (ou parfois le pédoncule) se tord
.pour quelque temps sur lui-même, d'où il suit que
le labellum devient inférieur et pendant, et que
les insectes peuvent mieux visiter la fleur ; mais par
suite de quelques changements lents survenus dans
la forme et la position des pétales, ou la fleur étant
visitée par de nouvelles espèces d'insectes, il pourrait
devenir plus avantageux que le labellum reprît sa
position normale, ce qui a lieu actuellement chez le
Malaxis paludosa; il est clair que ce changement
pourrait s'effectuer simplement par la sélection con-
tinuelle des variétés dont l'ovaire serait un peu moins
tordu ; mais si la plante ne produisait que des va-
riétés à ovaire plus fortement tordu, le même résul-
tat pourrait être obtenu par leur sélection jusqu'à
ce que la fleur ait décrit un tour complet sur son
axe : il semble qu'il en ait été ainsi chez le Ma-
laxis, car le labellum est maintenant en haut de

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DIVERSIFIÉES A L'INFINI.                                  351

la fleur, et l'ovaire présente une torsion excessive.
De même, on a vu que, chez la plupart des Van-
dées, il y a une relation évidente entre la profondeur
de la chambre stigmatique et la longueur du pédi-
celle qui sert à y introduire les masses polliniques ;
si manitenant, par suite de quelque changement dans
la forme de la colonne ou pour toute autre cause, la
chambre stigmatique devient un peu moins profonde,
le raccourcissement du pédicelle sera la plus simple
modification correspondante, mais s'il arrive que ce
pédicelle ne varie pas en longueur, la plus impercep-
tible tendance qu'il montrera à se courber en arc en
vertu de son élasticité, comme chez les Phalœnopsis,
ou à se déjeter en arrière par un mouvement hygro-
métrique, comme dans une espèce du genre Maxilla-
ria, sera conservée et sans cesse accrue par la sélec-
tion ; la modification qu'éprouvera ainsi le pédicelle
aura le même résultat physiologique qu'aurait eu son
raccourcissement. Si des modifications analogues
s'accentuent peu à peu pendant plusieurs milliers de
générations, dans les diverses parties de la fleur et
dans différents sens, il doit en résulterune inépuisa-
ble diversité de structure en vue d'un but toujours le
même. En adoptant cette manière de voir, on peut,
je pense, s'expliquer en partie pourquoi, dans plu-
sieurs vastes groupes d'êtres organisés, les organes se
modifientet se combinent si diversement pour accom-
plir des fonctions analogues.

[page break]

532                                               IMPORTANCE

Plus j'étudie la nature, plus je suis frappé avec
une force toujours croissante par cette conclusion :
En produisant dans chaque partie des variations acci-
dentelles légères, mais très-diverses, et en recueil-
lant et accroissant par sélection naturelle celles de
ces variations qui sont avantageuses à l'organisme,
dans les conditions d'existence complexes et toujours
changeantes où il peut se trouver, la nature réalise à
la longue des combinaisons admirablement appro-
priées les unes aux autres et à leur but ; et ces combi-
naisons surpassent incomparablement toutes celles
que l'imagination la plus fertile, l'homme le plus
ingénieux, pourrait inventer dans une période de
temps illimitée.

Ce n'est pas une étude stérile, pour le partisan de
la sélection naturelle, que celle .des plus minimes
détails de structure. Lorsqu'un naturaliste observe
un être organisé quelconque, mais ne l'étudié pas
dans toutes les phases de son existence (quelque im-
parfaite que resterait toujours une telle étude), il
hésite à décider si chaque détail a son usage, ou s'il
n'existe qu'en vertu d'une loi générale. Quelques sa-
vants pensent que la nature a créé des mécanismes
innombrables, simplement par amour pour la beauté
et la variété, à peu près comme un ouvrier ferait un
assortiment de différents modèles. Pour moi, j'ai
bien souvent douté que tel ou tel détail de structure
puisse avoir un usage ; mais s'il n'en avait point, il

[page break]

DES MINIMES DÉTAILS DE STRUCTURE.                       333

ne pourrait avoir été produit par la conservation na-
turelle des variations utiles; on ne saurait expliquer
l'existence de tels détails que d'une manière vague,
par l'action directe des conditions de vie, ou les lois
mystérieuses de la corrélation de croissance.

Citer presque tous les détails de structure de la
fleur des Orchidées, qui, en apparence insignifiants,
ont certainement une haute importance, serait ré-
capituler une grande partie de ce volume. Je me
hornerai à rappeler à la mémoire du lecteur un petit
nombre de cas. Je ne parle pas ici de la charpente
générale de la plante, des vestiges des quinze organes
primitifs formant cinq verticilles alternes ; car pres-
que tous ceux qui croient à la modification progres-
sive des êtres organisés, admettent que leur présence
a été héritée d'un ancêtre reculé. Je viens d'énumérer
une série de faits concernant l'usage des pétales et
des sépales, dans les positions et avec les formes
variées qu'ils présentent. J'ai rappelé également l'im-
portance des légères différences de forme qu'offre le
caudicule de la pollinie chez l'Ophrys abeille, si on le
compare à ceux des autres espèces du même genre :
il faut y joindre l'importance de la double courbure
du caudicule chez l'Ophrys mouche ; et encore, celle
de la relation qui existe entre la longueur et la forme
du caudicule, par rapport à la position du stigmate,
dans des tribus entières. Chez l'Epipactis palustris,
l'extrémité ferme et saillante de l'anthère ne contient

[page break]

354                           MINIMES DÉTAILS DE STRUCTURE.

point de pollen, mais, quand elle est frappée par les
insectes, concourt à la mise en liberté des masses
polliniques. Chez le Cephalanthera grandiflora, si
la fleur est dressée et presque fermée, c'est pour
empêcher que les fragiles colonnes de pollen ne soient
brisées. La longueur et l'élasticité du filet de l'an-
thère, dans certaines espèces de Dendrobium, paraît
assurer à la fleur une fécondation sans croisement,
si les insectes manquent d'enlever ses masses polli-
niques-. Chez le Listera, la légère inclinaison de la
lame du rostellum en avant, empêche que la matière
visqueuse jaillissante n'atteigne les loges de l'anthère.
Dans le genre Orchis, l'élasticité de la lèvre du ros:
tellum permet à cet organe de se relever comme un
ressort lorsqu'une des masses polliniques est enlevée,
et le second disque visqueux, couvert de nouveau, ne
perd pas la propriété qui lui sera nécessaire. Personne,
avant d'avoir étudié les Orchidées, n'aurait soupçonné
que ces infimes détails de structure et beaucoup
d'autres fussent d'une haute importance pour cha-
que espèce; et que, par suite, si ces espèces se trou-
vaient exposées à de nouvelles conditions de vie et
que la structure des diverses parties subit la moindre
Variation, les minimes détails en question pussent être
modifiés par sélection naturelle. Ces exemples mon-
trent bien quelle réserve on doit mettre à se prononcer,
chez les autres êtres organisés, sur la valeur des par-
ticularités de structure insignifiantes en apparence;

[page break]

PERFECTION DE L'ORGANISME.

53b

On doit naturellement se demander pourquoi l'or-
ganisation des Orchidées présente des combinaisons
si parfaites. D'après les observations de G. K. Spren-
gel et les miennes propres, je suis certain que, chez
beaucoup d'autres plantes, la fécondation n'a lieu
qu'à l'aide de procédés analogues et d'une grande
perfection ; toutefois, il semble qu'ils soient réelle-
ment plus nombreux chez les Orchidées que chez la
plupart des autres plantes. Dans de certaines limites,
on peut répondre à la question. Chaque ovule, pour
être fécondé, réclame l'action d'au moins un, et
probablement de plusieurs grains de pollen ', et les
graines produites par les Orchidées sont extraordi-
nairement nombreuses ; il faut donc que de grosses
masses de pollen soient déposées sur le stigmate de
chaque fleur \ Même chez lesNéottiées, dont le pollen
est granuleux, à grains réunis seulement par de

1 Y. Gœrtner, Beitrcige zur Kenntniss der Befruchlung, 1844, S. 135,
s [J'ai tenté d'évaluer le nombre de grains de pollen que produit une
fleur d'Orchis mascula: il y a deux masses polliniques; j'ai compté
dans l'une d'elles 153 paquets de pollen; chaque paquet, autant que j'ai
pu l'apprécier en le dissociant avec soin sous le microscope, contient
près de cent grains composés; chaque grain composé est l'orme de
quatre grains simples. En multipliant ces chiffres les uns par les autres.
on trouve un produit d'environ 120,000 grains pour toute la fleur.
D'autre part, nous avons vu qu'une fleur de YO. maculata, espèce voi-
sine, produit environ 0,200 graines; il y a donc presque vingt grains
de pollen pour un ovule. Une fleur d'une espèce du genre Maxillaria
ayant produit 1,756,000 graines, d'après le même calcul, aurait élaboré
près de 34 millions de grains de pollen, et certainement, chacun de ces
grains porle en lui les éléments de la reproduction, dans la plante
adulte, de chaque détail de structure!] C. D., mai 1869.

[page break]

356                                CAUSES DE L.\ PERFECTION.

faibles fils, j'ai remarqué qu'en général des masses
considérables de pollen sont déposées sur les stig-
mates. D'après cela, nous pouvons peut-être com-
prendre pourquoi, dans un si grand nombre de cas,
les grains se soudent ensemble en épaisses masses
cireuses : c'est sans doute afin qu'aucun d'eux ne se
perde pendant leur transport d'une fleur à l'autre.
La plupart des plantes produisent assez de pollen
pour fertiliser plusieurs fleurs, même lorsque chaque
fleur a plusieurs stigmates. Mais les deux stigmates
soudés des Orchidées exigent tant de pollen, que
celui-ci, si sa production était proportionnelle à
celle du pollen des autres plantes, s'élaborerait avec
une profusion extravagante au plus haut degré,
épuisante pour l'individu. Pour éviter les pertes et
l'épuisement, il fallait que des dispositions spéciales
et admirables assurent le dépôt des masses pollini-
ques sur le stigmate; et ainsi, l'on peut comprendre
en partie pourquoi les Orchidées ont été mieux douées
sous ce rapport que la plupart des autres plantes.

Beaucoup de Vandées n'ont que deux masses pol-
liniques, et chez quelques Malaxidées, ces deux mas-
ses se fondent en une seule : ce seul fait prouve que
la nature a dû recourir pour la fécondation de ces
plantes à des ressources extraordinaires, autrement
elles seraient restées stériles. Je ne crois pas qu'on
puisse trouver dans tout le règne végétal un autre
exemple de pollen formant une masse unique dans

[page break]

DE L'ORGANISME DES ORCHIDÉES.                     537

chaque fleur, et ne pouvant par conséquent féconder
qu'un seul stigmate. On peut faire des remarques
analogues au sujet des graines : beaucoup de fleurs
produisent une multitude de graines, plusieurs n'en
produisent qu'une seule ; de très-nombreuses fleurs
produisent un nombre infini de grains de pollen,
et quelques fleurs d'Orchidées, au point de vue du
nombre de fleurs qui peuvent être fécondées, n'en
produisent qu'un seul, bien qu'en réalité il résulte
de l'agglomération d'une multitude de grains élé-
mentaires.

Quoique tant de précautions aient été prises pour
que le pollen des Orchidées ne se perde pas, nous
voyons que dans toute cette vaste famille, forte,
selon Lindley ', de 453 genres et d'environ 6,000 es-
pèces, le soin de la fertilisation est confié, à peu
d'exceptions près, aux insectes. On peut difficilement
taxer cette assertion de témérité, après l'étude que
j'ai faite et qu'ont poursuivie divers excellents obser-
vateurs, de tant de genres anglais ou étrangers, dis-
persés parmi toutes les principales tribus, et dont la
structure est généralement presque uniforme. Chez
toutes les plantes dans la fécondation desquelles les
insectes jouent un rôle important, il y a de grandes
chances pour que le pollen soit transporté d'une fleur
à une autre. Mais chez les Orchidées, nous avons vu

1 Gardener's Chronicle, March. 1, 18G2, p. 192.

22

[page break]

338                                               CONCLUSION.

de plus de nombreux phénomènes spéciaux, tels que
les mouvements exécutés par les pollinies après leur
enlèvement pour acquérir une position convenable, le
mouvement lent de la colonne pour permettre l'in-
troduction des masses polliniques, ou, dans certains
cas, la séparation des sexes, attester que le pollen
d'une fleur ou d'une plante est habituellement trans-
porté sur une fleur ou une plante distincte. Comme
le transport augmente les chances d'accident, il
nécessite et explique encore les précautions extraor-
dinaires dont la fécondation est entourée.

La fécondation directe est un fait rare chez les
Orchidées. Nous l'avons vue réalisée habituellement
d'une manière plus ou moins parfaite dans une
espèce d'Ophrys, chez les Neotinea, Gymnadenia,
Platanthera, Epipactis, Cephalanthera, Neottia, et
chez ces Épidendrées et Dendrobium dont les fleurs
restent souvent closes. Sans nul doute, on en décou-
vrira d'autres cas encore. La fécondation directe
semble être plus parfaitement assurée chez YOphrys
apifera et chez le Neotinea (Orchis) intacta, que dans
les autres cas. Mais il importe de noter que, chez
toutes ces Orchidées, les combinaisons ordinaires de
structure existent toujours, et ne sont pas à l'état
rudimentaire, mais manifestement propres à assurer
le transport des masses polliniques par les insectes
d'une fleur à l'autre. Comme je l'ai remarqué
ailleurs, quelques plantes indigènes ou naturali-

[page break]

CONCLUSION.                                                 339

séesne produisent jamais de fleurs, ou, si elles fleu-
rissent, ne mûrissent point de graines. Mais, per-
sonne n'en doute, c'est une loi générale de la nature
que les plantes phanérogames produisent des fleurs
et que ces fleurs produisent des graines. Lorsqu'elles
ne le font pas, nous croyons qu'elles s'acquitteraient
de ces fonctions essentielles si elles étaient soumises
à des conditions différentes, que primitivement elles
s'en acquittaient, et qu'elles le feront encore dans
la suite. De même, je pense que les quelques Orchi-
dées qui ne sont pas actuellement soumises au croi-
sement individuel, le deviendraient dans des condi-
tions différentes, ou l'étaient à l'origine, puisqu'elles
ont en général gardé les instruments de ce croise-
ment ; qu'enfin elles le deviendront de nouveau
dans un temps plus ou moins éloigné, à moins que
d'ici là leur espèce ne s'éteigne.

Si l'on remarque combien est manifestement
précieux le pollen des Orchidées, et avec quel soin
il est élaboré ainsi que les parties accessoires, si l'on
remarque que l'anthère est toujours située immédia-
tement en arrière ou au-dessus du stigmate, on est
convaincu que la fécondation directe aurait été un
procédé incomparablement plus sûr que le transport
du pollen d'une fleur à l'autre. 11 est donc surpre-
nant que cette fécondation directe ne soit pas deve-
nue la règle. D'après cela, il doit y avoir quelque
chose de nuisible dans ce procédé. La nature nous

[page break]

340                                                CONCLUSION.

dit de la manière la plus éloquente qu'elle a horreur
de la fécondation de soi par soi perpétuelle. Cette
conclusion semble avoir une haute importance, et
justifie peut-être les longs détails donnés dans ce
volume. Ne devons-nous pas admettre comme pro-
bable, conformément à la croyance générale des
éleveurs de nos races domestiques, que les alliances
entre parents ont quelque chose de nuisible, que
quelque grand avantage inconnu résulte de l'union
entre individus sépa^éïf^pjîndunj; de nombreuses
générations ?

[page break]

INDEX

Aceras anthropophora,

monstrueuses d', 307.
Acontia luctuosa portant des masses

polliniques, 35.
Acropera, structure de la fleur,

196; — vaisseaux des, 282; —

mouvements des pollinies, 1S4.
Aerides (Nectaire de ]'), 263; —

mouvements des pollinies, 184,

187.
Anderson, M., fleurs qui ne s'ou-
vrent pas, 164.
Angrœcum (Nectaire de 1'), 263 ;

— pollinies de 1', 182 ; — ses-

quipedale, 191.
Antennes du rostellum des Catase-

tum, 214, 218.
Anthères rudimentaires, 284.
Apostasia, 293; — affinités des,

513.
Aréthusées, 25fi.

Babington.prof., sur le rostellum,
506.

flon, M., sur les Galasetum, 222.
irkeria, 162.

Bateman, M.,obligations, 116,157,
191.

Bauer.M., sur les grains de pollen
des Cephalantliera, 106; — sur
les masses polliniques des Bletia,
160 ; — sur les utricules du stig-
mate, 200.

Bentham, M, sur des fleurs mon-
strueuses d'Orchis pyramidalis,
44.

bletia, 162.

Bolbophyllum, 167.

Bonatea speciosa, 86, 91 ; — pol-
linies du, 312 ; — vaisseaux du,
287.

Bond, M. F., sur des papillons por-
tant des pollinies, 53.

Brongniart, M., sur les Catasetum,
228; — sur la sécrétion du nec-
tar, 48 ; — les Uropedium, 285 ;
— les vaisseaux des Orchidées,
277.

Bronn, prof., fécondation du Stan-
hopea devoniensis, 189; — sur

[page break]

342

INDEX.

le rang des êtres organisés, 315.
Brown, R., sur la fécondation des
Orchidées, 3 ; — sur la viscosité
du stigmate, 16; — l'Ophrys
apifera, 63 ; — les utricules du
stigmate, 200 ; — les homolo-
gies des Orchidées, 276 ; — le
rostellum, 293; — les Aposta-
sia, 313.

C

Calœna. 170.

Calanthe, structure de la fleur,

189; — nectaire du, 268, 270.
Carpenter, Dr, sur les formes des

Catasetum, 228.
Catasétidées, 205.
Catasetum callosum, 223; — C.

saccatum, 209; — C. tridenta-

tum, 224 ; — sexe mâle du, 228;

— trachées des, 282 ;—curieuse
forme du rostellum des, 305.

Catlleya, structure de la fleur, 159 ;

—  trachées des, 282.
Caudicules des pollinies chez les

Vandées, 178; — Développe-
ment des, 500 ; — structure des,
310.

Cephalanthera grandiflora, 106 : —
comment a été acquise la struc-
ture actuelle du, 154; — tra-
chées du, 282 ; — nombre des
graines du, 325.

Clinandre (Trachées du), 284.

Cœlogyne, 162.

Combinaisons peu importantes en
apparence, 332 ; — spéciales
très-diversifîées, 327.

Coryanthes macrantha, 264.

Crùger, Dr, fleurs qui ne s'ouvrent
pas, 164; — sur les Catasetum,

207 ; — insectes rongeant le la

bellum, 271.
Cycnoches ventricosum, 253.
Cymbidium, 183; — structure des

pollinies, 310.
Cypripedium, structure de la fleur,

257; — poils sécréteurs, 267;

— trachées des, 282 ; — pollen
des, 309; — affinités des, 315.

D

Darwin, G., fécondation de l'Orchis
maculata, 34 ; — fécondation de
l'Herminium monorchis, 74; —
insectes portant des pollinies,
81.

Darwin, W. E., fécondation de
l'Épipactis palustris, 102.

Delpino, F., sur l'Ophrys araignée,
61 ; — sur les Vandées, 189 ; —
sur les Cypripedium, 261.

Dendrobium (Structure des), 170.

Dendrobiées (Affinités des), 314.

Dickie, prof., sur le Listera ovata,
151 ; — obligations, 150.

Disque (Viscositédu) chez lesOphry-
dées, 49 ; — viscosité du, chez
les Vandées, 268 ; — viscosité
du, chez les Catasetum, 222.

Disques (Les deux) des Ophrydées,
302.

Diversité de structure et but uni-
que, 329.

E

Épidendrées, 158; —affinités des,

314.
Epidendrum (Structure des), 163;

— structure détaillée du rostel-
lum des, 295.

[page break]

Épipactis latifolia (Structure de 1'),

103 ; — transplantée, 57.
Épipactis palustris (Structure de

, n, m.

Épipactis (Trachées des), 282.
Épipogium, 256.
Élamines rudimentaires, 284.
Eulophia, 184; — nectaire des,

271.
Évelyna, 1G2 ; — nectaire des, 204;

—  trachées des, 282.

F

Farrer, M., sur l'Ophrys mouche,
55; — sur le Perislylus viridis,
75.

Fécondation (Résumé sur la), 557;

—  de soi par soi, résumé sur
la, 558.

Fertilité des Orchidées anglaises,

57.
Fleurs mâles des Calasetum, 229;

—  usage des enveloppes de la,
521.

G

Galeandra, 185.

Gartner, sur la matière visqueuse
du stigmate, 294, 295.

Glossodia, 280.

Goodyera repens, 115; — trachées
du, 282; — discolor, 116.

Gordon, Rev. G., obligations, 115.

Gradation des organes, 292.

Graines (Nombre des), 524.

Gray, Prof. Asa, sur le Gymnadenia
tridentata, 82; — sur des es-
pèces américaines du genre Pla-
tanthera, 90 ; — sur les Goodye-
ra, 115; — sur les Spiranthes,

)EX.                                          345

I 123; — sur les Cypripedium,

| 260, 2G5.
Gymnadenia albida, 82 ; — cono-
psea, structure du, 79 ; — sé-
crétion du nectar du, 47, 49 ; —
vaisseaux du, 285; — mouve-
ments des pollinies du, 517.

H

Habenaria bifolia, 87; — chloran-
tha, 85; — viridis, 75; — sé-
crétion du nectar chez les, 47,
49; — trachées des, 285, 287.

Herminium monorchis, 72.

Hildebrand, Dr, sur l'Acropera,
199.

Homologies des Orchidées, 273.

Hooker, Dr, sur le Listera, 5 ; —
obligations, 157; — sur les
mouvements du labellum, 170;
— sur la structure du Listera
ovata,159.

Horwood, M., obligations, 157.

I

Insectes, fréquence de leurs vi-
sites aux Orchidées, 57.

Irmisch, sur un bouton de Cypri-
pedium, 285 ; — sur les Neottia,
151 ; — sur l'Épipogium, 256.

K

Krùnitz, sécrétion du nectar, 42.
Kurr, sur du nectar sécrété par
les bractées, 266.

L

Labellum (Mobilité du), 169; —
du Sarcanlhus, 269 ; — Excrois-

[page break]

DEX.

344                                              INI

sances du, 270; —cupule du,
ne sécrétant point de nectar chez
les Vandées, 270; — trachées
du, 281; — homologies du,
287 ; — importants usages du,
322.

Lselia, 162.

Laurier, nectar sécrété par les
feuilles du, 266.

Lépidoptères portant des pollinies,
35.

Limodorum, 256.

Lindley, obligations, 157; — clas-
sification des Orchidées, 158;

— sur les formes des Catasetum,
228 ; — sur les formes des Cyc-
noches, 255 ; — sur les homo-
logies des Orchidées, 277 ; —
sur les Apostasia, 313; — sur
le nombre des genres et des es-
pèces de la famille, 337.

Link, sur les homologies des Or-
chidées, 277, 281.

Liparis (Trachées du), 282.

Listera cordata, 150; — ovala,
structure du, 139.

Lycaste, 188; — pollen du, 310.

M

Malaxidées, 165.

Malaxis paludosa, 130; — trans-
planté, 57 ; — trachées du, 282 ;

—  clinandre du, 284.
Malden, Rev. B. S., obligations

41, 78.
Mansel Weale, sur le Bonatea Dar-

wini, 290.
Marshall, M., sur la stérilité des

Orchidées transplantées, 56.
Masdevallia fenestrala, 160.

Masses polliniques rudimentaires
du Monachanthus, 233 ; — gra-
dation des, 307.

Maxillaria, mouvement des polli-
nies, 184, 185.

Ménière, M., des insectes qui visi-
tent les Orchidées, 33; — sur
les mouvements des Catasetum,
218, 222 ; — sur la sécrétion
du nectar, 264, 270.

Miltonia (Pollinies des), 181, 185.

Microstylis Rhedii, 135, 165.

Moggridge, M. Traherne, féconda-
tion de quelques Ophrydées,
51 ; — sur l'Ophrys scolopax,
71.

Monachanthus viridis, 250.

More, M. A. G., de la fertilité de
l'Ophrys abeille, 66; — sur l'Épi—
pactis paluslris, 9i, 99, 101.

Mormodes ignea, 259 ; — luxatum,
253.

Mouvements des pollinies, 91,
316.

Mûller, Fritz, sur des Orchidées
brésiliennes, 204; — sur les
Catasetum, 207 ; — sur des in-
sectes rongeant le labellum,
271.

Mûller, H., sur les Platanthera,
87 ; — sur quelques espèces
d'Épipactis, 105; — sur les Cy-
pripedium, 261.

Myanthus barbatus, 255.

N

Nectaire des Ophrydées anglaises,
42,48 ; — coupé pour éprouver
l'instinct des papillons, 44; —
longueur du, chez PAngrœcum,
191 ; — vaisseaux du, 281.

[page break]

Nectar (Sécrétion du), chez les
Ophrydées anglaises, 42, 47; —
sécrétion du, chez les Orchidées
étrangères, 263, 2C8; — sé-
crété par les bractées, etc., 206.

Neottia Nidus-avis, 151.

Neottiées (Affinités des), 314.

Nevill, lady Dorothy, obligations,
157.

Nicotiana (Stigmate des), 294,295.

O

Odontoglossum, 184.

Oliver, prof., obligations, 157.

Oncidium (Pollinies des), 181,184,

187.
Ophrydées (Trachées des), 285 ; —

affinités des, 314.
Ophrys apifcra, slructure de 1',

61 ; — fertilité de 1', 65.
Ophrys arachnites, 70.
Ophrys aranifera, 59.
Ophrys muscifera (Structure de 1'),

53; — fertilité de 1', 57 ; —

transplanté, 37.
Orchis fusca, 18 ; — stérilité de

1', 41 ; — grenouille, structure

de la fleur, 75 ; — sécrétion du

nectar, 49, 76; — latifolia, 18;

—  fertilité de 1', 4H ; — sécré-
tion du nectar de 1', 42; — ma-
culata, 18; —transplanté, 36.

—  nombre des graines de 1',
325; — mascula, 8, 52 ; —
mouvement des pollinies, 16;

—  morio, 18, 52; — fertilité
de 1', pendant une saison froide,
58; — sécrétion du nectar de
1', 42, 45; — musc, 72; —
papillon, 83 ; — pyramidalis,

345

19 ; — sécrétion du nectar chez
1', 44, 46; — fertilité de 1', dans
différents cas, 58: — fleurs
monstrueuses d', 44, — vais-
seaux de 1', 282 ; — mouve-
ments des pollinies, 25, 518;
— ustulata, 50.
Oxenden, M. G. C, obligations,
30, 43.

P

Papillons (Instinct des), 45; —
portant des pollinies, 35.

Parfitt, M., sur des pollinies por-
tées par des insectes, 55.

Parker, M. R., obligations, 157.

Pédicelle de la pollinie, 501.

Percy, Dr, analyse du labellum,
272.

Peristylus veridis, 75 ; — sécrétion
du nectar du, 49, 76.

Pétales (Usages des), 521.

Phajus, 162.

Phalœnopsis, viscosité du stigmate,
179 ; — mouvements des polli-
nies, 188.

Pleurothallis, 165.

Pollinies, résumé de leurs mou-
vements, 91, 516; — des Van-
dées, 181 ; — des Catasetum,
expulsion des, 212 ; — du Mor-
modes, expulsion des, 245: —
leur attachement au rostellum,
299; — gradation des, 507.

R

Rodgers, M., obligations, 157; —
sur le Myanthus, 228.

Rodriguezia, 184, 188.

Rostellum, unique chez les Ophry-
dées, 53, 502; — des Vandées,

[page break]

346

INDEX.

175; — avorté, 286; — grada-
tions du, 292 ; — structure dé-
taillée du, 295; — crête du,
chez les Ophrydées, 303; — *
complexe, chez les Catasetum,
305.
Rucker, M., obligations, 157,209,
223, 259.

S

Saccolabium, viscosité du stigmate,
179 ; — mouvements des polli-
nies, 184.

Saint-Hilaire, Aug., sur le pollen
des Orchidées, 309.

Sarcanlhus (Pollinies du), 181,
184 ; — Mouvements des polli-
nies, 184 ; — labellum du, 268.

Schomburgk, sir R., sur les Cata-
setum, 228.

Scott, M. J., sur l'Acropera, 199.

Sécrétion du nectar, 42,203, 268.

Sépales (Usages des), 321.

Sexes des Orchidées, 228.

Smilh, M. F., sur un Bombus por-
tant des masses polUniques,
162.

Smith, M. G., sur des abeilles vi-
sitant l'Ophrys apifera, 67.

Smith, sir James, sur la position
des fleurs de Malaxis, 131.

Sophronitis, 162.

Spiranthes autumnalis, 117; —
vaisseaux du, 282.

Sprengel, C. K., stérilité de l'Or-
chis militaris, 42 ; — Sécrétion
du nectar chez les Orchis, 43 ;
— transport des pollinies d'Épi-
pactis, 104; — sur le Listera,
139,145 ; — valeur de l'ouvrage
de, 521.

Stanhopea (Pollinies du), 181.

Stelis, 165.

Stérilité d'Orchidées anglaises, 38.

Stigmate (Viscosité du), chez les
Vandées, 179 ; — utricules du,
199, 229, 252 ; — état du, chez
les Catasetum, 229: — Grada-
tions du, 293 ; — structure dé-
taillée du, 295.

Structure (Diversité de la), en vue
d'un but unique, 329.

T

Thomson, M. R. B., surleGoodye-
ra, 115.

Thrips (Dispersion du pollen due
aux), 148, 152.

Trachées des Orchidées, 277.

Treviranus, Prof., sur l'Orchis py-
ramidalis, 30 ; — sur l'Ophrys
abeille, 69.

Trimen, M. R., insectes perforant
la peau des fruits, 48 ; — sur le
Disa grandiflora, 52 ; — sur le
Bonatea speciosa, 290.

Tubes polliniques, émis dans l'an-
thère, 307.

Turnbull, M. G. H., deDown, obli-
gations, 157.

D

Uropedium, 283.

Utricules du stigmate, 199, 229,
252.

V

Yanda, 184.

Vandées, 174; — affinités des,
314.

[page break]

INDEX.

347

Vanille (Fécondation de la), 256; —
sécrétion du nectar, 266.

Veitch, M., obligations, 157, 209.

Vicia, sécrétion du nectar par les
stipules, 266.

Viscosité du disque des Ophrydées
anglaises, 49 ; — du disque des
Catasetum, 222; — du disque
des Vandées, 268; — du ros-
tellum et du stigmate, 293,
298.

W

Wallis, M., obligations, 130.
Warrea (Nectaire du, 272); —pol-

linies du, 183.
Weddell, Dr, sur les hybrides

d'Aceras, 19.
Westwood, Prof., sur les abeilles

qui visitent les Orchidées, 33.

z

Zygopetalum, 183.

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LISTE DES GRAVURES

Xi ' V

l\Orchis masçula./...................      10

2.  PbHiaiesjllÛpCms mascula................      15

3.  Orchis pyraraidalis..................      22

4.  Tête et trompe de papillon portant des pollinies......      55

5.  Ophrys muscifera...................      54

6.  Ophrys aranifera...................      00

7.  Ophrys apifera....................      62

8.  Ophrys arachnites...................      70

9.  Peristylus viridis...................      75

10.  Gymnadenia conopsea.................      80

11.  Habenaria chlorantha..................      84

12.  Habenaria bifolia...................      89

13.  Épipactis palustris...................      96

14.  Épipactis latifolia...................    104

15.  Cephalanthera grandiflora................    108

16.  Spiranthes autumnalis.................    118

17.  Malaxis paludosa....................    132

18.  Listera ovata.....................    140

19.  Cattleya.......................    159

20.  Masdevallia feneslrata.................    166

21.  Dendrobium chrysanthum...............    171

22.  Figure théorique, expliquant la structure de la colonne chez

les Vandées....................    175

23.  Pollinies des Vandées..................    181

24.  Calanthe masuca...................    190

[page break]

3b0                               LISTE DES GRAVURES.

25. ) „                                                                                      (    210

. | Catasetum saccatum................j    2n

27.  Catasetum tridentatum.................    225

28.  Honachanthus et Myanthus...............    231

29.  Mormodes ignea,..................    240

30.  Cycnoches......................    254

31.  Cypripedium.....................    259

32.  Diagramme d'une fleur d'Orchidée............    279

33.  Rostcllum d'un Catasetum...............    305

34.  Disque du Gymnadenia conopsea.............    317

[page break]

TABLE

Préface.........................           i

Introduction........................ 1

CHAPITRE I

Structure des Orchis. — Mouvement des pollinies. — Parfaite adaptation
des parties dans l'Orchis pyramidalis. — Des insectes qui visitent les
Orchidées, et de la fréquence de leurs visites. — De la fertilité et
de la stérilité de quelques Orchidées. — De la sécrétion du nectar,
et du retard utile à la fécondation que les papillons éprouvent en le
prenant........................ 7

CHAPITRE H

Suite des Ophrydées. — Ophrys mouche et araignée. — Ophrys abeille,
en apparence organisé pour se fertiliser toujours lui-même, mais
avec des dispositions contraires favorables au croisement. — L'Or-
chis grenouille ; fécondation due à ce que deux parties du labellum
sécrètent du nectar.-^Gymnadenia conopsea.—Grand et petit Ophrys
papillon; leurs différences et leurs modes de fertilisation. — Exposé
des divers mouvements des pollinies......'...... 58

CHAPITRE M

Épipactis palustris; curieuse forme du labellum' et son importance
apparente pour la fructification de la fleur. — Cephalanthera grandi-
flora ; avortement du rostellum, pénétration hâtive des tubes polli-
niques, exemple de fécondation directe imparfaite, concours des
insectes. — Goodyera repens. — Spiranthes autumnalis ; remarquables
dispositions grâce auxquelles le pollen d'une jeune fleur est
transporté sur une autre plante, sur le stigmate d'une fleur plus
avancée.i , . <.........;..;....:. 63

[page break]

352                                         TABLE.

CHAPITRE IV

Malaxis paludosa; simples moyens de fécondation. — Listera ovata:
sensibilité du rostellum, explosion de la matière visqueuse ; rôle des
insectes; parfaite disposition des divers organes. — Listera cordata.

— Neoltia nidus-avis; sa fécondation semblable à celle du Lis-
tera..........................150

CHAPITRE V

Cattleya; fertilisation très-simple. — Masdevallia, curieuse fleur fermée.

— Dendrobium; dispositions favorables à la fécondation directe. —
Vandées ; structure variée des pollinies, importance de l'élasticité et
des mouvements du pédicelle. — Élasticité et force du caudicule. —
Calanthe et ses stigmates latéraux; mode de fertilisation. — Angrœ-
cum sesquipedale, merveilleuse longueur du nectaire. — Acropera,
cas difficile.......................156

CHAPITRE VI

Catasétidées, les plus remarquables de toutes les Orchidées. — Méca-
nisme par lequel les pollinies des Catasetum sont lancées à distance
et transportées par les insectes. — Sensibilité des cornes du rostel-
lum. — Différence extraordinaire entre les formes mâle, femelle et
hermaphrodite du Catasetum tridentatum. — Mormodes ignea : cu-
rieuse structure de la fleur, expulsion de ses pollinies. — Cypripe-
dium, importance de la forme du labellum, qui ressemble à un sabot.

— Sécrétion du nectar. — Avantage qui résulte du temps que les
insectes mettent à l'aspirer. — Bizarres excroissances du labellum
qui paraissent attirer les insectes.............205

CHAPITRE VII '

Homologies des fleurs d'Orchidées. — Profonde modification qu'elles
ont subies. — Gradation des organes, du rostellum, des masses pol-
liniques. — Formation du caudicule. — Affinités généalogiques. —
Mécanisme du mouvement des pollinies. — Usages des pétales. —
Production des graines. — Importance des plus minimes détails de
structure. —Pourquoi la structure est si diversifiée quand le but gé-
néral à atteindre est toujours le même. — Pourquoi les combinaisons
organiques sont si parfaites chez les Orchidées. — Résumé sur le rôle
des insectes. — La nature a ^horrbû^dftja fécondation directe per-
pétuelle......../ . . ! . . yN^........273

/-**<—v—rf—"s—" ' \

PARI5. — IUP. 9IHOK RAÇOM ET COtfP., Hp£ DjERPOnTH, i.


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Citation: John van Wyhe, ed. 2002-. The Complete Work of Charles Darwin Online. (http://darwin-online.org.uk/)

File last updated 25 September, 2022