RECORD: Darwin, C. R. 1891. La descendance de l'homme et la sélection sexuelle. Trans. by Edmond Barbier. Preface by Carl Vogt. Paris: C. Reinwald.

REVISION HISTORY: OCRed by John van Wyhe 8.2008. RN1

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LA DESCENDANCE

DE

L'HOMME

ET

LA SELECTION SEXUELLE

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LA DESCENDANCE

DE

L'HOMME

ET

LA SÉLECTIOO .SEXUEELL

PAR

Charles DARWIN, M. A, P,R.S.,etc.

Traduit par EDMOND BARBIER

D'APUÉS LA SECONDE ÉDIT10S ASOLAISK REVEE ET AUGMENTEE PAR L'ADTECB

PREFACE PAR CARL VOGï

TROSSIÈME ÉDITION FRANÇAISE

(Deuxième tirage)

PARSS

C. REINWALD & O, LIBRAIRES-ÉDITEURS

15, RUE DES SAINI8-PÈRB8, 15

1891

Tous droits réservés.

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PRÉFACE DE CH. DARWIN

A LA DEUXIÈME ÉDITION ANGLAISE

Depuis la publication de la première édition de cet ouvrage en 1871, j'ai pu y faire des corrections importantes. Après l'épreuee du feu, par laquelle ce livre a passé, je me suis appliqué à profiter des critiques qui me semblaient avoir quelque fondemnnt.. Un grand nombre de correspondants m'ont également communiqué une foule si étonnante d'observations et de faits nouveaux, que je ne pouvass en signaler que les plus importants. La liste de ces nouvelles observations et des corrections les plus importantes qui sont entrées dans la présenee édition se trouve ci-aprè.. De nouveaux dessins faits d'après nature par M. T. W. Wood ont également remplacé quatre figures de la première édition et quelques nouvelles gravures y ont été ajoutée..

J'appelle l'attention du lecteur sur les observations qui m'ont été communiquées par M. le professeur Huxley. Ces observations se trouvent en Supplément à la fin de la 1~ partie (page 219), et traitent des différences du cerveau de l'homme, comparé aux cerveaux des singes supérieurs. Ces observations ont d'autant plus d'à-propos que depuis quelques années diverses publications populaires ont grandement exagéré l'importance de cette quesiion.

A cette occasion, je dois faire observer que mes critiquss prétendntt assez souvent que j'attribuais exclusivement à la sélection naturelle tous les changements de structure corporelle et de puissanee- mentale, qu'on appelle communment changements spontanés; j'ai cependant déjà constaté, dès la première édition de Y Origine des Espèces, qu'on doit

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VI

PREFACE

res,

tenir grand compte de l'usage ou du non-uaage héréditaire aussi bien des parties du corps que des facultés mentales. Une autre part dans ces changements a été attribuee par moi aux modificaiions dans lamanièee de vivre. Encore faut-ll admettre quelques cas de réversion occasionnelle de structure, et tenir compte de ce que j'ai appelé « Croissance corrélative ,, voulant indiquer par là que différentes parties de l'organisation sont, d une manièee encore inexpliquée, dans une telle connexion, que si l'une de ces parties varie, l'autre varie encore davantage, et si ces changemnnts ont été accumulés par l'hérédité, d'autres parties peuvent être modifiées également.

D'autres de mes critiques insinuent que, ne pouvant expliquer certains changements dans l'homme par la sélection naturelle, j'inventai la séleciion, sexuelle. Pourtan,, dans la première édition de l'Origine des Espèces, j'avass déjà donné une esquisse claire de ce principe, en remarquant quill s'appliquatt également à l'homm..

La sélection sexuelee a été traitée avec plus d'étendue dans le présent ouvrage, par la raison que l'occasion s'en présentait pour la première fois. J'ai été frappé dela ressemblance de la plupart des critiques à moitié favorables, de la sélection sexuelle, avec celles qu'avatt rencontrées la sélection naturelle, prétendant, par exemple, que ces principes pouvaient bien expliquer quelques faits isolés, mais ne pouvaient certainement pas être employés avec l'extension que je leur ai donnée. Ma conviction sur le pouvorr de la séleciion sexuellen'acependantpaséréébranlée,qloiqu'ilsoitprobable, et même certain, qu'avec le temps un certain nombee de mes conclusions pourront être trouvéss erronée,, chose tout à fait explicable, puisqu'il s'agit d'un sujet traité pour la première fois. Lorsque les naturalistes se seront familiarisés avec l'idée de la sélection sexuelle, je crois qu'elle sera acceptée plus largemen,, comme elle a d'ailleuss été admise déjà par plusieuss des juges les plus autorisés.

Ci. AARWIN.

Septemere. 1.874.

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TABE

E

DES

PRINCPPALES DE LA

ADDITIONS ET CORRECTIONS PRÉSENTE ÉDITION

24-25

S

32 42

48

I

61

68

85 85

S

99

102 106 122 133

a

139

.3

20 22

72

74

74-75

78

S-

93

98

110 111

ulï.

122 126

? S

Révision dela discussion sur les parties rudi- mentaires de l'oreille humaine. Cas d'hommss nés avec un corps velu. Mantegazzasurladernièremolaire de l'homme. Rudimenss d'une queue chez l'homm..

D..„i,,s r.it, dlmrwioc chez l'homme .1 les

animaux. Facultés de raisonnement chez les animaux

inférieurs.

Pouvoir de former des concepts relaiivement Fidélité chez l'éléphant.

c*s.«rle "°uo,e°'grte,ire *" "

Alleaî'onï. parenté. Petrât.n.ed'.himn.itéetdehain..

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vm TABLE DES PRINCIPALES ADDITIONS ET CORRECTIONS

1" ÉDITION.

VOL. I.

ÉDITION

ACTUELLE.

 

Page,s 160

X

187 199 213

'S

265

270 277 282 305

320

331-332 346

347-348 360

380

S

386 390-391

403

. 426 437

Pagess . 55

58 59

146

155

1

206-207

213 219-225

229 246-247

259

266-267

279 281-282

290

299 300

S

309

310 312-313

322

S

Broca, sur la capacité du crâne diminuée par

la conservation des individss inférieurs. Belt, avantagss que l'homme tire de sa n.ud.té. Dispariiion de la queue chez l'homme et cer-

ForTeVnufsibles de la sélection chez les na-

IndôleLTde Somme sans le combat pour

Goriîle ^"couvrant de ses mains contre la pluie. Hermaphroditisme chez les poisson.. Rudiments de mamelles chez l'homme màle. Changements dans les condiiions de la vie amoindrissant la fécondité et l'état de santé

La^ïuXrê de la peau est une protection contre le soleil.

Organes spéciaux des vers parasites mâles

transmissionàl'unoul'autredesdeuxsexes. Les causes du plus, grand nombee de naissan-

Pr|onionSdes sexes dans la famille des

Leapb.eùsegrand nombee de màles s'expiique

quelquefois par la sélection. Couleurs brillantes chez les animaux d'orga-

sr^:r/pt;^rr^tsnl. i^œfaïïï'ï.... -i.

Ap'pïïu m.ital chez les Homopt.res. Développement de l'.ppuell stridul.nl chez

]l.m™'SÇiî.T.»eles diltérenees ..««elles des abeilles.

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DE LA PRÉSENEE ÉDITION                     ' ne

1- ÉDITION.

VOL. I. II.

ÉDITION

ACTUELLE.

.

Pages. 443

2.

VOL. II.

2

16

ï

38

77

96

iS

129 135

159-J62

164 169

250-251

268

S

282 287 310 324 343 364

Pages. 350

357 358

364 375

15.

5

392 420

S

457 459 463

480-483

S-

514-545 555

a.

566 571 586 595 608 625

.Papillons femelles, plus assidues auprès des ;

mâles, sont auss, plus briliantes en couleu.. D'autres cas de mimique chez les Papillons. Cause des couleuss brillantes et diversifiées

des chenilles.

Piquants formant brosse chez le mâle du

D'auatresUfaits de la saison du frai des pois- .

D=,1U^nd^rparles poissons/

^antTcolaorE""16 protéSée ^ " D'auTesCcas?urîenpouvoir mental des serpents. Sons produits parles serpents; le serpent à

Comîâte des Caméléons.

Marshal,, sur les protubérances des têtes des

Action directe du climat sur les couleurs des dSs faits ccncernant lcs ocelles du faisan

PaAradeSdes Oiseaux-mouches.

Faits de transmissions de couleur à un seul sexe chez ess pigeons.

Lé goût de paruee est assez puissant pour admettre la sélection sexuelle.

Les cornes des moutons étaient originairement

L-a^raSts-cornes des animaux. Variété du Cervus virginianus à cornes poin-

Ta\neSrelative des mâles et femelles de la ba-

Dojon^les différences sexuelles des chau-

ReVekSs,Ss0urnles avantagss d'une coloraiion spé-

DifTCrence du teint entre les hommes et les

femmes d'une tribu africaine. Le langage est postérieur au chan..

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x TABLE DES PRINCIPALES ADDITIONS ET CORRECTIONS.

1» ÉDITION.

VOL. II.

ÉDITION

ACTUEELE.

 

Pages. 386

387 et s.

405-406

411

Pages. 641

643 et S.

654-655

659

Schopenhauer, sur l'importance des intrigues

d'amour pour le genre humain. Révssion de la discussion sur les mariages

communaux et sur la promiscuité. Pouvorr des femmes chez les sauvages de

choisir leuss maris. Une longue habitude d'épilation peut avorr un

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TABLL DES MATIÈRES

PREMIÈEE PARTIE

LA DESCENDANCE OU L'ORIGINE DE L'HOMME

Pages.

PrËfacede Carl Vogt......................... sv

Introduction.............................xxm

Chapitre premier. - Preuves à l'appui de l'hypothèse que l'hmmee de--' cedd d'une forme inférie.re.................... 1

Nature des preuvss sur l'origine de l'homme. - Conformations homologues chez l'homme et les animaux inférieurs. - Points de similitude divers. - Développement. - Conformations riidimentaires, muscles, organes des sens, cheveux, os, organss reproducteurs, etc. - Portée de ces trosn ordres de faits sur l'origin, de l'homm..

Chapitre Û. - Sur le moee de développement de l'hmmee de quelque tyee

inférieur............................. 23

Variabilité du corps et de l'esprit chez l'homme. - Hérédité. - Causss de la variabilité. - Similitude des lois de la variation chez l'homme et chez les animaux inférieurs. - Action direcee des conditions d'existence. - Effess de l'augmentatron ou de la diminution d'usage des parties. - Arrêss de développement. — Retour ou atavisme. — Variation corrélative. — Taux d'accroissemen.. - Obstacles à l'accroissement. - Sélection naturelle. - L'homme, anmat prédomintnt dans le monde. - Importance de sa conformation corporelle.

-  Causes qui ont déterminé son attitude verticale. - Changements consécutifs dans sa structure. - Diminution de la grosseur des denss canines. - Accroissement et altération de la forme du crâne. - Nudité. - Absenee de la queu.. -Absenee d'armes défensives.

Chapitre III. — Comparaison des facultés mentales de l'hmmee avcc celles

des animaux inférieurs...................... 66

La différence entre la puissance mentale du singe le plus élevé et celle du sauvage le plus grossier est immense. - Communauté de certains instincts.

-  Emotions - Curiosité. - Imitation. - Attention. - Mémoire. - Imagination. - Raison. - Amélioration progressive. - Instruments et armss employés par les animaux. - Abstraction, conscience de soi. - Langage. - Sentiment de la beauté. - Croyance en Dieu, aux agenss spirituels, superstitions.

Chapitre IV- — Comparaison des facultés mentales de l'hmmee avec celles

des animaux (suite)........................103

Le sens moral. - Proposition fondamentale. - Les qualités des animaux sociables. - Origine de la sociabilité. - Lutee entee les instincts contraires.

-  L'homme, animal sociable. - Les instincts sociaux durables l'emportent sur d'autres instincts moins persistants. - Les sauvages nbestiment que les vertus sociales. - Les vertus personnelles s'acquièrent à une phase postérieure du développement. - Importance du jugemenu des membres d'une même communauté sur la conduite. - Transmission des tendances morales. - Résumé.

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TABLE DES MATIÈRES

Pages. Chapitre V. - Sur le développement des facultés intellectuelles et morales pendant les temss primstifs et les temss civilisés......137

Développement des facultés intellectuesles par la sélection nature.le. - lin-portance de l'imitation. - Facultés sociales et morales. - Leur développment dans les limites d'une même tribu. - Action de la sélection naturelle sur les nations civilisées. - Preuves de l'état antérieur barbare des nations civiiisées.

Chapitre VI. - Affnnités et généalogie de l'homme........... 158

La position de l'homme dans la série animale. - Le système naturel est généalogiqui. - Les caractères d'adaptation ont peu de valeur. - Divers poinss de ressemblance entre l'homme et les quadrumanes. - Rang de l'homme dans . le système naturel. - Patree primitive et antiquité de l'homme. - Absence de chaînons fossiles. - Etats inférieurs de la généalogie de l'homm,, déduits de ses affinités et de sa conformation. - Etat primifif androgyne des Vertébrés.

—  Conclusions.

Chapitre VII. — Sur les races humaines................ 181

Nature et valeur des caractères spécifiques. - Application aux races humaines. - Arguments favorables ou contraires au classement des races humaines comme espèces distinctes. - Sons-espèces. - Monogénistes et Polygé-nistes. - Convergence des caractères.' - Nombreux point! de ressemblantes corporelles et mentales entre les racss humaines les plus distinctes. - Etat de l'homme, lorsqulil s'est d'abord répandu sur la terrée - Chaque race ne descend pas d'un couple unique. - Extinction des races. - Formation des races.

-  Effess du croisement. - Influence légèee de l'action directe des conditions d'existence. - Influence légèee ou nulee de la sélection naturelle. - Sélection sexuelle.

DEUXIÈME PARTEE

LA SÉLECTION SEXUELLE Chapitre VII.. - Prnncipes de la sélection se.uelle...........226

Caractères sexuels secondaires. - Sélection sexuelle. - Son mode d'action. - Excédent des mâlles. - Polygamie. - Le maie ordinairement seul modifié par la séleciion sexuelle. - Ardeur du mâle. - Variabilité du mâle. - Choix exercé par la femelle. - La sélection sexuelle comparée.A la sélection naturelle. - Hérédité aux périodes correspondantes de la vie, aux saisons corre--pondantes de l'année, et limitée par le sexe. — Rapports entee les diversss formes de l'hérédité. - Causes pour lesquelles un des sexes et les jeunes ne sone pas modifiés par la sélection" sexuelle. - Supplément sur les nombres proportionnels des maies et des femelles dans le règne animal. — La proportion du nombee des individus mâles et femelles dans les rapports avec ta sélection nature.re.

Chapitre IX. — Les caractères sexuels secondaires dass les classes inférieures du règee anmmal ;...................286

Absenee de caractères de ce genre dans les classes inférieures. - Couleuss brillantes. - Mollusques - Annélides. - Chéz les Crustacés, les caractères sexuels secondaires sont fortemenl développés, dimorphisme, couleur, cara-tères acquis seulement à l'état adulte. - Caractères' sexuess des Araignées, stridulation chez les mâles. - Myriapodes.

Chapitre X. — Caractères sexuels secondaires chzz les insectes.....302

Conformations diverses des mâles servatt à saisir Ira femelles. - Différences entre les sexes, dont la signification est inconnue. - Différence de tallee entre les sexes. - Thysanoures. - Diptères. - Hémiptères. - Homoptères, facultés musicales que possèdent les mâfes seuls. - Orthoptères, diversité^ de structure des appareils musicaxx chez les mâles; humeut belliqueuse, couleurs. - Névrop-tères, différences sexuelles de couleu;. - Hyménoptères, caractère belliqueux, couleurs. - Coléoptères; couleurs: présenee des grosses cornes, probablement comme ornementation; combats; organec .bridaient. ordinairement commuss aux denx sexes.

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TABLE DES MATIÈRES

Pages.

Chapitre XI.- Insectes, sue.e. _ Ordee des Lépidoptères (papillons et

phalènes)............................338

Cour que se font les papillons. - Batailles. - Bourdonnements. - Couleuss communes aux maies et aux femelles, ou plus brlllantes chez les mâles. -Exemples. - Ces couleurs ne sonl pas dues à l'action direcee des conditions d'existence. - Couleurs protectrices. - Couleur des phalènes. - Leur étalage.

-  Perspicacité des Lépidoptères. - Variabilitr. - Causes de la différence de coloration entre les mâles et les femelles. - Imitation, couleuss plus brillantes chez les paplllons femelles que chez les maies. — Vives couleurs des chenilles.

-  Résumé et conclusions sur les caractères secondaires sexuels des insectes.

-  Comparaison des insectes avec les oiseau..

Chapitre XII. — Caractères sexuels secondaires des poissons, des amphibiss ed des reptiles........................ 364

Poissons : Assiduités des mâles, leurs combats. - Les femelles sont ordinai-ment plus grandes que les mâles. - Mâles, couleurs vives, ornements et autres caractèred ..étranges. - Couleuss et ornements qu'acquièrent les mâles pendant la saison des amours. - Chez certaines espèces, les mâles et les femelles affectent également des couleurs brillantes. s Couleuss protectrices.

-  On ne peut attribuer au besoin de protection les couleurs moins brillantes des femelles. - Certains poissons mâles construisent les nids, et prennent soin des œufs et des jeunes. - Amphimes : Différences de conformation et de coloration entee les mâles et les femelles. - Organes vocaux. - ReptilEs : Chéloniens. — Crocodiles. — Serpents, couleurs protectrices dans quelques cas. - Batailles des lézards. - Ornements. - Etranges différencss de conformation entre, les mâles et les femelles. - Couleurs6 - Différences sexuelles ' presque ausse considérables que chez les oiseau..

Chapitre XII.. - Caractères sexuels secondaires des oiseaux......394

Différences sexuelles. - Loi du combat. - Armes spéciales. - Organes vo-caux. — Musique instrumentale. — Démonstrations amoureuses et danse.. — Ornements permanents ou temporaires. - Mues annuelles, simples et doubles.

-  Les mâles aiment à faire étalage de leuss ornements.

ChapitreXIV. - Oiseaux (suite).....................442

Oise^^ésa ^SûS S iî «M£? ne™£ £

H3r3--S£ïî. " «SLS-" »™^?^iït-ï2 ire™

tion.. - Formation d'ocelles. - Gradations de caractères. - Exemples fournis par le Paon, le faisan Argus et l'Urosticte.

Chapitre XV. — Oiseaux (suite)....................486

Discussion sur la question de savorr pourquoi, chez quelques espèces, les mâles seuls ont des couleurs éclatantes, alors que les deux sexes en possèdent chez d'autres espèce.. - Sur l'hérédité limitée par le sexe, appliquée à diverses conformations et au plumage richement coloré. - Rapports de la nidification avec la couleur. - P erte pendatt l'hiver du plumage nuptial.

Chapitre XVI. — Oiseaux (fin).....................509

Rapports entee le plumage des jeunss et les caractères qu'il affecee chez les individus adultes des deux sexes.-Six classes de cas. - Différences sexuelles entre les mâles d'espèces très voisines ou représentatives. - Acquisition des caractères du mâle par la femelle. - Plumage des jeunes dans ses rapports avec le plumaee d'été et le plumaee d'hiver des adultes. - Augmentation de la beauéé des oiseau.. — Coloratiog protectrice. — Oiseaux colorés d'une manière

très apparente. - Les oiseaux aiment la nouveauté. - Résumé des quatre chapitres sur les oiseaux.

549

Chapitre XVI.. - Caractères sexuels secondaires chzz les mammifères. 549

La loi du combat. - Armes particulières limitées aux mâles. - Cause de leur absenee chez la femelle. - Armes communes aux deux sexes, mass primitivement acquises par le mâle. - Autres usages de ces armes. - Leur haute importance. - Taille plus grande du mâle. - Moyens de défense. - Sur les préférences manifestées par l'un et l'autre sexe dans l'accouplement des mammi-

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xiv                                TABLE DES MATIÈRES

rages. Chapitre XVIII.— Caractères sexuels secondaires des mammifères (suite). 577

Voix. - Particularité sexuelles remarquables chez les phoques. - Odeu.. - Développement du pou. - Coloration des poils et de la peau. - Cas anomal de la femelee plus ornée que le mâle. - Colorations et ornements dus a la

oS a sE^^ar"qaadrupèdes adllltes- ~couleura et

Chapitre XIX. - Caractères sexuels secondaires chzz t'hmmee (sue)e). . 608

Différences entre l'homme et la femm.. - Causes de ces différences et de certains caractères commuss aux deux sexes. - Loi de comba.. - Différences dans la pusssance intellectuelle et la voix. - Influence qu'a la beauéé sur les mariages humains. - Attention quoon. les sauvages pour les ornements. -Leurs idées sur la beauéé de la femme. - Tendance a exagérer chaqee particularité naturelle.

Chapitre XX. — Caractères sexuels secondaires chez l'hom.e......C40

Sur les effess de la sélection continue des femmes d'après un type de beauéé différent pour chaque race. - Causes qui, chez les nations civiliséss et chez les sauvages, interviennen. dans là sélection sexuelle. - Conditions favorables & celle-ci pendatt les temps primitifs. - Mode d'action de la sélection sexuelle dans l'espèce humaine. - Sur la possibilité qu'ont les femmes de choisir leuss maris dans les tribus sauvages. - Absence de poils sur le corps, et le dévelop-

F1N DE LA TABLE DES MATIÈRES.

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PRÉFAEE DE CARL VOGT

POUR LA PREMIÈRE ÉDITION

Mon am,, M. Reinwald, me demande une préface pour le nouveau livee de M. Darwin dont j'ii vu naître la première édition de la traduction française.

M. Darwin me fait l'honneur de citer, à la première page de son œuvre, une phrase prononcée dans un discosrs que j'avais adressé, en avril 1869, à l'Institut national genevoes.

Je ne cross pouvoir répondre mieux à la demande de mon éditeur et ami, qu'nn mettant ic,, et à la plaee d'une préface, la plus grande partie de ce discours qui a reçu une approbation si flatteuse de la patt d'un maître tel que M. Darwin :

Dans toutes les sciences naturelles, nous pouvons signaler une double tendance des efforss faits pour les pousser plus loin et pour leur faire porter les fruits que la sociééé est en droit d'attendre d'elles. D'un côté, la recherche minutieu,e, secondee par l'installation d'expériences aussi dégagées que possible d'erreurs et de perturbations; de l'autre côté, le rattachement des résultats obtenss à certains principes généraux dont la portée devient d'autant plus granee qu'ils engagent à de nouvelles recherchss dans des branches de la science en apparence entièrement étrangères à celle dont ils découlent en premier lieu. Enfin, ,au fond de ce mouvement qui domine dans les sciencss et. par conséquent aussi dans la société (car on ne peut plus nier aujourd'hui que ce soient les sciencss qui marchent à la tête de l'humanité entière), au fond de ce mouvement, dis-je, s'aperçoit ce besoin d'affranchissement de la pensée, ce combat incessant contre l'autorité et la croyance transmise/héritée et autoritair,, qui, sous mllle formes diverse,, agite le monde et tient les esprits en éveil.

Auss. voyez-vous ce courant de liberté, d'affranchissement et d'indpendance au fond de toutes les questions qui surgsssent les unes a côté des autres dans le monde politique, religieux, social, littéraire et scientifique ; -ici, vouslevoyezparaitre comme tendance wself.government.lkcolme critique des textes dits sacrss ; les uns cherchent à établir, pour les con-

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xvi                                             PRÉFACE

ditions d'existence de la sociééé et des diverses classes qui la composent, des lois semblables à celles qui gouvernent le monde physqque, tandss que les autrss soumettent à l'épreuee des faits et des expéreences les opinions et les assertions de leurs devanciers, pour les trouver, le plus souven,, contraires à ce qu'enseigntnt les recherches nouvelles. Partout se forment deux camps, l'un de résistance, l'autre d'attaque; partout nous assistons & des luttes opiniâtres, mais dans lesquelles triomphera sans doute la raison humaine, dégagee de préjugés et d'erreurs implantées dans le cerveau par héritage et par l'enseignement pendant l'enfance. Ces luttes, toujouss profitables a l'humanité, mettent en plein jour les liaisons qui existent entee les différentes branchss des connasssances humainss; aucune ne saurait plus prétendre à un domanee absolu, et souvent les armes offensives et défensives doivent être cherchées dans un arsenll étabis en apparence bien loin du camp dans lequel on s'est enrôlé primitivement. En môme temps, la somme de nos connasssances acquises s'accroît avec une telle rapidité, que l'organisation humaine la plus amplement douée ne suffit plus pour embrasser au complet, môme une branche isolée. Aussi me permettrez-vous de restreindre mon sujet et de rechercher seulement, dans le petit domaine dont je me suis plus spécialement occupé, les manifestations de cette tendanee générale que je viens de signaler.

Comment se manifeste dans l'étude des sciences biologiques s'occu-pant des êtres organisés et ayant vie, cet esprtt d'indépendance cette tendance a briser les liens qui empochaient jusqucici le libre développement de ces sciences? D'une manière bien simple, messeeurs. On ne croit plus a une force vitaee particulière, dominant tous les autres phénomènes organiques et attirant dans son domaine inabordable tout ce qui ne cadre .pas à première vue avec les faits connus dans les corps inorgniques; on ne pari plus, comme d'un axiome élevé au-dessus de toute démonstration, de l'idée d'un principe immatériel de la vie qui n'est combiné avec le corps que temporairement et qui continue son existenee môme après la destruction de cet.ooganisme par lequel seul il se manfeste; - non, on laisse absolument de côté ces quesilons et ces prétendus principes tirés d'un autee ordre d'idée,, et on procède a l'analyse du corps organisé et de ses fonctions comme on procéderait à celle d'une machine très-compliquée, mais dans laquelle il n'y a aucune force occulte, aucun effet sans cause démontrable ; - on part, en un mot, du princpee que force et matèère ne sont qu'un, que tou,, dans les corps organiques comme inorganiques.n'estquetransformalionsettranspositisnsincessant.es, compensation perpétuelle. Et en appliquant ce principe à l'élude des corps organisés, en s'affranehissant, en un mot, de toute idée préconçue et impaantée, on arrive non seulement à des résultats et à des conclusions qui doivent rejaillir fortement sur d'autres domaines, on est môme condutt à la conception d'expériences et d'observations qui auraient été impossibles, inimaginables dans une époque antérieure où toutes les pensées étaient dominées par l'idée d'une force vitaee particulrère. Dans ces temps-là, un mouvement étatt le résultat d'une volonté dictée par cette force vitale; aujourd'hui il est devenu la conséquence nécessaire d'une irritation du système nerveux, et pour le produire, l'organisme ne dépenee pas de la force vitale, mais une quantité parfaitement déterminée et mesurable de chaleu,, engendrée par la combustion d'une quantité aussi déterminée,

[page break]

PRÉFACE                                                 xvii

de combustible que nous introduisons sous forme d'aliment. Le musce,, qui se contracte, n'est aujourd'hui qu'une machine, dont les effets de force sont déterminés aussi rigoureusement que ceux d'un câble de grue, et cette machine agtt aussi longtemps qu'elee n'est pas dérangée, avec autant de précision iqu'un câble inanimé. Aujourd'hui, nous détachons un muscee d'une grenouille vivante, nous le mettons dans les conditions nécessaires pour sa conservation, en empêchant sa dessication et sa de-composition, nous lui donnon,, comme du charbnn à une machine, de temps en temps le sang nécessaire pour remplacer la matière brûlée par l'oxygène de l'air, - et ce muscee isolé, sous cloche, séparé de l'orgnism,, non depuis des heurss et des jours, mass même depuss des semaines, ce muscle travaille sur chaque irritation que nous lui transmettons par l'électricité aussi exactement qu'un spiral de montre dès quill

__ _____i'i ».______t'i__! „____ _»i____Ti____.. _» ,»« ' -.^-.r, 1              n/ino In 1 ci îccnn t

est monté! Aujourd'hui, nous décapilons un animal, - nous le laissoni

mourrr ^m^e^-m^^e^movt,^^^

ns dans la

du sang d'un autee animla de la même espèce batuu et chauffé au degré nécessaire, - et cette tête revi,, rouvre ses yeux, et ses mouvemenss nous prouvett que son cerveau, organe de la pensée, fonctionne de nouveau et de la même manèère comme avant la décapitation.

Je ne veux pas m'étendre ici sur les conséquences que l'on peut tirer de ces expériences. La physique inorganique nous prouve que chaleur et mouvement ne sont qu'une seule et même force, ^ que la chalerr peut être transformée en mouvement et vice versa; la physique organique, car c'est ainsi qu'on peut appeler aujourd'hui cette branche de la biologie, nous démontre que les mêmss lois régsssent l'organisme; - nous mesurons le mouvement de la pensé,, nous déterminsns la vitesse, peu considérable du reste, avec laquelee elle se transmet, et nous apprécions la chaleur dégagee dans le cerveau par ce mouvement. Mais, je le répète, nous n'aurions pu arriver à ces expériences et à leurs résultats si frappants, si observateurs et expérimentateurs n'avaient travaillé, avant tout à l'affranchissement de leur propre pensé,, s'ils n'avaiena rejeéé d'avance, avant de les tenter, toute idée transmise par les autorités, pour s'en tenrr aux faits seulement et aux lois qui en découeent. Lorsque Lavoisier prtt la première fois la balanee en main pour constater que le produtt de la combustion étatt plus pesant que la substance brûlée, avant cette opération, et que la combustion étai,, par conséquent, une combinaison et non une destruction, il partait nécessairement du princpee de 'indestruc-tibilité de la matière et détruisait en même temps ce phlog.ston, cette force occulte et indémontrable que l'on avatt invoquée pour expliqurr une foule de phénomènes du monde inorganique, absoeument comme on invoque encoee aujourd'hui cette force vitale dont les retraites obscures sont forcées et édairées tour à tour par le flambeau de l'inveshgation.

Si nous constatons ici, dans le domaine de la physiologie, l'heureux effet de l'affranchissement de la méthode investigatrice, nous en pouvons voir encoee une manifestation brillanee dans le domaine de la zoologie et de la botanique proprement dite.. Je veux parerr de la direction nouvelle imprimée à ces sciences ainsi qu'à l'anthrolologie, par Darwin.

Que veut, en effet, cette direction nouvelle qui se base, comme toute innovation/sur des précédents, mais, il faut l'avourr auss,, sur des prece-

^SïSc^S^

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XVIII

PREFACE

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dictées par un tout autre ordre d'idées,'et acceptées, jusquci,i, comme on accepee mille choses, sans en examiner le fond.

« Espèces son,, avait dit Linné, les types créés dès le commencement, a et on avais accepté, tant bien que mal, cette définition qui suppose un créateur, un nombee considérable de types indépendasts les uns des autre,, et un renouvellement successif de l'ameublement organique de la terre, si j'oee m'exprimer ains,, d'après un plan fixé d'avanee dans les différentes époquss de son histoire. - Cet axiome admis, il n'y avatt plus, en réalité, à examiner les rapports des différenss organismes entee eux, ni avec leurs prédécesseurs; - chaque espèce étant une création in-

£ÏÏïïK S &r; iA'Sr '-bit" '"-6™1 si - '»»

sans écho; - ces insurrections avortées n'avaient contribué, comme en politique, qu'à mieux asseorr le gouvernement existant et à faire croire à son infaillibilité. Mais aujourd'hui, grâee à Darwin, une révolution complète a été opérée, et les partisans du gouvernement déchu se trouvent à peu prés dans la môme situation que les chefs de mainte révolution; -ils ne peuvent en aucune façon revenrr aux anciens errements, mais ils ne savent que mettre à la place Personne, en Europe aumoin,, n'oseplus soutenir la création indépendante, et de toutespièces.des espèce;; -mais on hésite, lorsqulil s'agit de suivre une voie nouvelee dont on ne voit pas encoee 1 issu.. « Il faut accepter cette théorie, a dit un homme de grand sens; uni-

mX^sa^X "^ ^^ ^ *' mell'eUr' ^ P°UVeZ-V°sS Je l'ai dlt,P-îa nouvelee direction imprimée aux sciencss zoologiques par Darwin n'est pas tant remarquable en elle-même que comme manfestation de cet esprtt libre qui lâche de s'affranchir de liens imposés et qui veut voler de son propre essor. Elle veut rattacher les innombrables formes dans lesquelles s'ese manifestée la vie organique à celte circulation générale qui anime le monde entier; - pour traduire sa tendance par un mot emprunté à la physique, elle veut considérer les organismes comme des manifestations, enehaînées entee elles, d'une seule et même force, et non pas comme des forces indépendantes. Si toutes nos sciences exactes sans exception sont fondées, depuis Lavoisier, sur le principe de la matière impérissable, les étonnantes découvertes de Mayer et de ses successeurs ont été engendrées par la conception de la force impérissable. Dans toutes les modifications de la forme, la quantité de force dépensée resee toujours la même; la force est mutable en sa qualité, mass non en sa quantité; elle est indestructible comme la matière; - à chaque moiécule, à chaque quantité appréciable de la matière est liée, d une manèère impérissable et éternelle, une quantité correspondanee de force. Les manifestations extérieures de la force peuvens revêtir autant de formes différentes que la matière, - mais la quantité dépensée dans une opération ou mutation quelconque doit se retrouver dans une autee opératinn précédente ou suivante, et doit rester identiquement la même dans toute la série des phénomènes qui se sont passés antérieurement ou qui doivent suivre dans le cours du temp.. N'oublions pas, messieurs, que ce principe, conçu par Mayer, il n'y a

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PRËFACE

XIX

pas encoee trenee ans, nous a valu la détermination de l'équivalent en force de la chaleu,, l'identification de la chaleur et dû mouvement, enfin toutes ces découvertes et applications magnifiques qui se succèdent depuss quelquss annéss avec une rapidité si étonnante. Ne faut-il pas croree que l'application de ce même principe aux sciences organiques et descriptives s'y montrera tout aussi féconde qu'elle s'est déjà montrée dans les sciencss physiques ? .

Que voulons-nous en effet? Démontrer que les formss si innombrables de la natuee organisée ne sont que des mutations d'un fonds impérissable d'une quantiti déterminée de matière et de force– - démontrer que chaque forme organique est le résultat nécessaire de toutes les manifestations organiques qui l'ont précédée, et la base nécessaire de toutes celles qui vont la suivre; - démontr,r, par conséquent, que toutes les formss actuelles sont liées ensemble par les racines depuss lesquelles elles se sont élevées dans l'hsstoire de la terre, et dans les différentes périodss d'évolution que notre planèee a parcourues; - démontr,r, enfin, que les forces qui se manifestent dans l'apparition de ces formss sont toujours restées les mêmes, et qu'il n'y a pas de place, ni dans le monde inorganique, m dans le monde organ.que, pour une force tieree indépedanae de la matière, et pouvant façonnrr celle-ci suivant son gré ou son

^T™ est, ce me sembe,, le véritabee noyau de ce qu'on est convenu d'appeler le Darwinisme ; son essence intime ne peut se définir autrement, suivant mon avis. Il n'impoete que les uns suivent cette direction, pour ainsi dire instinctivement, sans se rendee compee des derniers résultats auxquels elle doit nécessairement conduire, tandss que les autrss voient clairement le but vers lequel ils tendent; - l'important est que cette direction se trouve, comme on dit, dans l'air, qu'elle s'imprime par le milieu spirituel dans lequel vit l'homme scientifique à tous les travaux, et qu'elle s'assoee même à côté de l'adversaire pour corriger ses épreuvss avant qu'elles ne passent à la publicité.

L'héritage et la transmission des caractères est dans le monde organique, ce qui, dans le monde inorganique, est la continuation de la force. Chaque être est donc le résultat nécessaire de tous les ancêtres qui l'ont précédé, et, pour comprendre son organisation et la combinaison variée de ses organes, il faut tenir compte de toutes les modifications, de toutes les formes passées qui, par héritage, ont apporté leur contingent dans. la nouvelle combinaison existante. Et de même que la force primitive se montre dans le monde physique et suivant les conditions extérieures, tantôt comme mouvement, tantôt comme chaleur, lumière, électricité ou magnétisme, de même ces conditions extérieures influent sur le résultat de l'héritage et amènent des variations et des transformations qui se transmettent à leur tour aux formss consécutives. . Une tâche immenee incomee donc aujourd'hui aux sciences naturelles. Dans les temps passé,, l'étude des formss extérieuses suffisatt aux buts restreints de la science; plus tard il fallut ajouter l'étude de l'organisation intérieure autant dans les détails microscopiques que dans les arra-gements saissssables à l'œii nu ; un pas de plus conduisait nécessairement, pour comprendre les analogies, les rapports etles différences dans la création actuelle (qu'on me passe le mo)) vers l'embryogénie comparée, savoir la comparaison des différentes manières donr se construit et s'ac-

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xx.                                          PREFACE

compHtt l'organisme depuis son germe jusquàà sa fin; enfin, il fallut avorr recouss à la paléontologie, à l'étude des êtres fossiles qui ont précédé les formes actuelles, et cela dans le but de comprendre la parenté plus ou moins éloignée qui reiie ces êtres entre eux. Aujourd'hui, il faut ajouter à tous ces éléments, éclairés d'un nouveau jour, l'élude des limites possibess des variations que peut présenter un type ; l'influence, éminemment variabee des milieux ambiants sur les différenss type,, et construire ainst pièce par pièce les organismes définitifs, mass variables, que nous avons devant les yeux.

Eh bien, messieurs, peut-on raisonnablement croire que l'homme seul ne soit pas soumis à ces grandss lois de la nature, - que lui seul, parmi les êtres organis,s, ait une origine fondamentalement différente de la leur, - que seul il n'att ni formss parentes, ni prédécesseurs dans l'hsstoire de la terre, et que son existence ne se rattache à aucune autr?? Vraiment, posée en ces termes, la question me paratt résolue d'avance! Mais la conséquence qui découee nécessairement de ces prémiss,s, c'est qu'à l'anthrolologie est dévolue la môme tâche qu'à toutes les autres branches de l'histoire naturelle, qu'elle ne doit pas se contenter d'étudier l'homme en lui-même, et sous les différentes formes qu'il présente à la surfaee de la terre, mais qu'elle doit sonder ses origines, scruter son passé lointain, recueilrir avec soin toutes les donnéss que peuvent fournrr ses fonctions, son organisation, son développement individuel, son histoire, non seulement dans le sens habituel du mot, mais en se rapportant à un passé bien antérieur, et qu'elle doit remonter ains,, comme la science le fait pour touess les autrss formss organiques, l'arbee généalogique jusque vers les branches congénères, po'rtéeî par les mêmss racines, mais développées d'une manière différente.

Les découvertes récentes ont ouvert un horizon immense aux études relatives à l'homme. Dans tous les pays nous remarquons une ardeur presque fiévreuee pour remonter aux origines de l'homme cachéss dans les couches de la terre; de tous les côtés on apporte les preuvss d'une antiquité bien plus reculée du type homm,, que les imaginations les plus exaltées n auraient jamais pu supposer jadis. Chaque jour cette Europe tant fouil'ée par les générations passées ouvre son sein pour nous montrer des trésoss nouveaux, ou pour nous donne,, par des faits inaperçus jusqu'à présent, la clef d'une foule d'énigmss que nous ne savions résoudre. Nous assistons à cette époque où l'homme sauvag,, montrant des infériorités très-marquées dans son organisation corporelle, chasaait dans les plaines du continent européen et de l'Angleterrr le mammohth et le rhinocéros, le renne et le cheval sauvag,, nous suivons cet homme dans sa civilisation ascendante, où il deviene nomad,, pâtre, agriculteur, industriel, commerçant, traf.queur et fondeur de métau;; là où l'histoire et la tradition nous font défaut, nous lisons les faits et gestes de cette antiquité préhistorique dans les pierres et les bois! Et, tandss que les « curieux de la nature », comme s'appelaient, dans une académee célèbre, les savanss scrutateurs,poursuivent ainsi, de couche en couche, les restes de l'activité humaine; d'autres, non moins curieux, s'attachent à son organisation en reprenant un à un tous les caractères jusqee dans leurs petits détails, en étudiant leur développement dans le cours de la vie depuss le premier germe jusqu'à la fin, ou bien en s'adressant aux race,, à leurs particularités, pour y trouvrr les preuvss d'une infériorité ou su-

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PREFACE

XXI

petite place dans les objets que l'anthropologie doit embrasser.

Il faut avouer franchement, messieurs., que cette étude historique, comparative et génésique du type homme est encore dans l'enfance, et que

Je n'ai rien à ajouter. M. Darwin prend l'homme tel qu'il se présenee aujourd'hui, il examine ses qualités corporelles, morales et intellectuelles, et recherche les causes qui doivent avoir concouru à la formatinn de ses qualités si diverses et si compliquées. Il étudie les effets qu'ont produits ces mêmes causes en agissant sur d'autres organismes et, trouvant des effets analoguss produits chez l'homm,, il conclut que des causes analogues ont été en jeu. La conclusion finale de ces recherches, conduites avec une sagacité rare et égalée seulement par une érudition hors ligne, est que l'homm,, tel que nous le voyons aujourd'hui, est le résultat d'une série de transformations accomplies pendant les dernières époques

^NuTdoute que ces conclusions trouveront beaucoup de contradicteu.s. Ce n'est pas un mal, la vérité naît du choc des esprits.

G. VOGT.

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INTRDDUCTIO

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La natuee du présent livre sera mieux compris,, par un court aperçu de la manière dont il a été écrit. J'ai pendant bien des années recuellii des notes sur l'origine et la descendance de l'homm,, sans avoir aucune inteniion de faire quelque publication sur ce suje;; bien plus, pensant que je ne ferais ainsi qu'augmenter les préventions contre mes vues, j'avass plutôt résolu le contraire. Il me parut suffisant d'indiquer, dans la première édition de mon Origine des espèces, que l'ouvrage pourrait jeter quelque jour sur l'origine de l'homme et son histoire; impliquant ainsi que l'homme doit être avec les autres êtres organisés comprss dans toute conclusion générale relaiive à son mode d'apparition sur la terre. Actuellement le cas se présenee sous un aspect tout différen.. Lorsqu'un naturaliste comme C. Vogt, dans son discouss présidentiel à l'Institut nationll genevoss (1869), peut risquer d'avancer que « personne, en Europe du moins, n'ose plus soutenrr la création indépendante et de toutes pièces des espèces, s il est évident qudau moins un grand nombre de naturalistes doivent admettre que les espèces sont les descendants modifiés d'autres espèces; cela est surtout vrai pour ceux de la nouvelee et jeune génération. La plupart acceptent l'aciion de la séleciion naturelle; bien que quel-

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xxiv                                     INTRODUCTION

ques-uns objecten,, ce dont l'avenrr aura en toute justice à décider, que j'ai beaucoup trop haut évalué son importance. Mais il est encore bien des chefs plus anciens et honorables de la science naturelle, qui sont malheureusement opposés à l'évolution, sous quelque forme qu'elle se présente.

Les opinions actuellement adoptées paraa plupatt des naturalistes, qui, comme dans tous les cas de ce genre, seront ultérieurement suivies par d'autres, m'ont par conséquent engagé à rassembler mes notes, afin de m'assurer jusquàà quel point les conclusions auxquelles mes autres travaux m'ont conduit, pouvaient s'appliquer à l'homm.. C'était d'autant plus désirable que je n'avais jamais, de propos délibér,, appliqué mes vues à une espèce prise à par.. Lorsque nous limitons notre attention à une forme donnée, nous sommes privés des argumenss puissanss que nous pouvons tirer de la natuee des affinités qui unissent.des groupes entiess d'organismes, - de leur distribution géographique dans les temps passés et présents, et de leur succession géologiqu.. La conformation homologiqu,, le développement embryonnaire, et les organes rudimentaires d'une espèce, qu'il s'agisse de l'homme ou d'un autre anima,, points sur lequel nous pouvons porter notre attentio,, restent à considérer; mais tous ces grands ordres de faits apportent, il me semble, des preuves abondantes et concluantes en laveur du principe de l'évolution graduelle. Toutefoss il'faut toujouss avoir présent à l'esprtt le puissant appui que fournissent les autres argu-

L'unique objet de cet ouvrage est de considérer : premièremen,, si l'homm,, comme tout autre espèce, descend de quelque forme préexistante; secondement, le mode de son développement; et, troisièmement, la valeur des différencss existant entre ce qu'on appelle les races humaines. Comme je me bornerii à.traiter ces points, il ne me sera pas nécessaire de décrire en détall ces différences entre les diverses races, - sujet énorme qui a déjà été amplement discuté dans

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INTRODUCTION                                      xxv

beaucoup d'ouvrages de valeu.. La haute antiquité de l'homme récemment démontrée par les travaux d'une foule d'hommss éminents, Boucher de Perthss en tête, est l'indispensable base de l'intelligence de son origine. Je tiendrai par conséquent cette conclusion pour admise, et renverrai mes lecteurs pour ce sujet aux beaux traités de Sir C. Lyell, Sir J. Lubbock et autre.. Je n'aurai pas non plus davantage à faire qu'à rappeler l'étendue des différences existant entre l'homme et les singes arthropomorphes, le professeur Huxley ayant, selon l'avis des juges les plus compétents, établi de la manière la plus concluanee que, dans chaque caractèee visible, l'homme diffère moins des singes supérieurs, que ceux-ci ne diffèrent des membres inférieuss du même ordre des Pri- mates.

Le présent ouvrage ne renferme presque point de faits originaux sur l'homm;; mais les conclusions auxquelles, après un aperçu en gros, je suis arrivé, m'ayant paru intéressantes, j'ai pensé qu'elles pourraient l'êtee pour d'autres. On a souvent affirmé avec assuranee que l'origine de l'homme ne pourrait jamass être connue; mais l'ignorance engendee plus souvent la confiance que ne fait le savoir, et ce ne sont que ceux qui savent peu, et non ceux qui savent beaucoup, qui affirment d'une manière aussi positive que la science ne pouraa jamass résoudee tel ou tel problèm.. La conclusion que l'homme est, avec d'autres espèces, le co-des-cendant de quelque forme ancienne inféreeure et éteinte, n'est en aucune.façon nouvelle. Lamarck étai,, il y a longtemps, arrivé à cette conclusion, que plusieuss naturalistes éminenss ont soutenue récemment; par exemple, Wallace, Huxley, Lyell, Vogt, Lubbock, Büchner, Rolle,, etc., et sur-

sur la théorie Darwinienne. Paris, 1869), - Der Mensch, im Lichle der Dar-wMjschen Lehre, 1865, von Doctor F. RoUee Sans pouvoir référer à tous les

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INTRODUCTION

tout Hâckel. Ce dernier, outre son grand ouvrage intitulé CeKerelle Morphologee (1866), a récemment (1868, avec une seconde édition en 1870) publié sa Naturliche Schôpfungs-geschichte\ dans laquelle il discute complètement la généalogie de l'homm.. Si cet ouvrage avait paru avant que mon essai eût été écri,, je ne l'aurass probablement jamass achevé. Je trouve que ce naturaliste dont les connasssances sont, sur beaucoup de poins,, bien plus complètes que les mienne,, a confirmé presque toutes les conclustons auxquelles j'ai été conduit. Partout où j'ai extratt quelque fait ou opinion des ouvragss du professeur Hâckel, je le cite dans le texte, laissant les autres affirmations telles qu'elles se trouvaient dans mon manuscrit, en renvoyant par note à ses ouvrages, pour la confirmation des points douteux ou intéressants.

Depuis bien des années, il m'a paru fort probable que la sélection sexuelle a joué un rôle important dans la différenciation des races humaines; et, dans mon Origine des Espèces (1" édition,, je me contentai de ne faire à cette croyance qu'une simple allusion; mais, lorsque j'en vins à l'appliqurr à l'homm,, je vis qu'il était indispensable de traiter le sujet dans tous ses détails2. Il en est résulté que la seconde partie du présent ouvrag,, trattant de la sélection sexuele,, a pris relaiivement à la première un développement considérable, mais qui était inévitable.

J'avass l'intention d'ajouter ici un essai sur l'expression des diverses émotions chez l'homme et les animaux moins élevés, sujet sur lequel mon attention avait, il y a bien des

auteurs qui ont traité le même côté de la questiont j'indiquerai encore G. Ganess

1. Traduit en françaMs par le D' C. Letourneau, sous le titre : Histoire de <a Création naturelle.2* éditionl Paris, C. Reinwald.

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INTRODUCTION

année,, été attirée par l'ouvrage remarquable de Sir C. Bell. Cet anatomiste célèbre soutient que l'homme possède certains muscles uniquement destinés à exprimer ses émotion,, opinion que je devais prendee en considération, comme évidemment opposée à l'idée que l'homme soit le descendant de quelque autre forme inférieure. Je désirass également vérifier jusquàà quel point les émotions s'expriment de la même manière dans les différentes races humaines. Mais, en raison de la longueur de l'ouvrage actue,, j'ai dû renoncer à y introduire cet essai, qui est en pariie achevé, et fera l'objet d'une publication séparée.

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LA

DESCENDANCE DE L'HOMME

ET LA SÉLECTION

DANS SES RAPPORTS AVEC LE SEXE

PREMIÈRE PARTIE

LA DESCENDAECE OU L'ORGGINE DE L'HOMEE

CHAPITRE PREMIER

preuves a l'appui de l'hypothèse que l'homme descend d'une forme inférieure

Nature des preuves sur l'origine de l'homme. - Conformations homologues v^^!^=^=^^

s^«CT,«rui1'etc- -Portée de ces trois ordres de

L'homme est-il le descendant modfiié de quelque forme préexstante? Pour résoudee cette question, il convient d'abodd de rechecher si la conformation corporelle et les facultés mentales de l'homme sont sujettes à des variations, si légères qu'elles soien;; et, dans ce cas, si ces variations se transmettent à sa progéniture conformément aux lois qui prévaeent chez les animaxx inférieurs. Il convient de rechercher, en outre, si ces variations, autant que notre ignorance nous permet d'en juge,, sont le résultat des mêmes causes, si elles sont régtées par les mêmes lois générales que chez les autres organismes, - par la corrélation, par les. effets héréditaires de l'usage et du défaut d'usag,, etc.? l'homme est-il sujet aux mêmes difformités, résultant d'arrêts de développe-

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2                         LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [1"> Partie]

men,, de dupiication de parties, etc., et fait-ll retou,, par ses anomalies, à quelque type antérierr et ancien de conformation? On doit naturellement aussi se demandrr si, comme tant d'autres animaux, l'homme a donné naissanee à des variétés et à des sous-race,, différant peu les unes des autre,, ou à des races assez distinctes pour qu'on doive les classer comme des espèces douteuses? Comment ces races sont-elles distribuées à la surface de la terre, et, lorsqu'on les croise, comment réagissent-elles les unes sur les autre,, tant dans la premèère génération que dans les suivantes? Et de même pour beaucoup d'autres points.

L'enquête auratt ensuite à élucider un probèème important : l'homme tend-il à se multiplier assez rapidement pour qu'il en résulte une lutte ardenee pour l'existence, et, par suite, la conserv-tion des variations avantageuses du corps ou de l'esprit, et l'élimination de celles qui sont nuisibles? Les races ou les espèces humaines, quelque soit le terme qu'on préfère, empiètent-elles les unes sur les autres et se remplacent-elles de manière à ce- que finalement il en disparaisse quelques-unes? Nous verrons que toutes ces questions, dont la plupart ne méritent pas la discussion, résolues qu'eless sont déjà, doivent, comme pour les animaxx inférieur,, se résoudee par l'affirmative. Nous pouvon,, d'allleurs, laisser de côté pour le moment les considérations qui précèdent, et examiner d'abodd jusquàà quel point la conformation corporelle de l'homme offre des traces plus ou moins évidentes de sa descendance de quelque type inféreeur. Nous étudierons, dans les chaptres suivants, les facultés mentales de l'homme en les comparani à celles des animaxx placés plus bas sur l'échelle.

Conformation corporelle de ~'AomMe. - On sait que l'homme est construit sur le même type général, sur le même modèle que les autres mammifères. Tous les os de son squelette sont comparables aux os correspondants d'un singe, d'une chauve-souris ou. d'un phoque. Il en est de même de ses muscles, de ses nerfs, de ses vaisseaux sanguins et de ses viscères internes. Le cerveau, le plus important de tous les organes,.sutt la même loi, comme l'ont étabii Huxrey et d'autres anatomistes. Bischoff', adversaire déclaré de cettedoctrine, admet cependant que chaque fissure principale* chaque pli du cerveau humann ont leur analogee dans celui de l'orang-

1 Grosshimmndunae.i des Menschen, 1868, p. 96. Les conclusions de cet allusion dans la préface de cette nouvelle édition.

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[Chapf I] CONFOHMATION COKPORËLLE DE L'HOMME .          3

outang; mais il ajoute que les deux cerveaux ne concordent complètement à aucune période de leur développement; concordance à laquelle on ne doit d'alleuurs pas s'ateendre, car autrement leurs facultés mentaess seraient les mêmes. Vulpian» fait la remarque suivanee : < Les différences réelles qui existent entre l'encéphal de l'homme et celui des singes supéreuurs sont bien minimesI Il ne faut pas se faire d'illusions à cet égard. L'homme est bien plus près des singes anthropomorphes parles caractères anatomiques de son cerveau que ceux-ci ne le sont non seulement des autrss mammfères, mais même de certains'quadrumanes, des guenons et des macaques. » Mais il seratt superflu d'entrer ici dans plus de détails sur l'analogie qui existe entre la structure du cerveau et toutes les autres parties du corps de l'homme et la conformation des mammfères supériuurs.

Il peut cependant'être utile de spécffier quelques points, ne se rattachant ni directement ni évidemment à la conformation, mais qui témoignent clairement de cette analogee ou de cette parenté.

L'homme peut recevorr des animaux inférieurs, et leur communiquer certaines maladies comme la rage, la variole, la morve, la syphilis, le choléra, l'herpès, etc.», fait qui prouve bien plus évidemment l'extrême similitud'* de leurs tissus et de leur sang, tant dans leur composition que dans leur structure élémentaire, que ne le pourrait faire une comparaison faite sous le meilleur microscope, ou l'analyse chimique la plus minutieuse. Les singes sont sujets à un grand nombre de nos maladies non contagieuses; ainsi Reng-ger», qui a observé pendant longtemss le Cebus Azarx dans son pays nata,, a démontré qu'il est sujet au catarrhe, avec ses symptômes ordinaires qui amènent la phthisie lorsqu'ils se répètent souven.. Ces singes souffrent aussi d'apoplexie, d'inflammation des entrailles et de la cataracte. La fièvre emporte souvent les jeunes au moment ou ils perdent leurs dents de lait. Les remèdes ont sur les singes les mêmes effets que sur nous. Plusieurs espèces de sin-

2. Leçons su,- la Physiologie,^, p. 890, citées par il. Dally : VOrdre des

Science, juillet 1871; Edinburgh Veterinary Review, juillet 1858.

4. Un écrivain (British yuarterly Review, 1 octobre 1871, p. 472) a critiqué en termes très sévères et très violents l'allusion contenue dans cette phrase; mais comme je n'emploie pas le terme identité, je ne crois pas faire erreur. il me parait y avoir une grande analogie entre une même maladie contagieuse ou

^tSïeschichte der Sdugethiere »on Paraguay, 1830, p. 50.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

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ges ont un goût prononcé pour le thé, le café et les liqueuss spir-tueuses ; ils fument aussi le tabac avec plaisir, ainsi que je l'ai observé moi-môme». Brehm assure que les habitants des partiss nord-ouest de l'Afrique attrapent les mandrills en exposant à leur portée des vases contenant de la bière forte, avec laquelle ils s'eni-vren.. Il a observé quelques-uns de ces animaux en captivité dans le même état d'ivrssse, et fait un récit très divertissant de leur conduite et de leurs bizarres grimaces. Le malin suivan,, ils étaient sombres et de mauvaise humeu,, se tenaient la tête à deux mains et avaient une piteuee mine; ils se détournaient avec dégoût lorsqu'on leur offrait de la bière ou du vin, mais parasssaient être très friands du jus de citron'. Un singe amérccain, un Ateles, après s'être enivré d'eau-de-vie, ne voulut plus jamais en boire, se montrant en cela plus sage que bien des homme.. Ges faits peu impotanss prouvent combien les nerfs du goût sont semblables chez l'homme et chez les singes, et combien leur système nerveux entier est similairement affecté.

L'homme est infecté de parasites internes dont l'action provoque parfois des effets funestes- il est tourmenté par des parasites externe,, qui appartienntnt aux mêmes genres ou aux mêmes famlles que ceux qui attaquent d'autres mammifères, et, dans )e cas de la gale, à laméme espèce'. L'homme est, commed'autres animau,, mammifères, oiseaux, insectes même,, soumis à cette loi mystérieuse en vertu de laquelee certains phénomènes normaux, tels que la gestation, ainsi que la maturation et la durée de diverses maladies, suivent les phases de la lune. Les mêmes phénomènes se produisent chez lui et chez les animaux pour la cicatrisation des blessures, et les moignoss qui subsistent après l'amputation des membres possèdent parfois, surtout pendant les premières phases

SÏ^£2ZrïZ£iï pui5""e de "

(Australie) trois individus de la variété Phaseolarctm cinereus et que tous trois d'autres assertions analogues, p. 25, 107.

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[Chap. t] CO~FORMATION CORPORELLE DE L'HOMME                    5

L'ensemble de la marche de l'importante fonction de la reproduction de l'espèce présente les plus grandss ressemblances chez tous les mammifères, depuis les premières assiduités du maie" jusquàà la naissance et l'allaitement des jeune.. Les singes naissent dans un état presque aussi faible que nos propres enfants, et, dans certains genres, les jeunes diffèrent aussi complètement des aduttes, parleur aspec,, que le font nos enfanss de leurs parents". Quelques savants ont présenté, comme une distinctinn importante, le fait que, chez l'homm,, le jeune individu n'atteint la maturité qu'à un âge beaucoup plus avancé que chez tous les autres animaux; mais, si nous considérons les races humaines habitant les contréss tropicales, la différence n'est pas bien considérable, car on admet que l'orang nedevient adutte qu'à dix ou quinze ans.. L'homme diffère de lafemme par sa taille, par sa porce corporelle, par sa villosité, etc., ainsi que par son intelligence, dans la même proportion que les deux sexes chez la plupatt des mammifères. Bref il n'est pas possible d'exagérer l'étroite analogie qui existe entre l'homme et les animaux supéreeurs, surtout les singes anthropomorphes, tant dans la conformation généraee et la structure élémentaire des tissus que dans la composition chimique et la constitution.

Développement embryonnaire. -L'homme se développe d'un ovule ayant environ 0»»,02 de diamètre; cet ovule ne diffère en aucun point de celui des autres animaux à une période précoce; c'est à peine si l'on peut distinguer cet embryon lui-môme de celu; d'autres membres du règne des vertébrés. A cette périod,, les artères circulent dans des branchss arquée,, comme pour porter le sang dans des branchies qui n'existent pas dans les verébbrés supérieurs, bien que les fentes latérales du cou perssstent et marquent leur ancienne position (flg. 1, y, g). Un peu plus tard, lorsque les extrémités se développent, ainsi que le remarque le célèbre de Baër, «' les pattes

11.  « Mares e divers,* generibus Quadrumanorum sine dubio dignoscunt feminas humanas a maribus.Primum.credo,odoratu.posteaaspectu.M.Youa)t, Sdiu in Hortis Zoologie!. (*»«**) medicu. animalium eiat vir in rébus observandiscautusetsagax, hocmilu certissime probavit, et curatoresejusdem

KnCyn\ÏÏ^

nt opiner, nihii turpius potest indieari inter omnia hominibus et Quadrumanis communia. Narrat enim Cynocephalum quemdam in furorem incidere aspectu feminarum aliquarum, sed nequaquam accendi tanto furore ab omnibus. Sem-pereligebat juniores, et dignoscebat in turbâ, et advocabat voce gestûque. »

12.  Cette remarque a été faite pour les Cynocéphales et pour les singes anthropomorphes par Geoffroy Saint-Hilaire et F. Cuvier (HisS nat. des mam-mifères,, 1.1, 1824.)

km^,Man'S place in Nature^,v.U.

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6

[Ire Partie]

-/

Fig. 1. - La figuee supérieure représente un embryon humain, d'après Ecke;; la figure inférieure celui d'un chien, d'après Bischoff.

a,  Cerveau antérieur, hémisphères céré-

brau,, etc.

b,  Cerveau médian, corps quadrijnmeaux.

c,  Cerveuu postérieur, cervelet, moelee

*, Œrgée-

e, Oreille.

/, Premier arc viscéra.. g. Second arc viscéral. H, Colonne vertébrale et muscess en voie

de développement. i. Extrémités antérieures. K, Extrémités postérieures. L, Quene on os du coccyx.

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[Chap. t]             DEVELOPPEMENT.EMHRYONNAIRE                        7

des lézards et des mammifères, les ailes et les pattes des oiseaux, de même que les mains et les pieds de l'homm,, dérivent de la . même forme fondamentale ». C'est, dit le professeur Huxley'4, « dans les toutes dernières phases du développemenr, que le jeune être humann présente des différences marquées avec le jeune singe, tandss que ce dernirr s'éloigne autant du chien dans ses dévelop- ' pemenss que l'homme lui-même peut s'en éloigner. On peut démontrer la vérité de cette assertion, tout extraordinaire qu'elee

^mmTpluIieûrs de mes lecteuss peuvent n'avorr jamass vu te dessin d'un embryon, je donne ici ceux de l'homme et du chien, tous deux à peu près à la même phase précoce de leur développ-ment, et je les emprunte à deux ouvragss dont l'exactitude est incontestable ». .

Après les assertions de ces hautes autorités, il est inutile d'entrer dans de plus amples détails pour prouvrr la grande ressemblance qu'offre l'embryon humann avec celui des autres mamm fè-res. J'ajouterai, cependant, que certains poinss de la conformation de l'embryon humann ressemblent aussi à certaines conformations d'animaux inférieuss à l'état adulte. Le cœur, par exemple, n'est d'abodd qu'un simple vaisseau pulsateur; les déjeciions s'évacuent par un passage cloacal ; l'os coccyx fait saillie comme une véritable queue, qui « s'étend beaucoup au-delà des jambss rudimentai-res ». B Certaines glandes, désignées sous le nom de corps de Woff,, existant chez les embryons de tous les vertébrés à respiration aérienne, correspondent aux reins des poissons adultes et fonctionnent comme eux ". On peut même observe,, à une période embryonnaire plus tardive, quelquss ressemblances frappantes entre l'homme et les animaux inférieurs. Bischoff assure qu'à la fin du septième mois, les circonvouutions du cerveau d'un embryon humann en sont à peu près au même état de développement que

la figure est très agrandie. L'embryon du chien, est emprunté a Bischoff; Ent-wicklungsgeschichte des Hunde-Eies, 1845, tabl. XI, fig. 42, B. La figure est grossiecinqfoiset dessinée d'après un embryonâgéde25jours. Les viscères internes, ain^que les appendices utérins, ont été omis dans les deux cas. C'est le pro-

^r^an!^^                                                     vol. IV, 18fi0;

. 17. Owen,Anatomyof vertébrales, vol. I, p. 533.

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8                         LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire pAnTIE]

chez )e babounn adu)te ». Le professeur Owen fait remarquer l . ' « que le gros ortell qui fourntt le point d'appui dans la march,, . aussi bien debout qu'à l'état de repos, constitue peut-être la par-ticularite la plus caractéristique de la structure humanee »; mais le professeur Wyman c a démontré que, chez l'embryon, ayant envi-' ron un pouce de longueu,, « l'oreeil est plus court que les autres doigts, et que, au lieu de leur être parallèle, il forme un angle avec le côté du pied, correspondant ainsl par sa position avec l'état permanent de l'orteil chez les quadrumanes ,. Je termine par une citation de Huxley », qui se demande : l'homme est-il engendré, se développe-t-il, vient-il au monde d'une façon autre que le chien, l'oiseau, la grenouille ou le poisson? Puis il ajoute :< La réponee ne peut pas être douteuee un seul instant; il est incontestable eue le mode d'origiee et les premières phases du développement humann sont identiques à ceux des animaxx qui occupent les degrés immédiatement au-dessous de lui sur l'échele,, et qu'à ce point de vue il est beaucoup plus voisin des singes que ceux-ci ne le sont du chien. »

Rudiments. - Nous traiterons ce sujet avec plus de développments, bien qu'il ne soit pas intrinsèquement beaucoup plus important que les deux précédenss i. On rencontre chez tous les animaux supérieurs quelquss parties à l'état rudimentaire; l'homme ne fait point exception à cette règle. Il fau,, d'alleeurs, distinguer, ce qui, dans quelquss cas, n'est pas toujouss facile, les organss rud.mentaires de ceux qui ne sont qu'à l'état naissan.. Les premiers sont absolument inutiles, tels que les mameless chez les quadrupèdes mâles, et chez les ruminants les incisives qui ne percent jamais la gencive; ou bien ils rendent seulement à leurs posses^ seurs actuess de si légers services que nous ne pouvons pas supposer qu'ils se soient développss dans les conditioss où ils existent aujourd'hui. Les organes, dans ce dernier état, ne sont pas strictement rudimentaires, mais tendent à le devenr.. Les organss naissants d'autre par,, bien qu'ils ne soient pas complètement développés, rendent de grands services à leurs possesseurs et sont

18.  Die Gro.MrnwindungendesMemchen^m, p. 95.

19.  Analomy of vertébrales7 vol. II, p. 553.

22. J'avais déjàécrit ce chapitre avant d'avoirlu un travail de grande valeur,

teri rudimentali in ordineaW ï^deïïï^^iï^ZïnâT S Tt ?l)'- HTke'a ad-'^lement discuté l'ensemble du su£Lus le t.tre de Dystéolog.e, dans sa Generelle MorpAologie et ScMpfungtgachichte.

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[ChapjI~                                      RUDIMENTS                                                  9

susceptibles d'un développement ultérieu.. Les organss rudimen-taires sont éminemment variables, fait qui se compren,, puisque, étant inutilss ou à peu près, ils ne sont plus soumis à l'aciion de la sélection naturelle. Ils disparaissent souvent entièrement; mais, dans ce cas, ils reparaissent quelquefois par suite d'un effet de retou,, fait qui mérite toute notre attention.

Les principales causes qui parasssent provoquer l'état rudimen-taire des organss sont ]e défaut d'usag,, surtout pendant l'état adulte, alors que, au contraire, l'organe devratt être exercé, et l'hérédité à une période correspondante de ia vie. L'expression < défaut d'usage x ne s'applique pas seulement à l'action amoindrie des muscles, mais comprend une diminution de l'afflux sanguin vers un organe soumss à des alternatives de pression plus rare,, ou devenant, à un titre quelconque, habituellement moins actif. On peut observrr chez un sexe les rudiments de parties présentes normalement chez l'autre sexe; ces rudiments, ainsi que nous le verrons plus tard, résultent souvent de causes distinctes de celles que nous venons d'indqquer. Dans quetquss cas, la sélection naturelle intervient pour réduire des organss devenus nuisibles à une espèce, par suite de changements dans ses habitudes. Il est probable que la compensation et l'économee de croissanee interviennent souvent à leur tour pour hâter cette diminution de l'organe; toutefois, on s'explique difficilement les derniers degrés de diminution qui s'observent après que le défaut d'usage a effectué tout ce qu'on peut raisonnablemtnt lui attribuer, et que les résuttats de l'économie de croissanee ne sont plus que très insignifiants ». La suppression complète et finale d'une partie, déjà très réduite et dévenue inutil,, cas où ne peuvent entrer en jeu ni la compensation ni . l'économee de croissance, peut se comprendre par l'hypothèse de la pangenèse, et ne peut guère même s'expliquer autrement. Je n'ajouterai rien de plus sur ce poin,, ayant, dans mes ouvragss précédents «\ discuté et développé avec amples détails tout ce qui a trait aux organss rudimentaires. On a observ,, sur de nombruxx points du corps humann », les

23. Quelques excellentes critiques sur ce sujet ont été faites par MM. Mûrie çaise). \oir aussi,.Origine des espèces, p. 474.

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10                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Par].r]

rudiments de muselés divers; il en est qu,, existatt régulièrement chez quelquss animau,, se retrouvent parfois à un état très rédutt chez l'homm.. Chacun a remarqué l'aptitude que possèdent plusieuss animau,, le cheval surtou,, à mouvoir certaines parties de la peau par la contraction du pannccule muscuaaire. On trouve des restes de ce muscle à l'état actff sur plusieurs poinss du corps humain; sur le fron,, par exemple, où il permet le re)èvement des sourcil.. Leplalysma myoides, qui est bien développé sur le cou, appartient à ce systèm.. Le professeur Turne,, d'Edimbourg, m'apprend qu'il a parfois trouvé des fascicules musculaires dans cinq situations différentes :,dans les axilles, près des omoplates, etc,, qui doivent tous être rattachés au système du pannicule. Il a» aussi démontré que le muscle stern)l (sternalis bruiorum), qui n'est pas une extensinn de l'abdominal droit (~eclus abdominalis), mais qui se relie intimement au pannccule, s'est rencontré dans une proportion d'environ 3 p. 100 chez plus de six cents cadavres; il ajoute que ce muscle fourntt « un excellent exempee du fait que les conformations accidentelles et rudimentaires sont tout spécialement sujettes à présenter des variations dans leurs arrangements x.

Quelques personnss ont la faculté de contracter les muscle.-superficiels du scalpe, qui sont dans un état partiellement rudimen-taire et variable. M. A. de Candolee m'a communiqué une observation curieuee sur la persistance héréditaire de cette aptitude, existant à un degré inustté d'intensité. Il connatt une famllle dont un des membre,, actuellement chef de la famille, pouvait, quand il était jeune, faire tombe,, par la seule mobilité du scalpe, plusieurs gros livres posés sur sa tète, et qui avatt gagné de nombreux .paris en exécutatt ce tour de force. Son père, son oncle, son grand-père et ses trois enfanss possèdent à un égal degré cette même aptitude. Cette famille se divisa en deux branches, il y a huit générations; le chef de celle dont nous venons de parler est donc cousin au septième degré du chef de t'autre branch.. Ce cousin éloigné, habitant une autre partie de la France, interrogé au sujet de 1/aptitude en question, prouva immédaatement quill la possède aussi. C'est un excellent exemple de la transmission persistante d'une faculté absolument inutlle que nous ont probablement léguée nos ancêtres à demi humains; en effet, les singes possèdent la faculté, dont ils usent largement, de mouvorr le scalpe dehautenbaset«*ce«ersa".

Les muscles servant à mouvorr l'ensembee de l'orellee extern,,

26.  Prof. W. Turner, Proc. Royal Soc. Edinburgh, 1866-67, p. 65.

27.  VExpression des Émotions, p. 144. (Paris, Reinwald.)

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[Chap.I]                                 RUDIMENTS                                            11

e

et les musclés spéciaux qui déterminent les mouvements de ses diverses parties, appartenant tous au système panncculeux, existen,, chez l'homm,, à -l'état rudimentaire. Ils offrent des variations dans leur développement, ou au moins dans leurs fonction.. J'ai eu l'occasion de voir un homme qui pouvatt ramenrr ses oreilles en avan;; d'autres qui pouvaiett les redresser; d'autres enfin qui pouvaient les retirer en arrière »; d'après ce que m'a dit une de ces personnes, il est probabee que la plupatt des hommes, en stimulant l'oreille et en dirigeant leur attentinn de ce côté, parviendraien,, à la suite d'essass répétés, à recouvrer quelque mobilité dans ces organes. La faculté de dresser les oreilles et de pouvorr les diriger vers les différenss poinss de l'espace, rend certainement de grands services à beaucoup d'animaux, qui sont ainsi rensegnés sur le lieu du dange;; mais je n'ai jamass entendu dire qu'un homme ait possédé cette faculté, la seule qui pût lui être utile. Toute la conque externe de l'oreille peut être considérée comme un rudiment, ainsi que les divers replis et proéminences (héiixet antihélix, tragus et antitragus, etc.) qui, chez les animaux, soutiennent et renforcent l'oreill,, lorsqu'elle est redressée, sans en augmenter beaucoup le poids. Quelques auteurs, toutefois, supposent que le cariiaage de la conque sert a transmettre les vibrations au nerf acoustique; mais M. Toynbee ", après avoir recuellii tout ce qu'on sait à ce suje,, conclut que la conque extérieuee n'a pas d'usage détermnné. Les oreilles des chimpanzés et des orangs ressemblent singulièrement à celles de l'homme, et les muscles qui leur sont propres sont aussi très peu développés ". Les gardiens du Jardnn zoo)ogique de Londres m'ont assuré que ces animaux ne meuvent ni ne redressent jamass les oreilles; elles sont donc, en tant qu'il s'agtt de la fonction, dans le même état rudimentaire que celles de l'homm.. Nous ne pouvons dire pourquii ces animau,, ainsi que les ancêtres de l'homm,, ont perdu la faculté de dresser les oreilles. Il est possible, bien que cette explication ne me satisfasse pas complètement, que, peu exposés au dange,, par suite de leurs habitudes d'existence dans les arbres etde leur grandeforce, ils aien,, pendant une longue périod,, peu remué les oreilles, et perdu ainsi la faculté de le faire. Ce seratt un cas paralèèle à celui de ces

28. Canestrini cite Hyrtl, Annuario délia Soc. ~et naturalisa, Modem, 1867, p-£:?TW™yT\ The Diseasesof the J«r,ÏW0, p. 13. Un physio-

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12                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           (Ire PaRtiR]

grands oiseaux massifs, qui habitent les îles de l'Océan, où ils ne sont pas exposés aux attaquss des animaux carnassiers, et qui ont, par suite du défaut d'usag,, perdu le pouvorr de se servrr de leurs ailes pour s'enfuir. La faciltté avec laquelee l'homme et plusieuss espèces de singes remuent la tête dans le plan horizontal, ce qui leur permet de saisir les sons dans toutes les directions, compenee en partie l'impossibilité où ils se trouvent de mouvoir les orellles. On a affirmé que l'oreilee de l'homme seul est pourvue d'un lobule ; mais on trouve un rudiment du lobule chez le gorllle », et le professeur Preyer m'apprend que le lobule fait assez souvent défaut chez le nègre.

Un sculpteur éminent, M. Woolne,, m'a signalé une petite particu)arité de l'orellle externe, pariicularité quill a souvent remarquée chez les deux sexes, et dont il croit avoir saisi la vraie signification. Son attention fut attirée sur ce point lorsqu'il travaillait à sa statue de Puck, à laquelle il avatt donné des oreilles pointues. Ceci le condussit à examinrr les oreilles de divers singes, et subséquem-ment à étudier de plus près l'oreille humanne. Cette particularité consiste en une petite pointe émoussée qui fait saillie sur le bord replié en dedans, ou l'hélix. Quand cette saillie existe, elle est déjà développée lorsque l'enfant vient au monde; d'après le professeur Ludwgg Meyer, on l'observe plus fréquemment chez l'homme que chez la femme. M. Woo!ner m'a envoyé le dessin ci-joint (flg. 2), fait d'après un modèle exact d'un cas semblable. Cette proémnence fait, non-seulement saillie en dedans, mais, souvent auss,, un peu en dehor,, de manière & être visible lorsqu'on regarde la tête directement en face, soit par devan,, soit par derrière. Elle varie en grosseur et quelque peu en postion, car elle se trouve tantôt un peu plus hau,, tantôt un peu plus bas; on l'observe parfois sur une oreille et pas sur l'autre. Cette conformation n'existe pas seulement chez l'homm,, car j'en ai observé un cas chez un Mêles belzebuth au Jardin zoologique de Londres; le D' E. Ray Lankester me signaee un autre cas quill a observé sur un chimpanzé du Jardnn zoologique de Hambourg. L'hélix est évidemment formé par un repli intérieur du bord ex-

3t. M. Saint-GeorgeMivart, Elementary Anatomy, 1873, p. 396.

Orellee

F'felée et dessinée par ner.

«. - Saillie

Orellee humaine; mo-------M. Woo.-

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[Chap. 1]                                      RUDIMENTS .                                             13

terne de l'oreille, et ce repli paratt provenrr de ce que l'orellee extérieure, dans son entier, a'été repoussée en arrière d'une manière permanente. Chez beaucoup de singes peu élevés dans l'ordre. comme les cynocéphales et quelques espèces de macaquss », la partie supérieure de l'oreille se termine par une pointe peu accusée, sans que le bord soit aucunement replié en dedans; si, au contraire, le bord était replié, il en résulterait nécessairement une petite proéminence faisanl sailiie en dedans et probablement un peu en dehors du plan de l'oreille. C'est là, je crois, qu'ilfaut chercher, dans la plupart des cas, l'origine de ces proéminences. D'autre par,, le professeur L. Meyer soutient dans un excellent mémoire, qu'it a récemment publié », que l'on ne doit voir là qu'un cas de simple variabilité, que les proéminences ne sont pas réelles, mais qu'elles sont dues à ce que le cartilage intérierr de chaque côté ne s'est pas complètement développé. Je suis tout prêt à admettre que cette expilcation est acceptable dans bien des cas, dans ceux, par exemple, figurés par le professeur Meyer, où on remarque plusieurs petites proéminences qui rendent sinueux le bord entier de l'hélix. Grâce à l'obligeance du D~ L. Down, j'ai pu étudier l'oreille d'un idiot microcéphale; j'ai observé sur cette oreille une proéminence située sur le côté extérieur de l'héiix et non pas sur le repii intéreuur, de sorte que cette proéminence ne peut avoir aucun rapport avec une pointe antérieure de l'orelle.. Néanmoins, je crois que, dans la plupatt des cas, j'étais dans le vrai en regardant ces saillies comme le dernier vestige du bout de l'oreille autrefois redressée et pointue; je suis d'autant.plus disposé à le croire que ces saillies se présentent fréquemment et que leur posiiion correspond généralement à celle du sommet d'une oreille poinuue. Dans un cas, dont on m'a envoyé une photographie, la sailiie est si considérable que, si l'on adopee l'hypothèse du professeur Meyer, c'est-à-dire si l'on suppoee que l'orellle deviendrait parfaite grâce à l'égal développemment du cartilage dans toute l'étendue du bord, le repli aurait recouvett au moins un tiers de l'oreille entière. On m'a communiqué deux autrss cas, l'un dans l'Amérique du nord, l'autre en Angleterre; dans ces deux cas, lebord supérieur n'est pasrepiiéin-térieurement, mais il se termine en pointe, ce qui le fait ressembler étrottement à l'orellee pointue d'un quadrupède ordinaire. Dans un de ces cas, le père comparait absolument l'oreille de son jeune

32.  Voir les remarques et les dessins des oreilles de Lemuroïdes dans le mémoire deMM.MûrieetMivart, Tram. Zoolog. Soc, 1869, vol. VII, p.6et90.

33.   Ueber dasDarwin'sche Spitzohr, Archiv fur Patlu. Anal. undPhys. 1871, p. 480. .

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u

LA DESCENDANCE DE L'HMMEE

LA

DE L'HMME

[Ire PAHT1K]

enfantà celle d'un singe, le Cynopithecus niger, dont j'ai donné le dessin dans un autre ouvrage *. Si, dans ces deux cas, le bord s'étatt repiié intéreeurement de la façon normale, il se seratt formé une saillle intérieure. Je puis ajouter que, dans deux autres cas, l'oreille conserve un aspect quelque peu pointu, bien que le bord de la partie supérieure de l'orellee soit normalement replié à l'intérieur, très faiblement, il est vra,, dans undesdeuxcas. Laugure.3, reproduction exacte d'une photographie qu'a bien voulu m'envoyrr leD~Nistche, représente le fœtus d'un orang. On peut voir com-

Fig. 3. _ ™^™&^^^^ in^t

bien l'orellee du fœtus de l'orang diffère de celle du même animal à l'état adulte; on sait, en effet, que cette dernière ressembee beaucoup a celle de l'homm.. 11 est facile de comprendre que, si la poinee de l'oreille du fœtus venatt à se replier intérieurement, il se produirait une saillie tournee vers l'intérieur, à moins que l'orellle ne subisse de grandss modifications dans le cours de son développemen.. En résumé, il me semble toujouss probabee que, dans certains cas, les saillies en question, chez l'homme et chez le singe, sont les vestiges d'un état antérieur.

La troisième paupèère, ou membraee clignotante, est, avec ses muscles accessoires et d'autres conformatio,s, particulièrement bien développee chez les oiseaux; elle a pour eux une importance fonctionnelle considérable, car, grâce à elle, ils peuvent recouvrir rapidement le globe de l'œil tout entier. On observe cette troisième paupière chez quelquss reptiles, chez quelquss amphibies, et chez

34. VExpreuion des Émotions, p. 136. (Paris, Heinwald.)

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[Cuap. I]                               KUDiMENTS                                       15

certaiss poisson,, les requins par exemple. Elle est assez bien développee dans les deux divisions inférieures de la série des mammifère,, les Monotrèmss et les Marsupaaux, ainsi que chez quelques mammifères plus élevés, comme )e morse. Mais, chez l'homm,, les quadrumanes et la plupatt des autres mammifères, elle existe, ainsi que l'admettent tous les anatomistes, sous la forme d'un simple rudiment, dit le pli semi-lunaire-.

Le sens de l'odorat a, pour la plupatt des mammifères, une très haute importance: il avertit les uns du dange,, comme les rumnants; il permet à d'autres, comme les carnivores, de découvrrr leur proie; à d'autres enfin, comme le sanglier, il sert à l'un et à l'autre usag.. Mais l'odorat ne rend que très peu de services à l'homm,, même aux races à peau de couleu,, chez lesquelles il est généralement plus développé que chez les races civilisées". Il ne les avertit pas du dangrr et ne les guide pas vers leur nourriture; il n'empêche pas les Esquimaux de dormrr dans une atmosphère fétide, ni beaucoup de sauvages de mangrr de la viande à moiteé pourrie. Un éminent naturaliste, chez lequel ce sens est très parfatt et qui a longuement étudié cette questio,, m'affirme que, chez les Européens, cette faculté comporee des états bien différenss selon les individus. Ceux qui croient au principe de l'évolution graduelle n'admettent pas aisément que ce. sens, tel quill existe aujourd'hui, ait été originellement acquss par l'homme dans son état actuel. L'homme doit sans doute cette faculté affaibiie et rud--mentaire à quelque ancêtre reculé, auqull elle étatt extrêmement utile et qui en faisatt un fréquent usage. Le Dr Maudsiey» fait remarquer avec beaucoup de raison que le sens de l'odorat chez l'homme est < remarquablement propee a lui rappeler vivement l'idée et l'image de scènes et de lieux oubiiés»; peut-être

35.- MQller, Manuel depkyùologie (trad. française), 1845, vol. II. p. 307. Oween Anat. of Vertébrales~ vol. III, p. 260. M., On the Walrus (morse), Proc. Zool. Soc, nov. 1854. R. Knox, Great artists and analomists, p. 106. Ce rudiment

la conclusion que les nègres et les Indiens peuvent reconnaître les personnes LsTbs^atiorTsÙ^^

développé que les races blanches. Voir son mémoire, Médico-chirurgical Iran-

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16 ~              . LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [I*. Pahtik]

faut-ll cherchrr l'explication de ces. phénomènes dans le fait que les animaux, qui possèdent ce même sens à un état très-dév--loppé, comme les chiens et les chevau,, semblent compter beaucoup sur l'odortt pour raviver le souvenrr de lieux ou de personnss quills ont connus autrefois.

L'homme diffère notablement par sa nudité de tous les aurres primates. Quelques poils courts se rencontrent ça et là sur la plus grande pariie du corps dé l'homm,, et un duvet plus fin sur le corps de la femme. Les différentes races humaines diffèrent considérablement à ce point de vue. Chez tes individus appartenant à une même race, les poils varient beaucou,, non-seulement par leur abondance, mais par leur position; ainsi, chez certains Européens, les épaules sont entièrement nues, tandis que, chez d'autres, elles portent d'épaisses touffes de poils.. On ne peut guère douter que les poils ainsi éparpillés sur le corps ne soient les rudiments du revêtement pileux uniforme des animau.. Le fait que les poils courts, fins, peu colorés des membres et des autres parties du corps, se transforment parfois « en poils longs, serré,, grossiers et foncés, » iorsquiils sont soumis à une nutrition anormale grâce à leur situation dans la proximité de surfacss qui sont, depuis longtemps, le siège d'une inflammation, confirme cette hypothèse dans une certanee mesure-.

Sir James Paget a remarqué que plusieuss membres d'une même famille ont souvent quelquss poils des sourcils plus longs que les autre,, particularité bien légère qui paraît, cependant, être héréditaire. On observe des poils analogues chez certains animaux; ains,, on remarque, chez le chimpanzu et chez certaines espèces de macaques, quelquss poils redressés, très longs, plantés drott au-dessus des yeux, et correspondant à nos sourcils ; on a observé des poils semblables très longs dépassant les poils qui recouvrent les arcadss sourcilières chez quelquss babouins.

Le fin duvet laineux, dit lanugo, dont le fœtus humann est entièrement recouvett au sixième mois, présenee un cas plus curieux. Au cinquième mois, ce duvet se développe sur les sourcils et sur la face, sureout autour de la bouch,, où il est beaucopp plus long que sur la tête. Eschricht" a observé une moustache de ce genre chez un fœtus femelle, circonstance moins étonnante qu'elee ne le.

38. Kschricht, Ueber die Richtung der Haare aM memchlichen Kiirper, Mûllert Archiv fur Anal. und Pkys., 1837, p. 47. J'aurai souvent à renvoye;

àîS™;^'^-"'''-

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[Cap. Il                               RUDIMENTS                * . /           17

paraît d'abord, car tous les caractères extérieuss sont généralement identiquss chez les deux sexes pendant les premières phases de la formation. La direction et l'arrangement des poils sur le fœtus sont les mêmes que chez l'adulte, mais ils sont sujess à une grande variabilité. La surface entière du fœtus, y comprss même le front et les oreilles, est ainsi couverte d'un épais revêtement de poils; mais, fait signfiicatif, la paume des mains, ainsi que la plante des pieds, restent absolument nues, comme les surfacss inférieures des quatre membres chez la plupatt des animaux inférieurs. Cette coïncidence ne peut guère être accidentelle; il est donc probabee que le revêtement laineux de l'embryon représente le premier revêtement de poils permanents chez les mammifères qui naissent ve)us. On a recuellii trois ou quatee observations authentiques relatives à des personnss qui, en naissant, avaient le corps et la face couverte de longs poils fins; cette étrange particularité semble être fortement héréditaire et se trouve en corrélation avec un état normal de la dentition*'. Le professeur Alex. Brandt a compaéé les poils de la face d'un homme âgé de trente-cinq ans, atteint de cette particularité, avec le lanugo d'un fœtus, et il a observé que la textuee des poils et du lanugo était absolument semblable; il pense donc que l'on peut attribuer ce phénomène à un arrêt de développement du poil qui n'en continee pas moins de croître. Un médecin, attaché à un hôpital pour les enfants, m'a affirmé que beaucoup d'enfanss délicass ont le dos couvett de longs poils soyeux; on peut sans doute expliqurr ce cas de la même façon que le précédent.

Il semble que les molaires postérieures, ou dents de sagesse, tendent à devenrr rudimentaires chez les races humaines les plus civiiisée.. Elles sont un peu plus petites que les autrss molarres, fait que l'on observe aussi pour les dents correspondantes chez le chimpanzé et chez l'oran;; en outre, elles n'ont que deux racines distinctes. Elles ne percent pas la gencive avant la dix-septième année, et l'on m'a assuéé qu'eless sont beaucoup plus sujettes à la cane et se perdent plus tôt que les autres dents, ce que nien,, d'allleurs, quelquss dentistes éminents. Elles sont auss,, beaucoup plus que les autres dents, sujettes à varier tant par leur structure que par l'époque de leur développement". Chez les races méla-

41. Voir : la Variation des Animaux et des Plantes à l'état domestique, vol. I, p 327. Le professeur Alex. Brandt a signalé récemment un autre cas an'alogue

0«w£cyuv£eRb^

C. Carter Blake, Anthropologie* Revieiv, juillet 1867, pP299 ?

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18                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [!r. Partie]

nienne,, au contraire, les dents de sagesse présentent habituellement trois racines distinctes, et sont généralement saines ; en outre, elles diffèrent moins des autres molaires que chez les races caucasiennes». Le professeur Schaaffhausen explique cette différence par le fait que, chez les races civilisée~,, < la partie postérieure dentaire de la mâchoire est toujouss raccourcie », particularité qu'on peut, je présum,, attribuer avec assez de vraisemblance à ce que les hommss civilisés se nourrissent ordinairement d'alimenss ramollis par la cuisson, et que, par conséquent, ils se servent moins de leurs mâchoires. M. Brace m'apprend que, aux États-Unis; l'usage d'enlevrr quelquss molaires aux enfanss se répand de plus en plus, la mâchoire ne devenant pas assez grande pour permettre le développement complet du nombee normll des dents".

Je n'ai rencontré qu'un seul cas de rudiment dans le canal digestif, à savorr l'appendice vermiforme du cœcum. Le cœcum est une branche ou diverticulum de l'intestin, se terminant en un cul-de sac, qui atteint une grande longueur chez beaucoup de mammifères herbivores inférieurs. Chez le Koala (Phascolarctos), il est trois fois plus long que le corps entiè4e Il s'étire parfois en une pointe allongée, d'autres fois il est étrangéé par places. Il semble que, par suite d'un changement de régime ou d'habitudes, le cœcum se soit raccourci considérablement chez divers animau;; l'appendice vermiforme a persisté comme un rudiment de la partie réduite. Le fait quill est très petit et les preuvss de sa varaabilité chez l'homm,, preuves qu'a recueillies le professerr Canestrini", nous permettent de conclure que cet appendice est bien un rudiment. Parfois il fait défaut; dans d'autres cas, il est très développ.. Sa cavtté est quequefois tout à fait fermée sur la moitié ou les deux tiers de sa longueur; sa partie terminale consiste alors en une expansion pleine et aplati.. Cet appendice est long et enroulé chez l'oran;; chez l'homme il part de l'extrémité du caecum, et a ordinairement de 10 à 12 centimètres de longueu,, et seulement 8 ou 9 millimètres de diamètre. Il est non-seulement inutile, mais il peut devenrr aussi une cause de mor.. Deux exempess récenss de ce fait sont parvenss

43. Owen, Anal, of vertébrales, vol. III, pp. 320, 321, 325. - 44. On theprimitive form of theslaUl;traduitclan, Anthrop. Heview, ocl. 1868,

46. Owen, Anal.of Vertébrales, vol. 111, pp. 416, 434,441. 47. L. c, p. 94.-

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[Chap. 1]                                RUD!MENTS                                      19

à ma connasssance. Ces accidenss sont dus à l'introduction dans la-cavité de petits corps durs, tels que des graines qui, par leur.pré-sence, déterminent une inflammation «.

Quelques quadrumanes, les Lémurddes'et surtout les Carnivores aussi bien que beaucoup de Marsupiaux, .ont, près de l'extrémité inférieuee de l'humérus, une ouverture, le foramnn supra-condy-loïde, au travess de laquelee passe le grand nerf de l'avant-bras et souvent son artère principale. Or l'humérus de l'homme porte ordinarrement des traces de ce passag,, qui est même quelquefois assez bien développ;; il est formé par une apophyse recourbée, complétée par un ligament. Le D~ Struhhers », qui s'est beaucopp occupé de cette questio,, vient de démontrer que ce caractère est parfoss héréditaire, car il l'a observé chez un individu et chez quatre de ses sept enfants. Lorsque ce passage existe, le nerf du bras le traverse toujours; cequi indeque clairement qu'il est l'homologue et le rudiment de l'orifice supra-condyloïde des animaxx inférieurs. Le professeur Turner estime que ce cas s'observe sur environ 1 p. 100 des squelettes récents. Si le développement accidentel de cette conformation chez l'homme est, comme cela semble probable, dû à un effet de retou,, cette conformation nous reporee à un ancêtre extrêmement reculé, car elle n'exsste pas chez les quadrumanes supérieurs.

Il existe une autre perforation de l'humérus, qu'on peut appeler l'intra-condyloïde, qui s'observe chez divers genres d'anthropoïdes et autres singes,, ainsi que chez beaucoup d'animaux inférieuss et qui se présenee quelquefois chez l'homm.. Fatt très remarquable, ce passage paratt avoir existé beaucoup plus fréquemment autrefois qu'à une époque plus récente. M. Busk » a réuni les documents suivanss à ce sujet : « Le professeur Broca a remarqué cette perforation sur 4 1/2 p. 100 des os du bras recueillis dans le cimetière

48.  M. C. Martins, de F Unité organise, Rendes Oeux-Mondes, lôjuin 1862, p. 16; Hœckel, Generelle MorpAologie, vol. II, p. 278, ont tous deux fait des Marques sur I. fait singulier qu! cet organe"rudimentaire cause quelque-fois la mort.

49.  Voir pour l'hérédité le docteur Struthers; the Lancet, 24 janvier 1863, p. 83, et 15 février 1873. Le docteur Knox, Great artiste and anatomists, p. 63;

tmp. de Saint-Pétersbourg, 1867 : p. 448.

50.  M. Saint-George Mivart, Tram. Philos. Soc, 1867, p. 310.

51.  Onthecaves of Gibraltar(Transact. internat. Congressof yrehist. Arch.; 3" session, 1869, p. 159)) Le professeur Wyman a récemment démontré (Fourlh annual Report, Peabody Muséum, 1871, p. 20) que cette perforation existe chez

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ire Pa]tie]

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du Sud à Paris; dans la grotte d'Orrony, dont le contenu paratt appartenir à la période du bronze, huit humérus sur trente-deux étaient perforés; mais il semble que cette proportion extraordinaire peut-être due à ce que la caverne avatt sans doute servi de caveau de famille. M.Dupont a trouvé aussi dans les grottes de la vallé. de la Lesse, appartentnt à l'époqee du renne, 30 p. 100 d'os perforés; tandis que M. Leguay, dans une espèce de dolmen, à Argen-teul,, en observa 25 p. 100 présentant la même particularité. Pru-ner-Bey a constaéé le même état chez 26 p. 100 d'os provenant de Vauréa.. Le même auteur ajoute que cette conditinn est commune dans les squelettes des Guanches. t Le fait que, dans ce cas, ainsi que dans plusieuss autre,, la conformation des races anciennss se rapproche plus des animaxx inférieuss que celles des races modernes est fort intéressant. Cela vient probablement en grande partie de ce que les races anciennes, dans la longue ligne de descendance, se trouvent quelque peu plus rapprochées que les races modernes de leurs ancêtres primordiaux.

Bien que fonctionnellement nul comme queue, l'os coccyx de l'homme représente nettement cette partie des autres animaux vertébré.. Pendant la premèère période embryonnaire, cet os est libre, et, comme nous l'avons vu, dépasee les extrémités postérieures. Dans certanss cas rares et anormaux », il constitue, même après la naissance, un pettt rudiment externe de queue. L'os coccyx .est cour;; il ne comprend ordinairement que quatre vertèbres ankylosées; elles restent à l'état rudimentai,e, car elles ne présenten,, à l'exception de celle de la base, que la partie centraee seule». Elles possèdett quelquss petits muscles, dont l'un, à ce que m'apprend le professerr ïurner, a été décrtt par Theile, comme une répétitinn rudimentaire exacte de l'extenseur de la queue, muscle qui est si complètement développé chez beaucoup de mammifères.

Chez l'homm,, la moelle épinière ne s'étend pas au-delà de la dernière vertèbee dorsaee ou de la première vertèbre lombaire, mais un corps filamenteux (fllum terminale) se continue dans l'axe de la partie sacrée du canal vertébral et même le long de la face postérieure des os coccygeens. La partie supéreeure de ce filamen,, d'après le professeur Turne,, est, sans aucun doute, l'homologue

52. M. de Quatrefages a recueilli les preuves sur ce sujet, Revue des cours scientifiques, 1867-688 p. 625. Fleischmann a exhibé, en 1840, un fœtus humain ayant une queue libre, laquelle, ce qui n'est pas toujours le cas, comprennes corps vertébraux; cette queue a été examinée et décrite par plusieurs anato-mistes présents à la réunion des naturalistes à Erlangen; voir Marshall, Nie-derllindischen Archiv: fur Zoologie, décembre 1871t

53.Owen,0,^«aL-e0/-^Vl819,P.114.

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[Chap.!]                             RUDIMENTS                                       21

de lamoelle épinière, mais la pariie inférieuee semble se composer simplement de la pie-mère, soit la membrane vascuaaire qui l'entoure. Même dans ce cas, on peut considérer que l'os coccyx possède un vestige d'une conformation aussi importante que la moelle épinière, bien que n'étant plus contenu dans un canal osseux. Le fait suivan,, que j'emprunte aussi au professeur Turne,, prouve combien l'os coccyx correspodd à la véritable queue des animaux inférieuss : Luschka a récemment découvert, à l'extrémité des os coccygiens, un corps enroulé très particulier, qui est continu avec l'artère sacrée médian.. Cette découverte a condutt Krauee et Meyer à examiner la queue d'un singe (macaque) et celle d'un cha,, et ils ont trouvé chez toutes deux, quoique pas à l'extrémité, un corps enroulé semblable.

Le système reproducteur offre diverses conformations rudimen-taire,, mais qui diffèrent par un point important des cas précédents. It ne s'agtt plus ici de vestiges de parties, qui n'appartiennent pas à llespèce à l'état actif, mais d'une partie qui est toujouss présenee et active chez un sexe, tandss qu'elle est repréenntée chez l'autre par un simpee rudiment. Néanmoiss l'existence de rudiments de ce genre est aussi difficile à expliqurr que les cas précédents, si l'on se place au point de vue de la création séparée de chaque espèce. J'aurai, plus loin, à revenrr sur ces rudiments, et je prouverai que leur présence dépend généralement de t'hérédité seule, c'est-àddire que certaines parties acquises par un sexe ont été transportées partiellement à l'autre. Je me borne ici à indiqurr quelques-uns de ces rudiments. On sait que tous les mammifères mâles, l'homme compris, ont des mamelles rudimentaires. Il est arrivé que, dans quelquss cas, celles-ci se sont développées et ont fourni du lait en abondance. Leur identité essentielle chez les deux sexes est égalemntt prouvée par le gonflement occasionnel dont elles sont le siège pendant une attaqee de rougeoe.. La vésicule prostatique (vesicuaaprostatica), qui a été observée chez beaucoup de mammifères mâles, est aujourd'hui universellement reconnue pour être t'homooogue de l'utérus femelle, ainsi que le passaee en rappott avec lui. Il est impossible de lire la description que fait Leuckatt de cet organ,, et l'argument qu'il en tire, sans admettre la justesse de ses conclusion.. Cela est surtout apparent chez les mammifères dont l'utéuss se bifurque chez la femelle, car, chez les mâles de ces espèces, la même bifurcation s'obseree dans la vésicule «. Je pourrais encore mentionner ici quelquss

54. Leuckart, W Cyc<op. of Anal., 1849-52, t. IV, p. 1415. Cet organe

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22                           .LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [Ke Partie]

autres conformations rudimentaires du système reproducteur ». On ne saurait se méprendre sur la portée des tross grandes cla-ses de faits que noss venons d'indiquer, mais il sertit superflu de récapituler ici touee la série des arguments déjà développés en détall dass mon Origine des espèces. Une construntion homologue de tout le système, chzz tous les membres d'une même clas,e, est compréhensible, si nous admettons qu'sls descendent d'un ancêtre comm,n, outre leur adaptation subséquente à des conditions diverses. La similitude que l'on remarque entre la main de l'homme ou du singe, le pied du cheval, la palette du phoque, I'aile de la chauve-souris, etc., est absolument inexplicable par toute autre hypothèse ". Affirmer que ces parties ont toutes été formées sur un même plan idéal, n'est pas une expcication scientifi.ue. Quant au développement, en noss appuyant sur le principe des variations survenant à une période embryonnaire un peu tardive et transmises par hérédité à une époque correspondante, nous pouvons face-ement comprendre comment il se fait que les embryons de formes trss différestes conservent encore, plss ou moins parfaitement, la conformation de leur ancêtre comm.n. On naa jamsis pu donner aucune auere explicationdu fatt merveilleux que les embryonsd'nn homme, d'un chien, d'un phoque, d'une chauve-sourbs, d'un reptile, etc., se distinguent à peine les uns des autres au premier abord. Porr comprendre l'existence des organes rudimentaires, il

n'a chez l'homme que de tross à six lignssdelongueur, mass comme tant d'autres parties rudimentaires, il varie par son développem,nt et ses autres caractères.

55.  Owen, Anat. of Vertébrales, t. III, pp. 675, 676, 706.

56.  Le professeur Bianconi essaie, dans un ouvrage publié récemment et illustré 'de magnifiques gravuses (la Théorie darwinienne et la création dite indépendante, 1874)de démontrer que l'on peut expliquer complètement par les principes mécaniques concordant avec l'usaee auquel elles servent l'existence de toutes ces conformations homologues. Persnnee plus que lui n'a mieux démontré combien ces conformations sont admirablement adaptées au but qu'elles onà à àemplir; mass je cross qu'on peut attribuer cette adaptation à la sélection naturelle. Quand le professeur Bianconi considère l'aile de la chauve-souris, il invoque (p. 218) ce quf me parait, pour employer le mot d'Auguste Comte, un simple pnnc.pe métaphysique, c'est-à-dire, la conservation dans toute son intégrité de la nature mammifère de l'anim.l. Il n'aborde la discussion que de quelques rudiments et seulement des parties qui sont partiellement rudimentaires, telles que les petits saboss du cochon et du bœut qui ne reposent pas sur le so;; il démontre clairemtnt que ces parties sont utiles à l'animal. It est à regretter qu'il n'ait pas étudéé et discuté d'autses parties, telles, par exemple, que les dens' rudimentaires qui chez le bœuf ne percent jamais la gencive, les mamelles des quadrupèdes mâles, les ailes de certains scarabées ailés qui existent sous des élytres complètement soudées, les traces du pistil et des étapes chez diverses fleurs, et beaucoup d'autres cas analogues. Bien que j'admire beaucoup l'ouvrage du professeur Bianconi, je n'en persiste pas moins à croire avec la plupart des naturalistes qu'il esn imposbible drexpliquer les con- . formations homologues par le simpee principe de l'adaptation.

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[CHap. Il]                MODE DE DÉVELOPPEMENT                           23

nous suffit de supposrr qu'un ancêtre reculé a possédé les parties en quesiion à l'état parfait, et que, sous l'influenee de changements dans les habitudes d'existence, ces parties ont tendu à disparaître, soit par défaut d'usag,, soit par la sélection naturelle des individus le moins encombrés d'une partie devenue superflue, causes de disparitinn venant s'ajouter aux autres causes déjà indiquées.

Nous pouvons ainsi comprendre comment il se fait que l'homme et tous les autres vertébrés ont été construits sur un même modèle généra,, pourquoi ils traversent les mêmes phases primitives de développement, et pourquoi ils conservent quelquss rudiments commun.. Nous devrion,, par conséquent, admettre franchement leur communauté de descendance; adopter toute autre théorie, c'est en arriver à considérer notre conformation et celle des animaux qui nous entourent comme un piège tendu à notre jugement. Cette conclusion trouve .un appui immenee dans un coup d'œil jeté sur l'ensembee des membres de la série animale, et sur les preuves que nous fournsssent leurs affinttés, leur classification, leur distribution géographique et leur succession géologique. Nos préju gés naturels, cette vanité qui a condutt nos ancêtres à déclare. qu'ils descendaient des demi-dieu,, nous empêchent seuls d'ac cepter cette conclusion. Mais le moment n'est pas éloigné où l'on s'étonnera que les naturalistes, connasssant la conformation comparative et le développement de l'homme et des autres mammifères, aient pu si longtemps croire que chacun d'eux a été l'objet d'un acte séparé de créaison.

CHAPITRE II

SUR LE MODE DE DÉVELOPPEMENT DE L'HOMME DE QUELQUE TYPE INFÉRIEUR

Variabilité du corps et de l'esprit chez l'homme. - Hérédité. - Causes de la

l'augmentation ou de la diminution d'usage des parties. - Arrêts de déve-

animal prédominant dans le monde. - Importance de sa conformation corporelle. - Causes qui ont déterminé son attitude verticale. - Changements

L'homme est à notee époque sujet à de nombreuses varaations. Il n'y a pas, dans une même race, deux individss complètement

arer

on

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24                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [F« Pabtie]

semblables. Nous pouvons comparer des millions d'hommss les uns aux autre;; tous diffèrent par quelquss points. On constaee également une grande diversité dans les proportions et les dimensions des différentes parties du corps; la longueur des jambes est un des poinss les plus variables'. Sans doute, on remarque que, dans certaines parties du monde, le crâne affecte plus particulièrement une forme allongé,, une forme arrondie dans d'autres; toutefois il n'y a là rien d'absolu, car cette forme varie, même dans les limites d'une même race, comme chez les indigènss de l'Amérique et chez ceux de l'Australie du Sud, - cette dernière race est « probablement aussi pure et aussi homogène par le sang, par les coutumes et par le langage qu'aucune race existante, . - et jusqee chez les habitants d'un territoire aussi restreint que l'est celui des îles Sandwich'. Un dentsste éminent m'assuee que les dents présentent presque autant de diversité que les. traits. Les artères principales présentent si fréquemment des trajets anormaux, qu'on a reconnu, pour les besoins chirurgicaux, l'utilité de calculer, d'après 1,040 sujets, la moyenne des différenss parcours observés'. Les muscles sont éminemment variables; ainsi le professerr Turner4 a reconnu que ceux du pied ne sont pas rigoureusement semblables chez deux individus sur cinquante, et présentent chez queques-uns des déviations considérables. Il ajoute que le mode d'exécution des mouvements pariiculiers correspondant à ces muscess a dû se modffier selon leurs différentes déviations. M. J. Wood a constaté, sur 36 sujets, l'existence de -295 variations muscuaaires ; et, dans un autre groupe de même nombre, il a compté 558 modification,, tout en ne notant que pour une seule celles qui se trouvaient des deux côtés du corps. Aucun des sujets de ce second « groupe n'avait un système muscuaaire complètement conforme aux descriptions classiquss indiquées dans les manuels d'anato-mie. U Un des sujess présentait jusquàà 25 anomalies distinctes. Le même muscle, varie parfois de plusieuss manières; c'est ainsi que le professeur Macatister» ne décrir pas moins de 20 va-

! 1. B.-A. Gould, Investigations in Military and Anthropopo~. statistics of American Soldiers, 1869n p. 256.

îles Sandwich, le professeurJ.Wyman, Oôserua/îonsonCranîo, Boston, 1868,p.l8. 3. R. Quain, Anatomy of the Arteries.

i ^tyaJ^^^U^^i^^ mémoire ant, rieur, 1866, p. 229.

6.ProC.^./WS^C«^,vol.X,868,p.Hl.

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[Chap. I!]                  MODE DE DÉVELOPPEMENT. "                         25

riaiions distinctes du palmaire accessoire (palmaris accessorius).

Le célèbre anatomiste Wo!f insiste sur le fait que les viscères internes sont plus variables que les partiss externes: Nulaaparti-cula est quœ non aliter et aliter in aliis se habeathominibus. Il a même écrit un traité sur les types à choisir pour la description des viscère.. Une discussinn sur le beau idéal du foie, des poumon,, des reins, etc,, comme s'il s'agissait de la divine face humaine, sonne étrangement à nos oreilles.

La variabilité ou la diversité des facultés mentales chez les hommes appartentnt à la même race, sans parerr des différences plus grandss encore que présentent sous ce rappott les hommss appatenant à des races distinctes, est trop notoire pour quill soit nécessaire d'insister ici. Il en est de même chez les animaux inférieurs. Tous ceux qui ont été chargss de la direction de ménageries reconnaissent ce fait, que nous pouvons tous constater chez nos chiens et chez nos autres animaux domestiques. Brehm insiste tout particulièrement sur le fait que chacun des singes quill a gardés en captivité en Afrique avatt son caractère et son humeur propres; il mentionne un babouin remarquable par sa hauee intelligence; les gardiens du Jardnn zoologiqee m'ont signaéé un singe du nouveau continent également très remarquable à cet égard. Rengger appuie aussi sur la diversité du caractère des singes de même espèce qu'il a élevés au Paraguay; diversité, ajoute-t-il, qui est en partie innée, et en partie le résulttt de la manière dont on les a traités et de l'éducation qu'ils ont reçue».

J'ai discuéé ailleurs' le sujet de l'hérédité avec assez de détails pour n'y consacrer ici que peu de mots. On a recueilli sur la tranmission héréditaire des modfiications, tant insignifiantes quiimportantes, un nombee beaucoup plus considérable de faits relatifs à ' l'homme qu'à aucun animal inférieu,, bien qu'on possède sur ces derniers une assez grande abondance de documents. Ainsi, pour ne parler que des facultés mentales, la transmission est évidenee chez nos chiens, chez nos chevaux et chez nos autres animaux domestiques. Il en est aussi certainement de même des goûts spéciaux et des habitudes, de l'intelligence générale, du courag,, du bon et du mauvais caractère, etc. Nous observons chez l'homme des faits analogues dans presque toutes les famllles; les travaux admirables de M. Gatton* nous ont maintenant appris que le génie, qui

7.  ActaAcad. Saint-Pétersbourg, 1778, part. II, p. 217.

8.  Brehm, Thierleben, I, pp. 58,87. Rengger, Saugethiere von Paraguay, p. 57.

9.   Variation des animaux, etc., chap. xu.

10.  Hereditary Genius : An inquiry Mto its Law and Consequences, 1869.

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26-                      LA DESCENDANCE "DE L'HOMME           [I" Parti*]

impiique une combinaison mervellleuse et complexe des plus hautes facultés, tend à se transmettre héréditairemene; d'autre par,, il est malheureusemtnt évident que la folie et le dérangement des facultés mentalss se transmentent égalemntt dans certaines fa-Bien que nous ignorions presque absolument quelles sont les véritables causes dela varaabilité, nous pouvons affirmer tout au moins que, chez l'homme comme chez les animaux inférieurs, elles se rattachent aux conditions auxquelles chaque espèce a été soumise pendant plusieuss générations. Les animaux domestiques varient plus que les animaux à l'état sauvag,, ce qui, selon toute apparence, résutte de la natuee diverse et changeante des conditions extérieures dans lesqueless ils sont placé.. Les races humanes ressembeent sous ce rappott aux animaux domestiques, et il en est de même des individus de la même race, lorsqu'ils sont répandus sur un vaste territoire, comme celui de l'Amériqu.. Nous remarquons l'influence de la diversité des conditions chez les nations les plus civilisée,, où les individu,, occupatt des rangs divers et se livrant à des occupations variées, présentent un ensembee de caractères plus nombrexx quiils ne le sont chez les peupess barbares. On a, toutefois, beaucoup exagééé l'uniformité du caractère des sauvages, uniformité qu,, dans certains cas, n'exsste, pour ainsi dire, réellement pas.. Toutefois, si nous ne considérons que les conditions auxquelles il a été soumis, il n'est pas exact de dire que l'homme ait été a plus strictement rédutt en domesticité" » qu'aucun autre anima.. Quelques races sauvages/telles que la race australienne, ne sont pas exposées à des conditions plus variées qu'un grand nombre d'espèces animales ayant une vaste distribution. L'homm,, à un autee point de vue bien plus essentiel, diffère encore considérablement des animaux rigoureusement réduits à l'état domestique, c'est-^dire que sa propagation n'a jamass été contrôlée par une sélection quelconque, soit méthodique, soit inconsciente. Aucune race, aucun groupe d'hommss n'a été assez complètement asservi par ses maîtres pour que ces derniers aient conservé seulement et chois,, pour ainsi dire, d'une manèère inconsciente, certains individus déterminés répondant à leurs besoins par quelque utilité spéciale. On n'a pas non plus choisi avec inten-

11. M. Bâtes (Naturalist on the Amazons, vol. II, p. 159) fait remarquer, au sujet des Indiens d'une même tribu de Sud-Américains, « qu'il n'y en a pas deux ayant la même forme de tête; les uns ont le visage ovale à traits régutiers, les autres ont un aspect tout à fait mongolien par la largeur et la saillie des joues,

^^îriaïa!^^^ ta* p, *o,

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[Chap. II]                  MODE DE DEVELOPPEMENT                              27-

Mon certains individus des deux sexes pour les accoupler, sauf )c cas bien connu des grenadiers prussiens; dans ce cas comme on devatt s'y attendre, la race humanee a obéi à la loi de la sélection méthodique; car on assuee que les villages habités par les grenadiers et leurs femmes géaness ont produts beaucoup d'hommss de haute stature. A Sparte, on pratiqutit aussi une sorte de sélection, car la loi voulatt que tous les enfanss fussent examinés quelquss jours après leur naissance; on laissatt vivre les enfanss vigoureux et bien faits et on tuait les autres".

Si nous admettons que toutes les races humaines constituent une seule espèce, l'habitat de cette espèce est immense; quelquss races distinctes, d'alleeurs, comme les Américanss et tes Polynésiens, ont elles-mêmss une extension considérable. Les espèces largement distribuées sont plus variables que celles renfermées dans des limites plus restreintes : c'est là une loi bien connue; ll en résulte qu'on peut avec plus de justesee comparer la varaabilité de l'homme à celle des espèces largemntt distribuées qu'à celle des animaux domestiques.

Les mêmes causes générales semblent non-seulement détermnner la variabilité chez l'homme et chez les animaux, mais encore les mêmes parties du corps sont affectées chez les uns et chez les autres d'une manière analogu.. Godron etQuatrefages - ont démontré ce fait avec tant de détails que je puis me borner ici à renvoyrr à leurs travau.. Les monstruosités qui passent graduellement à l'état de légères variations sont également-si semblables chez l'homme et chez les animaxx qu'on peut appliqurr aux uns et aux autres

13. Mitford, Ilistory of Greece, vol. I, p. 282. Le Rév. J.-N. Hoare a aussi appelé mon attention sur un passage de Xénophon, Memorabilia, livre I!, 4, d'où

comprenaittoute l'induenceque lasélection appliquéeavec soin aurait surl'amé-lioration de la race humaine. Il déplore que la question d'argent empêche si

'lPftinn CpviioIIo Thortonio o'ûvnpimoon/

souvent lejeunatu^ldela^ecU^se^^

< Quand il s'agit de porcs et de chevaux, ô Kurnus, nous appliquons les règles raisonnables ; nous cherchons a nous procurer à tout prix une race pure, sans vices ni défauts, qui nous donne des produits sains et vigoureux. Dans les mariages que nous voyons tous les jours, il en est tout autrement; les hommes

marier ses enfants dans les plus nobles familles. Ne vous étonnez donc plus ---------; ---------ice humaine dégénère de plus en plus,          ' '

dente, mais c'est en 4in^Z^oléZZ ïmlnWÎf courant Espèce 'ta~rk --"                    ^

^;,^^^^^

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28                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [!re Pahtie]

. les mêmes termes et la même classfiication, comme l'a prouvé Isid. Geoffroy Saint-Hilaire ». Dans mon ouvrage sur la Variation des animaux domestiques, i'ai cherché à grouper d'une manière approximatiee les lois de la variation ainsi que suit : - l'action directe et définie des changements de conditions, presqee prouvee par le fait que tous les individss appartenant à une même espèce varient de la même manière dans les mêmes circonstances; les effets de la continuité de l'usage ou du défaut d'usage des parties; la cohésion des parties homologues ; la variabilité des partiss multiples; la compensation de croissance, loi dont, cependant, l'homme ne m'a encore fourni aucun exemple parfait; les effets de la pression mécanique d'une partie sur une autre, comme celle du bassin sur le crâne de l'enfant dans l'utérus; les arrêss de développement, déterminant la diminution ou la suppression de parties; laréappa-rition par retour de caractères perdus depuss longtemps; enfin la corréaation des variations. Toutes ces lois, si on peut employrr ce mot, s'appliquent également à l'homme et aux animau,, et même pour la plupatt aux plantes. Il seratt superflu de les discuter toutes ici «; mais plusieuss ont pour nous une telle importance que nous aurons à les traiter avec quelque développement.

Action directe et définie~es changements dans les conditions: -Sujet fort embarrassant. On ne saurait nier que le changement des condiiions produise des effets souvent considérables sur les organismes de tous genre;; il paratt même probable, au premier abord, que ce résultat seratt invariable si le temps nécessaire pour qu'll puisse s'effectuer s'étatt écoulé. Mais je n'ai pas pu obtenrr des preuvss absoluss en faveur de cette conclusion, à laquelee on peut opposer des arguments valables, en ce qui concerne au moins les innombrables structures adaptées à un but spécial. On ne peu,, cependant, "douter que le changement des conditions ne provoqee une étendue presque indéfinee de fluctuations variables, qui, jusquàà un certain poin,, rendent plastique l'ensembee de l'organisation.

On a mesuré, aux États-Unis, plus d'un milion de soldass qui ont servi dans la dernière guerre, en ayant soin d'indiquer les États dans lesquess ils étaient nés et ceux dans lesquess ils avaient été

15. HisL gén. et part. des anomalies de ^organisationn vol. I, 1832.

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a

[Chap. Il]                 MODE DE DÉVELOPPEMENT                           29

élevés ". Cet ensembee considérable d'observations a prouvé que certaines influencss agissent directement sur la stature; on peut en conclure, en outre, que a l'État ou la croissanee physique s'est accomplie en majeuee parti,, et celui où a eu lieu la naissance, indiquant la famlle,, semblent exercer une influence marquée sur la tallle. » Ainsi, on a étabii que a la résidenee dans les Étass de l'Oues,, pendant les années de croissance, tend à augmenter la stature. » Il est, d'autre par,, certain que, chez les matelots, le genre de vie ralentit la croissance, ainsi qu'on peut le constater < par la grande différence qui existe entre la taille des soldass et celle des matelots à l'âge de dix-sept et dix-hutt ans. » M. B.-A. Gould a cherché à détermnner le genre d'influences qui agissent ainsi sur la stature, sans arriver à autre chose qu'à des résultats négatifs, à savoir, que ces influences ne se rattachent ni au clima,, ni à l'élévation du pays ou du sol, ni même, en aucun degré appréciab,e, à l'abondance ou au défaut des conforss de la vie. Cette dernière conclusion est directement contraire à celle que Villermé a déduite de l'étude de la statistique de la taille des conscrits dans les diveress parties de ll France:Lorsque l'on compaee les différencss qui, sous ce rapport, existent entre les chefs polynésiens et les classes inférieures de ces mêmes iles, ou entre les habitants des îles volcaniques fertiles et ceux des îles coralliennes basses et stérilss du même océan », ou encore entre les Fuégiens habitant la côte orientale et la côte occidentale du pay,, où les moyens de subsistanee sont très différents, il n'est guère possible d'échapper à la conclusion qu'une meilleuee nourriture et plus de bien-être influent sur la taille. Mais les faits qui précèdent prouvent combien il est difficile d'arriver à un résultai précis, le D~ Beddoe a récemmntt démontré que, chez les habitants de l'Angleterre, la résidenee dans les villes, jointe à certaines occupations, exerce une influence nuisible sur la taille, et il ajoute que le caractère ainsi acquss est jus-qu'ànn certann point héréditaire; il en est de même aux États-Unis. Le même auteur adme,, en outre, que partout ou une race a atteint son maximum de développement physique, elle s'élève au plus haut degré d'énergee et de vigueur morale ». »

On ne sait si. les conditioss extérieures exercent sur l'homme d'autres effets directs. On pourrait s'attendre à ce que des différences

iï: ï£ ÏÏSSSWûSt SSJUS^f -«. ~ V,

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30                      LA DESCENDANCE DU L'HOMME            [1-e Partie]

de climat exerçassent une influence marquée, l'activité -des poumons et des reins étant très fortement augmentée par une basse température, et celle du foie et de la peau par un climat chaud ». On croyait autrefois que la couleur de la peau et la natuee des cheveux étaient déterminées par la lumière ou par la chaleu;; et, bien qu'on ne puisse guère nier que l'aciion de ces causes n'exerce quelque influence de ce genre, presque tous les observateurs s'accordent aujourd'hui à admettre que leurs effets sont très faibles, même après un laps de temps très prolong.. Nous aurons à discuter ce sujet lorsque nous étudierons les diverses races humannes. Il y a des raisons de croire que le froid et l'humidité affectent directement la croissance du poil chez nos animaxx domestiques; mais je n'ai pas rencontré de preuves de ce fait en ce qui concerne l'homm..

Effets de l'augmentation d'usage etdudéfautd'usage des parties. -On sait que chez l'individu l'usage fortffie les muscles, tandis que le défaut absolu d'usag,, ou la destruction de leur nerf propre, les affaiblit. Après la perte de l'œil, le nerf optique s'atrophie souven.. La iigature d'une artère entraîne non-seulement une augmen-tationdu diamètre des vaisseaux voisins, mais aussi l'épasssissement et la force de résistance de leurs paroi.. Lorsqu'un des reins cesse d'agrr par suite d'une lésion, l'autre augmente en grosseu,, et fait double travail. Les os appelés a supporter de grands poids augmentett non-seueement en grosseu,, mais en longueur ». Des occupations habituelles difTérentes entraînent des modifications dans les proportions des diverses parties du corps. Ainsi la commission des Étals-Unis » a pu constater que les jambss des matelots, qui ont servi dans la dernière guerre, étaient d'environ 5 millimètres plus longues que celle des soldats, bien que les mateloss eussent en moyenne une taille plus petite; en outre, les bras de ces matelots étaient d'environ 26 millimètres trop courts; ils étaien,, par conséquent, disproportionnellement trop courss relatvement a leur moindee taille. Ce peu de longueur des bras semble résulter de leur emploi plus constant, ce qui constitue un résultat fort inattendu; les matelots, il est vra,, se servent surtout de leurs bras pour tirer et non pour soulever des fardeaux. Le tour du cou et la profondeur du cou-de-pied sont plus grand,, tandss que la

20. Docteur lirakenridge, Theory oy Dialhesis; Médical Times, juin 19 et

JUS?ljSiSfqué les autorités qui font ces diverses assertions dans Variations, eu:., vol. II, pp.297, 300.Docteur Jaegcr, UeberdasLangenwachsthumderKno-

C- ^BTGoZf^elSîIns^p. 288.

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[Chap. Il]                 MODE DE DÉVELOPPEMENT '                        31

circonférence de la poilrine, de la taille et des hanchss est moindee chez les matelots que chez les soldats.

On ne sait si ces diverses modifications deviendraient hérédtaires, au cas où plusieuss générations continueraient le même genre de vie, mais cela est probable. Rengger» attribue la minceur des jambes et lagrosseur des bras des Indiens Payaguas au fait que plusieuss générations successives ont passé la presque totalité de leur vie dans des canos,, sans presque jamais se servir de leurs membres inférieurs. Certains auteuss adoptent une conclusion semblabee pour d'autres cas analogues. Cranz,, qui a vécu longtemps chez les Esquimaux, nous dit que a les indigènss admeteent que le talent et la dextérité à la pèche du phoque (art dans lequel ils excellen)) sont héréditaires; il y a réellement là quelque chose de vra,, car le fils d'un pêcheur célèbre se distingee ordinairement, même quand il a perdu son père pendant son enfance. » Mais, dans ce cas, c'est autant l'aptitude mentale que la conformation du corps qui paratt être héréditaire. On assure qu'à leur naissance les mains des enfanss des ouvriess sont, en Angleterre, plus grandss que celles des enfanss des classes aisées». C'est peut-être à la corréaation qui existe, au moins dans quelquss cas», entre le développement des extrémités et celui des mâchoires qu'on doit attribuer les petites dimensioss de ces dernières dans les classes aisées, qui ne soumettent leurs mains et leurs pieds qu'à un faible travail. It est certain que les mâchoires sont généralement plus petites chez les hommss à position aisée et chez les peuples civilisés que chez les ouvriers et les sauvages. Mais, chez ces derniers, ainsi que le fait remarquer M. Herbett Spencer,, l'usage plus considérabee des mâchoires, nécessité par la mastication d'aliments grossiers et à l'état cru, doit influer directement sur le développment des muscles masticateurs, et sur celui des os auxquels ceux-ci s'attachent. Chez les enfants, déjà longtemps avant la naissance, l'épiderme de la plante des pieds est plus épais que sur toutes les autres parties du corps,, fait qui, a n'en pas douter, est dû aux effets héréditaires d'une pression exercée pendant une longue série de générations, Chacun sait que les horlogers et les graveurs sont sujets à deve-

S: 5g:S"f*r«Ti« ««.,»„, ,„,. h, 1853, p.«*,.

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32                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [In. Paht.e]

nir myopes, tandss que les gens vivant en plein air et surtout les sauvagss ont ordinairement une vue très )ongue». La myopie et la presbytie tendent certainement à devenrr héréditaires». L'infériorité des Européens, comparés aux sauvages, sous le rappott de la perfection de la vue et des autres sens, est sans aucun doute un effet du défaut d'usag,, accumuéé et transmis pendant un grand nombre de générations; car Rengge"" dit avoir observt à plusieuss reprises des Européens, élevés chez les Indiens sauvagss et ayant vécu avec eux toute leur vie, qui cependatt ne les égalaient pas par la subtilité de leurs sens. Le même naturaliste fait remarquer que les cavités du crâne, occupées par les divers organss des sens, sont plus grandss chez les indigènes américains que chez les Européens; ce qui, sans doute, correspond à une différence de même ordre dans les dimensions des organss eux-mêmes. Blumenbahh a aussi constaéé la grandeur des cavités nasales dans le crâne des indigènss américains, et rattache à ce fait la finesse remarquable de leur odora.. Les Mongots qui habitent les plainss de l'Asie septentrionale ont, d'après Pallas, des sens d'une perfeciion étonnnante; Prichard croit que la grande largeur de leurs crânes sur les zigo-mas résutte du développement considérable qu'acquièrent chez eux les organss des sens-.

Les Indiens Quechuas habitent les hauss plateaux du.Pérou, et Alcide d'Orbigny" assure que leur poitrine et leurs poumons ont acquis des dimensions extraordinaires, obligés qu'ils sont à respirer continuellement une atmosphère très raréfiée. Les cellules de leurs poumons sont aussi plus grandss et plus nombreuses que-celles des Européens. Ces observations ont été contestées, mais M. D. Forbes, qui a mesuré avec soin un grand nombre d'Aymaras, race voisine, vivantàunealtituee comprise entre dix etquinzemillepieds,

(Sanitary Memoirs of the war of the rébellion, 1869. p. 530) a prouvé cependant le bien fondé de cette assertion; il est facile selon lui d'expliquer ce fait, car la vue chez les. matelots se borne à la longueur du vaisseau et à la hauteur

%mVariations, etc., vol I, p. 8.

. 31. Saugethiere, etc., pp. 8, 10. J'ai eu occasion de constater la puissance de vision extraordinaire que possèdent les Fuégiens. Voir aussi Lawrence (Lectures on Physiology, etc., 1822, p. 404) sur le même sujet. M. Giraud Teuton a récemment recueilli (Revue des Cours scientifiques, 1870, p. 625) un ensemble important et considérable de faits prouvant que la cause de la myopie « est le travail

^Pri^JA^^^if.mJ^surl^loritédeBlumenb^h,Til.L

33: Cité par^Sa*1," Physi'al HiTof Mankind, vot. V; p. 463.

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[ChapPii]            .mode de développement                           33

m'affirme» qu'ils diffèrent très notablement des hommes de toutes les autres races qu'il a étudiée,, par la circonférence et par la longueur du corps. Il représente, dans ses tableaux, la taille de chaque homme par 1,000, et,rapporte les autres dimensioss à cette unité. On remarque que les bras étendus des Aymarss sont un peu plus courts que ceux des Européens, et beaucoup plus courss que ceux des nègres. Les jambes sont également plus courtes, et présentent cette particularité remarquable que, .chez tous les Aymaras mesuré,, le fémur est plus court que le tibia. La longueur du fémur comparée à celle du tibia est en moyenne comme 211 est à 252, tandss que chez deux Européens mesurés en même temp,, le rappott du fémur au tibia étaté comme 244 est à 230, et chez trois nègres comme 258 est à 241. L'humérus est de même plus cour,, relativement/que l'avant-bras. Ce raccourcissement de la partie du membee qui est la plus voisine du corps paraît, comme l'a suggééé M. Forbes, être un cas de compensation en rappott avec l'alrongement très prononéé du tronc. Les Aymaras présentent encore quelquss poinss singuliers de conformation, la faible projection du talon, par exemple.

Ces hommes sont si complètement acclimatés à leur résidence froide et élevée, que, lorsque autrefois les Espagnols les obligeaient à descendee dans les basses plaines orientales, ou qu'lls y viennent aujourd'hui, tentés par les salarres considérables des lavages aurifères, ils subissent une mortalité effrayante. Néanmoins, M. Forbes a retrouéé quelques famllles, qui ont survécu pendant deux générations sans se croiser avec les habitants des plaines, et il a remarqué qu'elles possèdent encore leurs particularités caractéristiques. Mais il étatt évident, même à première vue, que toutes ces particularités, avaient diminu;; et un mesurage exact prouva que leur corps est moins long que celui des hommes du haut plateau, tandss que leurs fémurs se sont allongé,, ainsi que leurs tibias, quoique à un degré moindre. Le lecteur trouveaa les mesures exactes dans le mémoire de M. Forbe.. Ces précieuses observtions ne laissen,, je crois, pas de doutes sur le fait qu'une résidence à une grande altitud,, pendant de nombreuses générations, tend à déterminer, tant directement quiindirectement, des modifications héréditaires dans les proportions du corps".

35. Le docteur Wolckens (Landwirthschaft. Wochenblatt, n" 10,1869) a publié récemment un intéressant mémoire sur les moaifications'qu'ép'rouve la charpente des animaux domestiques vivant dans les régions montagneuses.

3

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34                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME,         [Ire Partie]

Bien qu'il soit possible que l'homme n'ait pas été profondément modifié pendant les dernières périodes de son existence, par suite d'une augmentation ou d'une diminution de l'usage de certaines parties, les faits que nous venons de signaerr prouvent que son aptitude sous ce rappott ne s'est pas perdu;; nous savons de la manière la plus positive que la même loi s'applique aux animaux inférieurs. Nous pouvons donc en conclure que, alors qu'à une époque reculée les ancêtres de l'homme se trouvaient dans un état de transition pendant leque,, de quadrupèdes qu'ils étaien,, ils se transformaient en bipède,, les effets héréditaires de l'augmentation ou de la diminution de l'usage des différentes parties du corps ont dû puissamment contribuer à augmenter l'aciion de la séleciion naturelle.

Arrêss de développement. - L'arrêt de développement diffère de l'arrêt de croissanee en ce que les parties qu'il affecte continuent à augmenter en volume tout en conservant leur état antérieur. On peut rangrr dans cette catégorie diverses monstruosités dont certaines sont, parfoss héréditaires comme le bec-de-iièvre. Il suffira, pour le but que nous nous proposons ici, de rappeler l'arrêt dont est frappé le développement du cerveau chez les idiots microcéphales, si bien décriss par Vogt dans un important mémoire". Le crâne de ces idiots est plus pettt et les circonvolutions du cerveau sont moins compliquées que chez l'homme à l'état norma.. Le sinus fronta,, largement développ,, formant une projection sur les sourcils, et le prognathisme effrayant des mâchoires donnent à ces idiots quelque ressemblance avec les types inférieuss de l'humanité. Leur intelligence et la plupatt de leurs facultés mentales sont d'une extrême faiblesse. Ils ne peuvent articuler aucun langage, sont incapables de toute attention protongée, mais sont enclins à l'imitation. Ils sont forts et remarquablement actifs, gambadent, sautent sans cesse, et font des grimaces. Us montent souvent les escaliers à quatre pattes, et sont singulièrement portés à grimprr sur les meubles ou sur les arbres. Ils nous rappellent ainsi le plaisir que manifestent presque tous les jeunes garçons à grimper aux arbres, et ce fait que les agneaux et les cabris, primitivement animaux alpin,, aiment à folâtrer sur les moindres élévaiions de terrann quiils rencontrent. Les idiots ressemblent aussi aux animaxx inférieuss sous quelques-autres rapports; ainsi, on en a connu plusieuss qui flairaienl avec beaucoup de soin chaque bouchee avant de la mange.. On cite un

'36. Mém. sur les Microcéphales, 1867,, pp. 50, 125, 169, 171,184-1988

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[Chap. II]              ' MODE DE DÉVELOPPEMENT                           35

idiot qui, pour attraper les poux, se servatt indifféremment de sa bouche ou de ses main.. Les idiots ont d'ordinaire des habitudes dégoûtantes ; ils n'ont aucune idée de la décence; on a remarqué que certains avaient le corps couvert de poils.. ~etour ou Atavism.. - Nous aurions pu introduire dans le paragraphe précédent la plupart des cas que nous avons à citer ici. Lorsqu'une conformation subit un arrêt de développement, ma,s qu'elle continue à s'accroître jusquàà ressembler beaucoup à quelque structure analogue qui existe chez certains individus inférieuss adultes du même group,, nous pouvon,, à un certann point de vue, considérer cette conformation comme un cas de retou.. Les indvidus inférieuss d'un groupe nous représentent, dans une certanee mesure, la conformation probable de l'ancêtre commun de ce group;; on ne sauratt guère croire, en effet, qu'une partie, arrêtée dans une des phases précocss de son développement embryonnaire, pût être capable de croître jusqu'à remplir ultérieurement sa fonction propre, si elle n'avatt acquis cette aptituee à grossrr dans quelque état antérierr d'existence, alors que la conformation exceptionnelle ou arrêtée était normale. Nous pouvon,, en nous plaçant à ce point de.vu,, considérer.comme un cas de retou,, le cerveau simple d'un idiot microcéphale, en tant qu'il ressembee à celui d'un singe.. Il est d'autres cas qui se rattachent plus rigou-

37. Le professeurLaycockrésume le caractère animal desWtoUe.jlesapp..

mente. Voir sur le même sujet et sur .e système poilu des idiots, Maudsley, ^£s^^^^^

bable,parce que les ma-a" --"::—"- ™» «unt™i«n,P.nt situées svmè-triquement sur la poit

que les mamdles additionnelles sont généraient situées symé sur la poitrine, et surtout par le cas d'une femme, dont la seule

seule

mailleeffecttve o^û^tîarégion inguinale, fille d'une autre femme pourvue de mamelles supplémentaires. Mais le professeur Preyer (Der Kampf umdas

tres situations,

^s ce S/cToTp^duïï a^Tde wVpour nourrir Penfant. Il est donc neu orobable qu'on puisse attribuer au retour les mamelles additionnelles; ce-^nd'nt ce«eqe" plication me semble encore assez probable parce qu'on trouve souvent deux paires de mamelles disposées symétriquement sur la poitrine; on

....               _ _ -_ -.1 _ir~(. n„ „„:t .-..-,« nlncianpc l.pm n ri Ans

le D' Handyside dans lequel deux frères possédaient cette particularitér

' ;tXlSérrteppa30l? Danf un'^^s^tés^rT D'\artels, 1 homme avait cinq mamelles, l'une occupait une position médiane et.était pla-

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36                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire pAlmE]

reusementaux phénomènes du retour dont nous noss occupons ic.. Certaines conformations, qui se rencontrent régulièrement chzz les individus inférieurs du groupe dott l'homme fait partie, apparaissent parfois chzz ce dernier, bien que faisant défaut dass l'embryon humnin normal; ou, s'ils s'y trouvent, se développent ultérierement d'une manière anormale, quoique ce moee d'évolution sott binn celui propre aux membres inférieurs du groupe. Les exemples suivants feront mieux comprendre ces remarques.

Chzz divers mammifères, l'utérus passe peu à peu de la forme d'un organe double ayant deux orifices et dexx passages distincts, comee chzz les marsup,aux, à celee d'un organe unique ne présentant d'autres indices de duplication qu'un légrr pii interne, comee chzz les singes supérieurs et chzz l'hmmme. On obseeve chzz les rongeurs touses les séries de gradations entre ces deux étass extrêmes. Chzz toss les mammifères, l'utérus se développe de deux tubes primitifs simples, dont les portions infériesres forment les cornes, et, suivant l'expression du D~ Farre, « c'est par la co--lescence des extrémi'és infériesres des deux cornes que se forme

cee au-dessus du nombril ; Meckel Von Hemsbach pense trouver l'expiication de ce phénomène dans le fait que des mamelles médianes se présentent quelquefois chez certains Chéiroptères. En résumé, nous pouvons douter que des mamelles additionnelles se seraient jamais développées chez l'homme et chez la

iïz:^:^n^^rte humain n'avaienl pas été pourvus de

Dans le même ouvrage j'ai, avec beaucoup d'hésitation, attribué au retour les cas de polydactylie fréquents chez l'homme et chez divers animaux. Ce qui me décida en partie fut l'assertion du professeur Owen; il assuee que quelques Ichthyoptérigiens possèdent plus de cinq doigts; j'éta;s donc en drott de suppser qu'ils ava.ent conservé un état primordial. Mais le professeur Gegenbaur (Jenauche Zeitschrift, vol. V, p. 341) conteste l'assertion d'Owen. D'un autre côte, en se basant sur l'hypothèse récemment mise en avant par le D' Gunther qui a observé dans la nageoire du Ceratodus des rayons ossexx articulés sur un os central, il ne semble pas qu'il soit très difficile d'admettre que six doigts ou plus puissent reparaître d'un côté ou des deux côtés par un effet de retour. Le D' Zoutevenn m'apprend qu'on a observé un homme qui avatt vingt-quatre do.gts aux mains et aux pied.. Ce qui m'a surtout poréé à penser que la présence de doigts additionnels est due au retour est le fatt que ces doigss ont non-seulement héréditaires, mass encore, comme je le croyass alors, que ces doigts ont la faculté de repousser après avorr été amputés, comme les doigss normaux des vertèbres inférieurs. Mais j'ai expliqué dans la seconee édition des Variations à l'état domestique (Paris, Reinwald, 1880) pourquoi j'ajoute peu de foi aux cas où l'on a observé cette régénération. Toutefois il importe de remarquer, car l'arrêt de développement et le retour ont des rapports intimes! que diverses structures dans une condition embryonnaire telle que le bec-de-lièvre, l'utérus bifide etc,, sont souvent-accompagnées par la'po.ydactyHe. Meckç et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ont vivement insisté sur ce fait. Mais dans l'état actull de a science il est plus sage de renoncer à l'idée qu'il y a

m:^iï^iï^dedoiets additionnels et un retour à

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[Chap. II]                MODE DE DÉVELOPPEMENT                          37

le corps de l'utérus humain, tandss qu'eless restent séparéss chez les animaux dont l'utérus ne présente pas de partie moyenn,, ou de corps. A mesure que l'utérus se développ,, lès deux cornes se raccourcissent graduellement et finissent par disparaître, comme si elles étaient absorbées par lui. , Les angles de l'utérus s'allongent encore en cornes jusqee chez les singes inférieuss et leurs voisins

Or on constate parfois chez les femmes des cas d'anomalie: l'utérus adulte est muni de cornes, ou partiellement divisé en deux organes; ces cas, d'après Owen, représentent « le degré dedéveloppement concentré » que cet organe a atteint chez certains rongeurs. Ce n'est peut-être là qu'un exemple d'un simpie arrêt de développement embryonnaire, avec accroissement subséquent et évoluiion fonctionnelle complète, car chacun des deux côtés de l'utérus, partiellement double, est apte à servrr à l'acte propee de la gestation. Dans d'autres cas plus rare,, il y a formation de deux cavités utérinss distinctes, ayant chacune ses passagss et ses orifices spéciaux.. Aucune phaee analogee n'étant parcourue dans le développement ordinaire de l'embryon, il seratt difficile, quoique non impossible, de croire que les deux petits tubes primitifs simples sauraient (s'il est permss d'employer ce terme) se développrr en deux utérus distincts, ayant chacun un orifice et un passag,, et abondamment pourvus de muscles, de nerfs, de glandss et de vaisseaux, s'ils n'avaient pas autrefois suivi un cours analogue d'évolution, comme cela se voit chez les marsupiaux actuels. Personne ne pourrait prétendee qu'une conformation, aussi parfaite que l'est l'utérus double anorml' de la femme, puisse être le résultat du simple hasard. Le principe du retou,, au contraire, en vertu duquel des conformations depuis longtemps perduss sont rapplées à l'existence, pourrait être le guide conducteur du développment complet de l'organe, même après un laps de temps très pro-

l0,Àprès avoir discuéé ce cas et plusieuss autrss analogues, le professeur Canestrini" arrive à une conclusion identiqee à la

39.  Voir l'article du docteur A. Farre, dans Cyclopedia ofAnal, and Physio-logy,.vo). Y, J859, p. 642. Owen, Anatomy of Vertebrates, vol. III, p.687,18688 professeurTurner, Edinburgh Medical Journal, fév. 1865.

40.  Annuario delia Soc. dei Naturalisti in Modena, 1867, p. 83. Le professeur

os malaire. cl.» plosl.urs „g.u humain, .1 ch„ certains sing.., et n».r<,ue

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38

LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [I« Part,*]

mienn.! Il cite, entre autres cas, l'os malaire qui, chez quelquss quadrumanss et chez quelquss autres mammifères, se compose normalement de deux parties. C'est dans cet état qu'il se trouve chez le fœtus humann âgé de deux mois, et qu'il se trouve parfois, à cause d'un arrêt de développement, chez l'homme adulte, surtouc.chez les races prognathes inférieures. Canestrini en conclut que, chez un ancêtre de l'homm,, cet os devatt être normalemen, partagé en deux portions qui se sont ultéreeurement soudées pour n'en plus faire qu'un.. L'os frontal de l'homme se compose d'une seule pièce, mais dans l'embryon, chez les enfants, ainsi que chez presqee tous les mammifères inférieurs, il se compose de deux pièces séparées par une suture distincte. Cette sutuee persiste parfois, d'une manière plus ou moins apparente, chez l'homme adulte, plus fréquemment dans les anciens crânes que dans les crânes récents, et tout spécialement, ainsi que Canestrini l'a fait remarquer, dans ceux qui appartienntnt au type brachycéphale exhumés du diluvium. Il conclur dans ce cas, comme dans celui des os malaires qui lui est analogue. Il semble, par cet exempee ainsi que par d'autres que nous aurons à signaeer, qùe si les races anciennss se rapprochent plus souvent que les races modernss des animaux par certains de leurs caractères, c'est parce que ces dernières sont, dans la longue série de la descendance, un peu plus éloignéss de leurs premiers ancêtres semi-humains.

Différenss auteuss ont considééé comme des cas de retour diverses autres anomalies, plus ou moins analoguss aux précédentes, qui se présentenl chez l'homm;; mais cela est douteux, car nous aurions à descendee très bas dans la série des mammifères avant de trouver de semblables conformations normales «'.

Voir aussi G. Delorenzi, TVe Muovi casi d'anomalia dell'osso malare, Turin, 1872; et E. Morselli, Supra una rara anomalia dell'osso ma~are, Modène, 1872. Plus récemment encore, Gruber a publié un pamph)et sur la division de cet os. J'indique ces autorités parce qu'un critique a jugé à propos, sans aucune raison

"StXsa»~toute une série de cas dans son Histoire des Anomalies, vol. III, p. 437. Un critique, Journal of Anatomy and Physiology, 1871, p. 366, me blâme beaucoup de n'avoir pas discuté les nombreux cas d'arrêts de développement qui ont été signalés. Il soutient que, dans mon hypothèse, 5 toutes les conditions intermédiaires d'un organe pendant son développement n'indiquent pas seulement un but, mais ont autrefois constitué un but. m Je n'admets pas absolument cette assertion. Pourquoi des variations ne se pré-senteraient-elles pas pendant une phase primitive du développement, qui n'auraient aucun rapport avec le retour? Cependant ces variations pourraient se

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[Chap. II]                MODE DE DEVELOPPEMENT                           39

Les canines sont chez l'homme des instruments de mastication parfaitement efficaces. Mais, ainsi que le fait remarquer Owen ", leur vrai caractère de canines < est indiqué par la forme conique de la couronn,, qui se termine en pointe obtuse, est convexe au dehors et plate ou un peu concave sur sa face interne, laquelee porte à la base une faible proéminence. La forme conique est parfaitement accusée chez les races mélanésiennes, surtout chez la race australienne. La canine est plus profondément implantée, et a une racine plus forte que celle des incisfve.. » Cette dent, cependant, ne constitue plus pour l'homme une arme spéciaee pour lacérer ses ennemis ou sa proie; on peut donc, en ce qui concerne saffonction propre, la considérer comme rudimentaire. Dans toute collection considérable de crânes humains, on en trouve, comme le remarque Hackel «, chez lesquess les canines dépassent considérablement )e niveau des autrss dents, à peu près comme chez les singes anthropomorphes, bien qu'à un moindee degré. Dans ce cas, un vide est réservé entre les dents de chaque mâchoire pour recevorr l'extrémité de la canine de la mâchoire opposée. Un intervalle de ce genre, remarquable par son étendu,, existe dans un crâne cafre « dessiné par Wagner. On n'a pu examiner que bien peu de crânss anciens comparativement à ce qu'on a étudié de crânes ré~ cents, il est donc intéressant de constater que, dans trois cas au moins, les canines font une forte saillie, et qu'elles sont décrites comme énormss dans la mâchoire de !a Naulette ».

Seuls, les singes anthropomorphes mâles ont des canines complètemntt développées; mais, chez le gorllee femelle et un peu moins chez l'orang du même sexe, elles dépassent considérable ment les autres dents. On a affirmé que parfois les femmes ont des caninss très saillantes; ce fait ne constitue donc aucune objection sérieuse contre l'hypothèse en vertu de laquelle leur développement considérable, accidentel chez l'homm,, est un cas de retour vers un ancêtre simien. Celui qui rejetee avec mépris i'idée que la forme des caninss et le développement excessff de ces dents

présenteraient-elles pas aussi dans les premières phases du développement, aussi bien que dans t'age mûr, sans avoir aucun rapport avec un antique état

1867, p. 295; Scbum,..,,», «t., 1868, p. 426.

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40                          LA DESCENDANCE DE L'HOMME . [fe Partie!

chez quelquss individss résultent de ce que nos premiers ancêtres possédaiene ces armes formidables, révèle probablement en ricanant sa propee ligne de filiaiion; car, bien qu'il n'ait plus l'intention ni le pouvoir de faire usage de ses dents comme armes offensives, il contracte inconsciemment ses muscles grondeurs (snarling muscles de Sir C. Bell)", et découvee ainsi ses dents, prêtes à l'action, comme le chien qui se dispose à combattre.

Beaucoup de muscles, spéciaux aux quadrumanes ou aux autres mammifères, se rencontrent parfois chez l'homm.. Le professerr Vlacovich « a, sur quarante sujets mâles, trouvé chez dix-neuf un muscle qu'il a appelé l'ischio-pubien; chez trois autres ce muscle était représenté par un ligament; il n'y en avatt pas de traces sur les dix-huit restants. Sur trenee sujess féminin,, ce muscle n'était développé des deux côtés que chez deux, et le ligament rudimen-taire chez trois. Ce muscle paratt donc plus commun chez l'homme que chez la femme; ce fait s'explique si l'on admet l'hypothèse que l'homme descend de quelque type inférieu,, car ce muscle existe chez beaucoup d'animaux, et, chez tous ceux qui le possèdent, il sert exclusivement au mâle dans l'acte de la reproduction.

M. J. Wood « a, dans ses excellenss mémorres, minutieusement décrtt chez l'homme de nombreuses variations muscuaaires qui ressemblent à des structures normales existant chez les animaux inférieurs. En ne tenant même compee que des muscles qui ressemblent le plus à ceux existant régulièrement chez nos voisins les plus rapprochés, les quadrumanes, ils sont trop abondants pour être spécifiés ici. Chez un seul sujet mâle, ayant une forte constitution et un crâne bien conform,, on a observé jusquàà sept variations musculaires, qui toutes représentaient nettement des muscles spéciaux à plusieuss types de singes. Cet homme avai,, entre autres, sur les deux côtés du cou, un véritable et puissant levator claviculœ, tel qu'on le trouve chez toutes la espèces de singes, et qu'on dit exister chez environ un sujet humain sur.

46.  Anatomyof Expression, 1844, pp. 110, 131.

47.  Cité par le professeur Canestrini dans VAnnuario, etc., 1867, p. 90.

48 Ces nïémoir s doivent être soigneusement étudies par qui veut apprendre

1866l p. 241, 242; - vol. XV. 1867, p. 544; - vol. XVId 186S, p. 524. J'ajouterai chez des animaux encore plus bas sur l'échelle.

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[ChxpP II]                 MODE DE DÉVELOPPEMENT                          41

soixante. «. Le mêmesujet présentait encore < un abducteur spécial de l'os métatarsal du cinquième doigt, semblabee à celui dont le professeur Huxley et M. Flower ont constaéé l'existence uniforme chez les singes supéreeurs et inférieurs. Jee me contenterai de citer deux autres exemples: le muscle acromio-basilaire existe chez tous les mammifères placés au-dessous de l'homme et semble en corrélation avec la démarche du quadrupède ; or, on le rencontre à peu près chez un homme sur soixante. M. Brad,ey « a trouvé, dans les extrémités inférieures un abducteur ossis metatarsi quinti, chez les deux pieds de l'homm;; on n'avatt pas, jusquàà présen,, signaéé ce muscle chez l'homme bien qu'il existe toujouss chez les singes " anthropomorphes. Les mains et les bras de l'homme constituent des conformations éminemment caractéristiques; mais les muscles de ces organss sont extrêmement sujets à varier, et cela de façon à ressemblrr aux muscles correspondants des animaxx inférieuss ». Ces ressemblances sont parfaites ou imparfaites et. dans ce dernier cas, manifestement de natuee transitoire. Certaines variations sont plus fréquentes chez l'homm,, d'autres chez la femme, sans que nous puissions en assignrr la raison. M. Wood, après avorr décrtt de nombreux cas, fait l'importante remarque que voici : « Les déviaiions notabess du type ordinaire des conformations musculaires suivent des directions qui indiquntt quelque facteur inconnu mais fort important pour la connasssance substantielle de l'anatomie scientifique générale », »

On peut admettre comme extrêmement probabee que ce facteur inconnu est le retour à un ancien état d'existence ». Il est tout à

49.  Professeur Macatister, Proc. Roy. Irish Academy, vot. X, 1868, p. 124.

50.  M. Champneys, Journal of Anat. and Phys. Not. 1871, p. 178.

51.  Journal of Anat. and Phys., mai 1872, p. 421.

52.  Le professeur Macalister (id., p. 421), ayant relevé ses observations en tableaux, a trouvé que les anomalies musculaires sont plus fréquentes dans l'avant-bras, puis dans la face, troisièmement dans le pied, etc.

53.  Le rév.DocteurHaughton,dansl'exposéd'un cas remarquablede variation tenslemusclelongfléchïsseurdupoucehumzm(Proc.Roy.IrishAcademy.im, p. 715), ajoute ce qui suit : « Ce remarquable exemple prouve que l'homme possède parfois un arrangement des tendons du pouce et.des doigts qui est

V°54X,Depu1s?a première édition de cet ouvrage, M. Wood a publié un autre mémoire, Philos. Trans., 1870, p. 83, sur les variations des muscles du cou, de t'é-

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42                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PaRtie]

fait impossible de croire que l'homme puisse, par pur acciden,, ressembler anormaleme,t, par sept de ses muscles, à certains singes, s'il n'y avata entre eux aucune connexion génésiqu.. D'aulr

par,, si l'homme descend de quelque ancêtre simien, il n'y a pas de raison valable pour que certains muscles ne réapparaissent pas subitement même après un intervalle de plusieuss milliers de générations, de même que chez les chevaux, les ânes et les mulets, on voit brusquement reparaître sur les jambss et sur les épauess des raies de couleur foncée, après un intervalle de centaines ou plus probablement de milliers de générations.

Ces difTérents cas de retour ont de tels rapports avec ceux des organes rudimentaires cités dans le premerr chapitre, qu'ils auraeent pu y être traités aussi bien qu'ic.. Ainsi, on peut considérer qu'un utérus humann pourvu de cornes représente, à un état rudimentai,e, le même organe dans ses conditions normales chez certains mammfères. Quelques parties rudimentaires chez l'homm,, telles que l'os coccyx chez les deux sexes, et les mameless chez le sexe masculi,, ne font jamais défau;; tandss que d'autres, comme le foramen su-pra-condyloïde, n'apparaissent qu'occasionnellement et, par conséquent, auraentt pu être comprises dans le chapitre relatif au retou.. Ces différentes conformations < dues au retour », ainsi que celles qui sont rigoureusement rudimentaires, prouvent d'une manière certaine que l'homme descend d'un type inférieu..

Variations corrélatives. - Beaucoup de conformations chez l'homm,, comme chez les animaux, paraissent si intimement liées les unes aux autres que, lorsque l'une d'elles varie, une autre en fait autant sans que nous puission.,, dans la plupatt des cas, en indiquer a cause. Nous ne pouvons dire quelle est la pariie qui gouverne l'autre, ou si toutes deux ne sont pas elles-mêmss gouvernées par quelque autre partie antérieurement développée. Diverses monstruosités se trouvent ainsi liées l'une à l'autre, comme l'a prouvé Isidoee Geoffroy Saint-IIilaire. Les conformations homologues sont particulièrement sujettes à varier de concert; c'est ce que nous voyons sur les côtés opposés du corps, et dans les extrémités su-

pauleet de la poitrine de l'homme. Il démontre dans ce mémoireque les muscles

Se^^mSn^

variation chez l'homme, démontrentde manière suffisante ce qu'on peut consi-

ctSlTdrLt.e^tLtd!SpreUVes du P"-PedarwinienPdu retour,

loi d'hérédité. r

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[Chap. II] ^ MODE DE DÉVELOPPEMENT' "                        43

périeures et Inférieures. Meckel a, il y a longtemps, remarqué que lorsque les muscles du bras dévient de leur type propre, ils imitent presque toujouss ceux de la jamb,', et réciproquement pour les muscles de cette dernière. Les organss de la vue et de l'ouïe, les dents et les cheveux, la couleur de la peau et celle des cheveux, le teint et la constitution sont plus ou moins en corrélation les uns avec les autres». Le professeur Schaaffhaunen a le premerr attiré l'attention sur les rapports qui parasssent exister entre une conformation, musculaire très accusée'et des arcadss sus-orbitaires très saillantes, qui caractérisent les races humannes inférieures.

Outre les variations qu'on peut grouprr avec plus ou moins de probabilité sous les titres précédents, il en reste un grand nombee qu'on peut provisoirement nommer spontanées, car notre ignorance est si grande qu'elles nous paraissent surgir sans cause apparente. On peut prouve,, toutefois, que les variations de ce genre, qu'elles consistent, soit en légères différencss individuelles, soit en déviations brusquss et considérables de la conformation, d* pendent beaucoup plus dela constitution de l'organisme que de la natuee des conditions auxquelles il a été exposé5'.

Augmentation de la population. - On a vu des populations civilisées placées dans des conditions favorables, aux Etats-Unis par exemple, doubler leur nombre en vingt-cinq ans ; fait qui, d'après un calcul étabii par Euler, pourrait se réaliser au bout d'un peu plus de douze ans". A ce taux du doublement en vingt-cinq ans, la population actuelle des États-Unis, soit 30 million,, deviendrait, au bout de 657 années, assez nombreuse pour occuper tout le globe à raison de quatre hommes par mètre carré de superficie. La difficulté de trouvrr des subsistances et de vivre dans l'aisance constitue l'obstacle fondamental qui limite l'augmentation continue du nombre des hommes. L'exemple des États-Unis, où les subssstances se trouvent en grande quantité et où la place abonde, nous permet de concluee qu'il en est ains.. La population de l'Angleterre serait promptement doublée si ces avantages venaient à y être doublés auss.. Chez les nations civilisées, le premier des deux obstacles agit surtout, en restreignant les maraages. La mortalité considérable des enfanss dans les classes pauvres, ainsi que celle produite à

' 55. J'ai cité mes autorités pour ces diverses assertions dans Variation des.

yTlStù™ "nfnutfaféEutfd^ ^-chap. xxn. De la Variation

^Syrage mémorable du rév. T. Malthus, Essay on the principle of population, 1826, vol. I, 6, 517.

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44                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PABTre]

tous les âges par les diverses maladies, qui frappent les habitants des maisons misérables et encombrées, est aussi un fait très important. Les effets des épidémies et des guerres sont promptement compensés et même au delà, chez les nations placées dans des conditioss favorables. L'émigration peut aussi provoquer un arrêt. temporaire de l'augmentation dela popuaation, mais elle n'exerce aucune influence sensible sur les classes très pauvres.

Il y a lieu de supposer, comme l'a fait remarquer Malthu,, que la reproduction est actuellement moins active chez les barbares que chez les nations civilisée.. Nous ne savons rien de positff à cet égard, car on n'a pas fait de recensement chez les sauvages; mais il résulte du témoignage concordant des missionnaires et d'autres personnes qui ont longtemps résidé chez ces peuples, que les familles sont ordinairement peu nombreus,s, et que le contraire est la grande exception. Ce fait, à ce qu'il semble, peut s'expliquer en partie par l'habitude qu'ont les femmes de nourrir à la mamelle pendant très longtemps; mais il est aussi très probable que les sauvages, dont aa vie est souvent très pénible et qui ne peuvent pas se procurer une alimentation aussi nourrissante que les races civilisée,, doivent être réellement moins prolifiques. J'ai démontré, dans un autre ouvrage", que tous nos animaux et tous nos oiseaux domestiques, ainsi que toutes nos plantes cultivée,, sont plus féconds que les espèces correspondantes à l'état de nature. Les animau,, il est vra,, qui reçoivent un excès de nourriture ou qui sont engrasssés rapidement et la plupatt des plantes subitement transportées d'un sol très pauvee dans un sol très riche, deviennent plus ou moins stériles ; mais ce n'est pas là une objection sérieuee à la conclusion que nous venons d'indiquer. Cette observation nous amène.donc à penser que les hommss civilisés qui sont, dans un certain sens, soumis àune hauee domes-ticaiion, doivent être plus proiifiquss que les sauvages. Il est probable aussi que l'accroissement de fécondtté chez les naiions civilisées tend à devenrr un caractère héréditaire comme chez nos animaux domestiques; on sait au moins que, dans certaines familles humaines, il y a une tendanee à la production de jumeaux..

Bien que moins prolifiquss que les peuples civiiisé,, les sauvages augmenteraitnt sans aucun doute rapidement, si leur nombee n'étatt rigoureusement restreint par quelquss causes. Les Santali, tribus habitant les collines de l'Inde, ont récemment offert un ex-

58. De la Variation des Animaux, etc., II, pp. 117-120,172. ^ SfcM. Sedgwiek, British and /orei9n mediLchirurg. Revieu>, joillet 1863,

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[Chap. I!]                  MODE DE DÉVELOPPEMENT                              45

cellent exemple de ce fait, car, ainsi que l'a démontré M. Hunter™, ils ont considérablement augmenéé depuss l'introduction de la vaccine, depuis que d'autres épidémies ont été atténuées, et que la guerre a été strictement supprimée. Cette augmentation n'aurait toutefois pas été possible si ces populations grossières ne s'étaient répandues dans les districts voisins pour travailler à gage.. Les sauvagss se marient presque toujours, avec cette restriction qu'ils: ne le font pas ordinairement dès l'âge où le mariage est possibl.. Les jeunes gens doivent prouvrr d'abodd qu'ils sont en état de nourrir une femme, et doivene gagnrr la somme nécessaire pour acheter la jeune fille à ses parents. La difficutté qu'ont les sauvagss à se procurer leur subsistance limite, à l'occasion, leur nombre d'une manière bien plus directe que chez les peuples civilisés, car les membres de toutes les tribus ont périodiquement à soufîrir de rigoureuses famines pendatt lesquelles, forcés de se contenter d'une détestabee alimentation, leur santé ne peut qu'être très compromise. On a signalé de nombreux exemples de la sailiie de l'estomcc des sauvagss et de l'émaciation de leurs membres pendant et après les disettes. Ils sont alors contraints à beaucou.. erre,, ce qui amène la mort de nombreux enfants, comme on me l'a assuré en Australie. Les famines étant périodiques et dépendant principalement des saisons extrêmes, toutes les tribus doivent éprouver des fluctuations en nombre. Elles ne peuvent pas régulièrement et constamment s'accroître, en l'absence de tout moyen d'augmenter artfficiellement la quantité de nourriture. Lorsqu'ils sont vivement pressés par le besoin, les sauvagss empiètent sur les territoires voisin,, et la gueree éclate ; il est vrai, d'ailleurs, qu'ils sont presque toujouss en lutte avec leurs voisins. Dans leurs efforts pour se procurer des aliments, ils sont exposés à de nombreux accidenss sur la teree et sur l'eau; et, dans quelquss pays, ils doivent avoir à souffrir considérablement des grands animaux féroces. Dans l'Inde même, il y a eu des distrccts dépeuplés par les ravagss des tigre..

Malthus a discuté ces diverses causes d'arrêt, mais il n'insiste pas assez sur un fait qui est peut-être le plus important de tous: l'infanticide, surtout des enfanss du sexe féminin, et l'emploi des pratiques tendatt à procurer l'avortement. Ces dernières régnent actuellement dans bien des parties du globe, et, d'après M. M'Len-nan,, l'infanticide semble avoir existé autrefois dans des propo--

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46                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

tions encore bien plus considérables. Ces pratiques, paraissent devoir leur origine à la difficulté, ou même à l'impossibilité dans laquelee se trouvent les sauvagss de pouvorr nourrir tous les enfants qui naissen.. On peut encore ajouter le dérèglement des mœurs à ces diverses causes de restriction; mais ce dérèglement ne résulte pas d'un manque de moyen de subsistance, bien qu'il y ait des raisons pour admettre que, dans certains pays (le Japon, par exemple), on l'att encouragé dans le but de maintenir la population dans des limites constantes.

Si nous nous reportons à une époque extrêmement reculé,, l'homm,, avant d'en être arrivé à la dignité d'être humain, devatt se laisser diriger beaucoup plus par l'instinct et moins par la raison que les sauvagss actuels les plus infimes. Nos ancêtres primitifs semi-humains ne devaient pratiquer ni l'infanticide, ni la polyandrie, car les instincss des animaux inférieuss ne sont jamass assez pervers» pour les pousser à détruire régulièrement leurs petits ou pour leur enlever tout sentiment de jalousie. Ils ne devaient point non plus apporter au maraage des restrictions prudentes, et les sexes s'accouplaient librement.de bonne heure. Il en résulte que les ancêtres de l'homme on dû tendre à se multiplier rapidement; mais des freins de certaine nature, périodiques ou constants, ont dû contriburr à réduire le nombre de leurs descendants avec plus d'énergie peut-être encore que chez les sauvagss actuels. Mais, pas plus que pour la plupatt des autres animau,, nous ne sauroons dire quelle a pu être la natuee précsse de ces freins. Nous savons que les chevaux etle bétail, qui ne sont pas des animaux très prolifiques, ont augmenté en nombee avec une énorme rapidité après leur introduction dans l'Amérique du Sud. Le plus lent reproducteur de tous les animau,, l'éléphant, peupleratt le monde entier en quelquss milliers d'années. L'augmentation en nombee des diverses espèces de singes doit être limitée par quelque cause, mais pas, comme le pense Brehm, par les attaque

62. Un critique fait dans le Spectator, 12 mars 1871, p. 320, les commen-taires suivants sur ce passage : « M. Darwin se voit obligé d'imaginer une

vages, et il se voit, par conséquent, obligé d'établir, comme une hypothèse scientifique, sous une forme dont il ne paraît pas soupçonner la parfaite or-

blés des sauvages, principalement dans leurs rapports avec le mariage. Or, la traduction juive relative à la dégénération morale de l'homme affirme exactement la même chose. »

ar ues

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[Chap, II]                  MODE DE DÉVELOPPEMENT                              kl

des bêtes féroces. Personee n'oseratt prétendee que la faculté reproductrice immédaate des chevaux et du bétall sauvage de l'Amérique se soit d'abodd accrue d'une manière sensible, pour être plus tard réduite, à mesuee que chaque région se peuplait davantage. Dans ce cas comme dans tous les autre,, il n'est pas douteux qu'il y ait eu un concouss de plusieuss obstacles, différant même selon les circonstances; des disettes périodiques résultant de saisons défavorables devant probablement être comptéss au nombre des causes les plus importantes. Il; a dû en être de même pour les ancêtres primitifs de l'homm..

Sélection naturelle. - Nous avons vu que le corps et l'esprit de l'homme sont sujets àvarier, et que les variations sont provoquées directement ou indrrectement par les mêmes causes générales, et obéissentauxmêmes lois que chez les animaux inférieurs. L'homme s'est largement répandu à la surface de la terre; dans ses incessantes migrations ", il doit avoir été exposé aux conditions les plus différentes. Les habitants de la Terre de Feu, du cap de Bonne-Espérance et de la Tasmanie, dans l'un des hémisphères,^ ceux des régions arctiques dans l'autre, doivent avoir traversé bien des climass et modifié bien des fois leurs habitudes avant d'avorr atteint leurs demeures actuelles «. Les premiers ancêtres de l'homme avaient aussi, sans doute, comme tous les autres animau,, une tendance à se multiplier au-delà des moyens de subsistance; ils doivent donc avoir été accidentellement exposés à la lutte pour l'exsstence, et, par conséquent, soumis à l'inflexible loi de la sélection naturelle. Il en résulte que les variations avantageuses de tous genres ont dû être ainsi occasionnellemtnt ou habituellement conservées, et les nuisiblss éliminée.. Je ne parle pas ici des déviations de conformtion très prononcées, qui ne surgsssent qu'à de longs intervalles, mais seulement des différences individuelles. Nous savon,, par exemple, que les muscles qui déterminent les mouvements de nos mains et de nos pieds son,, comme ceux des animaux inférieurs, sujets à une incessanee variabilité ". En conséquence, si on suppose que les ancêtres simiens de l'homm,, habitant une région £el-_

AtltlT^mZt^                       w-Stanley Jevons,

64. Latham, Man and his Migrations, 185l! p. 135.

m. MM. Murie etMivart, dans leur Anatomy of the LemuroUea (Transact. Zoolog. Soc, vol. VII, 1869, pp. 96-98), disent : . Quelques muscles sont si irré-delto,?r lT distribution 1u'?n "e Peut Pas bien les classer dans aucun Srpf dumèmefndivVu                   * ^^ ^ *Ut *** CÔ'és °PP°Sés du

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48                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME . [Ire Partie]

conque, et surtout un pays en voie de changements dans ses conditions,tétaient paraagés en deux troupes égales, celle qui comprenatt les individus lesmieux adaptés, par leur organisation motrice, à se procurer leur subsistance ou à se défendre, a dû fournir la plus forte moyenne de survivants, et produire plus de descendants que l'autre troupe moins favorisée.

Dans son état actuel le plus imparfait, l'homme n'en est pas moins l'animal le plus dominateur qui ait jamass paru sur la terr.. I[ s'est répanuu beaucoup plus largement qu'aucun autre animal bien organisé, et tous lui ont cédé le pas. Il doit évidemment cette immenee supériorité à ses facultés intellectuelles, à ses habitudes sociales qui le condussent à aider et à défendee ses semblables, et à sa conformation corporelle. Le résultat final de la lutte pour l'existence a prouvé l'importance suprême de ces caractères. Les hautes facultés intellectuelles de l'homme lui ont permis de développer le langaee articulé, qui est devenu l'agent principal de son remarquable progrès. a L'anayyse psychooogique du langage démontre, comme le fait remarquer M. Chauncey Wright», que l'usage du langag,, même dans le sens le plus borné, exige bien plus que toute autre chose l'exercice constant des facultés mentales. » L'homme a inventé des armes, des outils, des.piège,, etc., dont il fait un ingénieux emplo,, et qui lui servent à se défendre, à tuer ou à saisrr sa proie ; au moyen desques,, en un mot, il se procuee ses aliments. Il a construit des radeaux ou des embarcations qui lui ont permss de se livrer à la pêche et de passer d'une lie à une autre plus fertiie du voisinag.. 11 a découvett l'art defaire le feu, à l'aide duquel il a pu rendre digestibles des racines dures et filandreuses, et,-innocentes par la cuisson, des plantes vénéneuses à l'état cru. Cette dernière découverte, la plus grand,, sans contredit, après celle du langage, a précédé la première auroee de l'histoire. Ces diverses inventions, qui avaient déjà rendu l'homme si prépondérant, alors même quill était à l'état le plus grossier, sont le résultat direct du développement de ses facultés, c'est-à-dire l'observation, la mémoire, la curiosité, l'imagination et la raison. Je ne puis donc comprendee pourquoi M. Wallace » soutient q que le seul effet qu'att

66.  Limils of naturel selection, North American Review, oct. 1870, p. 295.

67.  Quarterly Heview, avril 1869e p. 392. Ce sujet est plus complètement

remarquable que le professeur Claparède, un des zoologistes les plus distingués d'Europe, a publiée dans la Bibliothèque universelle, juin 1870. La remarque

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* < ' t

[Chap. Il]                MODE DE DEVELOPPEMENT                           49

pu avoir la sélection naturelle a été de douer le sauvage d'un cerveau un peu supérieur à celui du singe. »

Bien que la puissance intellectuelle et les habitudes sociales de l'homme aient pour lui une importance fondamentale, nous ne devons pas méconnaître l'importance de sa conformation corporelle, point auquel nous consacrerons le reste de ce chapitre. Nous discuterons, dans un chapitre suivant, le développement de ses facultés intellectuelles, sociales et morales.

Quiconque sait un peu de menuiserie admet qu'il n'est pas'facile de manier le marteau avec précision. Jeter une pieree avec la justesee dont un Fuégien est capable, soit pour se défendre, soit pour tuer des oiseaux, exige la perlectinn la plus consommee dans l'aciion combinée des muscles de la main, du bras et de l'épaule, sans parler d'un sens tactlle assez fin. Pour lancer une pierre ou une lance, etpour beaucoup d'autres actes, l'homme doit être ferme sur ses pieds, ce qui exige encore la coadaptation parfaite d'une foule de muscles. Pour tailler un silex et en faire l'outil le plus grossier.ou pour façonnrr un os en crochet ou en hameço,, il faut une main parfaite; car, ainsi que le fait remarquer un juge des plus compétents, M. Schooccraft », l'art de transformer des fragmenss de pieree en couteau,, en lances ou en poiness de flèche, dénote a une habileté extrême et une longue pratique ». Le fait que les hommss primitifs pratiquaient la division du travall le prouve surabondamment; chaque homme ne confectionnait pas ses outil* en silex ou sa poteree grossière, mais il paraît que certains indivdus se vouaient à se genre de travaxx et recevaient, sans doute, en échang,, quelquss produits de la chasse. Les archéologues affirment qu'un énorme laps de temps s'est écoulé avané que nos ancêtres aient songé à user la surfaee des silex éclatés pour en faire des outlls polis. Un animal ressemblant à l'homm,, pourvu d'une main et d'un bras assez parfaits pour jeter une pierre avec justesse, ou pour transformer un silex en un outir grossier, pourrait, sans aucun

que je cite dans le texte surprendra tous ceux qui ont lu le travai. célèbre de M. Wallace surVOrigine des Races Aumaines, déduite de la Théorie de la sélection Katurelle,publiée primitivement dans AnthropoloqicalReview.mdX 1864, p. clviii. Je ne puis m'empêcher de citer une remarque très juste faite par sir J. Lubbok sur ce travail ( Prehistoric Times, 1865, p. 479), a savoir que M. Wallace, « avec un désintéressement caractéristique, attribue l'idée de la sélection naturelle

C°6m8PCUé "par M. Lawson Tait, Law ofnalurat sélection, - DuoUn Quarterly Journal of Médical Science, février 1869. Le docteur Keller est aussi cité dans le même but.

s

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50                        LA DESCENDANCE DE L'HOMMK           [!« Partie]

doute, avec une pratique suffisante, en ce qui concerne seulement l'habileté mécanique, effectuerpresquetoutce qu'un homme civilisé-est capabee de faire. On peut, à ce point de vue, comparer la conformation de la main à celle des organes vocaux, qui servent chez les singes à l'émission de cris, de signaux divers, ou, comme chez une espèce, à l'émission de cadences musicaees; tandss que, chez l'homm,, des organss vocaux très semblables se sont adaptés a l'expression du langage articuéé grâce aux effets héréditaires de

examnnons maintenant les plus prochss voisins de l'homm,, et, par conséquent, les représentants les plus fidèles de nos ancêtres primitifs. La main des quaduumanes a la même conformation générale que la nôtre, mais elle est moins parfaitement adaptée à des travaux divers. Cet organe ne leur est pas aussi utile pour la locomotion que les pattes le sont à un chien; c'est ce qu'on observe chez les singes, qui marchent sur les bords externes de la paume de la main, ou sur le revers des doigts repliés, comme l'orang et le chimpanzé ». Leurs mains sont toutefois admirablement adaptées pour grimper aux arbres. Les singes saisissent comme nous de fines branches ou des cordes avec ie pouce d'un côté, les doigss et la paume de l'autre. Ils peuvent aussi soulever d'assez gros objets, porter par exempee à leur bouche le goulot d'une bouteille. Les babouins retournent les pierres et arrachent les racinss avec leurs mains. Ils saissssent à l'aide de leur pouce, opposabee aux doigts, des noisettes, des insectes et d'autres petits objets, et, sans aucun doute, prennent ainsi les œufs et les jeunss oiseaux dans les nids. Les singes amérccains meurtrissent les orangss sauvages, en les frappant sur une branche, jusquàà ce que, l'écorce se fendan,, ils puissent l'arracher avec leurs doigts. D'autres singes ouvrent avec les deux pouces les coqullles des moules. Ils s'enlèvent réciproquement les épines qui peuvent se fixer dans leur peau, et se cherchent mutuellement leurs parasites. A l'état sauvag,, ils brisent a l'aide de cailloux les fruits a coque dure. lis roulent des pierres ou les jettent à leurs ennemis; cependant, ils exécutent tous ces actes lourdement, et il leur est absolument impossible, ainsi que j'ai pu l'observer moi-mêm,, de lancer une pierre avec précision.

Il me paratt loin d'être vrai que, paree que les singes saisissent les objets gauchement, « un organe de préhension moins spécialisé leur auratt rendu autant de services que leurs mains actuelles '». »

69.  Owen, Analomy of ~ertébrales, lit, p. 71.

70.  Cuar^^fc», avril 1869, p. 398.

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[Chap. Il]                MODE DE DÉVELOPPEM'NT                           51

Au contraire, je ne vois aucune raison pour mettre en doutequ'une main plus parfaitement conformee ne leur eût été avantageuse, à la condition, importante à noter, qu'elee n'en fût pas pour cela moins propee à leur permettre de grimper aux arbres. Nous pouvons supposer qu'une main aussi parfaite que celle de l'homme aurait été moins avantageuse pour grimper, car les singes qui se tiennent le plus dans les arbre,, l'Ateles en Amériqu,, le Colubus en Afrique et l'Hylobates en Asie, ont le pouce très rédutt en groseeur, souvent même rudimentaire, et les doigts partiellement adhérents de sorte que leur main est ainsi convertie en simple crochet".

Dès qu'un ancien membee de la grande série des Primates en fut arrivé, soit à cause d'un changement dans le mode de se procurer ses aliments, soit a cause d'une modification dans les conditions du pays qu'il habitait, à vivre moins sur les arbres et davantage sur le sol, son mode de locomotion a dû se modifier ; dans ce cas, il devatt devenrr ou plus rigoureusement quadrupède ou absolument bipède. Les babounss fréquentent les régions accidentées et rocheuses, et ne grimpent sur les arbres élevés que forcés par la nécessité", ils ont acquis presque la démarche du chien. L'homme seul est devenu bipède ; nous pouvon,, je crois, expliquer en partie comment il a acquss son attitude verticale, qui constitue un de ses caractères les plus remarquables. L'homme n'aurait jamais atteint sa position prépondérante dans le monde sans l'usage de ses mains, instruments siadmirablemenp appropriés à obéir à sa volonté.Sir C. Bell" a insisté sur le fait que « la main supplée à tous les instruments, et, par saconnextté avec l'intelligence, elle a assuré à l'homme la domination universelle. x Mais les mains et les bras n'auraient jamass pu devenrr des organss assez parfaits pour fabriqurr des arme,, pour lancer des pierres et des javelots avec précisio,, tant qu'ils servaient habituellement à la locomotion et à supporter le poids du corps, ou tant quiils étaient toutparticulièrement adaptés, comme nous l'avons vu, pour grimprr dans les arbre.. Un service aussi rude aurait, d'alleeurs, émoussé le sens du tact, dont dépendent essentiellement les usages délicass auxquels les doigss sont appro-

71. Chez VHylobales synttactilus, comme le. nom l'indique, deux des doigts sont adhérents; fait qui se représente occasionnellement, à ce que m'apprend M. Blyth, dans les doigts des H. agilis, lar, et leuciscus. Le Colobus estextraor-dinairement actif, et habite exclusivement les arbres (Brehm Thierleben, vol I. p. 50); mais j'ignore si ces singes sont medleurs grimpeurs que les espèces des genres voisins. It est à remarquer que les pieds des paresseux, qui vivent exctusivement sur les arbres, ressemblent absolument à des crochets. . 72. Brehm, Thierleben, vol. I, p. 80.

73. The Hand, ils Mcchanism, etc. Brklrjnvaler Treatise, 1833, p. 38.

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52                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I« Partie]

priés. Ces causes seules auraiett suffi pour que l'attitude verticaee fût avantageuse à l'homm,, mais il est encore beaucoup d'actions qui exigent la liberéé des deux bras et de la partie supérieure du corps, lequel doit pouvorr dans ce cas reposer solidement sur les pieds. Pour atteindee ce résultat fort avantageux, les pieds sont devenus plats, et le gros ortell s'est particulièrement modifié, au prix, il est vra,, de la perte de toute aptitude à la préhnnsion. Le principe de la division du travall physiologique, qui prévaut dans le règne anima,, veut que, à mesure que les mains se sont perfectionnées pour la préhension, les pieds se soient perfectinnnés aussi dans le sens de la stabilité et de la locomotion. Chez quelques sauvagss cependant, le pied n'a pas entièrement perdu son pouvoir préhensile, comme le prouve leur manière de grimper sur les arbres et de s'en servir de diverses autres manières».

Or, s'il est avantageux pour l'homme d'avorr les mains et les bras libres, et de pouvorr se tenir solidemntt sur les pieds, et son succès dans la lutte pour l'existence ne permet pas d'en douter, je ne vois aucune raison pour laquelee il n'aurait pas étéégalement avantageux à ses ancêtres de se redresser toujours davantage, et de devenir bipède.. Ce nouvel état leur permettait de mieux se défendee avec des pierrss ou des massues, d'attaquer plus facilemntt leur proie, ou de se procurer autrement leurs aliments. Lés individss les mieux construits ont dû, à la longue, le mieux réussir, et survivre en plus grand nombre. Si le gorll,e et quelquss espèces voisines s'étaeent éteintes, on auratt pu opposer l'argument assez fort et assez vrai en apparence, qu'un animal ne peutpasser graduellement de l'état de quaduupède à celui de bipède; car tous lesindvvidus se trouvant dans l'état intermédiaire auraient été très mal appropriés à tout genre de locomotion. Mais nous savons (et cela mértte réflexion) que les anthropomorphes se trouvent actuellement dans cette conditinn intermédiaire, sans qu'on puisse contester que, dans l'ensemble, ils soient bien adaptés à leur mode d'existence. Ainsi le gorille court avec une alluee oblique et lourd,, mais plus habituellemtnt il marche en s'appuyant sur ses doigts fléchis. Les singes à longs bras s'en servent quelquefois comme de béqullles, et, en se balançant sur eux, se projettent en avan;; quel-

74. Dans sa Naturliohe Schopfangsgesohichte, 1863, p. 507, Hâeket discute, avec beaucoup d'habileté, les moyens par lesquels l'homme est devenu bipède. Dans ses Conférences sur la théorie darwinienne, 1869, p. 135, Bùchner cite des cas de l'usagé du pied par l'homme comme organe préhensile, et aussi sur le

s

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[ChapPI1].

MODE DE DEVELOPPEMENT                           53

ques Hylobates peuven,, sans qu'on le leur ait appris, marchrr ou courrr debout avec une assez grande rapidité; toutefois leurs mouvements sontgauches etnoont pas la suretéde ceuxde l'homm.. Nous trouvons donc, en somme, diverses gradations chezles singes vivants, entre le mode de locomotion qui est strictement celui du quadrupède, et celui du bipède où de l'homme ; or, comme le fait remarquer un juge compétent », qui n'est animé par aucun esprtt de parti, la conformation des singes anthropomorphes se rapproche plus du type bipède que du type quadrupède.

A mesure que les ancêtres de l'homme se sont de plus en plus redressés, à mesure que leurs mains et leurs bras se modifiaient de plus en plus en vue de la-préhension et d'autres usage,, tandss que leurs pieds et leurs jambes se modifiaient en même temps pour le soutien et la locomotion, une foule d'autres modifications de conformation sont devenues nécessaires. Le bassin a dû s'élargir, l'épine dorsaee se courber d'une manière spécial,, la tête se fixer dans une autre postiion, changements qui se sont tous effectués chez l'homm.. Le professeur Schaafhausen » soutient que a les énormes apophyses mastoïdes du crâne humann sont un effet de son attitude verticale ; » elles n'existent ni chez l'orang, ni chez le chimpanzé, etc,, et sont plus petites chez le gorille que chez l'homm.. Nous pourrions signaerr ici diverses autres conformations qui parasssent se rapporter à l'attitude verticale de l'homm.. Il est difficlle de déterminer jusquàà quel point toutes ces modifications corrélatives ont pour cause la sélection naturelle, et quels peuvent avoir été les résultats des effets héréditaires de l'accrosssement d'usage de quelquss parties, ou de leur action réciproque les unes sur les autres. Il n'est pas douteux que ces causes de changement n'agsssent et ne réagsssent les unes sur les autre.. Ainsi, lorsque certains muscles et les arêtes osseuses auxquelles ils sont attachés s'accroissent rar suited'un usage habituel,celaprouvequ'ils jouent un rôle utile qui favorsse les individss où ils sont le plus développés, et que ces derniers tendent à survivre en plus grand nombre.

L'usaee libre des bras et des main,, en partie la cause et en pariie le résultat de l'attitude verticale de l'homm,, paratt avoir déterminé indirectement d'autres modifications destructure. Les ancêtres primitifs mâles de l'homme étaient probablement, comme

75.Broca,LaCO»S^0»dWr(^^

tobrel868, p. 428. Owen (Anatomy of Vertébrales, vol. II, p. Sol, 1866M) sur les apophyses mastoïdes chez les singes supérieurs.

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54                 * LA DESCENDANCE DR L'HOMEE           [Ire Partie]

nous l'avons vu, pourvus de grosses canine;; mais, dès qu'ils s'habituèrent graduellement à se servsr de pierre,, de massuss ou d'autres armes pour combattre leurs ennemis, ils ont dù de moins en moins se servrr deleursmâchoires et de leurs dents pour cet usage. Les mâchoires, dans ce cas, ainsi que les dents, se sont réduites, comme nous le prouvntt une foule de faits analogues. Nous trouveron,, dans un futur chapitre,™ cas tout à fait paralèèle dans la réduction ou la disparition compèète des caninss chez les rumnants mâles, disparition qui paratt serattacher au développement de leurs cornes, et chez les chevaxx à leur habitude de compter pour se défendre sur leurs incisives et sur leurs sabots.

L'énorme développement des muscles de la mâchoire produtt sur le crâne des singes anthropomorphes mâles adultes, ainsi que Rutimeyertet d'autres savants le constatent, des effets tels que le crâne de ces animaux diffère considérablement et sous tant de rapports, ee celui de l'homm,, et leur donnent l'horrible physionom-e qui les caractérise. Aussi, à mesuee que les mâchoires eï les dents sesont graduellement réduites chez lesancètresdel'homm,,lecrâne adulteee ces derniers&dù se rapprocher chaque jour davantage de celui de l'homme actue.. Une grande diminution des canines chez les mâles a certaineme,t, comme nous le verrons plus loin, affecté par hérédité celles des femelles.

Le cerveau a certainement augmenéé en volume à mesure que les diverses facultés mentales se sont développées. Personne, je suppose, ne doute que, chez l'homm,, le volume du cerveau, relativement à celui du corps, si on compaee ces proportions à celles qui existent chez le gorllle ou chez l'oran,, ne se rattache intimement à ses facultés mentales élevées. Nous observons des faits analogues chez des insectes : chez les fourmis, en effet, les ganglions cérébraxx atteignent une dimension extraordinaire ; ces ganglions sont chez tous les hyménoptères beaucoup plus volumneux que chez les ordres moins intelligen,s, tels que les coléoptères". D'autre par,, personee ne peut supposer que l'intelligence dedeuxammaux ou de deux hommss quelconques puisse être exactement jaugee par la capacité de leur crâne. Il est certain qu'une très pettte masse absolue de substance nerveuee peut développer une très grande activité mentale ; car les instincts si merveilleusement variés, les aptitudss et les affections des fourmss que

77. DieGrenzender Thie7°weU,eineBelrac/ituni}ziiDarwin'sLehre,im,p.5l. .

m tJTTn;Annales, ts soiences naL' 3° série> ZooU*->L XIV> 185°- p-203.

M. Lowne, Anatomy and Physiology of the Muscavomitoria, 1870, p. 14. Mon fils, M. F. Darwin, a disséqué pour moi les gang.ions cérébraux de la Formicarafa.

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[Ciiap. II]                MOEE DE DÉVELOPPEMENT                           55

chacun connaît, ont pour siège des ganglions cérébraux qui n'ateignent pas la grosseur du quart de la tête d'une pettte épingle. A ce dernier point de vue le cerveau d'une fourmi est un des plus merveilleux atomes de matière qu'on puisse concevoir, peut-être même plus merveilleux encore que le cerveau de l'homm..

L'opinion qu'il existe chezl'homme quelque rappott intime entre le volume du cerveau et le développement des facultés intellectuelles repose sur la comparaison des crânes des races sauvages et des races civilisées, des peuples anciens et modernes, et par l'analogee de toutela série des vertébrés. LeDr J. Barnadd Davis » a prouvé, par de nombreuses mesures exactes, que la capacité moyenne interne du cerveau chez les Européens est de 92,3 pouces cubes; 87,5 chez les Américains; 87,1 chez les Asiatiques, et seulement de 81,9 chez les Australiens. Le professeur Broca a démontré que les crânes récents des cimetières de Paris, sont plus grands que ceux trouvss dans les caveaux du XIIe siècle, dans le rappots de 1,484 à 1,426 et que, comme le prouvent les mesures prise,, l'augmentation de grandeur s'est produite exclusivement dans la partie frontale du crâne, siège des facultés intellectuelles. Prichard est convaincu que les habitants actuess de l'Angleterre ont des capacités crânennnes plus spacieuses que ne les avalent les anciens habitants du pay.. Il faut, cependant, admettre que quelquss crânes très ancien,, comme le fameux crâne du Néanderthal, sont bien développés et très spacieux ». Quant aux animaux inférieurs, M. E. Lartet », en comparant les crânes des mammifères tertiaires à ceux des mammifères actuess appartentnt aux mêmes groupe,, estarrivéà la remarquable conclusion que le cerveau est généralement plus grand et les circonvolutions plus complexss chez les formes récentes. J'ai démontré autre part » que le volume du cerveau du lapin domestique a diminué considérablement comparativement à celui du lapin

79.  Philosophical Transactions, 1869, p. 513.

80.  Broca, Les Sélections, Rev.d'Antrop., 1873. C. Vogt, ~eçons sur l'homme, p. 113; Prichard, Phys, History of Mankind, I, 1838, p. 305.

81.  Dans l'intéressant article auquel nous venons de faire allusion, le professeur Broca a fait remarquer avec beaucoup de raison que la moyenne de la

ta lés plus vis,.™*, ,ui ont pu ,„vi„, .„ milieu d. conditions ejtiw.

grande que celle des Français modernes.

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S6                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire pARTIE]

sauvaee ou du lièvre, ce qui peut être attribué à ce que, tenus en captivité pendant de nombreuses générations, les lapins domestiques ont peu exercé leur intelligence, leurs instincts, leurs sens et leur volonté.

Le poids et le volume croissants du cerveau et du crâne chez l'homme ont dû influer sur le développement de la colonne vertébrale qui les supporte, surtout alors qu'il tendatt à se redresser. Pendant que s'effectuatt ce changement d'attitude, la pression interne du cerveau a dû aussi influencer la forme du crâne, lequel, comme beaucoup de faits le prouvent, est facilemntt affecté par des actions de cette nature. Les ethnologistes admettent que le genre de berceau dans lequel on tient l'enfant peut modffier la forme du crâne. Des spasmss muscuaaires habituels et une cicatrice résultant d'une forte brûlure peuvent modffier d'une manière permanente les osde la face. Chez certains jeunss sujets dont la téteà à a suite d'une maladie, s'est fixée de côté bu en arrière, un des yeux a changé de position et la forme du crâne s'est modifiée ; ce qui parait être le résultat d'une pressinn exercée par le cerveau dans une nouvelle directinn ». J'ai démontré que, chez les lapins à longues oreilles, une cause aussi insignifiante que l'est, par exemple, la chute en avant de ces organes, suffit pour entranner dans la même directinn presque tous les os du crâne, qui alors ne correspondent plus exactement à ceux du côté opposé. Enfin, si les dimensions générales d'un animal venaiett à augmenter ou à diminuer beaucoup, sans aucun changement de son activité mentale, ou si celle-ci augmnntait ou diminuaitconsidérablement sans grands changements dans le volume du corps, la forme du crâne serait dans.lssdeux cas certannement modifiée. C'est ce que j'ai dû conclure de mes observations sur les lapins domestiques ; quelquss races sont devenues beaucoup plus grandss que l'animal sauvag,, tandss que d'autres ont à peu près conservé la même taille, et, dans les deux cas cependant, le cerveau a beaucoup diminué relativement à la grosseur du corps. Je fus d'abodp très surpris de trouver que, chez tous ces lapins, le crâne étatt devenu plus long ou dolichocéphale; ains,, j'ai examiné deux crânes offrant presque la même largeu,, l'un provenait d'un lapin sauvag,, l'autre d'une

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docteur Jarrod. (Anthropologia, 1808, pp. 115, 116) indique, d'après Camper et ses propres observations, des cas de modifications déterminées dans le crâne, par ,-ite d'»„e pcition .«ilM.lle imposée à ,. Kl,. Il adm,« <,„, «rtaines

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[ChapP II]                  MODE DE DÉVELOPPEMENT                            8 b7

grande race domestique, le premier n'avatt que 79 millimètres de longueur, et le second 107 millimètres-. La forme du crâne constitue une des distinctions les plus remarquables des diverses races humannes; le crâne, en effet, est allongé chez les unes, arrondi chez les autres; on peut même leur appliqurr en partie ce que nous a suggééé l'exempee des lapins, car Welcker affirme que les hommss, de pettte statuee « penchen, vers la brachycéphelie et ceux de haute tailie vers la dotichocéphalie»; < on peut donc comparer ces derniers aux lapins à corps gros et allongé, qui ont tous le crâne allongé ou qui, en d'autres termes, sont dolichocéphales.

Ces différenss faits nous permettent jusquàà un certain point de saisrr les causes qui ont amené les grandes dimensioss et la forme plus ou moins arrondie du crâne; caractères qui constituent une différence si considérable entre l'homme et les animau..

La nudité de la peau de l'homme constitue une autre différence remarquable. Les baleines-et les dauphnss (Cétacés,, les dugongs (Sirenia) et l'hippopotame sont nus; ce qui peut leur être utile pour glisser facilement dans le milieu aquatique où ils sont appelés à se mouvoir, sans qu'il y ait toutefois chez eux déperdition de chaleur, car les espèces habitant les régions froides sont protégées par un épais revêtement de grassse, qui remplit le même but que la fourruee des phoquss et des loutres. Les éléphanss et les rhinocéros sont presque nus; or, comme certaines espèces éteintes, qui vivaeent autrefois sous un climat arctiqu,, étaient alors recouvertes d'une longue laine ou de poils épais, on pourrait presque affirmer que les espèces actuelles appartenant aux deux genres ont perdu leur revêtement pileux sous l'influenee de la chaleu.. Ceci paratt d'autant plus probable que les éléphanss qui, dans l'Inde, habitent des districts étevésett froids sont plus velus".que ceux des plaines inférieures. Pouvons-nous en conclure que l'homme a perdu son revêtement pileux parce qu'il a primitivement habité un pays tropical? Le fait que le sexe mâle a conservé des poils, principalement sur la face et sur la poitrin.e, et les deux sexes aux jonctions des quatre membres avec le tronc, appuierait cette assertion, en admettant que le poil ait dispauu avant que l'homme ait acquis la position verticale; car ce sont les parties qui ont conservé le plus de poils qui étaient alors le mieux abritées contre l'aciion direcee du solei.. Le sommet de la tête présenee toutefois une curieuee

85. Delà Variation, etc., vol. I, p. 112, sur l'allongement du crâne; p. 114,

^^rsZ^ttt^Un, Anthropologie Review, p. 419, octobre 1868. 87. Owen, Anatoray of Vertébrales, vol. III, p. 619.

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58                       LA DESCENDANCE DE L'HMMEE           [[re Partie]

exception, car il doit, en tout temps, avoir été une des parties les plus exposée,, et cependant les cheveux le recouvrent absolument. Néanmoins le fait que tes autres membres de l'ordee des Primates, auqull appartient l'homm,, bien qu'habitant diverses régions chau- ' des sont couverts de poils, généralement'plus épais à la surfaee supérieure-, est fortement contraire à la supposition que l'homme a perdu ses poils par suite de l'actiondu soleil. M. Belf" croit que sous les tropiques c'est un avantage pour l'homme de perdee ses poils, car il peut ainsi se débarrasser plus facilement de la multitude d'acarus et d'autres parasites qui l'attaquent souvent au point de causer parfois des ulcérations. Mais on peut douter que ce mal soit suffisamment grand pour que la sélection naturelle ait amené la dénudation du corps de l'homm,, car, autatt que je puis le savoir, aucun des nombreux quadrupèdes habitant les pays tropicaux n'a acquis un moyen spécial pour se défendee contre ces attaques. Je suis donc dispoéé à croire, ainsi que nous le verrons à propos de la sélection sexuelle, que l'homm,, ou plutôt la femme primitive, a dû se dépouiller de ses poils dans quelque but d'ornementation; il n'y aurait rien d'étonnant alors à ce que l'homme différât si considérablemtnt par son état de villosité de tous ses voisins inférieurs, les caractères acquss par sélection sexuelee divergeant souvent à un degré extraordinaire chez des formes d'allleuss extrêmement rapprochées.

Selon les idées popuaaires, l'absenee d'une queue distingee éminemment l'homm;; mais ce point nous imporee peu, puisque le même organe fait également défaut aux singes qui, par leur conformation, se rapprochent le plus du type humain. La queue présente souven,, chez les diverses espèces d'un même genre, des différences extraordinaires de longueu.. Chez quelquss espèces de Macaques, par exempe,, la queue est plus longue que le corps entier et se compose de vingt-quatre vertèbres; chez d'autres, elle est réduite à un tronçon à peine visible, ccmposé de trois ou quatre vertèbres. Il y en a vingt-cinq dans la queue de quelquss espèces

88. Isid. Geoffroy Saint-,, i.aire (Hist. na, générale, 1859, t. „, pp. 215-217) remarque que la tête humaine est couverte de longs poils, et qu'aussi les surfaces supérieures des singes etautres mammifères sont plus fortement revêtues de poilsPque les surfaces'inférieures. Divers auteurs l'ont également observé. Le professeur Gervais (Hist.nat. des Mammifère,, 1854, vol. I, p. 28)constate cependant que chez le gorille le poil est plus rare sur le dos, où il est partiellement enlevé par frottement, que sur les surfaces inférieures.

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de Babouins, tandss que celle du Mandrlll ne possède que dix petites vertèbres rabougries ou, d'après Cuvier, quelquefois cinq seulemen"»». La queue, qu'elle soit longue ou courte, s'effile presque toujouss vers son extrémité, ce qui, je présum,, résulte de l'atrophie par défaut d'usage des muscles terminaux, de leurs artères et de leurs nerfs, atrophie qui entraîne aussi celle des os. On n'a jusquàà présent donné aucune explication satisfaisante des grandss différencss qui existent dans la longueur de la queue; peu nous importe, d'allleurs, car nous n'avons a nous occuper ici que de la disparition extéreeure totale de cet appendice. Le professeur Broca' a démontré récemment que, chez tous les quadrupèdes, la queue se compoee de deux parties, entre lesquelles existe d'ordnaire une brusque séparation; la base se compoee de vertèbres, forées plus ou moins parfaitement et pourvues d'apophyses comme les vertèbres ordinaires; les vertèbres qui forment l'extrémité de la queue ne présentent, au contraire, aucune trace de perforation, elles sont presque unies et ne ressemblent guère à de véritables vertèbre.. Bien qu'invisible extérieurement, la queue n'en existe pas moins chez l'homme et chez les singes anthropomorphes; elle est identique au point de vue de la conformation chez les deux espèces. Les vertèbres qui composett l'extrémité de cet appendice et qui constituent l'os coccyx sont rudimentaires et très réduites en grandeur et en nombre. Les vertèbres de la base sont aussi en petit nombre, elles sont soudées les unes aux autres et ont subi un arrêt de développement; mais elles sont devenues beaucoup plus larges et beaucoup plus plates que les vertèbres correspondantes de la queue des animaux et constituent ce que Broca appelle les vertèbres sacrées accessoires. Ces vertèbres ont une importance fonctionnelee assez considérable en ce qu'elles soutiennent certaines parties intérieures et rendent quelques autres service;; les modifications qu'ellss ont subies sont, d'ailleurs, directement en rappott avec l'attitude droite ou demi-droite de l'homme et des singes anthropomorphes. Cette conclusion est d'autant plus acceptable que Broca lui-même avatt autrefois une autre opinion que de nouvelles recherches l'ont condutt à abandnnner. Il en résulte que les modifications qu'ont subies les vertèbres de la base de la queue chez i'homme et chez les singes anthropomorphes ont pu être amenées directement ou indrrectement par la sélection naturelle.

90. M. Saint-George, Mivart, Proc. Zoolog. Soc, 1865, pp. 562, 583. Docteur J.-iE. Gra/. Oatal BrU Mus. : Skeleton, Owen, Anat. of Vertebrate,, II, p. 517.

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60                          LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Partir]

Mais comment expiiqurr l'état des vertèbres rudimentaires et variables de la partie extrême de la queue, vertèbres qui consttuent l'os eoccyœ? On a souvent tourné en ridicule, et on le fera sans doute encore, l'hypothèse en vertu de laquelle la friction a joué un rôle dans la disparition de la partie extérieuee de la queue; or, cette hypothèse n'est pas si ridicule qu'elle peut le paraître au premier abord. Le Dr Anderson» affirme que la queue si courte duMacacSs brunneus se compoee de onze vertèbres, y comprss les vertèbres de la base enfoncés dans le corps. L'extrémité, composée de tendon,, ne contient aucune vertèbre ; viennent ensuite cinq vertèbres rudimentaires repliées d'un côté en forme de crochet et si petites qu'elles n'ont guère, prises toutes ensemble, que 2 millim-tres de longueu.. La partie libre de la queue, qui n'a guère en tout que 25 millimètres de longueur ne contien,, en outre, que quatre autres petites vertèbres. Cette petite queue est droite ; mais un quatt environ de sa longueur totale se replie à gauche sur lui-mêm;; cette partie terminale, qui comprend la partie en forme de croche,, sert aà remplir l'intervalle qui existe entre la portion divergente supérieuee des callosités », de sorte que l'animal s'assied sur sa queue ce qui la rend rugueuse et calleuse. Le Dr Anderson résume ainsi ses observations : « Il me semble que ces faits ne peuvent s'expliquer que d'une seule façon : cette queue, à cause même de son peu de longueur, gêne le singe quand il s'assied et se loge fréquemment alors sous l'animal; le fait que la queue ne s'étend pas au-delà de l'extrémité des tubérosités ischialss semble indiquer que l'animal, dans le principe, la recourbait volontairement pour la loger dans l'intervalle qui existe entre les callosités de façon qu'elle ne soit pas pressée entre ces dernières et te sol; puis, dans le cours des temps, cette courbuee devint permanente et la queue se loge d'elle-même à l'endroit approprié quand l'animal s'assied. » Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que la queue soit devenue rugueuse et calleuse. Le D~ Mûrie»', qui a étudié attentivement, au Jardin zoologqque, cette espèce et trois espèces très voisines ayant une queue un peu plus longue, dit que a la queue se place nécessairement à côté des fesses quand l'animll s'assied, et que la base de l'organe, quelle que puisse être, d'allleurs, sa longueu,, est exposée à de nombrexx frottements. » Il est aujoud'hui démontré que les mutilations produisent parfois des effets héréditaires"; il n'est donc pas absolument improbable que chez

. 9J1 ^oo.Zoolog.Soc.,mZ,p.210.

93.  Proc. Zoolog. Soc; 1872, p. i86.

94.  Je faisallusion aux observations du docteur Brown-Séquard sur les effets

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[Chap. II]                MODE DE DÉVELOPPEMENT                           61

les singes à courte queue, la partie extéreeure de cet appendice, exposée à un frottement et à des lésions continuelles et désormais inutile au point de vue fonctionnel, soit, après de nombreuses générations, devenue rudimentaire ou qu'elle se soit déformé.. La partie extérieuee de la queue est déformée chez le Macacus brun-neus; elle eestbsooument atrophiée chez le M. ecaudatuset chezpu-sieurs singes supéreeurs. Autant donc que nous pouvons en juge,, la queue a dispauu chez l'homme et chez les singes anthropomorphes par suite des frictions et des lésions auxquelles elle a été exposée pendant de longues périodes; en outre, la base enfouie dans le corps a diminué de volume et s'est modifiée pour se mettre en rappott avec la postuee droite ou demi-droite.

J'ai cherché à démontrer que la sélection naturelle a, selon toute probabilité, amené directement, ou plus habituellemtnt de façon indirecte, la production des principaux .caractères distinctifs de l'homm.. Rappelons-nous que la sélection naturelle ne peut produire des modifications de structure ou de constitution qui ne rendent aucun service à un organisme pour l'adapter à son mode de vie, aux alimenss qu'il consomm,, ou passivement aux conditions dans lesquelles il se trouve placé. Il ne nous appartient pas, cependant, d'indiquer avec trop d'assurance quelles sont les modffications qui peuvent être avantageuses à chaque être; car notre ignorance est si grande que nous ne saurions déterminer l'usage de nombreuses parties, et la natuee des changements que peuvent subir le sang et les tissus pour adapter un organisme à un nouveau climat ou à une alimentation différente. Nous devons aussi tenir compte du principe de la corrélation qui relie les unes aux autre,, comme Isidoee Geoffroy l'a démontré au sujet de l'homm,, bien des déviations étrangss de structure. Indépendamment de la corrélatio,, un changement dans une partie peut entraîner des modfications tout à fait inattendues dans d'autres parties, modiiications dues à l'augmentation ou à la diminution d'usaee de ces parties. Il faut aussi réfléchir avec soin à des phénomènes tels que la merveilleuse croissanee des galles, provoquées chez les plantes par la piqûre d'un insecte; ou tels que les changements remarquables de

héréditaires d'une opération qui provoque l'épilepsie chez les cochons d'Inde et à des recherches plus récentes sur les effets héréditairese causés parla section

Variation des Animaux et des Plantes, vol. I, eh. XII.

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62                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [|re Pa„tik]

couleur déterminés chez les perroquets quand on les nourrtt avec certains poisson,, ou qu'on leur inocule le poison de certanss crapaud"»- car ces phénomènes nous prouvent que les fluides du système, altérés dans un but spécia,, peuvent provoquer d'autres changements. Nous devons nous rappeler surtout que des modffications acquises, qui ont continuellement rendu des services dans le passé, ont dû probablement se fixer et devenrr héréditaires.

On peut donc, avec certitude, attribuer aux résultats direcss et indirecss de la sélection naturelle une importance très grande bien que non définie; mais, après avoir lu l'essat de Nageii sur les plantes, et les observations faites par divers auteuss sur les animau,, plus particulièrement celles récemment énoncées par le professeur Broca, j'admets maintenant que, dans les premières éditions de f'Origine des- espèces, j'ai probablement attribué un rôle trop considérable à l'action de la sélection naturelle ou à la persistance du plus apte. J'ai donc modifié la cinquèème édiiion de cet ouvrage de manière à limiter mes remarques aux adaptations de structure; mais je suis convaincu, et les recherches faites pendant ces quelques dernières années fortifient chez moi cette conviction, qu'on découvrira l'utilité de beaucoup de conformations qui nous paraissent aujourd'hui inutilss et qu'il faudra, par conséquent, les faire rentrer dans la sphèee d'aciion de la séleciion naturelle. Néanmoins je n'ai pas, autrefois, suffisamment appuyé sur l'existence de beaucopp de conformations qui, autant que nous en pouvons juge,, parasssent n'être ni avantageuses ni nuisibles; et c'est là, je crois, l'une des omissions les plus graves qu'on ait pu releve,, jusquàà présen,, dans mon ouvrag.. Qu'il me soit permss de dire comme excuse que j'avais en vue deux objets distincts : lepremier, de démontrer que l'espèce n'a pas été créée séparément, et le second, que la sélection naturelle a été l'agent modificateur principal, bien qu'elee ait été largement aidée par les effets héréditaires de l'habitude, et un peu par l'action directe des conditions ambiantes. Toutefoisjen'aipu m'affranchir suffisamment de l'influenee de mon ancienne croyance, alors généralement admise, à la création de chaque espèce dans un but spécia;; ce qui m'a condutt à supposer tacitement que chaque détall de conformation, les rudiments exceptés, devatt avoir quelque utilité spécial,, bien que non reconnue. Avec cette idée dans l'esprit, on est naturellement entranéé à étendre trop loin l'action de la sélection naturelle dans le passé ou dans le présen.. Quelques-uns de ceux qui admettent le principe de l'évo-

to. La Variation de, Animât*, olc, vol

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[Chap. lt]                MODE DK DÉVELOPPEMENT                           63

lution, mais qui rejettent la sélection naturelle, parasssent oublier, en critiquant mon ouvrage, que j'avais les deux objets précités en vue; donc, si j'ai commis une erreu,, soit, ce que je suis loin d'admettre, en attribuant une grande puissanee à la sélection naturelle, soit, ce qui est probable en soi, en exagérant cette puisaance, j'espère au moins avoir rendu quelque service en contribuant à renverser le dogme des créations distinctes.

Il est probable, je le comprenss maintenant, que tous les êtres organisés, l'homme compris, présentent beaucoup de particularités de structure qui n'ont pour eux aucune utilité dans le présent, non plus que dans )e passé, et qui n'on,, par conséquent, aucune importance physiologique. Nous ignorons ce qui amène chez les individus de chaque espèce d'innombrables petites différence,, car le retour ne fait que reculer le problème de quelques pas ; mais chaque particularité doit avoir eu une cause efficiente propre. Si ces cause,, quelles qu'elles puissett être, agissaient plus uniformément et plus énergiquement pendant une longue période (et il n'y a pas de raison pour que cela n'arrive pas), il en résulterait probablemen,, non plus une légère différence individuel,e, mais une modfication constante et bien prononcée qui n'aurait, cependant, aucune importance physiologiq.e. La sélection naturelle n'a certes pas contribéé à conservrr l'uniformité des modifications qui ne présentaient aucun avantage, bien qu'elee ait dû éliminer toutes celles qui étaient nuisibles. L'uniformité des caractères résulterait néanmoins naturellement de l'uniformité présumee de leurs causes détermnantes, et aussi du libre entre-croisement d'un grand nombee d'individu.. Le même organisme pourrait de cette manière acquér,r, pendant des périodss successives, des modifications successives, qui se transmettraient à peu près uniformément tant que les causes agissantes resteraient les mêmes, et tant que l'entreccroisement resterait libre. Quant aux causes déterminantes, nous ne pouvons que répéter ce que nous avons dit en parlant des prétendues variations spontanées, c'est qu'elles se rattachent plus étroitement à la constitution de l'organisme variable qu'à la natuee des condiiions auxquelles il a été soumis.

Résumé. - Nous avons vu dans ce chapitre que, de même que l'homme actuel est sujet, comme tout autre anima,, à des différences individuelles multiformes ou à de légères variations, ses premiers ancêtres l'on,, sans aucun doute, également été; ces vara-tions ont été, alors comme aujourd'hui, prévoquées par les mêmes cause,, et réglées par les mêmes lois générales et complexes.

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64 .                LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire Partie]

Comme tous les animaxx tendent à se multiplier au-delà de leurs moyens de subsistance, il a dû en être de môme des ancêtres de l'homm,, ce qui a inévitablement condutt ces derneers à la lutte pour l'existence et à la séleciion naturelle. Les effets héréditaises de l'augmentation d'usage de certannes parties ont dû, en outre, donner une vigueur plus considérable à l'aciton de la sélection naturelle; les-deux phénomènes, en effet, réagsssent constamment l'un sur l'autre. Il semble auss,, comme nous le verrons plus loin, que la sélection sexuelle a déterminé chez l'homme la formation de plusieuss caractères insignifiants. On doit attrbbuer à l'action uniforme présumée de ces influences inconnues, qui provoquent quelquefois chez nos animaux domestiques de brusques et profondss déviations de conformation, certaines autres modiiications assez importantes peut-être, qu'il est impossible d'expliquer par l'action des causes précédemment indiquées.

A en juger d'après les habitudes des sauvagss et de la plupatt des quaduumanes, les hommss primitifs, nos ancêtres simio-h--mains, vivaiett probablement en société. Chez les animaux rigoureusement sociables, la sélection naturelle agit parfois sur l'individu, en conservant les variations qui sont utiles à la communauté. Une association comprenant un grand nombee d'indvvidus bien doués augmenee rapidement et l'emporte sur les autres associations dont les membres sont moins bien doués, bien que chacun des individus qui composett la première n'acquière peut-être aucune supériorité sur les autres membres. Les insectes vivant en communauté ont acquss de cette façon pluseuurs conformations remarquables qui ne rendent que peu ou point de service à l'indvidu, telles que l'appareil collecteur du pollen, l'aiguillon de l'abellee ouvrière, ou les fortes mâchoires des fourmss soldats. Je ne sache pas que, chez les animaux sociables supérieurs, aucune conformtion ait été modfiiée exclusivement pour le bien de la communau,é, bien que quelques-unes de ces conformations rendent à la communauéé des services secondaires. Les ruminanss mâles, par exemple, ont sans doute acquss des cornes et les babouins mâles, de fortes canines pour lutter plus avantageusement avec leurs rivaux afin de s'emparer des femelles, mais ces armes n'en servent pas moins aussi à la défense du troupeau. Le cas est tout différent quand il s'agtt de certaines facultés mentales, ainsi que nous le verrons dans le cinquième chapitre; ces facultés, en effet, ont été princpalemen,, ou même exclusivement acquises pour l'avantage de la communau,é, et les individss qui la composent en tiren,, en même temp,, un avantage indirec..

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[Chap. !I]                MODE DE DEVELOPPEMENT                     . 65

On a souvent objecté aux théories que nous venons d'exposer, que l'homme est une des créatures le plus hors d'état de pourvorr à ses besoins, le moins apte à se défendre, qu'il y ait dans le monde; et que cette incapacité de subvenrr à ses besoins devatt être plus grande encore pendant la période primitive, alors qu'il étatt moins bien développé. Le duc d'Àrgyll », par exemple, insiste sur ce point que « la conformation humaiee s'est éloignée de celle de la brute, dans le sens d'un plus grand affaiblissemene physique et d'une plus grande impusssance. C'est-àddire qu'il s'est produtt une divergence que, moins que toute autre, on peut attribuer à la simple sélection naturelle ». Il invoque l'état nu du corps, l'absenee de grandss dents ou de griffes propres à la défense, le peu de force qu'a l'homm,, sa faible rapidité à la course, l'insuffisance de son odora,, insufiisanee telle qu'il ne peut se servir de ce sens, ni pour trouvrr ses alimenss ni pour éviter le dange.. On pourrait encore ajouter à ces imperfections son inaptitude à grimprr rapidement sur les arbres pour échapprr à ses ennemis. Quand on voit les Fuégiens résister sans vêtemenss à leur affreux clima,, on comprend que la perte des poils n'att pas été nuisible à l'homme primitif, surtout s'il habitait un pays chàud. Lorsque nous comparons l'homme sansdéfense aux singes qui, pour la plupart, possèdent de formidables canines, nous devons nous rappeler que ces dents n'atteigntnt leur développement complet.que chez les mâles seuls, et leur servent principalement pour lutter avec leurs rivaux, les femelles, qui en sont privées, n'en subsistant pas moins.

Quant à la force et à la taille, nous ne savons si l'homme descend de quelque petite espèce, comme le chimpanzé, ou d'une espèce aussi puissanee que le gorille; nous ne saurions donc dire si l'homme est devenu plus grand et plus fort, ou plus pettt et plus faible que ne l'étaient ses ancêtres. Toutefois nous devons songer qu'il est peu probabee qu'un animal de grande taille, fort et féroce, et pouvant, comme le gorlle,, se défendee contee tous ses ennemis, puisse devenrr un animai sociable; or ce défaut de sociabilité auratt certainement entravé chez l'homme le développement de ses qualités mentales d'ordee élevé, telle que la sympathie et l'affection pour ses semblables. Il y auratt donc eu, sous ce rapport, un immenee avantage pour l'homme à devorr son origine à un être comparativement plus faible.

Le peu de force corporelle de l'homm,, son peu de rapidité de locomotion, sa privation d'armss naturelles, etc., sont plus que

96. Primeval Man, 1869, p. 66.

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66                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IMPartie]

compensés, 'premièrement, par ses facultés intellectuelles, qui lui ont permis, alors qu'il était à l'état barbare, de fabriquer des arme,, des outils, etc.; et, secondement, par ses qualités.socia)es, qu'il l'ont condutt à aider ses semblables et à en être aidé en retou.. Il n'y a pas au monde de pays qui abonde autant en bêtes féroces que l'Afrique méridionale; pas de pays où les privations soient plus grandes, la vie plus rude, que dans les régions arctiques, et cependant une des races les plus chétives, celle des Boscbimans, se maintient dans l'Afrique australe, de même que les Esquimaux, qui sont presque'des nain,, dans les régions polaires. Les premiers ancêtres de l'homme'étaient sans doute inférieurs, sous le rapport de l'intelligence et probablement des dispositions sociales aux sauvagss les plus infimes existant aujourd'h;i; mais on comprend parfaitement qu'ils puissent avoir existé et même prospéré, si, tandis qu'ils perdaient peu à peu leur force brutaee et leurs aptttudes animales, telles que celle de grimprr sur les arbre,, etc., ils avançaient en même temps en intelligence. D'ailleurs, en admetant même que les ancêtres de l'homme aient été plus dénués de ressources et de moyens de défense que les sauvagss actues,, ils n'auraient été exposés à aucun danger particulier s'ils avaient habité quelque continent chaud, ou quelque grande !le, telle que l'Australie, la Nouvelle-Guinée, ou Bornéo qui est actuellement habité par l'oran.. Sur une surfaee aussi considérable que celle d'une de ces îles, la concurrence entre les tribus auratt été suffisante pour élever l'homm,, grâce à la sélection naturelle, jointe aux effets héréditaires de l'habitude, à la hauee posiiron qu'ii occupe actuellement dans l'échelee de l'organisati.n.

CHAPITRE III

COMPARAISON DES FACULTÉS MENTALES DE L'HOMME AVEC CELLES DES ANIMAUX INFÉRIEURS

lapuissancementaledusingeleplusélevéetce.ledus

Nous avons vu, dans les deux derniers chapitres, que la conformation corporelle de l'homme prouve clairement qu'il descend d'un type inférieu;; on peut objecte,, ilestvra,, que l'homme diffère si

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[ChapP III]                      FACULTÉS MENTALES                                   67

considérablement de tous les autres animaux par le développement de ses facultés mentales que cette conclusion doit être erroné.. Il n'y a aucun doute que, sous ce rapport, la différence ne soit immense, en admettant même que nous ne comparions au singe le mieux organisé qu'un sauvage de l'ordee le plus infime, qui n'a point de mots pour indiqurr un nombre dépassant quatre, qui .ne sait employrr aucun terme abstratt pour désigner les objets les plus communs ou pour exprimer les affections les plus chères '. La différenc,, sans doute, resterait encore immense si même on comparatt le sauvage à un des singes supéreeurs, amélioré, civilisé, amené par l'éducation à occupe,, par rappott aux autres singes, la position que le chien occupe aujourd'hui par rappott à ses ancêtres primordiaux, le loup et le chaca.. On fange les Fuégiens parmi les barbares'lesslùs grosseers; cependant, j'ai toujouss été surpris, à bord du vaisseuu le Beagle, de voir combien trois naturels de cette 'race, qui avaient vécu quelquss années en Angleteree et parlaient un peu la langue de ce pays, nous ressemblaient au point de vue du caractère et de ta plupatt dés facultés intellectuelles. Si aucun être organisé, l'homme excepté, n'avatt possédé quelquss facultés de cet ordre, ou que ces facultés eussent été chez ce dernier d'une natuee tou,e différenee' de ce qu'elles sont chez les animaux infé-

tes

rieur,, jamass nous n'aurions pu nous convanncre que nos haute facultés sont la résultante d'un développement graduel. Mais on peut facilement démontrer qu'll n'exsste aucune différence fondamentale de ce genre. Il faut bien admettre aussi qu'll y a un intervalle infiniment plus considérable entre les facultés intellectuelles d'un poisson de l'ordee le ptus-inféreeur, tel qu'une lamproie ou un am-phicxus,- et celle de l'un des singes les plus élevés, qu'entre les facultés intellectuelles de celui-ci et celles de l'homm;; cet intervalle est, cependant, comblé par d'innombrables gradations

D'ailleurs, à ne considérer que l'homm,, la distanee n'est-elle pas immenee au point de vue moral entre un sauvag,, tel que celui dont paree l'ancien navigateur Byron, qui écrasa son enfant contre un rocher parce qu'il avait laissé tomber un panier plein d'oursins, et un Howadd ou un Clarkson; au point de vue intellectuel, entre un sauvage qui n'empooie aucun terme abstrait, et un Newton ou un Shakespea?e? Les gradations les plus del.cates relient es différences de ce genre, qui existent entre les hommes les plus éminenss des races les plus élevées et les sauvagss les plus grossiers. Il est donc possible que ces facultés intellectuelles ou mo-

. 1. Voir tes preuves sur ces points dans Lubbock, Prehistoric Times, p. 354,etc.

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68                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

raies se développent et se confondent les unes avec les autre..

J'ai l'intention de démontrer dans ce chapitre qu'il n'existe aucune différenee fondamentale entre l'homme et les mammifères les plus é)eyés, au point de vue des facultés intellectuelles. Je suis forcé de traiter brièvement ici les principaux côtés de ce sujet, dont chacun auratt pu faire l'objet d'un chapitre séparé. Aucune classification des facultés intellecuuelles n'a encore été universellement adoptée; je disposerai donc mes remarques dans l'ordee qui convient le mieux au but que je me propose, en choisissant les faits qui m'ont le plus frapp,, avec l'esporr qu'ils produiront quelqu" effet sur l'esprtt de mes lecteur..

Certains faits prouvent que les facultés intellectuelles des animaux placés très bas sur l'échelee sont plus étevéës qu'on ne le croit ordinairement; je me réserve de signaerr ces faits lorsque j'aborderai l'étude de la sélection sexuelle. Je me contenterai de citer ici quelquss exemples de la variabilité des facuttés chez les indivdus appartentnt à une même espèce, ce qui constitue pour nous un point important. Mais il seratt superflu d'entrer dans de trop longs détails sur ce poin,, car mes recherches m'ont amené à reconnaître que tous ceux qui ont longuement étudié des animaux de bien des espèces, y compris les oiseaux, pensent unanimement que les individus diffèrent beaucoup au point de vue de leurs facultés intellectuelles. 11 seratt tout aussi inutile de rechercher comment ces facultés se sont, dans le princppe, développées chez les formes inférieures, que de rechercher l'origine de la vie. Ce sont là problèmes réservés à une époque futuee encore bien éloignée, si toutefois l'homme parvient jamass à les résoudre.

L'homme possède les mêmes sens que les animaux, ses intuitions fondamentales doivent donc être les mêmes. L'homme et les ani-maux-ont quelquss instincss communs : l'amour de la vie, l'amour sexue,, l'amour de la mère pour ses petiss nouveau-nés, l'aptitude de ceux-ci pour téter, et ainsi de suite. L'homm,, cependant, a peut-être moins d'instincts que n'en possèdent les animaux qui, dans la série, sont ses plus prochss voisins. L'orang, dans les !ies de la Sonde, et le chimpanze, en Afrique, construisent des plates-formes où ils se couchent pour dormir; les deux espèces ont une même habitude, on peut donc en conclure que c'est là un fait dû à l'instinct, mais nous ne pouvons affirmer qu'il ne résulte pas de ce que ces deux espèces d'animaux ont éprouvé les mêmes besoins et possèdent les mêmes facultés de raisonnemené. Ces singes, ainsi que nous pouvons l'admettre, savent reconnaître les nombruxx frutts vénéneux des tropiques, faculté que l'homme ne possède

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[Chap. III]                     FACULTÉS MENTALES                               69

pas; mais, comme les animaux domestiques, lorsqu'on les met en liberéé au printemps, mangent souvent des herbes vénéneuses qu'ils évitent ensuite, nous ne pouvons pas non plus affirmer que les singes n'aient pas appris, par leur propre expérience ou par celle de leurs parents, à reconnaître les fruiss qu'ils doivent choisir. I) est toutefois certain, comme nous allons )e voir, que les singes éprouvntt une terreur instinctive à la vue des serpenss et, probablemene, d'autres animaxx dangereux.

Le pettt nombee et la simplicité comparative des instincss chez les animaxx supérieurs contrastent remarquablement avec ceux des animaux inférieurs. Cuvier soutenait que l'instinct et l'intelligence sont en raison inverse; d'autres ont pensé que les facultés intellectuelles des animaux élevés ne sont que des instincts graduellement développés. Mais Pouchef a démontré dans un mé-moire intéressant qu'il n'existe réellement aucune raison inverse de ce genre. Les insectes qui possèdent les instincts les plus remarquables sont certainement les plus intelligents. Les membres les moins inteliigents de la classe des vertébrés, à savorr les poissons et les amphibies, n'ont pas d'instincts compiiqués; et, parmi les mammifères, l'animal le plus remarquable par les siens, le castor, possède une grande intelligence, ainsi que l'admettent tous ceux qui ont lu l'excellent travail de M. Morgan' sur cet anima..

M. Herbett Spencer' soutient que tes premières lueurs de l'intelligence se sont développées paraa multiplication et la coordination d'actions réflexes; or, bien que la plupatt des instincts les plus simples se confondent avec les actions réflexes, au point qu'il est presque impossible de les distinguer les uns des autres, la succion, par exemple, chez les jeunes animau,, les instincts plus complexes parasssent, cependant, s'êtee formés indépendamment de l'intelli-. gence. Je suis toutefois très éloigné de vouloir nier que des actions instinctives puissent perdee leur caractère fixe et naturel, et être rempaacées par d'autres accomplies par la libre volonté. D'autre par,, certains actes d'intelligence, - tels, par exempe,, que.celui des oiseaux des îles de l'océan qui apprennent à éviter l'homm,,-peuven,, après avorr été pratiqués pendant plusieuss générations, se transformer en instincts, héréditaires. On peut dire alors que ces actes ont un caractère d'infériorité, car ce n'est plus la raison ou l'expérience qui les fait accomplir. Mais la plupatt des instincts plus complexss parasssent avoir été. acquss d'une manèère toute

2.  L'Instinct chez les Insectes (Revue des Deux Mondes, février 1870, p. 690).

3.  The American Beaver and his Works, 1868.

4.  The Principe.of Psychology, 2« édit., I870, pp. 418-443.

s

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70                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [I"-Partie]

différente, par la sélection naturelle des variations d'actes instinctifs plus-simples. Ces variations parasssent résulter des mêmes causes inconnuss qui, occasionnant de légères variations ou des différences individuelles dans les autres parties du corps, agissent de même sur l'organisation cérébrale, et déterminent des changements que,' dans notre ignorance, nous considérons comme spontanés. Je. ne crois pas que nous puissions arriver à une autre conclusion sur l'origiee des instincss les plus complexes, lorsque nous songeons à ceux des fourmss ou des abeilles ouvrières stériles, instincts d'autant plus remarquables que les individss qui les possèdntt ne laissent point de descendants pouc hériter des effets de l'expérience et des habitudes modiiiée..

Bien qu'un degré élevé d'intelligence soit certainement compatible avec l'existence d'instincts complexe,, comme nous le prouve l'exempee du castor et des insectes dont nous venons de parler, et bien que les actions dépendatt d'abodd de la volonté puissent ensuite être accomplies grâce à l'habitude avec la rapidité et la sûreéé d'une action réflexe, il n'est cependant pas improbable qu'il existe une certanee opposition entre le développement de l'intelligence et celui de l'instinct, car ce dernier impiique certaines modifications héréditaires du cerveau. Nous savons bien peu de chose sur .les fonc-, tions du cerveau, mais nous pouvons concevoir que, à mesure que les facultés intellectuelles se développent davantage, les diverses parties du cerveau doivent être en rapports de communications plus complexes, et que, comme conséquence, chaque portion distincte doit tendee à devenrr moins apte à répondee d'une manière définie et héréditaire,.c'est-à-dire instinctive, à des sensatioss particulières. Il semble même y avoir certains rapports entre une faible intelligence et une forte tendanee à la formation d'habitudes fixes, mais non pas héréditaires ; car, comme me l'a fait remarquer un médecin très.sagace, les personnes légèrement imbécilss tendent à se laisser guider en tout par la routine ou l'habitude, et on les. rend d'autant plus heureuses qu'on encourage cette disposition.

J'ai cru devoir faire cette digression parce que nous pouvons aisémntt estimer au-dessous de sa valeur l'activité mentale des animaux supérieurs et surtout de l'homm,, lorsque nous comparons leurs actes, basés sur la mémoire d'événements passés, sur la prévoyance, la rasson et l'imagination, avec d'autres actes tout à fait semblables accomplis instinctivemtnt par des animaxx inférieurs. Dans ce dernier cas, l'aptitude à accomplir ces actes a été acqusse graduellement, grâce à la variabilité des organss mentaux et à la sélection naturelle, sans que, dans chaque génération successive,

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[Chap.IÏI]                    FACULTÉS MENTALES                                71

l'animal en ait eu conscienee et sans que l'intelligence y ait aucune par.. Il n'y a pas à douter, ainsi que le soutient M. Wallace', qu'une grande part du travail intellectuel effectué par l'homme ne soit due à l'imitation et non à la raison; mais il y a, entre les actes de l'homme et ceux des animau,, cette grande différence que l'homme ne peut pas, malgéésa facutté d'imitation, fabriqurr d'emblée, par exemple, une hache en pierre ou une pirogu.. Il faut quill apprenee à travailler; un castor, au contraire, construit sa digue ou son cana,, un oiseau fait son nid, une araignee tisse sa toile mervelleeuse, presque aussi bien ou même tout aussi bien dès son premier essai que lorsqulil est plus âgé et plus expérimenté».

Pour en revenrr à notre sujet immédiat : les animaux inférieurs, de même que l'homm,, ressentent évidemment le plaisir et la douleur, le bonheur et le malheu.. On ne sauratt trouver une expression de bonheur plus évidente que celle que manffestent les petits chiens, et les petiss chats, les agneau,, etc,, lorsque, comme nos enfants, ils jouent les uns avec les autre.. Les insectes eux-mêmss jouent les uns avec les autre,, ainsi que l'a démontré.un excellent observateur P. Huber', qui a vu des fourmss se poursuivre et se mordiller, comme le font les petiss chiens.

Le fatt que les animaux sont aptes à ressentir les mêmes émotions que nous me paratt assez prouvé pour que je n'aie pas à importuner mes lecteuss par de nombreux détail.. La terreur agit sur eux comme sur nous, elle cause un trembeement des muscees, des palpitations du cœur, le relâchement des sphincters, et le redressement des poils. La défiance, conséquenee de la peur, caractérise éminemment la plupart des animaux sauvages. Il est, je crois, impossible de lire la description que fait sir.E. Tennent de la conduite des éléphants femelles, dresséss à attirer les élépbants.sauvages, sans admettre qu'elles ont parfaitement l'intention de tromper ces derniers et qu'elles savent parfaitement ce, qu'elles font. Le courage et la timidité sont extrêmement variables chez les individus d'une même espèce, comme on peut facilement l'obsevver chez nos chiens. Certains chiens et certains chevaux ont un iW vais caractère et boudent aisémen,, d'autres ont bon caractère; toutes ces qualités sont héréditaires. Chacun sait combien les animaux sont sujets aux colères furieuse,, et combien ils lé manifestent clairement. On a pubiié de nombreuses anecdotes probablement

5.  Co7tributions lo the Theorv of Naturel Selection, 1870, p. 212.

6.  Pour ,es preuves sur ce pU voir ,e très intéressan/ouvrage de M.,. Traherne Moggridge, Farvestiny ants, and trap-doors spiders, 1873, pp. 126-128.

7.  Recherches sur les mœurs des fourmis, 1810, p. 173.

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72                 . LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I« Pabtie]

vraies/sur les vengeances habiles et souvent longtemps différées de divers animaux. Rengger et Brehm' affirment que les singes américains et africanss qu'ils ont apprivoisés se vengeaient parfois. Sir Andrew Smith, zoologiste dont chacun admet l'exactitude absolue, m'a raconéé le fait suivant dont il a été témoin oculaire : un officier, au cap de Bonne-Espérance, prenatt plaisrr à taquiner un baboun;; un dimanche, l'animal, le voyant s'approcher en grand uniforme pour se rendee à la parad,, se hâta de délayer de la terre et, quand il eut fait de la boue bien épaisse,' il la jeta sur l'officier au moment où celui-ci passait; depuss lors, le babounn prenatt un air triomphant dès quill apercevait sa victime.

L'amitié du chien pour son maître est proverbiale; et, comme )e dit un vieil écrivain» : a Le chien est le seul être sur cette terre qui vous aime plus qu'il ne s'aime lui-même. »

On a vu un chien à l'agonee caresser encore son maître. Chacun connatt le fait de ce chien, qui, étant l'objet d'une vivisection, léchatt la main de celui qui faisait l'opérationh cet homme, à moins d'avorr réalisé un immense progrès pour la science, à moins d'avorr un cœur de pierre, a dû toute sa vie éprouver du remords de cette aventure.

Whewe'°" se demande avec beaucoup de rasson : < Lorsqu'on lit les exemples touchants d'affection maternelle qu'on raconte si souvent sur les femmes de toutes nations et sur tesfemelles de tous les animaux, qui peut douter que le mobile de l'action ne soit le même dans les deux cas? N Nous voyons t'anfection matenelle se manifester dans les détails les plus insignifiants. Ainsi, Renggrr a vu un singe américann (un Cebus) chasser avec soin les mouchss qui tourmentaient son petit; Duvaucll a vu un Hylobates qui lavatt la figure de ses pettss dans un ruisseau. Les guenon,, lorsqu'elles perdent leurs petits, éprouvett un tel chagrin qu'elles en meuren,, comme Brehm l'a remarqué dans le nord de l'Afrique. Les singes, tant mâles que femelles, adoptent toujouss les singes orphelins et en prennent les plus grands soins. Un babouin femell,, remarquable par sa bonté, adoptait non-seueement les jeunes singes d'autres espèces, mais encore volatt des jeunes chiens et des jeunes chats, qu'elle.emportait partout avec elle. Sa tendresse, toutefois, n'allait-pas jusqu'à partager ses alimenss avec ses enfanss

Paraguay; 1830, pp. 41, 57; et à Brehm, Thierleben, vol. I, p. 10, 87. 9. Citèparle docteur Lauder Linds^PhysiologyofMindinlheloveranimais

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[Chap. III]                     FACULTÉS MENTALES            . .                 73

d'adoption, fait qui étonna Brehm, car ses singes partageaient toujouss très loyalement avec leurs propres petits. Un petit chat ayant égratigné sa mère adoptive, celle-ci, très étonnée du fai,, et très intelligente, examnaa les pattes du chat », et, sans autre forme de procè,, enleva aussitôt les griffes avec ses dents. Un gardien du Jardnn zoo)ogique de Londres me signaaa une vieille femelle babouin (Cynocephaluschacma)qnï avatt adopééun singe Rhésu.. Cependant, lorsqu'nn introduit)t dans sa cage deux jeunes singes, un Drill et un Mandrille, elle parut s'apercevoir que ces deux individus, quoiqee spécifiquement distincts, étaient plus voisins de son espèce; elle les adopaa aussitôt et repousaa le Rhésu.. Ce dernier, très contrarié de cette expulsion, cherchait toujours, comme un enfant mécontent, à attaquer les deux autres jeunes toutes les fois qu'il le pouvatt sans danger, conduite qui excitait toute l'indignation de la vieille guenon. Brehm affirme que les singes défendent leur maîtee contre toute attaqu,, et prennntt même le parii des chiens quiils affectionnent contre tous les autres chiens. Mais nous empiétons ici sur la sympathie et sur la fidélité, sujets auquess j'aurai à revenir. Quelques-uns des singes de Brehm prenaient un grand plaisrr à tracasser, par toutes sortes de moyens très ingénieux, un vieux chien qu'ils n'aimaient pas, ainsi que d'autres animaux.

De même que nous, les animaux supéreeurs ressentent la plupatt des émotions les plus complexes. Chacun sait combien le chien se montre jaloux de l'affeciion de son maître, lorsque ce dernier caresse toute autre créature- j'ai observé le même fait chez les singes. Ceci prouve que les animau,, non-seulement aimen,, mais aussi recherchent t'affection. Its éprouvent très évidemment le sentiment de l'émulation. Ils aiment l'approbation et la louang;; le chien qui poree le panier de son maître s'avanee tout plein d'orgueil et manifeste un vif contentement. Il n'y a pas, je crois, à douter que le chien n'éprouve quelque honte, abstraction faite de toute crainte, et quelque chose qui ressembee beaucoup à l'humiliation, lorsqu'il mendie trop souvent sa nourriture. Un gros chien n'a que du méprss pour le grognement d'un roque,, c'est ce qu'on peut appeler de la magnanimité. Plusieuss observateurs ont constatt que les singes n'aiment certainement pas qu'on se moque d'eux, et

11. Un critique (Quarterly RevielV, juillet 1871, p. 72) dans le but de discréditer mon ouvrage, nie, sans preuves à l'appui, la possibilité de cet acte décrit

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M                                 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME               [!re PaRtte]

ils ressentent souvent des injures imaginaires. J'ai vu, au Jardnn zoologiqee un babouin qui se mettait toujouss dans un état de rage. furieuse lorsque le gardien sortatt de sa poche une lettre ou un. livre et se mettait à lire à hauee voix; sa fureur étatt si violenee que, dans une occasion dont j'ai été témoin, il se mordtt la jambe jusqu'au sang. Les chiens possèdent ce qu'on pourrait appeler le sentimntt de la plaisanterie qui est absolument distinct du simple jeu. En effet, si l'on jette à un chien un bâton ou un objet semblable, il se précipite dessus et le transporte à une certaiee distance, puis il se couche auprès et attend que son maître s'approche pour le reprendre; il se lève alors et s'enfutt un peu plus loin en triompee pour recommencer le même manèg,, et il est évident qu'il est très heureux du tour qu'il vient de joue..

Passons maintenant aux facultés et aux émotions plus intellectuelles, qui ont une plus grande importance en ce qu'ellss constituent les bases du développement des aptitudes mentales plus élevées. Les animaxx manifestent très évidemment qu'ils recherchent la gaieté et redoutent de l'ennu;; cela s'observe chez les chien,, et, d'après Rengge,, chez les singes. Tous les animaux éprouvent de Yétonnement, et beaucoup font preuve de curiosité. Cette dernière aptinude leur est quelquefois nuisible, comme, par exempe,, lors^ que le chasseur les distrait par des feintes et les attire vers lui en affectant des poses .extraordinaires. Je l'ai observé pour te cerf; i) en est de même pour le chamois, si méfiant cependant, et pour quelquss espèces de canards sauvages. Brehm nous fait une descripiion intéressante de la terreur instinctive que ses singes éprouvaient à la vue des serpents; cependant, leur curiosité était si grande qu'ils ne pouvaient s'empêcher de temps à autre de rassasier, pour ainsi dire, leur horreur d'une manière des plus humaines, en soulevant le couvercee de la boîte dans laquelle les serpenss étaient renfermés. Très étonné de ce récit, je transportai un serpent empaillé et enrouéé dans l'enclos des singes .au Jardin zoologique, où il provoqaa une grande effervescence; ce spectacle fut un des plus curieux dont j'aie jamaistété témoin. Trois Cercopithèques étaient tout pariiculièrement alarmés; ils s'agitaient violemment dans leurs cages en poussatt des cris aigus, signal de danger qui fut compris des autres singes. Quelques jeunes et un vieil Anubis ne firenr aucune attention au serpen.. Je plaçai alors le serpent iempaillé dans un des grands compartiments. Au bout de quelques instants, tous les singes formaient un grand cercle autour.de l'animal, qu'ils regardaient fixemen;; ils présentaient alors l'aspect le plus comiqu.. Mais ils étaient surexités au plus haut de-

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gré; un léger mouvement imprimé à une boule de bois,- à demi-cachée sous la paille, et quilleur étatt familière comme leur servant de jouet habituel, les fit-décamper aussitôt. Ces singes se comportaient tout différemmenflorsqu'on introduisait dans leurs cages un poisson mor,, une souris », une tortue vivante, car, bien que ressentant .d'abodd une certaine frayeu,, ils ne tardaient pas à s'en approchrr pour les examiner, et les manier. Je mis alors un serpent vivant dans un sac depapier mal fermé que je déposai dans un des plus grands compartiments. Un des singes s'en approcha immédiatemen,, entr'ouvrrt le sac avec précaution, y jeta un coup d'œ.l, et se sauva à l'instant. Je fus alors témoin de ce qu'a décrtt Brehm, car tous les singes, les uns après les autres, la tête levée et tournée de côté, ne purent résister à la tentation de jeter un rapide regadd dans le sac, au fond duquel le terrible animal restatt immobile. Il semblerait presque que les singes ont quelquss notions sur les affinités zoologiques, car ceux que Brehm a élevés témoignaient d'une terreur instinctive étrang,, quoique .non motivé,, devant d'innocenss lézards ou des grenouilles. On a observé aussi qu'un orang a ressenii une grande frayeur la première fois qu'il a vu une tortue.», -. - -                               ' . - -

La facutté de t'imitation-est puissante chez l'homme, et surtout, comme j'ai pu m'en assurer moi-mêm,, chez l'homme à l'état sauvage. La tendanee à l'imitation-devient excessive dans certains états morbides du-cerveau; les personnss atteinte d'hémiplégie ou de ramollissement du cerveau répètent inconsciemment, pendant les premières phases de la maladie, tous les mots qu'ils entenden,, que ces mots.appartienntnt ou non à leur propee langag,, ou imitent tous les gestes qu'ils voient faire auprès d'eux ». De-sor ,. fait remarquer.qu'aucun animal n'imite volontairement une action accompliepar l'homme jusquàà ce que, remontant 1 échelle, on arrive ~aux singes, dont on connatt la tendanee à être de comiques imitateurs. Les animaux, cependant, imitent quelquefois les actions des autres animaux-qui les entourent : ains,, deux'loups appartenant,à.des espèces différentes, .élevés par des chiens, avarent-.appris à aboyer, comme le fait parfoss le chacal », mas reste à savoir si on peut appeler cela une imitation volontaire. Les

12. Voir VExpression des Émotions, p. 155, pour l'attitude des singes dans

C1£ £$£ Martin, Nat^si.of Mamntaliaim, p. 405.

S SSÏ f^moli'surtl S£J5#L, 1867, p. 168. 16. LwPin, Variations des Animaux et des fiantes à l'état domestique, vol. I, p. 29 (Paris, Reinwatd).

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76                          LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Pabtie]

oiseaux imitent les chanss de leurs parents, et, parfois auss,, ceux d'autres oiseaux; chacun sait que les perroquets imitent tous les sons qu'ils entendent souven.. Dureau de la Malle "cite le cas d'un chien, élevé par une chatte, qui avait apprss à imiter l'action si connue du chat qui se lèche les pattes pour se nettoyer ensuite la face et les oreille;; le célèbre naturaliste Audouin a aussi observé ce fait, qui m'a, d'ailleurs, été confirmé de divers côtés. Un de mes correspondants m'écrit, par exemple, qu'il a possédé pendant treize ans un chien qui n'avatt pas été nourii par une chatte, mais qui avait été élevé avec des petits chats et qui, ayant contracté l'habitude dont nous venons de parler, la garda jusqu'à sa mor.. Le chien de Dureau de la Malle avait aussi emprunéé aux jeunes chats l'habitude de jouer avec une balle en la roulant autour de ses pattes et en sautant dessus. Un correspondant m'afiirme que sa chatte plongeait, pour les lécher ensuite, ses pattes dans une jarre pleine de lait, dont le goulot étatt trop étrott pour qu'elle pût y fourrer la tête; un pettt de cette chatee imita bientôt sa mère et garda jusquàà sa mort l'habitude qu'il avait contractée.

On peut dire que les parenss de beaucoup d'animaux, se fiant à cette tendanee à l'imitation et surtout à leurs instincss héréditaires, font, pour ainsi dire l'éducation de leurs petits. Qui n'a vu une chatte apporter une sourss vivanee à ses pettts? Dureau de la Malle, dans le mémoire que nous venons de citer, relate ses observations sur les faucons qui enseignent à leurs petits à avoir des mouvements rapides et à juger des distances en laissant tomber d'une grande hauteur des souris :0u des hirondelles mortes jusquàà ce qu'ils apprennent à les saisir, puis, qui continuntt cette éducatinn en leur apportant des oiseaux vivanss qu'ils lâchent en l'air.

11 n'est presque pas de facutté qui soit plus importante pour le progrès intellectuel de l'homme que celle de l'attention. Elle se manifeste clairement chez les animau;; lorsqu'un cha,, par exemple, guette à côté d'un trou et se prépaee à s'élancer sur sa proie. Les animaux sauvagss ainsi occupés sont souvent absorbss au point quills se laissent aisément approcher. M. Barlett m'a fourni une preuve curieuee de la variabilité de cette faculté chez les singes. Un homme, qui dresse les singes à jouer certains rôles, avait l'habitude d'acheter à la Société zoologique des singes d'espèce commune au prix de 125 francs pièce, mais il en offrait le double si on lui permettait d'en garder tro,s ou quatee pendant quelques jour,, pour faire son choix. On lui demanda comment il parvenait, en si peu

17. Annales des Se. nat., 1- série; vol. XXII, p. 397.

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[Chap. ]II]                    FACULTÉS MENTALES                               77

de temps, à savoir si un singe quelconqee pouvatt devenrr bon acteu;; il répondtt que cela dépendatt entièrement de la puissanee d'attention de l'animal. Si, pendant qu'il parlatt à son singe, ou lui expliquait quelque chose, l'animat étatt facilement distratt par une mouche ou tout autre sujet insignifiant, il fallatt y renoncer. S'il essayait, par les punitions, de forcer un singe inattentif au travail, celui-ci se mettatt à bouder. Il pouvatt au contraire toujours dresser un singe qui lui prêtatt attention.

Il est presque superflu de constater que les animaux sont doués d'une excellenee mémoire portant sur les personnes et les lieux. Sir Andrew Smith affirme qu'un babouin, au cap de Bonne-Espérance, a poussé des cris de joie en le revoyatt après une absence de neuf mois. J'ai eu un chien très sauvage et qui avait de l'aversion pour toute personee étrangère, dont j'ai mis la mémorre à l'épreuee après une absence de cinq ans et deux jour.. Je me rendis près de l'écuree où il se trouvait, et l'appelai suivant mon ancienne habtude; le chien ne témoigna aucune joie, mais me suivtt immédaatement en m'obésssant comme si je l'avass quitté depuss un quart d'heuee seulemnnt. Une série d'anciennes associations, qui avaient sommelléé pendant cinq ans, s'étaient donc instantanément éveillées dans son esprit. P. Huber - a clairement démontré que les fourmss peuven,, après une séparation de quatre mois, reconnaître leurs camarades appartenant à la même communauté. Les animaux ont certannement quelques moyens d'apprécier les intervalles de temps écoulés entre les événements qui se reproduisent.

Une des plus hautes prérogatives de l'homme est, sans contredit, l'imagination, facutté qui lui permet de groupe,, en dehoss de la volonté, des imagss et des idées anciennes, et de créer ainsi des résultats brillanss et nouveaux. Ainsi que le fait remarquer Jean-Paul Richter » : « Si un poète doit réfléchrr avant de savorr s'il fera dire oui ou non à un personnage, ce n'est qu'un imbécile. » Le rêve nous donne la meilleuee notion de cette faculté; et comme le dit encore Jean-Paul : « Le rêve est un art poétique involontaire. Laa valeur des produits de notre imagination dépend, cela va sans dire, du nombre, de la précision et de la lucidité de nos impressions; du jugemett ou du goût avec lequel nous admettoss et nous repoussons les combinaisons involontaires, et jusquàà un certain point, de l'aptitude que nous avons à les combiner volontairement. Gomme les chiens, les chats, les chevaux et probable-

18. Les Mœurs des fourmis, 1810, P.W.

19.. Cité dans Maudsley, Physiology and Pathology ofMind, 1868, pp. 19,220.

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ment tous les animaux supérieurs, même les oiseaux », sont sujets au rêve, comme )le prouvnti leurs mouvements et leurs cris pendant le sommeil, nous devons admettre qu'ils sont doués d'une certaine imagination. L'habitude qu'ont les chiens de hurler pendant la nuit, surtout quand il ya de la lune, d'une façon si remarquable et si mélancolique, doit être provoquee par quelque cauee spéciale. Tous les chiens n'ont pas cette habitude. Houzeau » affirme que les chiens ne regardent pas la lune, mais quelque point fixe près de l'horizon; il pense que leur imagination est troublée par les vagues apparences des objets environnants qui se transforment pour eux en images fantastiques. S'il en est ainsi,, on pourrait presque dire que c'est de la superstition.

On est/je crois, d'accord pour admettre que la raison est la première de toutes les facultés de l'esprtt human.. Peu de personnss contestent encore aux animaux une certaine aptitude au raisonnment. On les voit constamment s'arrêter, réfléchrr et prendee un parti. Plus un naturaltete a étudié les habitudes.d'un animar quelconque, puis il croità la raison, et moins aux instincts spontanés de cet anima;; c'est là un fait très significatif ». Nous verron,, dans les chapitres suivants, que certains animaux placés très bas sur l'échelle font évidemment preuve de raison, bien qu'il soit sans doute, souvent difficile de distinguer entre la raison et l'instinc.. Ainsi, dans son ouvrage la Mer polaire ouverte, le Dr Hayes fait remarquer, à plusieuss reprises, que les chiens qui remorquaient les traîneaux, au lieu de continurr à se serrer en une masse compacee lorsqu'ils arrivaient sur une mince couche de glace, s'écartaient les uns des autres pour répartir leur poids sur une surface plus grande. C'étatt souvent pour les voyageuss le seul avertissemen,, la seule indication que la glace devenait plus mince et plus dangereuse. Or, les chiens agissaient-ils ainsi par suite de leur expérienee individuelle, ou suivaient-ils l'exempee des chiens plus âgés et plus expérimentés, ou obéissaient-ils à une habitude héréditaire, c'est-à-dire à un instinc?? Cet instintt remonterait peu--être à l'époque déjà ancienne où les naturels commencèrent à employrr les chiens pour remorqurr leurs traîneaux, ou bien, les loups arctiques, souche du chien esquimau, peuvent avoir acquss

S.' ^Z'TeT^'i'^mX^'JLn, 1868, fo»,»,. ..

s

es

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[Chap.III]                       FACULTÉS MENTALES                                   79

cet instinct, qui les portatt à ne pas attaqurr leur proie en niasses trop serrées sur la glace mince.

C'est seulement en examinant les circonstances au milieu desquelles s'accomplissent les actions que nous pouvons juger s'il convient de les attribuer à l'instinct, à !a raison, ou à une°simp.e association d'idées; faisons remarquer en passatt que cette dernière faculté se rattache étrottement à la raison. Le professeur Môbius». cite un exemple curieux: un broche,, sépaéé par une glace d'un autre compartiment d'un aquarium plein de poisson,, s se précipitait-avec une telle violence contee la glace pour attraprr les autres poissons qu'il restait souvent étourdi du coup qu'il s'était porté. Ce manège dura pendant trois mois environ, puis le brochttdevenu prudent cessa de se précipiter sur la glace. On enleva alors la glace qui formatt la séparation; toutefois, l'idée d'un choc violent s'étatt si bien associée dans le faible esprtt du brochtt avec les efforts infructueux qu'il avatt faits pour atteindee les poissons qui avaient été si longtemss ses voisins, qu'il né les attaqua jamais, bien qu'il n'hésitât pas à se précipiter sur les poissons nouveuxx qu'on introduisait dans-l'aquarium. Si un sauvage, qui n'a jamass vu une fenêtee fermée par une glace épassse, venait à se précipiter sur cette glace et à rester étourdi sur le coup, les idées de glace et de coup s'associeraient évidemment pendant longtemps dans son esprit; mais, au contraire du brochet, il réfléchirait probablement sur la natuee de l'obstacle et se montrerait plein de prudenee s'il se trouvait placé dans des circonstances analogues. Les singes, comme nous allons le voir tout à l'heure, s'abstienntnt ordinairement de répéter une action qui leur a causé une première fois une impression pénible ou simplement désagréable. Or; si nous attribuons cette différenee entre le singe et le brochtt uniquement au fait que l'association des idées est beaucoup plus vive et beaucoup plus persistante chez l'un que chez l'autre, bien que le brochet ait souffert beaucoup plus, nous est-ll possible de maintenir que, quand il s'agtt de l'homm,, une différenee analogue implique la possession d'un esprtt fondamentalement différen??

Houzeau» raconee que, tandss quill traversait une grande plaine du Texas, ses deux chiens souffraient beaucoup de la soif, etque, trenee ou quarante fois pendant la journée, ils se précipitèrent dans les dépressions du sol pour y cherchrr de l'eau. Ces dépressions n'étaient pas des vallée,, il n'y poussait aucun arbr,, on n'y rema--

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quatt aucune-différence dé végétation, et on n'y pouvatt sentrr aucune humidité, car le sol y était absolument sec. Les chiens se conduisaient donc comme s'ils savaient qu'une dépression du sol leur offrait la meilleuee chance de trouvrr de l'eau. Houzeau a observé le même fait chez d'autres animau..

J'ai observ,, et beaucoup de mes lecteuss ont observé sans doute, au Jardnn zoologiqu,, le moyen qu'emploie l'éléphant pour rapprocher un objet qu'il ne peut atteindee : il souffle violemment sur le sol avec sa trompe au delà de l'objet en question pour que le courant d'arr réfléchi de tous côtés rapproche assez l'objer pour qu'll puisse le saisir. M. Westrop,, ethnologiste bien connu, m'apprend qu'il a vu à Vienne un ours créer avec sa patte un courant artificill pour ramenrr dans sa cage un morceau de pain qui flottatt à l'extérieur des barreaux. On ne peut guère attribuer à l'instinct ou à une habitude héréditaire ces actes de l'éléphant ou de l'ours, car ils auraient peu d'utilité pour l'animal à l'état de nature. Or, quelle différence y a-t-il entre ces actes, qu'ils soient accomplis par le sauvaee ou par un des animaux supéreuurs?

Le sauvage et le chien ont souvent trouvé de l'eau dans les dépressioss du sol, et la coïncidence de ces deux circonstances s'est associée dans leur esprit. Un homme civilisé ferait peut-être quelque raisonnement général à ce sujet; mais tout ce que nous savons sur les sauvagss nous autorise à penser qu'ils ne feraient sans doute pas ce rassonnement et le chien ne le feratt certainement pas. Toutefois le sauvag,, aussi bien que le chien, malgéé de nombreux désappointements, continuerait ses recherches; et, chez tous deux, ces recherches semblent constituer également un acte de raison, qu'ils aient ou non conscience qu'ils agissent en vertu d'un raisonnement». Les mêmes remarques s'appliquent à l'éléphant et à l'ours qui créent un courant artificiel dans l'air ou dans-l'eau. Le sauvag,, dans un cas semblable, s'inquiéterait fort peu de savorr en vertu de quelle loi s'effectuent les mouvements qu'il désire obtenir; cependatl cet acte seratt aussi certainement le résultat d'un raisonnement, grossier, si l'on veut, que le sont les déductions les plus ardues d'un philosophe. Sans doute, on constaterait, entre le sauvage et l'animal supérieur, cette différence, que le premier remarquerait des circonstances et des condiiions bien plus

25. Le professeur Huxley a analysé avec une admirable clarté les différentes nov. 1871, p.%62, et dans CriUguesand Essays, 1873, p. 279.

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[Chap. III]                    FACULTÉS MENTALES          ^                     81

légère,,-et qu'll lui faudrait une expérienee moins longue pour reconnaître les rapports qui existent entre ces circonstances; or c'est là un point qui a une grande importance. J'ai noté chaque jour les actions d'un de mes enfants, alors qu'il avait environ onze mois et qu'il ne pouvatt pas encore parler; or j'ai été continuellement frappé de la promptitude plus grande avec laquelee toutes sortes d'objess et de sons s'associaient dans son esprit, comparativement aveè ce qui se passatt dans l'esprtt des chiens les plus intelligents que j'aie connus. Mais les animaux supéreeurs diffèrent exactement de la même façon des animaux inférieurs, tels que le brochet, par cette faculté de l'association des idées, aussi bien que par la faculté d'observation et de déduction. _Les actions suivantes, accomplies après une courte expérienee par les singes américains qui occupent un rang peu élevé dans leur ordre, prouvent évidemment l'intervention de la raison. Rengger, observateur très circonspect, raconee que les premières fois qu'il donna des œufs à. ses singes, ils les écrasèrent si maladrottement quiils laissèrett échapprr une grande partie du contenu; bientôt, ils imaginèrent de frapprr doucement une des extrémités de l'œuf contre un corps dur, puis d'enlever les fragmenss de la coqullee à l'aide .de leurs doigts. Après s'être coupés une fois seulement avec un instrument tranchant, ils n'osèrent plus y toucher, ou ne le manièrent qu'avec les plus grandss précautions. On leur donnatt souvent des morceaux de sucre enveloppss dans du papeer; Rengger, ayant quelquefois substitué une guêpe vivante au sucre, ils avaeent été piqués en déployatt le papier trop vite, si bien qu'ensuite ils eurent soin de toujouss porter le paquet à leur oreille pour s'assurer si quelque brutt se produisait à l'intérieur». Les cas suivanss se rapportent à des chiens. M. Coiquhou"" blessa à l'aile deux canards sauvagss qui tombèrent sur la rive opposée d'un ruisseau; son chien chercha à les rapporter tous les deux ensembee sans pouvorr yparvenir. L'animal qui, auparavant, n'avatt jamais froissé une pièce de gibie,, se décida à tuer un des oiseaux, apporta celui qui était encore vivant et retourna cherchrr le mor.. Le colonel Hutchinson raconee que sur deux perdrix atteintes d'un même coup de feu, l'une fut tuée et-l'autre blessée; cette dernière se sauva et fut rattrapée par le chien, qui, en reve-

26. M. Belt, dans son très intéressant ouvrage The naturalist in Nicaragua, 1874, p. 119, décrit aussi diverses actions d'un Cebus apprivoisé; ces acUons

SSltttSBunyst6nÏÏme<S,te "' animal P0SSédaU' **** ""' C6rtaine mesure' '* ^rtmoZZ^Lh, p.45. - Col. Hutchinson,Do~Breakin9,mO,PA6.

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82                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [l« Pabtib]

nant sur ses pas, rencontra l'oiseau mort : « II s'arrêta,'évidemment très embarrassé, et, après une ou deux tentatives, voyant qu'il ne pouvait pas relever la perdrix morte sans risquer de lâcher celle qui vivait encore, il tua résolument cette dernière et les rapporta toutes les deux. C'étatt la première fois que ce chien avait volontairement détrutt une pièce de gibier. » C'est là, sans contredit, une preuve de raison, bien quiimparfaite, car le chien auratt pu rapporter d'abodd l'oiseau blessé, puis retourner cherchrr l'oiseau mort, comme dans le cas précédett relatif aux deux canards sauvages. Je cite ces exemples parce qu'ils reposent sur deux témognages indépendants l'un de l'autre, et parce que, dans les deux cas, les chiens, après mûre délibération, ont vio,é une habitude héréditaire chez eux, celle de ne pas tuer le gibier qu'ils ramasent; or, il faut que la faculté du raisonnement ait été chez eux bien puissanee pour les amener à vaincre une habitude fixe. . J'emprunte un dernier exemple à l'illustre Humboldt ". Les muletiers de l'Amérqque du Sud disent : « Je ne vous donnerai pas la mule dont le pas est le plus agréable, mais la Mas raciona~, -celle qui raisonee le mieux; » et Humboldt ajoute : < Cette expresion popuaaire, dictée par une longue expérience, démolit le système des machines animée,, mieux-peutretre que ne le feraient tous les arguments de la philosophie spéculative. N Néanmoins quelquss écrivains nient encore aujourd'hui que les animaxx supérieurs possèdent un atome de raison; ils essaient de faire passer pour de simples contes à dormrr debout les faits tels que ceux précédemment cités ".

Nous avon,, je crois, démontré que l'homme et les animaux supérieurs, les primates surtou,, ont quelquss instincss commun.. Tous possèdent les mêmes sens, les mêmes intuitions, éprouvntt les mêmes sensaiion;; ils ont des passions, des affections et des émotions semblables, même les plus compliquées, telles que la jalousie, la méfiance, l'émulation, la reconnaissance et la magnanimité; ils aiment à tromprr et à se venger; ils redoutent le ridi-

phen (Darwinism and Divinilv, Essays on Free-thinkinq, 1873, p. 80), parlant de la prétendue barrière infranchissable qui existe entre l'hommeet lesanimaux inférieurs, s'exprime en ces termes : . 11 nous semble, en vérité, que la ligne de démarcation qu'on a voulu établir ne repose sur aucune base plus solide

doivent avoi? des natures essentiellement différentes. I. est difficile de comprendre que quiconque a possédé ou vu un éléphant puisse avoir le moindre doute sur la faculté qu'ont ces animaux de déduire des raisonnements.

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[Chap. III]                     FACULTÉS MENTALES                               83

cule; ils aiment la plaisanterie; ils ressentent l'étonnement et la curiosité; ils possèdeni les mêmes facultés d'imitation, d'attention, de délibération, de choix, de' mémoire, d'imagination/d'association des idées et de raisonnement, mais, bien entendu, à des degrés très différents. Les individus appartenant à une même espèce représentent toutes les phases intellectuelles, depuis l'imbécillité absosue jusquàà la plus hauee intelligence. Les animaux supérieurs sont même sujess à la folie, quoique bien moins souvent que l'homme3».

Néanmoins beaucoup de savanss soutiennent que les facultés mentales de l'homme constituent, entre lui et les animau,, une infranchissable barrière. J'ai recueilli autrefois une vingtaine d'aph--rismes de ce genre; mais je ne crois pas qu'ils vaillent la peine d'être cités ici, car ils sont si différenss et si nombreuxqulil est facile de comprendre la difficulté, sinon l'impossibilité d'une semblable démonstration. On a affirmé que l'homme seul est capable d'amélioration progressive; que seul il emploie des outils et connatt le feu; que seul il rédutt les autres animaux en domesticité et a le sentiment de la propriété; qu'aucun autre animal n'a des idées abstraites, n'a conscienee de soi, ne se comprend ou possède des idées générales; que l'homme seul possède le langag,, a le sens du beau, est sujet au caprice, éprouve de la reconnaissance, est sensible au mystère, etc,, croit en Dieu, ou est doué d'une conscience. Je hasarderai quelquss remarques sur ceux de ces poinss qui sont les plus.importants et les plus intéressants.

L'archevêque Sumner" a autrefois soutenu que l'homme seul est susceptible d'amélioration progressive. Personee ne conteste que l'homme fait des progrès beaucoup plus grand,, beaucoup plus rapides qu'aucun autre anima,, ce qui résulte évidemment du langage et de la faculté qu'il a de transmettre à ses descendants les connasssances qu'il a acquises. En ce qui regarde l'animal, et d'abord l'individu, tous ceux qui ont quelque expérienee en matière de chasee au piège savent que les jeunss animaux se font prendre bien plus aisément que les vieux; l'ennemi qui poursuit un animal peut aussi s'approcher plus facilement des jeune.. Il est même impossible dè prendee beaucoup d'animaux âgés.dans un même lieu et dans une même sorte de trapp,, ou de les détruire au moyen d'une seule espèce de poison; il est, cependant, improbble que tous aient goûté au poison; il est impossible que tous aient

30. DocteurW Laude^^ Sc:ence, juillet 1871. 31. Cité par sir C. Lyell, Antiquity of Man, p. 497.

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84                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee Partie]

été prss dans le même piège. C'est la captuee ou l'empoisonnement de leurs semblables qui a dû leur enseigner la prudence. Dans l'Amérique du Nord, où l'on chasse depuis longtemps les animaux à fourrure, tous les témoignages des observateurs s'accordent à leur reconnaître une dose incroyable de sagacité, de prudenee et de ruse; mais, dans ce pays, on a employé la trappe depuis assez longtemss pour que l'hérédité ait pu entrer enjeu. Quand on établit une ligne télégraphique dans un pays où il n'y en a jamass eu, beaucoup d'oiseaux se tuent en se heurtant contre les fils; mais, au bout de quelquss années, les nombreux accidenss de cette nature dont ils sont chaque jour témoins semblent leur apprendre à éviter ce danger».

Si nous considérons plusieuss générations successives ou une race entière, on ne peut douter que les oiseaux et tes autres animaux n'acquièrent et ne perdent à la fois et graduellement leur prudnnce vis-à-vis de l'homme ou de leurs autres ennemss»; si cette prudenee est en 'grande partie une habitude ou un instinct transmis par hérédité, elle résulte aussi en pariie de l'expérience individuelle. Leroy", excellent observateur, a constaéé que là où on chasse beaucoup le renard, les jeunes prennent incontestablement beaucoup plus de précautions dès qu'ils quittent leur terrier que ne le font les vieux renards qui habttent des régions où on les

CNos8chiens domestiques descendent des loups et des chacals», et bien peut-être qu'ils n'aient pas gagné en ruse, et puissent avoir perdu en circonspection et en prudence, ils ont, cependant, acquis certaines qualités morales, telles que l'affection, la fidélité, le bon caractère et probablement l'intelligence générale. Le rat commun a exterminé plusieuss autres espèces et s'est étabii en conquérant en Europe, dans quelquss parties de l'Amérique du Nord, à la Nouvelle-Zélande, et récemmett à Formose, ainsi qu'en Chine, M. Swinhoe». qui décrtt ces deux dernières invasions, attribee la victoire du rat commun sur le grand Mus coninga, à sa ruse plus développée, qualité qu'on peut attribuer à l'emploi et à l'exercice

a

32. Voir pour d'autres détails, Houzeau, les Facultés mentales, etc., vol. II.

^'lettres philosophes sur VintelUgence des animaux, nouvelle édition,

mâ ^iespreuvesàcetégard dans la Variation des Animaux et des Plantes, etc. vol. I, chap. I. 36. Proceedingsof Zoological Society, 1864, p. 186.

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[Chap. HII]                        FACULTÉS MENTALES                              . 85

habituel de toutes ses facultés pour échapprr à l'extirpation par l'homm,, ainsi qu'au fait qu'il a successivement détruit tous les rats moins rusés et moins intelligents que lui. Il est possible, cependant, que le succès du rat commun dépende de ce qu'il était plus rusé que les autres espèces du même genre avant de s'être trouvé en contact avec l'homm.. Vouloir soutenrr sans, preuves directes que, dans le cours des âges, aucun animal n'a progreséé en intelligence ou en d'autres facultés mentales, est supposer ce qui. est en quesiion dans l'évolution de l'espèce. Nous verrons plus loin que, d'après Lartet, certains mammifères existants, appartenant à plusieuss ordres, ont le cerveau plus développé que leurs anciens prototypes de l'époqut tertiaire.

On a souvent affirmé qu'aucun animal ne se sert d'outils; mais, à l'état de nature, le chimpanzé se sert d'une pieree pour briser un fruit indigène à coque dure», ressemblant àune noix. Rengger" . enseigna facilement à un singe américann à ouvrrr ainsi des noix de palme; le singe se servit ensuite du même procédé pour ouvrrr d'autres sortes de noix, ainsi que des boîtes. Il enlevatt aussi la peau des fruits, quand elle était désagréable au goût. Un autre singe, auquei on avatt apprss à soulever le couvercee d'une grande caisse avec un bâton, se servit ensuite d'un bâton comme d'un levier pour remuer les corps pesants, et j'ai, moi-mêm,, vu un jeune orang enfoncer un bâton dans une crevasse, puis, le saisissant par l'autre bout, s'en servir comme d'un levier. On sait que, dans l'Ind,, les éléphanss apprivoisés brisent des branche*d'arbres et s'en servent comme de chasse-mouches; on a observé un éléphant sauvaee qui avait la même habitude-. J'ai vu un jeune orang femelle s'enveoppper d'une couverture ou se couvrrr de paille pour se protégrr contre les coups quand elle redoutait d'être fouettée. Les pierres et les bâtons servent d'outils dans les cas précités; . les animaux les emploient généralement comme armes. Brehm « affirme, sur l'autorité du voyageur bien connu Schimper, qu'en Abyssinie, lorsque les babouins de l'espèce C. gèlada descendent en troupe des montagnes pour pllerr les champ,, ils rencontrent quelquefois des bandes d'une autre espèce (C. hamadryas) avec lesquelles ils se battent. Les geladas font rouler, sur le flanc de la montagne, de grosses pierres que les hamadryas cherchent à éviter, puis les adversaires se précipitent avec fureur les uns sur les

37.  Sava8eetWyman,Bo,«««Jour^o/'^.^ory, 1843-44,vol.IV,p.388.

38.  Saûgelhiere von Paraguay, 1830, pp. 51, 56.

39.  The Indian Field, 4 mars 1871. 40.™«rtofc»vol:I,pp.TO,SB.

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86                          LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [Ire paBt,e]

autres en faisant un vacarme effroyable. Brehm, qui accompagnait le duc de Cobourg-Gotha, prit part à une attaque faite avec des armes à feu contre une troupe de babouins dans lapasee de Mensa, en Abyssinie. Ceuxlci ripostèrent en faisant rouler sur les flancs de la montagee une telle quantité de pierres, dont quelques-unes avaient la grosseur d'une tête d'homm,, que les assalllanes durent battre vivement en retraite; la caravane ne put même franchrr la passe pendant quelquss jours. Il faut remarquer que, dans cette circonstance, les singes agissaient de concer.. M. Wallace." a vu, dans trois occasions différentes, des orangs femelle,, accompagnées de leurs petits, « arracher les branchss et les fruits épineux de l'arbee Durian avec toute l'apparence de la fureur, et lancer une grêle de projectiles telle que nous ne pouvions approcher ». Le chimpanzé, comme j'ai pu le constater bien souven,, jetee tout ce qui lui tombe sous la main à la tête de quiconque l'offense; nous

TeTboneiZ^blt' *" ^ ^ Bonne"EsPérance'avattpréParé Un singe, au jardin zoologiqu,, dont les dents étaient faibles, avatt pris l'habitude'de se servrr d'une pierre pour casser les noisettes; un des gardiens m'a affirmé que cet anima,, après s'en être serv,, cachatt la pierre dans la paille, et s'opposait à ce qu'aucun autre singe y touchât. Il y a là une idée de proprié,é, mais cette idée est commune à tout chien qui possède un os, et à la plupatt des oiseaux qui construisent un nid.

Le duc d'Argyll " fait remarquer que le fait de façonner un instrument dans un but déterminr est absolument particulier à l'homm,, et considèee que ce fait établit entre lui et les animaxx une immense distinction. La distinction est incontestablement importante, mais il me semble y avoir beaucoup de vrasssemblance. dans la suggestion faite par sir Lubbock «\ Il suppoee que l'homme primitff a employé d'abodd des silex pour un usage quelconque; en s'en servan,, il les a, sans doute, accidentellement brisé,, et il a alors tiré parii de leurs éclats tranchants. De là à les briser avec intention, puis à les façonner grossièrement, il n'y a qu'un pas. Ce dernier progrès, cependant, peut avoir nécessité une longue périod,, si nous en jugeons par l'immnnse laps de temps qui s'est écoulé avant que les hommes de la période néolithique en soient arrivés à aiguiser et à polir leurs outils en pierre. En brisant les silex, ainsi que le fait remarquer encore sir J. Lubbock, des

41. The Malay Archipelago, vol. I, 1869, p. 87.

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étincelles ont pu se produire, et, en les aiguisant, de la chaleur se dégagrr: « d'où l'origine possible des deux méthodss ordinaires pour se procurer le feu. L La natuee du feu devait, d'ailleurs, être connue dans les nombreuses régions volcaniques où la lave coule parfois dans les forêts. Les singes anthropomorphes, guidés probablement par l'instinct,, construisent pour leur usage des plates-formes temporaires; mais, comme beaucoup d'instincts sont largement contrôlés par la raison, les plus simples, tels que celui qui pousse à la construction d'une plate-forme, ont pu devenrr un acte volontaire et conscien.. On sait que l'orang se couvre la nuit avec des feuilles de Pandanus, et Brehm constaee qu'un de ses babouins avait l'habitude de s'abriter de la chaleur du soleil en se couvrant la tête avec un paillasson. Les habitudes de ce.genre représentent probablement les premiers pas vers quelques-uns des arts les plus. simples, notamment l'architecture'grossière .et l'habillement, tels: qu'ils ont dû se pratiquer chez les premiers ancêtres de l'homm..

Abstraclion,conceptionsgénérales,consciencedesoi,individua-lité mentale. - Jusquàà quel point les animaux possèdent-ils des traces de ces hautes facultés intellectuelles? C'est là une question qu'il est difficile, pour ne point dire impossible, de résoudre. Cette difficutté provient de ce qu'il nous est impossible de savoir ce qui se passe dans l'esprit de l'animal, en 'outre, on est-loin d'être d'accord sur la signification exacte qu'it convient ~d'attriburr à ces divers terme.. Si l'on en peut juger par divers articlss publiés récemment, on semble s'appuyer surtout sur te: fait que tes animaux ne possèdent pas la faculté de l'abstraction, 'c'est-à-dire qu'ils sont incapables-de concevorr des idées générales. Mais, quand un chien aperçott un autre chien à une grande distance, son attitude indique souvent qu'il conçott que c'est un chien, car, quand il s'approche, cette attitude change du tout au tout s'il reconnaît un ami. Un écrivann récent fait remarquer que, dans tous lés cas, c'est une pure supposition que d'affirmer que l'acte mental n'a pas exactement la même nature chez l'animal et chez l'homm.. Si l'un et l'autre rattachent ce quills conçoivent au moyen de leurs sens àune conception mentale, tous deux agissent de la même manière ". Quand je crie à mon chien de chasse, et j'en ai fait l'expérience bien des fois : « Hé, hé, où est-il ? D il comprend immédiatement quill s'agtt de chasser un animal quetconque; ordinairement

44. M. Ilookham, dans une lettre adressée au professeur Max Müller, Birmingham News, mai 1873.

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88                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I* Par™]

il commenee par jeter rapidement les yeux autour de lui, puis il s'élanee dans le bosquet le plus voisin pour cherchrr la trace du gibier, puis enfin, ne trouvant rien, il regarde les arbres pour découvr,r un écureuil. Or, ces divers actes n'indiquent-ils pas clai-remeet que mes paroles ont éveillé dans son esprit l'idée généraee ou la conception qu'il y a là, auprès de lui, un animal quelconqee qu'il s'agtt de découvrir et de poursuivre ?

On peut évidemment admettre qu'aucun animal ne possède la conscienee de lui-môme si l'on implique par ce terme qu'il se demande d'où il vient et où il va, - qu'ie raisonne sur la mort ou sur la vie, et ainsi de suite. Mais, sommes-nous bien sûrs qu'un vieux chien, ayant une excellenee mémoire et quelque imagination, comme le prouvent ses rêves, ne réfléchisse jamais a ses anciens plaisirs à la chasse ou aux déboires qu'il a éprouvés? Ce seratt là une forme de conscienee de soi. D'autre part, comme le fait remarquer Bûchner", comment la femme australienne, surmenee par le travail, qui n'emploie presque point de mots abstraits et ne compte que jusquàà quatre, pourrait-elle exercer sa conscienee ou réfléchir sur la natuee de sa propee existenee? On admet généralement que les animaux supérieurs possèdent les facultés de la mémoire, de l'attention, de l'association et même une certaine dose d'imagination et de .raison. Si ces faculté,, qui -varient beaucoup chez les différenss animau,, sont susceptibles d'amélioration, il ne semble pas absolument impossible que des facultés plus complexes, telles que les formes supérieures de l'abstraction et de la conscienee de soi, etc,, aient résutté du développement et de la combinaison de ces facultés plus simples. On a objecté contre cette hypothèse qu'il est impossible de dire à quel degré de l'échelle les antmaux deviennent susceptibles de voir se développrr chez eux les facuttés de l'abstraction, etc. ; mais qui peut dire à quel âge ce phénomène se produira chez nos jeunes enfants ? Nous pouvons constater tout au moins que, chez nos enfants, ces facultés se développent par des degrés imperceptibles.

Le fait que les animaux conservent leur individualité mentale est au-dessus de toute contestation. Si ma voix a évoqu,, dans le cas de mon chien précédemment cité, toute une série d'anciennes association,, il faut bien admettre qu'il a conservé son individualité mentale, bien que chaque atome de son cerveau ait dû se renouveler plus d'une fois pendant un intervalle de cinq ans. Ce chien auratt pu invoqurr l'argument récemment avancé pour écraser tous

45. Conférences sur la Théorie darwinienne ,irad. franç.), 1869, p. 132.

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[Chap. III]                      FACULTÉS MENTALES                                  89

les évolutionnistes, et dire : « Je perssste, au milieu de toutes les dispositions mentales et de tous les changements matériels... La théorie que les atomes laissent à titre de legs les impressions qu'ils ont reçues aux autres atomes prenant la place qu'ils quittent, est contraire à l'affirmation de l'état conscien,, et est, par conséquent, fausse; or, comme cette théoree est nécessaire à l'évolution, cette dernière hypothèse est par conséquent fausse ». »

Langage. - On pense avec raison que cette faculté est un des principaux caractères distinctifs qui séparent l'homme des animaux. Mais, ainsi que le fait remarquer un juge compétent, l'archvêque Whately : « L'homme n'est pas le seul animal qui se serve du langage pour exprimer ce qui se passe dans son esprit, et qui puisse comprendre plus ou moins ce que pense un autre individu". L Le Cebus azaxœ du Paraguay, lorsqulil est excité, fait entendee au moins six cris distincts, qui provoquent, chez les autres singes de son espèce, des émotions analogues4». Nous comprenons la signification des gestes et des mouvements de la face des singes; Rengger et d'autres observateurs déclarent que les singes comprennent en pariie les nôtre.. Le chien depuis sa domestication, fait plus remarquable encore, a appris .à aboyer dans quatre ou cinq tons distincss au moins ". Bien que l'aboiement soit un art nouveau,, il n'est pas douteux que les especes sauvages, ancêtres du chien, exprimaient leurs sentimenss par des cris de nature diverse. Chez le chien domestique, on distingue facilement l'aboiement impatient, comme à la chasse; le cri de la colère et le grognement; le glapsssement du désespoir, comme lorsque l'animal est enfermé; le hurlement pendant la nuit; l'aboiemene joyeux, lors du départ pour la promenade, et le cri très distinct et très suppliant par lequel le chien demande qu'on lui ouvre la porte ou la fenêtre. Houzeau -, qui s'est tout particulièrement occupé de ce suje,, affirme que la poule domestique fait entendee au moins douze cris signfiicatifs différents.               - '

Le langage articulé est spécial à l'homm;; mais, comme les animaux inférieurs, l'homme n'en exprime pas moins ses intentions par des gestes, et par les mouvements des muscles de son visage ",

46.  Le rév. docteur J.-M' Cann, Antidarrcinism, 1869, p: 13.

47.  Cité dans Anthropological Reoiew, 1861, p. 158.

48.  Rengger, op. cit., p. 45.

49.  Variation des Animaux, etc., vol, I, p. 29.

50.  Facultés mentales, etc., vol. II, 1872, pp. 346-349.

51.  Ce sujet fait l'objet d'une discussion fort intéressante dans l'ouvrage de M. E.-B. Tylor, Researches int< the Early History of ~ankind, 1865, c. n à rv.

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90                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [[« Part,*]

par des cris inarticulés, ce qui est surtout vrai.pour l'expression des sentiments les plus simples et les plus vifs, qui ont peu de rapports avec ce qu'il y a de plus élevé dans notre intelligence. Nos cris de douleu,, de crainte, de surprise, de colère, joints aux gestes qui leur sont appropriés, le babllaage de la mère avec son enfant chér,, sont plus expressifs que n'importe quelles paroles. Ce qui distingue l'homme des animaux inférieurs, ce n'est pas la faculté de comprendee les sons ariiculés, car, comme chacun le sait, les chiens comprennent bien des mots et bien des phrases. Sous ce. rappott les chiens se trouvntt dans le même état de développement que les enfants, âgés de dix à douze mois, qui comprennent bien des mots et bien des phrases, mais qui ne peuvent pas encore prononcer un seul mot. Ce n'ess pas la faculté d'articuler; car le perroqutt et d'autres oiseaux possèdent cette faculté. Ce n'est pas, enfin, la simple faculté de rattacher des sons définis à des idées définies, car il est évident que certains perroquets qui ont apprss à parler appliquent sans se tromper le mot. propre à certaines choses et rattachent les persones aux événemenss». Ce qui distingue l'homme des animaux inférieurs, c'est la facutté infiniment plus grande qu'il possède d'associer les sons les plus divers aux idées les plus différentes, et cette faculté dépend évidemment du développement extraordinaire de ses facultés mentaees/

Un des fondateurs de la noble science de la philologie, Horne Tooke, remarque que le langage est un art, au même titre que l'art de fabrrqurr de la bière ou du pain; il me semble, toutefois, que l'écriture eût été un terme de comparaison bien plus convenable. Le langage n'est certainement pas un instinct dans le sens propre du mot, car tout langaee doit être appris. Il diffère beaucoup, cependant, de tous les arts ordinaires en ce que l'homme a une tendanee instinctive à parler, comme nous le prouve le babllaage des jeunes enfants, tandis qu'aucun enfant n'a de tendanee ins-

52. J'ai reçu à cet égard plusieurs communications très détaillé*. L'amiral sirJ. Sulivan, que je connais pour un observateur très soigneux, m'assure qu'un perroquet, qui est resté très longtemps dans la maison de son père, appelait par leur nom certains membres de la famille et certains visiteurs assidus. Il

des pommes sur la table de la cuisine. Voir aussi, sur les perroquets, llouzeau, J.mais <« Iromper. Je pourr.1, *.«, beaucoup d'autres e«n,pl.«.

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[ChapP III]                     FACULTÉS MENTALES                               91

tinctive à brasse,, à faire du pain.ou à écrire. En outre, aucun philologue n'oserait soutenrr aujourd'hui qu'un langage ait été inventé de toutes pièces; chacun d'eux s'est lentemntt et inconsciemment développ;-. Les sons que font entendee les oiseaux offrent, à-plusieurs poinss de vue, la plus grande analogee avec le langag;; en effet, tous les individus appartenant à une même espèce expriment leurs émotions par les mêmes cris instinc-' tifs, et tous ceux qui peuvent chanter exercent instinctivement cette faculté; mais c'est le père ou le père nourricier qui leur apprend le véritabee chan,, et même les notes d'appel. Ces chanss et ces cris, ainsi .que l'a prouvé Daines Barrington», < ne sont pas plus innés chez les oiseaux que le langage ne l'est chez l'homm.. Les premiers essass de chant chez les oiseaux peuvent être comparés aux tentatives imparfaites que traduisent les premiers bégaiements de l'enfant ». Les jeunes mâles continuent à . s'exercer, ou, comme disent les éleveurs, à étudier pendant dix ou onze mois. Dans leurs premiers essais, on reconnaît à peine les rudimenss du chant futu,, mais, à mesure qu'ils avancent en âge, on.vott où ils veulent en arrive,, et ils finissent par chanter très bien. Les couvées qui ont apprss le chant d'une espèce autre que la leur, comme les canaris quion élève dans le Tyro,, enseignent leur nouveau chant à leurs propres descendants. On peut comparer, comme le fait si ingénieusement remarquer Barrington, les légères différences naturelles du chant chez une même espèce, habtant des régions diverse,, « a des dia)ectes provinciaux ,; et les chanss d'espèces alliée,, mais distinctes, aux langagss des différentes races humannes. J'ai tenu à donner les détalls qui précèdent pour montrer qu'une tendanee instinctive à acquérir un art n'est point un fait particulier, restreint à l'homme seul.

Quelle est l'origine du langage articulé? Après avoir lu, d'une par,, les ouvragss si intéressants de M. Hensleigh Wedgwood, du rév. F. Farrar, et du professeur Schleicher », et, d'autre par,, les

53. Voir quelques excellentes remarques sur ce point par le prof. Whitney, Oriental and linguhlic studies, 1873,'p. 354. Il fait observer que le désir de communiquer avec ses semblables est chez l'homme la force vitale qui dans le développement du langage agit[consciemment et inconsciemment; consciem-ment en ce qui eoncerne I. but immédiat. obtenir, inconsciemment .„ ce qui

mrr^srsîss-- —, ™,, » M,

TT nT                            S des eSnatureUes,m"série' Zool°vie,

*;£. H.'Wedgwood, On the origin of language, 1866; rév. F.-W. Farrar,

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92                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire PARTIE]

célèbres leçons de Max Muller, je ne puis douter que le langage ne doive son origine à des imitations et à des modfiications, accompagnées de signes et de gestes, de divers sons naturels, des cris d'autres animau,, et des cris instinctifs propres à l'homme lui-même. Nous verron,, lorsque nous nous occuperons de la sélection sexuelle, que les hommes primitifs, ou plutôt quelque antique ancêtre de l'homme s'est probablement beaucoup servi de sa voix, comme le font encore aujourd'hui certains gibbon,, pour émettre de véritables cadences musicales, c'est-à-dire pour chanter. Nous pouvons concluee d'analogies très généralement répanduss que . cette faculté s'exerçait principalement aux époques où les sexes se recherchent, pour exprimer les diverses émotions de l'amou,, de la jalousie, du triomphe, ou pour défier les rivaux. I! est donc probable que l'imitation des cris musicaux par des sons articulés ait pu engendrer des mots exprimant diverses émotions complexes. Nous devons ici appeler l'attention, car ce fait expiique en grande pariie ces imitations, sur la forte tendanee qu'ont les formes les plus voisines de l'homm,, les singes, les idiots microcéphales", et les races barbares de l'humanité, à imiter tout ce qu'ils entendent. Les singes comprennent certainement une grande partie de ce que l'homme leur dit, et, à l'état de nature, poussett des cris différenss pour signaler un danger à leurs camaradss "; les poules sur terre et les faucons dans l'air poussent un cri particulier pour avertir d'un danger les animaux appartenant à la même espèce, et les chiens comprennent ces deux cris-; il ne semble donc pas impossible que quelque animal ressemblant au singe ait eu l'idée d'imiter le hurlement d'un animal féroce pour avertir ses semblables du genre de danger qui les menaçait. Il y aurait, dans un fait de cette nature, un premier pas vers la formation d'un langag..

A mesuee que la voix s'est exercée davantage, les organes vocaux ont dû se renforcrr et se perfectionner en vertu du principe des effets héréditaires de l'usag;; ce qui a dû réagrr sur la faculté de la parole. Mais les rapports entre l'usage continu du langaee et le développement du cerveau ont été, sans aucun doute, beaucoup plus importants. L'ancêtre primitif de l'homm,, quel qu'il soit,

traduit en anglais l'ouvrage qu'a publié sur ce sujet le professeur Aug. Schlei-cher, sous le titre de Darwinism tesled by the science- of Language, 1869.

56.  Vogt, Mémoires sur les Microcéphales, 1867, p. 169. En ce qui concerne les sauvages, j'ai signalé quelques faits dans mon Voyage d'un naturaliste autour du monde (Paris, Reinwald), p. 206.

57.  On trouvera de nombreuses preuves à cet égard dans les deux ouvrages si souvent cités de Brehm et de Rengger.

58.VoirHouzeau,op.ca.,vol.U,p.348.

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[Chap. III]                       FACULTMS MENTALES                                   93

devait possédrr des facultés mentales beaucoup plus développées qu'elles ne le sont chez les singes existant aujourd'hui, avant même qu'aucuee forme de langag,, si imparfaite qu'on la suppose, ait pu s'organiser. Mais nous pouvons admettre hardiment que l'usage continu et l'amélioration de cette faculté ont dû réagrr sur l'esprit en lui permettant et en lui facilitant la réalisation d'une plus longue suite d'idée.. On peut ne pas plus poursuivre une pensée prolongée et complexe sans l'aide des mots, parlés ou non.-qu'on ne peut faire un long calcul sans l'emploi des chiffres ou de l'algèbre. Il semblerait aussi que le cours même des idées ordinaires nécessite quelque forme de langage, car on a observé que Laura Bridgman, fille aveugle, sourde et muette, se servatt de ses doigts quand elle rêvatt ». Une longue succession d'idées vives et se reliant les unes aux autres peut néanmoins traverser l'esprit sans le concours d'aucune espèce de langag,, fatt que nous pouvons déduire des rêves prolongss qu'on observe chez les chiens. Nous avons vu aussi que les animaux peuvent raisonnrr dans une certaine mesure, ce qu'ils font évidemment sans l'aide d'aucun langage. Les affections curieuses du cerveau, qui atteignent particulièrement l'articulation et qui font perdre la mémoire des substantifs tandss que celles des autres mots reste intacee « prouvent évidemment les rapports intimes qui existent entre le cerveau et la faculté du langag,, telle qu'elle est développee aujourd'hui chez l'homm.. Il n'y a pas plus d'improbabilité à ce que les effets de l'usage continu des organss de la voix et de l'esprtt soient devenus héréd-taires qu'il n'y en a à ce que la forme de l'écriture, qui dépend à la fois de la structure de la main et de la disposition de l'esprit, soit aussi héréditaire; or il est certain » que la faculté d'écrire se transmtt par hérédité.

Plusieuss savants, et principalement le professeur Max Millier», ont soutenu dernièrement, en insistant beaucoup sur ce poin,, que l'usage du langage implique la faculté de la conception d'idées générales; or, comme on n'admtt pas que les animaux possèdent cette faculté, il en résulte une barrèère infranhhissable entre eux et l'homme ». J'ai déjà essayé de démontrer que les animaux pos-

pftholZ o/STédiUon Cmtp "it d°Cteur MaudS'ey, Physiology and

60. On a enregistré beaucoup-de câs^e ce genre. Voir par exemple Inquiries

concemigthe intellect Powers, par le docteur Abercrombie, 1838, p. 150.

62.  Lectures on M. Darwin's Philosophy of language, 1873.

63.  Le jugement d'un philologue aussi distingué que le professeur Whitney

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sèdent cette facutté au moins a l'état naissant et de façon très grossière. Quant aux enfants, âgés de dix à onze mois, et aux sourds-muets, il me semble incroyable qu'ils puissent rattacher certains sons à certaines idées généralss aussi rapidement qu'ils le font, à moins que l'on admetee que ces idées générales étaient déjà formées dans leur esprit. On peut appiiqurr la même remarque aux animaux les plus intelligents, car, comme le fait observrr M. Leslie Stephen : Unn chien se fait une idée généraee des chats et des moutons et connatt les mots correspondanls tout aussi bien que peut les connaître un philosophe. La faculté de comprendee est, à un degré inférieu,, il est vrai, une aussi bonne preuve de l'intelligence vocale, que peut l'ètre la faculté de parler. »

Il n'est pas difficile de concevorr pourquoi les organes, qui servent actuellement au langage, ont été plutôt que d'autres originellement perfectinnnés dans ce but. Les fourmss communiquent facilement les unes avec les autres au moyen de leurs antennes, ainsi que l'a prouvé Huber, qui consacre un chapitre entier à leur langage. Nous aurions pu nous servir de nos doigts comme instrumengs efficaces, car, avec de l'habitude, on peut transmettre à un sourd chaque mot d'un discouss prononcé en public; mais alors l'impossibilité de nous servrr de nos mains, pendant qu'elles auraient été occupées à exprimer nos pensée,, eût constitué pour nous un inconvénient sérieux. Tous les mammifères supérieurs ont les.organes vocaux construits sur le même plan général que les nôtre,, et se servent de ces organes comme moyen de communquer avec leurs congénères; il est donc extrêmement probable que, dès que les communications devinrent plus fréquentes et plus importantes, ces organss ont dû se développer dans la mesure des nouveaux besoins; c'est ce qui est arrivé, en effet, et ces progrès

aura beaucoup plus de poids sur ce point que tout ce que je pourrai dire. Le professeur fait remarquer, Oriental and linguislic studies, 1873, p. 297; en discutant les opinions de Bleck : . Bleck, se basant sur ce que le langage est un auxiliaire de la pensée presque indispensable à son développement, à la netteté, à la variété et à la complexité des sensations qui déterminent la conscience, en conclut que la pensée est absolument impossible sans la parole, et il confond ainsi la faculté avec l'instrument. Il pourrait tout aussi bien soutenir que la main humaine est incapable d'agir sans le concours d'un outil. En partant d'une semblable doctrine, il lui est impossible de ne pas accepter les paradoxes les plus regrettables de Millier et de ne pas soutenir qu'un enfant (infant ne parlant pas) n'est pas un être humain et qu'un sourd-muet n'acquiert la raison que quand il a appris à se servir de ses doigts pour figurer le langage! » Max Müller, op. cit., a soin de souligner l'aphorisme suivant : a Il n'y a pas plus de pensée sans parole qu'il n'y a de parole sans pensée. » Quelle étrange

^.tlysoTZrtMntin9, etc. 1873, p. 82.

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[Chap. )II]                    FACULTES MENTALES '                              95

ont été principalement obtenus à l'aide de ces parties si admirablement ajustée,, la langue et les lèvres ». Le fait que les singes supérieuss ne se servent pas de leurs organes vocaux pour, parler, dépend, sans doute, de ce que leur intelligence n'a pas suffisamment progressé. Les singes possèdent, en somme, des organes qui, avec une longue pratique, auraient pu leur donner la parole, mais ils ne s'en sont jamais serv;; nous trouvon,, d'allleurs, chez. beaucoup d'oiseau,, un exempee analogue : ils possèdent tous les organes nécessaires au chan,, et cependant ils ne chantent jamais. Ainsi, les organes vocaux du rossignol et ceux du corbeau ont une construction analogue; le premier s'en sert pour moduler les chanss les plus variés; le second ne fait jamass entendee qu'un simple croassement «. Mais pourquii les singes n'ont-ils pas eu une intelligenee aussi développee que celle de l'homm?? C'est là une question à laquelee on ne peut répondee qu'en invoquant des causes générales; en effet, notre ignoranee relativement aux phases suc cessives du développement qu'a traversées chaque créature est si incompèète qu'il serait déraisonnable de s'attendre & rien de défini.                                                     .                                                                             ' :

Il est à remarquer, et c'est un fait extrêmement curieux, que les causes qui expliquent la formation des langues différentes explquent aussi !à formation des espèces distinctes; ces causes peuvent se résumrr en un seul mot : le développement graduel; et les preuves à l'appii sont exactement les mêmes dans les deux cas ». Nous pouvon,, toutefois, remonter plus près de l'origine de bien des mots que de celle des espèces, car nous pouvons saisir, pour ainsi dire, sur le fait, là transformation de certains sons en mots, les-. quels ne sont après tout que des imitations de ces sons. Nous rencontrons, dans des langues distinctes, des homologies frappantes dues à la communauté de descendance, et des analogies dues à un procédé semblabee de formation. L'altération de certaines lettres ou de certains sons, produite par la modification d'autres lettres ou

' 65. Voirpour quelques excellentes remarquessur ce point, docteur Maudsley, Physiology and Pathology of Mind, 1868, p. 199.

66. Macgillivray, History of British Birds, 1839, t. II. p.,29. Un excellent observateur, M. Blackwll, remarque que la pie apprend à prononcer des mots

of Man, 1863, en. xxm.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ire Pahtik]

d'autres sons, rappelle la corrélation de croissance. Dans les deux cas, languss et espèces, nous observoss la réduplication des parties, les effets de l'usage longtemss continu,, et ainsi de suite. La présenee fréquenee de rudiments, tant dans les langues que dans les espèces, est encore plus remarquable. Dans l'orthographe des mots, il reste souvent des lettres représentant les rudgments d'an-cieîmes prononciations. Les langue,, comme les êtres organisés, peuvent se classer en groupes subordnnnés; on peut aussi les classer naturellement selon leur dérivation, ou artificieleement, d'après d'autres caractères. Les langues et les dialectes dominanss se répandent rapidement et amènens l'extinction d'autres langages. De même qu'une espèce, une langue une fois éteinte ne reparaît jamais, ainsi que le fait remarquer sir C. Lyel.. Le même langage ne surgtt jamass en deux endroits différents; et des langues distinctes peuvent se croiser ou se fondre les unes avec les autres ». La variabilité existe dans toutes les langue,, et des mots nouveaux s'introduisent constamment; mais, comme la mémoree est limitée, certains mots, comme des languss entière,, disparaissent peu à peu : « On observe dans chaque langue, ainsi que Max Mûller G l'a fait si bien remarquer, une lutte incessante pour l'existenee entre les mots et les formes grammaticales. Les formes les plus parfaites, les plus courtes et les plus faciles, tendent constamment à prendre le dessus, et doivent leur succès à leur vertu propre. e On peut, je crois, à ces causes plus importantes de la persistance de certains mots, ajouter la simple nouveauéé et la mode; car il y a dans l'esprtt humain un amour prononéé pour de légers changements en toutes choses. Cette perssstance, cette conservation de certains mots favorisés dans la lutte pour l'existence, est une sorte de sélection naturelle.

On a soutenu que la construction parfaitement régulière et étonnamment complexe des langues d'un grand nombee de nations barbares est une preuve, soit de l'origiee divine de ces langues, soit de la hauee intelligence et de l'antique civilisation de leurs fondateurs. t Nous observons fréquemment, dit à ce sujet F. von Schle-gel, dans les languss qui paraissent représenter le degré le plus infime de la cultuee intellectuelle, une structure grammaticale admirabeement élaborée. On peut appiiqurr cette remarque principalement au basque et au lapon, ainsl queà beaucoup de langues amé-

68. Voir à ce sujet les remarques contenues dans un article intéressant du rév. F.-W. Farrar, intitulé Phylosophy and Darwinism, publié dans le n* du

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[Chap. III]                      FACULTÉS MENTALES                                  97

ricaines ». » Mais il est certainement inexatt de comparer, un lan- . gage à un art, en ce sens qu'il auratt été élaboré et formé méthodiquement. Les philologues admettent aujourd'hui que les conjugaisons, les déclinaisons, etc., existaient à l'origine comme mots distincts, depuss réuni;; or, comme ce genre de mots exprime les rapports les plus clairs entre les objets et les personnes, il n'est pas étonnatt qu'ils aient été employss par la plupatt des races pendant les premiers âges. L'exempee suivant prouve combien il nous est facile de nous tromper sur ce qui constitue la perfection. Un Crinoïde se compose parfois de cent cinquanee mille pièces " d'écailles, toutes rangées avec une parfaite symétrie en lignes rayonnantes; mais le naturaliste ne considèee point un animal de ce genre comme plus parfait qu'un animal du type bilatéral, formé de parties moins nombreuses et qui ne sont semblables entre elles que sur les côtés opposés du corps. Il considère, avec raison, que la différencaation et la spécialisation des organss constituent la perfection. Il en est de même pour les langues ; la plus symétrique et la plus compliquée ne doit pas être mise au-dessus d'autres plus irrégulières, plus brèves, résultant de nombreux croisements, car ces dernières ont emprunté des mots expressifs et d'utiles formes de construction à diverses races conquérantes, conquises ou imrni-

"'ceHemarques, assurément incomplètes, m'amènent à concluee que la construction très complexe et très régulière d'un grand nombre de langues barbares ne prouve point qu'ellss doivent leur origine à un acte spécial de création ». La faculté du langage articuéé ne constitue pas non plus, comme nous l'avons vu, une objeciion insurmontable à l'hypothèse que l'homme descend d'une forme in- férieure.

Sentiment du beau. - Ce sentimett est, assure-t-on, spécial à l'homm.. Je m'occupe seulement ici du plaisrr que l'on ressent à contempler certaines couleuss et certaines formes, ou à entendee certains sons, ce qui constitue certainement le sentimntt du beau; toutefois ces sensations, chez l'homme civiiisé, s'associent étroitement à des idées complexes. Quand nous voyons un oiseau mâle étaler orgueilleusement, devant la femelle, ses plumes gracieses ou ses splendides couleurs, tandss que d'autres oiseaux,

70.  Cité par C.-S. Wake, Chapters on Man 1868, p. 101.

71.  Buckland, Bridgewater Treatise, p. 411.

72.  Voir quelques excellentes remarques sur la simplification des langages, par sir J. Lubbock, Origines de la civilisation, p. 278.

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98                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PARTIB]

moins bien partagés, ne se livrent à aucune démonstration semblable, il est impossbble de ne pas admettre que les femelles admrrent la beauté des mâle.. Dans tous les pays, les femmes se parent de ces plume;; on ne sauratt donc contester la beauéé ' de ces ornements. Les oiseaux-mouches et certains autres oiseaux disposent avec beaucoup de goût des objets brillanss pour orner leur nid et les endroits où ils se rassemblent; c'est évidemment là une preuve qu'ils doivent éprouvrr un certain plaisir à contempler ces objets. Toutefois, autane que nous en pouvons juge,, le sentiment pour le beau, chez la grande majorité des animau,, se limite aux attractions du sexe opposé. Les douces mélodies que soupirent beaucoup d'oiseaux mâles pendant la saison des amours soni certainement l'objet de l'admiration des femelles, fait dont nous fournirons plus loin la preuv.. Si les femelles étaient incapables d'apprécier les splendides couleurs, les ornemenss et la voix des mâles, toute la peine, tous les soins qu'ils prennent pour déployer leurs charmss devant elles seraien' inutiles, ce quill est impossible d'admettre. Il est, je crois, aussi difficile d'expliquer le plaisir que nous causent certaines couleuss et certanss sons harmonieux que l'agrément que nous procurent certaines saveuss et certaines odeur;; mais l'habitude joue certannement un rôle considérable, car certaines sensations qui nous étaient d'abodd désagréables finissent par devenrr agréables, et les habitudes sont héréditaires. Helmholtz a expliqué dans une certaine mesure, en se basant sur les principes physiologiques, pourquoi certaines harmonies et certaines cadences nous sont agréables. En outre, certains bruits se reproduisant fréquemment à des intervalles irréguliers nous sont très désagréabl,s, ainse que l'admettra quiconque a entendu pendant la nuit sur un navire le battement irrégulier d'un cordag.. Le même principe semble s'appliquer quand il s'agit du sens de la vue, car l'œil préfèee évidemment la symétrie ou les images qui se reproduisent régulièrement. Les sauvagss les plus infimes adoptent comme ornemenss des dessins de cette espèce et la sélection sexuelle les a développés dans l'ornementation de quelques animaux mâles. Quoi qu'il en soit, et que nous puissions expiiqurr ou non les sensations agréables causées ainsi à la vue ou à l'ouïe, il est certann que l'homme et beaucoup d'animaux inférieuss admrrent les mêmes couleurs, les mêmes formes gracieuses et les mêmes sons.

Le sentiment du beau, en tant qu'il s'agtt tout au moins de la beauéé chez la femme, n'est pas absolu dans l'esprit humain, car il diffère beaucoup chez les différentes race,, et il n'est même pas iden-

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[Chap.IH]                     FACULTÉS MENTALES                               99

tique chez toutes les nations appartentnt à une même race. A en juger par les ornemenss hideux et la musiqee non moins atroce qu'admirent la plupatt des sauvages, on pourrait concluee que leurs facultés esthétiques sont à un état de développement inférieur à celui qu'ellss ont atteint chez quelquss animaux, les oiseaux par exemple. Il est évident qu'aucun animal ne seratt capabee d'admirer une belle nuit étoilée, un beau paysage ou une musique savante; mais ces goûts relevés dépendent, il ne faut pas l'oublier, de l'éducation et de l'association d'idées complexes, et ne sont appréciés ni par les barbares, ni par les personnes dépourvues d'éducation.

La plupatt des facultés qui ont le plus contribéé à l'avancement progressif de l'homm,, telles que l'imagination, l'étonneme,t, la currosité, le sentiment indéfini du beau, la tendanee à l'imitation, l'amour du mouvement et de la nouveauté, ne pouvaient manqurr d'entraîner l'humanité à des changements capricieux de coutumss et de modes. Je fais allusion à ce poin,, paree qu'un écrivain" vien,, assez étrangeme,t, de désigner le caprice « comme une des différences typiquss les plus remarquables entre les sauvages et les animaxx ,. Or nous pouvons non-seulement comprendre comment il se fait que l'homme soit capricieux, mais prouver, ce que nous ferons plus loin, que l'animal l'est aussi dans ses affection,, dans ses aversion,, dans le sentiment qu'il a du beau. En outre, il y a de bonnes raisons de supposer que l'animal aime la nouveauté pour elle-mêm..

Croyance en Dien. - Religion. - Rien ne prouve que l'homme ait été primitivement doué de la croyanee à l'existence d'un Dieu omnipotent. Nous possédon,, au contraire, des preuvss nombreuses que nous ont fournies, non pas des voyageurs de passag,, mais des hommss ayant longtemss vécu avec les sauvages, d'où il résulte quill a existé et quill existe encore un grand nombre de peuplades qui ne croient ni à un ni à pluseeurs dieux, et qui n'ont même pas, dans leur langu,, de mot pour exprimer l'idée de la divinité,. Cette quesiion est, cela va sans dire, distincte de celle d'ordee plus élevé, de savorr s'il existe un Créateur maître de l'unvers, questinn à laquelee les plus hautes intelligences de tous les temps ont répondu affirmativement.

Toutefois, si nous entendoss par le terme religion, la croyanee

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à des agenss invisibles ou spirituels, le cas est tout différen,, car cette croyanee paratt être presque universelle chez les races les moins civilisée.. Il n'es,, d'allleurs, pas difficile d'en comprendre l'origine. Dès que les facultés importantes de l'imagination, de l'é-tonnemett et de la curiosité, outre quelque puissanee de raisonnement, se sont partiellement développées; l'homme a dû naturellement cherchrr à comprendre ce qui se passatt autour de lui, et à spéculer vaguement sur sa propee existence. « L'homm, dit M. M' Lennan », est poussé, ne fùt-ce que pour sa propee sat.sfae-tion, à inventer quelque expiication des phénomènes de la vie; et, à en juger d'après son universalité, la première, la plus simple hypothèse qui se soit présentée à lui semble avoir été qu'on peut attribuer les phénomènes naturels à la présence, dans les animaux, dans les plantes, dans les chose,, dans les forces de la nature, d'esprits inspirant les action,, esprits semblables à celui dont l'homme se conçoit lui-même le possesseur. , Il est aussi très probable, ainsi le démontre M. Tylor, que la premèère notion des esprits ait pris son origine dans le rêve, car les sauvages n'établisseni guère aucune distinction entre les impressions subjectives et les impresions objectives. Le sauvag,, qui voit des figures en songe, pense que ces figures viennent de loin et qu'elles lui sont supérieures; ou bien encore que < l'Ame du rêveur part en voyag,, et revient avec le souvenrr de ce qu'elee a vu " ». Mais il fallatt que les facultés dont nous avons parlé, c'est-à-dire l'imagination, la curiosité, la raison, etc,, eussent acqus,, déjà, un degré considérable de développement dans l'esprtt human,, pour que les rêves pussent amener l'homme à croire aux esprits ; car, auparavant, ses rêves ne devaient

Ts'TheWorMpofAiûmaUatulP^nU^nsFortnighUyRe^.ocUl^m,

une double essence, corporelle et spirituelle. Comme l'être spirituel est supposé exister après la mort, et avoir une puissance, on se le rend favorable pardivers dons et cérémonies, et on invoque son secours. Il montre ensuite que les noms ou surnoms d'animaux ou autres objets qu'on donne aux premiers ancêtres ou fondateurs d'une tribu,sont, au bout d'un temps fort tong,supposés représenter t'ancêtre réel, de la tribu, et cet animal ou cet^objet est alors naturellement considéré comme existant à l'état d'esprit, tenu pour sacré et adoré comme un dieu.Toutefois je ne puism'empècherdesoupçonnerqu'ilyait euunétatencore

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mentales analogues aux nôtres.

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[Chap. III]

FACULTÉS MENTALES                                 101

pas avoir plus d'influenee sur son esprtt que les rêves d'un chien n'en ont sur le sien.

Un petit fait, que j'ai eu occasion d'observer chez un chien qui m'appartenait, peut faire comprendre la tendanee qu'ont les sauvages à s'imagnner que des essences spirituelles vivantes sont la cause déterminante de toute vie et de tout mouvement. Mon chien, animal assez âgé et très raisonnable, étatt couché sur le gazon un jour que le temps était très chaud et très lourd; à quelque distanee de lui se trouvatt une ombrelee ouveree que la brise agitait de temps en temps; il n'eût certainement fait aucune attention à ces mouvemenss de l'ombrelle si. quelqu'un eût été auprè.. Or, chaque fois que t'ombrelle bougeait, si peu que ce fût, le chien se mettatt à grondrr et à aboyer avec fureu.. Un raisonnement rapide, inconscient, devatt dans ce moment traverser son esprit; il se disait, sans doute, que ce mouvemett sans cause apparente indiquait la présence de quelque agent étranger, et il aboyait pour chasser l'intrus qui n'avatt aucun droit à pénétrer dans ta propriété de son maître.

Il n'y a qu'un pas, facile à franchir, de la croyanee aux esprits à celle de l'existence d'un ou de plusieurs dieux. Les sauvages, en effet, attribuent naturellement aux esprits les mêmes passions, la même soif de vengeance, forme la plus simple de la justice, les mêmes affections que celles quilss éprouvent eux-mêmes. Les Fué-giens parasssent, sous ce rapport, se trouver dans un état intermdiaire, car lorsque, à bord du Beagle, le chirurgien tua quelques canards pour enrichrr sa collection, Yorck Minster s'écria de la manière la plus solennelle: « Oh! M. Bynoe, beaucoup de pluie, beaucoup de neige, beaucoup de ven;; x c'étatt évidemment là pour lui la punitinn qui devatt nous atteindre, car nous avions gaspille des aliments propres à la nourriture de l'homm.. Ainsi, il nous racontait que, son frère ayant tué un « sauvage », les orages avaient longtemss régné, et qu'il était tombé beaucoup de pluie et de neige. Et cependatt les Fuégiens ne croyaient à rien que nous puissioss appeler un Dieu, et ne pratiquaient aucune cérémonee religieuse; Jemmy Button soutenatt résolument, avec un juste orgueil, qu'il n'y avatt pas de diables dans son pays. Cette dernière assertion est d'autant plus remarquable que les sauvages croient bien plus facilement aux mauvais esprits qu'aux bons.

Le sentiment de la dévotion religieuee est très complex;; il se compoee d'amou,, d'une soumissinn complète à un être mystérieux et supérieu,, d'un vif sentimett de dépendance", de crainte, de

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102                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire pAR]re]

respec,, de reconnasssan,e, d'esporr pour l'avenir, et peut-être encore d'autres étéments. Aucun être ne sauratt éprouver une émotion aussi complex,, à moins que ses facultés morales et intellectuelles n'aient acquss un développement assez considérable. Nous remarquons, néanmoins, quelque analogie, bien faible il est vra,, entre cet état d'esprit et l'amour profond qu'ale chien pour son maître, amour auquel se joignent une soumsssion complète, un peu de crainte et peut-être d'autres sentiments. La conduite du chien, lorsqulil retrouee son maître après une absence, et, je puis l'ajouter celle d'un singe vis-à-vis de son gardien qu'll adore, est très différente de celle que tiennent ces animaux vis-à-vss de leurs semblable.. Dans ce dernier cas, les transports de joie paraissent être .moins intense,, et toutes les actions manifestent plus d'égalité. Le professeur Braubach » va jusquàà soutenrr que le chien regarde son maître comme un dieu.

Les mêmes hautes facultés montales qui ont tout d'abodd pouséé l'homme à croire à des esprtss invisibles, puis qui l'ont condutt au fétichisme, au polythéisme, et enfin au monothéisme, devaient fatalement lui faire adopter des coutumss et des superstitions étrangss tant que sa raison était restée peu développée. Au nombre de ces coutumss et de ces superstitions il y en a eu de terribles : - les sacrifices d'êtres humanss immolés à un dieu sanguinaire; les innocents soumss aux épreuves du poison ou du feu; )a sorcellerie, etc. Il est, cependant, utile de penser quelquefois à ces superstitions, car nous comprenoss alors tout ce que nous devons aux progrès de la rason, à la science et à toutes nos connasssances accumulées. Ainsi que l'a si bien fait remarquer sir J. Lubbock » : N Nous n'exagéron pas en disant qu'une crainte, qu'une terreur constanee de l'inconn, couvre la vie sauvage d'un nuage épais et en empossonee tous les plaisirs. » On peut comparer aux erreuss incidentes que l'on remarque parfois dans l'instinct des animaux cet avortement misérable, ces conséquences indirectes de nos plus hautes facuttés.

78.  Religion, Moral, etc., derDarwinien Art-lehre, 1869, p. 53. On affirme (Docteur W. L^vUné^y,Journa<of mental Science, 1871. p. 43) que Bacon et que le poète Burns partageaient la même opinion.

79.  Prehisloric Times, 2* édit., p. 571. On trouvera dans cet ouvrage (p. 553) une excellente description de beaucoup de coutumes bizarres et capricLs J

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[Chap. IV]

SENS MORAL

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CHAPITRE IV

COMPARASSON DES FACULTÉS MENTALSS DE L'HOMME AVEC CELLEE DES ANIMAUX (SUITE))

Le sens moral. - Proposition fondamentale. - Les qualités des animaux postérieure du développement, a- Importance du jugement des membres

Je partage entièrement l'opinion des savanss qui affirment que, de toutes les différences existant entre l'homme et les animau,, c'est le sens moral ou la conscience, qui est de beaucoup la plus importante. Le sens mora,, ainsi que le fait remarquer Mackintosh , a l'emporte àjuste titre sur tout autre principe d'action-humaine D; il se résume dans ce mot cour,, mais impérieu,, le devoi,, dont la signification est si élevée. C'est le plus noble attribut de l'homm,, qui le pousse à risque,, sans hésitation, sa vie pour celle d'un de ses semblables; ou l'amèn,, après mûre délibération, à la sacrifier à que)que grande cause, sous la seule impulsion d'un profond sentiment de droit ou de devoir. Kant s'écrie : « Devoir! pensée merveilleuee qui n'agss ni par l'insinuation, ni par la flatterie, ni par la menace, mais en te contentant de te présenter à l'àme dans ton austère simplicité; tu commandes ainsi le respec,, sinon toujours lFobéissance; devant toi tous les appétits restent muets, si rebelles qu'ils soient en secre;; d'où tiresttu ton origine3? x '

Bien des écrivains de grand mérite ont discuéé cette immenee question*; si je l'effleure ici, c'est quill m'est impossible de la passer sous silence, et que personn,, autant que je le sache toutefois, ne l'a abordee exclusivement au point de vue de l'histoire naturelle. La recherche en elle-même offre, d'ailleurs, un vif intérê,, puisqu'elle nous permet de déterminer jusqu'à quel point l'étude

1. Voir par exemple, sur ce sujet, de Quatrefages, Unité de l'espèce humaine, 1861, p. 21, etc.

4. Dans son ouvrage, Mental and moral science, 1868, pp. 543, 725, M. Bain cite une liste de vingt-six auteurs anglais qui ont traité ce sujet; à ces noms bien connus j'ajouterai celui deM. Bain lui-même et ceux de MM. Lecky, Shad-worth Hodgson, et sir J. Lubbock, pour n'en citer que quelques-uns.

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104                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee P.bt.k]

des animaux inférieuss peut jeter quelque lumière sur une des plus hautes facultés psychiques de l'homm..

La proposition suivante me paratt avoir un haut degré de probabilité : un animal quelconqu,, doué d'instincts sociaux prononcss ', en comprenant, bien entendu, au nombre de ces instincts, t'affection des parents pour leurs enfanss et celle des enfanss pour leurs parents, acquerrait inévitablement un sens moral ou une conscience, aussitôt que ses facultés intellectuelles se seraient développées aussi complètement ou presque aussi complètement qu'elles le sont chez)'homme. Premtémncn^eneffet,lesinstincU sociaux poussent l'animal à trouver du plaisir dans la société de ses semblables, A éprouver une certaine sympathie pour eux, et à leur rendre divers services. Ces services peuvent avoir une nature définie et évidemment instinctive; ou n'être qu'une disposition ou qu'un désir qui pousee à les aider d'une manière générae,, comme cela arrive chez les animaux sociables supérieurs. Ces sentimenss et ces services ne s'étendent nullement, d'ailleur,, à tous les individus appartenant à la même espèce, mais seulement à ceux qui font partie de la même association. ~econdement< une fois les facultés inteltectuelles hautement développées, le cerveau de chaque individu est constamment rempli par t'image de toutes ses actions passées et.par les motifs qui l'ont poussé à agir comme il t'a fait; or il doit éprouver ce sentimntt de regret qui résulte invariablement d'un instinct auquel il n'a pas été satisfait, ainsi que nous le verrons plus loin, chaque fois qu'il s'aperçoit que l'instinct social actuel et perssstant

5.SirB.Brodie,aprèsavoirfaitobserver(PS^o%^£»?UineS,1854,p.192) que l'homme est un animal sociable, pose une importante question : « Ceci ne

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ceptible dans une certaine mesure de surgir spontanément comme toutes les autres facultés. » Mais, contrairement à cette assertion, il fait aussi remarquer

ne peut guère contester que les sentiments sociaux sont instinctifs ou innés chez lesanimaux inférieurs; pourquoi donc ne le seraient-ils pas chez l'homme? M. Bain (the Emotions and the WiU, 1865, p. 481) et d'autres croient que chaque individu acquiert le sens moral pendant le cours de sa vie. Ceci est au moins fort improbable étant donnée la théorie générale de l'évolution, il me semble que M. Mill a commis une erreur fàcheuse en n'admettant pas la transmission héréditaire des qualités mentales.                             

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[ChapV IV]                           SENS MORLL                              ' 105

a cédé chez lui à quelque autre instinc,, plus puissant sur. le moment, mais qui n'est ni permanent par sa nature, ni susceptible de laisser une impression bien vive. Il est évident qu'un grand nombre de désirs instinctifs, tels que celui de la faim, n'ont, par leur nature même, qu'une courte durée; dès qu'ils sont satisfaits, le souvenrr de ces instincss s'efface, car ils ne laissent qu'une trace légère. Troisièmement : dès le développement de la facutté du langage et, par conséqunnt, dès que les membres d'une même association peuvent clairement exprimer leurs désirs, l'opinion commun,, sur le mode suivant lequel chaque membre doit concourir au bien publi,, devient naturellement le principal guide d'action. Mais il faut toujours se rappeler que, quelque poids qu'on attribue à' l'opinion publique, le respect que nous avons pour l'approbation ou le blâme exprimé par nos semblables dépend de la sympath,e, qui, comme nous le verron,, constitee une partie essentielle de l'instinct social et en est même la base. Enfin, l'habitude, chez l'indvvidu, joue un rôle fort important dans la direction de la conduite de chaque membee d'une association; car la sympathie et l'instinct social, comme tous les autres instincts, de même que l'obésssance aux désirs et aux jugements de la communauté, se fortifient considérablement par l'habitude. Nous allons maintenant discuter ces diverses propositions subordonnées, et en traiter quelques-unes en détail.

Je dois faire remarquer d'abord que je n'entenss pas affirmer qu'un animal rigoureusement sociabe,, en admettant que ses facultés intellectuelles devinssent aussi actives et aussi hautement développées que celles de l'homm,, doive acquérir exactement le même sens moral que le nôtre. De même que divers animaux possèdent un certain sens du beau, bien qu'ils admrrent des objets très. différents, de même aussi ils pourraient avoir le sens du bien et du ma,, et être conduits par ce sentiment à adopter des lignes de conduite très différentes. Si, par exempe,, pour prendre un cas extrêm,, les hommss se reproduisaient dans des conditions identiquss à celles des abeilles, il n'est pas douteux que nos femelles non mariées, de même que les abellles ouvrières, considéreraient comme un devorr sacré de tuer leurs frère,, et que les mères chercheraient à détruire leurs tilles fécondes, sans que personne songeât à intervenr6.. Néanmoins il me semble que, dans te cas que nous suppo-

6. M. H.Sidgwick.qui a discuté ce sujet de façon très remarquable (Academy,

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106                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [ï«-Pahtib]

sons, l'abeille, ou tout autre animal sociable, acquerrait quelque sentiment du bien et du ma,, c'est-à-dire une conscrence. Chaque individu, en effet, auratt le sens intime qu'il possède certains instincss plus forts ou plus persistan,s, et d'autres qui le sont moins; il aurait, en conséquence, à lutter intérieurement pour se décider à suivre telle ou telle impulsionitl éprouverait un sentiment de satisfaction, de regre,, ou même de remord,, à mesure quill comparerait à sa conduite présenee ses impressions passées qui se représenteraient incessamment à son esprit. Dans ce cas, un conseiller intérierr indiquerait à l'animal qu'il auratt mieux fait de suivre une impulsion plutôt qu'une autre. Il comprendrait qu'il auratt dû suivre une directinn plutôt qu'une autre; que l'une était bonne et l'autre mauvaise; mais j'aurai à revenrr sur ce poin..

Sociabilité. - Plusieuss espèces d'animaux sont sociables; certaines espèces distinctes s'associent même les unes aux autre,, quelques singes américains, par exemple, et les bandss unies de corneilles, de freux et d'étourneaux. L'homme manifeste le même sentiment dans son affection pour le chien, affection que ce dernier lui rend avec usure. Chacun a remarqué combien les chevaux, les chien,, les mouton,, etc., sont malheureux, lorsqu'on les sépare de leurs compagnons; et combien les deux premières espèces surtout se témoignent d'affection lorsqu'on les réunit. Il est curieux de se demandrr quels sont les sentiments d'un chien qui se tient tranquille dans une chambre, pendatt des heures, avec son mattre ou avec un membee de la famille, sans quron fasse la moindee attention à lui, tandss que, si on le laisse seul un instan,, il se met à aboyer ou à hurler tristement. Nous bornerons nos remarques aux animaxx sociabess les plus élevés, à l'exclusion des insectes, bien que ces derniers s'enlr'aident de bien des manières. Le service que les animaux supéreeurs se rendent le plus ordinairement les uns aux autres est de s'avertir réciproquement du danger au

sauvages, l'homme résout le problème parlemente des enfants femelles, par la polyandne et parla communauté des femmes; on est en droit de douter que ces méthodes soient beaucoup plus douces. Miss Cobbe, en discutant le même exemple (Darwinism in Morals, Theological Review, avril 1872s pp. 188-191),

sible aux individus; mais il me semble qu'elle oublie, ce qu'elle doit cependant admettre, que l'abeille a acqu.s ces instincts parce qu'ils sont avantageux pour

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moyen de l'union'des sens de tous. Les chasseurs saven,, ainsi que le fait remarquer le Dr Jœger'..combien il est difficile d'approcher d'animaux réunis en troupeau. Je crois que ni les chevaux sauvages, ni les bestiau,, ne font entendee un signal de danger; mais l'attitude que prend le premier qui aperçott l'ennemi avertit les autre.. Les lapins frappent fortement le sol de leurs pattes postérieures comme signal d'un dange;; les moutons et les chamoss font de même, mais avec les pieds de devan,, et lancent en même temps un coup de sifflet. Beaucoup d'oiseaux et quelquss mammifères placent des sentinelles, qu'on dit être généralement des femelles chez les phoques». Le chef d'une troupe de singes en est la sentinelle, et pousse des cris pour indique,, soit le dange,, soit la sécurité». Les animaux sociabess se rendent une foule de petits services réciproques, les chevaux se mordlllett et les vaches se lèchent mutuellement sur les points où ils éprouvent quelque démangeaison; les singes se débarrassent les uns les autres de leurs parasites; Brehm assure que, lorsqu'une bande de Cercopithe-cus griseo-viridis a traversé une fougère épineuse, chaque singe s'étend à tour de rôle sur une branche, et est aussitôt vistté par un de ses camarades, qui examine avec soin sa fourruee et en extratt toutes les épines.

Les animaux se rendent encore des services plus importants: ainsi les loups et quelques autres bêtes féroces chaseent par bandes et s'aident mutueleement pour attaqurr leurs victime.. Les pélicans pèchent de concer.. Les hamadryas soulèvent les pierres pour cherchrr des insectes, etc,, et, quand ils en rencontrent une trop grosse, ils se mettent autour en aussi grand nombee que possible pour la souleve,, la retournent et se partagent le butin. Les animaux sociabess se défendent réciproquement. Les bisons mâles, dans l'Amérique du Nord, placen,, au moment du dange,, les femelles et les jeunes au milieu du troupeau, et les entourent pour les défendre. Je citera,, dans un chapitre subséqunnt, l'exempee de deux jeunes taureaux.sauvages à Chillingham, qui se réunirett pour attaqurr un vieux taureau, et de deux étalons cherchant ensemble a en chasser un troisième loin d'un troupeau de juments. Brehm rencontra, en Abyssinie, une grande troupe de babouiss

7. Die^in'sche Théorie, p. 101.                        ^

i BrehmBrSZ^ÎTlIS^p.^^Pou^le cas des singes qui se débarrassent mutuellement des épines, p. 54. Le fait des hamadryas qu re-retournentles pierres est donné (p.79)sur l'autorité d'Alvarez, aux observat.ons duquel Brehm croit qu'on peut avoir confiance. Voy. p. 79 pour les cas de vieux babouins attaquant les chiens, et pour l'aigle, p. 56.

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108                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I« Partie]

qui traversaient une vallée ; une pariie avait déjàgravi la montagee opposée, les autres étaient encore dans la vallée. Ces derniers furent attaquss par des chiens; aussitôt les vieux mâles se précipitèrent en bas des rochers, la bouche ouverte et poussant des cris si terribles que les chiens battirent en retraite. On encouragea ceux-c' à une nouvelle attaqu,, mais dans l'intervalle tous les babouin! avaient remonéé sur les hauteurs, à l'exceptinn toutefoss d'un jeune ayant six mois environ, qui, grimpé sur un bloc de rocher ou il fut entour,, appelatt à grands cris à son secours. Un des plus grands mâles, vériiabee héros, redescendit la montagne, se rendtt lentement vers le jeune, le rassura, et t'emmena triomphalement. - Les chiens étaient trop étonnés pour t'attaquer. Je ne puis résister au désir de citer une autre scène qu'a observee le même naturaliste: un jeune cercopithèque, sais..par un aigle, s'accrocha àune branche et ne fut pas enlevé d'emblée; il se mit à crier au secour;; les autres membres de la bande arrivèrent en poussatt de grands cris, entourèrent l'aigle, et lui arrachèrent tant de plumes, qu'il tâcha sa proie et ne songea plus qu'à s'échapper. Brehm fait remaquer avec raison que désormais cet aigle ne se hasardera probablement plus à attaqurr un singe faisant pariie d'une troupe'».

Il est évident que les animaux assocéss ressentent des sentimenss d'affection réciproque, qui n'exsstent pas chez les animaux adultes non sociables. Il est plus douteux qu'ils éprouvett de la sympathie pour les peines ou les plassirs de leurs congénères, surtout poulles plaisirs. M. Buxton a pu, toutefois, constater, grâce à d'excellents moyens d'observation", que ses perroquets, vivant en liberté dans le Norfolk, prenaient un intérêt considérable à un couple qui avatt un nid; ils entouraient la femelle « en poussant d'effroyables cris pour t'acclamer, toutes les fois qu'elle quittait son nid D. Il est souvent difliclle de juger si les animaux éprouvent quelque sentiment de pitié pour les souffrances de leurs semblables. Qui peut dire ce que ressentett les vaches lorsqu'elles entourent et fixent du regard une de leurs camarades morte ou mouranee ?I1 est probable, cependant, que, comme le fait remarquer Houzeau, elles ne ressentent aucune pitié. L'absence de toute sympathie chez les

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animaux n'est quelquefois que trop certaine, car on les voit expulser du troupeau un animal blessé, ou le poursuivre et le persécuter jusquàà la mor.. C'est là le fait le plus horrible que relate l'histoire naturelle, à moins que l'explicaUon qu'on en a donnée sott la vraie, c'est-à-dire que leur instinct ou leur raison les pousse à expusser un compagnon blessé, de peur que les bêtes féroces, l'homme compris! ne soient tentés de suivre la troupe. Dans ce cas, leur conduite né seratt pas beaucoup plus coupabee que celle des Indiens de l'Amériqee du Nord qui laissent pérrr dans la plaine leurs camarades trop faibles pour tes suivre, ou que celle des Fijienr qui enterrent vivanss leurs parents âgés ou malades'».

Beaucoup d'animaux, toutefois, font certainement preuve de sympathie réciproque dans des circonstances dangereuses ou malheureuses. On observe cette sympathie même chez les oiseaux. Le capitaine Stansbury» a rencontré, sur les bords d'un lac salé de l'Utah, un pélican vieux et complètement aveugee qui était fort gras, et qui devait être nourii depuis longtemps pas ses compagnons. M. Blyth m'informe qu'il a vu des corbeaux indiens nourrir deux ou trois de leurs compagnons aveugles, et j'ai eu connasssance d'un fait analogue observé chez un coq domestique. Nous pouvons, si bon nous semble, considérer ces actes comme instinctifs; mais les exempess sont trop rares pour qu'on puisse admettre le développement d'aucun instinct spécial-. J'ai moi-même vu un chien qui ne passatt jamass à côté d'un de ses grands amis, un chat malade dans un panier, sans le lécher en passant, le signe le plus certain d'un bon sentimett chez le chien.

Il faut bien appeler sympathie le sentiment qui~porte.te chien courageux à s'élancer sur qui frappe son maître, ce qu'il n'hésite pas a faire. J'ai vu une personne simuler de frapprr une dame ayant sur ses genoux un chien fort petit et très timide; on n'avatt jamass fait cet essai. Le pettt chien s'éloigna aussitôt, mais, après que les coups eurent cessé, il vint lécher la figure de sa maîtresse, et il était vraiment touchant de voir tous les efforts qu'il faisatt pour la consoler. Brehm» constaee que, lorsqu'on poursuivait un ha-

12.  Sir J. Lubbock, Pfehisloric Times, 2' édit., p. 446.

13.  Cité par M. L,H. Morgan, The American Beaver, 1868, p. 272. Le capitaine Stansbury raconte qu'un très jeune pétican, emporté. par un fort courant, fut guidéetencouragé danssesefforts pour atteindre la rive par une demi-douzaine

deHÎeComomeTexdit M. Bain : « Un secours effectif porté à un être souffrant émane d'un sentiment de pure sympathie. . (Mentat and Moral science, 1868,

P'?tThierleben,l,p.SÔ.

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110                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee PARTIE]

bouin en captivité pour le punir, les autres cherchaient à le protéger. Ce devait être la sympathie qui poussait, dans les exemples que nous venons de citer, les babouins et les cercopithèques à défendre leurs jeunes camarades contre les chiens et contre l'aigl.. Je me bornerai à citer un seul autre exemple de conduite sympathique et héroïque delà part d'un pettt singe américain. 11 y a quelques années, un gardien du Jardnn zoologique me montra quelquss blessures profondes, à peine cicatrisées, que lui avait faites au cou un babounn, féroce, pendant qu'il étatt occupé à côté de lui. Un pettt singe américain, grand ami du gardien, vivatt dans le même compartiment, et avait une peur horrible du babouin. Néanmoins, dès qu'il vit son ami le gardien en pérl,, il s'élança à son secour,, et tourmenta tellemett le babouin, par ses morsures et par ses cris, que l'homm,, après avoir couru de grands dangess pour sa vie,

PUOutre Tamo'uret la sympath,e, les animaux possèdntt d'autres qualités que chez l'homme nous regardons comme des qualités morales, et je suis d'accodd avec' Agassiz ' pour reconnaître que le chien possède quelqee chose qui ressembee beaucopp à la con-

Le chien a certainement un certann empire sur lui-mêm,, et cette qualité ne paratt pas provenrr entièrement de la crainte. Le chien, comme le fait remarquer Braubach", s'abstient de voler des alimenss en l'absenee de son maître. Depuis très longtemps, on regarde les chiens comme le type de la fidélité et de l'obésssance. L'éléphant est aussi très fidèle à son gardenn quill regarde probblement comme le chef de la troupe. Le D' Hooker m'a raconéé qu'un éléphant sur lequel il voyageait dans l'Inde s'enfonaa un jour si complètement dans une tourbière quill lui fut impossible de se dégagrr et qu'on dut l'extraire le lendemain à grand renfott de corde.. Dans ces occasions les éléphants saisissett avec leur trompe tout ce qui est à leur portée, chose ou individu, et le placent sous leurs genoux pour éviter d'enfoncer davantage dans la boue. Aussi le cornac craignait-il que l'animal ne saistt le D~ Hooker pour le placer au-dessous de lui dans la tourbière. Quant au cornac lui-même, il n'avatt absolument rien à craindee : or, cet empire sur soi-même, dans une circonstance si épouvantable pour un animal très pesan,, est certainement une preuve étonnante de noble fidélité..

Tous les animaxx vivant en troup,, qui se défendent l'un l'autre,

IS.Del'EspèceetclelaClane^m,,,*.

17.  Die Darwin'sche Art-Lehre, 1869, p. 54.

18.  Voir aussi Hooker, Himalaya* Jamais, vol. II, 1854. p. 333.

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[Chap. IV]                              SENS MORAL                                        dH

ou qui se réunissent pour attaqurr leurs ennemis, doiven,, dans une certaine mesure, avoir de la fidélité les uns pour les autres; ceux qui suivent un chef doivent lui obéir jusquàà un certain point. Les babouins qui, en Abyssinie », vont en troupe piller un jardin, suivent leur chef en silence. Si un jeune animal imprudent fait du bruit, les autres lui donnent une claque pour lui enseigner le silence et l'obéissance. M. Galton », qui a eu d'excellentes occasions d'étudier les besiiaux à demi sauvagss de l'Afrique méridionale, affirme qu'ils ne peuvent supporter même une séparation momentanée de leur troupeau. Ces besiiaux semblent avoir le sentiment inné de l'obésssance; ils ne demandent qu'à se laisser guider par celui d'entre eux qui a assez de confianee en soi pour accepter la position de chef. Les hommss qui dressent ces animaux à la voituee choisissent avec soin pour en faire les chefs d'un attelaee ceux qui, en s'éloignant de leurs congénères pour brouter, prouvent ainsi qu'il ont une certaine dose de volonté. M. Galton ajoute que ces derniers sont rares et qu'ils ont, par conséquent, beaucoup de valeur;. d'allleurs, ils sont vite éliminés, car les lions sont toujouss à l'affût pour saisrr ceux qui s'écartent du troupeau.

Quant à l'impulsion, qui condutt certains animaux à s'associer et à s'entr'aider de diverses manières, nous pouvons concluee que, dans la plupatt des cas, ils sont poussés par les mèmes sentiments de joie et de plaisir que leur procuee la satisfaction d'autres actions instinctives/ ou par le sentiment de regrtt que l'instinct non satisfait laisse toujouss après lui. Nous pourrions citer,, à cet égard, d'innombrables exemples, et les instincss acquis de nos animaux domestiques nous fournissent quelques-uns des plus frappants : ains,, un jeune chien de berger est heureux de conduire un troupeuu de mouton,, il court joyeusement autour du troupeau, mais sans harceler les mouton;; un jeune chien, dressé à chasser le renard, aime à poursuivre cet anima,, tandss que d'autres chiens, ainsi que j'en ai été témoin, semblent s'étonnrr du plaisir quill y~prend- Quel immenee bonheur intime ne doit pas ressentirl'oisea,, pour qu'il consente, lui, si plein d'activité, à couver ses œufs pendant des journées entières! Les oiseaux migrateurs sont malheureux si on les empêche d'émigrer, et peut-être éprouvent-ils de la joie à entreprendre leur long voyage; mais il est difficile de croire que l'oie décrite par Audubon, à laquelee on avatt attaché les ailes et qui, le temps venu, n'en partit pas moins à pied

19.Brehm,nfertoé«,.I,p.76. ^

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112                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [^ Partie]

pour faire son long voyage de plusieuss milliers de kilomètres, ait pu ressentir une joie quelconqee en se mettant en route. Quelques instincss dérivent seulement de sentimenss pénibles, tels que la crainte, qui condutt à la conservation de soi-mêm,, ou qui met en garde contre certains ennemis. Je crois que personne ne peut analyser les sensations du plaisir ou de la peine. H est toutefois probable que, dans beaucoup.de cas, les instincts se perpétuent par la seule force de l'hérédité, sans le stimuaant du plaisrr ou de la peine. Un jeune chien d'arrêt, flairant le gibier pour la première fois, semble ne pas pouvoir s'empêcher de tomber en arrê.. L'écureuil dans sa cage, qui cherche à enterrer les noisettes quill ne peut manger, n'est certainement pas poussé à cet acte par un sentiment de peine ou de plaisir. Il en résulte que l'opininn commun,, qui veut que l'homme n'accomplisse une action que sous l'influenee d'un plaisrr ou d'une peine, peut être erroné.. Bien qu'une habitude puisse devenrr aveugee ou involontaire, abstraction faite de toute impression de p.aisir ou de peine éprouvee sur le momen, il n'en est pas moins vrai que la suppression brusque et forcée de cette habitude entraîne, en général, un vague sentiment de regre..

On a souvent affirmé que les animaux sont d'abodd devenus sociables, et que, en conséquence, ils éprouvent du chagrin lorsqu'ils sont séparés les uns des autre,, et ressentent de la joie lorsqu'ils sont réunis; mais il est bien plus probable que ces sensations se sont développées les premèères, pour déterminer tes animaxx qui pouvaient tirer un parii avantageux de la vie en société à s'associer les uns aux autre;; de même que le sentiment de la faim et le plaisir de manger ont été acquss d'abord pour engagrr les animaxx à se nourr.r. L'impression de plaisir que procuee la société est probablement une extension des affections de parenéé ou des affections filiales; on peut attribuer cette extension principalement à la sélection naturelle, et peut-être aussi, en partie, à l'habitude. Car, chez les animaux pour lesquels la vie sociate est avanaageuse, les individus qui trouvntt le plus de plaisir à être réunis peuvent le mieux échapprr à divers dangers, tandis que ceux qui s'inquiètent moins de leurs camarades et qui vivent solitaires doivent périr en plus grand nombre. Il est inutile de spéculer sur l'origine de l'affection des parenss pour leurs enfanss et de ceux-ci pour leurs parents: ces affections constituent évidemment la base des affections sociales; mais nous pouvons admettre qu'eless ont été, dans une grande mesure, produites par la sélection naturelle. On peu,, presque certainement, en effet, attriburr à4a séleciion naturelle le sentiment extraordinaire et tout opposé de fa haine entre les parenss

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tÇHAP. )V]                                  SENS MORAL                                             ~13

les plus proches; ainsi, par exemple, les abellles ouvrières qui tuent leurs frères et les reines-abeilles qui détruisent leurs propres filles, car le désir de détruire leurs proches parents, au lieu de les aimer, constitue, dans ce cas, un avantage pour la communauté. On a observé chez certaiss animaxx placés extrêmement bas sur l'échelle, chez les astéries ou les araignées, par exemple, l'exstence de l'affection paternel,e, ou de quelque sentimenl analogee qui .la remplace. Ce sentiment existe aussi parfois chez quelquss membres seuls de tout un groupe d'animaux, comme chez les For-flcula, ou perce-oreilles.

Le sentimen- si important de la sympathie est distintt de celui de l'amou.. Quelque passionné que soit l'amorr qu'une mère puisse ressentir pour son enfant endormi, on ne sauratt pas dire qu'elle éprouve en ce moment de la sympathie pour lui. L'affection que l'homme a pour son chien, l'amour du chien pour son maltre, ne ressemblent en rien à de la sympath.e. Adam Smith a affirmé autrefois, comme M. Bain l'a fait récemment, que la sympathie repose sur le vif souvenrr que nous ont laissé d'anceens états de douleur ou de plassir. Il en résulte que « le spectacee d'une autre personne qui souffre de la faim, du froid, de la fatigu,, nous rappelle le souvenrr de ces sensations, qui nous sont douloureuses même en pensée ». Il en résutte aussi que nous sommes disposés à soulager les souffrances d'autrui, pour adoucrr dans une certaine mesure les sentiments pénibles que nous éprouvons. C'est le même motff qui nous dispose à participer aux plaisirs des autres». Mais je ne crois pas que cette hypothèse explique comment il se fait qu'une personne, qui nous est chère, excite notre sympathie à un bien plus haut degré qu'une personee qui nous'est indifférente. le spectacle seul de la souffrance, sans tenir compte de l'amou,, suffirait pour évoquer dans notre esprit des souvenirs et des comparaisons vivaces. Il est possible peut-être d'expliquer ce phénomène en supposant que, chez tous les animau,, la sympathie ne s'exerce qu'envers les membres de la même communauté, c'es--à-dire envers les membres qui leur sont bien connus et qu'lls aiment

2t. Voir le premier et excellent chapitre de la Théorie des sentiments mooaux, d'Adam Smith. Voir aussi Mental and Moral science, de M. Bain, pp. 244, 275 et 282. M. Bain affirme, « que la sympathie est indirectement nul source de plaisirpour celui quisympathise »; tt il explique cette réciprocité.Il remarque « que la personne qui a reçu le bienfait.ou d'autres à sa place, peuvent recon-

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114                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I« Part.e]

plus ou moins, mais non pas envers tous les individus de la même espèce. On sait, d'ailleurs, et c'est là un fait à peu près analogue, que beaucoup d'animaux redoutent tout particulièrement certaiss ennemis. Les espèces non sociabees, telles que les tigres et les lions, ressentent sans aucun doute de la sympathie pour, les souffrances de leurs petits, mais non pas pour celles d'autres animaux. Chez l'homm,, l'égoïsme, l'expérience et l'imitation ajoutett probablement, ainsi que le fait remarquer M. Bain, à la puissance de la sympathie; car l'esporr d'un échange de bonsprocédss nouspousse à accomplir pour d'autres des actes de bienveillance sympathique; on ne saurait mettre en doute, d'alleeurs, que les sentiments de sympathie se fortifient beaucoup par l'habitude. Quelle que soit la comptexité des causes qui ont engendéé ce sentiment, comme il est d'une utiltté absolue à tous les animaux qui s'aident et se défendent mutuellement, la séleciion naturelle a dû le développrr beaucou;; en effet, les associations contenant le plus grand nombre de membres éprouvant de la sympathie, ont dû réussrr et élever un plus grand nombee de descendants.

D'ailleurs, il est impossible, dans beaucopp de cas, de détermner si certains instincts sociaux sont la conséquence de l'aciion de la sélection naturelle ou s'ils sont le résultat indirect d'autres instincss et d'autres facultés, tels que la sympathie, la raison, l'expérience et la tendanee à l'imitation; ou bien encore, s'ils sont simplement le résultat de l'habitude longuement continuée. L'instinct 'remarquable qui pousse à poster des sentinelles pour avertir le troupeuu du danger ne peut guère être le résultat indirett d'aucune autre faculté; il faut donc quill ait été directement acquis. D'autre par,, l'habitude qu'ont les mâles de quelques espèces sociables de défendee la communauté et de se réunir, pour attaqurr leurs ennemis ou leur proie, résutte peut-être de la sympathie mutuelle; mais le courag,, et, dans la plupart des cas, la force, ont dû être préaaablemene acquis, probablement par séleciion naturelle. Certaines habitudes et certains instincts sont beaucoup plus vifs que d'autres, c'est-à-dire, il en est qui procurent plus de plaisir s'ils sont satisfaits, et plus de peine s'ils ne le sont pas; ou, ce qui est probablement tout aussi important, il en est qui sont transmis héréditairement d'une manière plus persistante sans exciter aucun sentiment spécial de plaisir ou de peine. Nous comprenons nous-mêmes que certaines habitudes sont, beaucoup plus que d'autres, difficiles à guérrr ou à changer. Aussi peut-on souvent observe,, chez les animau,, des luttes entre des instincts diver,, ou entre un instinct et quelque tendanee habituel;e; ains,, lorsquunn chien

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[Ghap.IV]                           SENS MORAL                                    US

s'élanee après un lièvre, est rappelé, s'arrête, hésite, reprend la poursuite ou revient honteux vers son maître; ou bien encore la lutte entre l'amorr maternel d'une chienne pour ses petits et son affection pour son maître, lorsqu'on la voit se dérober pour aller vers les premiers, en ayant l'arr honteux de ne pas accompagner le second. Un des exempess les plus curieux que je connassee d'un instinct en dominatt un autre est celui de l'instinct de la migration qui l'emporte sur l'instinct maternel. Le premerr est étonnamment fort; un oiseau captf,, lors de la saison du départ, se jette contre les barreaux de sa cage jusquàà se dépouiller la poitrine de ses plumes et à se mettre en sang. Il fait bondrr les jeunes saumons hors de l'eau douce, où ils pourraient, cependant, continurr à vivre, et leur faitainsi commettre un suicide involontaire. Chacun connatt la force de l'instinct maternel, qui pousse des oiseaux très timidss à braver de grands dangers, bien qu'ils le fassent avec hésitation et contrairement aux inspirations de l'instinct de la conservation. Néanmoins, l'instinct de la migration est si puissant, qu'on voit en automne des hirondelles et des martinets abandonner fréquemment leurs jeunes et les laisser périr misérablement dans leurs nids". Nous pouvons concevorr qu'une impulsion instinctive, si elle est, de quelque façon que ce soit, plus avanaageuse à une espèce qu'un instinct autee ou opposé, devienne la plus énergique grâce à l'action de la sélection naturelle; les individus, en effet, qui la possèdent au plus haut degré doivent persister en plus grand nombr.. Il y a lieu de doute,, toutefois, quill en soit ainsi de l'instinct migrateur compaéé à l'instinct maternel. La persistance et l'action soutenue du premier pendant tout le jour, à certaines époques de l'année, peuvent lui donne,, pour un temps, une énergie prépondérante.

L'hommeanimalsociable.-Onadmetgénévzlementquel'homme est un être sociable. Il suffit pour le prouver de rappeler son aversion pour la solituee et son goût pour la société, outre celle de sa

22. Le Rév. L. Jenyns ( White's Nat. Hisl. of ~eloorne, 1853, p. 204) assure que ce fait a été observé pour la première fois par l'illustre Jenner (Philos. Transactions, 1824), et a été confirmé depuis par plusieurs naturalistes, surtout par M. Blackwall. Ce dernier a examiné, tard en automne, et pendant deux

Sr œS ïi" le^n!TIcloTft »/£ S^= eTrl bien loin. Les oiseaux, encore trop jeunes pour pouvoir entreprendre un long voyage, restent en arrière. Blackwall, Researches in Zoology, 1834, pp. 108,118. Voir aussi Leroy, Lettres philosophiques, 1802, p. 217. Gould, Introduction to

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116                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ire Partie]

propre famllle. La réclusion solitaire est une des punitioss les plus terriblss qu'on puisse lui infliger. Quelques auteuss supposent que l'homme a vécu primitivement en familles isolées; mais actuellemen,, bien que des familles dans cette condttio,, ou réunies par deux ou trois, parcourent les solitudss de quelquss pays sauvages, elle conservent toujours, autant que je puis le savor,, des rapports çL'amitié avec d'autres familles habitant la même région. Ces familles se rassemblent quelquefois en conseil, et s'unsssent pour la défense commun.. On ne peut pas invoquer contre la sociabilité du sauvage l'argument que les tribu,, habitant des districts voisins, sont presque toujouss en guerre les unes avec les autre,, car les instincts sociaux ne s'étendent jamais à tous les individss de la même espèce. A en juger par l'analogie de la grande majorité des quadrumanes, il est probable que les animaxx à forme de singe, ancêtres primitifs de l'homm,, étaient également sociabees; mais ceci n'a pas pour nous une bien grande importance. Bien que l'homm,, tel qu'il existe actueleement, n'ait, que peu d'instincts spéciau,, car il a perdu ceux que ses premiers ancêtres ont pu posséde,, ce n'est pas une raison pour qu'il n'att pas conservé, depuss une époque extrêmement reculée, quelque degré d'affection et de sympathie instinctive pour ses semblables. Nous avons même toute conscience que nous possédons des sentiments sympathiques de cette nature»; mais notre conscienee ne nous dit pas s'ils sont instinctifs, si leur origine remonee à une époque très reculée comme chez les animaxx inférieurs, ou si nous les avons acquis, chacun en pariiculier, dans le cours de nos jeunes années. Comme l'homme est un animal sociable,' il est probable qu'il reçott héréditairement une tendanee à la fidélité envers ses semblables et à l'obéissance envers le chef de la tribu, qualités communes à la plupart des animaux sociabees. 11 doit de même posséder quelque aptitude au commandement de soi-mêm.. Il peut, par suite d'une tendanee héréditaire, être disposé à défendre ses semblables avec le concouss des autres et être prêt à leur venir en aide, à condtion que cela ne soit pas trop contraire à son propee bien-être ou à

Quand il s'agtt de porter secours aux membres de leur communauté, les animaxx sociables, occupant le bas de l'échelle, obéis-

23. Hume remarque {AnEnquiry concerning theprinciples of Morals, 175l,

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[Chap. )V]                              SENS MORAL                                        117

sent presque exclusivement à des instincss spéciaux; les animaxx plus élevés obéissent en grande partie aux mêmes instincts; mais l'affection et la sympathie réciproques, et évidemment auss,, la raison, dans une certaine mesure, contribuent à augmenter ces instincts. Bien que l'homm,, comme nous venons de le faire remarquer, n'att pas d'instincts spéciaux qui lui indiquett comment il doit aider ses semblables, l'impulsion existe cependant chez lui et, grâce a ses hautes facultés intellecuuelles, il se laisse naturellement guider sous ce rappott par la raison et par l'expérience. La sympathie qu'il possède à l'état instinctif lui fait aussr apprécier hautement l'approbation de ses semblables; car, ainsi que l'a démontré M. Bain", l'amour des louanges, le sentiment puissatt de la gloire et la crainee encore plus vive du méprss et de l'infamee < sont la conséquence et t'œuvee immédiate de àa.sympathie D. Les désir,, l'approbation ou le blâme de ses semblables, exprimés par les gestes et par le tangag,, doivent donc exercer une influenee considérable sur la conduite de l'homm.. Ainsi les instincss sociaux, qui ont du être acquss par l'homme alors quill était à un état très grossier, probablement même déjà par ses ancêtres simiens primitifs, donnent encore l'impulsion à la plupatt de ses meilleures action;; mais les désirs et les jugements de ses semblables, et, malheureusement plus souvent encore ses propres désirs égoïstes, ont une influence considérable sur ses action.. Toutefos,, à mesure que les sentimenss d'affection et de sympathie, et de la faculté de l'empire sur soi-mêm,, se fortifient par l'habitude; à mesuee que la puissance du raisonnement devient plus lucide et lui permtt d'apprécier plus sainement la justice des jugements dè ses semblables, il se sent poussé, indépendamment du plaisir ou de la peine qu'il en éprouve dans le moment, à adopter certaines règles de conduite. It peut dire alors, ce que ne sauratt faire le sauvage ou le barbare: « Je suis le juge suprême de ma propee conduite », et, pour employer l'expression de Kant : « Je ne veux point violer dans ma personne la dignité de l'humanité. x

Lesinstinctssociaùxlesplusdurablesl'emportentsurlesinstincts moins persistants. - Nous n'avon,, toutefois, pas encore abordé le point fondamental sur lequel pivote toute la questinn du sens moral. Pourquoi l'homme comprend-il qu'il doit obéir à tel désir instinctif plutôt qu'à tel autre? Pourquii regrette-t-il amèrement d'avorr cédé à l'instinct énergique de la conservation, et de n'avorr

24. Mental and Moral Science, 1868. p. 254.

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118                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Iee PARTIE]

pas risqué sa vie pour sauver celle de son semblable; ou pourquoi regrette-t-il d'avorr volé des aliments, pressé qu'll étatt par la faim?

Il est évident, d'abodd que, chez l'homm,, les impulsions instinctives ont divers degrés d'énergie. Un sauvage n'hésite pas à risqurr sa vie pour sauver un membee de la tribu à laquelee il appartient, mais il reste absolument passff et indifférent dès qu'll s'agit d'un étranger. Une mère jeune et timide, sollicitée par l'instinct maternel, se jette, sans la moindee hésitation, dans le plus grand danger pour sauver son enfan,, mais non pas.pour sauver le premier venu. Néanmoins, bien des homme,, bien des enfants même, qui n'avaeent jamass risqué leur vie pourd'autres, mais chez lesquels le courage et la sympathie sont très développés, méprisant tout à coup l'instinct de la conservation, se plongent dans un torrent pour sauver leur semblabee qui se noie. L'homme est; dans ce cas, poussé par ce même instinct que nous avons signaéé plus haut à l'occasion de l'héroïque pettt singe américain qui attaqaa le grand etredouté babounn poursauver son gardeen. De semblables actions parasssent être le simpre résultat de la prépondérance des instincts sociaux ou maternels sur tous les autres; car elles s'accomplissent trop instantanémtnt pour qu'll y ait réflexion, ou pour qu'elles soient dictées par un sentiment de plaisir ou de peine; et, cependan,, si l'homme hésite à accomplir une action de cette nature, il éprouve un sentiment de regre.. D'autre par,, l'instinct de la conservatinn est parfoss assez énergqque chez l'homme, timide pour le faire hésiter et l'empêcher de courir aucun risque, même pour sauver son propee enfant.

Quelques philosophes, je le sais, soutiennent que des actes comme les précédents, accomplis sous l'influence de causes impulsives, échappent au domaine du sens moral et ne méritent pas le nom d'actes morau.. Ils réservent ce terme pour des actions faites de propos délibéré, à la suite d'une victoire remportée sur des désirs contraires, ou pour des actes inspirés par des motifs é)evés. Mais il est presque impossible de tracrr une ligne de démarcation». En tant qu'il s'agtt de motifs élevés, on pourrait citer de nombreux exemples de sauvages, dépourvus de tout sentimett

speaking, 1873, p. 83) fait remarquer que < la distinction métaphysique que l'on cherche à établir entre la morale matérielle et la morale raisonnée est aussi absurde quetes autres distinctions analogues ».                          " ..

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[Cap. IV]                           SENS MORAL .                             119

de bienvelllance généraee envers l'humanité et insensbbles à toute idée religieuse, qui, faits prisonniers, ont bravement sacrifié leur vie « plutôt que de trahrr leurs compagnons; il est évident qu'on doit voir là un acte mora.. Quant à la réflexion et à la victoire remportée sur des motifs contraires, ne voyons-nous pas des animaxx hésiter entre des instincss opposé,, au moment de venir au secours de leurs petits ou de leurs semblables en dange?? Cependan,, on ne qualifie pas de morales ces actions accomplies au profit d'autres individu.. En outre, si nous répétons souvent un acte, nous finissons par l'accomplir sans hésitation, sans réflexion, et alors il ne se distingee plus d'un instinc;; personne ne saurait prétendre, cepen-dant, que cet acte cesse d'être mora.. Nous sentons tous, au contraire, qu'un acte n'est parfa,t, n'est accompii de la manière la plus noble, qu'à condiiion qu'il soit exécuté impussivement, sans réflexion et sans effort, exécuté, en un mot, comme il le seratt par l'homme chez lequel les qualités requises sont innées. Celui qui, pour agir, est obligé de surmonter sa frayeur ou son défaut de sympathie, mérite, cependant, dans un sens, plus d'éloges que l'homme dont la tendanee innée est de bien agir sans effort. Ne pouvant distinguer les motifs, nous appelons moraess toutes les~ actions de certaiee nature, lorsqu'elles sont accomplies par un être mora.. Un être moral est celu' qui est capabee de comparer ses actes ou ses motifs passés ou futur,, et de les approuver ou de les désapprouver. Nous n'avons aucune raison pour supposer que les animaxx inférieuss possèdent cette facutté; en conséquence, lorsqu'un chien de Terre-Neuve se jette dans l'eau pour en retirer un enfan,, lorsqu'un singe brave le danger pour sauver son camarade, ou prend à sa charge un singe orphelin, nous n'appliquons pas le terme « moral D à sa conduite. Mais. dans le cas de l'homm,, qui seul peut être considééé avec certitude comme un être moral, nous qualifioss de « moraess » ses actions d'une certaine nature, que ces actions soient exécutées après réflexion, après une lutte contre des motffs contraires, par suite'des effets d'habitudes acquises peu à peu, ou enfin d'une manière impussive et par instinct.

Pour en revenrr à notre sujet immédiat, bien que quelques instincss soient plus énergqques que d'autres et provoquent ainsi des actes correspondants, on ne saurait, cependant, affirmer que les instincss sociaux (y comprss l'amorr des louangss et la crainee du blâme) soient ordinairement plus énergqques chez l'homme ou

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120                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [!« PAR™]

soient devenus te)s par habitude longtemss continuée, que les instincts, par exempe,, de la conservation, de la faim, de la convoitise, de la vengeance, etc. Pourquor l'homme regrette-t-il, alors même qu'il pourraic tenter de bannir ee genre de regrets, d'avorr cédé à une impussinn naturelle plutôt qu'à une autre, et pourquoi sent-il, en outre, quill doit regretter sa conduite? Sous ce rapport, l'homme diffère profondément des animaxx inférieurs ; nous pouvon,, cependant, je crois, expliqurr assez clairement la raison de cette différence.

L'homm,, en raison de l'activité de ses facultés mentales, ne saurait échapper à la réflexion; les impressions et les images du passé traversent sans cesse sa pensée avec une netteéé absolue. Or, chez les animaxx qui vivent en société d'une manière permanente, les instincss sociaux sont toujours présenss et perssstants. Ces animaux sont toujouss prêts, entraînés, si l'on veut, par l'habtude, à pousser le signal du danger pour défendre la communauté et à prêter aide et secouss à leurs camarades; ils éprouvent à chaque instant pour ces derniers, sans y être stimulés par aucune passion ni par aucun désir spécia,, une certaine affection et quelque sympath;e; ils ressentent du chagrin s'ils en sont longtemps séparés, et ils sont toujouss heureux de se trouver dans leur société. Il en est de même pour nous. Alors même que nous sommes isolés, nous nous demandons bien souven,, et cela ne laisse pas de nous occasionner du bonheur ou de la peine, ce que les autres pensent de nous; nous nous inquiétons de leur approbation ou de leur blâme; or ces sentiments procèdent de la sympathie, élément fondamental des instincsssociaux.L'hommequi ne posséderait pas desemblables sentimenss serait un monstre. Au contraire, le désir de satisfaire la faim, ou une passion comme la vengeance, est un sentiment passagrr de sa nature, et peut être rassasié pour un temp.. Il n'est même pas facile, peut-être est-il impossbble, d'évoqurr clans toute sa plénitude la sensation de la faim, par exempe,, et, comme on l'a souvent remarqué, celle d'une souffrance quelle qu'elle soit. Nous ne ressentons l'instinct de la conservation qulen présence du danger, et plus d'un poltron s'est cru brave jusquàà ce qu'il se soit trouvé en face de son ennem.. L'envie de la propriété d'autrui est peut-être un des désirs les plus persistan;s; mais, même dans ce cas, la satisfaction de la possession réelle est généralement une sensation plus faible que ne l'est celle du désir. Bien des voleur,, à condition qu'ils ne le soient pas par profession.se sont, après le succès de leur vol, étonnés de l'avorr commis '.

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27. L'inimitié~ou la haine semble être aussi un instinct très persistant, plus

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[Chap. IV!                           SENS MORAL                                    121

L'homm,, ne pouvant s'opposer à ce que ses anciennss impresions traversent sans cesse son esprit, est contrantt de comparer ses impressions plus faibles, la faim passée, la vengeanee satisfaite, ou le danger évité aux dépens d'autres homme,, par exemple, avec ses instincts de sympathie et de bienveillance pour ses semblables, instincts qui sont toujouss présents et, dans une certanee mesure, toujouss actifs dans son esprt.. Il comprend alors qu'un instinct plus fort a cédé à un autre qui lui semble maintenant relativement faible, et il éprouve inévitablement ce sentiment de regret auqull l'homme est sujet, comme tout autre animal, dès qu'il refuse d'obérr & un instinc..

Le cas de l'hirondelle, que nous avons cité plus hau,, fourntt un exemple d'ordee inverse, celui d'un instinct temporaire, mais très énergique dans le momen,, qui l'emporte sur un autee instinct qui est habituellement prépondérant sur tous les autre.. Lorsqee la saison est arrivé,, ces oiseaux parasssent tout le jour préoccupés du désir d'émigrer ; leurs habitudes changent; ils s'agitent, deviennent bruyants et se rassemblent en troupe. Tant que l'oiseau femelle nourrit ou couve ses petits, l'instinct maternel est probablement plus fort que celui de la migration ; mais c'est l'instinct le plus tenace qui l'emporte, et, enfin, dans un moment où ses petits ne sont pas sous ses yeux, elle prend son vol et les abandnnne. Arrivé à la fin de son long voyag,, l'instinct migrateur cessant d'agir, quel remords ne ressentirait pas l'oiseau, si, doué d'une grande activité mentale, il ne pouvatt s'empêchrr de voir repasser constamment dans son esprtt l'image de ses petits, qu'il a laissés dans le Nord pérrr de faim et de froid?

énergique même qu'aucun autre. On a défini l'envie, la haine qu'on ressent pour un autre àcause de ses succès ou d'unesuprématie quelconquequ'il exerce; Bacon dit (Essay IX) » « L'envie est la plus importunent la plus commue de

obtus ^^cTnai!^                                        iTvSe e! £

éprouventun sentiment analogue. On comprend donc facilement que le sauvage

attaqué son ennemi, elle lui aurait plutôt reproché peut-être de ne s'être pas

mentjamaisfaitatteindre.Il faut, pour queces principes admirables aient pr.s naissanceetqu'ilssoientdevenus assez puissants pour que nous leur obéissions, que les instincts sociaux et la sympathie aient été très cultivés outre làraison, ^instruction, l'amour ou la crainte de Dieu.

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122                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ie Partie]

Au moment de l'aciion, l'homme est sans doute capable de suivre l'impulsion la plus puissante ; or, bien que cette impussion puisse lé pousser aux actes les plus nobles, elle le porte le plus ordinarement à satisfaire ses propres désirs aux dépens de ses semblables. Mais, après cette satisfaction donnée à ses désirs, lorsqulil compaee ses impressions passées et affaiblies avec ses instincts sociaux plus durables, le châtiment vient inévitablement. L'homme est alors en proie au repentir, au regre,, au remords ou à la honte; toutefoi,, cette dernière sensatinn se rapporte presqee exclusivement au jugement de ses semblables. Il prend, en conséquence, la résolution, plus ou moins ferme, d'en agir autrement à l'avenir. C'est là la conscience, qui se reporte en arrière, et nous sert de guide pour l'avenir.

La natuee et l'énergie des sensations que nous appelons regret, honte, repentir ou remords, dépendent évidemment non seulement de l'énergee de l'instinct que nous avons violé, mais aussi de la puissance de la tentation, et plus encore, bien souven,, du cas que nous faisons du jugement de nos semblables. L'homme fait plus ou moins de cas du jugement de ses semblables, selon que son instinct de sympath,e, inné ou acquis, est plus ou moins vigoureux, et selon qu'il est plus ou moins susceptible de comprendre les conséquences futures de ses actes. Un autre sentiment très important, mais non pas indispensable, vient s'ajouter à ceux que nous avons indiqués : c'est le respect pour un ou plusieuss dieux ou pour les esprits, ou la crainte que l'homme éprouve pour ces dieux; ce sentiment entre surtout en jeu quand il s'agtt du remords. Plusieuss critiquss m'ont objecté que si on peut expliquer, par l'hypothèse exposée dans ce chapitre, une certanee dose de regret ou de repentir, il est impossible d'y trouvrr l'explication du sentiment si puissant du remord.. J'avoee ne pas saisir complètement la force de l'objection. Mes critiques ne définissent pas ce qu'ils entendent par le remords; or je crois que le remords est tout simplement lerepen-tir poussé à l'extrême; en un mot, le remords semble avoir avec le repentir le même rappott que la rage avec la colère, l'agonee avec la souffrance. Est-ll donc si étrange que, si une femme viole l'instinct si énergique et si généralement admiré de l'amour maternel, elle éprouve le chagrin le plus profon,, le plus cuisan,, dès que s'affaiblit l'impression de la cause qui l'a portée à cetee désobéissance? Alors même qu'une de nos actions n'est contraire à aucun instinct spécia,, nous n'en éprouvoss pas moins un vif chagrin si nous savons que nos amis et nos égaux nous méprisent parce que nous l'avons commise. Qui pourrait nier qu'un homme

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LChapP IV]                           SENS MORAL                                    123

qui, poussé par la crainte, a refusé de se battre en duel, n'éprouee un vif sentiment de honte? On affirme que bien des Hindous ont été remués jusqu'au fond de l'âme parce qu'ils avaient absorbé des alimenss impurs. Voici un autre exemple de ce que l'on doi,, je pense, appelerun remords. LeDr Landorl, qui faisatt fonctions de magistrat dans une des provinces de l'Australie occidentale, raconee qu'un indigène employé dans sa ferme vint à perdee une de ses femmes par suite de maladie; il vint trouvrr le D~ Landor et lui dit « qu'il partait en voyage; il allatt visiter une tribu éloignée dans le but de tuer une femme afin de remplir un devoir sacré envers la femme qu'il avait perdue. Je lui répondss que, s'il commettatt cet acte, je le metterais en prison et l'y laisserais toute sa vie. En conséquence, il resta dans la ferme pendant quelquss mois, mais il dépérsssait chaque jou;; il se plaignait de ne pouvorr ni dormrr ni mange;; l'esprtt de sa femme le hantait perpétuelement parce qu'il n'avait pas pris une vie en échange de la sienne. Je restai inexorable et tachai de lui faire comprendre que rien ne pourrait le sauver s'il commettait un meurtre. r Néanmoins, l'homme disparut pendatt plus d'une année et revint en parfaite santé; sa seconde femme raconaa alors au Dr Landor qu'il s'étatt rendu dans une autre tribu et qu'il avatt assassiné une femme, mais il fut impossible de-le punir, car on ne put établir légalement la preuve de cet assassinat. Ainsi donc, la violatinn d'une règle tenue pour sacrée par la tribu excite les regress ou les remords les plus cuisants, et,* il faut le remarquer, cette règle ne touche aux instincss sociaux qu'en ce qu'elee est basée sur le jugement de la communauté. Nous ne saurions dire comment de si étrangss superstitions ont pu se produire; nous ne saurions dire non plus comment il se fait que quelquss crimes abominables, tels que l'inceste, excitent l'horreur des sauvages les plus infimes, bien que ce sentiment soit loin d'être universee. Il est même douteux que, chez quelquss tribu,, l'incesee excite une ptus grande horreur que le ferait le maraage d'un homme avec une femme portant le même nom que lui, bien que cette femme ne soit sa parenee à aucun degré. « Violer cette loi est un crime pour lequel les Australiens professent la plus grande horreur, et leurs idées concordent absolument sur ce point avec celles de certaines tribus de l'Amérique septentrionale. Si l'on demande à un indigène de l'un ou l'autre de ces deux pays lequel est le plus grand, crime, de tuer une jeune fille appartentnt à une autre tribu, ou d'épouser une jeune fille de

28. intanity in relation ta law. Ontario, États-Unis, 1871, p. 14.

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la même tribu que le mar,, il répondaa sans hésiter un instant de façon toute contraire à ce que nous ferions nous-mêmes». x Nous pouvons donc rejeter l'hypothè,e, soutenee dernièrement avec beaucoup d'insistance par plusieuss écrivanns, que"l'horreur pour l'incesee provient de ce que Dieu nous a donné un instintt spécial à cet égard. En résum,, on comprend facilement qu'un homme poussé par un sentiment aussi énergique que le remords, bien que ce remords résulte de causes semblables à celles indiquéss ci-dessu,, en arrive à pratiquer ce qu'on lui a dit être une expiatinn pour son crime, en arrive, par exemple, a se livrer lui-même à la justice.

L'homme guidé par la conscienee parveent, grâce à une longue habitude, à acquérir assez d'empire sur lui-même pour que ses passions et ses désirs finissent par céder aussitôt et sans qu'il y ait lutte à ses sympathies et à ses instincss sociaux, y comprss le cas quill fait du jugemntt de ses semblables. L'homme encore affamé ne songe plus à voler des aliments, celui dont la vengeance n'est pas encore satisfaite ne songe plus à l'assouv.r. Il est possible, il est même probable, comme nous le verrons plus loin, que l'habtude de commander à soi-même soit héréditaire comme les autres habitudes. L'homme en arrvee ainsi à comprendre, par habitude acquise ou héréditaire, quill est préférable d'obéir à ses instincts les plus persistants. Le terme impérieux devorr ne semble donc impiiqurr que la conscienee de l'existenee d'une règle de conduite, quelle qu'en soit l'origine. On soutenait autrefois que l'homme insulté devatt se battre en due.. Nous disons même que les chiens d'arrêt doivent arrêter, et que les chiens rapporteurs doivent rapporter le gibier. S'ils n'agsssent pas ains,, ils ont tort et manquent à leur devoir.

Un désir ou un instinct peut pousser un homme à accomplir un acte contraire au bien d'autrut; si ce désir lui paratt encore, lors-qu'il se le rappelle, aussi vif ou plus vif que son instintt socia,.il n'éprouve aucun regret d'y avoir cédé; mais il a conscienee que, si sa conduite était connue de ses semblables, elle seratt désapprouvée par eux/et il est peu d'hommss qui soient assez dépourvss de sympathie pour n'êtee pas désagréablement affectés par cette idée. S'il n'éprouee pas de pareils sentimenss de sympath,e, si les désirs qui le poussent à de mauvaises actions sont très énergiques à de certains moments, si, enfin, quand il les examine froidement, ses désirs ne sont pas maîtrisés par les instincss sociaux perssstants, c'est alors un homme essentiellement méchant-; il n'est plus re-

29. E.-B. Tylor, Conlemporary Review, avril 1873, p. 707.

30. Le docteur Prosper Sespine cite (Psychologienltnrelle, 18686 1.ï, p. 243;

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tenu que par la crainte du châtiment et la conviction qu'à la longue il vaut mieux, même dans son propee intérê,, respecter le bien des autres que consulter uniquement son égoïsm..

I) est évident que, avec une conscienee souple, un homme peut satisfaire ses propres désirs, s'ils ne heurtent pas ses instincss sociaux, c'est-à-dire le bien-être des autres: mais, pour qu'il soit à l'abii de ses propres reproches ou au moins de toute anxiété, il est indispensable qu'il évite le blâme, raisonnable ou non, de ses semblables. Il ne faut pas non plus qu'il rompe avec les habitudes établies de sa vie, surtout si elles sont basées sur la raison, car alors il éprouverait sûrement certains regrets. Il faut également quill évite la réprobation du dieu ou des dieux auxquels, suivant ses connasssances ou ses superstitions, il peut croire; mais, dans ce cas, la crainee d'une punitinn divine intervient fréquemment.

Zes uertus strictement sociales estiméee seules dans le principe. -Cet aperçu de l'origine et de la natuee du sens moral qui nous avertit de ce que nous devons faire, et de la conscienee qui nous blâme si nous lui désobésssons, concorde avec l'état ancien et peu développé de cette faculté dans l'humanité. Les vertus, dont la pratique est au moins généralement indispensable pour que des hommes grossiers puissent s'associer en trebu,, sont celles qu'on reconnatt encore pour les plus importantes. Mais elles sont presque toujouss pratiquées exclusivement entre hommss de la même tribu; leur infraction, vis-à-vss d'hommss appartenant à d'autres tribu,, ne constitue en aucune façon un crime. Aucune tribu ne pourrait subsister si l'assassinat, la trahison, le vol, etc., y étaient habituels; par conséquent, ces-crimes sont < ftétrss d'une infamie éternelle » dans les limites de la tribu »; mais àu-delà de ces limites ils n'excitent plus ces mêmes sentiments. Un Indien de l'Amérique du Nord est content de lui-même et considééé par les autrss lorsqulil a scalpé un individu appartenant à une autre tribu; un Dyak coupe la tête d'une personne qui ne lui a rien fait, et la fait sécher pour s'en faire un trophée. L'infanticide a été pratiqué dans le monde entier» sur la plus vaste échelle, sans soulever de repro-

UI, p. 169), beaucoup d'exemples curieux tendant à prouver que les plus grands criminels paraissent avoir été entièrement dépourvus de conscience.

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126                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [[M Pahtie]

ches; car le meurtre des enfants, et surtout des femelles, a été regardé comme avantageux, ou au moins comme non nuisible, pour la tribu. Autrefoss le suicide n'étatt pas ordinairement considéré comme un crime,, mais plutôt comme un acte honorab,e, en rason du courage dont il étatt la preuv;; il est encore largement pratiqué chez quelquss nations à demi civilisée,, sans qu'il s'y attache aucune idée de honte, car une naiion ne ressent pas la perte d'un seul individ.. On raconee qu'un Thug indien regrettait vivement de n'avorr pas pu voler et étrangler autant de voyageurs que son père l'avatt fait avant lui. Dans un état grosserr de civilisation, voler les étrangers est même ordinairement considééé comme un acte honorable.

Bien que l'esclavage, dans l'antiquité», ait eu sa raison d'êtee et ait été utile à certains égard,, il n'en constitue pas moins un grand crime. Toutefois les peuples les plus civiiisés ne le considéraentt pas comme tel jusque tout récemment, ce qui résuttait évidemment de ce que les esclaves appartenaient d'ordnnaire à une race autre que celle de leurs maîtres. Les barbares, ne tenant aucun compte de l'opinion de leurs femmes, les traitent habituellement comme des esclave.. La plupatt des sauvagss se montrent totalement indifférenss aux souffrances des étrangers, et même se plaisent à en être témoins. On sait que, chez les Indiens du nord de l'Amérique, les femmes et les enfanss aident à torturer les ennemis. Quelques sauvagss prennent plaisir à pratiquer d'atroces cruautés sur les animaux -, et l'humanité est pour eux une vertu inconnu.. Néanmonss les sentiments de sympathie et de bienveillance sont commun,, surtout pendatt la maladie, entre membres d'une même tribu; ils peuvent même s'étendee au delà. On connatt le touchatt récit que fait Mungo Park de la bonté qu'eurent pour lui les femmes nègres de l'intérieur. On pourrait citer bien des exempess de la noble fidélité des sauvagss les uns envers les autres, mais pas envers les étrangers, et l'expérience commune justifie la maxime espagnoee : « Il ne faut jamais se fier à un Indien. » Il n'y a pas de fidélité sans loyauté; cette vertu fondamnntale n'est

33. Voir la discussion fort intéressante sur le suicide, dans Lecky, History oy European ~oral,, vol. t, 1869, p. 223. M. Winwood Iteade affirme que les nègres de l'Afrique occidentale commettent souvent te suicide. On saitcombien tesmcideetaitfréquentchezlesmisérablesindigënesde'Amérique méridionale après la conquête espagnole. Pour la Nouvelle-Zélande, voir le Voyage de la Novara; pour les îles Aléoutiennes, voir Houzeau, les Facultés mentales, vol. Il, p.136.                                                                                                           

p.ïv™^,""de ***^ammon'sÛrirsl^Unttr^ato^c^^^.lSTO,

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[Chap.1V]                           SENS MORAL.                                   127

pas rare parmi les membres d'une même tribu; ains,, Mungo Park a entendu les femmes nègres enseignrr à leurs enfanss l'amour de la vérité. C'est là encore une de ces vertus qui s'enracinent si profondément dans l'esprtt qu'elee est quelquefois pratiquée par. les sauvagss à l'égadd des étrangers, même au prix d'un sacrifice; mais on considèee rarement comme un crime de mentrr à son ennemi, ainsi que le prouve trop clairement l'histoire de la diplomatie moderne. Dès qu'une tribu a un chef reconnu, la désobésssance devient un crime et la soumission aveugee est regardée comme une vertu sacrée.

Aux époques barbares, aucun homme ne pouvatt être utlle ou fidèle à sa tribu s'il n'avait pas de courag,, aussi cette qualité a-t-elle été universellement placée au rang le plus élevé; et bien que, dans les pays civilisés, un homme bon, mais timid,, puisse être beaucoup plus utile à la communauté qu'un homme brave, on ne peut s'empêcher d'honorer instinctivement l'homme brave plus que le poltro,, si bienveillant que soit ce dernier. D'autre par,, on n'a jamass beaucoup estimé la prudence, vertu fort utile, cependant, mais qui n'influe guère sur le bien-être d'autrui. L'homme ne peut pratiquer les vertus nécessaires au bien-être de sa tribu s'il n'est prêt à tous les sacrifice,, s'il n'a aucun empree sur lui-même et s'il n'est doué de patienee : ces qualités ont donc été de tout temps très hautement et très justement appréciées. Le sauvage amérccain se soumet volontairement, sans pousser un cri, aux tortures les plus atroces, pour prouvrr et pour augmenter sa force d'âme et son courage : nous ne pouvons d'alleeurs, nous empêchrr de l'admir,r, de même que nous admirons le fakir indien, qui, dans un but religieux insensé, .se balanee suspendu à un crochet planéé dans ses chairs.

Les autres vertus individuelles qui n'affectent pas d'une manière apparente, bien qu'eless affectent très réellement peut-être, te bien-être de la tribu, n'ont jamais été appréciées par les sauvages, quoiqu'elles le soient actuellement et à juste titre par les nations civilisée.. Chez les sauvages, la plus grande intempérance n'est pas un sujet de honte. Leur licence extrêm,, pour ne pas parerr des crimes contre nature, est quelque chose d'effrayant ». Aussitôt, cependant, que le mariag,, polygame ou monogam,, vient à se répandre, la jalousie détermine le développement de certaines vertus chez la femme; la chasteté, passant dans les mœur,, tend

36. M. M'Lennan a cité beaucoup de faits de ce genre dans Primiiive Mar-riage, 1865, p. 176.

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128        ;            LA. DESCENDANCE DE L'HOMME           r> Partie]

à s'étendee aux femmes non mariée./Nous pouvons juge,, par ce qui se passe maintenant encore, combien elle s'ess peu étendue au sexe mâle. La chasteté exige beaucoup d'empire sur soi ; aussi a-t-elle été honorée, dès une époque très reculée, dans l'histoire moraee de l'homme civilisé. En conséquence de ce fait, on a consdéré, dès une hauee antiquité, la pratiqee absurde du célibat comme une vertu ». L'horreur de l'indécence, qui nous paratt si naturelle que nous sommes disposés à la croire innée, et qui constitue un aide essentill à la chasteté, est une vertu essentiellement moderne, qui appartient exclusivement, ainsi que le fait observer sir G. Staunton», à la vie civilisée. C'est ce que prouvent les anciens rites reiigieux de diverses naiion,, tes dessins qui couvrent les murs de Pompii et tes coutumss de beaucoup de sauvages.

Nous venons donc de voir que les sauvages, et il en a probablement été de même pour les hommss primitifs, ne regardenl les actions comme bonnes ou mauvaises qu'autant qu'elles affectent d'une manière apparente le bien-être de la tribu, - non celui de l'espèc,, ni celui de l'homme considéré comme membee individuel de la tribu. Cette conclusinn concorde avec l'hypothèse que le sens, dit mora,, dérive primitivement des instincts sociaux, car tous deux se rapportent-d'abord exclusivement à la communauté. Les causes principales du peu de moralité des sauvages, considérée à notre point de vue, sont, premièrement, la restriction de la sympathie à la même tribu; secondement, l'insuffisance du raisonnment, ce qui ne leur permet pas de comprendre la portée que peuvent avoir beaucoup de vertus, surtout les vertus individuelles, sur ]e bien-être général de la tribu. Les sauvages, par exemple, ne peuvent se rendre compte -des maux muttiples qu'engendre le défaut de tempérance, de chasteté, etc. Troisièmement, un faible empire sur soi-même, cette aptitude n'ayant pas été fortifiée par l'aciion longtemss continuée, peut-être héréditaire, de l'habitude, de l'instruction et de la religion.

Je suis entré dans les détails précédents sur l'immoralité des sauvagss -, parce que quelquss auteuss ont récemmntt fait un grand éloge de leur natuee morae,, et ont attribué la plupatt de leurs crimes à une bienveillance exagérée-. Ces auteuss tirent leurs arguments de ce que les sauvagss possèdntt souvent à un haut de-

37.  Lecky, Bùlory oy European Morals, 1869,1, p. 109.

38. Embassy to China, II, p. 348.

<n*ïlTêi£!h %oTaes nvrbreusescontenues dans sir J'Lubb°ck'

° 40.7eL?!^Splt;0irSV^W MoraU, vol. I, p. 184. .

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[CHap. IV]                             SENS MORAL                                        129

gré, ce dont on ne peut doute,, les vertus qui sont utiles et mêmé nécessaires à l'existence d'une famille et d'une tribu.

Conclusions. - Les philosophes de l'école de la moraee « dérivée" » ont admis d'abodi que la moraee repose sur une forme de l'égoïsme;mais, plus récemment, ils ont mis en avant le < principe du plus grand bonheu.. » Il seratt toutefois plus correct de considérer ce dernier principe comme la sanciion plutôt que comme lé motif de la conduite. Néanmoins tous les écrivains dont j'ai consulté les ouvrages pensen,, à très peu d'exceptions prèsi, que chaque action procède d'un motif distinct, lequel doit être toujouss relié à quelque plaisir ou à quelque peine. Mais il me semble que l'homme agie souvent par impulsion, c'est-àddire en vertu de l'instinct ou d'une longue habitude, sans avoir conscienee d'un plaisir, probablement de la même façon qu'une abeille ou une fourmi quand elle obéit aveuglément à ses instincts. Dans un moment de grand péril, dans un incendee par exemple, il est bien difficile de soutenir que l'homme qui, sans un instant d'hésitation, essaye de sauver un de ses semblables, ressent un plaisir quelconque; il n'a certes pas non plus le temps de réfléchrr sur le chagrin qu'il pourrait ressentrr plus tard s'il n'avatt pas fait tous ses efforts pour sauver son semblable. S'il réfléchtt plus tard à sa propee conduite, il reconnaît certainement qu'il y a en lui une force impussive absolument indépendanee de la recherche du plaisir ou du bonheur; or cette force semble être l'instinct social dont il est si profondément imprégné.

Quand il s'agtt des animaux inférieurs, il semble beaucoup plus

41. Terme employé dans 'un excellent article, Westminster Review, oct. 1869, p. 498. Pour le principe du plus Grand Bonheur, voir J.-S.Miill Utilitarianism.

p^Mil! reconnait (Systeraof Loaic, vol. H, p. 422) de la façon la plus absolue que l'habitude peut pousser à une act on, sans qu'il y ait aucune anticipation de plaisir. De son côté, M. H. Sidgwick,' dansson article sur le plaisir et le désir (Contemporary Review, avril 1872, p. 671)) s'exprime en ces termes : « En un mot, contrairement àl'hypothèseen vertude laquelle nosimpulsionsactives conscientes sont toujours dirigées vers la production de sensations agréables en nous-mémes, je suis disposé à soutenir que nous éprouvons souvent des impulsions conscientes, généreuses, dirigées vers quelque chose qui n'est certainement pas le plaisir; que, dans bien des cas, l'impulsion estsi peu compatible avecnotre égoïsme queles deux sentiments ne peuvent pas facilement coexister au moment oSù nousUmes conscients. m Le s'entiment, je suis même tenté de e croire, que nos impulsions ne procèdent pas toujours de l'attente d'un plaisir immédiat ou futur a été une des principales causes qui ont fait adopter l'hypothèse intuitive de la morale et rejeter l'hypothèse utilitaire ou du plus grand

i mesure.

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130                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire Partie]

c orrect de dire que leurs instincts sociaux se sont développss en vue du bien général plutôt que du bonheur générll de l'espèce. Le terme « bien général x peut se définir ainsi : le moyen qui permtt d'éleve,, dans les conditions existantes, le plus grand nombre possible d'individus en pleine santé, en pleine vigueu,, doués de facultés aussi parfaites que possible. Les instincss sociaux de l'homm,, aussi bien que ceux des animaux inférieurs, ont, sans doute, traversé à peu près les mêmes phases de développement; il seratt donc, autant que possible, préférable d'employrr dans les deux cas la même définition et de prendre, comme critérium de la morale, le bien général ou la prospérité de la communauté, plutôt que le bonheur généra;; mais cette définiiion nécessiterait peu--être quelquss réserves à cause de la moraee politique. . Lorsqu'un homme risque sa vie pour sauver celle d'un de ses semblables, il semble plus justeee dire qu'il agit pour le bien général que pour le bonheur de l'espèce humaine. Le bien et le bonheur de l'individu coïncidett sans doute habituellement; une tribu heureuee et contenee prospère davantage qu'une autre qui ne l'est pas. Nous avons vu que, même dans les premières périodss de l'histoire de l'homm,, les désirs exprimés par la communauté ont dû naturellement influencer à un haut degré la conduite de chacun de ses membres, et, tous recherchant le bonheu,, le principe du « plus Grand Bonheur o a dû devenrr un guide et un but secondaire fort important; mais les instincts sociaux, y compris la sympathee qui nous pousee à faire grand cas de l'approbation ou du blâme d'autrui, ont toujouss dû servir d'impulsion première et de guide. Ainsi se trouve écaréé le reproche de placer dans le vil principe de l'égoïsme les bases de ce que notre natuee a de plus noble ; à moins, cependant, qu'on n'appelle égoïsme la satisfaction que tout animal éprouve lorsqulil obéit à ses propres instincts, et le regret qu'll ressent lorsqulil en est empêché.

Les désirs et les jugements des membres de la même communauté, exprimés d'abodd par le langage et ensuite par l'écriture, constituent, comme nous venons de le faire remarquer, un guide de conduite secondaire, mais très important, qui vient en aide aux instincss sociaux, bien que parfoss il soit en opposition avec eux. La loi de l'honneur, c'est-à-dire la loi de l'opinion de nos égaux et non de tous nos compatriotes, en est un excellent exemple. Toute infraction à cette loi, cette infraction fût-elle reconnee comme rigoureusement conforme à la vraie morale, a causé à bien des hommss plus d'angoisses qu'un crime réel. Nous reconnaissons la même influence dans cette cuisanee sensation de honte que la

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fCHAP.!V]                             SENS MORAL                                        131

. plupart d'entre nous ont ressentie, même après un long intervalle d'années, en nous rappeaant quelque infraction accidentelle faite à une règle insignifiante mais établie de l'étiquette. Le jugement de la communauti se laisse généralement guider par quelque grossière expérience de ce qui, à la longue, est le plus utile-à l'intérêt de tous les membres; mais l'ignorance et la faiblesee du raisonnement contrbbuent souvent à fausser le jugement de la masse. Il en résulte que des coutumss et des superstitions étranges, en opposition complète avec la vraie prospérité et le véritable bonheur de l'humanité, sont devenues toutes-puissantes dans le monde entier. Nous en voyons des exemples dans l'horreur que ressent l'Hindou qui perd sa caste, et dans une foule d'autres cas. Il seratt difficile de distinguer entre le remords éprouvé par l'Hindou qui a mangé des aliments impurs, et le remords que lui causerait un vol; mais il est probabee que le premier seratt le plus poignant.

Nous ne connasssons pas l'origine de tant d'absurdes règles de conduite, de tant de croyances religieuses ridicules; nousne savons pas comment il se fait qu'elles aient pu, dans toutes les parties du globe, s'implanter si profondément dans l'esprit de l'homme ; mais il est à remarquer qu'une croyanee constamment inculquee pendant les premières années de la vie, alors que le cerveau est susceptible de vives impressions, paratt acquérir presqee la natuee d'un instinc.. Or la véritable essence d'un instinct est d'être suivi indépendamment de la raison. Nous ne pouvons pas non plus dire pourquoi quelquss tribus sauvagss estiment plus que d'autres certaines vertus admirables, telles que l'amour de la vérité"; nous ne pouvons pas plus explique,, d'allleurs, pourquoi on retrouee des différencss semblables même parmi les nations civilisée.. Ce. qui est certan,, c'est que ces coutumes, ces superstitions étranges, se sont solidement implantées dans l'esprit humain; y a-t-il donc alors lieu de s'étonnrr que les vertus personnelles, basées qu'elles sont sur la raison, nous paraissent maintenant si naturelles que nous les regardions comme innées, bien que l'homme à l'état prmitif n'en fit aucun cas?

Malgré de nombreuses causes de doute, l'homme peut d'ordnaire distinguer facilemntt entre les règles morales supérieures et les règles morales inférieures.. Les. premèères, basées sur les instincss sociaux, ont tratt à la prospérité des autres; elle s'appuient sur l'approbation de nos semblables et sur la raison. Les règles

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i32                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Partie]

morales inférieures, bien que cette qualification ne soit pas absolument correcee lorsqu'elles exigent un sacrifice personnel, se rapportent principalement à l'individu lui-mêm,, et doivent leur origine à l'opinion publique mûrie par l'expérience et par la civilisation, car elles sont inconnuss aux tribus grossières.

A mesuee que l'homme avance en civilisation et que les petites tribus se réunsssent en communautés plus nombreus,s, la simple raison indique à chaque individu qu'il doit étendre ses instincss sociaux et sa sympathie à tous les membres de la même nation, bien qu'ils ne lui soient pas personnellement connus. Ce point atteint, une barrière artificielle seule peut empêcher ses sympathies de s'étendee à tous les hommes de toutes les natioss et de toutes les races. L'expérience nous prouve, malheureusement, combien il faut de temps avant que nous considérions comme nos semblables les hommss qui diffèrent considérablement de nous par leur aspect extéreeur et par leurs coutumes. La sympathie étendue en dehoss des bornes de l'humanité, c'est-à-dire la compassinn envers les animaux, parait être une des dernières acquisitions morales. Elle est inconnue chez les sauvages, sauf pour les animaxx favoris. Les abominables combass de gladiateurs montrent combien peu les anciens Romains en avaient le sentimen.. Autant que j'ai pu en juge,, l'idée d'humanité est inconnue à la plupatt des Gauchos des Pampas. Cette qualité, une des plus nobles donr l'homme soit doué, sembae provenrr incidemment de ce que nos sympathies, devenant plus délicates à mesuee qu'elles s'étendent davantage, finissent par s'appliquer à tous les êtres vivants. Cette vertu, une fois honorée et cultivée par quelquss homme,, se répand chez les jeunes gens par l'instruction et par l'exemple, et finit par faire partie de l'opinion publiqu..

Nous atteignons le plus haut degré de cultuee moraee auquel il soit possible d'arriver, quand nous reconnaissons que nous devons contrôler toutes nos pensées et « que nous ne regrettons plus, même dans notre for intéreeur, les erremnnts qui nous ont rendu le passé si agréable «. » Tout ce qui familiarise l'esprit avec une mauvaise action en rend l'accomplissement plus facile. Ainsi que l'a dit, il y a fort longtemps, Marc-Aurèle : « Telles sont tes pensées habituelles, tel sera aussi le caractère de ton esprit; car les pensées déteignent sur l'âme». »

Notre grand philosophe, Herbett Spence,, a récemment émis

44. Tennyson, Idyls of the King. p. 244.                                  ".2..,i

1869, p. 112. M. Aurelius est né 121 ans après J.-C.

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[Chap. IV]                               SENS MORLL                                          133

son opinion sur le sens mora.. 11 s'exprime en ces termes": « Je crois que les expériences d'utilité organisées et consolidées à travers toutes les générations passées de la race humaine ont produit des modifications correspondantes qu'une transmission et une accumulation continuelles ont transformées chez nous en certaines facultés d'intuition, morale, - en certaines émotions répondant à une conduite jusee ou fausse et qui n'ont aucune base apparente dans les expériences d'utilité individuel.e. . Il n'y a pas, ce me semble, la moindee improbabilité inhérente à ce que les tendances vertueuses soient plus ou moins complètement héréditaires; car, sans mentionner les habitudes et les caractères variés que se tranmettent un grand nombee de nos animaux domestiques, je pourrais citer nombee de cas prouvant que le goût du vol et la tendanee au mensonee parasssent exister dans des famllles occupant une position très élevée; or, comme le vol est un crime fort rare chez les classes riche,, il est difficile d'expliquer par une coïncidence accidentelle la manifestation de la même tendanee chez deux ou trois membres d'une même famille. Si les mauvaises tendances sont transmissibles, il est probabee qu'il en est de même des bonnes. Tous ceux qui ont souffert de maladies chronqques de l'estomcc ou du foie savent que l'état du corps en affectant le cerveau exerce la plus grande influence sur les tendances moraees. On sait aussi que l'un des premiers symptômss d'un dérangement des facuttés mentales est la perversion ou la destruction du sens mora**'; or, on sait que lafolie est certainement souvent héréditaire. Le principe. de la transmission des tendances morales peut seul nous per-, mettre d'expliquer les différencss qu'on croit existe,, sous ce rappor,, entre les diversss races de l'humanité.

Notre impulsion primordiele vers la vertu, impulsion provenatt directement des instincts sociaux, recevrait un concouss puissatt de la transmission héréditaire, même partielle, des tendances vertueuse.. Si nous admettons un instant que les tendances vertueuses sont héréditaires, il semble probable que, au moins dans les cas de chasteté, de tempérance, de compassion pour les animaux, etc., elles s'impriment d'abodd dans l'organisation mentaee par l'habtude, par l'instruction et par l'exemple soutenus pendant plusieuss générations dans une même famllle; puis, d'une manière accessoire, par le fait que les individus doués de ces vertus ont le mieux réusii dans la lutte pour l'existence. Si j'éprouve quelque

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134                         LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire PaBtie]

.doute relativement à ce genre d'hérédité, c'est parce qu'il me faut admettre que des coutumes, des superstitions et des goûts insensé,,l'horreur, par exempl,, que profesee l'Hinduu pour des alimenss impurs, doivent .aussi se transmettre héréditairement en vertu du même principe. Bien que ceci soit peut-être tout aussi probable que l'acquisition héréditaire par les animaxx du goût pour certains aliments, ou de la crainte pour certanss ennemis, je ne possède aucune preuve tendant à démontrer la transmission des coutumes superstitieuses ou des habitudes ridicules.

En résumé, les instincts sociaux, qui ont été sans doute acquis par l'homm,, comme par les animaux, pour le bien de la communauté, ont dû, dès l'abord, le porter à aider ses semblables, développrr en \ lui quelques sentiments de sympathie et l'obiiger de compter avec * l'approbation ou le blâme de ses semblables. Des impulsions de ce genre ont dû de très bonne heure lui servrr de règle grossière pour ' distinguer le bien et le mal. Puis, à mesure que les facultés intellectuelles de l'homme se sont développées; à mesure qu'il est devenu capabee de comprendre toutes les conséquences de ses action; ; qu'il a acquss assez de connasssances pour repousser des coutumss et des superstitions funestes; à mesuee qu'il a songé davantage, non-seulement au bien, mais aussi au bonheur de ses semblables; à mesure que l'habitude résultant de l'instruction, de l'exempee et d'une expérience salutaire a développé ses sympathies au point qu'ils les a étenduss aux hommes de toutes les race,, aux infirme,, aux idiots et aux autres membres inutiles de la société, et enfin aux animaux eux-mêmes, l le niveau de sa moralité s'est élevé de plus en plus. Les moralistes de l'école dérivative et quelquss intuition-nistes admettent que le niveau de la moralité a commenéé à s'élever dès une période fort ancienee de l'histoire de l'humanité".

De même qu'il y a quelquefois lutte entre les divers instincts des animaxx inférieurs; il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il puisse y. . avor,, chez l'homm,, une lutte entre ses instincts sociaux et les vertus qui en dériven,, et ses impulsions ou ses désirs d'ordee inférieur; car,, par moments, ceux-ci peuvent être les plus énergques. Cela est d'autant moins étonnant, comme le fait remarquer M. Galton~, que l'homme est sorti depuss un temps relativement

. 48. Un auteur très capable de juger sainement cette question, s'exprime energiquement dans ce sens dans un article de la North British Review, juillet 1869, p. 531. M. Lecky {BM. of Marais, vol. I, p. 143) parait, jusqu'à un certain point, partager la même opinion. 49. Voir son ouvrage remarquable, Hereditary Genius, 1869, p. 349. Le due

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récent de lapériode de la barbarie. Après avoir cédé à certaines tentation,, nous éprouvoss un sentiment de mécontentement, de honte, de repentir ou de remord,, sentiment analogue à celui que nous ressentons quand un.instinct n'est pas satisfait; nous ne pouvons pas, en effet, empêchrr les impressions et les images du passé de se représenter continuellement à notre esprit; nous ne pouvons nous empêchrr de les comparer; dans cèt état affaibli, avec les instincss sociaux toujouss présents, ou-avec des habitudes contractées dès la premèère jeunssse, héréditaires peut-être, fortfiées pendan:; toute la vie, et renduss ainsi presque aussi énerg-quesque des instincts. Si nous ne cédons pas à la tentation, c'est que l'instinct social ou quelque habitude l'emporte en ce moment en nous, ou parce que nous avons appris à comprendre que cet instinct nous paraîtra le plus fort quand nous le comparerons à l'impression affaiblie de la tentation et que nous savons que nous éprouverons un chagrin si nous avons violé cet instinct. It n'y a pas lieu de craindee que les instincss sociaux s'affaiblissent chez les générations future,, et nous pouvons même admettre que les habitudes vertueuses croîtront et se fixeront peut-être par l'hérédité. Dans ce cas, la lutte entre nos impulsions élevées et nos impulsions inférieures deviendaa moins violente et la vertu triomphera.

Résumé des deux derniers chapitres. - On ne peut douter qu'll existe une immenee différence entre l'intelligence de l'homme le plus sauvage et celle de l'animal te plus élevé. Si un singe anthropomorphe pouvatt se juger d'une manière impartiale, il admettrait que, bien que capabee de combiner un plan ingénieux pour piller un jardn,, de se servir de pierrss pour combattre ou pour casser des noix, l'idée de façonnrr une pierre pour en faire un outil seratt tout à fait en dehoss de sa portée. Encoee moins pourait-il suivre un raisonnement métaphysique, résoudee un problème de mathématiques, réftéchir.sur Dieu, ou admirer une scène imposante de la nature. Quelques singes, toutefois, déclareraient probablement qu'ilssont aptes à admirer, et qu'ils admrrent la beauéé des couleuss de la peau et de la fourruee de leurs compagnes. Ils admettraient que, bien qu'ils soient à même de faire comprendre par des cris à d'autres singes quelques-unes de leurs perceptions-ou quelques-uns de leurs besoins les plus simples, jamais la .pensée d'exprimer des idées définies par des sons déterminés n'a traversé

d'Argyll (Primeval Man, 1869, p. 188) fait quelques excellentes remarques sur la lutte entre le bien et le mal dans la nature de l'homme.

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136                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Parue]

leur esprit. Ils pourraient affirmer'qu'ils sont prêss à aider de bien des manières leurs camarades de là même troup,, à risquer leur vie pour eux, et à se chargrr des orphelins; mais ils seraient forcés de reconnaître qu'ils ne comprennent même pas cet amour désintéressé pour toutes les créatures vivantes qui constitue le plus noble attrbut de l'homm..

Néanmoins, si considérable qu'elle soit, la différence entre l'esprit de l'homme et celui des animaux les plus élevés n'est certanement qu'une différence de degré, et non d'espèc.. Nous avons vu que des sentements, des intuitions, des émotions et des facultés diverses, telles que l'amitié, la mémoire, l'attention, la curiosité, l'imitation, la raison, etc,, dont l'homme s'enorgueill,t, peuvent s'observer à un état naissant, ou même parfois à un état assez développé, chez les animaux inférieurs. Ils sont, en outre, susceptibles de quelquss améliorations héréditaires, ainsi que nous le prouve la comparaison du chien domestique avecle loup ou le chaca.. Si l'on veut soutenrr que certaines facultés, telles que la conscience, l'abstraction, etc,, sont spéciales à l'homme, il se peut fort bien qu'elles soient les résultats accessoires d'autres facuttés intellectuelles très développées, qui elles-mêmss dérivent principalement de l'usage continu d'un langaee arrivé à la perfection. A quel âge l'enfant nouveau-né acquiert-gl la faculté de l'abstraction? A quel âge com-mence-t-il à avoir conscience de lui-même et à réfléchrr sur sa propee existence? Nous ne pouvons pas plus répondee à cette question que nous ne pouvons expliquer l'échelee organique ascendante. Le langage, ce produit moitié de l'ar,, moitié de l'instinct, porte encore l'empreinte de son évolution graduelle. La sublime croyanee à un Dieu n'est pas universelle chez l'homm;; celle à des agents spirtuels actifs résulte naturellement de ses autres facultés mentales. C'est le sens moral qui constitue peut-être la ligne de démarcation lapuss nette entre l'homme et les autres animau,, mais je n'ai rien à ajouter sur ce poin,, puisque j'ai essayé de prouvrr que les instincss sociaux, - base fondamentale de la morale humaine -, -auxquels viennent s'adjoindre les facultés intellectuelles actives et les effets de l'habitude, conduisent naturellement à la règle : « Fass aux hommes ce que tu voudrass qu'ils te fissent à toi-mêmx » ; prin-cipe.sur lequel repose toute la morale.

Je fera,, dans le chapitre suivan,, quelquss remarques sur les causes probables qui ont amené le développement gradull des di verses facultés morales et mentales de l'homme et sur les diffé-

SO.PenséesdeMarc-Aurèle.p.W..

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[Cha..v]            dEveloppementTdes facultés                     137

rentes phases qu'elles ont traversées. On ne peut du moins contester que cette évolution soit possibl,, puisque, tous les jours, nous contemplons le développement de ces facultés chez l'enfant; puisqu'enfin nous pouvons établir une gradation parfaite entre l'état mental du plus complet idiot, qui est bien inférieur à l'animal, et les facultés intellectuelles d'un Newton.

CHAPITRE V

SUR LE DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS INTELLECTUELLES ET MORALES PENDANT LES TEMPS PRIMITIFS ET LES TEMPS CIVILISÉS

Développement des facultés intellectuelles par la sé!ectionnaturel.e.-Impor-

Les questions qui font l'objet de ce chapitre, questions que je ne pourrai traiter que d'une manière très incomplète et par fragments, offrent le plus haut intérê.. M. WalIace, dans un admirable mémoire déjà cité ', soutient que la sélection naturelle et les autres causes analogues n'ont dû exercer qu'une influence bien secondaire sur les modifications corporelles de l'homm,, dès quill eut partiellement acquis les qualités intellectuelles et morales qui le distinguent des animaux inférleuss ; ces facultés mentales, en effet, le mettent à même « d'adapter son corps, qui ne change pas, à l'univers, qui se modifie constamment ». L'homme sait admrrablement conformer ses habtudes à de nouvelles conditions d'existence. Il invente des arme,, des outils et.divers engins, à l'aide desquess il se défend et se procure ses aliments. Lorsqu'il va habiter un climat plus froid, il se sert de vêtements, se construtt des abris, et fait du feu, qui, outre qu'il le réchauffe, lui sert aussi à faire cuire des alimenss qu'il lui seratt autrement impossible de digére.. Il rend de nombreux services à ses semblables et prévoit les événemenss futurs. Il pratiquait déjà une certaine division du travail à une période très reculée.

La conformation corporelle des animaux doit, au contraire, se modffier profondément pour quills puissent subsister dans des conditions très nouvelles. Il faut qu'ils deviennent plus forts, qu'ils . s'arment de dents et de griffes plus efficaces pour se défendee contre de nouveaux ennemis, ou bien que leur taille diminue afin

1. Anthropological Review, May 1864, p. clviii.

S

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138                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I!e pAHTDtl

de pouvorr échapper plus facilement au danger d'être découverts. Lorsqu'iis vont habiter un climat plus froid, il faut, ou qu'ils revêtent une fourrure plus épaisse, ou que leur constitution se modffie, à défaut de quoi ils cessent d'exister.

Le cas est tout différen,, ainsi que le constaee avec raison M. Wallace, quand il s'agtt des facultés intellectuelles et morales de l'homm.. Cesfacultéssontvariables;enoutre,nous avons touee raison de croire que .es variations sont héréditaires. En conséquence, sicesfacultésonteu, autrefois, une grande importancepour l'homme primifif et ses ancêtres simio-humains, la sélection naturelle a dû les développrr et les perfectionner. On ne peut mettre en doute la hauee importance des facultés intellectuelles, puisque c'est à elles que l'homme doit principalement sa position prééminente dans le monde. Il est facile de comprendre que, dans l'état primitif de la société, les individss les plus sagaces, ceux qui employaient les meilleures armes ou inventaient les meilleuss piège,, ceux qui, en un mot, savaient le mieux se défendre, devaient laisser la plus nombreuse descendance. Les tribus renfermant la plus grande quantité d'hommss ainsi doués devaient augmenter rapidement en nombre et supplanter d'autres tribus. Le nombre des habitants dépend d'abodl des moyens de subsistance; ceux-c,, à leur tour, dépendent en pariie de la natuee physique du pays, mais, à un bien plus haut degré, des arts qu'on y cultive. Lorsqu'une tribu augmenee en nombee et devient conquérante, elle s'accroît souvent encore -davantage par l'absorption d'autres tribus'. La taille et la force des membres d'une tribu exercent certainement une grande influence sur sa réussite; or ces conditions dépendent beaucopp de la natuee et de l'abondance des alimenss dont ils peuvent dispose.. Les hommes de la période du bronze, en Europ,, firent place à une race plus puissante, et, à en juger d'après les poignées des sabre,, à main, plus grande'; mais le succès de cette race résutte probablement beaucoup plus de sa supériorité dans les art..

Tout ce que nous savons des sauvages, tout ce que nous enseigne l'étude de leurs traditions ou de leurs anciens monuments, car les habitants actuels ont complètement perdu le souvenrr des faits qui se rataachent à ces traditions et à ces monuments, nous prouve que, dès les époques les plus reculée,, certaines tribus ont réussi à en supplanter d'autres. On a découvert dans toutes les régions civili-

2 Les individus ou les tribus qui sont absorbés dans une autre tribu prétendent à la longue, ainsi que l'a fait remarquer M. Maine (Ancient Law, 1861,

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[Chap. V]

DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS

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sées du globe, sur les plaines inhabitées de l'Amérique et dans les fies isolées de l'océan Pacifique, des ruines de monuments élevés par des tribus éteintes ou oubliée.. Aujourd'hui les naiions civilisées remplacent partott les peuples barbares, sauf là où le climat leur oppose une barrière infranchissable ; elles réusssssent surtout, quoique pas exclusivement, grâce à leurs arts, produits de leur intelligence. Il est donc très probabee que la sélection naturelle a graduellement perfectionéé les facultés intellectuelles de l'homme ; conclusion qui suffit au but que nous nous proposons. Il serait, sans doute, très intéressant de retracer le développement de toutes les facultés, de les prendre l'une après l'autre à l'étae où elles existent chez les animaux inférieuss et d'étudier les transformatisns successives par lesquelles elles ont passé pour en arriver à ce qu'elles sont chez l'homme civilis;; mais c'est là une tentative que ne me permettent ni mes connasssances ni le temps dont je puis disposer. Dès que les ancêtres de l'homme sont devenus sociables, progrès qui a dû probablement s'accomplir à une époque extrêmemenr reculée, des causes importantes, dont nous ne trouvoss que des traces chez les animaux inférieurs, c'est-à-dire l'imitation, la raison et l'expérience, ont dû faciiiter et modifier le développement des facultés intellectuelles de l'homm.. Les singes, tout comme les sauvagss les plus grossiers, sont très portés à l'imitation; en outre, nous avons déjà constaté que, au bout de quelque temps, on ne peut plus prendee un animal à la même place avec le même genre de piège, ce qui prouve que les animaux s'instruisent par l'expérience et savent imiter la prudenee des autres. Or si, dans une tribu quelconque, un homme plus sagace que les autres vient à inventer un piège ou une arme nouvelle, ou tout autre moyen d'attaque ou de défense, le plus simple intérê,, sans qu'il soit besoin d'un raisonnement bien développ,, doit pousser les autres membrss de la tribu à l'imiter, et tous profitent ainsi de la découverte. La pratique habtuelle de chaque art nouveau doit aussi, dans une certaine mesure, fortifier l'intelligence. Si la nouvelle invention est importante, la tribu augmente en nombre, se répand et supplante d'autres tribu.. Une tribu, devenue ainsi plus nombreuse, peut toujouss espérer voir naître dans son sein d'autres membres supérieurs en sagacité et à l'esprtt inventif. Ceux-ci transmettent à leurs enfanss leur supériorité mentale; chaque jour donc, on peut compter qu'il naîtra un nombee plus considérable d'individus encore plus ingénieux; en tout cas, les chancss sont très certainement plus grandss dans une , tribu nombreuse que dans une petite tribu. Dans le cas même où ces individus supérieurs ne laisseraient pas d'enfants, leurs parenss

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restent dans la tribu. Or les é)eveur~' ont constaéé qu'en se servan,, comme reproducteurs, des membres de la famllle d'un animal qu,, abattu, était supérieur comme bête de boucherie, les produits obtenus présentent les caractères désiré..

Étudions maintenant les facultés sociales et morales. Les hommes primitifs, ou nos ancêtres simio-humains, n'ont pu devenrr sociables qu'après avoir acquis les sentiments instinctifs qui poussent certanss autres animaxx à vivre en société; ils possédaient, sans aucun doute, ces mêmes dispositions générales. Ils devaient ressentir quelque chagrin lorsqu'ils étaient séparés de leurs camaradss pour lesquess ils avaient de l'affeciion; ils devaient s'avertrr mutuellement du danger et s'entr'aider en cas d'attaque ou de défense. Ces sentiments impliquent un certain degré de sympa-.thie, de fidétité et de courag.. Personee ne peut contester l'importanee qu'on,, pour les animaux inférieurs, ces diverses qualités sociaces; or il est probabee que, de même que les animau,, les ancêtres de l'homme en sont redevables à la sélection naturelle jointe à l'habitude héréditaire. Lorsque deux tribus d'hommss primitifs, habitant un même pays, entraient en rivalité, il n'est pas douteux que, toutes autres circonstances étant égales, celle qui renfermait un plus grand nombee de membres courageux, sympathiquss et fidèles, toujouss prêss à s'avertir du danger, à s'entr'aider et à se défendre mutuellement, ait dû réussrr plus complètement et l'emporter sur l'autre. La fidélité et le courage jouent, sans contred,r, un rôle important dans les guerres que se font continuellement les sauvages. La supéroorité quront les soldats disciplinés sur les hordes qui ne le sont pas résulte surtout de la confiance que chaque homme repose dans ses camarades. L'obésssance, comme l'a démontré M. Bageho, % est une qualtté importante entre toutes, car une forme de gouvernement, quelle qu'elle soit, vaut mieux que l'anarchie. La cohésion, sans laquelee rien n'est possibe,, fait défaut aux peuples égoïstes et querelleurs. Une tribu possédant, à un haut degré, les qualités dont nous venons de parler doit s'étendee et l'emporter sur les autre;; mais, à en juger par l'histoire du passé, elle doit, dans la suite des temps, succombrr à son tour devant quelque autre tribu encore mieux douée qu'elle. Les qualités sociales et morales tendent ainsi à progresser lentement et à se propager dansle monde.

4. J'ai donné des exemples dans la Variation, etc., H, p. 208.

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Mais on peut se demandrr comment un grand nombre d'individus, dans le sein d'une même tribu, ont d'abodd acquis ces qualités sociales et morales, et comment le niveau de la perfection s'est graduellement élevé? Il est fort douteux que les descendants des parenss les plus sympathiques, les plus bienveillants et les plus fidèles à leurs compagnons, aient surpaséé en nombee ceux des membres égoïstes et perfides de la même tribu. L'individu prêt à sacrifier sa vie plutôt que de trahrr les siens, comme maint sauvage en a donné l'exemple, ne laisse souvent pas d'enfants pour hériter de sa noble nature. Les hommes les plus brave,, les plus ardenss à s'exposer aux premeers rangs de la mêlée, et qui risquent volon.. tiers leur vie pour leurs semblables, doivent même, en moyenn,, succombrr en plus grande quantité que les autres. Il semble donc presque impossible (il faut se rappeler que nous ne parlons pas ici d'une tribu victorieuse sur une autre tribu) que la sélectson naturelle, c'est-à-dire la persistance du plus apte, puisse augmenter le nombee des hommss doués de ces vertus, ou le degré de leur perfection.

Bien que les circonstances qui tendent à amener une augmentation constanee des hommss éminemment doués dans une même tribu soient trop complexss pour que nous songions à les étudier ici, nous pouvons cependant indiquer quelques-unes des phasss probablement parcourues. Et d'abord, à mesure qu'augmentent la raison et la prévoyance des membres de la tribu, chacun apprend bientôt par expérience que, s'il aide ses semblables, ceux-ci l'aideront à leur tour. Ce mobi,e peu élevé pourrait déjà faire prendee à l'individu l'habitude d'aider ses semblables. Or la pratique habituelee des actes bienveillants fortifie certainement le sentimett de la sympathie, laquelee imprime la première impulsion à la bonne action. En outre, les habitudes observées pendant beaucopp de générations tendent probablement à devenrr héréditaires.

Il est, d'ailleurs, une autre cause bien plus puissante encore pour stimuler le développement des vertus sociales, c'est l'approbation et le blâme de nos semblables. L'instinct de la sympathie, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, nous pousse à approuver ou à blâmer les actions de nos semblables; il nous fait désirer les éloges et redouter le blâme; or la sélection naturelle a sans doute développé primitivement cet instinc,, comme elle a développé tous les autres instincts sociaux. Il est, bien entendu, impossible de direà quelle antique période du développement de l'espèce humaine la louange ou le blâme exprimé par leurs semblables a pu affecter ou entraîner les ancêtres de l'homm.. Mais il paratt que

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les chiens eux-mêmss sont sensibles à l'encouragement, à l'éloge ou au blâme. Les sauvages les plus grossiers comprennent le sentiment de la gloire, ce que démontrent clairement l'importance qu'ils attachent à la conservation des trophées qui sont le fruit de leurs prouesses, leur extrême jactance et les soins exclusifs qu'ils prennent pour embellir et pour décorer leur personn;; en effet, de pareilles habitudes, seraient absurdes s'ils ne se souciaient pas de l'opinion de leurs semblables.

Les sauvages éprouvent certannement de la honte lorsqu'ils enfreignent quelques-unes de leurs coutumes, si ridicules qu'elles nous parasssent; ils éprouvent aussi des remord,, comme le prouve l'exempee de cet Australien qui maigrissait à vue d'œil et qui ne pouvait plus prendee aucun repos, parce quill avatt négligé d'assassiner une autre femme pour apaiser l'esprit de la femme qu'll venatt de perdre. Il serait, d'allleurs, incroyable qu'un sauvag,, capabee de sacrffier sa vie plutôt que de trahrr sa tribu, ou de venir se constituer prisonnier plutôt que de manqurr à sa paroee», n'éprouvtt pas du remords au fond de l'âme, s'il a failii à un devoir qu'll considère comme sacré.

Nous pouvons donc concluee que l'homme primitif, dès une période très reculée, devatt se laisser influencer par l'éloge ou par le blâme de ses semblables. Il est évident que les membres d'une même tribu devaient approuver la conduite qui leur paraisstit favorable au bien général et réprouver celle qui leur semblait contraire à la prospérité de tous. Faire du bien aux autre,, - faire aux autres ce qu'on voudrait qu'ils vous fissent, - telle est la base fondamenta'e de la morale. Il est donc difficile d'exagérer l'impotance qu'ont dû avoir, même à des époques très reculée,, l'amour de la louange et la crainee du blâme. L'amorr de la louang,, le désir de la gloire, suffisent souvent à détermnner-l'homme qu'un sentiment profond et instinctif n'entraîne pas à sacrifier sa vie pour le bien d'autrui; or son exempee suffit pour exciter chez ses semblables le même désir de la gloire, et fortifie, par la pratique, le noble sentiment de l'admiration. L'individu peut ainsi rendee plus de services à sa tribu que s'il engendrait des enfants, quelquss tendances qu'aient ces derniers à hériter de son noble caractère.

A mesure que se développent l'expérience et la raison, l'homme comprend mieux les conséquences les plus éloignées de ses actes. 11 apprécee alors à leur juste valeur et il considèee même comme

JsïtetoM»7ÔllJ.PS!eUrs exemP'es : CmtributionstolheTheoryofNatu-

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[Chap. V]             DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS                     143

sacrées les vertus personnelles, telles que la tempérance, la chasteté, etc., qui sont, comme nous l'avons vu, entièrement méconnues pendant les premières période.. Il serait, d'ailleurs, inutlle de répéter ce que j'ai dit à ce sujet dans le quatrième chapitre: En un mot, notre sens mora,, ou notre conscience, se compose d'un sentment essentiellement complexe, basé sur les instincss sociaux, encouragé et dirigé par l'approbation de nos semblables, rég,é par la raison, par l'intérêt, et, dans des.temps plus récents, par de profonds sentimenss religieux, renforcés par l'instruction et par l'habitude. . . .

Sans doute, un degré très élevé de moralité ne.procuee à chaque individu et à ses descendants que peu ou point d'avantages sur les autres membres de la même tribu, mais il n'en est pas moins vrai que le progrès du niveau moyen de la moralité et l'augmentation du nombee des individus bien doués sous ce rappott procurent certainement à une tribu un avantage immenee sur une autre tribu. Si une tribu renferme beaucoup de membres qui possèdent à un haut degré l'esprit de patriotisme, de fidélité, d'obéissance, de courage et de sympath,e, qui sont toujouss prêts, par conséquent, à s'en-tr'aider et à se sacrifier au bien commun, elle doit évidemment l'emporter sur la plupatt des autres tribu;; or c'est là ce-qui constitue la sélection naturelle. De tout temps et dans le monde entier, des tribus en ont supplanéé d'autres; or, comme la moraee est un des élémenss de leur succès, le nombee des hommss chez lesquels son niveau s'élève tend partout à augmenter. ,

Il est toutefois très difficile d'indiquer pourquii une tribu queconque plutôt qu'une autre réussit à s'élevrr sur l'échelee de la civilisation. Beaucoup de sauvagss sont restés ce qu'ils étaient au moment de leur découverte, il y a quelquss siècles. Nous sommes disposés, ainsi que l'a fait remarquer M. Bageho,, à considérer le progrès comme la règle normale dela société humaine;mais l'histoire contredtt cette hypothèse. Les anciens n'avaient pas plus l'idée du progrès que ne l'ont, de nos jours, les nations orientales. D'après une autre autorité, sir Henry Maine', « la plus grande partie de l'humanité n'a jamass manifesté le moindee désir de voir améliorer ses institutions civiles ». Le progrès semble dépendee du concouss d'un grand nombee de condiiions favorables, beaucoup trop compliquées pour qu'on puisse les indiquer toutes. Tou-tefois on a souvent remarqué qu'un climat tempéré, qui favorise

B^:%n^m!T^:22'Pour les remarques de M.Bagehot,Fortni9My

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144.                    LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I« Partie]

le développement de l'industrie et des arts divers, est une condtion très favorable, indispensable même au progrès. Les Esqumaux, sous la pression de la dure nécessité, ont réussi à faire plusieurs inventions ingénieuses, mais la rigueur excessive de leur climat a empêché tout progrès continu. Les habitudes nomadss de l'homm,, tant sur les vastes plaines que dans les forêts épaisses des régions tropicales ou le long des côtes maritimes, lui ont été, dans tous les cas, hautement préjudiciables. Ce fut en observant les barbares habitants de la Terre'de Feu que je compris combien la possession de quelquss biens, une demeuee fixe et l'union de plusieurs famllles sous un même chef sont les élémenss nécessaires et indispensables à toute civilisation. Ces habitudes impiiquent la cultuee du sol, et les premiers pas faits dans cette voie doivent probablementcommejel'aiindiquéailleussSrésulterd'unacciden:: les graines d'un arbre fruitier, par exempe,, tombant sur un tas de fumier et produisant une variété plus belle. Quoi qu'il en soit, il est encore impossible d'indiquer quels ont été les premiers pas des sauvages dans la voie dela civilisation.

La sélection naturelle considérée aupoint de vue de son action sur les nations civilisées. - Je ne me suis occupé jusquàà présent que des progrès qu'a dû réaliser l'homme pour passer de sa condition primitive semi-humaine à un état analogue à celui des sauvages actuels. Je crois devoir ajouter ici quelquss remarques relatives à l'action de la sélection naturelle sur les nations civilisée.. . M. W. R. Greg», et antérieurement MM. Wallace et Galton'», ont admirablement discuté ce sujet;- j'emprunterai donc la plupatt de mes remarques à ces tross auteurs. Chez les sauvages, les individus faibres de corps ou d'esprit sont promptement éliminé,, et les survivants se font ordinairement remarquer par leur vigoureux état de santé. Quant à nous, hommss civilisé,, nous faison,, au contraire, tous nos efforts pour arrêter la marche de l'élimination;

8.  La Variation des animaux, etc., vol. I, p. 329.

9. Fraser's Magazine, sept. 1868, p. 353. Cetarticle paraitavoir frappébeaucoup de personnes, et a donné lieu à deux mémeires remarquables et à une re-

émises d,DS lM«.«te,'«l 13 Juil. 1MI.JM emprun.éd.s argumenl, » plu-

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rChap. V]            DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS            '         145

nous construisons des hôpitaux pour les idiots, les infirmes etles malades; nous faisons des lois pour venrr en aide aux indigents; nos médecins déploient toute leur science pour prolonger autant que possible la vie de chacun. On a raison de croire que là vaccine a préservé des miliiers d'individus qui", faibles de constitution, auraient autrefois succombé à la variole. Les membres débiles des sociétés civilisées peuvent donc se .reproduire indéfiniment. Or, quiconqee s'est occupé de la reproduction des animaux domestiques sait, à n'en pas douter, combuen cette perpétuation des êtres débiles doit être nuisible à la race humanne. On est tout surpris de voir combien le manque de soins, ou même des soins mal dirigé,, amènent rapidement la dégénérescence d'une race domestique; en conséquence, à l'exception de l'homme lui-mêm,, personee n'est assez ignorant ni assez maladroit pour permettre aux animaux débiles de reproduire.

Notre instinct de sympathie nous pousse à secourrr les malhereux; la compassion est un des produits accidentels de cet instinct que nous avons acquss dans le principe, au même titre que. les autres instincss sociables dont il fait partie. La sympath,e, d'allleurs, pour les causes que nous avons déjà indiquées, tend toujouss à devenrr plus large et plus universelle. Nous ne saurions restrendre notre sympathie, en admettant même que l'inllexible raison nous en fit une loi, sans porter préjudice à la plus noble partie de notre nature. Le chirurgien doit se rendee inaccessible à tout sentiment de pitié au moment où il pratique une opération, parce qu'il sait qu'il agit pour le bien de son malad;; mais si, de propos délibéré, il négligeart les faibles et les infirme,, il ne pourrait avoir en vue qu'un avantage éventuel, au prix d'un mal présent considérable et certain. Nous devons donc subir, sans nous plaindre, les effets incontestablement mauvais qui résuttent de la persistance et de la propagation des êtres débiles. Il semble, toutefois, qu'il existe un frein à cette propagation, en ce sens que les membres malsains de la société se marient moins facilement que les membres sains. Ce frein pourrait avorr une efficacité réelle si les faibles de corps et d'esprtt s'abstenaient du mariage; mais c'est là un état de choses qu'il est plus facile de désirer que de réaliser.

Dans tous les pays où existent des armées permanentes, la conscription enlève les plus beaux jeunes gens, qui sont exposés à mourir prématurément en cas de guerre, qui se.laissent souvent entraîner au vice, et qui, en tout cas, ne peuvent se marier de bonne heure. Les hommes petits, faibles, à la constitution débile, resten,, au contraire, chez eux, et ont, par conséquent, beau-

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coup plus de chances de se marier et de laisser des enfanss". : Dans tous les pays civilisés, l'homme accumuee des richesses et les transmet à ses enfants. Il en résulte que les riche,, indépendammntt de toute supériorité corporelle ou mentae,, possèdent de grands avantages sur les enfanss pauvres quand ils commencent la lutee pour l'existence. D'autre par,, les enfanss de parenss qui meurent jeunes, et qui, par. conséquent, ont, en règle générale, une mauvaise santé et peu de vigueur, héritent plus tôt queles autres enfants; il est probable aussi qu'ils se marient plus tôt et qu'ils laissent un plus grand nombee d'enfanss qui héritett de leur faible constitution. Toutefois la transmission de la propriété est loin de constituer un mal absolu, car, sans l'accumulation des captaux, les arts ne pourraient progresser; or c'est principalement par l'aciion des arts que les races civiliséss ont étendu et étendent aujourd'hui partout leur domaine, et arrivent-ainsi à supplanter. les races inférteures. L'accumulation modérée de la fortune ne porte, en outre, aucune atteinte à la marche de la sélection naturelle. Lorsqu'un homme pauvee devient modérément riche, ses ,enfanss s'adonnent à des métiers et à des professioss où la lutle est encore assez vive pour que les mieux doués au point de vue -du corps et de l'esprit aient plus de chances de réussite. L'exstence d'un groupe d'hommss instruits, qui ne sont pas obligés de gagner par le travall matériel leur pain quotidien, a une importance qu'on ne saurait exagérer; car c'est à eux qu'incombe toute l'œuvre intellectuelle supérieure, origine immédiate des progrès matériels de toute .nature, sans parler d'autres avantages d'un ordre plus élevé. La fortun,, lorsqu'elle est considérable, tend sans -doute à transformer l'homme en un fainéant inutil,, mais le nombre de ces fainéanss n'estjamais bien gran;; car, là auss,, l'élimination joue un certain rôle. Ne voyons-nous pas chaque jour, en effet, des riches insensés et prodigues dissiper tous leurs biens ? - Le drott de primogéniture avec majorats est un mal plus immédiat, bien qu'il ait pu autrefois être très avantageux, en ce sens qu'il a eu pour résultat la création d'une classe dominante, et que tout gouvernement vaut mieux que l'anarchie. Les fils aînés, qu'ils soient faibles de corps ou d'esprit, se marient ordinairement; tandis que les cadets, quelque supérieurs qu'ils soient à tous les points de vue, ne se marient pas aussi facilemnnt. Les fils atnés, qull que soit leur peu de valeu,, héritantd'un majorât, ne peuvent

1 11. Le professeur H. Fick a fait d'excellentes remarques à ce sujet et d'au-res points analogues, Ein/lussder Naturwistenschaft auf dasRecht, juin 1872.

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[Chap. V]            DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS                     147

pas gaspiller leur fortun.. Mais, ici encore, comme ailleur,, les relations de la vie civilisée sont si complexss qu'il existe quelquss freins compensateurs. Les hommes riches pardroit d'aînesee peuvent choisr,, de génération en génération, les femmes les plus belles et les plus charmantes, et, ordinairement, ces femmes sont douées d'une bonne constitution physique et d'un esprit supérieu.. Les conséquences fâcheuses, quelles qu'eless puissent être, de la conservation.continue de la même ligne de descendance, sans aucune sélection, sont atténuées, en ce sens que les hommes de rang élevé cherchent toujouss à accroître leur fortune et leur pouvoir, et, pour y parven,r, épousent des héritières. Mais les filles de parents n'ayatt eu qu'un enfant sont elles-mêmes, ainsi que l'a prouvé M. Gallon,, sujettes à la stérilité, ce qui, ayant pour effet d'interrompre continuellement la ligne direcee des famllles nobles, dirige la fortune dans quelques branchss latérales. Cette nouvelle branche n'a malheureusemens pas à faire preuve d'une supériorité quelconque avant de pouvorr hériter.

Bien que la civilisation s'oppoee ainsi, de plusieuss façons, à la libre action de la sélection naturelle, elle favorise évidemmen,, par l'amélioration de l'alimentation et l'exemption de pénibles fatigues, un meilleur développement du corps. C'est ce qu'on peut concluee du fait que, partout où l'on a compaéé les hommss civilisés aux sauvages, on a trouvé les premiers physiquemett plus forts «3" L'homme civilisé paratt supporter également bien la fatigu;; beaucoup d'expéditions aventureuses en ont fourni la preuve. Le grand luxe même du riche ne peut lui être que peu préjudiciable, car la longévité, chez les deux sexes de notre aristocratie, est très peu inférieuee à celle des vigoureuses classes de travailleurs <\de l'Angleterre.

Examinons maintenant les facultés intellectuelles. Si l'on divisait les membres de chaque classe sociale en deux groupes égaux, l'un comprenant ceux que sont très intelligents, l'autre ceux qui le sont moins, il est très probable qu'on s'apercevrait bientôt que les premiers réusssssent mieux dans toutes leurs occupations, et élèvent un plus grand nombre d'enfants. Même dans les situations' inférieures, l'adresee et le talent doivent procurer un avantage bien que, dans beaucoup de professions, cet avantage soit très

12.  Feredilàry Genius, 1870, pp. 132-149.

13.  Quatrefages, Revue des cours scientifiques, 1867-68, p. 659.

14.  Voir les cinquième et sixième colonnes dressées d'après des autorités

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minime par suite de la grande division du travail. Il existe donc, chez les naiions civiiisées, une certaine tendanee à l'accroissement numérique et à l'élévation du niveau de ceux qui sont intellectuellement les plus capables. Je n'entenss pas affirmer par là que d'autres circonstanc,s, telles que la multiplicalion des insouciants et des imprévoyants ne puissent contre-balancer cette tendance; mais le talent doit aussi procurer quelquss avantages à ces derniers.

On a soulevé de graves objections contee ces hypothès;s; on a soutenu, en effet, que les hommss les plus éminenss qui aient jamais vécu n'ont pas laissé de descendants. M. Galton" dit à ce sujet : « Je regrette de ne pouvorr résoudee une question bien simple : les hommss et les femmes de génie sont-ils stériles, et jusqu'à quel point le sont-ils? J'ai toutefois démontré que tel n'est point le cas pour les hommes éminents. » Les grands législateurs, les fondateuss de religioss bienfaisantes, les grands philosophes et les grands savanss contribuent bien davantage par leurs œuvres aux progrès de l'humanité, qu'ils ne le feraient en laissant après eux une nombreuse progéniture. Quant à la conformation physique, c'est la séleciion des individss un peu mieux doués et l'élimination de ceux qui le sont un peu moins, et non la conservation d'anomalies rares et prononcées, qui détermnee l'amélioration d'une espèce.. It en est de même pour les facultés intellectuelles; les hommss les plus capables, dans chaque rang de la société, réussissent mieux que ceux qui le sont moins, et, s'il n'y a pas d'autres obstacles, ils tenden,, par conséquent, à augmenter en nombre. Lorsqu,, chez un peuple, le niveau intellectuel s'est élevé et que le nombre des hommes instruits a augmenté, on peut s'attendre, en vertu du principe de la déviation de la moyenn,, ainsi que l'a démontré M. Galton, à voir apparaître, plus souvent qu'aupavavant, des hommes au génie transcendant.

Quant aux qualités moraees, il importe de constater qu'il se produit toujours, même chez les naiions les plus civiiisées, une cer-. taine élimrnation des individus moins bien doués. On exécute les maffaiteurs ou on les emprisonee pendatt de longues période,, de façon qu'ils ne puissent transmettre facilement leurs vices. Les hypocondriaques et les aliénés sont enfermés ou se suicident. Les hommss querelleurs et emportés meurent fréquemment de mort violente; ceux qul sont trop remuants pour s'adonnrr à des occupations suivies, - et ce reste de barbarie est un grand obstacee à

.assïïsssstff

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la civilisation -, - émigrent dans de nouveaux pays, ou ils se transforment en utiles pionniers. L'intempérance entraîne des conséquences si désastreuses que, à l'âge de trenee ans, par exemple, la probabilité de vie des intempérants n'est que de 13,8 année;; tandss que, pour le paysan anglais, au même âge, elle s'élève à 40,59 ans ,. Les femmes ayant des mœurs dissolues ont peu d'en-fants.-les hommes dans le même cas se marient'rarement; les uns et les autres sont épuisés par les maladies. Quand il s'agtt des animaxx domestiques, l'élimination des individus, d'allleuss peu nombreux, qui sont évidemment inférieurs, n'en constitue pas moins un élément de succès fort important. Ceci est surtout vrai pour les caractères nuisibles qui tendent à réapparaître par retou,, tels que la couleur noire chez le mouton; dans l'humanité, il se peut que les mauvaises dispositions qui, à l'occasion et sans cause explicable, reparaissent dans les familles, soient peut-être des cas de retour vers un état sauvag,, dont nous ne sommes pas sépares par un nombee bien grand de générations'. L'expression popuaaire qui nomme ces mauvass sujets les « moutons noirs » de la famille semble basée sur cette hypothèse.

La sélection naturelle semble n'exercer qu'une influence bien secondaire sur les nations civilisées, en tant qu'ie ne s'agtt que de la production d'un niveau de moralité plus élevé et d'un nombre plus conscdérable d'hommss bien cloués; nous lui devons, toutefois, l'acquisitinn originelle ses instincts-sociaux. Je me suis, d'aileeurs, assez longuement étendu, en traitant des races inféreuures, sur les causes qui déterminent les progrès de la morae,, c'est-à-dire : l'approbation de nos semblables, - l'augmentation de nos sympathies parl'habitude,-l'exempleetl'imitation,-laraison,-l'expénence et même l'intérêt individuel, - l'instruction pendant la jeunesse, et les sentiments religieu,, pour n'avorr pas à y revenrr ici.

M. Greg et M. Galton » ont vivement insisté sur un important obstacle qui s'oppoee à l'augmentation du nombee des hommes supérieuss dans les sociétés civilisées, à savorr que les pauvres et les insoucaan,s, souvent dégradés par le vice, se marentt invarablement de bonne heure, tandss que les gens prudenss et économes

intempérants est dressé d'après les Vital Statistics, de Nelson. En ce qui concerne la débauche, voir D'Farr, Influence of Marriage on morlalUy, Nat.Assoc.

V£Z^a£££iffî£: P81'3. ~acmillan's Magazine, août 1865, p. 318. - Le rev.V W. Farrar (ÀW, Mag., août 1870, p. 26!), soutient -opinion difTérente.

une

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160                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee PaktieI

se marient.-tard, afin de pouvorr convenablement s'entretenir eux et leurs enfants. Ceux qui se marient jeunss produisent, dans une période donnée, non seulement un plus grand nombee de générations, mais encore, ainsi que l'a étabii le docteur Duncan », beaucoup plus d'enfants. En outre, les enfants, nés de mères dans la fleurde l'âge, sont plus gros et plus pesants, et, en conséquence, probablement plus vigoureux que ceux nés à d'autres périodes. Il en résulte que les membres insouciants, dégradss et souvent vicieux de aa société, tendent à s'accroître dans une proportion plus rapide que ceux qui sont plus prudenss et ordinairemenr plus sages. Voici ce que dit à ce sujet M. Greg : « L'Irlandais, malpropre, sans ambition, insouciant, multiplie comme le lapin; l'Écossais, fruga,, prévoyant, plein de respect pour lui-mêm,, ambitieux, moraliste rigide, spiritualiste, sagace et très intelligent, passe ses plus belles années dans la lutte et dans le célibat, se maree tard et ne laisse que peu de descendants. Étant donné un pays primitivement peuplé de mille Saxons et de mille Celtes-- au bout d'une domaine de générations, les cinq sixièmes de la population seront Celtes, mais le dernier sixième, composé de Saxons, possédeaa les cinq sixièmes des biens, du pouvorr et de l'intelligence. Dans l'éternelle lutte pour l'existence, c'est la race inférieuee et la moins favorisée qui aura prévalu, - et cela, non en vertu de ses bonnes qualités, mais en vertu de ses défauts. »

Cette tendanee vers une marche rétrograde rencontre cependant quelques obstacles. Nous avons vu que l'intempérance entraîne un chiffre élevé de mortalité, et que le dérèglement des mœurs nuit à la propagation. Les classes les plus pauvres s'enasssent dans les villes, et le docteur Stark, se basant sur les statistiques de dix années en Écosse », a pu démontrer qu'à tous les âges la mortalité est plus considérable dans les villes que dans les districts rurau,, « et que, pendant les cinq premières années de la vie, le chiffre de la mortalité urbaine est presque exactement le double de celui des campagnes ». Ces relevés comprenant le riche comme le pauvre, il n'est pas douteux qu'il faille un nombee double de naissances pour maintenir le chiffre des habitants pauvres des villes à la hauteur de celui des campagnes. Le maraage à un âge trop précoce est très nuisible aux femmes, car on a prouvé qu'en France, a il meurt

.20 Sur les Lois de la fécondité des femmes, dans Transactions Royal Soc.

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[Chap. V]            DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS                     151

dans l'année deux fois plus de femmes mariées au-desoous de vingt, ans que de femmes célibataires x. La mortalité des marss au-dessous de vingt ans est aussi considérable», mais la cause de ce fait paratt douteuse. Enfin, si les hommss qui retardent prudemment le mariage jusqu'à ce qu'ils puissent élever convenablement leur famille, choissssaient, comme ils le font souven,, des femmes dans la fleur de i'âge, la proportion d'accroissement dans la classe élevée ne seratt que légèrement diminuée.

Un ensembee énorme de documenss statistiques, relevés en Franee en 1853, ont permss de démontrer que, dans ce pays, les célibataires, comprss entre vingt et quatre-vingts ans, sont sujets à une mortalité beaucoup plus considérable que les hommss mariés; par exemple, la proportion des célibataires mouratt entre vingt et trente ans- était annuellement de 11,3 sur 1,000; la mortalité n'étant chez les hommes mariés que de 6,5 sur 1,000». La même loi s'est appli, quée en Ecosse pendant les années 1863 et 1864 pour toute]a populatinn au-dessus de vingt ans. Ainsi, la mortalité des célibataires entre vingt et trenee ans a été annuellement de 14,97 sur 1,000, tandss qu'elle ne s'est trouvée chez les hommss mariés que de 7,24 sur 1,000, soit moins de la moitié». Le docteur Stark remarque à ce suje:: « Le cé!ibat est plus préjudiciable à la vie que les métiers les plus malsains, ou qu'une résidence dans une maison ou dans un district insalubee où on n'aurait jamais fait la moindee tentative d'assainissement. a I! considèee que la diminution dela mortalité est le résultat direct du < maraage et des habitudes domestiques plus régulières qui accompagnent cet état ». I! adme,, toutefois, que les hommss intempérants, dissolus et criminels, qui vivent peu longtemp,, ne se marient ordinairement pas; il faut également admettee que les hommes à constitution faible, à mauvaise santé, ou ayant une infirmité grave de corps ou d'esprit, ne cherchent guère à se marier ou n'y réusssssent pas. Le docteur Stark paratt concluee que le mariage est, en lui-même, unecause de longévité; cette conclusion résulte de ce que les hommss mariés âgés ont un avantage marqué sur les célibataires aussi âgés; mais chacun a connu des jeunes gens à la constitution faible qui né se sont pas mariés, et qui

22. Ces citations sont empruntées à notre plus haute autorité sur ces que* tions, le travail du D' Farr, sur Ylnfluence du mariage, sur la mortalité du peuple français, lu devant la National Association for the Promotion of Social

St™' Farr", ioid. Les citations suivantes sont toutes tirées du même travail.

24. J'ai pris la moyenne des moyennes quinquennales données dans le

Dixième rapport annuel des naissances, décès, etc., en Écosse, pour 1867. La

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152 ^ - LA.DESCENDANCE DE L'HOMME           p» Parti*]

ont pourtant atteint un âge. avanc,, quoiqu'ils soient toujouss restés faibles et qu'ils aient eu, par conséquent, une moindee chance de vie. Une autre circonstance remarquable, qui paratt venrr à l'appui de la conclusion du docteur Stark, est que, en France, les veufs et les veuves, comparés aux gens mariés, subissent une mortalité considérabee; mais le docteur Farr attribue cette mortalité à la pauvreté, aux habitudes fâcheuses qui peuvent résulter de la rupture de la famille et au chagrin. En résumé, nous pouvons conclure, avec le docteur Far,, que la mortalité moindee des gens mariés, comparée à' celle des célibataires, ce qui paratt être une loi générale, « est principalement due à l'élimination constanee des types imparfai,s, à la sélection hablle des plus beaux individss dans chaque génération successive ,; la sélection ne se rattachant qu'à l'état de mariage, et agissant sur toutes les qualités corporelles, inteleectuelles et moraees». Nous pouvons donc en conclure que les hommes sains . et valides, qui, par prudence, restent pour un temps célibataires, ne sont pas exposés à un taux de mortalité plus élevé.

Si les divers obstacess que nous venons de signaerr dans les deux derniers paragraphes, et d'autres encore peut-être inconnu,, n'em- . pêchent pas les membrss insoucian,s, vicieux et autrement inférieuss de la société d'augmenter dans une proportion plus rapide que les hommss supérieurs, la nation doit rétrograder, comme il y en a, d'alleeurs, tant d'exemples dans l'histoire du monde. Nous devons nous souvenrr que le progrès n'est pas une règle invariable. Il est très difficile d'indiquer pourquoi une nation civilisée s'élève, devient plus puissante et s'étend davantage qu'une autre; ou pourquii une même nation progresse davantage à une époque qu'à une autre. Nous devons nous borner à dire que le fait dépend d'un accrosssement du chiffre de la population, du nombee des hommes doués de hautes facultés intellectuelles ou morales, aussi bien que de leur état de perfection. La conformation corporelle, eh dehors du rapport inévitable entre la vigueur du corps et celle de l'esprit, paraît n'avorr qu'une influence secondaire.

Chacun admet que les hautes aptitudes intellectuellessont avanageuses à une nation; certains écrivains en ont conclu que les anciens Grecs, qui se sont, à quelquss égard,, élevés intellectuellement plus haut qu'aucune autre race,, auraient dû, si la puissance de la sé-

25. Le D' Duncan (FecundUy, Ferlility, etc., 1871, p. 334) fait remarquer à

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[Chap. V]            DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS                     153

lection naturelle est réelle, s'élever encore plus haut sur l'échelle, augmenter en nombee et peupler toute l'Europ..'Cette assertion découle de la supposition tactte si souvent faite à propos des conformations corporelles, c'est-à-dire de la prétendue tendanee innée au développement continu de l'esprit et du corps. Mais touee espèce d'évolution progressive dépend du concouss d'un grand' nombre de circonstances favorables. La sélection naturelle n'agtt jamass que d'une façon expérimentale. Certains individus, certaines races ont pu acquérir des avantages incontestables, et, cependant, périr faute de possédrr certaiss autrss caractères. Le manque de cohésion entre leurs nombreux petits États, le peu d'étendee de leur pays entier, la pratique de l'esclavage ou leur excessive sensualité, ont pu faire rétrograder les Grecs, qui n'ont succombé qu'après < s'être énervés'et s'être corrompus jusquàà la moelle» ». Les nations de l'Europe occidentale, qui actueleement dépassent si consdérablement leurs ancêtres sauvages et se trouvent à la tête de la civiiisation, ne doivent point leur supériorité à l'héritage direct des anciens Grecs, bien qu'ils doivent beaucoup aux œuvres écrites de ce peuple remarquable.

Qui peut dire positivement pourquoi la nation espagnole, si prépondérante autrefois, a été distancée dans la course? Le réveil des nations européennes, au sortir du moyen âge, constitue un problème encore plus embarrassant à résoudre.Pendant le moyen âge, ainsi que le fait remarquer M. Galton,, presque tous les hommss distingués, tous ceux qui se livraient à la cultuee de l'esprit, n'avaient d'autre refuge que l'Église, laquelle, exigeant le célibat, exerçait ainsi une influence funeste sur chaque génération successive. Pendatt cette même périod,, l'Inquisition recherchait, avec un soin extrêm,, pour les enfermer ou pour les brûler, les hommss les plus indépendants et les plus hardis. En Espagne, par exemple, les hommss constituant l'élite de là nation, - ceux qui doutaient et interrogeaient, car sans le doute il n'y a pas de progrès, - furent éliminés pendant tross siècles à raison d'un millier par an. L'Eglise catholique aainsicauséun mal incalculable, bien que ce mal ait été, sans doute, contre-balancé, jusquàà un certain point, peut-être même dans une grande mesure, par certains autres avantages. L'Europe n'en a pas moins progressé avec une rapidité incroyable.

27. M. Greg, Fraser's Magazine, sept. 1868e p. 357

pies of Geology, vol. Il, J868, p. 489). dans un passage frappant, appelé attention sur l'influence fâcheuse qu'a exercée la Sainte Inquisition en abaissant, par sélection, le niveau général de l'intelligence en Europe.

s es

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154

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ire Partie]

. La-supériorité remarquable qu'ont eue, sur d'autres nationseuropéennes, les Anglais comme coloniaateurs, supériorité attestée par tacomparaison des progrès réalisés par les Canadiens d'origine anglaise et ceux d'origine française, a été attribuée à leur « énergie perssstante et à leur audace » ; mais qui peut dire comment les Anglass ont acquis cette énergie? Il y a certainement beaucoup de vrai dans l'hypothèse qui attribue à la sélection naturelle les merveilleux progrès des États-Unis, ainsi que le caractère de son peuple; les hommss les plus courageux, les plus énergiques et les plus entreprenants de toutes les parties de l'Europe ont, en effet, émigré pendant.les dix ou douze dernières générations pour alter peupler ce grand pays et y ont prospéré». Si on jette les yeux sur l'avenir, je ne crois pas que le rév. M. Zincke émette une opinion exagérée lorsqu'il dit- : T Toutes les autrss séries d'événements,

- comme celles qui ont produit la cultuee intellectuelle en Grèce, et celles qui ont eu pour résultat la fondatinn de l'empire romain,

- ne paraissent avorr de but et de valeur que lorsqu'on les rattache, ou plutôt qu'on les regarde comme subsidiaires au... grand courant d'émigration anglo-saxon dirigé vers l'Oues.. Q Quelque obscur que soit le problème du progrès de la civilisation, nous pouvons au moins comprendre qu'une nation qui, pendant une longue pérsod,, produit le plus grand nombee d'hommss intelligents, énergiques, braves, patriotes et bienveillants, doit, en règle générale, l'empoter sur les nations moins bien favorisées.

La sélection naturelle résulte de la lutte pour l'existence, et celle-ci dela rapidité de la multiplication. Il est impossible de ne pas déplorer amèrement, - à part la question de savoir si c'est avec raison, - la rapidité avec laquelee l'homme tend à s'accroître; cette augmentation rapide entraîne, en effet, chez les tribus barbares la pratique de l'infanticide et beaucopp d'autres maux, et, chez les nations civilisées, occasionee la pauvreté, le céliba,, et le mariage tardff des gens prévoyants. L'homme subit les mêmes maux physiques que .tes autres animaux, il n'a donc aucun droit à l'immunité contre ceux qui résuttent dela lutte pour l'exsstence. S'il n'avatt pas été soumss à la sélection naturelle pendant les temps primitifs, l'homme n'aurait certainement jamass atteint le rang qu'il occupe aujourd'hui. Lorsqee nous voyon,, dansbien des parties du monde, des régions entières extrêmement fertiles, peuplées de quelquss sauvagss errants, alors qu'elles pourraient nourrir de nombreux

29. M. Galton, Macrnillan's Marine, août 18651 p. 325. Voir aussi, On Dar-

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[Cap. V]             DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS                       163

ménagss prospères, nous sommes disposés à penser que la !utté pour l'existenee n'a pas été suffisamment rude pour forcer l'homme à atteindee son état le plus élevé. A en juger d'après tout ce que nous savons de l'homme et des animaux inférieurs," les facultés intellectuelles et morales ont toujouss présenéi une variabilité assez grande pour que la sélection naturelle pût détermnner leur perfectionnement continu. Ce développement réclame sans doute le concours simuttané de nombreuses circonstances favorables ; mais on peut douter que les circonstances suffisen,, si elles ne sont pas accompagnées d'une très rapide multiplication et de l'excessive rigueur de la lutte pour J'existence qui en est la conséquence. L'état dela population danscertainspays, dansl'Amériqueméridionalepar exemple, semble même prouver qu'un peupée qui a atteint à la civilisation, tel que les Espagnols, est susceptible de se livrer à l'indolence et de rétrograder, quand les conditions d'existence deviennent trèsfaciles.Chezlesnationstrèccivilisées.lacontinuationdu progrès dépend, dans une certaine mesure, de la sélection naturelle, car ces nations ne cherchent pas à se suppaanter et à s'exterminer les unes les autre,, comme le font les tribus sauvages. Toutefois les membres les plus intelligents finissent par l'emporter dans le cours des temps sur les membres inférieuss de la même communauté, et laissent des descendants plus nombreux; or c'est là une forme de la séleciion naturelle. Une bonne éducatinn pendant la jeunesse, alors que l'esprit est très impressionnable, et un haut degré d'excellence, pratiqué par les hommss les plus distingués, incorpoéé dans les lois, les coutumes et les traditions de la nation et exigé par l'opinion publiqu,, semblent constituer les causes les plus efficaces ,du progrès.. Mais il faut toujouss se rappeler que la puissance de l'opinion publique dépend du cas que nous faisons de l'approbation ou du blâme exprimé par nos semblables, ce qui dépend de notre sympathie que, l'on n'en peut guère douter, la séleciion naturelle a primitivement développée, car"elle constitue un des élémenss les plus importants des instincss sociaux..

Toutes les nations civilisées ont été autrefois barbares. - Sir J. Lub-bock,, M. Tylor, M'Lennan et autre,, ont traité cette quesiion d'une façon si complète et si remarquable que je puis me borner ici à résumer leurs conclusion.. Le duc d'Argyll», et, avant lui, l'archvêque Whately, ont cherché à démontrer que l'homme a paru sur

3t. Broca, les Sélections, Revue d'anthropologie, 1872.

32.  On the Ongm of Civilisation, Proc. Elhnological Soc., 26 nov. 1867.

33.  Primeval Man, 1869. .

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156                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PARTIE]

la terre à l'état d'être civilisé, et que tous les sauvagss ont depuis éprouvé une dégradation, mais leurs arguments me paraissent bien faibles comparativement à ceux que leur oppose la partie adverse. Bien des natrons ont sans doute rétrogradé au point de vue de la civilisation; il se peut même que quelques-unes soient retombées dans une barbarie complète; cependant je n'en ai nulle part trouvé la preuve. Les Fuégiens, forcés probablement par d'autres hordss conquérantes à s'établir dans leurpays inhospitalr,r, peuvent, comme conséquence, s'y être un peu plus dégradés; mais il serait difficile de prouver qu'ils sont tombés beaucoup plus bas que les Botocudo,, qui habttent tes plus belles parties du Brési..

Toutes les nations civilisées descendent de peuples barbares; c'est ce que prouvent, d'une par,, les traces évidentes de leur ancienne condition inférieuee qui existent encore dans leurs coutume,, leurs croyances, leur langage, etc.; et, d'autre par,, le fait que les sauvagcspeuvent s'élever par eux-mêmss de quelquss degrés sur l'échelle dela civilisation. Les preuves & l'appui de la premèère hypothèse sont très curieuses, mais je ne puis les indiquer ici: je veux pareer, par exemple, de la numération, qui, ainsi que le prouve clairement M. Tylor, par les mots encore usités dans quelquss pays, a pris son origine en comptant les doigts d'une main d'abord, puis de la seconde, et enfin ceux des pieds. Nous en trouvons des tracss dans notre propee système décima,, et dans les chiffres romains, qu,, arrivés a V, signe que l'on est disposé à considérer comme l'image abrégée de la main humaine, passent à VI, ce qui indique sans douté l'emploi de l'autre main. De même, lorsque nous employons les locutioss dont la vingtaine est l'unité (score en anglais), « nous comptons d'après le système vigésimal, chaque vingtaine ainsi idéalemens représentée, comptant pour 20, - c'est-àddire un homme, comme dirait un Mexicain ou un Caraïbe" x. D'après une grande école de philologues, école dont le nombre va croissant, chaque langage porte les marquss de son évolution lente et graduelle. Il en est de même de l'écriture, car les lettrss ne sont que des rudimenss d'hiéroglyphes. Onnepeut lire t'ouvragede M. M'Len-nan^.sans admettre que presqee toutes les natron^ civiliséss ont

34- Royal Institution of Grea< Brilain, 15 mars 1867. Aussi, Researches into

tl5£^S:XCSSvSraussiunarticleévidemmentdumêmeau-teur.dans North British Review, juillet 1869. M.-L.-H. Morgan, A Conjectural solution of the origin of the class. System of Relationship; Proceed. American ~cad. of Sciences, vol. VII, fév. 1868. Le professeur SchaafThausen (Anthropo-logical Review, oet. 1869, p. 373), fait des remarques sur les C traces de sacrifices humains qu'on trouve tant dans Homère que dans l'Ancien Testament,..

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[Cha.. V]              DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS                       157

conservé quelques traces de certaines habitudes barbares, telles que le rapt des femmes par exempe.. Peut-on citer une seule nation ancienn,, se demande le même auteur, qui dans le principe, ait praiiqué la monogamie? L'idée primitive de la-justice, c'est-à-dire la loi du combat et les autres coutumss dont il subsiste encore des .traces, était également très grossière. Un grand nombre de nos superstitions représentent les restes d'anciennes croyances religieuses erronnées. La forme religieuee la plus élevée, - l'idée d'un Dieu abhorrant le péché et aimant la justice, - était inconnue dans les temps primitifs.

Passons à un autre genre de preuves : sir J. Lubbock a démontré que quelques sauvagss ont récemment réalisé certains progrès dans quelques-uns de leurs simples arts. L'expoéé très curieux quill fait des arme,, des outils employss et des arts pratiqués par les sauvagss dans les diverses parties du monde, tend à prouver que presque toutes les découvertes ont été indépendantes, sauf peut-êrre l'art de faire le feu ». Le boomerang australien est un excellent exempee d'une découverte indépendan.e. Les Tahitiens, lorsquonn les visita pour la première fois, étaient déjà, sous plusieurs rappor,s, plus avancés que les habitants de la plupatt des autres lies Polynésiennes. 11 n'y a pas de raisons pour croire que la haute culture des Péruviens et des Mexicains indigènes dût provenir d'une source étrangère"; ces peuples cultivaiens, en effet, plusieuss plantes indigènes, et avaient rédutt en domesticité queques animaux du pays. Un équipaee venant d'un pays à demi civilisé, naufraéé sur les côtes de l'Amérique, n'auratt pas, si on en juge d'après le peu d'influence qu'exercent la plupatt des missionnaires, produit d'effet marqué sur les indigènes, à moins que ceux-ci ne fussent déjà quelque peu civilisé.. Si nous remontons à une période très reculée de l'histoire du monde, nous trouvon,, pour nous servrr des expressions si bien connues de sir J. Lubbock, une période paléolithique et une période néolithique; or personne ne sauratt prétendee que l'art de polir les outils grossiers en silex taillé ne soit une découveree indépendante. Dans toutes les partiss ° de l'Europe jusqu'en Grèce, en Palestine, dans l'Inde, au Japon, dans la Nouvelle-Zélande et en Afrique, l'Egypee comprise, on a découvett de nombreux instruments en silex et tes habitants actuess n'ont conservé aucune tradition à cet égard. Les Chinoss et les an-

36. Sir J. Lubbock, Prehistortc Times, 2* édit., 1869, chap. xv etxvi'etpassim, Voyage de la Novara,,partie Anthropologique, partie III, 1868, p. 127.

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168                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IrePaHtte]

ciens Juifs ont aussi employé autrefois ces instruments en silex. On peu donc en conclure que les habitants de ces nombreux, pays, qui comprennent presque tout le monde civilisé, ont été autrefois dans un état de barbarie. Croire que l'homm,, primitivement civilisé, a ensuite éprouvé,, dans tant de régions différentes, une dégradation complète, c'est se faire une pauvre opinion de la nature humaine. Combien n'est-elee pas plus vraie et plus consolante, cette opinion qui veut que le progrès ait été plus général que la rétrogadation ; et qui enseigne que.l'homme, parii d'un état inférieu,, s'esd avancé, à pas lents et interrompus, il est vrai, jusqu'au degré le plus élevé qu'il ait encore atteint eh science, en morale et en religion?

CHAPITRE VI

AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE DE l/HOMME

La position de l'homme dans la série animale. - Le système naturel est gé-

< néalogique. - Les caractères d'adaptation ont peu de valeur. - Divers points

de ressemblance entre l'homme et les quadrumanes. — Rang de l'homme

dans le système naturel. - Patrie primitive et antiquité de l'homme. - Ab-

Admettoss que la différenee entre l'homme et les animaux qui sont le plus voisins de lui, soit, sous le rapport de la conformation corporelle, aussi.grande que quelquss naturalistes le soutiennnnt; admettons aussi, ce qui, d'ailleurs, est éviden;; que la différence qui sépaee l'homme des animau,, sous le rappott des aptitudes. mentales, soit immense; il me semble, cependant, que les faits cités dans les chapitres précédenss prouvent de la manière la plus évidente que .l'homme descend d'une forme inférieure, bien qu'on

médianes enC°re'JUSqU'à préS6nt' déC0Wert les chaînons inter"l'hTmme est sujet à .des variations nombreuses, légères et diverses déterminées partes mêmes causes, réglées et transmises' selon les mêmes lois générales que chez les animaux inférieurs. Il s'est multiplié si rapidement qu'il a été nécessairement soumis à la lutte pour l'exsstence, et, par conséquent, à l'action de ta séleciion naturelle. Il a engendéé des races nombreuses, dont quelques-unes diffèrent assez les unes des autres pour que certains naturalistes les ment considérées comme des espèces distinctes. Le corps de l'homme est construtt sur le même plan homooogue que celui de,

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[Chap. VI]                 AFFINITÉS ET GENEALOGIE                            lo9

autres mammifères. Il traverse les mêmes phases de développement embryogénique. 11 conserve beaucoup de conformations rudi-mentaires et inutiles, qui, sans doute, ont eu autrefois leur utilité. Nous voyons quelquefois reparaître chez lui des caractères qui, nous avons toute raison de le croire, ont existé chez ses premeers ancêtre.. Si l'origine de l'homme avait été totalement différenee de celle de tous les autres animau,, ces diverses manffestations ne seraient que de creuses déceptions, et une pareille hypothèse est inadmissible. Ces manifestations deviennent, au contraire, compréhensibles, aumoins dans une largemesure, si l'homm,, est avec d'autres mammifères, le codescendant de quelque type inférieur inconnu.

Quelques naturalistes, profondémene frappés des aptttudes mentales de l'homm,, ont partagé l'ensembee du monde organique en tross règnes : le règne Humain, le règne Animal et le règne Végéta,, attribuant ainsi à l'homme un règne spécial \ Le naturaliste ne peut ni comparer ni classer les aptitudss mentaees, mais il peu,, ainsi que j'ai essayé de le faire, cherchrr à démontrer que, si les facultés mentales de l'homme diffèrent immensément en degré de celles des animaux qui lui sont inférieurs, elle n'en diffèrent pas quant à leur nature. Une différence en degré, si grande qu'elle soit, ne nous autorise pas à placer l'homme dans un règne à par;; c'est ce qu'on comprendra mieux peut-être, si on compaee les facuttés mentales de deux insectes, un coccus et une fourm,, par exemple, qui tous deux appartienntnt incontestablement- à la même classe. La différenee dans ce cas est plus grand,, quoique d'un genre quelque peu différen,, que celle qui existe entre l'homme et le mammifère le plus élevé. Le jeune coccus femelle s'attache par sa trompe à une planee dont il suce la sève sans jamass changrr de place; la femelle y est fécondée, elle pond ses œufs, et telle est toute son histoire. Il faudrait, au contraire, un gros volume, ainsi que l'a démontré P. Huber, pour décrire les habitudes et les apttudes mentales d'une fourm;; je me contenterai de signaler ici quelques points spéciaux. Il est certain que les fourmss se communiquent réciproquemen. certaines impressions, et s'associent pour exécuter un même travail, ou pour jouer ensemble. Elles reconnaissent leurs camarades après plusieuss mois d'abeence et éprouvent de la sympathie les unes pour les autres. Elles construisent de vastes édifices, qu'elles maintiennent dans un parfatt état de propreté, elles en ferment les portes le soir, et y placent des senti-

générale, 1859, p. 170-189.

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160 '                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IMPartie]

nelles. Elles font des routes, creusent des tunness sous les rivières, ou les traversent au moyen de ponss temporaires qu'elles établissent en Rattachant les unes.aux autre.. Elles recuelllent des aliments pour la tribu, et, lorsqu'on apporte au nid un objet trop gros pour y entre,, elles élargsssent la porte, puis la reconstruisent à nouveau. Elles emmagasinent des graines qu'elles empêchent de germe;; si ces graines sont atteintes par l'humddité, elles les sortent du nid et les étendent au soleil pour les faire sécher. Elles élèvent des pucerons et d'autres insectes comme autant de vaches à-lait. Elles sortent en bandes régulièrement organisées pour combattre, et n'hésitent pas à sacrifier leur vie pour le bien commun. Elles émigrent d'aprss un plan préconçu. Elles capturent des esclaves. Elles transportent les œufs de leurs pucerons, ainsi que leurs propres œufs et leurs cocons, dans les parties chaudes du nid, afin d'en faciliter l'éclosion. Nous pourrions ajouter encore une infinité defaits anologuss». En résumé, la différence entre les aptitudss mentales d'une fourmi et celles d'un coccus est immense; cepeu-dant personee n'a jamass songé à les placer dans des classes, encore bien moins dans des règnes distincts. Cet intervalle est, sans doute, comblé par les aptitudes mentales intermédiaises d'une foute d'autres insectes ; ce qui n'est pas le cas entre l'homme et les singes supérieurs. Mais, nous avons toute raison de croire que les lacunes que présenee la série ne sont que le résultat de l'extinction d'un grand nombee de formes intermédiaires.

Le professeur Owcn, prenant pour base principale la conformation du cerveau, a divisé la série des mammifères en quatre sous-classe.. Il en consacre une à l'homme et il place dans une autre les marsupiaux et les monotrèmes; de sorte qu'il établit une distinction aussi complèee entre l'homme et les autres mammifères, qu'entre ceux-ci et les deux derniers groupes réunis. Aucun naturaliste capabee de porter un jugement indépendant n'ayant, que je sache, admis cette manière de voir, nous ne nous en occuperons

PdIt esTfodle.de comprendre pourquii une classification basée sur un seul caractère ou sur un seul organe, - fut-ce un organe aussi complexe et aussi important que le cerveau, - ou sur le grand développement des facultés mentaees, doit presque certainement être

2. M.Belta cité (Naturalist in Nicaragua, 1874) les faits les plus intéressants article de Georges Pouchet, V Instinct chez les insectes (Revue des Deux Mondes,

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[Chap. VI]                 AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE                     . . 16t

peu satisfaisan.e. On a appliqué ce système aux insectes hyménoptères; mais, une fois classés ainsi d'après leurs habitudes ou leurs instincts, on a reconnu que cette classification était entièrement artificielle3. On peut, cela va sans dire, baser une classification sur un caractère quelconqee : la taille, la couleu,, l'élément habité; mais les naturalistes ont, depuis longtemps, acquss la conviciion profonee qu'il doit exister un système naturel de class-fication. Ce systèm,, on l'admet généralement aujourd'hui, doit suivre autant que possible un arrangement généalogique, - c'est-à-dire que les codescendants du même type doivent être réunss dans un groupe séparé des codescendants de tout autre type; mais, si les formes parentes ont eu des relations de parenté, il en est de même de leurs descendants,. et les deux groupss doivent constituer un groupe plus considérable. L'étendee des différencss existant entre les divers groupes, - c'est-àddire la somme des modifications que chacun d'eux aura éprouvées, - s'exprimera par ;des termes tels que genre,, familles, ordres et classes. Comme nous ne possédons aucun documett sur les lignes de descendance, nous ne pouvons découvrir ces lignes qu'en observant les degrés de ressemblance qui existent entre les êtres qu'il s'agtt de classer. Dans ce but, un grand nombre de points de ressemblance ont une importance beaucoup plus considérable que toute similitude ou toute dissemblance prononcée, mais ne portant que sur un pettt nombee de point.. Si deux langagss contiennent un grand nombre de mots et de formes de construction identique, on est d'accodd pour reconnaître qu'ils dérivent d'une source commun,, quand bien même ils pourraient différer beaucoup par quelquss autres points. Mais, chez les êtres organisés, les poinss de ressemblance ne doivent pas consister dans les seules adaptations à des habitudes de vie anologuss : ains,, par exempe,, il se peut que toute la constitution des deux animaux se soit modifiée pour les approprier à vivre dans l'eau, sans que pour cela ils soient voisins l'un de l'autre dans le système naturel. Cette remarque nous aide a comprendre pourquoi les nombreuses ressemblances portant sur des conformations sans importance, sur des organes inutiles et rudimentaires, ou sur des partiss non encore complètement développées et inactives au point de vue fonctionnel, sont de beaucopp les plus utiles pour la classification, parce que, n'étant pas dues à des adaptations ré-, centes, elles révèlent ainsi les anciennes lignes de descendance. c'est-à-dire celles de la véritabee affinité.

3. Westwood, Modem Classif. oy Insecls, vol. II, 1840, p. 8?.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I« Partik]

En outre, on s'explique aisément qu'il ne faudratt pas conclure d'une modification importante affectanl un seul caractère à )a séparaiion absolue de deux organismes. La théorie de l'évolution nous enseigne, en effet, qu'une partie qui diffère considérablement de la partie correspondante chez d'autres formes voisines a dû varerr beaucou,, et que, tant que l'organisme reste soumis aux mêmes condition,, elle tend à varier encore dans la même direciion; si ces nouvelles variations sont avantageus,s, elles se conservent et segmentent continuellement. Dans beaucoup de cas, le développement continu d'une partie, du bec d'un oiseau, par exemple, ou des dents d'un mammifère, ne seratt avantageux à l'espèce ni pour se procurer ses aliments, ni dans aucun autre but; mais, chez l'homm,, nous ne voyon,, en ce qui regarde les avantages qu'il peut en tire,, aucune limite définie à assignrr au développement persistant du cerveau et des facultés mentaees. Par conséquen,, si l'on veut détermnner la position de l'homme dans le système naturel ou généalogqque, l'extrême développement du cerveau ne doit pas l'emporter sur une foule de ressemblances portant sur des poinss d'importance moindee ou même n'en ayant aucune.

La plupatt des naturalistes qui ont pris en considération l'ensemble de la conformation humaine, les facultés montalss comprise,, ont adopté les vues de Blumenbach et de Cuvier, et ont placé l'homme dans un ordre sépaéé sous le nom de Bimane,, et, par conséquent, sur le même rang que les ordres des Quadrumanes, des Carnivores, etc. Beaucoup de naturalistes très distinguss ont récemment reprss l'hypothèse proposée d'abodd par Linné, si remarquable par sa sagacité, et ont replacé, sous le nom de Primates, l'homme dans le même ordre que les Quadrumanes. Il faut reconnaître la justesee de cette hypothèse, si l'on songe, en premier lieu, aux remarques que nous venons de faire sur ie peu d'impotance qu'a, relativement à la classification, l'énorme développement du cerveau chez l'homm,, et si l'on se rappelle aussi que les différences fortement accusées existant entre le crâne de l'homme et celui des Quadrumanes (différences sur lesqueless Bischof,, Aeby et d'autres ont récemment beaucoup insisté) sont le résultat très vrassemblable d'un développemenp différent du cerveau. En second lieu, nous ne devons point oublier que presque toutes les autres ' différences plus importantes qui existent entre l'homme et les Quadrumanes sont de natuee éminemment adaptative, et se rattachent principalement à l'attitude verticaee particulière à l'homm;; telles sont la structure de la main, du pied etdu bassin, la courbure de la colonne vertébrale et la positinn de la tête. La famille des

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[Chap.V!]                AFFINITÉS ET GENEALOGIE                         163

phoques offre un excellent exemple du peu d'importance qu'ont les caractères'd'adaptation au poinl de vue de la classification. Ces animaux diffèrent de tous les autres Carnivores, par la forme du corps et par la conformation des membres, beaucoup plus que l'homme ne diffère des singes supéreeurs; cependant, dans tous les systèmes, depuis celui de Cuvier jusqu'au plus récen,, celui de M. Flower*, les phoquss occupent le rang d'une simple famille dans l'ordee des Carnivores. Si l'homme n'avatt pas été son propre classificateur, il n'eût jamais songé à fonder un ordre séparé pour s'y placer.

Je n'essaeerai certes pas, car ce seratt dépasser les limites de cet ouvrage et celles de mes connasssances, de signaler les innombrables poinss de conformation par lesquess l'homme se rapproche des autres Primates. Notre éminent anatomiste et phllosophe, le professeur Huxley, après une discussion approfondie du sujet,, conclut que, dans toutes les partiss de son organisation, l'homme diffère moins des singes supérieuss que ceux-ci ne diffèrent des membres inférieuss de leur propee group.. En conséquence, « il n'y a aucune raison pour placer l'homme dans un ordre distinc.. »

J'ai signaé,, au commencement de ce volume, divers faits qui prouvent que l'homme aune constitution absolument analogee à celle des mammifères supérieurs; cette analogee dépend sans doute de notre ressemblance intime avec eux, tant au point de vue de la structure élémenaaire que de la composition chimique de notre corps. J'ai cité comme exempee notre aptitude aux mêmes maladies et aux attaques de parasites semblables; nos goûts communs pour les mêmes stimulants, les effets semblables qu'ils produisent, ainsi que ceux de diverses drogue,, et d'autres faits de même nature.

Les traités systématiques négligent souvent de prendre en considératinn certains points peu importants de ressemblance entre l'homme et les singes supérieurs; cependatt ces poinss de ressemblance révèlent clairement, lorsqu'ils sont nombreux, nos rapports de parenté, je tiens donc à en- signaler quelques-uns. La position relative des traits de la face est évidemment la même chez l'homme et chez les Quadrumanes; les diverses émotions se traduisent par des mouvements presque identiques des muscles et de la peau, surtout au-dessus des sourcils et autour de !a bouche. Il y a même quelquss expressions qui sont presque analogues, telles que les sanglots de certaines espèces de singes et le bruit imitant le rire

4.Proceed.Zolog. Society, im, p. 4.

5. Evidence as to Manss Place in Nature, 1863, p.

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que font entendee d'autres espèces, actes pendant lesquels les coins de ta bouche se retirent en arrière et les paupèères inférieures se plissent. L'extérieur des oreilles est singulièrement semblable. L'homme a un nez beaucoup plus proémnnent que la plupatt des singe;; mais nous pouvons déjà apercevoir un commencement de courbuee aquiliee sur le nez du Gibbon Hoolock; cette courbuee du même organe est ridiculement exagérée chez le Semnopilhecus nasica.

Beaucoup de singes ont le visage orné de barbe, de favorss ou de moustaches. Les cheveux atteignent une grande longueur chez quelquss espèces de Semnopithèques»; chez le Bonnet chinoss (Macacus radialm), ils rayonnent d'un point du vertex avec une raiè au milieu, absolument comme chez l'homm.. On admet généralement que l'homme doit au front son aspect noble et inteligent; mais les poils touffus de la tête du Bonnet chinoss se termnent brusquement au sommet du front, lequel est recouvert d'un poil si court et si fin, un véritable duve,, que, à une petite distanc,, à l'exception des sourcils, il paratt être entièrement nu. On aaffirmé par erreur qu'aucun singe n'a de sourcils. Chez l'espèce dont nous venons de parler, le degré de dénudation du front varee selon les individus ; Eschricht constate ', d'allleurs, que, chez nos enfants, la limite entre le scalpe chevelu et le front dénudé est parfoss mal définie; ce qui semble constituer un cas insignifiant de retour vers un ancêtre dont le front n'étatt pas encore complètement dénudé.

On sait que, sur les bras de l'homm,, les poils tendent à converger d'en haut et d'en bas en une pointe vers le coude. Cette disposition curieuse, si différenee de celle que l'on observe chez la plupatt des mammifères inférieurs, est commuee au gorille, au chimpanzé, à l'oran,, à quelquss espèces d'hylobates, et même à quelques singes amérccains. Mais, chez YHylobaaes agilis, le poil de l'avant-bras se dirige comme à l'ordnnaire vers le poignet; chez le//, ~ar, le poil est presque transversal avec une très légère inclinaison vers l'avant-bras, de telle sorte que, chez cette dernière espèce, il se présenee à l'état de transition. Il est très probabee que, chez la plupatt des mammifères, l'épaisseur du poil et la direction quitl affecte sur le dos servent à faciliter l'écoulement de la pluie; les poils obliquss des pattes de devant du chien servent sans doute à cet usage lorsqulil dort enrouéé sur lui-mêm.. M. Wallace remarque que chez l'orang (dont il a soigneusement étudié les mœurs)

6.  Isid Geoffroy. Hist. NaL 9én., t. II, 1859, p. 217.

7.  Ueber dieRichtung der Haare, etc.. Muller's Archiv fûrAnat. und Phvsio-log., 1837, P. 51.                                                                                   JU°

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[ChapPVI] .         AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE                         165

la convergence des poils du bras vers le coude sert à l'écoueement de la pluie lorsque cet anima,, suivant son habitude, replie, quand il pleut, ses bras en.l'air, pour saisir une branche d'arbee ou simplement pour les poser sur sa tête. Livingstone affirme que le gorill,, pendant une pluie battante, croise ses mains sur sa tête». Si cette explication est exacte, comme cela semble probable, l'arrangement des poils sur notre avant-bras seratt une singulière preuve de notre ancien éta,; car on ne sauratt admettre que nos poils aient aujourd'hui aucune utilité pour faciliter l'écoulement de la pluie, usage auquel ils ne se trouveraient, d'ailleurs, plus appropriés par leur direction, vu notee attituee verticale actuelle.

Il serai,, toutefois, téméraire de trop se fier au principe de l'adaptation relativement à la direciion des poils chez l'homme ou chez ses premiers ancêtres. Il est, en effet, impossible d'étudier les figures d'Eschricht sur l'arrangement du poil chez le fœtus humain, arrangement qui est le même que chez l'adulte, sans reconnaître avec cet excellent observateur que d'autres causes et des plus complexss ont dû intervnnir. Les points de convergence paraissent avoir quelquss rapports avec ces parties qui, dans le développement de l'embryon, se forment les dernières. Il semble aussi qu'il existe quelque rappott entre l'arrangemtnt des poils sur les membres et le trajet des artères médullaires».

Je ne prétends certes pas dire que les ressemblances signaéées ci-dessus entre l'homme et certains singes, ainsi que sur beaucoup d'autres points,-tels que la dénudation du fron,, les longuss tresses sur la tête, etc,, - résuttent nécessairement toutes d'une tranmission héréditaire non interrompue des caractères d'un ancêtre commun, ou d'un retour subséquent vers ces caractères. Il est plus probable qu'un grand nombee de ces ressemblances sont dues à une variation analogu,, laquelle, ainsi que jaii cherché à le démontrer ailleuss'», résulte du fait que des organismes codescendants ont une constitution semblabee et subissent l'influenee de causes déterminant une même variabilité. Quant à la direction analogee des poils de l'avant-bras chez l'homme et chez certains singes, on peut probablement l'attribuer à l'hérédité,' car ce caractère est

8.  Cité par Reade. The AfricaM Sketch Book, vol. I, 1873, p. 152.

9.  Sur les poils des Hylobates, voir Nat. Hist. of Mammats, par C. L. Martin, 1841, p. 415. Isid. Geoffroy, sur les singes américains et autres. Hist. Nat.

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166                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

commun à la plupatt des singes anthropomorphes; on ne saurait, cependant, rien affirmer à cet égard; car quelques singes amércains fort distincss présentent également ce caractère.

Si, comme nous venons de le voir, l'homme n'a pas droit à former un ordre distinct, il pourrait peut-être réclamrr un sous-ordre ou une famille distincte. Dans son dernier ouvrage", le professeur Huxley divise les Primates en trois sous-ordres,qui sont: les An-thropidés, comprenant l'homme seul; les Simiadé,, comprenant les singes de toute espèce, et les Lémuridés, comprenant les divers genres de lémure.. Si l'on se place au point de vue des différences portant sur certains poinss importants de conformation, l'homme peut, sans aucun doute, prétendee avec raison au rang de sous-ordre; rang encore trop inférieu,, si nous considérons principalement ses facultés mentales. Ce rang serait, toutefois, trop étevé au point de vue généalogique, d'après lequel l'homme ne devratt représenter qu'une famille, ou même seulement une sousffamille. Si nous nous figurons trois lignes de descendance procédant d'une source commun,, il est parfaitement concevabee que, après un laps de temps-très prolongé, d'eux d'entre elles se soient assez peu modifiées pour se comporter comme espèces d'un même genre; tandss que la troisième peut s'être assez profondément modiiiée pour constituer une sous-famille, une famille, ou même un ordre distinc.. Mais, même dans ce cas, il est presque certann que cette troisième ligne conserverait encore, par hérédité, de nombreux traits de ressemblance avec les deux autre.. Ici se présente donc la difficulté, actueleement insolube,, de savorr quelle portée nous devons attribuer dans nos classifications aux différencss très marquées qui peuvent exister sur quelquss points, - c'est-à-dire à la somme des modifications éprouvées; et quelte part il convient d'atribuer à une exacte ressemblance sur une foule de poinss insignfiants, comme indicatinn des lignes de descendance ou de généalogie. La premèère alternative est la plus évidente, et peut-être la plus sûre, bien que la dernière paraisse être celle qui indique le plus correctement la véritable classification naturelle.

Pour asseorr notre jugement sur ce poin,, relativement à l'homm,, jetons un coup d'œil sur ^classification des Simiadé.. Presqee tous les naturalistes s'accordent à diviser cette famllle en deux groupes : les Catarrhinins, ou singes de l'ancien monde, qui tous, comme .l'indique leur nom, sont caractérisés par la structure particulière de leurs narines, et la présenee de quatre prémolaires

11. An Induction <o the Classification of Animais, 1869, ,p. 99.

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.[ChapPvi]                affinitEs et gEnEalogie                         167

à chaque mâchoire; les Platyrrhinins, ou singes du nouveau monde, comprenant deux sous-groupes très distincts, tous caractérisés par des narines d'une conformation très différente, et la présenee de six prémoaaires à chaque mâchoire. On pourrait encore ajouter quelquss autres légères différence.. Or il est incontestable que, par sa dentition, par la conformation de ses narine,, et sous quelquss autres rapports, l'homme appartient à la divisson de l'ancien monde ou groupe catarrhinin ; et que, par aucun caractère, il ne ressembee de plus près aux platyrrhinsns qu'aux catarrhins,s, sauf sur quelquss poinss peu importants et qui parasssent résulter d'adaptations. Il serait, par conséquent, contraire à toute probabilité de supposrr que quelque ancienne espèce du nouveau monde ait, en variant, produtt un être à l'aspect human,, qui auratt revêtu tous les caractères distinctifs de la division de l'ancien monde en perdant en même temps les siens propres. Il y a donc tout lieu de croire que l'homme est une branche de la souche simienee de l'ancien monde, et que, au point de vue généalogique, on doit le classer dans un groupe catarrhintn ».

La plupatt des naturalistes classent dans un sous-groupe distinct, dont ils excluent les autres singes de l'ancien monde, les singes anthropomorphes, à savorr le gorllle, le chimpanzé, l'orang et l'hyrobates. Je sais que Gratiolet, se basant sur la conformation du cerveau, n'admtt pas l'existence de ce sous-groupe, qui est certanement un groupe accidenté. En effet, comme le fait remarquer M. Saint-George-Mivarfs, « l'orang est une des formes les plus parlicuirères et les plus déviées qu'on trouve dans cet ordre x. Quelquss naturalistes divisent encore les singes non anthropomorphes de l'ancien continent, en deux ou trois sous-groupes plus petits, dont le genre semnopithèque, avec son estomac tout boursouflé, constitue un des type.. Les magnitiques découvertes de M. Gaudry dans l'Attique semblent prouvrr l'existence, pendatt la période miocène, d'une forme reliautles Semnopithèques auxMaca-' ques fait qui, si on le généralise, explique comment autrefois les autres groupss plus élevés se confondaiene les uns avec les autre..

L'homme ressemble aux singes anthropomorphes, non seulement -par tous les caractères qu'il possède en commun avec le groupe

12. C'est presque la même dassification que celle adoptée provisoirementi par M. Saint-George-Mivart (Transact. Philos. Soc, 1867e p. 300), qui, après-

ces deux derniers groupes représentant les Platyrrhinins. M. Miyart défend

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168                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee PARTra]

catarrhinin pris dans son ensemble, maisencorerar d'autres traits particuliers, tels que l'absenee de callosités et de queue, et l'aspect général; en conséquence, si l'on admet que ces singes forment un sous-groupe naturee, nous pouvons conclure que l'homme doit son origine à quelque ancien membee de ce sous-groupe. Il n'est guère probable, en effet, qu'un membre d'un.des autres sous-groupes inférieuss ait, en vertu de la loi de la variation analogu,, engendéé un être à l'aspect human,, ressemblant sous tant de rapports aux singes anthropomorphes supéreeurs. Il n'est pas douteux que, compaéé à la plupatt des types qui se rapprochent le plus de lui, l'homme n'att éprouvé une somme extraordinaire de modifications, portant surtout sur l'énorme développement de son cerveau et résultant de son attttude verticale; nous ne devons pas, néanmoins, perdee de vue « qu'il n'est qu'une des diverses formes exceptionnelles des Primates" ».

Quiconque admet le principe de l'évolution doit admettre aussi que les deux principales divisions des Simiadés, les singes cata--rhiniss et les singes platyrrhinsns avec leurs sous-groupes, descendent tous d'un ancêtre uniqu,, séparé d'eux par de longuss périodes. Les premiers descendants de cet ancêtre, avant de s'écarter considérablement les uns des autre,, ont dû continurr à former un groupe unique naturel; toutefois quelques-unes des espèces, ou genres naissants, devaient déjà commencer à indiquer, par leur divergence; les caractères distinctifs futurs des groupss catarrhinin et platyrrhin.n. En conséquence, les membres de cet ancien group,, dont nous supposons l'existence, ne devaient pas présenter dans leur dentitinn ou dans la structure de leurs narinss l'unfformité qu'offrent actuellement le premier caractère chez les singes catarrhinins, et le second chez les singes platyrrhinins; ils devaien,, sous ce rapport, ressembler au groupe voisin des Lémures, qui diffèrent beaucoup les uns des autres par la forme de leur museau,, et a un degré excessif par leur dentition.

Les singes catarrhinsns et les singes platyrrhinsns possèdent en commun une foule de caractères, comme le prouve le fait qu'ils .appartiennent incontestablement à un seul et même ordre. Ces nombreux caractères communs ne peuvent guère avoir été acquss indépendamment par une aussi grande quantité d'espèces distinctes; il convient donc d'attribuer ces caractères à l'hérédité. En outre, un naturaliste aurait, sans aucun doute, classé au nombee des singes

14. M. Saint-George-Mivart, TVansact. Philos. Soc, 1867, p. 410. 18^™'MUrieandMiV^^^

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[Chap.vii               affinités et gEnEalogie                         169

une forme ancienn,, qui auratt possédé beaucoup de caractères communs aux singes catarrhinsns et aux singes platyrrhinins, et à d'autres singes intermédiaires, outre qu'elle auratt possédé quelques autres caractères distincts de ceux qu'on observe actueleement chez chacun de ces groupes. Or, comme, au point de vue généalogique, l'homme appartient au groupe catarrhinin, ou groupe de l'anc,en monde, nous devons conclure, quelque atteinte que puisse en ressentir notre orgueil, que nos ancêtres primitifs auraeent, à bon droit, porté le nom de singes .. Mais il ne faudrait pas supposer que,l'ancêtre primitif de tout le groupe simien, y comprss l'homm,, ait été identiqu,, ou même ressemblât de près, à aucun singe existan..

Patrie et antiquité de l'homm.. - Nous sommes naturellement amenés à rechercher quelle a pu être la patrie primitive de l'homm,, alors que nos ancêtres se sont écartés du groupe cata-rhinin. Le fait qu'ils faisaient partie de ce groupe prouve clairement qu'ils habitaient l'ancien monde, mais ni l'Australie, ni aucune île océaniqu,, ainsi que nous pouvons le prouvrr par les lois de la distribution géographique. Dans toutes les grandss régions du ' globe, les mammifères vivants se rapprochent beaucoup des espèces éteintes de la même région. Il est donc probabee que l'Afrique a autrefois été habitée par des singes disparus très voisins du gorille et du chimpanzé; or, comme ces deux espèces sont actuellement celles qui se rapprochent le plus de l'homm,, il est probabee que nos ancêtres primitifs ont vécu sur le continent africain plutôt que partott ailleurs. Il est inutile, d'alleeurs, de discuter longuement . cette question, car, pendatt l'époque miocène supérieure, un singe presque aussi grand que l'homm,, voisin des Hylobates anthropomorphes, leDryopithèque de Lartet " a habité l'Europ; ; depuis cette époque reculée, la terre a certainement subi des révolutions nombreuses et considérables, et il s'est écoulé un temps plus que suffisant pour que les migrations aient pu s'effectuer sur la plus vaste échelle.

A quelque époque et en quelque endrott que l'homme ait perdu " ses poils, il est probabee qu'il habitait alors un pays chaud, cond--

16. Hâckel est arrivé à la même conclusion. Voir, Ueber die Entstehung der Metschengeschlechls, dans Viichow,Sammlung.gemein.ivissen. Vorlràge, 1868, p. 61. Aussi, Natûrliche Schopfungsgeschichte, 1S68, où il explique en détail

Sl7!UDsaUarsythtlajor! 'sur^Z'nges fossiles trouvés en Italie, Soc. ilal des Sciences nat. vol. XV, 1872.

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170                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PARTIE]

tion favorabee à un régime frugivore qui, d'après les lois de l'analogie, devatt être le sien. Nous sommes loin de savorr combien il s'est écoulé de temps depuis que l'homme a commenéé à s'écarter du groupe catarrhin,n, mais cela peut remonter à une époque aussi éloignée que la période éocène; les singes supérieurs, en effet, avaient déjà divergi des singes inférieuss dès la période miocène supéreeure, comme le prouve l'existence du Dryopithèque. Nous ignorons également avec quelle rapidité des êtres, placés plus ou moins haut sur l'échelee organqque, peuvent se modifier quand les condiiions sont favorables; nous savons, toutefois, que certaines espèces d'animaux ont conservé la même forme pendant un laps de temps considérable. Ce qui se passe sous nos yeux chez nos animaux domestiques nous enseigne que, pendant une même périod,, quelquss codescendants d'une même espèce peuvent ne pas changer du tou,, que d'autres changent un peu, que d'autres enfin changent beaucou.. Il peut en avorr été ainsi de l'homme qui, comparé aux singes supérieurs, a éprouve sous certains rapports des modifications importantes.           

On a souvent opposé comme une grave objection à l'hypothèse que l'homme descend d'un type inférieur l'importante lacune qui interromtt la chaîne organique entre l'homme et ses voisins tes plus proche,, sans qu'aucune espèce éteinte ou vivanee vienne la combler. Mais cette objection n'a que bien peu de poids pour quiconque, puisant sa conviction dans des raisons générales, admet le principe de l'évolution. D'un bout à l'autre de là série, nous rencontrons sans cesse des lacunes, dont les unes sont considérables, tranchées et distinctes, tandis que d'autres le sont moins à des degrés divers; ains,, entre t'Orang et les espèces voisine,, - entre le Tarsius et les autres Lémuriens, - entre l'éléphant, et, d'une manèère encore bien plus frappante,-entre l'Ornithorynque ou l'É-chidné et les autres mammifères. Mais toutes ces lacunes ne dépendent que du nombre des formes voisines qui se sont éteintes. Dans un avenrr assez prochain, si nous comptoss par siècles, les races humannes civilisées auront très certannement exterminé et rempaacé les races sauvagss dans le monde entier. Il est à peu près hors de doute que, à la même époque, ainsi que te fait remarquer le professerr Schaafîhausen », les singes anthropomorphes auront aussi disparu. La.lacuee sera donc beaucoup plus considérable encore, car il n'y aura plus de chaînoss intermédiaires entre la race humaine, qui, nous pouvons l'espérer, aura alors surpaséé en civi-

L 18. Anthropologie* Review, avril 1867, p. 236.

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[Chap. VIJ                AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE                          171

lisaiion la race caucasienne, et quelque espèce de singe inférieu;,' tel que le Babouin, au lieu que, actuellement, la lacune n'existe qu'entre le Nègre ou l'Australien et le Gorille.

Quant à l'absenee de restes fossiles pouvant relier l'homme à ses ancêtres pseudo-simiens, il suffit, pour comprendre le peu de portée d'une semblable objection, de lire la discussion par laquelle sir C. Lyell» établit combien a été lente et fortuite la découverte des restes fossiles de toutes les classes de vertébrés. Il ne faut pas oublier non plus que les régions les plus propres à fournrr des restes rattachant l'homme à quelque forme pseudo-simienne éteinte n'ont pas été fouillées jusquàà présent par les géologues.

Phasesinférieuresdelagénéalogiedel'homme.-Nousavonsvu que l'homme paraît ne s'être écaréé du groupe catarrhinin ou des Simiadss du vieux monde, qu'après que ceux-ci s'étaient déjà écartés de ceux du nouveau continent. Nous allons essayer maintenant de remonter aussi loin que possible les traces de la généalogie de l'homme en nous basan,, d'abodd sur les affinités réciproques existant entre les diverses classes et les différents ordre,, et en nous aidant aussi quelque peu de l'époque relatiee de leur apparition successvee sur la terre, en tant que celle époque a pu être déterminée. Les Lémuriens, voisins des Simiadé,, leur sont inférieurs, et constituent une famllee distincte des Primates, ou môme un ordre distinct, suivant Hâcke.. Ce group,, extraordinairement diversifié et interrompu, comprend beaucoup de formes aberrantes, par suite des nombreuses extinctions quilp a probablement subies. La plupatt des survivants se trouvent dans les îles, soit à Madagasca,, soit dans l'archipel Malais, où ils n'ont pas été soumis à une concurrence aussi rude que celle qu'ils auraient rencontrée sur des continents mieux pourvss d'habitants. Ce groupe présenee également plusieurs gradations qui, ainsi qjie le fait remarquer Huxley»», < conduisent, par une pente insensible, du plus haut somme, de la créaiion animaee à des êtres qui semblent n'être qu'à un pas des mammifères placentaires les plus inférieurs, les plus petits et les moins intelligents ». Ces diverses considérations nous portent à penser que les Simiadss descendntt des ancêlres des Lémuriens existants, et que ceux-ci descendent à leur tour de formes très inférieures de la série des mammifères.......

Beaucoup de caractères importants placent les Marsupiaux au-

19. Eléments oy Geology,^,^. 583-585. Aniiguity ofMan, 1863, p. 145. 20 Man's Place m Nature, p. 105.

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172                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Partie]

dessous des mammifères placentaires. Ils ont apparu à une époque géo)ogique antéreeure, et leur distribution était alors beaucoup plus étendue qu'à présen.. On admet donc généralement que les placentaires dérivent des Implacentaires ou Marsupiaux, non pas toutefois de formes identiques à ce.les qui existent aujourd'hui, mais de leurs ancêtres primitifs. Les Monotrèmss sont clairemett voisins des Marsupiaux, et constituent une troisième division encore inférieure dans la grande série des mammifères. Ils ne sont représentés actuellement que par l'Ornithorynque et l'Échidné, deux formes qu'on peu,, en toute certitude; considérer comme les restes d'un groupe beaucoup plus considérable autrefois, et qui se sont conservées en Australie grâce à un concouss de circonstances favorables. Les Monotrèmss présentent un vif intérê,, en ce qu'ils se

de^euÎconformaUone ^ rePti'eS *" ^^^ ^^ imp0ltantS En cherchant à retracer la généalogie des Mammifères et, par conséquent, celle de l'homm,, l'obscurité devient de plus en plus profonde à mesure que. nous descendons dans la série; toutefois, comme l'a fait remarquer un juge très compéten,, M. Parker, nous avons tout heu de croire qu'aucun oiseau ou qu'aucun reptlle n'occupe une place dans la ligne directe de descendance.

Quiconque veut se rendee compee de ce que peut un esprtt ingénieux, joint à une science profond,, doit consulter les ouvragss du professeur Hackel;; je me bornerai ici a quelquss remarques générales. Tous les évolutionnistes admettent que les cinq grandss classes de Vertébrés, à savoir les Mammifères, les Oiseaux, les Reptiles, les Amphibies et les Poisson,, descendent d'un même prototype, attendu qu'eless ont, surtous pendant l'état embryonnaire, un grand nombee de caractères communs. La classe des Poissons, inférieuee à toutes les autres au point de vue de son organssation, a aussi paru la première, ce qui nous autorise à conclure que tous les membres" du règne des Vertébrés dérivent de quelque animal pisciforme. L'hypothèse que des animaux aussi distincts les uns des autres qu'un singe, un éléphant, un oiseau-mouche, un serpent, une grenouille ou un poisson, etc., peuvent tous descendee des mêmes ancêtres, peut paraître monstrueu,e, nous le savon,, à

,^t^ ffS-S-=lff----- JTftf-*! ^

dernier ouvrage (Academy, 1869, p. 42), dit qu'il considère les lignes de des-cendancedes Vertébrés commeadmrrabeementdiscutées par Hâckel, bien qu'il

diffère sur quelques points. Il exprime aussi sa haute estime pour la valeur et la portée genérate de l'ouvrage entier et l'esprit qui a préside à sa rédaction.

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[Chap. VI]               AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE                         173

.quiconque n'a pas suivi les récenss progrès de l'histoire naturelle. Cette hypothèse impiiqu,, en effet, l'existence antéreeure de chaînons intermédiaires, reliant étrottement les unes aux autres toutes ces formes si complètement dissemblables aujourd'hui..

Néanmonss il est certain qu'il a existé ou qu'il existe encore des groupss d'animaux, qui relient d'une manière plus ou moins intime les diveress grandss classes des Vertébrés. Nous avons vu que l'Ornithorynque se rapproche des Reptiles. D'un autre côté, le professeur Huxley a fait la remarquable découverte, confirmée par M. Cope et par d'autres savants, que, sous plusieuss rapports importants, les anciens Dinosauriens constituent un chaînon intermdiaire entre certains Reptiles et certains Oiseaux, - les autruches, par exempee (qui, elles-mêmes, sont évidemment un reste très répandu d'un groupe plus considérable), et l'Archéoptérix, cet étrange oiseau de l'époque secondaire, pourvu d'une queue allongée comme celle du lézard. En outre, suivant le professeur Owen », les Ichthy--saurien,, - grands lézards marins pourvss de nageoires, - ont de nombreuses affinité, avec les Poisson,, ou plut,t, selon Huxley, avec les Amphibies. Cette dernière classe (dont les grenouilles et les crapauss constituent la division la plus élevée) est évidemment voisinss des poissons ganoïdes. Ces poissons, qui ont pullulé pen-dantles premières périodss géologiques, avaient un type hautement généralisé, c'est-à-dire qu'ils présentaient des affinités diverses avec d'autres groupes organiques. D'autre par,, le Lépidosiren relie si étroitement les Amphibies et les Poisson,, que les naturalistes ont longtemps débatuu la question de savorr dans laquelle de ces deux classes ils devaient placer cet anima.. Le Lépidosiren et quelquss poissons ganoïdes habitent les rivières, qui constituent de vrass porss de refug,, et jouent le même rôle, relativement aux grandss eaux de l'océan, que les îles à l'égadd des continents; c'est ce qui les a préservés d'une extinction totale.

Enfin, un membre unique de la classe des Poisson,, classe si étendue et qui revêt des formes si diverses, l'Amphioxus, diffère tellement des autrss animaxx de cet ordre, qu'il devrait, suivant Hâckel, constituer une classe dictincte dans le règne des Vertébrés. Ce poi^ son estremarquable par ses caractères négatifs; on peut à peine dire, en effet qu'il possède un cerveau, une colonne vertébrale, un cœur, etc.; aussi les anciens naturalistes l'avaient-ils rangé parmi les-vers. II y a bien des années le professeur Goodsrr reconnui des affinités entre l'Amphioxus et les Ascidien,, formes marines inver-

22. Paleontotogy, 1860, p. 109.

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17/|                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire pAnm|

tébrées, hermaphrodites, attachées d'une façon permanente à un support, et qui paraissent à peine animalisées, car elle ne consistent qu'en un sac simple, ferme, ayant l'apparence du cuir, muni de deux petiss orifices saillants. Les Ascidiens appartienntnt aux Molluscoïda de Hux)ey"- une division inférieuee du grand règne des Mollusquss; cependant quelquss naturalistes les ont récemment placés parmi les vers. Leurs larves affectent un peu la forme des têtards", elles peuvent nager en toute liberté. Quelques observations, récemment faites par Kovalevsky», et confirmées depuss par le professeur Kupffer, tendeni à prouver que les larves des Ascidiens se rattachent aux Vertébrés, par leur mode de développeme,t, par la position relative du système nerveux, et par la présence d'une conformation qui se rapproche tout à fait de la chorda dorsalis des animaux vertébrés. M. Kovalevkyy m'écrtt de Naples qu'il a poussé ses observations beaucoup plus loin, et, si les résultats qu'il annonce sont confirmé,, il aura fait une découverte du plus haut intérê.. 11 semble donc, si nous nous en rapportons à l'embryologie, qui a toujouss été !e guide le plus sûr du classifica-teur, que nous avons découvett enfin la voie qui pouraa nous conduire à la source dont descendent les Vertébrés». Nous serions aussi fondés à admettre que, & une époque très ancienn,, il existatt un groupe d'animaux qui, ressemblant à beaucoup d'égards aux larves de nos Ascidiens actues,, se sont séparés en deux grandss branches, - dont l'une, suivant une marche rétrograde, aurait formé la classe actuelee des Ascidien,, tandss que l'autre se seratt élevée jusqu'au sommet et au couronnement du règne anima,, en produsant des Vertébrés.

Nous avons jusqucici cherché à retracer a grands traits la généa-

23.  J'ai eu la satisfaction de voir, aux iles Falkland, en 1833, par conséquent

développement, la queue est enroulée autour de la tête de la larve.

24.  LLoireUeÏAcad. des Sciences de Saint-PétersbourgcLX,n"K,lS<X.

toute théorie, nous montre comment la nature peut produire la disposition fondamentale du type vertébré (l'existence d'une corde dorsale) chez un inver-

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[Chap. VI]                AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE                          175

logie des Vertébrés en nous basant sur les affinités mutuelees. Voyons maintenant !'homm,, tel quill existe. Je crois que nous pourrons en partie reconstituer pendant des périodes consécutives, mars non dans leur véritable succession chronooogique, la conformation de nos antiques ancêtres. Cette tâche est possible si nous étudions les rudiments que l'homme possède encore, si nous examinons les caractères qui, accidentellement, réapparaissent chez lui par retou,, et si nous invoquoss les principes de la morphologie et de l'embryologie. Les divers faits auxquels j'aurai à faire allusion ont été exposés dans les chapitres précédents.

Les premiers ancêtres de l'homme étaient sans doute couverts de poils, les deux sexes portaient la barbe; leurs oreilles étaient probablement pointues et mobiles; ils avaient une queue, desservee par des muscles propres. Leurs membres et leur corps étaient soums. .à l'action de muscles nombreux, qui ne reparaissent aujoud'hui qu'accidentellement chez l'homm,, mais qui sont encore normaux chez les quadrumanes. L'artère et le nerf de l'humérus passaient par l'ouverture supracondyloïde. A cette époque, ou pendant une période antéreeure, l'intestin possédatt un diverticulum ou ceecum plus grand que celui qui existe" aujourd'hui. Le pied, à en juger par la condition du gros ortell chez le fœtus, devatt être alors préhensible, et nos ancêtres vivaient sans doute habituellement sur les arbres, dans quelque pays chaud, couvert de forêts. Les mâles avaient de fortes canenes qui constituaient pour eux des armes formidables.

A une époque antérieure, l'utérus était double; les excrétioss étaient expulsées par un cloaque, et l'œil était protégé par une troisième paupière ou membrane clignotante. En remontant plus haut encore, les ancêtres de l'homme menaeent une vie aquatique : car la morphologie nous enseigne clairement que nos poumons ne sont qu'une vessie nataooire modffiée, qui servatt autrefois de flotteur. Les fentes du cou de l'embryon humann indiquent la place où les branchies existaeent alors. Les périodss lunaires de quelques-unes de nos fonctions périodiques semblent constituer une trace de notre patrie primitive, c'est-à-dire une côte lavée par les marées. Vers, cette époque, les corps de Wo)ff (corpoaa Wolfflana) rempaaçaient Jes reins. Le. cœur n'existait qu'à l'état de simple vaisseau pu)satile; et la chorda dorsalis occupatt la place de la colonne vertébrale. Ces premeers prédécesseursde l'homm,, entrevus ainsi dans les profondeurs ténébreuses du passé, devaient avoir une organisation aussi simpee que l'est celle de l'Amphooxus, peut-être même encore inférieure.

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176 _                    LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire Partie]

Un autre point mértte de plus amples détails. On sait depuis longtemps que, dans le règne des vertébrés, un sexe possède, à l'état rudimentaire, diverses parties accessoires caractérisant le système reproducteur propee à l'autre sexe; or on a récemment constaéé que, à une période embryonnaire très précoce, les deux sexes possèdent de vraies glandes mâles et femelles. Il en résulte que quelque ancêtre extrêmement reculé du règne vertébéé tout entier a dû être hermaphrodite ou androgyne". Mais ici se présente une singulière difficulté. Les mâles de la classe des mammfères possèdent, dans leurs vésicules prostatiques, des rudiments d'un utérus avec le passage adjacen;; ils portent aussi des traces de mamelles, et quelquss marsupiaux mâles possèdent les rudments d'une poche». On pourraii citer encore d'autres faits analogues. Devons-nous donc supposer que quelque mammifère très anc.en ait possédé des organss propres aux deux sexes, c'est-à-dire qu'il soit resté androgyne, après avoir acquss les caractères princpaux de sa classe, et, par conséquent, après avoir divergi des classes inférieures du règne vertébée? Ceci semble très peu probable, car il nous faut descendee jusqu'aux poisson,, classe inférieuee à toutes les autre,, pour trouvrr des formes androgynes encore existantes ». Ou peu,, en effet, expliquer, chez les mammifères mâles, la présenee d'organes femelles accessoires à l'état de rudments, et inversement la présence, chez les femelles, d'organes rudimentaires masculins, par le fait que ces organes ont été graduellement acquis par l'un des sexes, puis transmis à l'autre sexe dans un état plus ou moins imparfait. Lorsqee nous étudierons la

26. C'est la conclusion d'une des plus grandes autorités en anatomie comparée, le professeur Gegenbaur(Gru»*%. der vergleich. Anat., 1870s p. 876)-

une base suffisamment solide.

^Le Tkynacilu^e en offre le meilleur exemple. Owen, Anat. of Verte-

%l!V aobIserve Jue plusieurs espèces de Serrant, aussi bien que quelques autrespoissons,sonthermaphrodttes,soitdefaçonnormaleetsymétriqueou de façon anormale et unilatérale. Le D' Zouteveen m'a indiqué quelques mémoires

pas ce fait qui, cependant, a été signalé par un trop grand nombre de bons ob-. servateurs pour qu'on puisse plus longtemps le mettre en question. Le Dr

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[ChapP VI]               AFFINITÉS ET GENEALOGIE                         177

sélection sexuele,, nous rencontrerons des exempess très nombreux de ce genre de transmission, - par exemple, les éperon,, les plumes et les couleuss brillantes, caractères acquss par les oiseaux mâles dans un but de combat ou d'ornementation, et transmis aux femelles à un état imparfait ou rudimentaire,

La présence, chez les Mammifères mâles, d'organes mammaires fonctionnellement imparfaits constitue, à quelquss égards, un fait tout particulièrement curieux. Les Monotrèmss possèdent la partie sécrétante propee de la glande lactigène avec ses orifices, mais sans mamelon;; or, comme ces animaxx se trouvent à la base même de la série des mammifères, il est probabee que les ancêtres de la classe possédaient aussi des glandes tactigènes, mais sans mamelons. Le mode de développement de ces glandes semble confirmer cetteopinion; le professeur Turner m'apprend, en effet, que, selon Kôlliker et Lange,, on peut distinguer aisément les glandss mammaires chez l'embryon avant que les mamelons deviennent appréciables; or, nous savons que le développement des parties qui se succèdent chez l'individu représenee d'ordinaire le dévelop-p pement des êtres consécutifs de la même ligne de descendance. Les Marsupiaux diffèrent des Monotrèmss en ce qu'ils possèdent les mameion;; ces organss ont donc probablement été acquss par eux après les déviations qui les ont élevés au-dessus des Monotrèmes, et transmss ensuite aux Mammifères placentaires». Personee ne suppoee que, après avoir à peu près atteint leur conformation actuelle, les Marsupaaux soient restés androgynes. Comment donc expliqurr la présenee de mamelles chez les Mammifères mâles? Il est possible que les mameless se soient d'abodd développées chez la femelle, puis qu'elles aient été transmises aux mâles; mais, ainsi que nous allons le démontrer, cette hypothèse est peu probable.

On peut supposer, c'est là une autre hypothèse, que longtemps après que les ancêtres de la classe entière des Mammifères avaient cessé d'être androgynes, les deux sexes produisaient du lait de façon à nourrrr leurs petits; et que, chez les Marsupiaux, les deux sexes portaient leurs petits dans des poches marsupial.s. Cette-hypothèse ne paratt pas absolument inadmissible, si on réfléchtt

29. Le professeur Gegenbaur (Jenaische Zeitschrift, vol. VII, p. 212,, a démontré qu'il existe deux types distincts de mamelons chez les divers ordres de: mammifères; mais il est facile de comprendre comment ces deux types peuvent dériver des mamelons des Marsupiaux et ceux de ces derniers de'ceux des'

12

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178                      LA DESCENDANCE DE L'HMMEE           [[k-Pahtie]

que les poissons Syngnathes mâles reçoivett dans leurs poches abdominales les œufs qu'ils font éclore, et qu'ils nourrissent ensuite, à ce qu'on prétend-; - que certains autres poissons mâles couvent les œufs dans leur bouche ou dans leurs cavités branchiales;-que certains crapauds mâles prennent les chapeeets d'œufs aux femelles et les enroulent autour de leurs cuisses, où ils les conservent jusquàà ce que les têtards soient éctos; - que cer-, tains oiseaux mâles accomplissent tout le travall de l'incubation, et que les pigeons mâles, aussi bien que les femelles, nourrsssent. leur couvée avec une sécrétion de leur jabo.. Mais je me suis surtout arrêéé à cette hypothèse, parce que les gtandes mammaires des Mammifères mâles sont beaucoup plus développées que les rudiments des autres parties reproductrises accessoires, qui, bien que spéciaess à un sexe, se rencontrent chez l'autre. Les g)andes mammaires et les mamelons, tels que ces organes existent chez les Mammifères, ne sont pas, à proprement parler, rudimentaires; ils ne sont quiincomplètemen, développés et fonctionnement inactifs. Us sont affectés sympathiquement par certainss maladies, de la même façon que chez la femelle. A la naissance et à l'âge de puberté, ils sécrètent souvent quelquss gouttss de lait. On a même observé des cas, chez l'homme et chez d'autres animaux, où ils se sont assez bien développss pour fournrr une notable quantité de lait. Or, si l'on. suppose que, pendant une période prolongée, les Mammifères mâles ont aidé les femelles à nourrer leurs petits», et qu'ensuite ils aient cessé de le faire, pour une raison quelconque, à la suite, par exemple, d'une diminution dans le nombre des petits, le non-usage de ces organss pendant l'âge mûr auratt entraînt leur inactivité, état qui, en vertu des deux principes bien connus de l'hérédité, se seratt probablement transmis aux mâles à l'époqee correspondante de la maturité. Mais comme, à l'âge antéreeur à la maturité, ces organss n'ont pas été encore affectés par l'hérédité, ils se trouvntt également développss chez les jeunes des deux sexes.

Conclusion. -Von Baër a propoéé la meilleuee définiiion qu'on ait jamais faite de l'avancement ou du progrès sur l'échelee orga-

. 30.M.Loekwood(cité dansQuar.. Journ. of Science,avr). 1868, p. accroit, d'après ce qu'il a observv sur le développement de l'Hippocampe, que les parois de la poche abdominale du mâle fournissent en quelque manière de la nourri-ture. Voir,surles poissons ma.es couvantles œul dL leurbouchele travail intéressant du professeur Wyman (Proc. Boston Soc. of Nat. Hist., 15 septembre 1857). Le professeur 'fumer, dans Vourn. of Anal, ond Phys., P'nov. 1866, p. 78. Le D' Günther a également décrit des cas semblables.

; 31. M- C. Royer a suggéré une hypothèse semblable, Origine de l'homme, etc., 1870.

en

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[Chap. Vt]               AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE                         179

niqu;; ce progrès, d'après lui, repose sur l'étendee de la différen, ciateon et de la spécialisation des différentes parties du même être, Ce a quoi je voudrais cependatt ajouter, lorsqu'il est arrivé à la maturité. Or, à mesure que les organismes, grâce à la séleciion naturelle, s'adaptent lentement à différents modes d'existence, les parties doivent se différencier et se spécialiser de plus en plus pour remplir diverses fonction,, par suite des avantages qui résultent de la division du travail physiologique. Il semble souvent qu'une même partie ait été d'abodd modifiée dans un sens, puis longtemps après elle prend une autre direction tout à fait distincte; ce qui contribue à rendee toutes les parties ee plus en plus complexés. En tout cas, chaque organisme conserve le type général de la conformation de l'ancêtre dont il est généralement issu. Les faits géologiques, d'accodd avec cette hypothèse, tendent à prouver que, dans son ensemble, l'organisation a avancé dans le monde à pas lents et interrompus. Dans le règne des vertébrés, elle a atteint son point culminant chez l'homm.. Il ne faudrait pas croire, cependan,, que des groupes d'êtres organisés disparaissent aussitôt qu'ils ont engendéé d'autres groupss plus parfaits qu'eux, et qui sont destinés aies remplacer. Le fait quiils l'ont emporé, sur leurs devanciers n'implique pas nécessairement qu'ils sont mieux adaptés pour s'emparer de toutes les places vacantes dans l'économee de, la nature. Quelques formes anciennss semblent avoir survécu parce qu'eless ont habité des localités mieux protégées où elles n'ont pas été exposées à une lutte très vive; ces formes nous permettent souvent de reconstituer nos généalogies, en nous donnant une idée plus exacte des anciennss populations disparues. Mais il faut se garder de considérer les membres actuellement existants d'un groupe d'organismes inférieuss comme les représentants exacts de leurs antiquss prédécssseurs.

Quand on remonte le plus haut possible dans-la généalogee du règne des Vertébrés, on trouve que les premeers ancêrres de ce règne ont probablement consisté en un groupe d'animaux marins»

bles générations doivent nécessairement s'adapter à des périodes régulières de sept jours. Or, fait mystérieux, chez les vertébrés supérieurs et actuellement terrestres, pour ne pas mentionner d'autres classes, plusieurs phénomènes normaux et anormaux ont des périodes d'une ou plusieurs semaines, ce qu'il est facile de comprendre, si on admet que les vertébrés descendent d'un ani-

es

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180              LA DESCENDANCE DE L'HOMME                   [Ire Partie]

ressemblant aux larves des Ascidiens existants, Ces animaxx ont produtt probablement un groupe de poissons à l'organisation aussi inférieuee que celle de l'Amphioxus; ce groupe a dû, à son tour, produire les Ganoïde,, et d'autres poissons comme le Lépidosiren, qui sont certainement peu inférieuss aux amphbbies. Nous avons vu que les oiseaux et les reptiles ont été autrefois étrottement alliés; aujourd'hui les Monotrèmss rattachent faiblement les mammifères aux reptiles. Mais personne ne sauratt dire actuellement par quelle ligne de descendance les trois classes les plus élevées et les plus voisine,, Mammffères, Oiseaux et Reptlles, dérivent de l'une des deux classes vertébrées inférieures, les Amphibies et les Poissons. On se représente aisément chez les Mammifères les degrés qui ont condutt des Monotrèmss anciens aux anciens Marsupiaux, et de ceux-ci aux premiers ancêtres des mammifères placentaires. On arrive ainsi aux Lémuriens, qu'un faible intervalle seulement sépaee des Simiadé.. Les Simiadés se.sont alors séparés en deux grandss branchés, les singes du nouveau monde et ceux de l'anceen monde; et c'est de ces derneers que, à une époque reculée, a procédé l'homm,, la mervellee et la gloire de l'univers. Nous sommes ainsi arrivés à donner à l'homme une généalogie prodigieusement longue; mais, il faut le dire, de qualité peu élevée. Il semble que le monde, comme on en a souvent fait la remarque, se soit longuement prépaéé à l'avènement de l'homm,, ce qui, dans un sens, est strictement vra,, car il descend d'une longue série d'ancêtres. Si un seul des anneaux de cette chaîne n'avatt pas existé, l'homme ne seratt pas exactement ce qu'il est. A moins de fermer volontairement les yeux, nous sommes, dans l'état actuel de nos connasssances, à même de reconnaître assez exactement notre origine sans avoir à en éprouvrr aucune honte. L'organisme le plus

mal allié aux Ascidiens actuels habitant le bord de la mer. On pourrait citer bien des exemples de ces phénomènes périodiques, tels, par exemple, que la durée de la gestation chez les Mammifères, la durée de certaines fièvres, etc. L'éclosion des œufs fournit a^ussi un excellent exemple, car, d'après M. Bartlett

pourrait donc être transmise telle quelle pendant un nombre quelconque de générations. Mais, si la fonction vient à changer, la période changerait aussi et la modification 'porterait sans doute sur toute une semaine. Cette conclusion

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[Chap.VII]                  LES RACES HUMAINES                         181

humbee est encore quelque chose de bien supérieur à la poussèère inorganique que nous foulons aux pieds ; et quiconque se livré sans préjugés à l'étude d'un être vivan,, si simple qu'il soit, ne peut qu'être transporté d'enthousiasme en contempaant son admirable structure et ses propriétés mervellleuses.

CHAPITRE VII

SUR LES RACES HUMAISES

Nature et valeur des caractères spécifiques. - Application aux races hu-maines. — Arguments favorables ou contraires au classement des races humaines comW espèces distinctes. - Sous-espèces. _ Monogénistes et Polygénistes. - Convergence des caractères.- Nombreux points de ressemblances corporelles et mentales entre les races humaines les plus distinctes. - État de l'homme, lorsqu'il s'est d'abord répandu sur la terre. - Chaque

re°c"endeéYcoC^

Je n'ai pas l'intention de décrire ici les diverses races humaines, pour employer l'expression dont on se sert d'habitude, mais de rechercher quelles sont, au point de vue de la classification, la valeur et l'origine des différences que l'on observe chez elles. Lorsque les naturalistes veulent déterminer si deux ou plusieuss formes. voisines constituent des espèces ou des variétés, ils se laissent pratiquement guider par les considérations suivantes : la somme des. différences observée;; leur portée sur un pettt nombre ou sur un grand nombee de points de conformation; leur importance physiologiqu,, mais plus spécialement leur perssstance. Le naturaliste, en effet, s'inquiète d'abodd de la constanee des caractères et lui attribu,, à juste titre, une valeur considérab.e. Dès qu'on peut démontrer d'une manière posttive, ou seulement probable, que les formes en question ont conservé des caractères distincts pendant une longue périod,, c'est un argument de grand poids pour qu'on les considèee comme des espèces. On regarde généralement une certaine stérilité, lors du premerr croisement de deux formes, ou lors du croisement de leurs rejeton,, comme un critérium décisff de leur distinction spécff.que; lorsque ces deux formes persistent dans une même région sans.s'y mélanger, on s'empresse d'admettre ce fait comme une preuve suffisante, soit d'une certaine stérilité réciproque, soit, quand il s'agtt d'animaux, d'une certaine répugnance à s'accoupler.

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182                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [In. Partie]

- En dehors de ce défaut de mélanee par croisement, l'absenee complète, dans une région bien étudiée, de variétés reliant l'une à l'autre deux formes voisines constitue probablement le critérium le plus important de tous pour établir )a distinction spécfiiqu;;^ il y a dans ce fait autre chose qu'une simple persistance de caractères, attendu que deux formes peuven,, tout en variant énormément, ne pas produire de variétés intermédiaires. Souvent auss,, avec ou sans intention, on fait jouer un rôle à la distribution géographique, c'est-à-dire qu'on regarde habituellement comme distinctes les formes appartenant à deux régions fort éloignées l'une de.l'autre, où la plupart des autres espèces sont spécfiiquement distinctes; mais, en réalité, il n'y a rien là qui puisse nous aider a distinguer les races géographiques de celles qu'on appeéle tes.véritabess espèces.

Appliquons maintenant aux races humannes ces principes généralement admis, et pour cela étudions ces races au même point de vue que celui auquel se placerait un naturaltete à propos d'un animal quelconque. Quant à l'étendue des différences qui existent entre les races, nous avons à tenrr compte de la finesse de discenement que nous avons acqusee par l'habitude de nous observer nous-mêmes. Etphinstone' a fait remarquer avec raison que tout Européen nouvellement débarqué dans l'Inde ne disiingee pas d'abord les diversss races indigènes, qui ensuite finissent par lui paraître tout à fait dissemblables; l'Hindo,, de son côté, ne remarque pas non plus de différences entre les diverses nations européenne.. Les-races humannes, même les plus distinctes, ont des formes beaucoup plus semblables qu'on ne le supposerait au premier abord; il faut excepter certaines tribus nègre;; mais certaines autres, comme me t'apprend le D' Rohlfs et comme j'ai pu m'en assurer par moi-mêm,, ressemblent aux peuples de souche caucasienne. C'est ce que démontrent les photographies de la collection anthropologique du Muséum de Pars,, photographies faites d'après des individss appartenant à diverses races, et dont la plupart. comme t'ont, remarqué beaucoup de personnss à qui je les ai montrées, pourraient passer pour des Européens. Toutefois, vus vivants, ces hommss sembleraient sans aucun doute très distincts, ce qui prouee que nous nous laissons beaucoup influencer par la couleur de la peau, la nuanee des cheveux, de légères différencss dans les traits, et l'exprsssion du visage.

Il est certain, cependant, que les diverses races, comparées et

1HUtoryofIndia, 18*1, vol. I, p. 323. Le père Ripa fait exactement la même remarque à propos des Chinois.

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[ChapP VII]                      LES RACES HUMAINES '                           183

mesuréss avec soin, diffèrent considérablement les unes des autres par la texture des cheveux, par les proportions relatives de toutes les parties du corps», par lé volume des poumons, par là-forme et la capacité du crâne, et même par les circonvolutions du cerveau3. Ce serai,, d'ailleurs, une tâche sans fin que de voulorr spécffier les nombreux poinss de différence qui existent dans la conformation. La constitution des diverses races, leur aptitude variabee à s'acclimater et leur prédisposition à contracter certaines maladess constituent encore autant de points de différence.. Au mora,, les diverses races présentent des caractères également très distincts; ces différencss se remarquent principalement quand il s'agtt de l'émoiion, mais elles existent aussi dans les facultés intellectuelles, Quiconque a eu l'occasinn de faire des observations de ce genre a dû être frappé du contaaste qui existe entre les indigènss taciturnes et sombres de l'Amériqee du Sud, et les nègres légers et bablllards. Un contraste anaiogue existe entre les Malais et les Papous*, qui vivent dans les mêmes condtiions physiques et ne sont séparés que par un étrott bras de mer.

Examnnons d'abodd les arguments avancss en faveur de la classification des races humannes en espèces distinctes; nous aborderons ensuite ceux qui sont contraires à cette classfiication. Un naturaliste, qui n'aurait jamais vu ni Nègre, ni Hottentot, ni Austrairen, ni Mongol, et qui auratt à comparer ces différenss types, s'apercevrait tout d'abodd qu'ils diffèrent par une multituee de caractères, les uns faibles, les autres considérables. Après enquête, il reconnaîtrait qu'ils sont adaptés pour vivre sous des climass très dissemblables, etqu'ils diffèrent quelque peu au point de vue de la structure corporelle et des dispositions mentaees. Si on lui affirmait alors qu'on peut lui faire venir des mêmes pays des milliess d'individus analogues, il déclarerait certainement qu'ils constituent des espèces aussi véritables que toutes celles auxquelles il a pris l'habitude de donner un nom spécifiqu.. Il insisteraet sur cette conclusinn dès qu'il auratt acquss la preuve que toutes ces formes ont, pendant des siècles, conservé des caractères ident--

2. B.-A. Gould, investigations in the MUitary and Antkropopogical StaHsHcs of American Soldiers, 1869, pp. 298-35S; cet ouvrage contient un grand nom-. bre de mesures de blancs, de noirs et d'Indiens. Sur la Capacité des poumons, p. 471. Voir aussi les tab)es nombreuses données par le D' Weisbach, d'après les observations faites par les D" Scherzer et Schwarz, dans le Voyage de la

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184                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire PARTIE]

ques, et que des nègres, absolument semblables à ceux qui existent aujourd'hui, habitaient le pays il y a au moins 4000 ans5. Un excellent observateur, le docteur Lund\iui apprendrait, en outre, que les crânes humains trouvss dans les cavernss du Brési,, mélangés aux débris d'un grand nombre de mammifères éteint,, appartiennent précisément au même type que celui qui prévatt aujourd'hui sur le continent américain.

Puis, notre naturaliste, après avoir étudié la distribution géographique de l'espèce humaine, déclarerait, sans aucun doute, que des formes qui diffèrent non-seulement d'aspect, mais qui sont adaptées les unes aux pays les plus chaud,, les autres aux pays les plus humides ou les plus secs, d'autres, enfin, aux régions arctques, doivent être spécifiquement distinctes. Il pourrait, d'ailleurs, invoquer le fait que pas une seule espèce de quadrumanes, le groupe le plus voisin de l'homm,, ne résiste à une basse température ou à un changement considérable de clima;; et que les espèces qui se rapprochent le plus de l'homme n'ont jamass pu parvenir à l'âge adulte, même sous le climat tempéré de l'Europe. Un fait, signaéé pour la premèère fois ' par Agassiz, ne laisserait pas que de l'impressionner beaucoup auss,, à savorr que les différentes races humaines sont distribuées à la surface de la terre dans les mêmes régions zoologiquss qu'habitent des espèces et des genres de mammifères incontestablement distincts. Cette remarque s'applique manifestement quand il s'agtt de la race australienne, de la race mongolienee et de la race nègre; elle est moins vraee pour lesHottentots, mais elle est absolument fondée quand il s'agtt des

5. M. Pouchet (Pluralité des races humaines, 1864) fait remarquer, au sujet des figures des fameuses cavernes égyptiennes d'Abou-Simbel, que, malgré

même pas, pouriesracesles plus accusées, cette unanimité qu'on étaitendroit

jeune Memnon (le même personnage que Rameses II, comme me l'apprend M. Birch), insiste, de la manière la plus positive, sur l'identité de ses traits avec ceux des Juifs d'Anvers. J'ai examiné au British Museum, avec deux per-

6. Cité par Nott et Gliddon (op., cit., p. 439). Ils ajoutent des preuves à l'ap-

es es

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[Chap.VII]                 LES RACES HUMAINES                              ~8S

Papous et des Malais, qui sont séparé,, ainsi que l'a étabii M. Wallace, par la même ligne que .celle qui divise les grandss régions zoologiques malaisienee et australienne.

Les indigènss de l'Amérique s'étendent sur tout le continen,, ce qui paratt d'abodd contraire à la règle que nous venons de mentionner, car la plupatt des productions de la moitié septentrionale et de la moitié méridionale du continent diffèrent considérablement; cependant, quelquss animaux, l'Opossum, par exemple, habitent l'une et l'autre moitié du continent comme le faisalent autrefois quelques Édentés gigantesques. Les Esquimaux, comme les autres animaux arctiques, occupent l'ensembee des régions qui entourent le pôle. Il faut observer que les mammifères qui habitent les diverses rég.ons .zoologiques ne diffèrent pas également les uns des autre;; de sorte quion ne doit pas considérer comme une anomalie que le nègre diffère plus et que l'Américain diffère moins des autres races humaines que ne le font les mammifères des mêmes continenss de ceux des autres région.. Ajoutons que l'homm,, dans le principe, ne paratt avoir habits aucune île océanique; il ressembee donc, sous ce rapport, aux autres membres de la classe à laquelee il appartient.

Quand il s'agit de déterminer si les variétés d'un même animal domestique constituent des espèces distinctes, c'est-à-dire si elles descendent d'espèces sauvagss différentes, le naturaliste attache beaucoup de poids au fait de la spécificité distincee des parasites externss propres à ces variétés. Ce fait auratt une portée d'autant plus grande qu'il serait exceptionnel. M. Denny m'apprend, en effet, qu'une même espèce de poux vit en parasite sur les races les plus diverses de chiens, de volallles et de pigeons, en Angleterre. Or, M. A. Murray a étudié avec beaucoup de soin les poux recueillis dans différenss pays sur les diverses races humaines8; il a observé que ces poux diffèren,, non seulement au point de vue de la couleu,, mais aussi de la conformation des griffes et des membre.. Les différencss sont restées constantes, quelque nombreux que fussent les individss recueillis. Le chirurgien d'un baleinier m'a affirmé que, lorsque les poux qui infestaient quelques indigènss des îles de Sandwcch qu'il avait à bord s'égaraient sur le corps des matelots anglais, ils périssaeent au bout de trois ou quatre jours. Ces poux étaient plus foncés et parasssaient appartenir à une espèce différenee de ceux qui attaquent les indigènss de Chiloe dans l'Amérique du Sud, poux dont il m'a envoyé des spécimen.. Ceux-ci sont plus grands

8. TransacL Roy. Soc. of Edinburgh, vol. XXII, 1861, p. 567.

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186                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee Partie]

et plus mous que les poux européens. M. Murray s'est procuré quatee espèces de poux d'Afriqu,, pris sur des nègres habitant la côte orientale et la' côte occidentale, des ITottentoss et des Cafres; deux espèces d'Austral;e; deux de l'Amérique du Nord et deux ee l'Amérique du Sud. Ces derniers provenaient probablement d'indgènes habitant diverses région.. On considèee ordinairement que; chez les insectes, les différencss de structure, siiinsignifiantes qu'eless soient., ont une valeur spécifiqu,, lorsqu'elles sont constantes; or. on pourrait invoquer avec quelque raison, à i'appui de la spécificité distrncee des races humannes, le fait que des parasites qui parasssent spécifiquement distincts attaquent les diverses

Arrivé a ce point de ses recherches, notre naturaliste se demanderatt si les croisements entre les diverses races humaines restent plus ou moins stériles. Il pourrait consulter un ouvrage d'un observateur sagace, d'un philosophe éminen,, le professeur Broca ; ; il trouverait, a côte de preuves que les croisements entre certainss races sont très féconds, des preuves tout aussi concluantes qu'il en est autrement pour d'autres. Ainsi, on a affirmé que les femmes indigènss de l'Australie et de la Tasmanee produisent rarement des enfanss avec les Européens; mais on a acquis la preuve que cette assertion n'a que peu de valeu.. Les noirs purs mettent à mort les métis; on a pu lire récemment que la police» a retrouvé les restes calc;nés de onze jeunes métis assassinés par les indigènes. On a aussi prétenuu que les ménagss mulâtres ont peu d'enfants; or, le docteur Bachman", de Charleston, affirme positivement, au contraire, quill a connu des familles mulâtres qui se sont mariéss entre elles pendant plusieuss générations, sans cessèr.d'étre en moyenne aussi fécondes que les familles noires ou les famlless blanchss pures. Sir C. Lyell m'informe qu'il a autrefois fait de nombreuses recherches à cet égard et quill a dû adopter la même conclusinn».

9.  Broca, Pkén. d'hybridité dam le genre Homo.

10.  Voir l'intéressante lettre de M.-T. A. Murray, dans Anthropolog. Itevieio,

S^ra^

des hommes blancs deviennent ensuite stériles avecles hommes de leur propre

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[Chap. VII]                  LES RACES HUMAINES                             187

Le recensement fait aux États-Unis, en 1854, indiqu,, d'après lé docteur Bachman, 405,751 mulâtres, chiffre qui semble évidemment très faible; toutefois, la position anormale des mulâtres, le peu de considération dont ils joussseni, et le dérèglement des femmes tendent à expliqurr leur petit nombre. En outre, les nègres absorbent incessamment les mulâtres, ce qui détermnee nécessairement une diminution de ces derniers. Un auteur digne de foi "affirme il est vra,, que les mulâtres vivent moins longtemps que les individus de race pure; bien que cette observation n'ait aucun rappott avec la fécondité plus ou moins grande de la race, on pourrait peut-être l'invoqurr comme une preuve de la distinction spécifique des races parentes. On sait, en effet, que les hybrides animaux et végétaux sont sujets à une mort prématurée, lorsqu'ils descendent d'espèces très distinctes; mais on ne peut guère classer les parenss des mulâtres dans la catégoree des espèces très distinctes. L'exemple du mulet commun, si remarquable par sa longévité et par sa vigueur et, cependant, si stéril,, prouve qu'il n'y a pas, chez les hybrides, de rappott absolu entre la diminution de la fécondité et la durée ordinaire deàà vie. Nous pourrions citer beacoup d'autres exemples

""en admettant même qu'on arrivât plus tard à prouvrr que toutes les races humaines croisées restent parfaitement fécondes, celui qui voudrait, pour d'autres raison,, les considérer comme spécifiqument distinctes pourrait observer avec justesse que ni la fécondité ni la stérilité ne sont des critériums certains de la distinction spécifique. Nous savons, en effet que les changements des conditions d'existence, ou les unions consanguines trop rapprochées, affectent profondément l'aptitude à la reproduction; nous savon,, en outre, que cette aptitude est soumise à des lois très complexes; celle, par exempe,, de l'inégale fécondtté des croisements réciproques entre les deux mêmes espèces. On rencontre, chez les formes qu'il faut incontestablement considérer comme des espèces, une gradation parfaite entre celles qui sont absolument stériles quand on les croise, celles qui sont presque fécondes et celles qui le sont tout à fait. Les degrés de la stérilite ne coïncident pas exactement

conséquent, les indigènes ont eu amplementle tempsde juger par l'expérience. 1869' p'tl9G°Uld, MilUary md Anihr0p°l Statislicsof American Solcliers,

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188                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I* PaRtir]

avcc l'étendue des différences qui existent entre les parents au point de vue de )a conformation externe ou des habitudes d'existe.ce. On peut, sous beaucoup de rapports, comparer l'homme aux animaux réduits depuas longtemps en domesticité; or, on pett aussi acc--mulerunegrandemassedepreuvescnfaveurdeladoctrinedePallas14, à savoir que la domestication tend à atténuer la stérilité qui accompagne si généralement le croemement des espèces à l'état de nature. On peut, à juste titre, tirer de ces diverses considérations la conclusion que la fécondité complète des différentes races humaines entre-croisées, aloss môme qu'elle serait prouvée, ne serait pas un mofif absolu porr noss empocher de regarder ces races comme des espèces dsstinctes.

Indépendamment de la fécondité, on a cru pouvoir trouver dass les caractères des produits d'nn croisement des preuses indiquant qu'il convient de considérer les formes parentes comme des espèces ou comme des variétés : mais une étuee trss attentive de ces faits m'a conduit à conclure qu'on ne saurait, en aucune façon, se fier à des règles générales de cette nature. Le croisement amène ordinairement la production d'une forme intermédiaire dass laquelle se con-

14. La Variation des animaux e<plantes, etc,, vol. II, p. 117. Je dois ici rappeler au lecteur que la stérilité des espèces croisées n'est pas une qualité spéciarement acquise; mass que, comme l'inaptitude qu'ont certains arbres à Êtee greffés les uns sur les autres, elle dépedd de l'acquisition d'autres difTérences. La nature de ces difTérences est inconnue, mass elles se rattachent surtout au système reproducteur, et beaucoup moins à la stucture externe ou à des différences ordinaires de la constitution. Un élément qui paraît important pour la stérilité des espèces croisées résulte de ce que l'une ou toutes deux onr été depuss longtemps habituées à des conditions fixes; or, le changemtnt dans les conditions exerçant une influence spéciale sur le sys,ème reproducteur, nous avons d'excellentes raisons pour croire que les conditions fluctuantes de la domesticateon tendent à éliminer cetee stérilité si générale dans les croisements d'espèces à l'état de nature. J'ai démontré ailleurs (Variation, etc,, vol. II, p. 196; et Origine des espèces, p. 281) que la sélection naturelle n'a pas déterminé la stérilité des espèces croisées; nous pouvons comprendre que, lorsque deux formss sont déjà devenues très stériles l'une avec l'autre, il est à peine possible que leur stérilité pussee s'augmenter parla persistance et aa conservation des individus de plus en plus stériles; car, dans ce cas, la progéniture ira en diminuant, et, finalement, il n'apparaîtra plus que des individus isolés et à de rares intervalles. Mais il y a encoee un degéé de plus hauee stérilité. Gartner et Kolreuter ont tous deux prouéé que, chez des genres de plantes comprentnt de nombreuses espèces, on peut établir une séree de celles qu,, croisées, donnent de moins en moins de graines, jusqu'à d'autres qui n'en produisent jamais une seule, bien qu'elles soient affectées par le pollen de autre espèce, puisque le germe s'enfle. Il est donc ici impossible que la sélection s'adresse aux indvvidus les plus stériles qui ont déjo cessé de produire des grannes, de sorte que l'apogée de la stériliti, lorsqee le germe esu seul affecté, ne peut résulter de la sélection. Cet apogée, et sans douee les autres degrés dela stérilité, sont les résuatsts fortuits de certaines différences inconnues dans la constitution du système reproducteur des espèces croisées.

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[Chap. VII]                   LES RACES HUMAINES                                 t89

fondent les caractères des parenss ; mais, dans certains cas, une partie des pettss ressemblent étrottement à une des formes parentes, et les autrss à l'autre forme. Ce phénomène se produtt surtott quand les parenss possèdent des caractères qui ont apparu à la suite de brusquss variations et que l'on peut presqee qualifier demonstruo-sités ".-Je fais allusion à cephénomène parce que ledocteur Rohlfs m'apprend qu'il a fréquemment observé en Afrique que les enfanss des nègres croisés avec des individss appartentnt à d'autres races sont complètement noirs ou complètemenr blancs et rarement tachtés. On sait, d'autre par,, que les mulâtres, en Amériqu,, affectent ordinairement uneforme intermédiaire entre les deuxracesparentes. Il résultede cesdiversesconsidérationsqu'unnaturalistepourrait se sentrr suffisamment autorisé à regarder les races humaines . comme des espèces distinctes, car il a pu constater chez elles beaucoup de différences de conformation et de constitution, dont quelques-unss ont une hauee importance, différences qui sont restées presque constantes pendant de longues périodes. D'ailleurs, l'énorme extension du genre humann ne laisse pas que de constituer un argument sérieux, car cette extension serait une grande anomalie dans la classe des mammifères, si le genre humann ne représentait qu'une seule espèce. En outre, la distribution de ces prétendues races humannes concorde avec celle d'autres espèces de mammifères incontestablement distinctes. Enfin, la fécondité mutuelle de toutes les races n'a pas été pleinement prouvée, et, le fùt-elle, ce ne-seratt pas une preuve absolue de leur identité spécfiiqu..

Examinons maintenant l'autre côté de la quesiion. Notre naturaliste rechercherait sans aucun doute si, comme les espèces ordinaires, les formes humaines restent distinctes lorsqu'elles sont mélangées « en. grand nombee dans un même pay;; il découvrirait immédiatement qu'il n'en est certes pas ainsi. Il pourrait voir, au Brésil, une immenee population métis de nègres et de Portugais ; à Chiloe et dans d'autres parties de l'Amérique du Sud, il trouverait une population entière consistant d'Indeens et d'Espagnols mélangés à divers degrés.. Dans plusieuss parties du même continen,, il rencontrerait les croisements les plus complexes entre des Nègres, des Indiens et des Européens; or, ces triplss combinaisons fournsssent, à en juger par le règne végétal, la preuve la plus rigoureuse de la

K. La Variation des animaux, <^.,y<A.n,V. M.

16. M. deQuatrefages (Anthropolog. Heview, ian. 1869, p. 22) a publié quel-

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190                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [IrePartie]

fécondité mutuelle des formes parentes. Dans une île du Pacifique, il trouverait une petite population, mélange de Polynésiens et d'Angaais; dans l'archipel Fiji, une population de Polynésiens et de Négritos, croisés à tous les degrés. On pourrait citer beaucopp de cas analogues, dans l'Afrique australe, par exemple. Les races humaines ne sont donc pas assez distinctes pour habiter un .même pays sans se mélanger; or, dans les cas ordinaires, l'absenee de mélange fourntt la preuve la plus évidente de la distinction spécifique-Notre naturaliete seratt également très surpris, lorsqulil s'apecevratt que les caractères distinctifs de toutes les races humannes sont extrêmement variables. Ce fait frappe quiconqee observe pour la première fois, au Brési,, les esclaves nègres amenés de toutes les parties de l'Afriqu.. On constaee le même fait chez les Polynésiens et chez beaucoup d'autres races. Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, d'indiquer un caractère quelconqee qui reste constant. Dans les limites même d'une tribu, les sauvagss sont loin de présenter des caractères aussi uniformes qu'on a bien voulu le dire. Les femmes hottentotes présentent certannes parti, cularités plus développées qu'elles ne le sont chez aucune autre race, mais on sait que ces caractères ne sont pas constants.. La couleur de la peau et le développement des cheveux offrent de nombruuses différences chez les tribus américaines; chez les Nègres africains, la couleur varie aussi à un certain degré, et la forme des traits varie d'une manière frappan.e. La forme du crâne varie beaucoup chez quelquss races "; il en est de même pour tous les autres caractères. Or, une dure et longue expéreence a apprss aux naturalistes combien il est téméraire de cherchrr à déterminer une espèce à l'aide de caractères inconstan.s.

Mais l'argument le plus puissant à opposer à la théorie qui veut considérer les races humaines comme des espèces distinctes, c'est qu'elles se confondent l'une avec l'autre, sans que, autant que nous en puissions juger, il y ait eu, dans beaucoup de cas, aucun entrecroisemens. On a étudié l'homme avec plus de soin qu'aucun autre être organisé; cependant, les savanss les plus éminenss n'ont pu se mettre d'accodd pour savorr s'il forme une seule espèce ou deux (Virey), trois (Jacquinot), quatre (Kant), cinq (Blumenbacb), six (Buffon), sept (Hunter), hutt (Agassiz), onze (Pickering), quinze

pSu™Vus )indifnes dliTéTcet de l'TTtAmrh Y8erleïoL-e

a aussi courts et aussi larges que ceux des Tarlares », etc.

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[Chap. Vil]                 LES RACES HUMAINES                              d91

(Bory Sainl-Vincent), seize (Desmoulins), vingt-deux (Morton),

soixanee(Crawfurd)>ousoixante-trois,selonBurke".Cette diversité de jugemenss ne prouve pas que les races humannes ne doivent pas être considérées comme des espèces, mais elle prouve que ces races se confondent les unes avec les autre,, de telle façon qu'il est presque impossible de découvrrr des caractères distinctifs évidenss qui les séparent les unes des autre..

Un naturaliste qui a eu.le malheur d'enrreprendre la description d'un groupe d'organismes très variables (je parle par expérience) a rencontre des cas précisément anologues à celui de l'homm;; s'il . est prudnnt, il finit par réunir en une espèce unique toutes les formes .que se confondent les unes avec les autre,, car il ne se reconnaît pas le drott de donner des noms à des organismes quiil ne peul pas définir. Certaines difficultés de cette nature se présentent dans l'ordee qui comprndd l'homm,, c'est-à-dire pour certains genres de singes, tandss que, chez d'autres genre,, comme le Cercopithèque, la plupatt, des singes se laissent détermnner avec certitud.. Quelques naturalistes affirment que les différentes formes du genre américain Cebus constituent des espèces, d'autres considèrent ces formes comme des races géographiques. Or, si après avoir recueilii de nombreux Cebus dans toutes les parties de l'Amériqee du. Sud, on constatait que des forme,, qui actuellement paraissent spécifiquement distinctes, se confondent les unes avec les autres, on ne manquerait pas de les considérer comme de simples variétés ou de simples races ;.c'est ainsi qu'ont agi la plupatt des naturalistes pour les races humannes. Il faut avouer èependant qu'il y a, tout au moins dans le règne végétal '», des formes que nous ne pouvons éviter de qualifier d'espèces, bien qu'elles soient reliées les unes aux autre,, en dehoss de tout entreccroisement, par d'innombrables gradations.

.. Quelques naturalistes ont récemment employé le terme « sous-espèce p pour désigner des formes qui possèdent plusieurs caractères qui dénotent ordinairement les espèces véritables, sans mériter cependant un rang aussi élevé. Or, si d'une partles raisons importantes que nous avons énumérées ci-dessus paraissent justifier l'élévatinn des races humaines à la dignité d'espèces, nous

;;18. Ce sujet est fort bien discute dans Waitz ilntroductionàl'Anthropolocjie). J'ai emprunté quelques-uns de. ces renseignements à H. Tuttle, Origin and Antiquity of Physical Man, Boston, 1S66, p. 35.

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192               . LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire Pahtk]

rencontrons, d'autre par,, d'insurmontables difficultés adéfinir ces races; il semble donc que, dans ce cas, on pourrait recourir avec avantage à l'emploi du terme < sous-espèce , Mais la longue habtude fera peut-être toujouss préférer le terme « race ». Le choix des termes n'a, d'ailluurs, qu'une importance secondaire, bien qu'il soit à désire,, si faire se peut, que les mêmes termes servent à exprimer les mêmes degrés de différence. Il est malheureusement difficile de réaliser cet objectif, car, dans une même famille, les plus grands

genres renferment généralement des formes très voisines entre lesquelles il n'est guère possible d'établir une distinction, tandss que les petiss genres comprennent des formes parfaitement distinctes; toutes doiven,, cependant, être qualifiées d'espèce., En outre, les espèces d'un même genre considérable n'ont pas entre elles un même degré de ressemblance; bien au contraire, dans la plupatt des cas, on peut grouprr quelques-unes autour d'autres comme des satellites autour des planètes e.

Le genre humann se compose-t-il d'une ou de plusieuss espèces? C'est là une question que les anthropologues ont vivement discutée pendant ces dernières années, et, faute de pouvorr se mettee d'accord, ils se sont divisés en deux écoles, les monogénistes et les polygé-nistes. Ceux qui n'admettent pas le principe de l'évolution doivent considérer les espèces soit comme des créations séparées, soit comme des entités en quelque sorte distinctes; ils doiven,, en conséquence, indiqurr quelles sont les formes humaines qu'ils considèrent comme des espèces, en se basant sur les règles qui ont fait ordinairement attribuer le rang d'espèces aux autres êtres organisés. Mais la tentative est inutile tant qu'on n'auaa pas accepté généralement quelque définiiion du terme « espèce x, définition qui ne doit point renfermrr d'élément indéterminé tel qu'un acte de création. C'est comme si on voulait, avant toute définition,décidei< qu'un certain groupe de maisons doit s'appeler village, ville ou cité. Les interminables discussions sur la question de savorr si l'on doit regader comme des espèces ou comme des races géographiques les Mammifères, les Oiseaux, les Insectes et les Plantes si nombreux et si voisins, qui se représentent mutuellement dans l'Amérique du Nord et en Europ,, nous offrent un exemple pratique de cette difficulté. Il en. est de même pour les productions d'un grand nombee d'iles situées à peu de distanee des continents.

Les naturalistes, au contraire, qui admettent le principe de l'évolution, et la plupattdesjeunesnaturalistespartagent cetteopinion,

20. Origine des espècess P. M.

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[Chap. VII]                 LES RACES HUMAINES                              193

n'éprouvent aucune hésitation à reconnaître que toutes les races humaines descendent d'une souche primitive uniqu;; cela posé, ils leur donnen,, selon quills le jugent à propo,, le nom de races ou d'espècss distinctes, dans le but d'exprimer la somme de leurs différences». Quand il s'agtt de nos animaux domestiques, la question de savorr si les diverses races descendent d'une ou de plusieuss espèces est quelque peu différente. Bien que toutes les races domestique., ainsi que toutes les espèces naturelles appartenant au même genre, soient, sans aucun doute, issues de la même souche primtive, il est encore utile de discuter si, par exemple, toutes les races domestiques du chien ont acquss les différencss qui les séparent aujourd'hui les unes des autres depuis qu'une espèce unique quelconque a été primitivement domestiquée et élevée par l'homm,, ou si elles doivent quelques-uns de leurs caractères à d'autres espèces distinctes, qui s'étaient déjà modifiées elles-mêmss à l'état de natuee et qui leur auraient transmis ces caractères par hérédité. Cette quesiion ne se présenee pas pour le genre human,, car on ne sauratt soutenrr qu'il ait été domestiqué à une période particulière quelle qu'elle soit.

Lorsque, à une époque extrêmement reculée, les descendanss d'un ancêtre commun ont revêtu des caractères distincss pour former les races humaines, les différencss entre ces races devaient être insignfiantes et peu nombreus;s; en conséquence, ces races, au point de vue des caractères distinctifs, avaient moins de titres au rang d'espèces distinctes que les soi-disant races actuelles. Néanmoins, le terme « espèce D est si arbitraire que quelquss naturalistes auraient pu peut-être considérer ces anciennss races comme des espèces distinctes, si leurs différence,, bien que très légères, avaient été plus constantes qu'elle ne le sont aujourd'hui, si elles ne se confondaient pas les unes avec les autre..

Toutefois, il est possible, quoique fort peu probable, que les premiers ancêtres de l'homme aient, tout d'abord, revêlu des caractères^ assez distincss pour se ressembler beaucopp moins que ne le font les races existantes; puis, que plus tard, ainsi que le suggèee Vogt, ces dissemblances se soient effacées par un effet de convergence". Lorsqee l'homme croise, pour obtenrr un but déterminé, les descendanss de deux espèces distinctes, il provoqee quelquefois, au point de vue de l'aspect généra,, une convergenee qui peut être considérab.e. C'est ce qui arrive, ainsi que le démontre Von Na-

21.  Professeur Hux)ey; Fortnigthly Remew, 1865, p. 275. ' ,

22.  ~eçons sur l'Homme, p. m.                    - -                           ...

13

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194                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ie Partie!

thusius» chez les races améliorées de porcs qui descendent de deux espèces distinctes; et d'une manière un peu moins sensible pour les races améliorées de bétail. Un célèbre anatomiste, Gra-tiolet, affirme que les singes anthropomorphes ne forment pas un sous-groupe naturel; il affirme que l'Orang est un Gibbon ou un Semnopithèque très développé, le Chimpanzé un Macaque très développé et le Gorille un Mandrill très développ.. Si nous admettons cette conclusion, qui repose presque exclusivement sur les caractères cérébraux, nous avons un exemple de convergence, au moins dans les caractères externes, car les singes anthropomorphes se ressemblent certainement par beaucoup plus de points qu'ils ne ressemblent aux autres singes. On peut considérer toutes les ressemblances analogues, comme celle de la baleine avec le poisson, comme des cas de convergnnce; mais ce terme n'a jamass été appliqué à des ressemblances superficielles et d'adaptation. Dans la plupatt des cas, il seratt fort téméraire d'attribuer à la convergnnce une similitude étroite de plusieuss points de conformation chez les descendants modffiés d'êtres très différents. Les forces molécuaaires seules déterminent la forme d'un crista;; il n'y a donc rien d'étonnant à ce que des substances dissemblables puissett parfoss revêtrr une même forme; mais nous ne devons pas perdee de vue que la forme de chaque être organisé dépend d'une infinité de relaiions complexes, au.nombre desquelles il faut compter des variations provoquées par des causes trop embrouillées pour qu'on puisse les saisrr toutes; la natuee des variations qui ont été conservées, et cette conservation dépend des condiiions physiques ambiantes, et plus encore des organismes environnants avec lesquels chacun d'eux a pu se trouvrr en concurrence; eniin lés caractères hérédtaires (élément si peu stable) transmss par d'innombrables ancêtres, dont les formes ont été détermnnées par des relatioss également complexe.. Il semble donc inadmissible que les descendants modifiés de deux organismes, différant l'un de l'autre d'une manière sensible, puissent, plus tard, converger à tel point que l'ensemble. de leur organisation approche de l'identité. Pour en revenrr à l'exempee que nous avons cité tout à l'heure, Von Nathusius constate que, chez les races convergentes de porc,, certains os du crâne ont conservé des caractères qui permettens de prouvrr qu'elles descendntt de deux souches primitives. Si les races humaines descendaien,, comme le supposent quelquss naturalistes, de deux ou

23. Die Raoen des ScMveines, 1860, p. 16, ~orUudien für Geschichte, etc. &chweineschàdel, 1864, p. 104. Pour le bétail, voir M. de Quatrefages, Unité de l'espèce humaine, mi,p. 119.

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[Chap. VU]                  LES RACES HUMAINES                             195

de plusieuss espèces distinctes, aussi dissemblables l'une de l'autre que l'Orang l'est du Gorille, il n'est pas douteux que l'on pourrait encore constater chez l'homm,, tel qu'il existe aujourd'hui, des différences sensiblss dans la conformation de certains os.

Les races humannes actuelles présentent à plusieuss égards de nombreuses différence;; ains,.par exemple, la couleu,, les cheveux, la forme du crâne, les proportions du corps, etc,, offrent d'infinies variations; cependant, si on les considèee au point de vue de l'ensemble de l'organisation, on trouve qu'elles se ressemblent de près par une multitude de points. Un grand nombee de ces poinss sont si insignifiants ou de natuee si singulière qu'il est difficile de supposer qu'ils aient été acquss dune manièee indépendante par des espèces ou par des races primitivement distinctes. La même remarque s'applique avec plus de force encore, quand il s'agtt des nombreux points de ressemblance mentaee qui existent entre les races humaines les plus distinctes. Les indigènss américains, les Nègres et les Européens, ont des qualités intellectuelles aussi différentes que trois autres races quelconques qu'on pourrait nomme,, cependant, tandss que je vivais avec des Fuégeens, à bord du Beagle, j'observai chez ces derniers, de nombreux petits traits de caractère, qui prouvaient combien leur esprtt est semblabee au nôtre, je fis la même remarque relativement à un Nègre pur sang avec lequel j'ai été autrefois très lié.

Quiconque lit avec soin. les intéressants ouvragss de M. Tylor et de sir J. Lubbock" ne peut manquer de remarquer la ressemblance ' qui existe entre les hommss appartenant à toutes les races, relativement aux goûts, au caractère et aux habitudes. C'est ce que prouve le plaisir qu'ils prennent tous à danse,, à exécuter une musique grossière, à se peindre, à se tatouer, ou à s'orner de toutes les façons; c'est ce que prouve aussi le langaee par gestes qu'ils comprennent tous, la similitude d'expression de leurs traits, lés mêmes cris inarticulés, qu'excitent chez eux les mêmes émotion.. Cette simiiitude, ou plutôt cette identité, est frappante, si on l'oppose à la différence des cris et des expressions quaon observe chez les espèces distinctes des singes. Il est facile de prouvrr que l'ancêtre commun de l'humanité n'a pas transmss à ses descendanss l'art de tirer avec l'arc et les flèches; cependant, les pointes de flèches en pierr,, provenant des parties du globe les plus éloignéss les unes des autre,, et fabriquées aux époques les plus reculée,, sont

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~96                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire pART,K]

presque identiques, comme l'ont démontré Westropp et Nilsson.. Ce fait ne peut s'expliquer que d'une seule façon, c'est-à-dire que les races diverses possèdent la même puissance inventiee ou, autrement dit, des facultés mentales analogues. Les archéologues ont fait la même observation « relativemenl à certains ornemenss très répandus, comme les zigzag,, etc,, et par rappott à certaines croyances et à certannes coutumss fort simples, telles que l'usage d'enfourr les morss sous des constructions mégalithiques. Dans l'Amérique du Sud», comme dans tant d'autres partiss du nionde, l'homme a généralement choisi les sommess des hautes collines pour y élever des monceaux de pierres, suit pour rappeler quelque événement mémorable, soit pour honorer les morts.

Or, lorsque les naturalistes remarquent uneggrande similitude dans de nombreux petits détails portant sur les habitudes, les goûts et les caractères entre deux ou plusieuss races domestiques, ou entre des formes naturelles très voisine,, ils voient dans ce fait une preuve que ces races descendent d'un ancêtre commun doué des mêmes qualités; en conséqunnce, ils les groupent toutes dans une même espèce. Le même argument peut s'appliquer aux races humaines avec bien plus de force encore.

Il est improbable que les nombreux poinss de ressembaance si insignifiants parfoss qui existent entre les différeness races humaines et qui porteni aussi bien sur la conformation du corps que sur les facultés mentales (je ne parle pas ici des coutumss semblables) aient tous été acquis d'une manière indépendante; ils doivent donc provenrr par hérédité d'ancêtres qui possédaient ces caractères. Cela nous permet d'entrevoir quel étatt le premier état de l'homme avant qu'il se fût répandu graduellement dans toutes les parties du monde. Il est évident que l'homme alla peupler des régtons largement séparées par la mer, avant que des divergences considérables de caractères se soient produites entre les diverses races, car autrement on rencontrerait quelquefois la même race sur des continenss distincts, ce qui n'arrive jamais. Sir J. Lubbock, après avoir compaéé les arts que pratiquent aujourd'hui les sauvagss dans toutes les parties du monde, indique ceux que l'homme ne pouvatt pas connaître, lorsqulil s'est pour la première fois éloigné de sa patrie originelle ; car on ne peut admettre qu'une fois acquise

ses

25.1I.-M. Westropp,Onanalogous forms ofimplements; Memo:rsof Anlhrop.

Scienlific Opinion, p. 3, juin 1869. 27. Journ. of Researches; Voyage of the Beagle, p. 46.

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[Chap. VU]                  LES RACES HUMAINES .                          197

ces connasssances pussent s'oublier-. Il prouve ainsi que là t lance, simple développement du couteau, et la massu,, qui n'est qu'un long marteau, sont les seules armes que possèdent toutes les races ». Il adme,, en outre, que l'homme avatt probablement déjà découvett l'art de faire le feu, car cet art est commun à toutes les races existantes, et il était pratiqué par les anciens habitants des cavernes de l'Europ.. Peut-être l'homme connasssait-il aussi l'art de construire de grossières embarcations ou des radeaux; mais, comme l'homme existait à une époque très reculée, alors que là terre, en bien des endroits, se trouvait" à des niveaux très différents de ceux qu'elee occupe aujourd'h,i, on peut supposer quill a pu occuper de vastes régions sans l'aide d'embarcations. Sir J. Lub-bock/ait remarquer, en outre, que probablement nos ancêtres les plus reculés ne savaient pas compter jusqu'à dix, car beaucoup de races actueless ne savent pas compter au delà de quatre. Quoi qu'il en soit, dès cette antique périod,, les facultés intellectuelles et sociales de l'homme devaeent être à peine inférieures à ce que sont aujourd'hui celles des sauvagss les plus grossiers; autrement l'homme primordial n'aurait pas si bien réussi dans la lutte pour l'existence, succès que prouve sa précoee et vaste diffusion. . Quelques philologues ont conclu des différences fondamentales qui existent entre certains langages, que, lorsque l'homme a commencé à se répandre sur la terre, il n'étatt pas encore doué de la parole; mais on peut supposer que des langages, bien moins parfaits que ceux actueltement en usage et complétés par des gestes, ont pu exister sans cependant avoir laissé de traces sur les languss plus développées qui leur ont succédé. Il paraît douteux que, sans l'usage de quelque langag,, si imparfait qu'il fût, l'intelligence de l'homme eût pu s'élever au niveau qu'implique sa position dominante à une époque très reculée.

Nos ancêtres méritaient-ils le nom d'hommes, alors qu'ils ne connasssaient que quelquss arts très grossiers, et qu'ils ne possédaient qu'un langage extrêmement imparfait? Cela dépend du sens que nous attribuons au mot homme. Dans une série de formes partant de quelque être à l'apparence simienne et arrivant graduellement à l'homme tel qu'il existe, il seratt impossible de fixer le point défini auqull le terme « homme '» devratt commencer à s'appliquer. Mais cette questinn a peu d'importance; il est de même fort indifférent qu'on désigne sous le nom de « races » ses diverses variétés humannes, ou qu'en emploie les expressions e espèces »

28. Prehisloric Times, 1869, p. 571.

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ou « sous-espèces, » bien que cette dernière désignation paraisee la plus convenable. Enfin, nous pouvons conclure que les principes de l'évolution une fois généralement acceptés, ce qui ne tardeaa plus bien longtemps, la discussinn entre les monogénistes et les poly-génistes aura vécu.

Il est encore une question quill ne faut pas laisser dans l'ombee : chaque sous-espèce ou race humaine descend-elle, comme on l'a quelquefois affirmé, d'un seul couple d'ancêtres? On peu,, chez nos animaux domestiques, former aisément une nouvelee race au moyen d'une seule paire présentant quelque caractère particulr,r, ou même d'un individu unique qui possède ce caractère, en appariant avec soin sa descendance sujetee à variation. Toutefois, la plupart de nos races d'animaux domestiques ne descendant pas d'un couple choisi à dessein, elles résuttent de la conservation, inconsciente pour ainsi dire, d'un grand nombre d'individus qui ont varié, si légèrement que ce soit, d'une manière avantageuse ou désirable. Si, dans un pays quelconque, on préfèee des chevaux forts et lourd,, et, dans un autre, des chevaux légers et rapides, on peut être certann qu'il se formera, au bout de quelque temp,, deux sous-races distinctes, sans qu'on ait trié ou fait reproduire des paires ou des individss particulisrs dans les deux pays. Telle est évidemment l'origine de bien des races, et ce mode de formatinn ressembee beaucoup à celui des espèces naturelles. On sait aussi que les chevaux importés dans les îles Falkland, sont devenu,, après quelquss générations, plus petits et plus faibles, tandss que ceux qui ont fait retour à l'état sauvage dans les Pampss ont acquss une tête plus forte et plus commun;; il est hors de doute que ces changements ne proviennent pas de ce qu'une paire quelconque a été exposée à certaines conditions, mais. de ce que tous les individus ont été exposés à ces mêmes conditions, et peut-être aussi des effets du retou.. Les nouvelles sous-races ne descendent, dans aucun de ces cas, d'une paire uniqu,, mais d'un grand nombee d'individus qui ont varié à des degrés différents, mais d'une manière générale; or, nous pouvons concluee que les mêmes principes ont présidé à la formation des races humaines; les modifications qu'elles ont subies sont le résultat direct de l'exposition à des condiiions différentes, ou le résultat indirect de quelque forme de sélection. Nous aurons à revenrr bientôt sur ce dernier poin..

ExtincUondesraceshumaines.-LihistoireenreSistreYextinclion partielle ou complète de beaucoup de races et de sous-races humaine.. Humboldt a vu dans l'Amérique du Sud un perroquet, le

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[Chap. VII]        EXTINCTION DES RACES HUMAINES                   ~99

seul être vivant qui parlât encore la langue d'une tribu éteinte. Les anciens monumnnts et les instruments en pierre qu'on trouve dans toutes les parties du monde et sur lesquess les habitants actuess n'ont conservé aucune tradition, témoignent d'une très grande extinction. Quelques petites tribu,, restes de races antérieures, survivett encore dans quelquss districts isolés et ordinairement montagneux. Les anciennes races qui peuplaient l'Europe étaien,, d'après Schaaffhausen», < inférieures aux sauvagss actuess les plus grossiers », elles devaient donc différe,, dans une certaine mesure, des races existantes. Les restes provenant des Eyzies, décrits par le professeur Broca", parasssent malheureusement avoir appartenu à une famllle unique; ils semblent provenir, cependant, d'une race qui présentait la combinaison la plus singulière de caractères bas 'et simiens avec d'autres caractères d'un ordre supérieu;; cette race diffère « absolument de toute autre race, ancienne ou modern,, que nous connasssions t. Elle différatt donc de la race quaternaire des cavernes de la Belgiqu..

L'homme peut résister longtemps à des conditions physiques qui parasssent extrêmement nuisibles à son existence3'. Il a habité, pendant de longues périodes, les régions extrêmss du Nord, sans bois pour construire des embarcations ou pour fabriquer d'autres instruments, n'ayant qne de la graisse comme combustible et de la neige fondue comme boisson. A l'extrémité méridionale de l'Amérique du Sud, les Fuégeens n'ont ni vêtements, ni habitations méritant même le nom de huttes, pour se défendee contre les intempéries des saison.. Dans l'Afrique australe, les indigènss errent dans les plaines les plus aride,, où abondent les bêtes dangereus.s. L'homme supporte l'influenee mortelee des Terai au pied de l'Himalay,, et résiste aux effluves pestilentiels des côtes de l'Afrique

^l'extinction est principalemtnt le résultat de la concurrence qui existe entre les tribus et entre les races. Divers freins, comme nous l'avons indiqué dans un chapitre précéden,, sont constamment en action pour limiter le nombre de chaque tribu sauvage : ce sont les famines périodiques, la vie erranee des parents, cause de grande mortalité chez les enfants, la durée de l'allaitement, l'enlèvement des femmes, les guerres, les accidents, les maladies, les dérèglements, l'infanticide surtout, et principalement un amoindrissement de fé-

29.  Traduit dans Anthropological Reviev, oct. 1868, 431.

30. Transact. InternatXongr^ofPrehistoricArch.^S, pp.172-17*. Broca,

ATZtl\Ct?ZïyeZrdas'Aussterben derNaturvôlker, p. 82, 1868.

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a

200                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire Partie]

condité. Si une de ces causes d'arrêt vient à s'amoindr,r, même à un faible degré, la tribu ainsi favorisée tend à s'accroître; or, si, de deux tribus voisine,, l'une devient plus nombreuse et plus puissante que l'autre, la guerre, les massacres, le cannibalisme, l'esclavage et l'absorption mettent bientôt fin à toute concurrence qui peut exister entre elles. Lors même qu'une tribu plus faible ne disparatt pas, brusquement balayée, pour ainsi dire, par une autre, il suffît qu'elle commenee à décroître en nombre, pour continurr généralement à le faire jusquàà son extinction complète ».

La lutte entre les nations civilisées et les peuples barbares est très courte, excepté toutefois là où un climat meurtrier vient en aide à la race indigèn;; mais, parmi les causes qui déterminent la victoire des nations civilisée,, il en est qui sont très claires et d'autres fort obscure.. Il est facile de comprendre que les défrchemenss et la mise en cultuee du sol doivent de toutes les façons porter un coup terrible aux sauvages, qui ne peuvent pas ou ne veulent pas changrr leurs habitudes. Les nouveless maladies et les vices nouveaux que contractent les sauvagss au contact de l'homme civilisé constituent une cause puissante de destruction; il paratt qu'une nouvelee maladee provoqee une grande mortalité, qui dure jusqu'à ce que ceux qui sont le plus susceptibles à son action malfaisante soient graduellement éliminés". Il en est peut-être de même pour les effets nuisibles des liqueuss spiritueus,s, ainsi que du goût invétéré que tant de sauvagss ont pour ces produits. Il semble, en outre, si mystérieux que soit le fait, que le contact de peuples distincss et jusqu'alors séparés engendee certaines maladies». M. Sproata étud'é avec beaucoup de soin la quesiion de l'extinction dans l'ile de Vancouver; il affirme que le changement des habitudes, qui résulte toujouss de l'arrivée des Européens, provoqee un grand nombee d'indispositions. Il insiste aussi beaucoup sur une cause en apparence bien insignifiante : le nouveau genre de vie qui entouee les indigènes les effare et les attriste; « ils perdent tous leurs motffs d'efforts, et n'en substituent point de nouveaux à la place"».

Le degré de civilisation constitue un élément très important pour assurer le succès d'une des nations qui entrent en concurrence.

32.  Gerland (op. c., p. 12) cite des faits à l'appui.

33.  Sir H. Holland fait quelques remarques à ce sujet dans Medical Notes

QiïHXi JXO/ltJvbWItdj lOOt'j p. OV\J.

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[Chapp VII]        EXTINCTION DES RACES HUMAINES                   201

L'Europe, it y a quelquss siècles, redoutait les incursioss des barbares de l'Orien;; une pareille terreur seratt aujourd'hui ridicule. Il est un fait plus curieux qu'a remarqué M. Bageho,, c'est que les sauvagss ne disparaissaient pas devant les peuples de l'antiquité comme ils le font actuellement devant les peuples modernss civilisé;; s'il en avatt été ains,, les vieux moralistes n'auraient pas manqué de méditer cette qùesiion, mais on ne trouv,, dans aucun auteur de cette périod,, aucune remarque sur l'extinction des peuples barbares».

Les causes d'extinction les plus énergiques semblent être, dans bien des cas, l'amoindrissement de la fécondité et l'état maladff des enfants; ces deux causes résuttent du changement des condtions d'existence, bien que les nouvelles conditions n'aient en elles-mêmes rien de nuisibl.. M. II.-II. Howorth a bien voulu appeler mon attention sur ce point et me fournrr de nombreux renseignements. Il convient de citer quelquss exemples à cet égard.

Au moment de la colonisation de la Tasmanie, certains voyageuss estimaentt à 7,000, d'autres à 20,000, le nombre des indigènes. En tout cas, et quel qu'att pu être le chiffre de la popuaation, le nombre des indigènss diminua bientô,, en conséquence de luttes perpétuelles, soit avec les Anglais, soit les uns avec les autre.. Après la fameuee chasse au sauvage à laquelee prirent part tous les colons, il ne restatt plus que 120 Tasmaniens qui firent leur soumsssion entre les mains des autorités anglaises et à qui on voulut bien accordrr la vie ». En 1832, on transporta ces 120 individss dans l'îleFlinders. Cette île, située entre la Tasmanee et l'Australie, a 64 kifomètres de longueur sur une largeur qui varie entre 19 et 22 kilomètres; le climat est sain et les nouveaux habitants furent bien traités. Quoi qu'il en soit, leur santé reçut une rude atteinte. En 1834, on comptait (Bonwic,, p. 250) 47 hommss adultes, 48fem-mes adultes, et 16 enfants; en tout 111 individus; en 1835, ils n'étaient plus que 100. Comme ils continuaient à diminurr rapidement en nombee et qu'ils étaient persuadés qu'ils ne mourraient. pas sirapidementdansune autre localité, onles transporta, en 1847, dans la baie d'Oyster, située dans la partie méridionale de la Tasmanie. La peuplade se compoaait alors, 20 décembee 1847, de 14 homme,, 22 femmes et 10 enfanss'». Ce changement de ré-

Tasmanians* 1870.                   «

38. Ces chiffres sont empruntés au rapport du gouverneur de la Tasmanie, sir W. Denison, Varielies of Vice-Regal Life, 1870, vol. I, p. 67.

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202                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PARTIE]

sidence n'amena aucun résultat. La maladee et la mort poursuivaient encore ces malheureux et, en 1864, il ne restatt plus qu'un homme (qui mourut en 1869) et trois femmes adultes. La perte de la fécondtté chez là femme est un fait encore plus remarquable que la tendance.à !a maladee et à la mor.. A l'époqee où il ne restait plus que 9 femmes à la baie d'Oyster, elles dirent à M. Bon-wick (p. 386) que deux d'entee elles seulement avaient eu des enfanss et, entre elles deux, elles n'avaient donné le jour qu'à trois enfanss!

Le Dr Story cherche à approfondir les causes de cet état de choses; il fait remarquer que les efforts tentés pour civiliser les sauvages amènent invariablement leur mor.. « Si on les avait laissés errer à loisir comme ils en avaient l'habitude, ils auraeent élevé plus d'enfanss et on auratt constaté chez eux une mortalité moins grand.. » M. Davis, qui a aussi étudié avec beaucoup de soin les habitudes des sauvages, fait de son côté les remarques suivantes : « Les naissances ont été fort restrenntes et les décès nombreux. Cet état de choses a dû provenrr en grande pariie du changement apporté à leur mode de vie et à la natuee de leur alimentation; mai,, plus encore, du premerr changement de résidenee qu'on leur aimposéetdesregressprofondsquiontdûen être ta conséquence. » (Bonwcck, pp. 338, 390.)

On a observé des faits analoguss dans deux parties très différentes de l'Australie. M. Gregory, le célèbre explorateur, a afArmé à M. Bonwick que, dans la. colonie de Queensland, « on constate, même dans les parties les plus récemment colonisée,, une diminution des naissances chez les indigènss et qu'en conséquence le nombre de ces derniers décroîtra bientôt dans de vastes proportions ». Douze indigènes sur treize, originaires de la baie du Requin, qui vinrent s'établir sur les bords du fleuve Murchsson, moururent de la poitrine pendant les premiers trois mois ».

M. Fenton, dans un admirable rappott auque,, sauf une exception, j'emprunte tous les faits qui vont suivre, a étudié avec soin la progression et les causes de la diminution des Maories de la Nouvelle-Zélande <°. Tous les observateurs, y compris les indigènes eux-mêmes, admettent que, depuss 1830, les Maories diminuent en nombee et que cette diminution s'accentue chaque jour. Bien qu'on n'att pu jusquàà présent procédrr au recensement exact des indi-

39. Bonwick, Daily Life of the Tasmanians, 1870, p. 90; The last ofthe Tas-

lit—ï asr-—" * *—' **» -

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[ChapP VII]         EXTINCTION DES RACES HUMAINES                   203

gènes, le nombee des famlless a été évalué avec soin par les personnes habitant plusieuss distrccts, et ilsemble qu'on puisse se fier à cette évaluation. Les chiffres obtenus prouven' que, pendant les quatorze années qui ont précédé 1858, la diminution s'est élevée à 19.42 p. 100. Quelques tribus sur lesquelles ont porté les observations les plus parfaites habitaient des régions séparéss par des centaines de kilomètres, les unes sur le bord de la mer, les autres bien loin dans l'intérieur des terres; les moyens de subsistance et les habitudes différaient donc dans une grande mesure (p. 28). En 1858, on évaluait le nombee total des Maories à 53,700; en 1872, après un autre intervalle de quatorze ans, on n'en trouve plus que 36,359, soit une diminution de 32.29 p. 100 « {.Après avoir démontré que les causes ordinairement invoquées, telles que les nouvelles maladies, le dérèglement des femmes, l'ivrognerie, les guerres, etc., ne sauraient suffire à expliquer cette dimnnution extraordinaire, M. Fenton, qui s'est livré à une étude approfondie du sujet, crott pouvoir l'attribuer à la stérilité des femmes, et à la mortalité extraordinaire des jeunss enfanss (pp. 31, 34). Comme preuve à l'appu,, il indique (p. 33) qu'on comptait, en 1844, un enfant pour 2.57 adultes, tandss qu'en 1853, on ne comptait plus qu'un enfant pour 3.27 adultes. La mortalité des adultes est aussi considérable. M. Fenton invoque encore comme une autre cause de la diminution la disproportion numérique entre les hommes et les femmes; il naî,, en effet, moins de filles que de garçons. Jerevien- " dra,, dans un chapitre subséquent, sur cette dernièee assertion qui dépend peut-être d'une raison entièrement différente. M. Fenton insisee avec un certain étonnement sur la diminution de la population dans la Nouvelle-Zélande et sur son augmentation en Irland,, deux pays dont le climat se ressembee beaucoup et dont les habitants ont à peu près aujourd'hui les mêmes habitudes. Les Maories eux-mêmss (p. 35) t attribuent', dans une certaine mesure, leur diminution à l'introduction d'une nouvelle alimentation, à l'usage des vêtements, et aux changements d'habitudes qui en ont été la conséquence x; nous verron,, en étudiant l'influence que le changement des conditions d'exsstence a sur la fécondité, qu'ils ont probablemntt raison. La diminution de la population a commenéé entre 1830 et 1840; or, M. Fenton démontre (p. 40) qu'ils ont découvert vers 1830 l'art de préparer les tiges du maïs en les faisant longtemss séjournrr dans l'eau et quills s'adonnèrent beaucopp à cette préparation; ceci indique qu'un changement d'habitudes se

4L Alex. Kennedy, New Zealand, 18i3, p. 47.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[irePart1E]

produisait chez les indigènes,a]ors même qu'il y avait très peu d'Européens à la Nouvelle-Zéfand.. Quand je visitai la Baie des Iles, en 1835, le costume et le mode d'alimentation des indigènss s'éta,ent déjà considérablement modifiés; ils cultivaient des pommes de terre, du maïs, et quelquss autres produits agricoles quills échan-

furésent avee l6S AngIaiS C°ntre ^ tabac ^ d6S FOdUitS manUfaC" Il ressott de plusieuss notes pubiiées dans .l'histoire de la vie de l'évéque. Patteson" que les indigènes des Nouvelles-Hébrides et de plusieuss archipels voisins succombèrent en grand nombee quand on les transporta à la Nouvelle-Zélande, à l'Ile Norfolk et dans d'autres statioss salubres pour les y é)ever comme missionnaires. On sait que la population indigène des îles Sandwchh diminue aussi rapidement que celle de la Nouvelle-Zélande. Les voyageurs les plus autorisés évaluaient à environ 300,000 habitants la population des îles Sandwich lors du premier voyage de Cook en 1779. D'après un recensement imparfait opéré en 1823, le nombee des indigènes s'élevatt alors à 142,050. En 1832, et depuis à diversss périodes, on a procédé à un recensement officiel ; je n'ai pu malheureusement me procurer que les renseignements suivanss :

ANNÉES.

roi'OLATiox ixdioèxb

(En 1832 et en 1S36 les quelques étrangers habitant les lies sont compris dans les chiffres ci-dessous.)

Proportion annuelle do la d.m.nution pour 100, on ~dmettant que cette diminution ait été uniforme dans l'intervalle des différents recensements qui onr été faits h dea intervalles irré-fe-uliers.

1832 1836 1853 1860 1866 1872

1301313

108.579

. 71.019

67.081 !

58.765

51.531 -j

4.46 2.47 0.81 2.18 2.17

Il résutte de ces chiffres que, pendant un intervalle de quarante ans, de 1832 à 1872, la population indigène a diminué de 68 p. 100! La plupatt des savanss ont attribéé cette diminution à la mauvaise conduite des femmes, aux guerres meurtrières, au travail forcé imposé aux tribus vaincues, à de nouveless maladies introduites parles

42. C.-M. Younge, Life of J.-C. Patteson, J874; voir surtout vol. I, p. 530.

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[Chap. VII]        EXTINCTION DES RACES HUMAINES                   205

Européens, lesquelées, dans quelques cas, ont provoqéé de véritables . épidémies. Sans doute, ces causes et d'autres faits analoguespeuvent expiiqurr dans une certaine mesuee le décaissemenl extraordinaire de population que l'on observe entre les années 1832 et 1836; mais nous croyons que la cause la plus puissanee est l'amoindrissement de la fécondits des indigènes. Le docteur Ruschenberger, de la marine des États-Un,s, qui a visité les îles Sandwicb entre 1835 et 1837, affirme que, dans un district de l'île Hawa,, 25 hommss sur 1134 et, dans un autre distrctt.de la même ile, 10 seulement sur 637 avaient 3 enfants; sur 80 femmes mariée,, 39 seulement avaient eu des enfants; un rappott officiel remontant à cette époque n'indique que 1 demi-enfant pour chaque couple marié comme la moyenne des naissances dans l'ile entièr.. Cette moyenne est presque identiqee àcelee des Tasmaniens à la crique d'Oyster. Jarve,, qui a pubiié en 1843 une histoire des îles Sandwich, dit que « les familles qui ont trois enfanss .sont exonérées de tout impô;; on concède des terres et on accorde d'autres encouragements à celles qui ont quatre enfants ou davantage ,. Ces dispositions extraordinaires du gouvenement suffiraient à prouvrr combien cette race est devenue peu féconde. Le révérend A. Bishop, dans un article publié par le Spec-tator d'Hawaïen 1839, constaee que beaucoup d'enfanss mouraient alors en bas âge et l'évêque Staley m'apprenp qu'il en est toujouss ains.. On a attribué cette mortalité au peu de soin des femmes pour les enfants, mais je pense qu'il convient de l'attribuer surtout à une faiblesee innée de constitution chez les enfants, conséquence de l'amoindrissement de la fécondité chez les parents. On peut constater, en outre, une nouvelle ressemblance entre les indigènss des îles Sandwich et ceux de la nouvelle Zétande; nous faisons allusion au grand excès des garçons sur les filles; le recensementde 1872 indique, en effet, 31,650 mâles contre 25,257 femelles de tout âge, ' c'est à dire 125.36 mâles pour 100 femelles, alors que, dans tous les pays civilisé,, le nombee des femmes excède celui des homme.. Sans aucun doute, la conduite dévergondée des femmes peut en partie expliquer l'amoindriesement de leur fécondité, mais la cause principale de cet amoindrissemtnt est, sans contred,t, le changement des habitudes d'exsstence, cause qui explique en même temps l'augmentation de la mortalité surtout chez les enfants. Cook visita les îles Sandwich eu 1779; Vancouvrr y débarqua en 1794,et elles recurent ensutte les visites de nombreux baleiniers. Les missionnaires arrivèrent en 1819; le roi avatt déjà aboli l'idolâtrie et effectué d'autres réformes. Dès cette époque, il se produisit un changement rapide dans presqu. .toutes les habitudes des indigènes, et on pu''

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206                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire PaRtie]

bientôt les considérer àjuste titre comme les plus civilisés.de tous les Polynésiens. M. Coan, né dans les îles Sandwich, m'a fait remarquer avec raison que, clans le cours de cinquante ans, tes indigènes ont été soumis à un plus grand changement des' habitudes d'existence que les Anglass pendant une période de mille ans. L/évè-que Staley affirme, il est vra,, que l'aiimentation des classes pauvres n'a pas beaucoup chang,, bien qu'on ait introdutt dans les !tes beaucoup d'espèces nouvelles de fruits, surtout la canne à sucre. Il faut ajouter que, désireux d'imiter les Européens, tes indigènss changèrent presque immédiatement leur manière de se vêtir et s'adonnèrent généralement à l'usage des boissons alcooliques. Bien que ces changements ne parasssent pas avoir grande importance, je crois, si l'on en juge par ce qui se passe chez les animau,, qu'ilr ont dû tendre à amoindrir la fécondité des indigènes».

Enfin, M. Macnamara " constaee que les habitants si dégradss des îles Andaman, dans la partie orientale du golfe du Bengale, sont très sensiblss à un changement de clima;; « si on les enlève à leur patrie, on les condamee à une mort presque certanne, et cela indépendamment d'un changement d'alimentation ou de toute autre circonstanee ». Il affirme, en outre, que tes habitants de la vallée du Népaul qui est extrêmement chaude en été, ainsi que tes habitants des régions montagneuses de l'Inde, souffrent de la fièvre et de la dysenterie quand ils descendntt dans les plaine,, et meurent certainement s'ils essayent d'y passer toute t'année.

It résulte de ces remarques que la santé des races humannes les plus sauvagss est prorondément atteinte, quand on essaye de les soumettre à de nouvelles conditions d'existence ou à de nouvelles habttudes, sans quill soit nécessaire de les transporter sous un nouveau clima.. De simples changements d'habitude, bien qu'ils ne semblent avoir aucune importance, ont ce même effet qui, d'ordnaire, seproduitchezlesenfants. On a souvent affirmé, comme le fait remarquer M. Macnamara, quel'homme peutsupporteravecimpunité les plus grandss différences de climat et résister à des changements considérables des condiiions d'existence, mais cette remarque est

43. J'ai emprunté les divers faits cités dans ce paragraphe aux ouvrages sui-

p. 378, cite Ruschenbereer. Sir L. Belcher, Voyage roundth« world,1843, vol. I, p. 272. M. Coan et le D-Yoomans de New-York ont bien voulu me communi-quer les recensements que j'ai cités. Dans la plupart des cas, j'ai comparé les chiffresduD'Youmans avecceuxindiqués dans lesdiversouvrages que je viens de citer. Je ne me suis pas servi du recensement de 1850, les chiffres ne me

^TheT^Teaical GazeUe, I» nov. 1871, p. 240.

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[Chap. VII] - EXTINCTION DES RACES HUMAINES                   207

seulement vraie quand elle s'applique aux races civilisée.. L'homme à l'état sauvage semble sous ce rappott presque aussi sensible que ses plus prochss voisins, les singes anthropoïdes, qui n'ont jamais survéuu longeemss quand on les a exilés de leur pays nata..

La diminution de la fécondité résultant du changement des conditions d'existence, comme nous venons de le voir chez les Tasma-niens, chez les Maories, chez les Havafens, et probablement aussi chez les Australiens, présenee encore plus d'intérêt que leur extrème susceptibilité à la maladee et à la mor;; en effet, la moindee diminution de fécondité combinée à ces autres causes tend à arrêter l'accroissement de la popuaation et condutt tôt ou tard à l'extinction. On peut, dans quelquss cas, expliqurr la. diminution de la fécondité par la mauvaise conduite des femmes, chez les Tahitiens, par exempe,, mais M. Fenton a démontré que cette explication ne saurait suffire, quand il s'agtt des Nouveaux-Zélandais ou des Tasma-niens.

M. Maenamara, dans le mémorre que nous avons cité plus hau,, s'efforce de démontrer que les habitants des régions pestllentielles sont ordinairement peu féconds; mais cette remarque ne peut s'appliquer dans plusieuss des cas que nous avons cités. Quelques savants ont suggéré que les habitants des îles deviennent peu féconds et contractent de nombreuses maladies par suite de croise, 'ments consanguins très répétés; mais la perte de la fécondité, dans les cas que nous venons de citer, a coïncidé trop étroitement avec l'arrivée des Européens pour que nous puissions admettre cette explication. D'ailleurs, dans l'état actuel de la science, nous n'avons aucune raison de croire que l'homme soit très sensible aux effets déplorables des unions consanguines, surtout dans des régions aussi étenduss que la Nouvelle-Zélande et que l'archipel des Sandwich qui présentent de nombreuses différencss de clima.. On sai,, au contraire, que leshabitanss actuess de l'île Noofolk, de même que les Todas dans l'Inde et les habitants de quelquss îles sur la côte occidentale de l'Écosse, sont presque tous cousins ou prochss parents, et rien ne prouve que la fécondité de ces tribus ne soit amoindrie". L'exempee des animaux inférieuss nous fourntt une explication bien plus probable. On. peut démontrer'eue le changement des conditions d'existence influe à un point extraordinaire sur le sys-

Norfolk,

,„ir sir W. D,m,„„, Vart,U„ .f "' "!,' W, -I. 1,1SI0, p. «0. Po.r i.. .

mars à juin 1863.

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208                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Partie]

tème reproducteur, sans que nous puissions, d'allleurs, indiquer les raisons de cette action; cette influenee amène, selon les cas, des résuitass avantageux ou nuisibles. J'ai cité à ce sujet un grand nombee de faits dans le chapitre xvni de la Variation des animaux et des plantes à l'état domestique; je me bornerai donc à rappeler ici quelquss exemples et à renvoyer ceux que ce sujet peut intéresser à l'ouvrage que je viens d'indiquer. Des changements de condition très minimes ont pour effet d'augmenter la santé, la vigueur et la fécondité de la plupatt des êtres organisés; d'autres changements, au contraire, ont pour effet de rendre stériles un grand nombre d'animaux. Un des exempess les plus connus est celui des éléphants apprivoisés qui ne reproduisent pas dans l'Inde, tandss qu'ils se reproduisent souvent à Ava où on permet aux femelles d'errer dans une certaine mesure dans les forêts et que l'on replace ainsi dans des conditioss ph.s naturelles.

On a élevé en captivité, dans leur pays nata,, divers singes amércains mâles et femelles, et, cependant, ils se sont très rarement reprodui;s; cet exempee est plus important encore pour le. sujet qui nous occupe à cause de la parenté de ces singes avec l'homm.. Le moindee changement des conditioss d'existence suffit parfois pour provoqurr la stérilité chez un animal sauvage rédutt en captivité, ce qui est d'autant plus étrange que nos animaux domestiques sont devenus plus féconds qu'ils ne l'étaient à l'état de nature, et que ' certains d'entre eux peuvent résister à des changements extraordinaires des conditioss sans qu'il en résutte une diminution de fécondité~. La captivité affecte, à ce point de vue, certaiss groupss d'animaux beaucoup plus que d'autres et ordinairement toutes les espèces faisant partie du groupe sont affectées de la même manière. Parfois auss,, une seule espèce d'un groupe devient stérile, tandis que tes autres conservent leur fécondité; d'un autre côté, une seule espèce peut conserver sa fécondité, tandss que les autres espèces deviennntt stérlles. Les mâles et les femelles de certaines espèces réduits en captivité ou privés d'une certaine dose de liberté dans leur pays natal ne s'accouplent jamais; d'autres, placés dans les mêmes conditions, s'accouplent souven,, mais sans jamass produire de petits; d'autres enfin ont des petits, mais.en moins grand nombre qu'à l'état naturel. Il faut remarquer, en outre, et cette remarque s'applique tout particulièrement à l'homm,, que les petits produits dans ces conditions sont ordinairement faible,, maladifs ou-difformes et périssent de bonne heure.

46. Voir la Variation des animaux, etc., vol. II, (Paris, Reinwatd).

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[Chap. VU]        ËXTtNCTtON DES RACES HUMAINES                   209

Je suis disposé à croire que cette loi généraee de l'influenee des changements des conditions d'existence sur le système reproducteur qui s'applique à nos proches alliés, les Quadrumanes, s'applique aussi à l'homme dans son état primitif. Il en résulte que, si on modifie soudainement les conditioss d'exsstence des sauvagss appatenant à quelque race que ce soit, ils deviennent de plus en plus stérilss et leurs enfanss maladifs périssent de bonne heure; de même qu'il arrive pour l'éléphant et le léopadd dans l'Inde, pour beaucoup de singes en Amérique et pour une foule d'animaux de toute sorte, dès qu'on modifie les condiiions naturelles de leur

Ces remarques nous permettent de comprendre pourquii les habitants indigènss des îles, qui, depuis longtemps, ont dû être soumis à des conditions presque uniformss d'existence, sont évidemment sensibles au moindee changement apporté à ces conditions. H est certain que les hommes appartentnt aux races civiliséss résistent infiniment mieux que les sauvagss à des changements de toute sorte; sous ce rapport, les hommss civilisés ressemblent aux animaux domestiques, qui, bien que sensibles quelquefois à des changements de conditions, les chiens européens dans l'Inde, par exemple, sont rarement devenus stériles". Cette immunité des races civilisées.et des animaxx domestiques proveent probablement de ce qu'lls ont subi de plus nombreuses varaations des conditions d'existenee et qu'ils s'y sont accoutumss dans une certaine mesure; de ce qu'ils ont, en outre, changé fréquemment de pays et que les sous-races se sont croisées. Il semble, d'allleurs, qu'un croisement avec les races civilisées prémunisse immédiatement une race abor-gène contre les déplorables conséquences qui résultent d'un changement des conditions. Ainsi, les descendants croisés des Tahitiens et des Anglass établis à t'île Pitcairn se multiplièrent si rapidement que File fut bientôt trop pettte pour les contenrr et, en conséquence, on les transporta en juin 1856 à t'îte Norfolk. La tribu se composait alors de 60 personnss mariées et de 134 enfants, soit en tota,, 194 personnes. Ils contenuèrent à se multiplier si rapidement à l'île Norfolk que, en janvier 1868, elle comptait 300 habitants, bien que 16 personnss fussent retournées en 1859 à t'ele Pitcairn; on comptait à peu près autant d'hommss que de femmes.

Quel contraste étonnant avec les Tasmaniens.! Le nombre des habitants de l'ile Norfolk s'accrut, en douze ans et demi seulemen,, de 194 à 300, tandis que, en quinze ans, le nombee des Tasmaniens

47. La Variation des animaux, etc. vol. II, p. 16.

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210                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ire Pabt1e1

décrut de 120 à 46 et ce dernier nombre ne comprenait que 10 enfants».

De même, dans l'intervalle qui s'est écoulé entre le recensement de 1866 et celui de 1872, le nombee des indigènss pur sang aux îles Sandwich diminua de 8,081, tandss que le .nombre des demi-castes augmenaa de 847; mais je ne saurass dire si ce dernier nombre comprend les enfanss des demi-castes ou seulement les dem--castes de la premèère génération.

Les faits que je viens de citer se rapportent tous à des aborgènes qui ont été soumis à de nouvelles conditions d'existence, par suite ee l'arrvvée d'hommss civilisés. Il est probable, cependant, que, si les sauvagss étaient forcés par toute autre cause, l'invasion d'une tribu conquérante par exempe,, à déserter leurs demeures et à changer leurs habitudes, la mauvaise santé et la stérilité n'en résulteraient pas moins pour eux. Il est intéressant de constater que le principal obstacee à la domestication des animaxx sauvages, ce qui implique pour eux la faculté de se reproduire dès qu'ils sont réduits en captivité, est le même qui empêche les sauvagss placés en contact avec la civilisation de survivre pour former à leur tour une race civilisé,, c'est-à-dire, la stérilité résultant du changement des conditions d'exsstence.

Enfin, bien que le décrosssement gradull et l'extinction finale des races humaines constitue un probèème très compeexe, nous pouvons affirmer qu'll dépend de bien des causes différentes suivant les lieux et les époque.. Ce problème est, en somme, analogue à celui que présenee l'extinction de l'un des animaux les plus élevés, l le cheval fossile, par exemple, qui a dispauu de l'Amériqe-du Sud, pour être, bientôt après, remplacé dans les mêmes région par d'innombrables troupeaux de chevaux espagnols. Le Nouveau Zélandass semble avoir conscience de ce parallélisme, car il compare son sort futur à celui du rat indigène qui a été presque entièrement exterminé par le rat européen. Si insolubee qu'll nous parassse, surtout si nous voulons pénétrer les causes précsses et le mode d'actinn de l'extinction, ce problème n'a rien aprèstout qui doive nous étonne.. En effet, l'accroissement de chaque espèce et de chaque race est constamment tenu en échec par divers freins, de sorte que,.s'il s'en ajoute un nouveau, ou s'il surviett une cause de destruction, si faible qu'elee soit, la race diminue certa--

- 48. Voir, pour les detai)s,LadyBelche:: The Mulineers ofthe Bounty,lS10{ Pitcairn Islamd, publié par ordre de la Chambre des communes, 29 mai 1863. J'emprunte les renseignements suivants sur les habitants des îles Sandwich à M. Coan et à la Honolulu Gazette:

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[C.iap. VII]         FOKMATtON DES KACËS. HUMAINES                      211

nement en nombre; or; l'amoindrissement numérique entraîne tôt ou tard l'extinction, d'autant que les invasions des tribus conquérantes viennen,, dans la plupatt des cas, précipiter l'événement.

Formationdesrac.es humaines.-he croisement de races distinctes a, dans quelquss cas, amené la formation d'une race nouvelle. Les Européens et les Hindous diffèrent considérablement au point de vue physique, et, cependant, ils appartienntnt à la même souche aryenne et parlntt un langage qui est fondamentalement Je même, tandss que les Européens ressemblent beaucoup aux Juifs qui appartienntnt à la souche sémitique et parlent un langage absolument différent. Broca « expliqua ce fait singulier par.les nombreux croisemenss que, pendatt leurs immenses migrations, certaines branches aryennes ont contractés avec diverses tribus indigènes. Lorsque deux races qui se trouvent en contatt immédiat viennent à se croise,, il en résulte d'abodd un mélange hétérogène; M. Hunte,, par exemple, fait observrr qu'on, peut retrouver chez les Santalis ou tribus des collines de l'Inde des centannes de gradations imperceptibles t entre les tribus noires et trapuss des montagnes et le Brahmane grand et olivâtre, intelligent, aux yeux calmes et à la tête haute, mais étroite x ; de telle sorte que, dans les tribunaux, il.est indispnnsable de demandrr aux témoins s'ils sont Santalis ou Hindous5».

Nous ne savons pas encore si une popuaation hétérogène, telle que.celles de certaines îles polynésiennes,provenant du croisement de deux races distinctes, dont il ne reste .plus que peu. ou point de membres purs, peut jamass devenrr homogène. On parvient, chez les animaux domestiques, à fixer une. race croisée et à la rendre uniforme en quelquss générations, grâce à la sélection pratiquée avec soin « ; il y a donc tout lieu de croire que l'entre-croiement libre et prolongé d'un mélange hétérogène pendant un grand nombre de générations doit suppléer à la séleciion et surmonter toute tendanee au retou,, de telle sorte qu'une race croisée finit par devenrr homogèn,, bien qu'elee ne participe pas à un degré égal aux caractères de deux races parentes.

.De toutes les différencss qui distinguent les races humaines, la couleur de la peau est une des plus apparentes et des plus accu-sées. On croyatt autrefois pouvorr expliquer les dffférences de ce genre par un long séjour sous différenss'climats, mais Pallas a

49.  Sur l'Anthropologie (trad. à.ns Anlropological/?—, janv. 1868, p.38).

50.  The Annals of Rural Bengal, 1868, p. 134.

51.  La Variation, etc.. vol. Il, p. 182.

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212                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ire Part.e]

démontré, le premier, que cette opinion n'est pas fondée, et la plupatt des anthropologues- ont. adopté ses opinion.. On a surtout rejeté cette hypothèse parce que la distribution des diverses races colorée,, dont la plupatt habitent depuis très longtemps le même pays, ne coïncide pas avec les différences correpondantes du clima.. Certains autres faits qui ne manquent pas d'importance viennent à l'appui de la même conclusion ; les familes hollandais,s, par exemple, qui, d'après une excellenee autorité,, n'ont pas éprouvé le moindee changemenedecouleur malgéé une résidenee de tross siècles dans l'Afrique australe. Les Bohémiens etles Juifs, habitantdiversespartiesdumonde se ressemblent étrangement, bien qu'on ait quelque peu exagééé l'uniformité de ces derniers"; c'estencorelàun argument dans le même sens. On asupposé qu'une grande humidité ou une grande sécheresee de l'atmosphère exerçaient une influence plus considérable que la chaleur seule sur la couleur de la peau; mais d'Orbigny, dans l'Amérique du Sud, et Livingstone, en Afrique, en sont ardVés à des conclusions directement contraires par rapport à l'humidité et à la sécheresse; en conséquence, toute conclusion sur ce point est encore extrêmment douteuse ..

Divers faits, que j'ai cités ailleurs, prouvent que la couleur de la peau et celle des poils ont quelquefois une corrélation surprenante avec une immunité complète contre l'aciion de certains poisons végétaux, et les attaques de certains parasites. Cette remarque m'avait condutt à supposer que la coloration des nègres et des autres races foncées provenait peut-être de ce que les individss les plus noirs avaient mieux résisté, pendant une longue série de générations, à l'action délétère des miasmss pestilentiels des pays quiils habitent.

J'appris ensutte que le docteur Wells6 avatt déjà autrefois émis la même idée. On sait depuis )ongtemp~" que les Nègres, et

52. Pallas, AcL Acad. Saint.pe<ersbourg, 1780, part. II, p. 69.1! fut suivi par Iludolphi, dans son Beilruge zur Anthropologie, 1882. On trouve un excellent résume des preuves dans l'ouvrage de Godron, de VEspece, 1859, vol. II,

55. Livingstone, Travelsand ResearchesinS.Africa, 1857, pp. 329,338. D'Orbigny, cité par Godron, de l'Espèce, vol. II, p. 266.

56.  Voir son travail, lu à la Société royale en 1813, et publié en 1818 dans

rites constitutionnelles.

57.  Nott et Gliddon, Types of Mankind (p. 68).

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[Chap. VI]]        FORMATION DES RACES HUMAINES                   213

'même les mulâtres, échappent presque complètement aux atteintes de la fièvre jaune qui est si meurtrière dans l'Amérique tropicale. Ils résistent égaeement dans une grande mesure aux terribles fièvres intermittentes qui règnent sur plus de 4,000 kilomètres le long des côtes d'Afriqu,, et qui entraînent la mort annuelle d'un cinquième des blancs nouvellement établis, et obligent un autre cinquième des colons à rentrer infirmes dans leur pays-. Cette immunité du Nègre paratt être en partie inhérenee à la race et semble dépendee de quelque particularité inconnue de constitution; elle est aussi en partie le résultat de l'acclimatation. Pouchtt» constaee que les régimenss nègres recrutés dans le Soudan, et prêtés par le vice-roi d'Egypee pour la gueree du Mexique, échappèrent à la fièvre jaune presque aussi bien que les Nègres importés depuis longtemss des diverses parties de l'Afriqu,, et accoutumés au climat des Indes occidentales. Beaucoup de Nègre,, après avoir rrésidé quelque temps sous un climat plus froid, deviennent, jusqu'à un certaen poin,, sujets aux fièvres tropicales, ce qui prouve que l'acclimatation joue aussi un rôle considérable'». La natuee du climat sous lequel les races blanchss ont longtemss résidé exerce également quelque influence sur elles; pendant l'épouvantable épidémie de fièvre jaune de Demerara, en 1837, le docteur Blair constata, en effet, que la mortalité des immigrants était proportionnelle à la latitude du pays quiils avaient habité à l'origine. Pour le Nè-. gre, l'immunité, en tant qu'elle résutte de l'acclimatation, implique une longueur de temps immense; les indigènss de l'Amérique tro-picale, qui résident depuis un temps immémorial dans ces région,, ne sont pas, en effet, exempss de la fièvre jaun.. Le Rév. B. Tris-tram affirme, en outre, que les habitants indigènss sont forcés pendatt certaines saisons de quttter quelquss disrricts de l'Afrique du Nord, bien que les Nègres puissenl continurr à y résider en toute sécurité.

On a affirmé qu'il existe une certaine corréaation entre l'immunité du Nègre pour quelquss maladess et la couleur de sa peau; mais ce n'est là qu'une simple conjecture; cette immunité pourrait aussi bien résulter de quelque différence dans le sang, dans le système nerveux ou dans les autres tissu.. Néanmoins, les faits que nous venons de citer et le rappott qui existe certainement entre le teint

58. pans une communication lue à la Société de satistique par le major Tulloch et publiée dans VAthenœum, 1840, p. 353.

S S qSSÛÏ ZuéT^ple^aine, 1861, p. 205. WaiU, 7n<rod.

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214                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [[« PaRtiR]

et la tendance à la phthisie sembleraient prouver que cette con-. jecture n'est pas sans quelques fondements. J'ai, par conséquent, cherché, mais avcc peu de succès81, à constater ce'qu'il pouvait en être. Feu ie docteur Daniell, qui a longtemps habité la côee occidentale d'Afrique, m'a affirmé qulil ne croyait à aucun rapport de cetee nature. Bien que trss blond, it a lui-même supporté admirablement le climat. Lorsqu'il arriva sur la côte, encore tout jeune, un viexx chff nègee expérimenté lui avait prédit, d'après son apprence, qu'il en serait ain.i. Le docteur Nicholson, d'Antigua, après avoir approfondi cetee question, m'a écrit qu'il ne croyait pas que les Européens bruss échappassent mieux à la fièvee jaune que les blonds. M. J.-M. Harris8* nie complètement que tes Europsens a cheveux bruns supportent mieux que les autres un climat chaud; l'expérience lui a au contreire appris à choirir des hommes à chvexx rouges, pour le-service sur la côee d'Afrique. Autant qu'on pett en juger par ces quelques observations, on pett conclure, ce

61.  Au prnntemps de 1862, j'avais obteuu du Directeur général du dépa--ment médical de l'armée la permission de remettre un questionnaire aux chrurgiens des divess régiments en service dans les colonies, mais aucnn ne m'est reven.. Voici les remarques que portaient ce questionnaire : « Divers cas bien constates chez nos animaux domestiques étabsissent qu'il existe un rapport entre la coloration des appendicee dermiqueett la constutution; il es,, en outre notoire qu'il exisee quelques rapporrs entre la coueeur des races humaines elee climat qu'elles-habitent; les questions suivantes sont dignss d'être prises^ en considération. Y a-t-ll chez les Européens quelque rappore entee la couleur" des cheveux et leur aptitude à contracter les maladies des pays tropicaux? Les ' chirurgiens des régiments stationsés dans les régions tropicales insalubres pourraient s'assurer d'abord, comme terme de comparaison, du nombre des hommes bruns ou blonss ou de teinte intermédiaire et douteuse. En même temps, on constatetait quelle est la couleur des cheveux des hommss qui ont eu la fièvre jaune ou la dysente;ie; dès que ces tableaux comprendraienique-ques milliers d'individus, il seratt aisé de constater s'il existe quelque rapport entre la couleur des cheveux et une disposition à contracter les maladies tropicales. On ne découvritait peut-être aucun rapport de ce genre, mais il est bon de s'en assur.r. Si on obtenait un résuatat positif, il aurair quelque utilité pratique en indiquant le choix à faiee dans les hommss destinés à un servie-particulier. Théoriquement, le résuatat aurait un haut intérêt, car il indique ratt comment une race d'hommes, habitant dès une époqee reculée un climt tropical massain, aurait pu acquérir une couleur deplus en plus foncée par la conservatiln des individus à cheveux ou au teint brun ou noir pendant une longue succession de générations. D

62.  Anlhropological Review, jan.. 1866, p. 21. Le D' Sharpe dit ausii par rapport aux Indes (Mon a spécial création, 1873, p. 118) que quelques médecins ont remarqée que a les Européens à cheveux blonds et à teint clair sont moins exposés aux maladies des climats tropicauxque les personnes à cheveux bruss et à teint foncé; cetee remarque, je crois, est basée sur les faits D. D'autre part, M. Heddle de la Sieraa Leone a qui a vu mourir auprès de lui une si grande quantété de commis B, tués par le climtt de la côte occidentale d'Afrique, J W. Read,, African Sketch book, vol. 11, p. 522) a une opinion touee contraire

que partage le capitaine Burton.

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[Chap. VII]        FORMATION DES RACES HUMAINES                   215

nous semble, que l'hypothèse, en vertu de laquelee la couleur des races noires résutte de ce que des individus de plus en plus foncés ont survécu en plus grand nombee au milieu des miasmss pestilentiels de leur pays, ne repose sur aucun fondement sérieux, bien qu'elles soit acceptée par plusieurs savants.

lues,

Le docteur Sharp"-.fait remarquer que le soleil des tropique: qui brûle la peau des Européens au point d'amenrr des ampoules, n'a aucun effet sur la peau des Nègre;; il ajouee que ce n'est pas un effet de l'habitude, car il a vu des enfanss de six ou hutt mois exposés tout nus au soleil, sans qu'ils soient affectés en aucune façon. Un médecin m'a assuéé que, il y a quelques années, ses mains se couvraient par places pendant l'été, mais non pas pendant l'hive,, de taches brunes ressemblant à des taches de rousseu,, mais plus grandes. Cesparties tachetées n'étaient pas affectées par les rayons du solei,, alors que les parties blanchss de la peau furent dans plusieurs occasions couvertes d'ampoules. Les animaux inférieuss sont aussi sujets à des différences constitutionnelles au point de vue de l'action du solell sur les parties recouvertes de poils blancs et sur celles qui sont garness de poils d'autres couleuss «. Je ne saurass dire si la défense de la peau contee l'aciion des rayons du solell a une importance suffisante pour que la sélection naturelle ait donné à l'homme une peau foncée. Si l'on admet cette hypothèse, il faut admettre aussi que les indigènss de l'Amériqee tropicale ont habité ce pays bien moins longtemss que les Nègres n'oni habité l'Afrique pu les Papous les parties méridionales de l'archipel Matais, de même que lesHnndous à peau claire ont habité les parties centrales et méridionales de la péninsuee beaucoup moins longtemps que les indigènss à peau plus foncée.

Bien que nos connasssances actueless ne nous permettent pas d'expliquer les différences de couleur chez les races humaines par un avantage quelconqee qui résulterait pour eux de cette couleu,, ou par l'action directe du clima,, nous ne devons pas, cependant, négliger complètement ce dernier agen,, caril y a de bonnes raisons pour croire qu'on peut.lui attribuer certains effets héréditaires »,

r S IZ^ts'^Z^ &ÏL. etc., vol. 11,-pp. 336, 337. (Paris,

^Voi; de Quatrefages (Revue des cours scient., 10 oct. 1868, p. 724). Sur les e/Tets de la résidence en Abyssinie et en Arabie, et autres cas analogues. Le docteur Rolle (Der Mensh, seine Abstammung,elc, 1865, p. 99) constate, sur l'autorité de Khanikof, que la plupart des familles allemandes établies en Géorgie ont acquis, dans le cours de deux générations, des cheveux et des yeux noirs. M. D. Forbss m'informe que, suivatt la position des vallées qu'habitent les Quiçhuas, dans les Ande,, ils varient beaucoup de couleur.

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266                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ie Partie]

Nous avons vu dans le second chapitre que les conditions d'existence affectent directement le développement de la charpente du corps et produisent des résultats transmissiblespar hérédité. Ainsi, on admet généralement que les Européens établis aux États-Unis subissent des modifications physiques très légères, mais extraordi-nairement rapides. Le corps et les membres s'allongent. Le colonel Bernys m'apprend que ce fait a été démontré absolument de façon assez plaisante, d'alleeurs, pendatt la dernière gueree : les.Allemands nouvellement débarqués, incorporés dans l'armée, avaient reçu de l'intendance des vêtemenss faits à l'avanee pour les soldass amérccains, et les Allemands avaient un aspect ridicuee dans ces vêtemenss trop longs. On sait aussi, et les preuvss abondent à cet égard, que, au bout de trois générations, les esclaves des Étass du Sud occupés aux travaux intéreeurs de l'habitation présentent une apparence très différenee de celle des esclaves occupés aux travaux des champs»'.

Toutefois, si nous considérons les races humannes au point de vue de leur distribution dans le monde, nous devons concluee que les différencss caractéristiques qu'elles présentent ne peuvent pas s'expliquer par l'action direcee des diverses conditions d'existence, en admettant même que ces conditions aient été les mêmes pendant une énorme périod.. Les Esquimaux se nourrsssent exclusivement de matières animales; ils se couvrent d'épaisses fourrures, et sont exposss à des froids intenses et à une obscurité prolongée; ils ne diffèren,, cependant, pas à un degré extrême des habitants de la Chine méridionale, qui ne se nourrsssent que de matières végétales, et sont exposés presquenus àun climat très chaud. Les Fuégien,, qui ne portent aucun vêtement, n'ont pour se nourrir que les productions marines de leurs plages inhospitalières; les Botocudos du Brésll errent dans les chaudss forêts de l'intérieur, et se nourrissent principalement de produits végétau;; cependant, ces tribus se ressemblent au point que des Brésiltens ont pris pour des Botocudos les Fuégeens, qui étaient à bord du Beagle. En outre, les Botocudos, aussi bien que les autres habitants de l'Amérique tropccale, ne ressemblent en aucune façon auxNègres, qui occupent les côtes opposées de l'Atlantique; ils sont pourtant exposés à un climat presque semblable, et suivent à peu près le même genre de vie.

Les différences entre les races humaines ne peuvent pas non plus, sauf dans une très .petite mesure, s'expliquer par les effets

Hartan, Médical Researches, p. 532. De Quatrefages a euves a cet égard, Unité de l'Espèce humaine, 1861, p.

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[Chap. VII]        FORMATION DES RACES HUMAINES                   217

héréditaires résultant de l'augmentation ou du défaut d'usage des parties. Les hommss qui vivent toujouss dans des embarcations ont, il est vra,, les jambss un peu rabougries; ceux qui habitent à une haute altitude ont la poitriee plus développée; et ceux qui emploient constamment certains organss des sens peuvent avoir les cavités qui les contiennent un peu augmentées, et leurs traits, par conséquent, un peu modifiés. La diminution de la grandeur des mâchoires par suite d'une diminution d'usag,, le jeu habituel des divers muscles servant à exprimer les différentes émotion,, et l'augmentation du volume du cerveau par suite d'une plus grande activité intellectuelle, sont, cependant, autant de poinss qui, dans leur ensemble, ont produtt un effet considérable sur l'aspec, général des peuples civilises comparativement à celui des sauvages". Il est possible aussi que l'augmentation du corps, sans accroissement correspondant dans le volume du cerveau, ait produtt chez quelquss races (à en juger par les cas signaéss chez les lapins) un crâne allongé du type dolichocéphale.

Enfin, la corrélation de développement, si peu connus que soient ses effets, a dû certainement jouer un rôle actif; on sait, par exemple, qu'un puissant développement musculaire est accompagné d'une forte projection des arcadss sourcilières. II est certain qu'll existe un rappott intime entre la.couleur de la peau et celle des cheveux, de même qu'entre la structure des cheveux et leur couleur chez les Mandans de l'Amérique du Nord . Il existe également un rapport entre la couleur de la peau et l'odeur qu'elle émet. Chez les mouton,, le nombee des poils comprss dans un espace déterminé et celui des pores excrétoires ont quelques rapports réciproquss ». Si nous pouvons en juger par analogie avec nos animaux domestiques, il y a probablement beaucoup de modfiications de structure qui, chez l'homm,, se rattachent aussi à la corrélation de croissance.

11 résulte des faits que nous venons d'exposer que les différencss caractéristiques externes qui distinguent les races humaines ne peuvent s'expliquer d'une manière satisfaisante, ni par l'action

67. Professeur Schaaffhausen, traduit dans Anlkropolocjical Reviev, oct. 1868, "P œMM. Catlin (Norlh American Indians, 3* édit., vol. 1, p. 49) con- '

ditaires. Ces cheveux sont gros et aussi durs que les poils de la crinière d'un

c^tL^:rPia^                            les

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218                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [p. PARTIE]

directe des conditions d'exsstence, ni par les effets de l'usage continu des parties, ni parle principe de la corrélation. Nous sommes donc amenés à nous demander si l'action de la sélection naturelle n'a pas suffi pour assurrr la conservation des légères différences individuelles auxquelles l'homme est si éminemment sujet, et pour contriburr à leur augmentation, pendant une longue série de génération.. On nous objectera, sans doute, que les varaations avantageuses peuvent seules se conservrr ains;; or, autant que. nous en pouvons juger (bien que nous puissions facilement nous tromprr à cet égard,, aucune^ des. différences externss qui distinguent les races humaines ne rendent à l'homme aucun service direce ou spécial. Nous devons, cela va sans dire, exceperr de cette remarque les facultés intellectuelles, moraess et sociaees. La granee variablité de tous les différenss caractères que nous avons passés en revue indique également que ces caractères n'ont pas une grande importance, car, autrement, ils seraient depuss longtemps conservés et fixés, ou éliminés. Sous ce rapport, l'homme ressembee à ces formes que les naturalistes ont désignées sous le nom de protéennes ou polymorphique, formes qui sont restéss extrêmement variables, ce qui paraît tenrr à ce que leurs variations ont une natuee insignfiante et ont, par conséquent, échappé à l'aciion de la sé)ection naturelle.

Jusquci,i, nous n'avons pas réusii à expliqurr les différences qui existent entre les races humannes, mais il reste un agent importan,, la sélection sexuelle, qui paratt avorr agi puissamment sur i'homme ainsi que sur beaucoup d'autres animau.. Je ne prétends pas affirmer que l'aciion de la sélection sexuelee suffise pour expliquêr toutes les différences qu'on remarque entre les race.. I! reste un reliquat non expiiqu:: dans notre ignorance, nous devons nous borner à dire, au sujet de ce reliquat, que, puisqulil na!t constamment des individus ayan,, par exempe,, la tête un peu plus ronde ou un peu plus étroite, et le nez un peu plus long ou un peu plus court, ces légères différences pourraient devenrr fixes et uniformes, si les agenss inconnus qui les ont produites venaient à exercer une action plus constante, avec l'aide d'un entre-croisement longtemss continu.. Ce sont des modfiications de ce genre qui constituent la classe provisoire dont j'ai parlé dans le second chapitre, ef auxquelles, faute d'un terme meilleu,, on a donné le nom de variations spontanées. Je ne prétenss pas non plus qu'on puisse indiqurr avec une précisinn scientifique les effets de la sélection sexuelle, mais on peut démontrer qu'il seratt inexplicable que l'homme n'att pas. été modifié par cette influence, qui a exercé une action si puissanee

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[Chap. VII]        . DE LA STRUCTURE DU CERVEAU                     219

sur d'innombrables animau.. On peut démontrer, enoutre, que les différences entre les races humaines, portant sur la couleu,, sur les cheveux, sur la forme des traits, etc., sont de natuee telles qu'elles donnent probablement prise à la sélection sexuelle. Mais, pour traiter ce sujet d'une manière convenable, j'ai compris qu'il étatt' nécessaire de passer tout le règne-animal en revue; aussi je lui consacre la seconde partie de cet ouvrage. Je reviendrai alors à l'homm,, et, après avoir essayé de prouvrr jusquàà quel point l'action de la sélection sexuelee a contribué à le modifier, je terminerai mon ouvrage par un bref résumé des chapitres de cette première partie.

Note sur lEs ressemblances et .les dtfférenceE'de la structure et du développement du cerveau chez l'homme et chez les singes, par le profes-seuH Huxley .. R. S.                                . '

La controverse relative à la nature et à l'étendue des différences de structure du cerveau chez l'homme et chez les singestcontroverse qui a commencé il y a environ quinze ans, n'est pas encoee terminée, bien que le point surtequel portait la querelle soit.aujourd'hui tout autre qu'il étatt d'abord. Dans le principe, on a affirmé et réaffirmé avec une insistance singulière que le cerveau de tous les singes, même des plus élevé,, difTère de celui de l'homme en ce qu'il ne possède pas certaines conformations importan,es, telles que les lobes postérieurs des hémisphères cérébraux, y compris la corne postérieure du ventri-cu.e latéral et Ykippocampus rnraor que l'on trouee toujours dans ces lobes chez llhomm..

Or, la vérité est,que ces tross structures sont ausii bien développées dans le cerveau du singe que dans celui de l'homme, si môme elles ne le sont pas mieu;;en outre, il estprouvéaujourd'hui,autant qu'une proposition d'anatomie comparée peut l'être,que te développement complet deces partiesest un caractère absolu de tous les Primates, exception faiee des Lémuriens. En effet, tous les anatomestes qu,, pendant ces dernières années, se sont occupss particulièrement de la disposition des scissuses et des circonvolutions si nombreuses et si complexes quo découpent la surface des hémisphères cérébraux chez l'homme et chez les singes les pius élevés, admettentaujourd'hui que ces conformations sont disposées d'après un même plan chez l'homme et chez les singes. Chaque scissure ou chaqee circonvolution principale exsstant dans le cerveau d-un Chimpanzé existe ausii dans le cerveau de l'homme, de soree que la terminologie qui s'applique à l'un s'applique ausii à t'autre. Sur ce-point, it n'y a plus aucuee différence d'opinion. Il y a quelques années, le professeur Bis-chofs a publié un mémoire *> sur les circonvolutions cérébrales de l'homme et des singes; or, comme le but que se proposait mon savant collègue n'était certainement pas d'atténuer l'importance des différences qui existent sous ce rapport entre l'homme et les singes, je suss heureux de lui emprunter un passage :

« On dott admettre, car c'est un fait bien connu de tous les anatomistes, m que tes singes, et surtout l'Orang, le Chimpanzé et le Gorille, se rapprochent « beaucoup de l'homme au point de vue de leur organisation, beaucoup plus

AhadeTie Z^^ms'1"*""9™ *" MenSehen; Abhandlungen der K. Bayerischen

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220                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME . [Ie PartIe]

« même qu'ils ne se rapprochent d'aucun autre animal. Si l'on se place, pour t étudier cette question, au point de vue de l'organisation seule, il est probable « qu'on n'auraie jamais songt à discuter l'opinion de Linné qui plaçait « l'homme simplemtnt comme une espèee particulière à la tête des Mammifères « et de ces singes. Les organes de l'homme et des singes dont nous venoss de * parler ont une telle affinité qu'il faut les recherches anatomiques tes plus «exactes pour démontrer les difTérences qui existent réellement entre eux. Il en « tst de même du cerveau. Le cerveau de l'homme, celui de l'Orang, du Chim-« panzé et du Gorllle, en déptt des différences importantes qu'ils présent,nt, a se rapprochent beaucoup les uns des autres. » (Loe. cit,, p. 101.)

Il n'y a donc plus à discuter la ressemblance qui existe entre les caractères principaux du cerveau de l'homme et de celui du sing;; il n'y a plus à discuter non plus la similitude étonnante que l'on observe même dans les détails des dispositions des fissures et des circonvolutions des hémisphères cérébraux chez le Chimpanzé, l'Orang et l'Homme. On ne saurait admettre non plus qu'on puisee discuter séreeusement la nature et l'étendue des difTérences qui exsstent entre le cerveau des singss les plus élevss et celui de l'homme. On admtt que les hémisphères cérébraux de l'homme sont absolument et relativement plus granss que ceux de l'Orang et du Chimpanzé; que ses lobes frontaux sont moins excavss par l'enfoncement supérieur du tott des orbites; que les fissures et les circonvolutions du cerveau de l'homme son,, en régie générale, disposées avec moins de symétrie et présentent un plus grand nombre de plis secondaires. On admet, en outre, que, en règle générale, la fissuee temporo-occip.tadc ou fissure perpendiculaire extérieure, qui constutue ordnnairement un caractère si marqué du cerveau du sing,, tend à disparaître chez t'homme. Mais il est évdent qu'aucune de ces différences ne constitue une ligne de démarcation bien netee entre le cerveau de l'homme et celui du sing.. Le professeur Turner" fait les remarqses suivantes relativement à la fissuee perpendiculaire extérieure de Gratiolet dans te cerveau humain:

a Cetee fissure, chez quelques cerveaux, constitue simplemtnt un affasssement « du bord de l'hémisphère; mais, chez d'autres, elle s'étend à une certaine < distance plus ou moins transversalemen'. Chez un cerveuu de femmq que j'ai a eu occasion d'observer, elle s'étendait sur l'hémisphère drott à plus de 5 cen-« timëtres; chez un autre cerveau, elle s'étendaii ausii à la surface de l'hémi-« sphèee droit de 10 millimètres, puss se prolongeait en descendant jusqu'au a bord inférieur de la surface extérieure de l'hémisphère. La définioion impar-K faite de cetee fissure, dans la majorité des cerveaux humains, comparative-a ment à sa netteté remarquable dans le cerveau deaà plupart des Quadrumanes, « provient de la présence chez l'homme de certaines circonvolutions superfi-« cielles bien tranchées qui passent par-dessus cetee fissuee et relient le lobe « pariétal au lobe occipitai. La fissuee pariéto-occipitale extérieure est d'autant a plus courte que la première de ces circonvolutions se rapproche davantage « de la fissuee longitudinale. » (Loc. cit., p. 12.)

L'oblitération de la fissuee perpendiculaire extérieure de Gratiolet n'ett donc pas un caractère constant du cerveau humain. D'autre part, le développement complet de cetee fissuee n'est pas davantage un caractère constant du cerveau des singes anthropoïdes, car le professeur Rolleston, M. Marshall, M.Broca et le professeur Turner ont observé, à bien des repris,s, chez le Chimpanzé, des oblitérations plus ou moins étendues de cetee fissuee par des circovolutions. Le professeur Turner dit à aa conclusion d'un mémoire qu'il consacre à ee sujtt »? :

« Les tross cerveaux de Chimpanzé, que nous venons de décrire, prouvent que m la règee générale que Gratiolet a essaéé de tirer de l'absence complète de m ta première circonvolution et de l'effacement de la seconde, ce qu,, d'après

71.  Convolulions of the human eerebrum lopographically considered, 1866,p. 12.

72.  Notes portant surtout sur la circonvolution du cerveau du Chimpanzé, Proceedings of the Royal Society of Edinburgh, 1865-66.

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[Chap. VII]           DE LA STRUCTURE DU CERVEAU                        221

a lu,, constutue un caractère spécial du cerveau de cet animal, ne s'applique K certes pas toujou.s. Un seul de ces cerveaux, sous ce rapport, sutt la loi émise a par Graliolet. Quant à la présence de la circonvolution supérieure qui relie « les deux lobe,, je suss disposé à penser qu'elle a exssté dans un hémisphère « au moins dans la maoorité des cerveaux de cet animal, qu,, jusqu'i présent « tnt été décrits ou figurés. La position superficielle de la seconde circonvolu-« lion est évidemment moins fréquente, et, jusqu'à présent, on ne l'a observée, . je crois, que dans le cerveau A décrit dans ce mémoi.e. Ces tross cerveaux « mémontrent en même temss la disposition asymétrique des circonvolutions a ses deux hémisphères à laquelle doautres observateurs ont déjà fait allusion « dans leuss descriptions. » (pp. 8,9.)

En admettant même que la présence de la fissuee temporo-occipitale ou fissuee perpendiculaire extérieure constitue un caractère distinctif entre les singss anthropoïdes et l'homme, la structure du cerveau chez les singes platyrrhinens rendrait très douteuse la valeur de ce caractère. En effet, tandis que la fissuee tempo-o-occipitale est une des fissures les plus constantes chez les singes ca-tarrhinsns ou singss de l'ancien mond,, elle n'est jamais très développée chez les singes du nouveau mond;; elle fatt complètement défaut chez les petits platyrrhinins; elle est rudimentaire chez le Pithecia », et elle est plus ou moiss oblitérée par des circonvolutions chez VAteles.

Un caractère ausii variable dans les limites d'un même grouee ne peut avorr une granee valeur taxinomique.

On sait, en outre, que le degéé d'asymétrie des circonvolutions des deux côtés du cerveau humain est sujet à beaucoup de variations individuelles, que chez les cerveaux bosjesmans, qui ont été examinés, les fissures et les circonvolutions des deux hémisphères sont beaucoup moins compliquées et beaucoup plus symétriques que dans le cerveau humain, tandss que, chez quelques Chimpanzé,, la complexité et la symétrie des circonvolutions et des fissures devient remarquable. Tel est particulièrement le cas pour le cerveau d'un jeune Chimpanzé mâle figuéé par M. Broca. (L'Ordre des Primates, p. 165, fig. 11.)

Quant à la question du volume'absolu, il est établi que la différence qui exisee entre le cerveau humain le plus grand et le cerveau le plus petit, à condition qu'ils soient sains tous deux, est plus considérable que la différence qui exisee entre le cerveau humain le plus petit et le plus grand cerveau de Chimpanzé ou d'Orang.

Il est, en outre, un point par lequll le cerveau de l'Orang ou celui du Chimpanzé ressemble à celui de l'homme, mais par lequll il diffère des singss inférieurs, c'est-à-dire par la présence de deux corpoaa candicantia, le Cynomor-pha n'en ayatt quuun.

En présence de ces faits, je n'hésite pas, en 1874, à répéter la proposition que j'ai énoncée en 1863, et à insister sur cette propositioé» :

a Par conséquent, en tant qu'il s'agtt de la structure cérébrale, il est évident a que l'homee diffère moins du Chimpanzé ou de l'Oragg que ces derniers ne « difîèrent des autres singe;; il est évident ausii que la différence qui exisee « entre le cerveau du Chimpanzé et celui de l'homme est presque insignifiante, a comparativement à la différence qui exisee entee le cerveau du Chimpanzé et t celua d'un Lémurien. a

Dans le mémoire que j'ai déjà cité, le professeur Bischoff ne cherche pas à nier la seconde partie de cetee proposition, mais il fait d'abodd la remarq,e, bien inutile d'ailleurs, qu'il n'y a rien d'étonntnt à ce que le cerveau d'un Orang diffèee beaucoup de celui d'un Lémurien; en second lieu, il ajoute: f Si nous a comparons successivement le cerveuu d'un homme avec celui d'un Oran;; <* puss le cerveau d'un Orang avec celui d'un Chimpanzé; puis le cerveau de ce K dernier avec celui d'un Gorille et ainii de suite avec celui d'un Hylobates, dïun

i(W. Flowr, On the Anatomy ofPilhecia »»««; Proceedings ofthe Zoological Society 74. Man's place in Xature,p. 102.

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222                            LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [Ire Parttk]

f Semnopilhecus, d'un Cy~océphale, d'un Cercopithecus, d'un~acocus, d'un Ce-« bus,d'unCallithrix, d'un imur, d'un Steno/w.d'un Hapa,e, nous n'observons « pas une différence plus grande, ou même ausii.grand,. dans le degéé de dé-x veloppement des circonvolutions que celee qui existe entre le cerveuu d'un « homme et celui d'un Orang ou d'un Chimpanzé.,

Je me permettrai de répondre que cette assertion, qu'elle soit fausee ou non, n'a rien à faire avec la proposition énoncée dans mon ouvrage sur la place de l'Homme dans la nature, proposition qui a trait, non pas au développement des circonvolutions seules, mais à ta structure du cerveau tout entier. Si le professeur Bischoff avait pris la peine de lire avec soin la page 96 de l'ouvrage qu'il critique, il y aurait remarqué le passage suivant : «Il importe de constater . un fait remarquable : c'esa que, bien qu'il existe, autant toutefois que nos con-< naissances actuelles nous permettent d'en juger, une véritable rupture struc-« turale dans la série des formss des cerveaux simiens, cet hiatus ne se trouee « pas entre l'homme et les singss anthropoïdes, mais entre les singss inférieurs f et les singss les plus infimes, ou, en d'autres termes, entre lles singss de « l'ancien et du nouveau monde et les Lémuriens. Chez tous les Lémuriens qu'on « a examinés jusqu'à prése,t, le cervetet est partiellement visible d'en haut, et « le lobe postérieur, ainsi que la corne postérieure et Vhippocampus minor qu'il a contient, sont plus ou moins rudimentaires. Au contraire, tous les marmous,ts, t tous les singss américains, tous les singes de l'ancien monde, les babouins « ou les singes anthropoïdes ont le cervelet entièrement caché par les lobes « cérébraxx postérieurs et possèdent une granee corne postérieure, ainii qu'un t hippocampus minor bien développé. a

Cette assertion étatt l'expression absolument exacee dé l'état de la scienee au moment où elle a été faite; il ne me sembee pas, d'allleurs, qu'il y ait lieu de la modifier à cauee de la découverte subséquente du développement relativement faibee des lobes postérieurs chez le singe siameng et chez le singe huleu.. Malgré la brièvett exceptionnelle des lobes postérieurs chez ces deux espèces, personne ne saurait soutenir que leur cerveau se rapproche le moins du monee de celui des Lémuriens. Or, si, au lieu de placer VHapale en dehoss de sa situation naturelle, comme le professeur Bischoff le fait sans aucuee raison, nous rétablissonsccmmesuit la série des animaux qu'il a cité:: Homo, Pithe-cus,Troglodytes,Hylobates,Semnopithecus,Cynocephalus,Cercopilhecus,Maca-cus.Cebus, Callithrix, Hapale, /,emur,5<enojos, je mecrois en droit d'affirmerque la grande rupture dans cette série se trouve entre VHapale et le Lemurel que cetee rupture est beaucoup plus granee que celle qui existe entre deux autres termes, quess qu'ils soient, de ceted série. Le professeur Bischoff ignoee sans doute que, longtemps avant lu,, Gratiolet avait suggéré la séparation des Lémuriens des autres Primates, tout justement à cauee de la différence qui exisee dans leurs caractères cérébraux, et que le professeur Flowrr avait faii les observations suivantes en décrivant le cerveau du Lorss de Java »:

< Il est surtout remarquable que, dans le développement des lobes postérieuss du cerveau, on ne remarque chez les singes qui se rapprochent de la famille des Lémuriens sous d'autres rapports, c'est-à-dire chez les membses inférieurs, ou groupe platyrrhinin, aucuee ressemblance avec le cerveau coutt et arrondi des Lémuriens.» .

Les progrès considérables qu'ont fait faire à la science, pendant les dernières dix années, les recherches de tant de savants, justifient donc les faits que j'ai constates en 1863 relativement à la structure du cerveau adulte. 'On objecte toutefois que, en admettant la similitude du cerveau adulte de l'homme et des singes, ces organes n'en sont pas moins, en réalité, très différents parce que l'on observe des différences fondamentales dans le mode de leur développem.nt. Personne plus que moi ne serait disposé à admettre la force de cet argment, si ces différences fondamentales de développement existaient réellement/ ce que je nie complètement; je soutiens, au contraire, que l'on peut observer

75. Transactions of tke Zoological Society, vot. V, p. i862.

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[Chap. VII]           DE LA STRUCTURE DU CERVEAU                        223

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une concordance fondamentale dans le développement du cerveau chez l'homrr et chez les singe..

Gratiolet a prétendu qu'il exisee une différence fondamentale dans le développement du cerveau de l'Homme et de celui des singss et que cetee différence consiste en ceci : que, chez les singe,, les plis qui paraissent d'abord sont situes sur la région postérieure des hémisphères cérébraux, tandss que, dans le fœtus humain, les ptis paraissent d'abord sur les lobes frontaux w.

Cetee assertion générale est basee sur deux observations, l'une d'un Gibbon tout prêt à naître, chez lequel les circonvolutions postérieures étaient a bien développées », tandss que celles des lobes frontaux étaient à a peine indiquées D (loc. cit,, p. 39), et l'autre d'un fœtus humain à la vingt-deuxième ou la\ingt-trozS1ème semaine de gestation chez lequll Gratiolet remarque que l'insula étatt découvert, mass où, néanmoins, a des incisuses sèment le lobe antérieur. une scissure peu profonde indique la séparation du lobe occipital, très réduit ^illeurs^dès cetee époque. Le resee de la surface cérébrale est encore absolu-

On trouee dans la planche 11, fig. ], 2, 3 de l'ouvrage que nous venons d'indiqurr tross vues de ce cerveau, représentant la partie supérieure, la partie latérale et la partie inférieure des hémisphères, mass non pas le côté intérieur. Il est à remarquer que la figuee ne correspond pas à la description de Gratiolet en ce que la fissuee (antéro-temporale) sur la moitié postérieure de la face de 1 hémisphère est plus nettement indiquée qu'aucune de celles qui se trouvent sur la moitié antérieure. En conséquence, si la figure a été correctement dessinée, elle ne justieie en aucuee façon la conclusion de Gratiolet: < Il y a donc entre ces cerveaux (celui d'un Callithrix et celui d'un Gibbon) et celui du fœtus humain une différence fondamentale. Chez celui-ci, longtemps avant que les plis temporaux apparaissent, les plis frontaux essayent d'exister. »

D'allleurs, depuis l'époque de Gratiolet, le développement des circonvolutions et des plis du cerveau a fait le sujtt de nouvelles recherches auxquelles se sont livrss Schmidt, Bischoff, Pansce », et plus particulièrement Ecker », dont l'ouvrage est non-seulement le plus récent, mais le plus complet à cet égard.

On peut résum,r, comme suit, les travaux de ces savan:s:

l-.Chet le fœtus humain la fissuee sylvennee se forme dans le couss du trosième moss de la gestation utérine. Pendant ce.mois et pendant le quatrième mois, les hémisphères cérébraux sont lissss et arrondis (à l'exception de la dépression sylvienne), et ils se projettent en arrière bien au-delà du cervelet.

16. « Chez tous les singes, les plis postérieurs se développent les premier;; les plis antérieurs se développent plus tard; aussi la vertèbre occipitale et la pariétale sont-elles relativement très grandes chez le fœtus. L'homme présente une exception remarquable, quant a l'époque de l'apparition des plis frontaux qui sont les premier indiqués; mais le développement, général du lobe frontal, envisagé seulement par rapport & son volume,

^rrr,srfP!e39:Tr^, tr-Mémoirss sur lesplis cMbrau*de

77.  Voici les termes mêmes dont s'est 'servi Gratiolet : « Dans le fœtus dont il s'agit, un des plis frontaux. Néanmoins, M. Alix, Notice sur les travaxx anthropologiques de périeur et tellement rapproché de l'Orang, que des naturalistes très compétents l'ont

a^^t^œ,^W'br,r«r^r,!:r^:^r.s

raissent d'a et o>, tandis que, chez les singes, elles se développent du, et a. »

78.  Ueber die typische Anordnugg der Furchen und Windungen auf den Grosshirn-Hemtsphdren des Menschen und der Affen (Archiv. für Anthropolog,e, vol. III, 186S)

-9. Zur EnUHckelungs GescMchte der Furchen und Windungl des GrossMrn-HeL-pharet im Fœtm des Menschen (Archiv. fur Anthropologie, vol. III 1868).

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224                    LA'DESCENDANEE DE L'HOMME            [Ire Partie]

2° Les plis proprement diss commencent à apparaître dans l'intervalle qui s'écouee entre la fin du quatrième moss et le commencement du sixième mois de la vie fœtale; mass Ecker a soin de faiee remarquer qu,, non seulement l'époque, mais ausii l'ordee de leur apparition sont sujess à des variations indviduelles considérables. En aucun cas, cependant, les plis frontaux ou tempraux ne paraissent les premiers.

Le premier à paraître se trouee même sur la surface intérieure de l'hémisphère (d'où il résulte sans douee qu'il a échapéé à Gratiolet qui ne sembee pas avoir examiné cetee face dans le fœtus qu'il possédait) et es,, soit le pli perpen-

le pli postéro-pariétal ou fissuee de Rolando, qui est suivi pendant le couss du sixième mois par les autres plss principaux des lobes frontaua, pariétaux, -temporaux, occipitaux. Toutefois, il n'est pas démontrs qu'un de ces plis paraisse certainement avant l'autre; il est à remarquer, en outre, que, dans le cerveau âgé de six moss décrit et figuéé par Ecker (loc. cit., pp. 212-213, pi. 11. fig. 1, 2, 3, 4), le pli antéro-temporal (scissure parallèle), si caractéristique du cerveau du sing,, est ausii bien, sinon mieu,, développé que la fissuee de Holando et est plus nettement indiqué que les plss frontaux.

11 me semble, si l'on envisage l'ensemble de ces faits, que l'ordee de l'apparition des plis et des circonvolutions dans le cerveau fœtal humain concorde parfaitement avec la doctrine générale de l'évolution et avec l'hypothèse que l'Homme procède de quelque formr ressemblant au singe, bien qu'on ne pussse douter que cette form,, sous bien des rapports, étatt différeete de tous les Primates actuellement vivan.s.

Von Baer nous a enseigné, il y a cinquante ans, que, dans le couss de leur développement, les animaux alliés revêtent d'abord les caractères des groupes étendus auxquels ils appartiennent, puss revêtent par degrés les caractères qui les renferment dans les limites d'une famille, d'un genre et d'uee espèce; il a prouéé en même temps qu'aucune phase du développement d'un animal élevé n'est précisément semblab'e à la condition adulte d'un animal inférieur.

Il est parfaitement correct de dire qu'une grenouille pasee par la condition de possson; car, à une période de son existence, le têtard a tous les caractères d'un poisson et, s'il ne se développait passubséquemment, devrait êtreclasse parmi les poissons; mass il est également vrai que le têtard diffère beaucoup de tous les poissons connus.

De même on peut dieequele cerveau d'un fœtus humain, pendantle cinquième moss de son exsstence, ressemble non seulement au cerveau d'un sing,, mais à celui d'un marmouset ou singe arctopithécin; car ses hémisphères, avec leuss deux grandes cornss postérieures et sans aucun pli si ce n'est le pli sylvien et le pli calcarin, présentent tous les caractères trouvés seulement dans le groupe des Primates arctopithécins. Mais il est également vra,, comme le fait remar-querGratiolet, que, par sa fissuee sylvienee largement ouverte, ce cevveau difTère de celui de tous les marmousets actuels. Sans doute, il ressemblerait beaucoup plus au cerveau d'un fœtus avanéé de marmouset; mass nous ignorons complètement quel est le mode de développement du cerveau chez les marmous.ts. Dans le groupe Platyrrhinin proprement di,, la seule observation que je connaisse a été faite par Pansch qui a trouvé dans le cerveau du fœtus d'un Cébus apella, outre la fissuee sylvienne et la profonde scisuure calcarine, seulement une fissuee antéro-temporale(scissure parallèle de Gratiolet) très peu profonde. Or, ce fait, rapproché de la circonstance que la fissure antéro-temporale est présente chez certains Platyrrhinins, tess que les saimi,i, qui possèdent de simples traces de fissuee sur la moitié antérieure de l'extérieur des hémsphères cérébraux, ou qui n'en possèdent pas du tou,, vient évidemment à l'appui de l'hypothèse de Gratiolet en veruu de laquelle les plis postérieurs apparaissent avant les plis antérieurs dans le cerveau des Platyrrhinins.

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[ChapPVII]            DE LA STRUCTURE DU CERVEAU           . ' 225

Mais il ne s'ensuit en aucuee façon que tarègle qui s'applique aux Platyrrhi-nins s'applique ausii aux Catarrhin.ns. Nous n'avoss aucun renseignement relativement au développement du cerveau chez les Cynomorphes; quatt aux Anthromomorphes, nous ne possédons qu'une seuee observation, celle faite sur le cerveau du Gibbon, quelque temss avant la nasssance, dont nous avons déjà parlé. Nous ne possédons donc actuellement aucun témoignage qui permette de déclarer que les plis du cerveau d'un Chimpanzé ou doun Orang ne paraissent pas dans le même ordee que les plis du cerveau de l'Homme.

Gratiolet commence sa préface par l'aphorisme : m Il est dangereux dans les sciences de conclure trop vite. D Je crains qu'il n'att oublié cette excellente maxime au moment où, dans le corps de son ouvrage, il aborde la discussion des différences qui existent entre l'Homme et les singes. Sans aucun doute, l'éminent auteur d'un des travaux les plus remarquables relativement au cerveau des Mammifères aurait été le premier à admettre l'insuffisance de ses données, s'il avatt vécu assez longtemps pour profiter des recherches nombreuses faites de toutes parts. Il faut donc infiniment regretter que ces conclusions aient été employées par certaines personnes, inaptes à apprécier les basss sur lesquelles elles reposenr, comme des arguments en faveur de l'obscurantism~»u.

En tous cas, que l'hypothèse de Gratiolet sur l'ordee relatif de l'apparition des plis temporaux et frontaux soit fondée ou non, il est important de remarquer qu'un fait resee patent : avant l'apparition des plis temporaux ou frontaux, le cerveau du fœtus humain présente des caractères qu'on trouee seulement dans le grouee inférieur des Primates (à l'exception des Lémurs) ; or, c'est exactement ce qui devatt arriver si l'Homme procède des modifications graduelles de la même forme que celle d'où sont sortis les autres Trimâtes.

SO. M. t'abbé Lecomte, par exemple, dans un terrible pamphlet, le Darwinisme et l'origine de !'Homme, 1873.

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DEUXIEME PARTIE

LA SÉLECTION SEXUELLE

CHPITRE VIHI

PRINCIPES DE LA SÉLECTION SEXUELLE

Caractères sexuels secondaires. - Sélection sexuelle. - Son mode d'action. ^^Seton^^=rl^â^-Sr^^^

correspondantes de l'année, et limitée par le sexe. - Rapports entre les.di-verses formes de l'hérédité. - Causes pour lesquelles un des sexes et les jeunes ne sont pas modifiés par la sélection sexuelle. - Supplément sur les nombres proportionnels des mâles et des femelles dans le règne animal. -La proportion du nombre des individus mâles et femelles dans ses rapports avec la sélection naturelle.

Chez les animaux à sexes séparé,, les mâles diffèrent nécessarement des femelles par leurs organes de reproduction, qui consttuent les caractères sexuess primaires. Mais les sexes diffèrent souvent aussi par ce que Hunter a appelé les caractères sexuel: secondaires, qui ne sont pas en rappotl direct avec l'acte de la reproduction; le mâle, par exemple, possède certains organes de sens ou de locomotion, dont la femelle est dépourvue; ou bien ils sont beaucoup plus développés chez lui pour permettre de la trouvrr et de l'atteindre; ou bien encore, le mâle est muni d'organes spéciaux de préhension, à l'aide desquels il peut facllement la maintenir. Ces divers organes, très diversifiés, se confondent avec d'autres que, dans certains cas, on peut à peine distinguer de ceux qu'on considèee ordinairement comme les organss primaires; tels sont les appendices complexss qui occupent l'extrémité de l'abdomnn des insectes mâles. A moins que nous ne restre-gnions le terme « primaire x aux glandes reproductrices seules,

s

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[Chappviii]           de la sélection sexuelle                      227

il n'est presque pas possible d'établir une ligne de démarcation entre les organes sexuess primaires et les organss secondaires.

La femelle diffère souvent du mâle en.ce qu'elle possède des. organss destinés à l'alimentation ou à la protection de ses jeune,, tels que les glandes mammaires des Mammifères, et les poches, abdominales des Marsupiaux. Dans quelquss cas plus rares, le mâle possède des organss analogues qui font défaut chez la femelle, comme les réceptacles pour les œufs qu'on trouve chez certains poissons mâles, et ceux qui se développent temporairement chez certaines grenouilles mâles. La plupate des abeilles femelles ont un appareil particulier pour récolter et porter le pollen, et leur ovipositeur se transforme en un aiguillon pour la défense des larves et de la communauté. Nous pourrions encore citer de nombreux cas analogues, mais qui ne nous intéressent pas ici. Il existe, toutefois, d'autres différences qui n'ont aucune espèce de rappott avec les organes sexuels primaires, différences qui nous intéressent pius particulièrement, - telles que" la plus granee taille, la force,' les dispositions belliqueuses du mâle, ses armes offensives ou défensive,, sa coloration fastueuee et ses divers ornements, la faculté de chanter, et autres caractères analogues.

Outre' les différences sexuelles primaires et secondaires auxquelles nous venons de faire allusion, le mâle et la femelle diffèrent quelquefois par des conformations en rappott avec différentes habitudss d'existence, et n'ayant que des relations indirectes, ou n'en ayant même pas, avec la fonction reproductrice. Ainsi les femelles de certaines mouchss (Culicidés et Tabanidés) sucent le sang, tandis que les mâles vivent sur les fleurs et ont la bouche privée de mandibules'. Certaines phaèènes mâles ainsi que quelques crustacés mâles (Tanais) ont seuls la bouche imparfaite, fermée, et ne peuvent absorbrr aucune nourriture. Les mâles complémentaires de certains Cirripèdes viven,, comme les plantes épiphytiques, soit sur la femelle, soit sur la forme hermaphrod,te, et sont dépourvus de bouche et de membres, préhensiles. Dans ces cas, le mâle s'est modifié et a perdu certaiss organes importants que possèdent les femelles. Dans d'autres cas, la femelee a subi ces modifications; ains,, le lampyee femelle est dépourvu d'alle;; ces organes, d'allleurs, font si bien défaut à beaucoup de phalènss femelles que quelques-unss ne quittett jamais le cocon. Un grand nombre de crustacés parasites femelles ont perdu leurs pattes na-

1. Westwood, Modem Massif, of Insects, vol. II, 1840, p. 511. Je dois a FritzMillier le fait relatif au Tanais.                                           .            <

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228                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           pie Partie]

tatôires. Chez quelquss charançons (Curculionidés)Ia trompe présente une grande différence en longueur chez le mâle et chez la femelle»; mais nous ne saurioss dire quelle est la signification de ces différences et d'autres analogues. Les différences de conformtion entre les deux sexes, qul se rapportent A diverses habitudes d'exsstence, sont ordinairement limitées aux animaxx inférieuss: chez quelquss oiseaux, cependant, le bec du mâle diffère de celui de la femelle. Le huia de la Nouvelle-Zélande présenee à cet égard unedifférenee extraordina;re; )edocteurBtilfcr' affirme que lemâle se sert de son bec puisaant pour fouiller le bois mor,, afin d'en extraire les insectes, tandss que la femelle fouille les parties les plus molles avec son bec long, élastique et recourbé ; de cette façon le mâle et la femelle s'entr'aident mutuellement. Dans la plupatt des cas, les différences de conformation entre les deux sexes se rattachent plus ou moins directement à la propagation de l'espèce; ains,, une femelle qui a à nourrir une multitude d'œufs a besoin d'une nourriture plus abondanee que fe mâle, et, par conséqunnt, elle doit possédrr des moyens spéciaux pour se la procurer. Un animal mâle qui ne vit que quelquss heures peut, sans inconvénient, perdre, par défaut d'usag,, les organss qui lui servent à se procurer des afiments, tout en conservatt dans un état parfatt ceux de la locomotion, qui lui servent à attenndre la femelle. Celle-c,, au contraire, peut perdee sans danger les organss qui lui permettent fe vol, la natation et la march,, si elle acquiert graduellement des habitudes qui lui rendent la locomotion inutile.

Nous n'avons toutefois a nous occuper ici que de la sélection sexuelle. Cette sélection dépend de t'avantage que certaiss indivdus ont sur d'autres de même sexe et de même espèce, sous le rappott exclusff de la reproduction. Lorsque la conformation diffère chez les deux sexes par suite d'habitudes différentes, comme dans les cas mentionnés ci-dessu,, il faut évidemment attribuer les modifications subies à fa séleciion naturelle, et aussi à f'hérédité limitée à un seul et mômesexe. Il en est de même pour les organes sexuess primaires, ainsi que pour ceux destinés à l'alimentation et à la protection des jeune;; car les individss capables de mieux engendrer et de mieux protégrr leurs ascendants doivent nn laisse,, exteris paribus, un plus grand nombee qui hérttent de leur supéririté, tandis que ceux qui les engendrent ou les nourrissent dans de mauvaises conditions n'en laissent qu'un pettt nombee pour hériter

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[ChapP VIII]              DE LA SÉLECTION SEXUELLE                           229

de leur faiblesse. Le mâle cherche ordinairement la femelle, les organes des sens et de la locomotion lui sont donc indispensables; mais, si ces organss lui sont indispensables, ce qui est généralement le cas, pour accomplir d'autres actes de l'existence, ils doivent leur développement à l'actinn de la sélection naturelle. Lorsqee le mâle a joint la femelle, il lui faut, quelquefois des organes préhensiles pour la retenir; ains,, le docteur Wallace m'apprend que certaines phalènss mâles ne peuvent pas s'unrr avec les femelles, si leurs tarses ou pattes sont brisés. Beaucoup de crusaacés océaniquss mâles ont les pattes et les antennss extraordinairement modifiées pour pouvorr saisir la femelle; d'où nous pouvons concluee que, ces animaux étant exposés à être ballotés par les vagues de la pleine mer, les organss en question leur sont absolument nécessaires pour qu'ils puissent propagrr leur espèce ; dans ce cas, le développement de ces organss n'a été que le résultat de la sélection ordinaire ou séleciion naturelle. Quelques animaux p)acés très bas sur l'échelle se sont modifiés dans le même but; ains,, certains vers parasites mâles, qui ont atteint leur développement complet, ont la surface inférieuee de l'extrémité du corps transformée en une sorte de râpe; ils enroulent cette extrémité autour de la femelle et la maintienntnt ainsi très fortement4.

Lorsque les deux sexes ont exactement les mêmes habitudes d'existence, et que le mâle a les organss des sens et de la locomotion plus développés qu'ils ne le sont chez la femelle, il se peut que ces sens perfectionnés lui soient indispensables pour trouvrr la femelle. Mais, dans la grande majorité des cas, ces organes perfectionnss ne servent qu'à procurer à un mâle une certaine supériorité sur les autres mâle,, car les moins privilégiés, si le temps leur en étatt laissé, réussiraient tous à s'apparier avec des femelles sous tous les autres rapports, à en juger d'après ta strucuure des femelles, ces organss serarent également bien adaptés aux habitudes ordinaires de l'existence. La sélection sexuelee a dû évidemment intervenir pour produire les organss auxquels nous faisons allu-

4. M. Perrier, Revue seientifigue, 15 mars 1873, p. 865, invoque ce cas qu'il considère comme portant un coup fatal à l'hypothèse de la sélection sexuelle, car il suppose que j'attribue à cette cause toutes les différences entre les sexes. Je dois ePnPcondure' que cet éminent naturaliste, comme tant d'autres savants français, ne s'est pas donné la peine d'étudier et.de comprendre les premiers principes de la sélection sexuelle. Un naturaliste anglais insiste sur le faitque les crochets dont sont pourvus certains animaux mâles ne peuvent devoir leur

la femelle! 11 me fallait lir

dévetoppen.ent à un enoix exercé par la femelle! 1. me fa.lait lire cette remarque pour supposer que quiconque a lu ce chapitre s'imagine que j'aiejamais prétendu que le choix de la femelle avait une influence quelconque sur le dévetoppement des organes préhensiles du mâle.

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230.                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Partie]

sion, car les mâles ont acquis la conformation qu'ils ont aujoud'hu,, non pas parce qu'elle les met à même deremporter la victoire dans la lutte pour l'existence, mais parce qu'elpe leur procuee un avantage sur les autres mâles, avantage qu'ils ont transmis à leur postérité mâle seule. C'est l'importance de cette distinction qui m'a condutt à donner à cette forme de sélection te nom de séleciion sexuele.. En outre, si le service principal que les organss préhensiles rendent aux mâles est d'empêcher que la femelle ne lui échappe avant l'arrivée d'autres mâles, ou lorsqulil est assallii par eux, la 'sélection sexuelle a dû perfectionner ces organss en conséquence de ta supériorité que certains mâles ont acquis sur leurs rivaux. Mais il est impossbble, dans la majorité des cas de cette nature, d'établir une ligne de démarcation entre les effets de la séleciion naturelle et ceux de la sélection sexuelle. On pourrait remplir des chapitres de particularités sur les différences qui existent entre les sexes sous le rapport des organes sensitifs, locomoteurs et préhensiles. Cependant, comme ces conformations ne sont pas plus intéressantes que celles qui servent aux besoins ordinaires de la vie, je me propoee d'en négliger la plus grande partie, me bornant à indiqurr quelquss exemplss dans chaque classe.

La sélection sexuelee a dû provoquer le développement de beaucoup d'autres conformations et de beaucopp d'autres instincts; nous pourrions citer, par exemple, les armes offensives et défensives que possèdent les mâles pour combattre et pour repousser leurs rivaux; le couraee et l'esprtt belliqueux dont ils font preuv;; les ornements de tous genre,, qu'ils aiment à étaler; les organss qui leur permettent de produire de la musique vocale ou instrumentale et les glandes qui répandent des odeuss plus ou moins suaves; en effet, toutes ces conformations servent seulemnnt, pour la plupart, à attrrer ou à captiver la femelle. Il est bien évident qu'il faut attribuer ces caractères à la sélection sexuelee et non a la sélection ordinaire, car des mâles désarmés, sans ornements, dépourvus d'attraits, n'en réussiraient pas moins dans la lutte pour l'existence, et seraiett aptes a engendrer une nombreuse postérité, s'ils ne se trouvaient en présence de mâles mieux doués. Le fait que les femelles, dépourvues de moyens de défense et d'ornements, n'en survivent pas moins et reproduisent l'espèce, nous autorise à concluee que cette assertinn est fondée. Nous consacrerons dans les chapitres suivanss de longs détails aux caractères sexuess secondaires auxquels nous venons de faire allusion; en effet, ils présentent un vif intérêt sous pluseeurs rapports, mais principalement en ce qu'ils dépendett de la volonté, du choix, et de la rivalité des

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[Chap. VIII]            DE LA SELECTION SEXUELLE                        231

individss des deux sexes. Lorsque nous voyons deux mâles lutter pour la possession d'une femelle, ou plusieuss oiseaux mâles étaler leur riche plumage, et se livrer aux gestes les plus grotesques devant une troupe de femelles assemblées, nous devons évidemment concluee que, bien que guidés par l'instinct, ils savent ce qu'ils font, et exercent d'une manièee consciente leurs qualités corporelles et mentales.

De même que l'homme peut améliorer !a race de ses coqs de combat par la séleciion de ceux de ces oiseaux qui sont victorieux dans l'arèn,, de même les mâles les plus forts et les plus vigoureux, ou les mieux armé,, ont prévalu à l'état de nature, ce qui a eu pour résultat l'amélioration de la race naturelle ou de l'espèce. Un faible degré de variabilité, s'il en résutte un avantage, si léger qu'il soit, dans des combass meurtriers souvent répétés, suffit à l'œuvre de la sélection sexuelle; or, il est certann que les caractères sexuels secondaires sont éminemment variables. De même que l'homm,, en se plaçant au point de vue exclusif qu'il se fait de la beauté, parvient à embellir ses coqs de basse-cou,, ou, pour parler plus strictement, arrive à modifier la beaué- acqusee par l'espèce parente, parvient à donner au Bantam Sebright, par exemple, un plumage nouveau et élégant, un port relevé tout particulier, de même il semble que, à l'état de nature, les oiseaux femelles, en choisissant toujouss les mâles les plus attrayants, ont développé la beauéé ou les autres qualités de ces derneers. Ceci impliqu," sans doute, de la part de la femelle, un discernement et un goût qu'on est, au premier abord, disposé à lui refuse;; mais j'espère démontrer plus loin, par un grand nombre de faits, que les femelles possèdent cette aptitude. Il convient d'ajouter que, en attribuant aux animaux inférieuss le sens du beau, nous ne supposons certes pas que ce sens soit comparable-à celui de l'homme civilisé, doué qu'il est d'idées multiples et complexe;; il seratt donc plus juste de comparer le sens pour le beau que possèdent les animaux à celui que possèdent les sauvages, qui admirent les objets brillanss ou curieux et aiment à s'en pare..

Notre ignorance sur bien des poinss fait qu'il nous reste encore quelque incertitude sur le mode précss d'action de la sélection sexuelle. Néanmoins, si les naturalistes, qui admettent déjà la mutabilité des espèces, veulent bien lire les chapitres suivants, ils conviendront, je pense, avec moi, que la séleciion sexuelle a joué un rôle important dans l'histoire du monde organique. Il est certain que, chez presque toutes les espèces d'animaux, il y a lutte entre les mâles pour la possession de la femelle; ce fait est si notoire-

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232,                    LA DESCENDANCE DE L'HOMME .         [H. Pabt.e]

ment connu qu'il seratt inutlle de citer des exemples. Par conséquen,, si l'on admet que les femelles ont une capacité mentaee suffisanee pour exercer un choix, elles sont à même de choisrr le mâle qui leur convien.. Il semble, d'ailleurs,.que, dans un.grand nombre de cas, les circonstances tendent à rendee la lutte entre les maies extrêmement vive. Ainsi, chez les oiseaux migrateurs, les mâles arrivent ordinairement avant les femelles dans les localités où doit se faire la reproduction de l'espèce; il en résutte qu'un grand nombre de mâles sont tout prêts à se disputer les femelle.. Les chasseuss assurent que le rossignol et la fauvetee a tête noire mâles arrivent toujours les premeers; M. Jenner Werr confirme le fait pour cette dernière espèce.

M. Swaysland, deBrighton, qui, pendant ces quarante dernières années, a eu l'habitude de capturer nos oiseaux migrateurs dès leur arrivée, m'écrtt qu'il n'a jamass vu les femelles arriver avant les mâles. 11 abattit/un printemps, trente-neuf mâles de hochqqueses (Budytes Raii) avant d'avoir vu une seule femelle. M. Gould, qui a disséqué de nombreux oiseaux, affirme que les bécasses mâles arrivent dans ce pays avant les femelles. On a observé le même fait aux États-Unis chez la plupatt des oiseaux migrateurs». La plupatt des saumons mâles, lorsqu'ils remontent nos rivière,, sontprêts à la reproductionavantlesfemelles. lien estdemême, a ce qu'ir semble, des grenouilles et des crapauds. Dans la vaste classe des insectes, les mâles sortent presque toujouss les premiers de la chrysalide, de sorte qu'on les voit généralement fourmiller quelque temps avant que les femelles apparaissent». La cause de cette différence dans la période d'arrivée ou de maturation des mâles et des femelles est évidente. Les mâles qui ont annuellement occupé les premeers un pays, ou qui, au printemps, sont les premiers à se propager, ou les plus ardenss à la reproduction de l'espèc,,ont dû laisser de plus nombreux descendants, qui tendent à hériter de leurs instincts et de leur constitution. Il faut se rappeler, on outre, qu'il seratt impossible de changrr beaucoup l'époque de la maturité sexuelle des femelles sans apporter en même temps de grands troubles dans

5. J.-A. Allen, Mammals and Winter Birds of Florida; Bull. Comp. Zoology, Harvard Collège, p. 268.

6.  ...me cta les ptenl.s à ,»«, ,cparé,, les „,„,, ,„*,„, .„!«„, e^n-

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[Chap.viii]            de la sélection sexuelle .             233

la période de la production des jeune,, production qui doit être déterminée par les saisons de l'année. En somme, il n'est pas douteux que, chez presque tous les animaux à sexes séparé,, il y a une lutte périodique et constanee entre les mâles pour la possession des femelles.

Il y a, cependant, un point important qui mérite toute notre attention. Comment se fait-ll que les mâles qui l'emportent sur les autres dans la lutte, ou ceux que préfèrent les femelles, laissent plus de descendanss possédatt comme eux une certaine supériorité, que lès mâles vaincus et moins attrayants ? Sans cette condiiion, la sélection sexuelle seratt impusssante à perfectionner et à augmenter les caractères qui donnent à certains mâles un avantage sur d'autres. Lorsque les sexes existent en nombre absolument égal, les mâles les moins bien doués trouvett en définitive des femel,es (sauf là où règne la polygamie), et laissent autant de descendants, aussi bien adaptés pour les besoins de l'existenee que les mâles les mieux paraagés. J'avass autrefois conclu de divers faits et de certaines considérations que, chez la plupart des animaux à caractères sexuess secondaires bien développés, le nombre des mâles excédait de beaucoup celui des femelle;; mais il ne semble pas que cette hypothèse soit complètement exacte. Si les mâles étaient aux femelles comme deux est à un, ou comme trois est à deux, ou même dans une proportion un peu moindre, la question serait bien simple; car les mâles les plus attrayants ou les mieux armés laisseraient le plus grand nombee de descendants. Mais, après avoir étudié autant que possible les proportions numériques des sexes, je ne crois pas qu'on puisse ordinairement constater une grande disproportion numérique. Dans la plupatt des cas, la séleciion sexuelle paratt avoir agi de la manière suivante.

Supposons une espèce quelconque, un oiseau, par exemple, et partageons en deux groupss égaux les femelles qui habitett un district; l'un comprend les femelles les plus vigoureuses et les mieux nourries; l'autre, celles qui le sont moins. Les premières, cela n'est pas douteux, seront prêtes à reproduire au printemps avant les autres; c'est là, d'allleurs, l'opinion de M. Jenner Weir, qui, pendant bien des année,, s'est beaucoup occupé des habitudes des oiseaux. Les femelles les plus saine,, les plus vigoureuses et les mieux nourries réussiront auss,, cela est éviden,, à élever en moyenne le plus grand nombee de descendants'. Les mâles, ainsi

7. Je puis invoquer l'opinion d'un savant ornithologiste sur le caractère des petits. M. J.-A. Allen, Mammats and Winter Birds of Florida, p. 229, dit, en parlant des couvées tardives produites par la destruction accidentelle des

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234                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Hc» Part.k]

que nousTavons vu, sont généralement prêss à reproduire avant les femelles; les mâles les plus forts, et, chez quelquss espèces, les mieux armés; chassent leurs rivaux plus faible,, et s'accouplent avec les femelles les plus vigoureuses et les plus saines, car celles-ci sont les premières prêtes à reproduire 8. Les couples ainsi const-tués doivent certainement élever plus de jeunes que les femelles en retard, qui, en supposatt l'égalité numérique des sexes, sont forcées de s'unrr aux mâles vaincus et moins vigoureux; or, il y a là tout ce qu'il fautpour augmenter, dans le cours des généraiions successives, la taille, la force et le courage des mâles ou pour perfectionner leurs arme..

Il est, cependant, une foule de cas où les mâles qui remportent la victoire sur d'autres mâles n'arrivent à possédrr les femelles que grâce au choix de ces dernières. La cour que se font les animaux n'es,, en aucune façon, aussi brève et aussi simple qu'on pourrait !e suppose.. Les mâles les mieux orné,, les meilleuss chanteurs, ceux qui font les gambades les plus bouffonne,, excitent davantage les femelles qui préfèrent s'accoupler avec eux; mais il est très probable, comme on a d'aileeurs l'occasion de l'observer quelquefois, qu'elles préfèrent en même temps les mâles les plus vigoureux et les plus ardents. Les femelles les plus vigoureus,s, qui sont les premières prêtes à reproduire, ont donc un grand choix de mâles, et, bien qu'elles ne choisissent pas toujouss les plus robustes ou les mieux armés, elles s'adressent, en somme, à des mâles qui, possédant déjà ces qualités à un haut degré, sont, sous d'autres rapports, plus attrayants. Ces couples formés précocement ont, pourélever leur progéniture, de grands avantages du côté femelle aussi bien que du côté mâle. Cette cause, agissant pendant une longue série de générations, a, selon toute apparence, suffi non seulement à augmenter la force et le caractère belliquexx des mâles, mais aussi leurs divers ornements et leurs autres attraits.

Dans le cas inverse et beaucoup plus rare où les mâles choissssent

premières couvées, que les oiseaux qui en proviennent sont a plus petits, plus pauvrement colorés que ceux éclos au commencement de la saison. Dans le cas où les parents font plusieurs couvées par an, les oiseaux qui proviennent de la première semblent, sous tous les rapports, plus parfaits et plus vigoureux ,.

8.  Hermann Mûller adopte la même conclusion relativement aux abeilles femelles, qui, chaque année, sortent les premières de la chrysalide. Voir à cet égard son remarquable mémoire : Anwendung den Darwin'schen Lehre auf

.Bienen; Verh. d. V. lahrg XXIX, p. 45.

9.  J'ai reçu à cet égard, sur la volaille, des renseignements que je citerai plus loin. Même chez les Oiseaux tels que les pigeons, qui s'apparient pour ta vie, la femelle, à ce que m'apprend M. Jenner Weir, abandonne le mâle, s'il

btessé ou s'il devient trop faible.

est

.trop

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[Chap. VIII]             DE LA SÉLECTION SEXUELLE                           235

des femelles particulières, il est manifesee que les plus vigoureux, après avoir écarté leurs rivaux, doivent avoir le choix libre; or, il est à peu près certain qu'ils recherchent les femelles les plus vigoureuses et les plus attrayantes à la fois. Ces couples ont de grands avantages pour l'élève de leurs jeune,, surtout si le mâle est capable de défendre la femelle pendant l'époque du ru,, comme cela se produit chez quelques animaux élevés, ou d'aider à l'entretien des jeunes. Les mêmes principes s'appliquent si ]es deux sexes préfèrent et choissssent réciproquement certains individus du sexe contraire, en supposant qu'ils exercent ce choix, ~non seulement parmi les sujets les plus attrayants, mais auss, parmi les plus vigoureux.

Proportion numérique des deux sexes.-3'ai fait remarquer que la sélection sexuelle seratt chose fort simple à comprendre, si le nombre des mâles excédatt de beaucoup celui des femelle.. En conséquence, je cherchii à me procurer des renseignements aussi circonstanciés que possible sur la proportion numérique des individus des deux sexes chez un grand nombre d'animaux; mais les matériaux sont très rare.. Je me bornerai à donner ici un résumé fort succinct des résultats que j'ai obtenu;; je réserve les détails pour une discussion ultérieure, afin de ne point interrompre le cours de mon argumentation. On ne peut vérffier les nombres proportionnels ' des sexes, au moment de !a naissance, que chez les animaux domesiiquss; et encore n'a-t-on pas tenu des registres spéciaux dans ce but. Toutefois, j'ai pu recueillir, par des moyens indirects, un nombee considérable de données statistiquesil en résulte que,chez la plupatt de nos animaux domestiques, les individus des deux sexes naissent en nombee à peu près égal. Ainsi,on a enregistré,pendant une période de vingt et un ans, 25,560 naissances de chevaux'-de course; la proportion des mâles aux femelles est comme 99.7 est à 100. Chez les lévrier,, l'inégalité est plus grande que chez tout autre anima,, car sur 6,878 naissances, réparties sur douze ans, les mâles étaient aux femelles comme 110.1 esta 100. Il serait, toutefois, dangereux de concluee que cette proportion est la même à l'état de nature qu'à l'état domestique, cardes différences légères et inconnuss suffisent pour affecter dans une certaine mesure les proportions numériques des sexes. Prenon,, par exemple, le genre humain : le nombre des mâles s'élève, au moment de la naissance, à 104,5 en Angleterre, à 108,9 en Russie, et chez les Juifs de Livourne, à 120 pour 100 du sexe féminin. J'aurai, d'ailleurs, à revenrr sur le fait curieux de l'excédntt des mâles au moment de la naissance dans

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236                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ise pABiœ]

un supplément à ce chapitre. Je puis ajoute,, toutefois, que, au cap de Bonne-Espérance, on a compté pendant plusieuss années de 91 à 99 garçons d'extraction européenne pour 100 fittes.

Ce n'est pas, d'allleurs, seulement le nombee proportionnel des mâles et des femelles au moment de )a naissanee qui nous intéresse, mais ausii le nombre proportionnel à l'âge adulte; il en résulte un autre élément de doute, car on sait très positivement qu'il meur,, avant ou pendant ]a parturition, puis dans les premières années de la vie, une quantité beaucoup plus grande d'enfants du sexe masculin que du sexe féminin. On;constate le même fait pour les agneaux mâles, et probablement auss,, il est vra,, pour d'autres animaux. Les mâles de certaines espèces se livrent de terrbbles combass qui amènent souvent la mort de l'un des adversaire,, ou ils se pourchassent avec un acharnement tel qu'ils finissent par s'épusser complètement. En errant à la recherche des femelles, ils sont exposés à de nombreux dangers. Les poissons mâles de différentes espèces sont beaucoup plus petits que les femelles; on affirme qu'ils sont fréquemment dévorés par celles-c,, ou par d'autres poisson.. Chez quelques espèces d'oiseaux, les femelles meurent, dit-on, plus tôt que les mâles; elles courent aussi de plus grands dangers, exposées qu'elles sont sur le nid, pendant qu'elles couvent ou qu'elles soignent leurs petits. Les larves femelles des insectes, souvent plus grosses que les larves mâles, sont, par conséqunnt, plus sujettes à être dévorée;; dans quelquss cas, les femelles adultes, moins active,, moins rapides dans leurs mouvements que les mâles, échappent moins facilement au dange.. Chez les animaux à l'état de nature, nous ne pouvons donc, pour apprécier le nombre proportionnel des mâles et des femelles à t'âg& adulte, nous baser que sur une simple estimation, qui, à l'exception peut-être des cas où l'inégalité est très marquée, ne doit inspirer que peu de confiance. Cependan,, les faits que nous citerons dans le supplément qui termine ce chapitre semblent nous autoriser à conclure que, chez quelquss mammifères, chez beaucoup d'oiseau,, chez. quelques poissons et chez quelques insectes, le nombee des mâles excède de beaucoup celui des femelles.

Le nombee proportionnel des individus des deux sexes éprouve de légères fluctuations dans le cours des années; ains,, chez les chevaux de course, pour 100 femelles nées, les mâles avaient varié d'une année àune autre dans le rappott de 107.1 à 92.6, et chez les lévriers de 116.3 a 95.3. Mais il est probable que ces fluctuations auraient dispauu si l'on avatt dressé des tableaxx plus complets, basés sur une région plus étendue que l'Angleterre seule;

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[Chap.viii]            de la sélection sexuelle                        237

ces différences no suffiraient pas pour déterminer à l'état de natuee l'intervention effective de la sélection sexuelle. Néanmoins, comme on en trouvera la preuve dans le supplément, le nombee propotionnel des mâles et des femelles paraît éprouve,, chez.quelquss animaux sauvages, suivant les différentes saisons ou les diverses localités, des fluctuations suffisantes pour provoqurr une action de ce genre. Il faut, en effet, remarquer que les mâles, vainqueurs des autrss mâles ou recherchés par les femelles à cause de leur beauté, acquièrent au bout d'un certain nombee d'années, ou dans certaines localités, des avantages qu'ils doivent transmettre à leurs petits et qui ne sont pas de nature à disparaître. En admettant que, pendant les saisons suivantes, l'égalité en nombee des individus des deux sexes permette à chaque mâle de trouver une femelle, les mâles qui descendent de ces mâles plus vigoureux, plus rechechés par les femelles, supéreeurs en un mot, ont au moins tout autant de chance de laisser des descendants que les mâles moins forts et moins beaux.

Polygamie. - La praiique de la polygamie amène les mêmes' résultats que l'inégalité réelee du nombee des mâles et des femelles. En effet, si chaque mâle s'approprie deux ou plusieuss femelles il en est beaucoup qui ne peuvent pas s'accoupler, et ce sont certainement les plus faibles ou les moins attrayants. Beaucoup de mammifères et quelquss oiseaux sont polygames, mais je n'ai pas trouvé des preuves de cette particularité chez les animaux appartenant aux classes inférieures. Les animaux inférieuss n'ont peut-être pas des facultés intellectuelles assez développées pour les pousser à réunrr et à entretenrr un harem de femelles. Il paratt à peu près certain qu'il existe un rappott entre la polygamie et le développement des caractères sexuels secondaires; ce qui vient à l'appii de l'hypothèse qu'une prépondérance numérique des mâles est éminemment favorable à l'action de la séleciion sexuelle. Toutefois, beaucoup d'animaux, surtout les. oiseaux strictement monogame,, ont des caractères sexuels secondaires très marqués, tandis que quelquss autre,, qui sont polygames, ne sont pas dans le même cas.

Examinons rapidement au point de vue de la polygamie la classe des Mammifères, nous passerons ensuite aux Oiseaux. Le Gorille paratt être polygam,, et le mâle, difïère considérablement de la femelle; il en est de même de quelquss babounss vivant en sociétés qui renferment deux fois autant de femelles adultes que de mâles. Dans l'Amérique du Sud, la couleu,, la barbe et les organss vocaux

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du Myce<es caraaa présentent des différences sexueless marquées et le mâle vit ordinairement avec deux ou trois femelles; !e Cebus capucinus mâle diffère quelque peu de la femelle, et paratt être polygam''». On n'a que fort peu de renseignements à cet égard sur le plupatt des autres singes; on sait, cependant, que certaines espèces sont strictement monogames. Les Ruminan,s, essentiellement polygames, présentent, plus fréquemment qu'aucun autre groupe de Mammifères, des différencss sexuelles, non seulement par leurs arme,, mais aussi par d'autres caractères. La plupatt des cerfs, les bestiaux et les moutons sont polygames ; il en est de même des antllopes, à l'exception de quelquss espèces monogames. Sir Andrew Smith, qui a étudié les antllopss de l'Afrique méridionale, affirme que, dans des troupss d'environ une douzaine d'indvvidus, on voit rarement plus d'un mâle adulte. h>Antilo~e saiga asiatique paratt être !e polygame le plus désordonéé qui existe, car Pallas" constate que le mâle expulse tous ses rivau,, et rassembee autour de lui un troupeau de cent têtes environ, composé de femelles et de jeune;; la femelle ne porte pas de cornes et a des poils plus fins, mais ne diffère pas autrement du mâle. Le cheval sauvage qui habtle les îles Falkland et les Étass situés au nord-ouest de l'Amérique septentrionale estpolygamejmaw. saufsa taille plus grande etlespro-portions de son corps, il ne diffère que peu de la jument. Les crocs et quelques autres pariicularités du sanglirr sauvage constituent des caractères sexuess bien accusé;; cet animal mène en Europe et dans l'Inde une vie solitaire, a l'exception de la saison de l'accouplemen,, pendatt laquelle, à ce qu'assure Sir W. Ellio,, qui l'a beaucoup observé dans l'Inde, il vit dansee pays avec plusieurs femelles; il est douteux qu'il en soit de même pour te sanglier d'Europe, bien que, cependant, on signaee quelquss faits à l'appui. L'éréphant indien adutte mâte passe une grande partie de son existence dans la solitud,, comme le sanglier; mais le docteur Campbell affirme que, lorsqulil est associé avec d'autres, « il est rare de rencontrer plus d'un mâle dans un troupeau entier de femelles ». Les plus grands mâles expulsent ou tuent les plus petits et les plu faibles. Le mâle diffère de la femelle par ses immenses défense,

10. Sur le Gorille, voir ravage et Wymah, Boston Vourn. of Nat. Hist.,\o\.\, 184M7, p. 423. Sur le Cynocéphale, Brehm Jllustr. TMerleben,- vol. î, 1864 p 77 Sur le Mycetes Rengger, Naturg. Sàuyelhiere von Pàraouag, 1830, p. 14,' 20.Sur le Cebus, Brehm op.,c, .. 10..

H.; PaUas, Spicilegia Zoolog. Fasc. XII, 1777, p. 29. Sir Andrew Smith, Illustrations oftheZoologyof S. Africa, 1849, p. 29 sur le Kobus. Owen. Anal. of Vertébrates, vol. III, 1868, p. 633, donne un tableau indiquant quelles sont tes espèces d'antilopes qui s'apparient et cellesqui vivent en.troupeaux

US

ses,

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[Chap. VIII]            DE LA SÉLECTION SEXUELLE'                       239

sa grande taille, sa force et ia faculté qu'il possède de supporter plus longtemss la fatigue; la différence sous ces rapports est si considérabte qu'on estime les mâles, une fois capturés, à 20 p. 100 au-dessus des femelles ». Les sexes 'ne diffèrent que peu ou point chez les autres pachydermes qui, autant que nous pouvons le savoir, nesont pas polygames. Aucune espèce appartenant aux ordres des Cheiroptères, des Ëdentés, des Insectivores ou des Rongeurs, n'est polygame, autant, toutefois, que je puis le savoir; le rat commun fait peut-être exception à cette règle, car quelques.chasseuss de rats affirment que les mâles vivent avec plusieuss femelles. Chez certains paresseux (Édentés) les deux sexes diffèrent au point de vue du caractère et de la couleur des touffes de poils qu'ils portent sur les épaules.3. Plusieuss espèces de chauves-souris (Cheiroptères) présentent des différences sexuelles bien-marquée;; les mâles, eneffet, possèdent des sacs et des glandes odorffères et affectent une couleur plus pâle '*. Chez les rongeurs, tes sexes diffèrent rarement; en tout cas, les différences sont légères et portent seulement sur la couleur des poils;

Sir A. Smith m'apprend que, dans l'Afrique australe, le lion vit quelquefois avec une seule femelle, mais généralement avec plusieurs; on en a découvett un avec cinq femelles; cet animal est donc polygam.. C'est, autant que-je puis le savoir, le seul animll polygame de tout le groupe des carnivores terrestres, et le seul offrant des caractères sexuels bien accusés. Il n'en est pas de même chez les carnivores marins : en effet, beaucoup d'espèces de phoques présentent des différences sexueless extraordinaires, et sont essentiellement polygames. Ainsi, t'étéphant de mer (Mac?ochinus pro-boscidëus) de l'Océan du Sud est toujours, d'après Péron, entouéé de plusieuss femelles, et le lion de mer (ptaria jubata), de Forster, est, dit-on, accompagéé par vingt ou trente femelles. L'ouss de mer mâle, de Steller (Arctocephalus ursinus), dans le Nord, se fait suivre d'un nombre de femelles encore plus considérable. Le docteur Gill <5 a fait à cet égard une remarqee très intéressante : « Chez les espèces monogames, ou celles qui vivent en petites sociétés, on observe peu de différence de taille entre le mâle et la femelle; chez tesespèces sociabees, ou plutôt chez celles où tes. mâles pos-

12. D. Campbell, Proc. Zoolog. Soc, 1869, p. 138. Voir aussi un mémoire

p l^oir un excellent mémoire du V Dobs0n, Pro, Zoolo, ***, 1,3, 15. The Eared Seals; American Naturalnt. vol,IV, janv. M71.

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240            'LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee PARTIE]

sèdent de véritables harem,, les mâles sont beaucoup plus grands que les femelles. »                                           : "

En ce qui concerne les oiseaux, un grand nombee d'espèce,, dont les sexes s'accusent par de grandes différence,, sont certainement monogames. En Angleterre, par exemple, on observe des différences sexuelles très marquées chez le canard sauvag,, qui ne s'accoupee qu'avcc une seule femelle, ainsi que chez le merle commun et le bouvreu,l, qu'on dit s'accoupler pour la vie. M. Wallace m'apprend qu'on observe !e même fait chez les Cotingddés de l'Amérique méridionale et chez beaucoup d'autres espèces d'oiseaux. Je n'ae pas pu parvenrr à découvrrr si les espèces de plusieuss groupes sont polygamss ou monogames. Lesson soutient que les oiseaux de paradis, si remarquables par leurs différences sexuelles, sont polygames, mais M. Wallace doute qu'il ait pu se procurer des preuvss suffisantes. M. Salvin m'apprend qu'il a été conduit à admettre que les oiseaux-mouches sont polygames. heCAera progne mâle, remarquable par ses plumes caudales, paraît certainement être polygame'». M. Jcnner Weir et d'autres mîont assuré quill n'est pas rare de voir trois sansonnets fréquenter le même nid; mais on n'a pas'encore pu détermnner si c'est là un cas de polygamie ou de polyandrie.

Les Gallinacés présentent des différences sexueless presque aussi fortement accusées que les oiseaux de paradss ou que les oiseaux-mouches, et beaucoup d'espèces sont, comme on le sait polygames; d'autres sont strictement monogames. Les mâles diffèrent considérabeement des femelles chez le paon et chez le faisan polygames; ils en diffèren,, au contraire, fort peu chez Ja pintade et chez la perdrix monogames. On pourrait citer d'autres faits à l'appui : ains,, par exemple, dans la tribu des Grouses (Lagopèdes), le capercailzie polygame et le faisan noir, polygame auss,, différent considérablement des femelles; tandss que les mâles et les femelle,, chez le grouee rouge .et chez !e ptarmigan monogames, diffèrent très peu. Parmi les Cjirsores, il n'y a qu'un pettt nombee d'espèces qui présentent des différences sexueless fortemett accusée,, à l'exception des outardes, et on affirme que la grande outarde (Olis tarda) est polygam.. Chez les Grallatores, trss peu d'espèces présentent des différences de cette nature; !e combattant (Machetes pugnax)

16. The Ibis, vol. III, 1861, p. 133, sur le Chera Progn.. Voir auss,, sur le Vidua axillaris, ibid., vol. II, 1868, p. 211. Sur la polygamee du grand coq de bruyèee et de la grande outard,, voir L. Lloyd, Game Birds of Sweden, 1867,

pp. 19 et 182. Montagu et Selby affirment que le grouse noir est polygame et que le grouse rouge est monogam..

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[Chap. VIII]            DE LA SELECTION SEXUELLE . _         241

constitue, toutefois, une exception remarquable, et Mo'ntagu affirme qu'il est polygame. Il semble donc qu'il y ait souven,, chez les oiseaux, une relation assez étroite entre !a polygamee et le développement de différences sexuelles marquées. M. Bartlett, des Zoological Gardens, qui a si longtemss étudié les oiseaux, me.ré-pondait, ce qui me frappa beaucou,, un jour que je lui demandais si le tragopan mâle (gallinacé) est polygame : « Je n'en sais rien, mais je serais disposé à le croire en raison de ses splendides cou-

U faut remarquer que l'instinct qui pousse à s'accoupler avec une seule femelle se perd aisément à l'état de domesticité. Le canard sauvage est strictement monogam,, le canadd domestique est polygame au plus haut degré. Le Rév. W. D. Fox m'apprend que quelquss canards sauvagss à demi apprivoés,s, conservés sur un grand étang du voisinage, faisaiett des couvées extrêmement nombreuses, bien que le garde tuât les mâles de façon à n'en laisser qu'un pour sept ou hutt femelles. La pintade est strictement monogame; cependatt M. Fox a remarqué que les oiseaux réusssssent mieux lorsqulnl donne à un mâle deux ou trois poules. Les canaris, à l'état de nature, vont par couples; mais, en Angleterre, les éieveuss réussissent à donner quatre ou cinq femeltes à un mâle. J'ai signalé ces cas, car ils tendent à prouvrr que les espèces, monogames à l'état de nature, parasssent sans difficutté pouvorr devenir polygames d'une façon temporaire ou permanente.

Nous avons trop peu de renseignemests sur les habitudes des reptiles et des poissons pour pouvoir nous étendee sur leurs-rapporss sexues.. On affirme, toutefois, que l'épinoche (Gasterosteus) est polygam"" 1endant la saison des amours, le mâle diffère considérablement de la femelle.

Résumoss les moyens par lesquels, autant que nous en pouvons juge,, la sélection sexuelle a détermnéé le développement des caractères sexuels secondaires. Nous avons démontré que l'accouplement des mâles les plus robustes et les mieux armés, qui ont vaincu d'autres mâle,, avec les femelles les plus vigoureuses et les. mieux nourries, qui sont les premèères prêtes à engendrer au printemp,, produit le plus grand nombee de descendanss vigoureux. Si ces femelles choissssent les mâles les plus attrayants et les plus forts, elles élèvent plus de petits que les femelles en retard qui ont dû s'accoupler avec les mâles inférieuss aux précédents, sous !e rappott de la force et de la beauté. Il en sera de même si

17. Noël Humphreys, «„«« Gardens, 1857.

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les mâles les plus vigoureux choissssent les femelles les plus attrayantes et les mieux constituées, et cela sera d'autant plus vra,, si le mâle vient en aide à !a femelle et contribue à l'alimentation des jeune.. Les couples les plus vigoureux peuvent donc élever un plus grand nombre de petits, et cet avanaage suffit certainement pour rendre la sélection sexuelee efficace. Cependant une grande prépondérance du nombre des mâles sur celui des femelles serait beaucoup plus efficace encore; soit que cette prépondérance fut accidentelle et locale, ou permanen;e; soit qu'elle eût lieu dès la naissance, ou qu'elle fût le résultat subséquent de la plus grande destruction des femelle;; soit enfin qu'elle fût la. conséquence indirecte de la polygamie.

Les modifications sont généralement plus accusées chez le mâle que, chez la femelle. - Lorsque les mâles diffèrent des femelles au point de vue de l'apparence extérieure, c'est, à de rares exceptions près, - et cette remarque s'applique à tout le règne anima,, - le mâle quiasubileplusdemodifications; en effet, la femelle continue ordinairemett à ressembler davantage aux jeunes de l'espèce à laquelle elle appartient ou aux autres membres du même group.. Presqee tous les animaxx mâles ont des passions plus vives que les femelles ce qui paratt être la cause de ces différence.. C'est pour cela que les mâles se battent, et déploient avec tant de soin leurs charmes devant les femelle;; ceux qui l'emportent transmettent leur supériortté à leur postérité mâle. Nous aurons à examiner plus loin comment il se fait que les mâles ne transmettent pas leurs caractères à leur postérité des deux sexes. Il est notoire que, chez tous les mammifères, les mâles poursuivent les femelles avec ardeu.. It en est de même chez les oiseaux; mais la plupatt des oiseaux mâles cherchent moins à poursuivre la femelle qu'à la captiver; pour y arriver, ils étalent leur plumag,, se livrent à des gestes bizarres et modulent les chanss les plus doux en sa présence. Chez les queques poissons qu'on a observés, le mâle paratt être aussi beaucoup plus ardent que la femelle; il en est évidemment de même chez les alligators et chez les batraciens. Kirby" a fait remarquer avec justesee que, dans toute l'immense classe des insectes, « le mâle recherche la femelle ». MM. Blackwall et C. Spence Bâte, deux autorités sur le sujet, m'apprenntnt que les araignées et les crustacés mâles ont des habitudes plus actives et plus vagabondes que les femelle.. Chez certaines espèces d'insectes et de crustacés, les

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18. Kl.by et Spen.,, ;»»„. ,»»,«„*„, ,.l. III. 18*6, p. 342.

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organss des sens ou de la locomotinn existent chez un sexe et font défaut chez l'autre, ou, ce qui est fréquen,, sont plus développss chez un sexe que chez l'autre ; or, autant que j'ai pu le reconnaître, !e mâle conserve ou possède presque toujouss ces organss au plus haut degré de développement; ce qui prouve que, dans les relations sexuelles, le mâle est le plus actif».

La femelle, au contraire, est, à de rares exceptions près, beaucoup moins ardenee que le mâle. Comme le célèbre Hunter» l'a fait observrr il y a bien longtemps, elle exige ordinairement « qu'on lui fasse la cour »; elle est timide, et cherche pendant longtemss à échapprr au mâle. Quiconque, a étudié les mœurs des.animaux a pu constater des exemples de ce genre. Divers faits que nous citerons plus loin, et les résultats qu'on peut attribuera l'intervention de la sélection sexuelle, nous autorisent à conclure que ia femelle, comparativement passive, n'en exerce pas moins un certain choix et accepte un mâle plutôt qu'un autre. Certaines apparences nous portent parfois à penser qu'elee-accepte, non pas le mâle qu'elle préfère, mais celui qui lui déplatt le moins. L'exercice d'un certain choix de Ja part de la femelle paratt être une loi aussi généraee que l'ardeur du mâle.

Ceci nous amène naturellement à rechercher pourquoi, dans tant de classes si distinctes, le mâle est devenu tellement plus ardent que Ja femelle, que ce soit lui qui Ja recherche toujouss et qui joue le rôle le plus actif dans les préliminaires de l'accouplement. 11 n'y auratt aucun avantag,, il y aurait même une dépense inutile de force à ce que les mâles et les femelles se cherchassent mutuelemen;; mais pourquii le mâle joue-t-il presque toujouss le rôle le plus actf?? Les ovules doivent recevorr une certaine alimentation pendatt un certain laps de temps après Ja fécondation ; il faut donc que le pollen soit apporté aux organss femelles et pJacé sur le stigmate, soit par concouss des insectes ou du vent, soit par les mouvements spontanés des étamines; et, chez les algue,, etc., par Ja locomotinn des anthérozoïdes.

Chez les animaux d'organisation inférieuee à sexes séparss qui

19. D'après Westwood (Modem Massif. ofInsects, vol. II, p. 160), un insecte. hyménoptère parasite constitue une exception à la règle, car le mâle n'a que des ailes rudimentaires et ne quitte jamais la cellule où il est né, tandis que la femelle a des ailes bien développées. Audouin croit que les femelles sont

^IZÎssays and Observations, édités par Ovven, vo.. I, 1861, p. 194.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

sont fixés d'une manière permanente, l'élément mâle va invariablement trouver la femelle; il est, d'ailleurs, facile d'expliquer la cause de ce fait : les ovules, en effet; en admettant même qu'ils se détacheraentt avant d'êrre fécondés et qu'ils n'exigeraient aucune alimentation ou aucune protection subséquente, sont, par leurs dimensions relativement plus grandes, moins facilemntt transportables que l'élément mâle et, par le fait même qu'ils sont plus grand,, existent en plus pettte quantité. Beaucoup d'animaux inférieuss ont donc, sous ce rapport, beaucoup d'anaoogie avec les plantes». Les animaux mâles aquatiques fixés, ayant été ainsi conduits à émettre leur élément fécondant, il est naturel que leurs descendants, qui se sont élevés sur l'échelee et qui ont acquss des organes de locomotion, aient conseréé la même habitude et s'approchent aussi près que possible de la femelle, pour que l'élément fécondant ne soit pas exposé aux risquss d'un iong passage au travess de l'eau. Chez quelquss animaux inférieurs, les femelles seules sont fixées, il faut donc que les mâles aillent les trouve.. Quand aux formes dont les . ancêtres possédaient primitivement la facutté de la locomotion, il est difficile de comprendre pourquoi les mâles ont acquss l'invariable habitude de rechercher les femelles, au lieu que celles-ci recherchent les mâles. Mais, dans tous les cas, il a fallu, pour que les mâles devinssent des chercheurs efficaces, quiils fussent doués de passions ardentes; or, te développement de cespassions découle naturellement du fait que les mâles plus ardenss laissent plus de descendants que ceux qui le sont moins.

La grande ardeur du mâle à donc indirectement déterminé un développement beaucopp plus fréquent des caractères sexuess secondaires chez le mâle que chez la femelle. L'étude des animaux domestiques m'a condutt à penser que le mâle est plus sujet à varier que la femelle, ce qui a dû singulièrement faciliter ce développemen.. Von Nathusius, dont l'expérience est si considérable, partage absolument la même opinion ". La comparaison des deux sexes chez l'espèce humanee fourntt aussi des preuves nombreuses à l'appui de cette hypothèse. Au cours de l'expédition de la No-vara,, on a procédé à un nombee considérable de mesurages des

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[Chap.VIII]             DE LA SÉLECTION SEXUELLE                        245

diverses parties du corps chez différentes races, et, dans presque tous les cas, les hommss ont présenéé une plus grande somme de variations que les femmes; je reviendrai d'allleuss sur ce point dans un chapitre subséquent. M. J. Wood», qui a étudié avec beaucoup de soin la variation des muscles chez l'espèce humaine, imprime en itaiiquss la conclusion suivanee : < Le plus grand nombee d'anomalies, dans chaque partie prise séparément, se trouve chez ]e sexe mâle. » Il avatt déjà remarqué que « sur un ensemble de 102 sujets, les variétés de superfluités étaient moitié plus fréquentes chez les hommss que chez les femmes, ce qui contrastait fortement avec la plus grande fréquenee des déficits précédemment décrits déjà chez ces dernières .. Le professeur Macalister remarque égalemen"» que les variations dés muscles « sont probablement plus communss chez les mâles que chez les femelles ». Certains musclé,, qui ne sont pas normalement présents dans l'espèce humanne, se développent aussi plus fréquemment chez le mâle que chez la femelle, bien qu'on ait signaéé des excepiions à cette règle. Le docteur Burt Wilde"» a enregistré 152 cas d'individus ayant des doigss suppéémentaires; 86 ont été observés chez des homme,, et 39, moins de )a moitié, chez des femmes; dans les 27 autres cas, on n'a pas constaéé !e sexe. Il faut se rappeler, il est vra,, que les femmes cherchent plus que les hommss à dissimuler une difformité de ce genre. Le docteur L. Meyer affirme de son côté que la forme des oreilles est plus variabee chez l'homme que chez la femme.. Enfin, la température du corps varie davantage aussi chez l'homme que chez la femme».

On ne sauratt indiqurr la cause de la plus grande variabilité généraee du sexe mâle; on doit se borner à dire que les caractères sexuess secondaires sont extraordinairement variables et que ces caractères n'existent généralement que chez le mâle, ce qu'il est, d'allleurs, facile de comprendre dans une certaine mesur.. L'intervention de la sélection naturelle et de ia sélection sexuelle a rendu, dans beaucoup de cas, les animaux mâles très différenss des femelles; mais, indépendammtnt de la sélection, la différence de consttution qui existe entre les deux sexes tend à les faire varier d'une manière un peu différente. La femelle doit consacrer une grande quantité de matière organique à ta formatinn des œufs; te mâle, de

24. Proceedings Royal Soc, vol. XVII juil. 1868, pp. 519 et 524. : 25. Proc. Roy, Irish Academy, vol. X, 1868, p. 123. 26. Massachuse.«s Medic. Soc, vol. IL n° 3, 1868, p. 9.

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son côté, dépenee beaucoup de forces à lutter avec ses rivaux, à errer à la recherche de la femelle, à exercer ses organss vocaux, à répandre des sécréiions odoriférantes, etc,, et cette dépense doit généralement se faire dans une courte périod.. La grande vigueur du mâle pendant !a saison des amouss semblé souvent donner un certain éclat à ses couleurs, même quand il n'existe pas de différence bien marquée, sous ce rapport, entre lui et la femelle». Chez l'homme, et si l'on descend t'échelle organique jusque chez les Lepidoptères, )a température du corps est plus élevée chez !e mâle que chez la femelle, ce qui se tradutt chez l'homme par des pulsations plus lentes3». En résum,, les deux sexes dépensent probablement une quantité presque égale de matière et de force, bien que cette dépense s'effectue de manière différenee et avec une rapidité, différente.

Les causes que nous venons d'indiquer suffisent pour expliqurr que !a constitution des mâles et des femelles doive différer quelque peu, au moins pendant la saison des amour;; or, bien qu'ils soient soumis exactement aux mêmes conditions, ils doivent tendee à varier d'une manière quelque peu différente. Si les varaations ainsi déterminées ne sont avantageuses ni au mâle ni à la femelle, ni la sélection sexuelle, ni la sélection naturelle n'intervienntnt pour les accumuler et les accroître. Néanmoins, les caractères qui en résutent peuvent devenrr permanents, si les causes existantes agissent d'une façon permanente; en outre, en vertu d'une forme fréquenee de l'hérédité, ils peuvent être transmis au sexe seul chez lequel ils ont d'abodd paru. Dans ce cas, les mâles et -es femelles en arrventà présenter des différencss de caractères, différences permnentes, tout en étant peu importantes. M. Allen a démontré, par exemple, que, chez un grand nombee d'oiseaux habitant les parties septentrionales et tes parties méridionales des États-Unis, les individus provenant des parties méridionales affectent des teintes plus foncées que ceux des parties septentrionales. Cette différence semble être le résultat direct des différences^ température, de lumière, etc., qui existent entre les deux région.. Or,dans quelquss cas, les

29. Le professeur Mantegazza est disposé à croire (LeUera a Carlo Darwin, Archivio per l'Anthropolbgia, 1871, p. 306).que les brillantes couleurs communes à tant d'animaux mâles résultent de la présence chez eux du fluide spermatique. Je ne crois pas que cette opinion soit fondée, car beaucoup d'oiseaux mâles, les jeunes faisans, par exemple, revêtent leurs brillantes couleurs pendant l'automne de leur première année. i 30. Votr pour l'espèce humaine, le D' J. Stockton Hough, dont les conclu-

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deux sexes d'une même espèce, semblent avoir été différemment affectés. Les couleuss de VAgelœus pAœKiceus mâles sont devenuss bien plus brillantes dans le sud; chez le Cardinalis virginianm,ce sont les femelles qui ont subi une modification; les Quiscalusmajor femelles revêtent des teintes très variables, tandss que celles des mâles restent presque uniformes".

On signale, chez diverses classes d'animaux, certains cas exceptionnels; c'est alors la femelle qui, au lieu du mâle, a acquss des caractères sexuels secondaires bien tranchés, des couleuss plus brlllantes, une tallle plus élancée, une force plus grande et des goûts plus belliqueux. Chez les oiseaux, comme nous le verrons plus tard, il y a quelquefois eu transposition complète des caractères ordinaires propres à chaque sexe; les femelles, devenues plus ardentes, recherchent les mâles qui demeurent relativement passifs, mais qui choisissent probablement, à en juger par les résultats, les femelles les plus attrayantes. Certains oiseaux femelles sont ainsi devenus plus richement coloré,, plus magnif.quement ornés, plus puissants et plus belliqueux que les mâles, caractères qui ne sont -transmis qu'à la seule descendance femelle.

On pourrait supposer que, dans quelquss cas, il s'est produtt un double courant de sélection : les mâles auraentt choisi les femelles les plus attrayantes, et, réciproquement, ces dernières auraient choisi les plus beaux mâles. Ces choix réciproques pourraient certainement déterminer la modif.cation des deux sexes, mais ee tendraient pas à les rendee différenss l'un de l'autre, à moins d'admettre que leur goût pour le beau ne différâ;; mais c'est là une suppositiontrop improbable chez les animau,, l'homme excepté, pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter. Toutefois, chez beaucoup d'animaux, les individus des deux sexes se ressemblent, et possèdent des ornements tels que l'analogee nous condurrait à les attrbuer à l'intervention de la sélection sexuelle. Dans ces cas, on peut supposer d'une manière plus plausible qu'il y a eu un double cou-ran!ou un courant réciproque de sélection sexuelle; les femelles les plus vigoureuses et les plus précoces ont choisi les mâles les plus beaux et les plus vigoureux, et ceux-c,, de leur côté, ont repoussé toutes les femelles n'ayant pas des attraits suffisants. Mais, d'après ce que nous savons des habitudes des animau,, il est difficile de soutenrr cette théorie, car le mâle s'empresee ordinarrement de s'accoupler avec une femelle quelle qu'elee soit. Il est beaucoup plus probable que les ornemenss communs aux deux sexes ont été

s

3I. Mammals and Birds of Florida, pp. 234,280, 295.

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248 ';           LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IL Pabto]

acquss par l'un d'eux, géneralement par ee mâle, et ensutte transmis aux descendants des deux sexes. Si, cependant, les mâles d'une espèce quelconqee ont, pendant une longue périod,, été beaucoup plus nombreux que les femelles, puis, qu'enuuite, durant une autre longue périod,, dans des conditions différentes, les femelles soient devenuss à leur tour beaucoup plus nombreuses que les mâles, un double couran,, bien que non simultané, de sélection sexuelle se seratt facilement produtt et auratt eu pour résultat la grande différenciation des deux sexes.

Nous verrons plus loin que; chez beaucoup d'animaux, aucun des sexes n'est ni brillamment coloré ni paré d'ornements spéciaux, bien que les individus des deux sexes, ou d'un seul, aient probablement acquis grâce à la sélection sexuelle des couleurs simples telles que le blanc ou le noir. L'absence de teintes brillantes ou d'autres ornemenss peut résulter de ce qu'il ne s'est jamais présenéé de va-' nations favorables à leur production, ou du fait que ces animaxx préfèrent les couleuss simples, telles que )e noir ou le blanc. La sélection naturelle a dû souvent intervenir pour produire des couleurs obscures comme moyen de sécurité, et il se peut que l'immnence du danger ait réagi contre la sélection sexuelle qui tendatt à développrr une coloration plus brillante. Mais il se peut aussi que, dans d'autres cas, les mâles aient lutté les uns contre les autres,pen-dantde longuss périodes,pour s'emparer des femelles, sans qu'il se soit produtt aucun résultat; à moins que les mâles les plus heureux aient mieux réussi que les mâles moins favorssés à laisser après eux un plus grand nombee de descendants qui héritent de leur supériorité; or ceci, comme nous l'avons déjà démontré, dépend de nombreuses éventualités très complexe..

La sélection sexuelle agit d'une manière moins rigoureuse que !a sélection naturelle. Celle-ci entraîne !a vie ou la mor,, à tous les âges, des individus plus ou moins favorssés. I! est vrai que les combats entre mâles rivaux entraînent souvent la mort d'un des deux adversaires. Mais, en généra,, ie mâle vaincu est simplement privé de femelle, ou en est rédutt à se contenter d'une femelle plus tardive et moins vigoureuse, ou en trouve moins s'il est polygame; de sorte qu'il laisse des descendants moins nombreux etplus faibles ou qu'il, n'en a pas du tou.. Quand il s'agtt des conformations acquises grâce à )a séleciion ordinaire ou sélection naturelle, il y a, dans la plupatt des cas, tant que les condiiions d'existence restent les mêmes, une limite à l'étendee des modfiications avantageuses qui.peuvent se produire dans un but détermnné; quand il s'agit, au contraire, des conformations destinées à assurer la victoire à un

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[Chap.viii]            de la sélection sexuelle -             249

mâle, soit dans !e comba,, soit par les attraits qu'il peut présenter, il n'y a point de limite définie à l'étendee des modifications avantageuses; de sorte que, tant que des variations favorables surgsssent, la sélection sexuelle continue son œuvre. Cette circonstance peut expliquer en pariie la fréquenee et l'étendee extraordinaire de )a variabilité que présentent les caractères sexuels secondaires. Néanmoin,, la sélection naturelle doit s'opposer à ce que les mâles victorieux acquièrent des caractères qui leur deviendraient préjudciables, soit parce quiils causeraient une trop grande déperdition de leurs forces vitales, soit parce qu'ils les exposeraient à de trop grands dangers. Toutefois, le développement de certaines conformation,, - des bois par exemple, chez certains cerfs, - a été pouséé à un degré étonnant; dans quelquss cas même, à un degré tel que ces conformations doivent légèrement nuire au mâle, étant données les conditions générales de l'existence. Ce fait prouve que les mâles qui ont vaincu les autres mâles grâce à leur force ou à leurs charmes, ce qui leur a valu une descendance plus nombreuse, ont ainsi recuellii des avantages qui, dans le cours des temps, leur ont été plus profitables que ceux provenant d'une adaptation plus parfaite aux condiiions d'existence. Nous verrons en outre, ce qu'on n'eût jamass pu supposer, que l'aptitude à charmer une femelle a, dans quelque cas, plus d'importance que la victoire remportée sur d'autres mâles dans le combat.

LOSS DE L'HÉRÉDITÉ.

La connasssance des lois qui régissett l'hérédité, si imparfaite que soit encore cette connasssance; nous est indispensable pour bien comprendre comment la sélection a pu agir et comment elle a pu produire dans le cours des temp,, chez beaucoup d'animaux de toutes classes, des résultats si considérables. Le terme < hérédité 9 comprend deux élémenss distincts : la transmission des caractères et leur développement; on omet souvent de faire cette distinction, parce que ces deux élémenss se confondent ordinairement en un seul. Mais cette distinction devient apparente, quand il s'agtt des caractères qui se transmettent pendant les premèères années de la vie, pour ne se développrr qu'à l'état adutte ou pendant la vieillesse. Elle devient plus apparente encore quand il s'agtt des caractères sexuess secondaires qui, transmis aux individus des deux sexes, ne se développent que chez un seul. Le croisemett de deux espèces,. possédant des caractères sexuess bien tranchés, fourntt la preuve évidente de ces caractères chez les deux sexes; en effet, chaque

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espèce transmet les caractères propres au mâle et à la femelle à la progéniture métis de l'un et de l'autre sexe. Le même fait se produtt également lorsque des caractères particuliers au mâle se développent accidentellement-chez la femelle âgée ou malade, comme, par exemple, lorsque la poule commune acquiert la queue flottane,, la collerette, la crête, les ergots, la voix et même l'humeur belliqueuse du coq. Inversement, on observe plus ou moins nettement le même fait chez les mâles châtrés. En outre, indépendamment de la vieillesee ou de la malade,, certains caractères passent parfois du mâle à la femelle; ainsi, chez certaines races de volallles, il se forme régulièrement des ergoss chez des jeunes femelles parfaitement saines; mais ce n'est là, après tou,, qu'un simple cas de développmen,, puisqu,, dans toutes les couvées, !a femelle transmet chaque détall de la structure de l'ergot à ses descendants mâles. La femelle revêt parfois plus ou moins complètement des caractères propres au mâle qui se sont d'abord développés chez ce dernie,, puis qui lui ont été transmis; nous citerons plus loin bien des exemples de cette nature. Le cas contraire, c'est-à-dire le développement chez le mâle des caractères propres à la femelle, est bien moins fréquent ; il convient donc d'en citer un exemple frappant. Chez les abeille,, la femelle seule sesertdellappareiicollecteurdepollen.afmderecueillirdupolienpour les larves; cependant, cet appareil, bien que complètement inutile, est partiellement développé chez les mâles de la plupatfdes espèces et on le rencontre à l'état parfait chez le Bombus et le Bourdon mâles». Cet appareil n'exisee chez aucun autre insecte hyménoptère, pas même chez la guêpe, bien qu'elle soit si voisine de l'abeille; nous n'avons donc aucune raison de supposer que les abeilles mâles recueillaient autrefois le pollen aussi bien que les femelle,, bien que nous ayons quelque raison de croire que les mammifères mâles participaient à l'allaitement des jeunes au même titre que les femelles. Enfin, dans tous les cas de retou,, certains caractères se tranmettent à travess deux, trois ou. un plus grand nombee de générations, pour ne se développrr ensutte que dans certaines conditions favorables inconnues. L'hypothèse de la pangenôse, qu'on l'admette ou non comme fondée, jette une certaine lumière sur cette distinction importante entre la transmission et le développement. D'après cette hypothèse, chaque unité ou cellule du corps émet des gemmules ou atomes non développés, qui se transmettent aux descendants des deux sexes, et se multiplient en se divisant, Il se peut que ces atomes ne se développent pas pendant les premières années de la

32. Il. muer, Anwendungder Darwinien Lehre, etc.t p. 42.

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vie ou pendant plusieuss générations successives; leur transformation en' unités ou cellules, semblables à celles dont elles dériven,, dépend de leur affinité et de leur union avec d'autres unités ou cellules, préaaablement développées dans l'ordee normal de la croissance.

Hérédiléauxpériodescorrespondantesdelavie.-Cettetendanee est bien constatée. Si. un animal acquiert un caractère nouveau pendant sa jeunesse, il reparaît, en règ)e générale, chez les descendanss de cet animal, dans les mêmes conditions d'âge et de durée,. c'est-à-dire qu'il persiste pendatt la vie entière ou qu'il a une nature essentiellement temporaire. Si, d'autre par,, un caractère nouveau apparaît chez un individu à l'état adutte ou même à un âge avancé, il tend à paraître chez les descendants à là même période de !a vie. On observe certainement des excepiions à cette règle; mais alors c'est le plus souvent dans !e sens d'un avancement que d'un retard qu'a lieu l'apparition des caractères transmis. J'ai discuté cette question en détail dans un précédent ouvrage », je me bornerai donc ici, pour rafraîchir !a mémoire du lecteur, à signaler deux ou trois exemples. Chez plusieuss races de volallle, les poussins, alors quills sont couverss de leur duve,, les jeunes poulets, alors qu'ils portent leur premier plumage, ou le plumage de l'âge adulte, diffèrent beaucoup les uns des autres, ainsi que de leur ' souche commun,, le Gallus bankiva; chaque race transmtt fidèlement ses caractères à sa descendance à l'époqee correspondante de la vie. Par exemple, les poulets de ]a race Hambougg pailletée, couverss de duve,, ont quelques taches foncées sur la tête et sur )e tronc, mais ne portent pas de raies longitudinales, comme beaucoup d'autres race;; leur premier plumage véritabee « est admrablement barré », c'est-à-dire que chaqee plume poree de nombreuses barres transversales presque noire;; mais les plumes de leur second plumage sont toutes pailletées d'une tache obscuee arrondie ". Cette race a donc éprouvé des variations qui se sont tranmises à trois, périodes distinctes de la vie. Le pigeon offre un exemple encore plus remarquable, en ce que l'espèce parente primitive n'éprouve avec l'âge aucun changement de plumage; la poitrine seulement prend, à l'état adulte, des teintes plus irisées; il y

33. Variation, etc., vol. II, p. 79. L'hypothèse provisoire de la pangenèse, à laquelle je fais allusion, est expliquée dans l'avanUdernier chapitre.

34 Ces faits sont donnés dans le Poultry Book, 1868, p. 158, de Tegetmeier, sur l'autorité d'un grand éleveur, M. Teebay. Voir pour les caractères des

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a, cependant, des races qui n'acquièrent leurs couleuss caractéristiques qunaprès deux, trois ou quatre mues, et ces modifications du plumage se transmettent régulièrement.

Hérédité à des saisons correspondantes de l'année.-On observ,, chez les animaux à l'état de nature, d'innombrables exempess de caractères qui apparaissent périodiquement à différentes saison.. Ainsi, par exemple, les bois du cerf, et la fourruee des animaux arctiques, qui s'épasssit et blanchtt pendant l'hive.. De nombreux oiseaux revêtent de brillantes couleuss et d'autres ornements, pendant )a saison des amours seulemen..

Pallas constaee- qu'en Sibérie, le poil du bétall domestique et celui des chevaux devient périodiquement moins foncé pendant l'hive;; j'ai moi-môme remarqéi chez certains poney,, enAngleterre, des changements analoguss bien tranchés dans la coloration de la robe, c'est-à-dire que celle-ci passe du brun rougeâtre au blanc absolu. Je ne saurass affirmer que cette tendanee à revêtrr un pelage de couleur différenee à diverses époques de l'année est transmissible; il est, cependant, très-probable quiil en est ainsi, car la couleur constitue un caractère fortement héréditaire chez le cheva.. D'ailleurs, cette forme d'hérédité, avec sa limite de saison, n'est pas plus remarquable que celle qui est limitée par l'âge et par le sexe.

Hérédité limitée par ~ewae.-L'égaletransimssion des caractères aux deux sexes est la forme la plus commune de l'hérédité, au moins chez les animaux qui ne présentent pas de différencss sexuelles très accusée,, et encore l'observe-t-on même chez beaucoup de ces derneers. Mais il n'est pas rare que les caractères se transmettent exclusvvement au sexe chez lequel ils ont d'abodd apparu. J'ai cité, dans mon ouvrage sur !a Variation à l'état domestique, d'amples documenss sur ce poin;; je me contenterai donc ici de quelquss exemples. I) existe des races de moutons et de. chèvres, chez lesquelles la forme des cornes des mâles diffère beaucoup de la forme de celles des femelles; ces différence,, acquises pendant la domestication, se transmettent régulièrement au même sexe. Chez les chats tigré,, la femelle seule, en règle générale, revêt cetterobe, lesmâles affectant une nuance rouge de roullle. Chez la plupatt des races galline,, les caractères propres à chaque

35. Novœspecies Quadrupedum e Glirium ordine, 1T78, p. 7. Sur la transmission delà couleur chez le cheval, Variation, etc., vol. I, p. 21. Voir vol. Il, p.~6, pour la discussion générate sur l'hérédité ûmitée'par le sexe.        . \

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sexe se transmettent seulement au même sexe. Cette forme de transmission est si généraee que nous considérons comme une anomalie, chez certaines races, la transmission simultanée des variations aux individus des deux sexes. On connatt aussi certaines sous-races de volailles chez lesquelles les mâles peuvent à peine se distinguer les uns des autre,, tandss que la couleur des femelles diffère considérablement. Chez le pigeon, les individus des deux sexes de l'espèce souche ne diffèrent par aucun caractère extérieu; ; néanmonns, chez certaines races domestiques, le mâle est autrement coloré que ia femelle-. Les caroncules du pigeon messager anglais et ie jabot du grosse-gorge sont plus fortemntt développés chez le mâle que chez la femelle, et, bien que ces caractères résutent d'une sélection longtemps continuee par l'homm,, la différence entre les deux sexes est entièrement due à la forme d'hérédité qui a prévalu; car, bien loin d'être un résultat des intentions de l'éleveur, cette différence est plutôt contraire à ses désirs.

La plupatt de nos races domestiques se sont formées par l'accumulation de variations nombreuses et légères; or, comme quelques-uns des résultats successivement obtenus se sont transmis à un seul sexe, d'autres à tous les deux, nous trouvons, chez les différentes races d'une même espèce, tous les degrés entre une grande dissemblance sexuelle et une similitude absolue. Nous avons déjà cité des exemples empruntés aux races de volallles et de pigeons; des cas analoguss se présentent fréquemment à l'état de nature. Il arrive parfois, chez les animaux à l'état domestique, mais je ne saurass affirmer que le fait soit vrai à l'état de nature, qu'un individu perde ses caractères spéciaux, et arrive ainsi à ressembler, jusquàà un certain poin,, aux indiv,dus du sexe contraire; ains,, par exemple, les mâles de quelques races de volalless ont perdu leurs plumes masculines. D'autre part, la domestication peut augmenter les différences entre les individus des deux sexes, comme chez le mouton mérino,, dont les brebss ont perdu leurs cornes. De même encore, des caractères propres aux individus appartentnt à un sexe peuvent apparaître subttement chez les individus appartenant à l'autre sexe ; chez les sous-races de volallees, par exempl,, où,danslejeuneâge,les poules portentdes ergots; ou chez certaines sous-races polonaises, dont les femeltes ont, selon toute apparence, primitivement acquis une crête, qu'elles ont ultérieurement tran--

36. Le docteur Chapuis, le Pigeon voyageur belge, 1865, p. 87. Boitard et Corbié, les Pigeons de volière, etc., 1824, p. 173. Voir aussi pour les différences analogues chez diverses races à Modène, Bonizzi, Le variazoni dei colombi domestici, 1873.

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mise aux mâles.. L'hypothèse de la pangnnèse explique tous ces faits; ils résultent, en effet, de ce que les gemmules de certaines unités du corps, bien que présents chez les deux sexes, peuven,, sous J'influence de la domestication, devenir latenss chez un sexe, ou arriver à se développer.

Pourrait-on, au moyen de la sélection, assurer le développement chez un seul sexe d'un caractère d'abodd développé chez les deux sexes? C'est là une quesiion difficile que nous discuterons dans un chapitre subséquent. Mais il importe, cependant,, de bien poser cette question, ce que nous allons faire par un exemple.

Si un éleveur remarquait que quelques-uns de ses pigeons (espèce où les caractères se transmettent ordinairement à égal degré aux deux sexes) deviennent bleu pâle, pourrait-il, par une sélection continu,, créer une race chez laquelle les mâles seuls affecteraient cette nuance, tandss que les femelles ne changeraient pas de couleu?? je me bornerai à dire ici que, bien qu'il ne soit peu--être pas impossible d'obtenrr ce résultat, ce seratt cependatt très difficile; car le résultat naturel de la reproduction des mâles bleu pâle, seratt d'amenrr à cette couleur toute la descendance, les deux sexes compris. Toutefois, si des variations de la nuance désirée apparaissaient spontanément, et que ces variations fussent limitées dès l'abord dans leur développement au sexe mâle, il n'y auratt pas la moindee difficutté à produire une race compotant une différence de coloration chez les deux sexes, ce qui a été, d'ailleurs, effectué chez une race belge, dont les mâles seuls sont rayés de noir. De même, si une variation vient à apparaître chez un pigeon femelle, variation limitée d'abodd à ce sexe dans son développement, il seratt aisé de créer une race dont les femelles seules posséderaient un certain caractère; mais, si la variation n'était pas ainse originellement circonscrite, le problème seratt très difficile, sinon impossible à résoudre".

Surlesrapporlsentrel'époguedudéveloppementd'uncaraclèreet sa transmission à un sexe ou aux ~eux sexes. - Pourquii certains

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[Chap. VIII]              DE LA SÉLECTION SEXUELLE                          255

caractères sont.ils héréditaires chez les deux sexes, et d'autres chez un seul, notamment chez celui où ils ont appauu en premier lieu? C'est ce que, dans la plupatt des cas, nous ignoross entièrement. Nous ne pouvons même conjecturer pourquoi, chez certaines sous-races du pigeon, des stries noires, bien que transmises par la femelle, se développent chez ]e mâle seul, alors que tous les autres.caractères sont également transmss aux deux sexes. Pourquoi encore, chez les chats, la robe tigrée ne se développe-t-elle, à de rares exceptions près, que chez la femelle seule? On a constatéque certains caractères, tels que l'absenee d'un ou de plusieurs doigss ou la présenee de doigts additinnnels, !a dyschromatopsie, etc,, peuvent se transmettre dans telle famille aux hommes seuls, et clans telle autre aux femmes seules, bien que, dans les deux cas, ils soient transmis aussi bien par !e même sexe que par le sexe opposé.8. Malgré notre profonde ignorance, nous connasssons deux règles générales auxquelles il y a peu d'exceptions; les variations, qui apparaissent pour la première fois chez un individu de l'un ou de l'autre sexe à une époque tardvee de la vie, tendent à ne se développer que chez les individus appartentnt au même sexe; les variations qui se produisent, pendant les premières années de la vie, chez un individu de l'un ou de l'autre sexe, tendent à se développrr chez les individus des deux sexes. Je ne prétends, cependant, pas dire que l'âge soit la seule cause déterminante. Comme je n'ai pas encore discuéé ce suje,, je dois, en raison de la portée considérable quill a sur !a sélection sexuell,, entrer ici dans des détails longs et

qUOn\TçotrfTcileqmeent qu'un caractère apparaissant à un âge précoce tende à se transmettre également aux deux sexes. En effet, la constitution des mâles et des femelles ne diffère pas beaucou,, tant qu'ils n'ont pas acquss la facutté de se reproduire. Quand, au contraire, les individus des deux sexes sont assez.âgés pour pouvoir se reproduire, et que leur constitution diffère beaucou,, les gemmules (si j'ose encore me servrr du langage de la pangenèse) qu'émtt chaque partie variabee d'un individu possèdent probablement des affinités spéciaess qui les portent à s'unir aux tissus d'un individu du même sexe, et à se développrr chez lui plutôt que chez un individu du sexe opposé.

Un fait général m'a condutt à penser qu'il existe une relaiion de ce genre ; toutes les fois, en effet, et de quelque manèère que le mâle adulte diffère de la femelle adulte, il diffère de la même façon des jeu-

38. Variation des animaux, etc., vol. II. p. 76.

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'256         -' ; LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

nes des deux sexes. Ce fait, comme je viens de le dire, est généra;; il se vériiie chez !a plupatt des mammifères, des oiseaux, des amphibiss et des poisson,, chez beaucoup de crustacés, d'araignées et chez quelquss insectes, notamment chez certains orthoptères et chez certanss libellules. Dans tous ces cas, les variations, grâce à l'accumulation desquelles le mâle a acquss les caractères masculins qui lui sont propres, ont dû survenrr à une époque tardive de !a vie, car, autrement, les jeunes mâles posséderaient des caratères identiques; or, conformément à notre règle, ces caractères ne se transmettent et ne se développntt que chez les mâles adultes seuls. Quand, au contraire, le mâle adutte ressembee beaucoup aux jeunes des deux sexes (qui, sauf de rares exceptions, sont semblables), il ressembee ordinairement à la femelle adulte; et, dans )a plupatt de ces cas, les variations qui ont déterminé les caractères actuess des jeunes et des adultes se sont probablement produites, selon notre règle, pendant la jeunesse. Il y a, cependant, ici un doute à concevoir, attendu que les caractères se transmettent quelquefois aux descendants à un âge moins avancé que celui où ils ont apparu en premier lieu chez les parents, de sorte que ceux-ci peuvent avoir varié étant adultes, et avoir transmis leurs caractères à leurs jeunes petits. En outre, on observe beaucoup d'animaux chez lesquess les individus adultes des deux sexes, très semblables, ne ressemblent pas aux jeune;; dans ce cas, les caractères propres aux adultes doivent avoir été acquss tardivement dans la vie, et, néanmoins, contrairement en apparence à notre règle, ils se transmettent aux individus des deux sexes. Toutefois, il est possible et même probabee que des variations successives de même natuee se produisent quelquefois simultanément, sous l'inlluenee de conditions analogues, chez les individus des deux sexes, à une période assez avancée de la vie; dans ce cas, les variations se transmettraient aux descendants des individss des deux sexes à un âge avancé correspondant; ce qui, alors, ne constituerait pas une excepiion à la règle que nous avons établie, c'est-à-dire, que les variations qui se produisent à un âge avancé se transmettent exclusivement aux individus appartenant au même sexe que ceux chez lesquess ces variations ont appauu en premier lieu. Cette dernière règle paratt être plus généralement exacte que la seconde, à savoir, que les variations qui surviennent chez les individus de l'un ou de l'autre sexe, à un âge précoce, tendent à se transmettre aux individus des deux sexes. Il est évidemment impossible d'estimer, même approxmativement, les cas où ces deux propositions se vérifient chez le règne animal : j'ai donc pensé quill vaut mieux étudier à fond

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[Chap. VIII]             DE LA SÉLECTION SEXUELLE

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quelquss exemples frappants, et conclure d'après les résultats. La famille des cerfs nous fourntt un champ de'recherches excellent Chez toutes les espèces, une seule excepté,, les bois ne se développent que chez Je mâle, bien qu'ils soient certannement tranmis par la femelle, chez laquelle, d'allleurs, ils se développent

quelquefois anormalement

e développent Chez le renne, au contraire, la femelle

porte aussi des bois; chez cette espèce, par conséquent, les bois

doiven,, d'après notre règle, apparaître à un âge précoce longtemps avant que les individss des deux sexes, arrivésà mlrUé dS rent beaucoup par leur constitution. Chez toutes les autres espèces de cerfs, les bois doiven,, toujouss en vertu de notre règle, appa-

par île; Tiû cirt rU„nl«--------x ____ i

rattre plus tardvvement, car ils ne se développent que chez les seuls mdividss appartenant au sexe où ils ont paru en premier lieu chez l'ancêtre de toute ]a famille. Or chez sept espèces apparte"

nant à des sections distinctes de la famllle, et habitai

f1iflV»rAntoc ac<nA/>nn «t,__i_____ h

habitant des régions

différentes, espèces chez lesquelles les cerfs mâles portent seuls

.....                         '         '             ' ' t ivarianl

,, douze res plus ifférent, 3, faire,

bois parasssent, chez les jeunss animaux des^ux^eTquatTe ou

ClnU Semftinps nmp» la naî^o----„„ AT____________ .,.         . .

*                   —------!------— *^u ^>io ma.li

des bois, je remarque que ceux-ci parasssent à des périodss variant

'", à dix ' s six aut st tout d

en Laponie, des recherches spéciales à ce sujet, m'informe que les

gra            .                   ,            _______;____„ ^„ iuui uiui

CVlZÎe7*l™SS™' <*Qi.a.bjen vouIu> à ™ demand,, faire,

et même plus longtemps chez les mâles des six autr'es plus

flTiZf2!lsS^!s:chez le,renne' le cas est tout diiférent-

cinq semaines après Ja naissance. Nous avons donc ici une conformaiion qui, se développant dès un âge d'une précocité inusitée, et

deux séîes                        Ja famme' M'trouve être COmmune aux

Chez plusieuss espèces d'antilopes les mâles seuls sont pourvss ï..l0™^.t0Utef0iS'. chGZ le plus grand nombr,' les iûdivid^ des

deux sexes en porten.. Quant à J'époque du développement,

rth a étudie aux Zoological Gardens un jeune Coudou(^.

strepsiceros), espèce où les mâles seuls sont armés, et un autre

. ,, ,' v......." — — — ^més, et un Lire

jeune d'une espèce très-voisine, le Canna(Atf. oréas), chez laquelle les individus des deux sexes portent des cornes. Or, conformément à la loi que nous avons posée, le jeune Coudou, bien qu'il ait atteint

39. Je dois à l'obligeance

de M. Cupp.es les, 1p 1-oi.rrf'u»»».™ „..

forestier si expérimenté du marquis de Breadalbane. M. Eyton et'd'auïrês

nus Vrongyloceros du même ZllnZ^oir !%'. ^oS^XSS^f Nat. Science, 1868, p. 13. Tour le Cervus Eldi du Pégou, voir le lieutenant Beavan, Proc. Zool. Soc, 1867, p. 762.               . ._ * .[.. .Ie. T*^.

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258                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [H» Pabtœ]

l'age de dix mois, avatt i^^^f^^^ '"

les cornes Il est à rem aussi que, chez l'antilope furcifère (Ant. Américana)", quelquss

dimensions^ devaient prendee plus tard; tandss que, chez le

jeune Canna mâle, qui n'avait que trois mois, les cornes étaient —......—'—ndesquechez

>pe furcifère

i une sur cinq

, presque rud

10 centimètre t~rouve~donc, au point de vue de la possessinn des cornes par

déjà beaucoup plus grandss que chez le Coudou. Il e-U «marquer aussi que, chez l'antilope furcifère (Ant. Américana) \ quelquss femelles seules, environ une sur cinq, portent des cornes, et encore

qUe'uieS, envuuu »u„. ^, r.......—                    „

-------. „„„„ „Mcm,p ™rtim«n«aires. bien Qu'elles ait

se

ces cornes restent-elles presque rudimentaires, bien qu'elles atte-

gnent parfoss plus de 10 centimètres de longueu;; cette espèce se

° JLn, „ noint de vue de la possession des cornes par les

maies seuls, dans un état intermédiaire; or, les cornes ne parais sent que cinq ou six mois après la naissance. En conséquence, s LscomparL la période de l'apparition des cornes chez l'anU lope furcifère avec les quelquss renseignements que nous avons à cet égard sur les autres espèces d'antilopes et avec les renseigne-

sent que cinq ou six mois après la naissance. En conséquence, si

-------------,„ „^„ ad s.«.pparitioi

enseigne

ment; plus complets que nous potsTdonT relativement auxcornes des cerfs, des bœufs, etc,, nous en arrivons à la conclusinn que les cornes, chez cette espèce, paraissent à une époque intermedia.re c'est-à-dire qu'elles ne parasssent pas de très bonne heure comme chez le bœuf'et le mouton, ni très tard comme chez les espèces plus grandss de cerfs et d'antilopes. Chez les mouton,, les chèvres et

les bestiau,, où les cornes sont bien développées chez les indiv--" , sexes, bien qu'elles -                 .....— —»-

moment de iTnfLTateoupeu'après». Toutefois, certaines races

dus des deux sexes, bien qu'elles n'atteigntnt pas toujouss exactement la même grandeur, on peut h* sentir oujnéme les voir au

iers sont seuls

de mouton,, les mérino,, par exemple, où les bélier

ces

sont seuls armés de corne,, semblent faire excepiion à notre règle; car, malgré mes recherche.", je n'ai pu prouvrr que, chez cette race, ces organss se développent plus tardivement que chez les races ord-nales où les indivis des deux sexes portent des corne.. Mais, chez les moutons domestiques; la présenee ou l'absenee des cornes n'est pas un caractère parfaitement constan;; certaines breb.s rne-

t^Séi^

stance cornée se forme rapidement sur elle.

.~ t. j.:-----—'---Kur Victor Carus des renseignements qu U a bien voum

tes autorités sur le mouton mérinos de la Saxe. Sur la côte de la Guinée, il y a^rÏÏS, ^-me chez le mérinos, les béliers ^ ontd-co»^

ll'Je" dois M professeur Victor Carus des renseignements qu'il ;

nder aux plus h.......

ie la Guinée, il W

^s un cas qu'il a ob-

er, ne poussa de -----------'" a — ™ ""'

vant de sorte.que,. conformément al

ss.'Eïsrjïïi-n-.

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[Chap. VIII]             DE LA SÉLECTION SEXUELLE                          259

rinos porten,, en effet, des petites cornes, tandss que certains béliers sont désarmés; en outre, on observe quelquefois, chez les races ordinaires, des brebis qui n'ont pas de corne..

Le D~ W. Marshall a étudié récemment avec une attention toute particulière les protubérances qui existent très souvent sur la tête des Oiseaux.. Ces études lui ont permss de tirer les conclusions suivantes : quand les protubérances existent chez le mâle seul, elles se développent tardivement; quand, au contraire, elles sont communes aux deux sexes, elles se développent de très bonne heure. C'est !à une confirmation éclatanee des deux lois que j'ai formulées sur l'hérédité.

Chez la plupatt des espèces de la splendide famllle des faisan,, les mâles diffèrent considérablemtnt des femelles, et ne revêtent leurs ornemenss qu'à un âge assez avancé. Il est, toutefois, un faisan (Crossoptilon auritum) qui présenee une remarquable exception, en ce que les individss des deux sexes possèdent les superbss plumes caudales, les larges touffes auriculaires et le velours cramoisi qui couvre la tête; j'apprends que tous ces caractères, conformément à notre loi, apparaissent de très bonne heure. Il existe, cependant, un caractère qui permet de distinguer le mâle de la femelle à l'état adulte : c'est la présence d'ergots, qui, selon notre-règle, à ce que m'apprend M. Bartlett, ne commencent à se développrr qu'à l'Age de six mois, et même, à cet âge, il est difficile de dist'nguer les deux sexes-. Presqee toutes les parties du plumaee chez le mâle et chez la femelle du paon diffèrent notablement; mais ils possèdent tous deux une éléganee crête céphalique qui se développe de très bonne heure, longeemps avant les autres ornements particuliers aux mâles. Le canard sauvage offre un cas analogue; en effet, le magnifique mirorr vert des ailes, commun aux individss des deux sexes, mais un peu moins brllaant et unpeu plus pettt chez la femelle, apparaît de très bonne heure, tandss que les plumes frisées de la queue et les autres ornemenss propres aux

43. UeberdieknôchernenSchadelhôcker der Vôgel;NiederlandischenArchiv.

'VSSftÏÏ» i'oZun (S cristatus), le mâle seul est armé d'éperons, . tandis que chez le paon de Java (P. muUcus), les deux sexes, cas ort inusité, en sont pourvus. Je me crus donc autorisé à concture que, chez cette dernière espèce, cesappendices doivent se développer plus tôt que chez le paon commun; mais M. Hegt, d'Amsterdam, m'apprend qu'il n'a remarqué aucune difïérence dans le développement des ergots sur de jeunes oiseaux de l'année précédente, appartenant aux deux espèces, et examinés le 25 avril 1869. Les ergots, toutefois, ne consistaient encore qu'en de légers tubercules. Je pense que j'aurais été informé si quelque différence de développement eût été ultérieurement observée.

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260                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME . [Ile PARTIE]

mâles ne se développent que plus tard.. On pourrait, outre les cas extrêmss d'étroite ressemblance sexuelle et de dissimilitude complète, que nous présentent !e Crossoptilon et le Paon, signaler beaucoup de cas intermédiaires dans lesquels les caractères suivent dans leur ordre de développement les deux lois que nous avons formulées.

La plupatt des insectes sortent de la chrysalide à l'état parfait. L'époque du développement peut-elle donc dans ce cas déterminer la transmission des caractères à un sexe seul ou aux deux sexes? Prenon,, par exempe,, deux espèces de paplllons : chez l'une, les mâles et les femelles diffèrent de couleu;; chez l'autre, ils se ressemblen.. Les écailles colorées se développent-elles au même âge relatif dans la chrysalide? Toutes les écailles se forment-elles simultanément sur les ailes d'une même espèce de paplllon,, chez laquelle certaines marquss colorées sont proprss à un sexe, pendant que d'autres sont communss aux deux? Une différence de ce genre dans l'époque du développement n'est pas aussi improbable qu'elee peut d'abodd le paraître; car, chez les Orthoptères, qui atteignent l'état parfait, non par une métamorphose unique, mais par une série de mues successives, les jeunes mâles de quelquss espèces ressemblent d'abodd aux femelles, -. et ne revêtent leurs caractères masculins distinctifs que dans une de leurs dernières mues. Les mues successives de certains crustacés mâles présentent des cas strictement analogues.

Nous n'avons jusqucici considéré la transmission des caractères, relativement à l'époque de leur développement, que chez les espèces à l'état de nature; voyons ce qui se passe chez les animaux domestiqués; nous nous occuperons d'abodd des monstruosités et des maladies. La présence de doigts additinnnels et l'absenee de certaines phalanges doivent être déterminées dès une époque embryonnaire précoce, - la tendanee à l'hémorragie est au moins congénitale, comme l'est probablement la dyschromatopsie; - cependan,, ces particularités et d'autres semblables ne se transmet-

45. Chez quelques autres espèces de la famille des Canards, le spéculum diffèredavantage chez les deux sexes ; mais je n'ai pas pu découvrir si son développement complet a lieu plus tard chez les mâles de ces espèces que chez ceux

diffèrent notablement par leur plumage général, et à un degré considérable par le spéculum, qui est blanc pur chez le mâle. et gris blanchâtre chez la femelle. Les jeunes mâles ressemblent, sous tous les rapports, aux femelles, et ont un spéculum gris blanchâtre, mais qui devient blanc avant l'âge où

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[Cha.. viiij            de la sélection sexuelle                        261

tent souvent qu'à un sexe; ce qui constitue une excepiion à la loi en vertu de laquelee les caractères qui se développent à un âge précoce tendent à se transmettre aux individss des deux sexes. Mais, comme nous l'avons déjà fait remarquer, cette loi ne paraît pas être aussi généralement vraie que l'autre proposition, à savoir que les caractères qui apparaissent à une période tardive de la vie se transmettent exclusivement aux individus appartenant au même sexe que ceux chez lesquess ces caractères ont paru d'abord. Le fait que des particularités anormales s'attachent à un sexe, longtemps avant que les fonctions sexuelles soient devenuss active,, nous permet de. concluee qu'il doit y avorr une différence de quelque natuee entre les individus des deux sexes, même à un âge très précoc.. Quant aux maladies propres aux individss d'un seul sexe, nous ignorons trop absolument l'époque.à laquelee, elles peuvent surgir, pour qu'il nous soit permis d'en tirer aucune conclusion certaine. La goutte semble, toutefois, confirmrr la loi que nous avons formulée; car elle résulte ordinairement d'excès faits longtemps après l'enfanee et le père transmet cette maladee à ses fils bien plus souvent qu'à ses filles.

Les mâles des diverses races domestiques de mouton,, de chèvres et de bétail, diffèrent des femelles au point de vue de la forme et du développement des cornes, du front, de la crinèère, du fanon, de la queue, de la bosse sur les épauees, toutes particularités qui, conformémen, à la loi que nous avons posée, ne se développent complètement qu'à un âge assez avancé. Les chiens ne diffèrent ordinairement pas des chiennes; cependant, chez certaines races, et surtout chez le lévrier écossais, le mâle est plus grand et plus pesant que la femelle; en outre, comme nous le verrons dans un chapitre subséquent, la taille du mâle continue à augmenter jusqu'à un âge très avanc;; ce qui, en vertu de notre règle, explique qu'il transmet cette particularité à ses descendants mâles seuls. On n'observe, au contraire, la robe tigrée que chez les chattes; elle est déjà très apparente à la naissance, fait qui constitue une exceptinn à notre règle. Les mâles seuls d'une certaine race de pigeons portent des raies noires qui apparaissent déjà sur les oiseaux encore au nid; mais ces raies s'accentuent à chaque mue successive ; ce cas est donc en partie contraire, en partie favorable à la règle! Chez les pigeons Messagers et chez les Grosses-gorges le développement complet des caroncules et du jabot n'a lieu qu'un peu tard, et, conformément à notre règle, ces caractères à l'état parfait ne se transmettent qu'aux mâles. Les cas suivanss rentrent peut-être dans la classe précédemment mentionnée où les individus

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262                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PaHtie]

des deux sexes, ayant varié" de la même manière à une-époque tardive de la vie, ont transmis à leurs descendants des deux sexes leurs caractères nouveau''à une période correspondante, et, par conséquent, ne font point exception à notre règle. Ainsi, Neumeis-ter" a décrtt certaines sous-races de pigeons dont les mâles et les femelles changent de couleur pendant deux ou trois mues, comme le fait le' Culbutant-amande; ces changements, néanmoins, bien que tardifs, sont communs aux individss des deux sexes. Une variété du Canar,, dit le prix de Londres, présenee un cas presque

^'hérédité de divers caractères par un sexe ou par les deux sexes chez les racesde volallles paraît généralement déterminée par l'époque où ces caractères se développent. Ainsi, quand la coloration du mâle adutte diffère beaucoup de celle de la femelle et de celle du mâle adutte de l'espèee souch,, le mâle adulte, - ce que l'on peut constater chez de nombreuses races, - diffère aussi du eeune mâle, de sorte que les caractères nouveleement acquss doivent avoir apparu à un âge assez avancé. D'autre part, quand les mâles et les femelles seressemblent.lesjeunes ont ordinairement une coloration analogee à celle de leurs parents; il est donc probabee que cette coloration s'est produite pour la premèère fois à un âge précoce de la vie. Toutes les races noires et blanches, où les jeunss et les adultes des deux sexes se ressemblent, nous offrent des exemples de ce fait; on ne saurait, d'allleurs, soutenrr que le plumage blanc ou noir soit un caractère tellement particulrer qu'il doive se transmettre aux individus des deux sexes, car, chez beaucoup d'espèces naturelles, les mâles seuls sont noirs ou blancs, et les femelles très différemment colorées. Chez les sous-races de poules dites coucous, dont les plumes sont transversalement rayées de lignes foncées, les individus des deux sexes et les poulets sont colorés presque de la même manière. Le plumage tacheéé des Bantam-Sebright est le même chez les individss des deux sexes et, chez les poulets, les plumes des ailes sont distinctement, bien quiimparfaitement tachtées de noir. Les Hambourgs pailletés constituent toutefois une exception partielle, car, bien que les individss des deux sexes ne soient pas absolument identiques, ils se ressemblent plus que les individus mâles et femelles de l'espèce souche primitive; cependant ils n'acquièrent que tardvvement leur plumage caractéristique, car les poulets sont, distinctement rayé.. Étudions maintenant

46. Das Game der TaubenzuMc 1837, pp. 21,21. Pour les pigeons rayés, voir D. Chapuis, le Pigeon voyageur belge, 1865, p. 87.

a

e

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[ChapVviii]           de la sélection sexuelle                      263

d'autres caractères que !a couleur : les mâles seuls de l'espèce souche sauvage et de Ja plupatt des races domestiques portent une crête bien développée; cette crête, cependan,, atteint de très bonne heure une grande dimension chez les jeunes de la race espagnole, ce qui paratt motiver sa grosseur démesurée chez les poules adutes. Chez les races de combat, l'instinct belliqueux se manffeste à un âge singulièrement précoc,, ce dont on pourrait citer de curieux exemples; ce caractère se transmet, en outre, aux individus des deux sexes au point que, vu leur excessive disposition querelleuse, on est obligé d'exposer les poules dans des cages séparée.. Chez les races polonaises, la protubérance osseuse du crâne, qui supporte la crête, se développe partiellement avant même que le poulet soit éclos et la crête commenee à pousser, quoique'faiblement d abord»; chez cette race, !a présence d'une forte protubérance osseuse et d'une crête énorme constituent des caractères communs aux deux sexes.

En résumé les rapports que nous avons vu exister chez beaucoup d'espèces naturelles et chez un grand nombee de races domestique,, entre la période du développement des caractères et le mode de leur transmission, - le fait frappant, par exempe,, de la croissance précoce des bois chez le renne, dont .les mâles et les femelles portent des bois, comparée à l'apparition plus tardive des bois chez les autres espèces où le mâle seul en .est pourvu, - nous autorisent à conclure qu'une des causes, mais non la seule, dela transmission de certains caractères exclusivement aux individus appartenant à un sexe est que ces caractères se développent à un âge avanc.. Secondement, qu'une des causes, quoique moins efficace, de l'hérédtté des caractères par les individus appartenant aux deux sexes, est le développement de ces caractères à un âge précoce, alors que la constitution des mâles et des femelles diffère peu. Il semble, toutefois, qu'il doive exister quelque différence entre les sexes, même à une période embryonnaire très précoce, car des caractères développés à cet âge s'attachent assez souvent à un seul sexe.

fi&ttmerfconcitM.on.-Ladiscussionquiprécède.surlesdiverses lois de l'hérédité, nous appredd que les caractères tendent souven,, ordinairement même, à se développer chez ]e même sexe, au

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264                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Part.e]

même âge, et périodiquement à la même saison de l'anné, que ceux où ils ont appauu pour la première fois chez les parents. Mais des causes inconnuss jettent une grande perturbation dans l'application de ces lois. Les progrès successifs qui tendent à modifier une espèce peuvent donc se transmettre de différentes manières; les uns sont transmis à l'un des sexes, les autres aux deux sexes, lesunsaux descendants à un certain âge, les autres àtousles âges. Les lois de l'hérédité présentent non seulement une complication

extrêm,, mais il en est de même des causes qui provoquen glent la variabilité. Les variations ainsi provoquées se conservent et s'accumulent grâce à la sélection sexuele,, qui est en elle-même

;,

excessivement complex,, car elle dépend de l'ardeur, du courag,. de la rivalité des mâles et, en outre, du discernement, du goût et de la volonté de la femelle. La séleciion sexuelle est auss,, quand il s'agtt de l'avantage général de l'espèce, dominée par la sélection naturelle. Il en résulte que le mode suivant lequel la sélection sexuelle affecte les individus de l'un ou de l'autre sexe ou des deux sexes, ne peut qu'êtee compiiqué au plus haut degré.

âge, les jeunes-seuls n'éprouvent aucune modiiication. Toutefois, des'vaJtions peuvent se produire à toutes les périodss de;la vie chez les individus mâles ou femelles ou chez les deux à la fois et se transmettre aux individus des deux sexes à tous les âges; dans ce cas, tous les individus de l'espèce éprouvent des modifications semblables. Nous verrons dans les chapitres suivanss que tous ces cas se présentent fréquemment dans la nature.

La sélection sexuelle ne sauratt agir sur un animal avant qu'il ait atteint l'âge où il peut se reproduire. Elle agit ordinairement sur le sexe mâle et non sur le sexe femelle, en raison dé la plus grande ardeur du premeer. C'est ainsi que les mâles ont acquis des armes pour lutter avec leurs rivaux, se sont procuéé des organss pour découvrir la femelle et la retenir, ou pour l'exciter et la séduire. Quand le mâle diffère sous ces rapports de la femelle, nous avons vu qu'il est alors assez ordinaire que le mâle adulte diffère plus ou moins du jeune mâle ; ce fait nous autorise à concluee que les variations successives, qui ontmodifié le mâle adulte, nese sont génér-lement pas produites beaucoup avant l'âge où l'animal est en état ' de se reproduire. Toutes les fois que des variations, en pettt ou en grand nombre, se sontproduites à un âge précoce, les jeunes mâles

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[chap.viii] de la sélection sexuelle                      265

participent plus ou moins aux caractères des mâles adultes. On peut observer des différences de cette nature entre les vieux et les jeunes mâles chez beaucoup d'espècss d'animaux.

Il est probabee que les jeunes animaux mâles ont dû souvent tendee à varier d'une manière qui non seulement leur était inutile à un âge précoce, mais qui pouvatt même leur être nuisible; par exemple, l'acquisition de vives couleuss qui les auratt rendus trop apparents, ou l'acquisition de conformations telles que des cornes, dont le développement auratt détermnéé chez eux une grande déperdition de force vitale. La sélection naturelle a dû, presque certainemen,, se charger d'éliminer les variations de ce genre, dès qu'elles se sont produites chez les jeunes mâles. Chez les mâ,es adultes et expérimentés, au contraire, les avantages qui résultent de l'acquisition de semblables caractères pour la lutte avec les autres mâles, doivent avoir souvent plus que compenéé les quelquss dangess dont ils pouvaient être d'ailleuss la cause.

Si des variations analogues à celles qui donnent au mâle une supériorité sur ses rivaux, ou lui facilitent la recherche ou la possesion de la femelle, apparaissent chez cette dernière, la sélectson sexuelee ne sauratt intervenir pour les conservrr car elles ne lui sont d'aucune utilité. Les variations de tous genres chez les animaux domestiques se perdit bientôppar les croisemenss et les morts accidentelles, si on ne lés soumet pas à une sélection attentive; nous pourrions citer de nombreuses preuves à cet égard. Par conséquent, à l'état de nature, des varaations sembsables à celles que nous venons d'indiqurr seraient trèsssujettes à disparaître, si elles venaient à se produire chez les femelles et à être transmises exclusivement au même sexe; toutefois, si les femelles variaient et transmettaient à leurs descendants des deux sexes leur caractères nouvellement acquss la séleciion sexuelle interviendrait pour conservrr aux mâles ceux de ses caractères qui leur seraient avantageux, bien qu'ils n'aient aucune utilité pour les femelles elles-mêmes. Dans ce cas, les mâles et les femelles se modifieraient de la même manière. J'aurai plus loin à revenrr sur ces éventualités si complexes. Enfin, les femelles peuvent acquérir et ont certainement acquis par transmission des caractères appartentnt au sexe mâle.

La sélection sexuelee a accumuéé incessamment et a tiré grand parti, au point de vue de la reproduction de l'espèc,, des variations qui se, produisent à un âge avancé et qui ne se transmettent qu'à un seul sexe; il paratt donc inexplicable, àune première vue, que la sélection naturelle n'ait pas accumulé plus fréquemment des variaiions semblables ayant tratt aux habitudes ordinaires de la vie.

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266                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [He PartIE]

S'il en avait été ains,, les mâles et les femelles auraient souvent éprouvé des modifications différentes dans le but, par exemple, de capturer leur proie ou d'échapper au danger. Des différences de ce genre se présentent parfois, surtout chez les animaux inférieurs. Mais ceci impiique que les mâles et ]es femelles ont des habitudes différentes dans la lutte pour l'existence, ce qui est très-raee chez les animaux supérieurs. Le cas est tout différent quand il s'agtt des fonctions reproductrices, point sur lequel ]es deux sexes diffèrent nécessairement. En effet, les variations de structure qui se rappotent à ces fonctions sont souvent avantageuses à un sexe, et ces variations se transmettent à un sexe seulement parce qu'elles se sont produites à un âge avancé; or, ces variations, conservéss et transmises par hérédité, ont amené la formation des caractères sexuels secondaires.

J'étudierai, dans ess chapitres suivants, lescaractères sexuels secondaires chez les animaux de toutes les classe,, en cherchant à appliquer, dans chaque cas, les principes que je viens d'exposer dans ce chapitre. Les classes inférieures ne nous retiendront pas longtemps, mais nous aurons à étudier longuement les animaxx supérieurs, les oiseaux surtou.. Il est inutlle de rappeler que, pour des raisons déjà indiquées, je citerai peu d'exemples des innombrabess conformations qui servent au mâle à trouver la femelle et a la retenrr lorsqu'il l'a rencontrée. Je discuterai au contraire, avec tous les développements que comporte ce sujet, si intéressant à plusieuss points de vue, toutes les conformations et tous les instincss qui permettent à un mâle de vaincee les autres mâles, et qui le mettent à même de séduree ou d'exciter la femelle.

Supplément sur le nombee proportionnel des mâles et des femelles chez les animaux appartentnt à diverses classes.

Personee n'a encore, autant toutefois que je puis le savoir, étudié quel est le nombee relatif des mâles et des femelles dans le règne anima;; je crois donc devorr résumer ici les documents, d'ailleurs très incomplets, que j'ai pu recuelllir à ce sujet. Il comprennent quelquss statistiques, mais le nombee n'en est malheureusement pas grand. Je citerai d'abord, comme terme de comparaison, les faits relatifs à l'homm,, parce que ce sont les seuls qui soient connus avec quelque certitud..

Homme.- En Angleterre, pendant une période de dix ans (1857 à 1866), il est né annuellement, en moyenn,, 707,120 enfanss vivants, dans la proportion de 104.5 garçons pour 100 filles. Mais, en

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fChap. VIII]          DE LA PROPORTION DES. SEXES                     267

1857, la proportion des garçons nés en Angleteree a été comme 405.2 et, en 1865, comme 104 est à 100 filles. Considérons des districss séparé: : dans le Buckinghamshire (où en moyenne il natt annuellement 5,000 enfants), la proportion moyenee des naissances de garçons et de filles, pendant la période décennaee ci-dessus indiquée, a été comme 102.8 est à 100; tandss que, dans le nord du pays de Galles (où les naissances annuelles s'élèvent à 12,873), la proportion a été de 106.2 garçons pour 100 filles. Prenons un distrctt plus restreint, la Rutlandshire (où la moyenne annuelee des naissances n'est que de 739), en 1864, il naqutt 114.6 garçoss et, en 1862, 97 garçons seulement pour 400 filles; mais, même dans ce pettt district, la moyenne des 7,385 naissances des dix ans donnatt une proportion de 104.5 garçon,, pour 100 filles, c'est-àddire une proportion égaie à celle de toute l'Angleterre-. Des causes inconnues modifient quelquefois les proportions; auss,, ]e professeur Faye constaee « que, dans quelquss partiss de la Norvège, il s'est manifesté, pendatt une période décennale, un déficit persistant de garçon,, tandss que, dans d'autres parties, le fait contraire s'est présenté». En France, laproportiondes naissances mâles etfemelles a été, pendant une période de quarante-quatre ans, comme 106.2 est à 100; mais, pendant cette périod,, il est arrivé, cinq fois dans un département et six fois dans un autre, que les naissances du sexe féminin ont excédé les naissances du sexe masculin. En Russie, )a proportion moyenne est fort élevée : comme 108.9 est à 100; et à Philadelphie, aux États-Un,s, comme 110.5 est à 100».

contre 100 filles. D'autre par,, chez les enfanss blancs nés au cap de Bonne-Espérance, la moyenne est très peu élevée, car, pendant plusieurs années successives, on n'a compté que de 90 à 99 garçons contre 100 filles. Signalons un fait remarquable : chez les juifs, la proportion des naissances mâles est relativement plus forte que chez les chrétiens; ainsi en Prusse, la proportion est comme 113, à Breslau comme 114, en Livonie, comme 120 est à 100. Chez les chrétiens, dans ces mêmes pays, la moyenne ne s'élève pas au-dessus de la proportion habituelle : par exemple, en Livonie, elle est de 104 gar-

%^ÏÏ&t^^lS.iTïSlïï^ï^.nr la Norvège et la Russie, dans British and Foreign Medico-Chirurg. Review, pp. 343,345, avril 1867. Pour la France, VAnnuaire de 1867, p. 213. Pour Philadelphie, voir le D' Stock-ton-Houg, Social science Assoc. 1874. Pour le cap de Bonne-Espérance, voir Quételet, cité dans la traduction hollandaise de cet ouvrage, vol. 1, p. 407.

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268                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

çons pour 100 filles «. Le professeur Faye fait remarquer qu' « on constaterait une prépondérance de mâles encore bien plus considérable, si la mort frappait également les individus des deux sexes, tant pendant la gestation qu'à la naissance. Mais le fait est que, pour 100 enfanss mort-nés du sexe féminin, nous trouvoss dans plusieuss pays de 134,6 à 144,9 mort-nés du sexe masculi.. En outre, il meurt plus de garçons que de filles dans les quatre ou cinq premières années de la vie; en Angleterre, par exempe,, dans la première année, il meurt 126 garçons pour 100 filles, la proportion observée en Franee est encore plus défavorable". x Le docteur Stockton-Hough explique en partie ces faits par le développement plus souvent défectueux des garçons que des filles. Nous avons déjà dit que l'homme est sujet à plus de variations que la femme; or ces variations, portant sur des organes importants, sont ordinarement nuisibles. En outre, le corps de l'enfant mâle, et surtout la tête, est plus gros que celu, de la femelle, et c'est encore là une cause de iamott plus fréquenee des garçon,, car ils sont plus exposés à des accidenss pendant l'accouchement. En conséqunnce, les mâles mor--nés sont plus nombreux, et un juge très-compétent, le docteur Crichonn Browne, croit que les enfanss mâles souffrent fréquemment pendant plusieuss années après leur naissance. Cet excès de laU mortalité des enfanss mâles au moment de la naissanee et pendant les premières année,, les dangess plus grands que courent les hommes adultes, leur disposition à émigrer, expliquent que, dans tous les pays civilisés qui possèdent des documents statsstiques, le nombre des femmes est considérablement supéreeur à celui des

p 50. A l'égard des juifs, voy. M. Thury, la Loi de production des sexes, 1863, \l.'British andForeing Medico-Chirurg. Review, avril 1867, p. 343. Le D' Stark

5e2ays's!»;-,„,«,& Anlm „„„„,, v„,.,, ,„,, p. 8. SirJ. Simpson

a prouvé que la tête de l'enfant mâle excède de 9 millimètres en circonférence

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[Chap. VIII]          DE LA PROPORTION DES SEXES                     269

Il semble tout d'abord très extraordinaire que chez divers peuples, dans des conditions et sous des climass différents, à Naples, en Prusse, en Westphal,e, en Hollande, en France, en Angleteree et aux Etats-Unis, l'excès des naissances mâles sur les naissances femelles est moins considérable quand les enfanss sont illégitimes que quand ils sont légitimes». Plusieuss savanss ont cherché à expliqurr ce fait de bien des façons différentes ; les uns l'attribuent à ce que les mères sont ordinairement jeunes, les autres à ce que les enfanss proviennent d'une première grossesse, etc. Mais nous avons vu que les garçon,.ayantlatêteplusgrosscsouffrentplusquelesfillespendant l'accouchement ; en outre, comme les mères d'enfanss illégitimes sont plus exposées que les autres femmes à des accouchements laboreuxx résultantde diverses causes.tellesqu'unedissimulationde grossesse, un travall pénible, l'inquiétude, etc,, les enfanss mâles doivent souffrir proportionnellement. C'est probablement à ces causes qu'il faut attribuer la proportion moindee des enfanss illégitimes mâles. Chez la plupatt des animau,, la taille plus grande du mâle adulte provient de ce que les mâles les plus forts ont vaincu les plus faibies dans la lutte pour la possession des femelles, et c'est sans doute à cette cause qu'il faut attribuer la différenee de grosseur des petis,, au moins chez quelques animaux au moment de la naissance. Il en résulte que nous pouvons attribuer, en partie au moins, à la sélection sexuelle le fait curieux que la mortalité est plus grande chez les garçons que chez les filles, surtout quand il s'agtt d'enfanss illégitimes.

. Il résulte de cet excès de la mortalité des enfanss mâles, et aussi de ce que les hommss adultes sont exposés à plus de dangess et . émigrent plus facilement, que, dans tous les pays anciennement habités, où l'on a conservé des documenss statistiques, on observe que les femmes l'emportent considérablement par le nombre sur les homme..

On a souvent supposé que l'âge relatif des parenss détermine le sexe des enfants, et le professeur Leuckart» a accumuéé des documents qu'il considère comme suffisanss pour prouver, en ce qui concerne l'homme et quelquss animaux domestiques, que ce rapport d'âge constitue un des facteuss importants dans le résultat. On a aussi regardé comme une cause effective l'époque de la fécondation relativement à l'état de la femelle, mais des observations récentes ne confirment pas cette manèère devoir. D'après !e docteur

54.  Babbage, Edinburg J. of Science, 1829, vol. pp. 88. 90. Voir aussi Report ofRegistrar general pour 1866, p. xv.

55. Leuckart(dans Wagner, Uandworter&ucAderPAys.,1803, Bd. IV, p. i74).

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270                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II» Partik]

Stockton-Hbugh », la saison de l'année, l'état de pauvreté ou de richesse des parents, la résidenee à la campagee ou dans les villes, la présenee d'immigrants, etc,, sont-toutes des causes qui exercent une influence sur la proportion des sexes. Pour l'homme encore, on a supposé que la polygamie détermnee !a naissance d'une plus grande proportion d'enfants du sexe féminin; mais le docteur J. Campbell-, après des recherches nombreuses faites dans les harems de Siam, a été amené à concluee que la proportion des naissances de garçons et de filles est !a même que celle que donnent les unions monogames. Bien que peu d'animaux aient été rendus aussi polygamss que notre cheval de course anglais, nous allons voir que ses descendants mâles et femelles sont presque en nombee exactement égal.

Je vais maintenant citer les faits que j'ai recueillis relativement au nombee proportionnel des sexes chez diverses espèces d'animaux, puis je discuterai brièvement quel rôle a pu jouer la sélection pour amener le résultat.

Cheval. -ee dois à l'obligeance deM.Tegetmeeerun relevé dressé, d'après le Calendrier des Courses, des naissances de chevaux de courses pendant une période de vingt et une années, de 1847 à 1867; l'année 1849 seule est omise, aucun rapport n'ayant été publié. Les naissances se sont élevées

au moins pour la race dite de course, les deux sexes sont produits en nombre presque égal. Les fluctuations que présenten,, dans les années successives, la proportion des sexes, sont très analogues à celles qui s'observent dans legenre humain,lorsqu'on ne considère qu'une surface peu étendue et peu peuplée; ainsi, en 1856, on a compté, pour 100 juments, 107.1 étalons et, en 1867, seulement 92.6. Dans les rapports présentés en tableaux, les proportions varient par cycles : ainsi le nombre des mâles a excédé celui des femelles pendant six années consécutives ; et le nombre de celles-ci a excédéceluidesmâlespendantdeuxpériodesdequatreannéeschacunelIlee peut,toutefois, que ce soit là un fait accidente,, car je ne découvre rien de

56. Social Science Assoc. of Philadelphia, 1874.

S ienn&oï2^SWona:lStP^nombre des juments qui sont

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[Chapp VIII]           DE LA PROPORTION DES SEXES                        271

sembaable dans !a table décennale du Rappott relatif à la population humaine pour 1866.

Chien.. - On a pubiié pendant une période de douze ans, de 1857 à 1868,dans un journal, le F~eld, le relevé des naissances d'un grand nombee de lévriers dans toute l'Angleterre, et c'est encoee à l'obligeance de M. Tegetmeier que j'en dois un relevé exac.. On a enregistré 6,878 nais-sances,dont 3,605 mâles.et 3,273 femelles,stit un rappott de 110.1 mâles pour 100 femelles. Ses plus fortes fluctuations ont eu lieu en 1864, où la proportion a été de 95.3 mâles pour 100 femelles; et en 1867, où elle s'éleva à 116.3 mâles pour 100 femelees.La première moyenne, de 110.1 mâles pour 100 femelles, est probablement à peu près vraie pour le lévreer; mais il est quelque peu doubeux qu'on puisse l'adopter pour les autres races domestiques. M.Cupples, après avoir questionéé plusieuss granss éleveuss de chien,, a conclu que tous, sans exception, admettent que les femelles sont produites en excès ; il attribue cette opinion à ce que, les femelles ayant moins de valeu,, le désappointement des éleveurs, qui en est la conséquence, les a plus fortement impressionnés.

Mouton. - Les agricultesrs ne vérifiant le sexe des moutoss que plusieurs mois après la naissance,à l'époqee où l'on procède àla castration des mâle,, les relevés qui suivent ne donnent pas les proportions au moment de la naissance. En outre, plusieuss grands éleveuss d'Ecosse, qui élèvent . annuellement des milliers de mouton,, sont fortement convaincus qu'il périt, dans les deux premières années de la vie, une plus granee propotion d'agneaux mâles que de femelles ; la proportion des mâles seratt donc quelque peu plus forte au moment de la naisaance qu'à l'âge de la cas-. tration . C'est là une coïncidence remarquable avec ce qui se. passe chez l'homme, et les deux cas dépendent probablemtnt de quelque cause commune. J'ai reçu des relevés faits par plusieurs propriétaires anglais qui ont élevé des moutoss de plaines, surtout de Leicester, pendant les seize dernières annéss :le nombee des naissances s'élève à un total de 8,965 dont 4,407 mâles et 4,558 femelles ; soit le rappott de 96,7 mâles pourlOO femelees. J'ai reçu sur des moutons cheviot et à face noire produits en Ecosse, des relevés faits par six éleveuss dont deux très importants; ces relevés s'appliquent surtout aux annéss 1867-1869, bien que quelques-uns remontent jusquàà 1862. Le,nombre total enregistré se monee a50,685 moutons, comprenant25,071 mâles et 25,614 femelles, soit une proportion de 97.9 mâles pour 100 femelles. Si nous réunsssons les données des rapports anglais et des rapports écossais, le nombee total s'élève à 59,650 moutons, consistant en 29,478 mâles et 30,172 femelles, soit le rappott de 97.7 mâles pour 100 femelles. A l'âge où l'on châtre les moutons, les femelles sont donc certainement- en excès sur les mâles; mass il n'est pas certain que cela soit le cas au moment de la naissance*».

59. Je dois à l'obligeanee de M. Cupples les documenss relatifs à l'Écosse ainsi que quelques-unes des données suivantes sur le bétail. M. R. Elliot.de Laighwood, a, le premier, attiré mon attentinn sur la mort prématurée des

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272                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee Partie]

Bétai.. - J'ai reçu des rapports de neuf personnes portant sur un nombre de 982 têtes de bétail, chiffre trop faible pour qu'on puisse en tirer aucune conclusion. Ce nombre total comportatt 477 mâles et 505 femelles, soit une proportion de 94,4 mâles pour 100 femelles. Le Rév. W. D. Fox m'informe qu'en 1867, un seul veau sur 34, nés dans une ferme du Derbyshire, était mâle. M. Harrison Weir m'écrit que plusieurs éleveurs de pores,auque!s il a demandé des renseignements à ce sujet, estiment que, chez cet animal, le rapport des naissances mâles, comparaiivement aux naissances femelles, est comme 7 est à 6. M.Weir, ayantélevé pendantfort longtemps des lapins, a remarqué qu'il naissait un plus grand nombre de mâles qù'e de femelles. Mais ce sont là des renseignements qui n'ont qu'une

Y1rnr'irpVrTuenTirreque bien peu de renseignemenss sur les mammifères àl'état de nature. Ceux qui concernent le rat commun sont contradictoires. M. R. Elliot, de Laighwood, m'informe qu'un preneur de rats lui a assuré qu'il avait toujours trouvé un excès de mâles,même dans les nids de petits. M.Elliot,ayantensuiteexaminélui-mêmequelquescentainesderats adultes, a constaté que le fait est exact. M. F. Buckland, qui a élevé une grande quantité derats blancs,admet aussi que le nombre des mâles excède de beaucoup celui des femelles.Ondtt que, chez les taupes, les mâles sontbeaucoup plus nombreux que les femelles- la chasse de ces animaux constituant une occupation spéciale, on peut peut-être se fier à cette assertion. Décri-

Se^^

lement de jeunes mâles, d'autres assurent qu'ils en ont vu. Il est probable que lesjeunesmâles,une fois chassés du troupeau, doivent être exposés à devenir la proie des nombreux animaux féroces qui peuplent le pays.

OISEAUX

Relativement aux volailles,je n'ai reçu qu'un mémoire de M. Strech, qui, sur 1,001 poulets d'une race très soignée de cochinchinois qu'il a élevés pendant huit ans, a obtenu 487 mâles et 514 femelles, soit un rapport de 94.7 à 100. II est évident que, chez le pigeon domestique, les mâles sont produits en excès, qu'ils vivent plus longtemps; car ces oiseaux s'accouplent, et M. Tagetmeier m'apprend que les mâles isolés coùtent toujours moins cher que les femelles Ordinairemen,, les deux oiseaux provenant des deux œufs pondus dans le même nid consistent en un mâleet une femelle; cependant M. Harrisson Weir, qui a élevé beaucoup de pi-

ments les plus circonstanciés sur les moutons.

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[Chap. VIII]           DE LA PROPORTION DES SEXES                        273

geons, assure qu'il a souvent eu deux femeless ; en outre, la femelee est généralement plus faible et plus sujetee à périr.

Pour les oiseaux à l'état de nature, M.Gould et d'autres savants-* affirment que les mâles sont généralement plus nombreux que les femelles ; carcchez beaucoup d'espèces,.les jeunss mâles ressemblant aux femelles, celles-ci paraissentnaturellementêtreplusnombreuses.M.Baker,deLeadenhall,qui élève de grandss quantités de faisans provenant d'œufs pondus par des oiseaux sauvages, ainformé M.JennerWeir qu'il obtient généralement quatre ou cinq mâles pour une femelle. Un observateur expérimenté remarque « . qu'en Scandinavie les couvées des coqs de bruyèee (T. urogallus etT. telrix). ) contiennent plus de mâles que de femelles ; il ajoute que, chez le dal-ripa. (espèce de ~a~opus,ou ptarmlgan), il y a plus de mâles que de femelles sur les emplacements où ces oiseaux se réunsssent pour se faire la cour; mais quelquss observateurs expliquent cette circonstance parle fait que les carnassiers tuent plus de femelees. Il sembee résulter clairement de divers faiss signalés parWhite,dc Selbornc", que les perdrix mâles doivent se trouvrr en grand excès dans le sud de l'Angleterre; on m'a assuéé qu'il en est de même en Écosse. M. Werr tient de négociants, qui reçoivent à certaines saisons de grands envois de combattants [Macheles pugnax), que les mâles sontdebeaucouplesplusnombreux.Lemômenaturalistes'esaadressépour avoir quelquss renseggnements à des preneurs d'oiseaux vivanss qui capturent annuellement un nombee étonnant de petites espèces pour le marché de Londres ; un de ces vieux chasseurs, digne de toute confiancc.lui a affirmé que chez les pinsons les mâles sonten grand excès; il pense qu'il y a deux mâles pour une femelle, ou qu'ils se trouvent au moins dans le rappott de 8 à 3«. Il ajouee que les mâles sont de beaucoup les plus nombreux chez les merles, soit qu'on les prenee au piège ou au filet. Ces données parasssent exactes, car le même homme a signaéé une égalité approximative des sexes chez l'alouette, chez la linotee de montagne (Linaria monlana) et chez le chadonneret ; il affirme, d'autre par,, que, chez la linotee commune, les femelles sont extrèmementprépondérantes, mais inégalement, suivant les différentes années; il s'est trouvé des époquss où le rapport était de quatre femelles pour un mâle. Il faut cependant tenrr compee de ce fait que la chasse aux oiseaux ne commençant qu'en septembre, quelquss migrations partielles peuvent avorr eu lieu, et les troupes à cette péreode n'êtee composées que de femelles. M. Salvin, qui a porté son attention sur les sexes des oiseaux-mouches de l'Amérique, est convaincu de la prépondérance des mâles chez la plupatt des espèces ; ainsi il s'est procuré, une année, 204 individus appartentnt à dix espèces, et il a constaté qu'll y avatt 166 mâles et 38 femelles. Chez deux autres espèce,, les femelles étaient en excès, mass les proportions parasssent varier suivant les saisons et leslo-

62.  Brehm, JUus.. Thierleben, vol. IV, p. 990, en arrive à la même conclusion.

63.  Sur l'autorité de L. Lloyd, Game Birds of Svieden, 1867, pp. 13, 132.

64.  Nat. Hist. of. Selborne, lett, xxtx, édit. de 1825, vol. I, p. 139.

65.  M. JennerWeir obtint des renseignements semblables à la suite de son enquête de l'année suivante. Pour montrer le nombre des pinsons attrapés, deux chasseuss avaient fait, en 1869, un pari à qui en prendrait le plus; .l'un des deux en prit, en un jour, 62, et l'autre, 40 du sexe mâle. Le plus grand nombre qu'on ait pris en un jour fut 70.                                                 . ;

18

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274                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Paht.e]

calités, car les Campyloplerus Aemileucurus^, dans une ocasion, présentaient un rappott de 5 mâles pour 2 femelles présentèrent, dans une autre occasio,, exactement le rappott inveree». Comme confirmation de cedernierpoin,,j'ajouteraiqueMPPowysaremarqué,aCorfouete„Epire que les pinsons des deux sexes font bande à part, «et .que les femelles sont beaucoup plus nombreuse» » ; tandss qu'en Palestine M. Trislram rema-qua « queles bandss de mâles paraissent excéder considérablement en nombee celles des femelles«».De même queM.G.Taylor«dit du Qmscalus major qu'en Floride il y a « peu de femelles proportionnellement aux mâles, tandss que, dans le Honduras, le rappott étanr renversé, l'espèce y affecte un caractère polygame».

POISSONS

On ne peut.chzz les poissons,délerminer les nombres proportionnels des sexes, qu'en les prenant à l'état adulte ou àpeurés, et encoee^sepré-

senle-t-il de nombreuses difficultés pour arriver a une conclusion exacee «. On peut facilement prendee des femelles stériles pour des mâles, ainsi que me l'a fait remarquer le docterr Günther, au sujet de la truite. Chez quelques espèce,, on croit que les mâles meurent peu de temps après avoir fécondé les œufs. Chez un grand nombee d'espèces, les mâle, sont beaucopp plus petits que les femelles,de'sorte qu'un grandnombre peuvent échapper au filet dans lequel les femelles restent prises. M. Carbonnier «>, qui a beaucoup étudéé l'hsstoire du brochtt (Esox lucius), constate qu'un grand nombee de mâles son,, vu leur petitesse, dévorés par les grandss femelles; il crott que, chez presque tous les poisson, les mâles sont, pour cette même cause, exposés à plus de dangers que les femelles. Néanmoins, dans ^quelquss cas o'ù l'on a'pu observeras nombres proportionnels réels, les mâles paraissaient être en excès.AinsiM.R.Buist,le surveillant des expériences faites à Stormontfield, dit qu'en 186b,sur les 70 saumons envoyés

d'a'bodd p"ou7fournrr les œufs,p.us de 60 étaient mâle.. En 1867 il attire encore l'attention sur « l'énorme disproportion qui existe entre les mâles et les femelles. Au début nous avions dix mâlespour une femelee ». On se

core

pic^élftinrnomb™ suffisant de femelles pour en avoir des œufs. 11 ajouee « que la grande quantité des mâles fait quills sont constamment occupés à se battre et â s'entre-déchirer sur les bancs de frai- ». On peut probablement expiiqurr cetee disproportion sinon totalement, au moins en

partie par le fait qïe les poissons mâles remontent les rivières avant les: Lmefles M. F- Buckland fait remarqu,r, au sujet de la truite, « qu'il est eu-

66.  Ibis, vol. H, P. 260, cité dans Gould's TYochilidœ, 1861 p. 52. J'ai emprunté les proportions ci-dessus à un tableau dressé par M. Salvin.

67.  Ibis, 1860, p. 137 et 1867, p. 369.

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[Chap. VIII]           DE LA PROPORTION DES SEXES                        27o

rieux que les mâles l'emportent autant par le nombee sur tes femelees. Il ar-rivetwonaWemen/que.danslepreniieraffluxdupoissonaufilet,ontroaTe, parmi les captifs, au moins sept ou huit mâles pour une femelle. Je ne puis m'expliquer ce fait : il faut en conclure que les mâles sont plus nombreux que les femelees, ou que celles-ci cherchent à éviter Je dangrr plutôt en se cachatt que par la fuite ». Il ajouee ensuite qu'en fouillane les bancs avec soin, on y trouve suffisamment de femelles pour fournrr les œufs». M. H.Lee m'apprend que, sur 212 truites prises dans le parc de lord Ports-mouth, ily avait 150 mâles et 62 femelles.

Les mâles parasssent aussi ètre en excès chez les Cyprinidés, mais plusieuss membres de cette famille, la carpe, la tanch,, la brème et le véron, paraissent régulièrement suivre l'usag,, rare dans le règne animal, de la polyandrie ; car la femelle, pendatt la pone,, est toujours assistée de deux mâees, un de chaque côté, et, dans le cas de la brom,, il y en a tross ou quatre. Le fait est si connu qu'on recommande toujouss de pourvorr un étang de deux tanchss mâles pour une femele,, ou au moins trors mâles pour deux femelles. Avec le véron, ainsi que le constate un excellent obsevateu,, les mâles sont dix fois plus nombreux sur les champs de frai que les femelles ; lorsqu'une de celles-ci pénètre parmi les mâles, « elle est immédiatement serrée de près entre deux mâles qui,après avoir conservé cette position pendatt quelque temp,, sont remplacés par deux autres" ».

INSECSES

LesLépidoptèresseulsnouspermettentdejugerdunombreproportionnel des sexes chez les insectes, car ils ont été recueillis avec beaucoup de soin par de nombreux et d'excellents observateurs; on s'est beaucopp occupé aussi deleuss transformations. J'avass espéré trouvrr des documents exacss chez quelquss éleveuss de vers à soie; mais, après avoir écrtt en Franee et en Italie, et avoir consulté divers traités, je suis forcé de concluee qu'on n'a jamais tenu un relevé exact ou même approximatif des sexes. L'opinion générale est que les individus des deux sexes sont en nombee à peu près égal; mais le professeur Caneslrini m'apprend qu'en Italie un grand nombee d'éleveurs sons convaincus que les femelles son' produites en excès. Le même naturaliste, toutefois, miinforme que, dans les deux écl'o-sions annuelles du ver de l'Ailanee (Bombyxcynthia),^ mâles l'emportent de beaucopp dans la première, puis les deux sexes deviennent presqee égaux, ou les femelles sont un peu en excès dans la second..

Plusieuss observateurs ont été vivement frappés de la prépondérance, en apparence énorme, des mâles chez les Lépidoptères à l'état de natuee'4. Ainsi M. Baies", parlant des espèces qui, au nombee d'une centaine, hab--

72: Land and Water 1868, p. 41.'

73. Yarrell,//^. British Fuhes, vol. I, 1826 p. 307; sur le Cyprinus earpio, p. 331; sur le Tinca vulgarU, p. 331; sur VAbrams brama, p. 336. Voir pour le Leuciscus phoxinu,, London, Mag. ofNat. Hist,, vol. V, 1832, p. 682.

74.  Leuckari cite Meinecke (Wagner, Handwor<erbuch, der Phys., vol. IV,

SffiombreÏÏTe Kmelleï paPi"°nS 'esmâIeS ^ ^ "" *""** %aTh7ZtrtZqon lit aZmus, vol. II, 1863, pp. 228, 317.

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27Ô                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME . [Hie Partie]

tenl les régions de l'Amazone supérieur, dit que les mâles sont beaucopp plus nombreux que les femelles, et cela dans une proportion qui peut être de 100 pour 1. Edwards, qui a beaucoup d'expérience à ce sujet,estimeque, dans l'Amérique du Nord, le rapport des mâles aux femelles, dans le genee Papilio, est de 4àl ; M. Walsh, qui m'a transmis ce renseignement, affirme que tel est le cas pour le P. tumus. Dans l'Afrique méridionale, M. R. Tr-men a constaté que les mâles sont en excès chez dix-neff espèce~» ; chez l'une de ces espèces, qui fourmille dans les localités ouvertes, il estime la proportion des mâles à cinquante pour une femelle. Il n'a pu, dans l'espaee de sept années, récolter que cinq feme)les d'une autre espèce dont les mâles sont abondants dans certaines localités. Dans l'ile de Bourbo,, M. Maillard a constaté que les mâles d'une espèce de Papilio sont vingt fois plus nombreux que les femelles « M. Trimnn m'apprend qu'autant qu'il a pu le vérifier tui-môme ou le savorr par d'autres il est raee que, chez les papillon,, le nombee des femelles excède celui des mâles, mais trois espèces de l'Afrique du Sud semblent faire exception à cette règle. M. Wallace'» dit que les femelles de VOrnithoptera crœsus, de l'archipel Malais, sont plus communes et plus faciles à prendee que les mâles, mais c'est d'ailleuss une espèce rare. J'ajouterai ici que, chez le genre de phalènss Ilyperylhra, d'après M. Guenôe, on envoie, dans les collections venant de l'Inde, de quatre à cinq femelles pour un mâle.

Lorsqee la question du nombee proportionnel du sexe des insectes fut posée devant la Société d'entomologie™, on admtt généralement que,sott à l'étatadu)te, soit à l'état de ebrysalideon prend plusde Lépidoptères mâles que de femelles ; mass plusieuss observateurs attribuèrent ce fait à ce que les femeless ont des habitudes plus retirées, et que les mâles sortent plus tôt du cocon. On sait, en effet, que cette dernière circonstance se présenee chez la plupatt des Lépidoptères comme chez d'autres insectes. 11 en résulte, selon laremarque de M. Personnat, que les mâles du Bombyx Yama-mai domestique, au commencement, ainsi que les femelles à la fin de la saison, ne peuvent, ni les uns ni les autres, servrr à la reproduction, faute d'individus du sexe opposé». Je ne puis croire, cependant, que ces causes suffisent à expliqurr le grand excès des mâles chez les paplloons, qui sont très communs dans le pays qu'ils habitent. M. Stainlon qui a, pendatt plusieurs années,étudié avec soin les phalènss de petites dimensions,m'apprend que, lorsqu'il les recueillait à l'état de chrysalide, il croyait que les mâles éta,ent dix fois plus nombreux que les femelles ; mass que, depuss qu'il s'est mis à les élever sur une granee échelle, en les prenant a l'état de chenille, il a pu se convaincre que les femellss sont certannement plus nombreus.s. Plusieurs entomologistes partagent cette opinion. M. Doubledyy et quelques autres soutiennent un avis contraire, et affirment avoir élevé de ]'œuf et de la chenille une plus grande proportion de mâles que de femelees.

Outre les habitudes plus actives des mâle,, leur sortie plus précoee du

76. Trimen, Rhopalocera Africœ Auslralis.

z ^n=s:s^xS3?:-v-par.- iv'1866'p.330.

79.  Proc Enlomolo9. Soc, 11 fé.. ISM.

80.  Cité par D. Wallace dans Proc. En.. Soc, 3' série, vol. V, 1867, p. 487.

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cocon et leur séjour, dans quelquss cas.dans les stations plus découvertes, on peut assignerd'autres causes à la différenee apparenté ou réelle qu'on constate dans les nombres proportionnels des sexes des Lépidoptères, lorsqu'on les prend à l'état parfair, ou qu'on les élève en les prentnt à l'état d'œufs ou de chenilles. Beaucoup d'éleveurs italiens, à ce que m'apprend le professeur Canestri,i, croient que le verà soie femelee est plus sujetque le mâle à la maladee et le docteur Staudnnger assuee que, lorsqu'on élève les Lépidoptères, il pértt en cocons plus de femelles que de mâles. Chez beaucoup d'espèces, la chenille femelee est plus grosse que le mâle, et le collectinnneur, choissssant naturellement les plus beaux individus, se trouv,,sansintention,amenéàrecueilrirunplusgrandnombeedefemeleeS. Trois collectionneurs m'ont assuéé qu'ils agissent toujouss ainsi ; d'autre par,, le docteur Wallace croit qu'ils recueillenttousles individus des espèces rares quiils rencontrent, les seules qui méritent la peine d'êtee élevées. Entourés de chenilles, les oiseaux doivent probablement dévorer les plus grosses; leprofesseurCanestrinim'informeque plusieuss éleveurs.enItalie, croien,, quoique sur des preuves insuffisantes, que les guêpes détruisent un plus grandnombre de chenilles femellss que de mâles lorsde iapremière éclosion du verà soie de l'Ailante. Le docteur Wallace remarque, en outre/ que les chenllles femelles, étant plus grosses que les mâles, exigent plus de temps pour leur évolutio,, consommens plus de nourriture et ont besoin de plus d'humidité ; elles sont donc ainsi exposéss plus longtemps aux dangers que leur font courrr les ichneumons, les oiseaux, etc,, et doiven,, en temps dé disette, pérrr en plus grand nombre. Il semble donc tout à fait possible que, à l'état de nature, moins de chenilles femelles que de mâles parviennett à la maturité ; or, pour la question spéciale qui nous occupe, nous n'avons à considérerque lenombee des individus qui atteignent l'étatadulte le seul pendant lequel les deux sexes peuvent produire l'espèce.

Lerassemblemenlennombeesi extraordinaire autoupd'uneseulefemelle demâlesde certaines phalènss indique évidemment un grand excès d'ind-vidus de ce sexe, bien que ce fait puisse peut-être tenrr à l'émergence plus précoce des mâles du cocon. M. Stainton a constaté la présenee fréquente de douze à vingt mâles autour d'une femelle de Elachista rufocinerea.i On satt que, si l'on expose dans une cage une Lastocampa quercus ou une Sa<umiacarpini vierge, de grandes quantités demâles viennett bientôt se réunirautourd-elle;sionl'enfermedansunechambre,ilsdescendentmême par la cheminéepour la rejoindre. M. Doubledyy estime de 60 à 100 )e nombre des mâles de ces deux espèces attirés en un seul jour par une femelle-captive. M. Trimen a expos,, dans l'ile de Wigh,, une boite dans laquelee .1 avait la veille renfermé une Lasiocampa femelle ; cinqmâlesse présntèrent bientôt pourY pénétrer. M. Verreaux ayant, en Australie, mis dans sa poche une boite contenane la femelee d'un petit Bombyx, fut suivi d'une nuée de mâle,, et environ deux censs entrèrent avec lui dans ia maison~-, . M. Doubleday a appeéé mon attention sur une liste de Lépidoptères du docteur Staudinger^, portant les prix des mâess et des femelles de 300 espèces ou variétés bien accuéées de paplllons diurnss (Rhopalocera). Les;

81. Blanchard, Métamorphos,s, mœurs des Insectes, 1868, p. 225-226.             :

8~. Lepidopteren-Doubblelten Liste, Berlin, n° X, 1866.

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278                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IlePartie]

prix des individus des deux sexes, pour les espèces très communes, sont les mêmes; mais iss diffèrent pour 114 des plus rarss espèce;;les mâles, dans tous les cas, sauf une exception, sont les moins cher.. D'après la moyennedes prix de 113espéces, le rapport dii prix du mâle à celui de la femelle est de 100 à 149, ce qui paratt indiqurr que les mâles doivent inversement excéder les femelles dans la môme proportion. Deux mille espècesou variétés de papilloss nocturnes (Uelerocerar sont cataloguées; mais on a exclu celles dont les femelles sont aptères, en raison de la différence des habitudes des deux sexes ; sur 2,000espèceS, 141 diffèrent de prix suivant )e sexe; chez 130 les mâles sont mellleur march,, etchzz 11 seulement les mâles plus chers que les femelles. Le rappott du prix moyen des mâles de 130esPèces, compaéé à celui des femelees, est de 100 à 143. M. Dou-bleday (et personee en Angleterre n'a plus d'expérience sur ce suje)) pense que, en ce qui concerne les papillons de ce catalogue tarifé, il n'y a rien dans les habitudes des espèces qui puisse expliqurr les différences de prixdes sexes, et qu'elle ne peus être atlribuée qu'à un excès dans le nombee des mâles.MaisjedoisajoutrrqueledocteurStaudingerluUmemem'aexprimé une opinion toute différnnte. Ilpense que l'activité moindee des femelles et l'éclosion précoee des mâles explique pourquoi les collectionneurs prennent plus de mâles que de femelles, d'où le prix moindre des premiers. Quane aux individus élevés de l'état de chenille, le docteur Staudinger, croi,, comme nous l'avons dit plus hau,, qu'il périt dans le cocon plus de femelles que demâles. Ilaooute que, ehez certaines espèces, un des sexes sembee pendant certaines annéss prédominer sur l'autre.

Quant aux observations directes sur les sexes des Lépidoptères élevés d'œuss ou de chenilles, j'ai reçu seulement communication du petitnombre de cas suivants:

 

MALES

FEMELLES

Le Rév. J. Hellins", d'Exeter, a élevé, en 1868, des

chrysalides de 73 espèces, et a obtenu......

M.Albert Jones, d'Eltham8 a élevé, en 1868, des

chrysalides de 9 espèces, et a obtenu.......

En 1869, il en a élevè de 4 espèces, et a obtenu . . M. Buckler, d'Emsworth, liants, en 1869, a élevé des

chrysalides de 74 espèces, et a obtenu......

Le D'Wallace, de Colchester, a élevé d'uee ponee de

Bombyx cynthia...................

153

159 114

180 52

224 52

137

126 112

169 48

123 46

Le D' Wallace, en 1869, a élevé, de cocons de Bombyx Pernii venatt de Chine............

Le D'Wallaee, en 1868 et 1869, a élevé, de deux lots de cocons de Bombxx yama-mai..........

Total ......

934

761

83. Ce naturaliste a eu l'obligeanee de m'envoyer quelques résultats d'an-

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[Chapp VIII]           DE LA PROPORTION DES SEXES                        279

Donc, ces sept lots de coconsttd'œuss ont produtt un excédent de mâles qui, pris dans leur ensemble, sont aux femeless dans le rapport de 122.7 à 100. Mais ces chiffres sont à peine assez importants pour être bien dignes

eEn0résaum,',les diverses preuvss qui précèdent, inclinant toutes dans la môme direction, m'autorisent à concluee que, chez la plupatt des espèces de Lépidoptères, le nombee des mâles à l'état d'adultes excède générale. ment celut des femelles, quelles que puissent être, d'allleurs, leurs propotions à la sortie de l'œu..

Je n'ai pu recueillir que fort peu de renseggnements dignes de foi sur les autrss ordres d'insectes. Chez le cerf-volant (Lucanus cervus), les mâles parasssent beaucoup plus nombreux que les femelles ; mais Cornehss a observé qu'enl867, lors dcllapparitinn dans une partie de l'Allemagee d'un nombee inusité de ces coléoptères, les femelles étaient six fois plus nhon-dantesque les mâles. Une espèce d'Élatérides passe pour avoir des mâles beaucopp plus nombreux que les femeless « et on en trouve deux ou trois unis aune femelle81»; il semble doncy avoirpolyandne.ChezleSzagomwm (Staphylidides), où les mâles sont pourvus de cornes, « les femelles sont de beaucoup les plus nombreuses ~.MJ Janson a communiqué à la Sociééé entomologique le fait que les femelles du Tomicusvillosus, qui vit d'éeorce, constituent un vrai fléau par leur abondance, tandis qu'on ne connatt presque pas les mâles tant il sont rare..

Dans d'autres ordres, par suite de causes inconnues, mais évidemment dans quelques cas, par suite d'une parthénogenèse, les mâles de certaines espèces sont d'une rareté excessvee ou n'ont pas encoee été découverts, comme chez plusieuss Cynipidés*». Chez tous les Cynipidés galiicoles que connatt M. Walsh, les femelles sont quatee ou cinq fois plus nombreuses que les mâles ; il en est de même, ace quill m'apprend, chez les Cécidomyées (Diptères) qui produisent des galle.. 11 est querques espèces dePorte-sc.es (Tenthrédines) que M. F. Smith a élevées par centaines de larvss de toutes grandeurs sans obtenrr un seul mâle ; d'autre par,, Curtis ** a trouv,, chez une autee espèce (Athalia) qu'il a élevée, une proportion de mâles égale à six fois celle des femelles, tandss qu'il en a été précisément l'inverse pour les insectes parfaits de la même espèce qu'il a recueillis dans les champs. HermnnMMOller" a étudié tout partcculièrement les abellles ill a recueilli ungrandnombrdd'individusappartenantàbeaucoupd'espècesilenaeleve d'autres; puis il a compéé les individus appartentnt âchaque sexe. Il a trouvé que, chez quelquss espèce,, le nombee des mâles excède de beaucoup celui des femelles ; chez d'autres espèces, c'esttout le contraire; chez d'autres enfin, les individss des deux sexes sont en nombee à peu près

wood, Mod. Clasl. o Lecls, vol. 1, p. 187, sur ee Siagonium, ibid,, p. 172 85. W*\to,American Entomolognt, vot.,, 1869, p. 103; F. Smith, Recordof Zoolog.Literature,m-,p_.m.

If. ^Zeldung'derDtr^nschen Lehre; Verh. d. n. V.Jahrg.XXIV.

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0

280                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

égal. Mais, tes mâles sortant presque toujouss du cocon plus tôt que les femelees, les mâles sont pratiquement en excès au commencement de la saison. Müller a aussi observé que le nombee relatif des individus de certaines espèces diffère beaucoup dans diverses iocalités. Mais, comme Müller lui-môme me l'a fait observer, ces remarques ne doivent être acceptées qu'avcc une grande résevve, car il se peut que les individus appartentnt à un sexe échappene plus facilement que les autrss aux observations. Ainsi son frère, FritzMûller, a remarqué au Brésll que les deux sexes d'une même espèce d'abeille fréquentent quelquefois des espèces différentes de fleur.. Jene sais presque riensurlennmbre relatif des sexes chez les Orthoptères : Kôrte ^ affirme cependant que, sur 500 sauterelles qu'il a examinées, les maies étaient aux femellss dans la proportion de 5 à 6. M. Wassh constate, à propos des Névroptères, que, chez beaucoup d'espèces du groupe Odo-nates mais pas chez toutes, il y a un grand excédent de mâees; chez le genee Hetœrina, les mâles sont au moins quatee fois plus abondants que les femelles. Chez certaines espèces du genee Gomphu,less mâles sont éga-lementenexcès,tandisque,chezdeuxautresespèces,lesfemellessontdeux ou tross fois plus abondantes que les mâles. Chez quelquss espèces européennss de Psocu,, on peut recueillir des milliers de femelles sans trouvrr un seul mâe; ; les deux sexes sont commuss chez d'autres espèces du môme genre » En Angleterre, M. Mac Lachlan a capturé descentaines de Apa-<ania muliebris sans avoir jamais vu un seul mâle ; on n'a encoee vu que quatre ou cinq mâles de Boreus hyemalis ». Il n'y a, pour la plupart de ces espècss (les Tenthrédinses exceptées), pas de raison pour supposer une parthénogenèse chez les femelles; nous sommss donc encoee très ignorans sur les causes de ces différences apparentes dans le nombee proportionnel des individus des deux sexes.

Les reneeignements me font presque complètement défaut relativement aux autres classe.. M. Blackwal, qui, pendant bien des années, s'est occupé des araignéesm'écrit que, en raison de leurs habitudes plus errantes, on voit plus souvent les araignées mâles, qui parasssent ainsi être les plus nombreux. C'estrécllement le cas chez quelques espèce; ; mass il mentionne plusieuss espèces de six genres, où les femelles semblent être bien plus nombreuses que les mâles*». La petite tallle des mâles, comparée a celle des femelles, et leur aspect très-différent, peu,, dans quelquss cas, expl--querleur rareté dans les collections^.

Certanss Crustacés inférieurs pouvant se propager asexuellement, on s'explique l'extrême rareéé des mâles. Ainsi vonSiebold'-* a examiné avec soin 13,000 individss du genee Apus provenant de vingt et une localités

nielles comme généralemen1 plus communss que les mâles. 92. Voir sur ce suje,, M. P. Cambridge, cité dans Quarteryy Journal of

SCTÈS^arthen09enesis,p.™.

e

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[Chap. VIII]          DE LA PROPORTION DES SEXES                      281

différentes, ctiln'alrouvéque3i9niàIes. Fritz MûlIeradesTaissnsdecroire que, chez quelques autres formes (les Tanais et les Cypris), le mâle vit moins longtemps que la femelle, ce qui, même en cas d'égalité primitive dans le nombre des individus des deux sexes, expliqueratt la rareté des mâles. D'autre part.sur les côtes du Brésil, le même naturaliste a toujours capturé infinimen, plus de mâles que de femelles de Diastylides et de Cy-pridines; c'est ainsi qu'une espèce de ce dernier genre lui a fourni 37 mâles sur 63 individus pris le même jour; mais il suggère que cette prépondéranee peut être due à quelque différence inconnue dans les habitudes des deux sexes. Chez un crabe brésilien plus élevé, un Gelasimu,, Fritz Mûller a constaté que les mâles sont plus nombreux que les femelles. M. C. Spence Bate, qui a une longue expérience à cet égard, m'a affirmé que chez six crustacés communs de nos côtes de l'Angleterre dont il m'a indiqué les noms, les femelles sont, au contraire, plus nombreuses.que les mâles.

Influence de la sélection nauurelle sur la proportion des mâles et des feme~les. - Nous avons raison de croire que, dans quelquss cas, l'homme au moyen de la sélection a exercé une influence indirecee sur la faculté qu'il a de produire des enfanss de l'un ou de l'autre sexe.Certainesfernmes,pendanttouteleurvie,engendrentplus d'enfants d'un sexe que de l'autre; la même loi s'applique à beaucoup d'animaux, aux vachss et aux chevaux par exemple; ainsi M. Wright m'apprend qu'une de ses jumenss arabes, couveree sept fois par différenss chevaux, a produtt sept juments. Bien que j'aie fort peu de renseignements à cet égard, l'analogie me porte à concluee que la tendanee à produire l'un ou l'autre sexe est héréditaire comme presqee tous les autrss caractères, la tendanee à produire des jumeaux par exemple. M. J. Downing, une excellenee autorité, m'a communiqué certains faits qui semblent prouvrr que cette tendanee existe certainement chez certaines familles de bétall courtes cornes. Le colonel Marshatl *, aprèsavoir étudié avec soin les Todas, tribu monaagnarde de l'Inde, a trouvé qu'il exisee chez eux 112 mâles et 84 femelles de tout âge, soit une proportion de 133.3 mâles pour 100 femelles. Les Todas, qui observent la polyandrie, tuaient autrefois les enfanss femelles; mais ils ont abandnnéé cette pratique depuis un temps considérable. Chez les enfanss nés pendatt ces dernières année,, les garçons sont plus nombreux que les filles dans la proportion de 12-4 à 100. Le colonel Marshatl explique ingénieusement ce fait ainsi qu'il suit : < Supposons, par exemple, que trois familles représentent la moyenne de la tribu entière; supposons qu'une mère engendee six filles et pas de fils; la seconde mère engendee six fils seulement et la troisième mère trois fils et

94. The Todas, im. pp. 100,111,194,196.

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282                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Par™]

filles. La première mère, pour se conformrr aux usages de la tribu, détrutt quatre filles et en conserve deux; la seconde conserve ses six fils; la troisième conserve ses trois fils, mais tue deux filles et n'en conserve qu'une. Les trois familles se composeront donc de neuf garçons et trois filles pour perpétuer la race. Mais, tandss que les fils appartienntnt à des famllles chez lesquelles la tendanee à produire des mâles est considérable, les filles appartienntnt à des famllles qui ont une tendanee contraire. Les coutumes de la tribu tendront donc à augmenter cette tendanee à chaque génération, de sorte que nous pourrons constater, comme nous le faisons aujou-. d'hu,, que les famllles élèvent habituellement plus de garçons que de filles. »                   .

Il est presque certain que la forme d'infanticide dont nous venons de parler doit amener ce résultat, si nous suppososs que la tendance à produire un certain sexe soit héréditaire. Mais les chiffres que je viens de citer sont si faibles qu'on ne sauratt en tirer aucune conclusion; j'ai donc cherché d'autres témoignages; je ne saurais dire si ceux que j'ai trouvss sont dignes de foi; il m'a semblé en tous cas qu'il étatt utile de citer les faits que j'a; recuelllis.

Les Maories de la Nouvelee-Zélande ont longtemss pratiqué l'infanticiee; M. Fenton » affirme quill a rencontrt « des femmes qui ont détrutt quatre, six et même sept enfants, la plupatt des filles. Toutefois le témoignage universel de ceux qui sont à même de se former une opinion correcee prouee que cette coutume a cessé d'exsster depuis bien des années, probablement depuis l'année 1835 ». Or, chez les Nouveaux-Zélandaas comme chez les Todas, les naissances de garçons sont considérablemtnt en excès. M. Fenton ajoute (p. 30) : < Bien qu'on ne puisee fixer pertinemmenl l'époque exacte du commencement de cette singulière condition de la disproportion des sexes, on peut.amrmer que l'excès du sexe mâle sur le sexe femelle étatt en pleine opération pendant la période qui s'est écoulée entre 1830 et 1844, et s'est continuee avec beaucoup d'énergie jusqu'au temps actue.. » J'emprunte les renseignemenps suivants à M. Fenton (p. 26), mais, comme les nombrss ne sont pas considérables et que le recensement n'a pas été fait très exactement, on ne peut s'attendre à des résultats uniformes. Je dois rappeerr toutd'abord.danscecasetdans les cas suivants, que l'état normll de la popuaation, au moins dans tous les pays civilisés, comporte un excès de femmes à cause de la plus grande mortalité des enfants mâles pendant la jeunesee et des plus nombreux accidenss

95. Aboriginal Inhabitants of New Zéaland;Gouverment report, 1859, p. 36.

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[Chap.VHI]]         DE LA PROPORTION DES SEXES                     283

auxquels sont exposés les hommes pendatt toute la vie. En 1858, on estimatt que la population indigène de la Nouvelle-Zélande se composait de 31,667 hommss et de 24,303 femmes de tout Age, c'estldire dans la proportion dé 130.3 mâles pour 100 femelles. Mais, pendant cette même année et dans certaines régions limitée,, on recenaa les indigènss avec beaucopp de soin, et on trouva 753 hommes de tout âge contre 616 femmes, c'est-à-dire dans la proportion de 122.2 mâles pour 100 femel.es. Il est encore plus important pour nous de savorr que, pendatt cette même année 1858 et dans cette même région, les mâles non adultes s'élevaient au nombre de 178, et les femelles non adultes au nombee de 142, c'est-à-dire dans la proportion de 125.3 mâles pour 100 femelles. Nous pouvons ajouter qu'en 1844, alors que l'infanticide des filles n'avatt cessé que depuis peu de temp,, les mâles non adultes dans une région s'élevaient au nombre de 281, et les femelles non adultes au nombee de 194, c'est-à-dire dans la proportion de 144.8 mâles pour 100 femelles.

Aux lies Sandwich, le nombee des hommss excède celui des femmes. Autrefois l'infanticide était très en honneur, mais ne portait pas seulemntt sur les femelles, ainsi que le prouve M. Ellis - dont les assertioss sont, d'alleeurs, confirmées par t'évêque Staley et par M. Coan. Toutefois un autre écrivain digne de foi, M. Jarves, dont les observations ont porté sur tout J'archipel, s'exprime ainsi que suit- : « On rencontre un grand nombee de femmes qui avouent avoir tué de trois à six ou huit de leurs enfants; » et il ajoute : « On considérait les filles comme moins utlles que les garçon,, et, par conséquent, on les mettatt plus souvent à mor.. » Cette asseriion est probablement fondée, si l'on en juge par ce qui se passe dans d'autres partiss du monde. La pratique de l'infanticide cessa vers 1819, alors que l'idolâteie fut aboiie et que les missionnaires s'établirent dans l'archipel. Un recensement fait avec beaucoup de soin, en 1839, des hommss et des femmes adultes et imposables dans l'ile de Kauai et dans un district d'Oahu(Jarves, p. 404) indique 4,723 hommss et 3,776 femmes, c'est-à-dire dans la proportion de 125.08 hommes pour 100 femmes. A la même époque, le nombee des enfanss mâles au-dessous de quatorze ans à Kauai et au-dessoss de dix-hutt ans à Oahu s'élevait à 1,797 et celui .des enfanss femelles du même Age à 1,429, ce qui donne une proportic-de 125.75 màles pour 100 femelles,

96.  Narrative of a <our through Hawai,, 18~6, p. 298.

97.  IHstory oflhe Sandwich hland,, 1843, p. 93.

es on

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284                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

. Un recensement de touses les !les fait, en 185098, indique 36,272 hommes et 33,128 femmes de tout Age, sott dass la proportion de 409.49 mâles porr 100 femelles. Le nomere des garçons au-dessous de 17 ans s'élevait à 107733 et ceuii des filles au-dessous du même âge à 9,593, sott 112.3 mâles porr 100 femelles. D'après le recensement de 187,, la proportion des mâles de tout âg,, y compris les demi-castes, aux femelles est comme 125.36 est à 100. Il importe de remarquer que tous ces recensements pour les îles Sandwich indiquent la proportion des hommes vivants aux femmes vivantes et non pas celee des naissances. Or, s'il faut en juger d'après les pays civilisés, la proportion des mâles aurait été beaucoup plss considérable si les chiffres avaient porté sur les naissances".

Les faits qui précèdent nous autorisent presque à conclure que l'infanticide, pratiqué dans les condonsons que nous venons d'expliquer, tend à amener la formation d'une raee produitant principalemett des enfants mâl.s. Mass je suss lonn de supposer que cette

98. Rev. II. T. Che.eve,, Life in the Sandwich hlands, 1851, p. 277. 99 Le D'Coulter, en décrivant (Journal R. Geographical Soc, vol. V, Iboo, „. 6 1 État de laCa .forme vers t'année 1830, affirme que presque tous tes indigène

convertis par les msss.onnaires espagnsls ont péri ou sont sur te point de périr, bien qu'ils reçoivent de bons traitements, qu'ils ne soient pas chassés de leur pays natal et qu'on ne leur permette pas l'usage des spiritueux. Le D' Coulter a tnbueen grande partie cetee mortalité au fait que les hommes sont beaucoup

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plus nombreux que les femmes; mass il ne dit pas si cet excès des homms provient du manque de filles ou dece que plus de filles meurent pendanl la jeunesse. Si l'on en juge par analogie, cetee dernière alternative est très peu probable. Il ajouee que . l'infanticide proprement dit n'est pas commun, mais que les indigènes pratiquent souvent t'avortement.. Si le D' Coulter est bien ren seigni à propss de l'infanticide, on ne peut citer ce cas à l'appii de l'hypothè"

ese

du colonll'Marshall. Nous sommes disposés à croire que la dimnnution rapide du nombre des indigènes convertis provient, comme dans tes cas que nous avons dSrie^féSStée ce qUe le changemtnt d6S habitudes d'existence a J'espérais que l'élevage des chiens me fourniraitquelques renseignements sur la question qui nous occup,,ca,, à l'exception peut-être des lévriers, on détruit ordnnairemeni beaucoup plus de femelles que de mâles comme cela arrive chez tes Todas. M. Cupples m'affirme qu'en effet on détruit beaucoup defemelleschez le chien courant écossais. Malheureusement je n'ai pu me procurer des renseignements exacss sur la proportion des sexes chez aucuee race à l'exception des lévriers et, chez ces derniers, les naissances mâles sont aux naissanses femelles comme 110.1 et à 100. Les renseignements que j'ai prss auprès de beaucoup deleveursmepermettentdeconclurequeles femelles sont,àbeaucoupd'égards, plus estimées que les mâles; enoutre.il est certain qu'on ne détruit pas systé-mat.quemenfplusde mâles que de femelles chez les races les plus estimées. En conséquence, je ne saurais diee s'il faut attribrer au principe que je cherche à établir l'excss des naissances mâles chez les lévriers. D'autre par,, nous avons vu que, chez les chevaux, les bestiaux et les moutons, les petitt de l'un ou de l'autr, sexe ont trop de valeur pour qu'on les détruise ; et, si l'on peut constater une différence chez ces races.il semble que les femelles soient légèremtnt en

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[Chapp VIII]          DE LA PROPORTION DES SEXES                      285

pratique, dans le cas de l'homm,, ou quelque pratique analogue dans le cas des autres espèces, soit la seule cause déterminante d'un excès des mâles. Il se peut qu'une loi inconnue agisse pour amener ce résultat chez les races qui diminuent en nombre et qui sont déjà quelque peu stériles. Outre les diverses causes auxquelles nous avons fait allusio,, il se peut que la plus grande facilité des accouchemenss chez les sauvagss et, par conséquent, les désavanlages moins grands qui en résultett pour les enfanss maie,, tende à augmenter !a proportion des mâles comparativement auxfemelles. Rien ne semble, d'ailleurs, indiqurr qu'il existe un rapport nécessaire entre la vie sauvage et un excès du sexe mâle, si nous pouvons juger toutefois d'après le caractère des quelques enfanss des derniers Tasmaniens et des enfanss croisés des Tahitiens qui habtent aujourd'hui l'île Norfolk.

Les mâles et les femelles de beaucoup d'animaux ont des habtudes quelque peu différentes et sont exposés à des dangers plus ou moins grands; il est donc probable que, dans bien des cas, les individus appartenant-à un sexe encourent une destruction plus considérable que ceux appartenant à l'autre. Mais, autant toutefois que je peux considérer l'ensembee de ces causes complexes, une destruction considérable de l'un des sexes n'entraînerait pas la modfiication de l'espèce au point de vue de la production de l'un ou de l'autre sexe. Quand il s'agtt des animaux strictement sociables, tels que les abeilles ou les fourmis, qui produisent un nombre beaucoup plus considérable de femelles fécondes et stérilss que de mâles, et parmi lesquess cette prépondérance des femelles a une importance extrêm,, nous nous expliquons facilement que les sociétés qui contiennent des femelles ayant une forte tendanee héréditaire à produire un nombee plus grant de femelles doivent réussrr le mieux; dans ce cas, la sélection naturelle doit agir de façon à développer cette tendance.-On peut concevorr également que la sélection naturelle développe la production des mâles chez les animaux qui vivent en troupeaux, comme les bisons de l'Amérique du Nord, et certains babouins, parce que les mâles se chargent de là défense du troupeau, etque le troupeuu le mieux protégé doit avoir deplus nombreux descendants. Quand il s'agtt de l'espèee humaine, on attribue en grande partie la destruction volontaire des filles à l'avantage iui résutte pour la tribu de contenir un plus grand nombre d'hommes.

. Dans aucun cas, autant que nous en pouvons juge,, la tendanee héréditaire à produire les deux sexes en nombee égar ou à produir un sexe en excès, ne constituerait un avantage ou un désavantag,

à

luire

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286                     LA DESCENDANCE DE L'HOMEE           [lie Partie]

direct pour les individu;; un individu, par exemple, ayant une tendance à produire plus de maies que de femelles ne réussirait pas mieux dans la lutte pour l'exsstence qu'un individu ayant une tendance contraire; par conséquent, la séleciion naturelle ne pourrait pas détermnner une tendanee de cette nature. Néanmonns, il existe certains animau,, les poissons et les cirripèdes par exempe,, chez lesquess deux ou plusieurs mâles semb.ent indispensables pour la fécondation de la femelle; en conséquence, les mâles existent en plus grand nombre, mais il est difficiee d'expliquer quelle cause a amené cette prépondérance des mâles. J'étais autrefois, disposé à croire que, quand la tendanee à produire les deux sexes en nombee à peu près égal est avantageuse à l'espèce, cette tendanee résuite de l'acUon «fc la sélection naturelle, mais de nouvel.es recherches m'ont démontré que le problème est si complexe qu'il est plus sage de laisser à l'avenir le soin d'en présenter une solution.

CHAPITRE IX

LES CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES DANS LES CLASSES [NFÉRIEURES DU RÈGNE ANIMAL

tères sexuels secondaires sont fortement développés, dimorphisme, couleur,

Il n'est pas rare que, dans les classes inférieures du règne animal, les deux sexes soient réunss sur le même individ,, ce qui s'oppose, par conséquent, à tout développement des caractères sexuels secondaires. Souvent auss,, lorsque les sexes sont séparé,, les mâleset les femelles, fixés d'une façon permanente a quelque support, ne peuvent ni se chercher, ni lutter pour se possédrr l'un l'autre. 11 est certain, d'ailleurs, que ces animaux ont des sens trop impafaits et des facultés mentales trop intimes pour éprouvrr des sent-ments de rivalité et pour apprécier leur beauté ou leurs autrss

at7us"ldreonucoUnt;e-t.on pas de vraU.cractères sexuels secondaire,, tels que ceux dont nous nous occupons ici, dans les classes ou sous-règnes, tels que les Protozoaires, les Cœlentérés, les Echi; nodermes, lesScolécidés. On peut en conclure, comme nous l'avons fait d'alleeurs, que chez les animaxx des classes plus élevées, les

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[Chap. IX]        CARACTERES SEXUELS SECONDAIRES                 287

caractères de ce genre résultent de la sélection sexuelle, c'est-à-dire de la volonté, des désirs, et du choix exercé par l'un ou par l'autre sexe. On observe cependatt quelquss exceptions; ainsi le docteur Baird m'apprend que chez certains Entozoaires, vers parasites internes, les mâles diffèrent légèrement des femelles au point de vue de la coloration, mais nous n'avons aucune raison pour supposer que l'action de la sélection sexuelee ait contribéé à augmenter de semblables différences. Les dispositions qui permettent au mâle de retenrr la femelle, et qui sont indispensables à la propagation de l'espèc,, sont indépendantes de la sélection sexuelle et ont été acquisss par la sélection ordinaire.

Beaucoup d'animaux inférieurs, tant hermaphrodites qu'à sexes séparé,, affectent les teintes les plus brillantes ou sont nuancés et rayés d'une manière très-élégante. C'est ce que l'on peut observer chez de nombreux coraux et chez les anémonss de mer {Actinie)) chez quelquss Méduses, quelquss Porpites, etc,, chez quelquss Planares, quelquss Ascidies et chez de nombreux Oursins, etc.; mais les raisons déjà indiquées, c'est-à-dire l'union des deux sexes sur un même individu chez quelques-uns de ces animaux, la fixation des autres dans une situatinn permanente, et les facultés mentales si infimes de tous, nous autorssene à concluee que ces couleuss n'ont pas pour objet l'attraction sexuelle, et ne résultntt pas-de l'action de la sélection sexuelle. Il faut se rappeler que, dans aucun cas, nous n'avons le drott d'attribuer les couleuss brillantes à la séleciion sexuelle, sauf, toutefois, lorsqu'un sexe est plus vivement et plus remarquablement coloré que l'autre, et qu'il n'y a dans les habitudes des mâles et des femelles aucune différence qui puisse expliqurr cette diversité. Cette hypothèse acquiert un grand degré de probabitété quand nous voyons les individss les plus ornés, presque toujours, les mâles, se pavanrr et étaler leurs attraits devane l'autre sexe, car nous ne pouvons supposer que cette conduite soit inutile; or, si elle est avanaageuse, elle amène inévitablement l'intervention de la sélection sexuell.. Cette conclusion peut s'étendee également aux deux sexes lorsqu'ils ont une coloratinn semblable, si cette coloration est évidemment analogee à celle d'un sexe seul chez certaines'autres espèces du même groupe.

Comment donc expiiquerons-nous les couleuss éclatantes et souvent splendides qui décorent beaucoup d'animaux appartenant aux classes inférieures? Il semble fort douteux que ces couleurs servent habituellement de moyen de protection; mais nous sommes fort exposés à nous tromprr sur les rapports qui peuvent exister entre les caractères de toute natuee et la protection, ce qu'admettra qui-

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.288                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

conque a lu le remarquable mémoire de M. Wallace sur cette question. Il ne viendrait, par exempe,, à l'idée de personne que la parfaite transparence des méduses pût leur rendee de grands services comme moyen de protection; mais, lorsque Hackel nous rappelle que, outre les méduse,, une foule de mollusques flottants, de crustacés et même de petits poissons marins possèdent cette même structure transparente, souvent accompagnée de couleurs prismatiques, nous ne pouvons douter qu'elle ne leur permetee d'échapper à l'atention des oiseaux aquatiques et d'autres ennemis.

M. Giard' soutient que les couleurs brillantes de certaines éponges et de certaines ascidies leur servent de moyen de protection. En outre, une brillanee coloration rend service à beaucoup d'anmaux en ce qu'elle sert d'avertissement à leurs ennemis: elle leur apprend, en effet, que l'animal coloré a mauvais goût ou qu'il possède certains moyens spéciaux de défense. Nous nous réservons, d'allleuss dedïscuter plus complètement ce suje..

Nous somme si ignorants quand il s'agtt des animaux inférieurs, que nous nous contentons d'attribuer leurs magnifiques couleurs, soit à la nature chimique, soit à la structure élémentaire de leurs tissu,, indépendamment de tout avantage que ces animaux peuvent en tirer. On peut à peine imaginer une couleur plus belle que celle du sang artériet, mais il n'y a aucune raison de supposer que cette couleur présente en elle-même un avantage; car, bien qu'elee puisse ajouter à la beauéé de la joue de ta jeune fille, personne n'oserait prétendee qu'elle ait été acquise dans ce but. De même, chez une foule d'animaux, surtout les plus infimes, la bile affecte une fort belle couleur; ainsi M. Hancock m'apprend que les Eolides (limaces de mer nues) doivent leur extrême beauéé à ce que les glandss biliaires s'aperçoivent au travess des téguments transparents; mais cette beauté n'a probablement pour ces animaux aucune utilité. Tous les voyageuss font des descriptions enthousiastes de la magnificence des teintes que revêtent les feuilles d'automee dans une forêt américaine; personne ne suppose, cependant, quill en résulte aucun avantage pour les arbre.. 11 y a ta plus grande analogie, au point de vue de la composition chimiqu,, entre les combnaisons organqques naturelles et les substances si nombreuses que les chimistes sont récemment parvenss à produire; or, ces dernières présentent parfois les couleuss les plus splendides, et il seratt étrange que des substances semblablement colorées ne soient pas fréquemment produites, indépendamment de tout but utilitaire à

1. Archives de ooolog.Expér., oct. 1872, p. 563.

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[ChapX]X]                                 MOLLUSQUES                                             289

attendre, dans ce laboratoire si complexe que constitue l'organisme

Le sous-règne des Mollusques.- Autant que mes recherches me permettenè d'en juge,, on ne rencontre jamass dans cette granee division du règne animal des caractères sexuels secondaires semblables à ceux dont nous nous occupon.. On ne devait guère s'attendre, d'allleurs, à les rencontrer dans les trois classes les plus infimes, les Ascidie,, les Polyzoaires.et les Brachoopodes (les Mol-luscoïda de quelques savants), car la plupart de ces animaux sont fixés d'une façon permanente à quelque support, ou bien les deux sexes sont réunss chez le même individ.. Chez les Lamellibranches ou Bivalve,, l'hermaphrodisme n'est pas rare. Dans la classe suivante plus élevée des Gastéropodes, ou coqullles marines univalves, les sexes sont unis ou séparé.. Mais, dans ce dernier cas, les mâles ne possèdent jamais d'organes spéciaux qui leur permettent soit de chercher, soit d'attirer les femelles ou de s'emparer d'elles, soit de combattre les uns avec les autre.. La seule différence extérieure qui existe entre les mâles et les femelles consiste, à ce que m'apprend M. Gvvyn Jeffreys, en une légère modfiication de la forme de lacoquil.e; celle de la Littorina littorea mâle, par exempe;, estpuss étroite et a une spire plus allongee que celle de la femelle. Mais on peut supposer que les différences de cette natuee se rattachent directement à l'acee de la reproduction ou au développement des œufs.

Les Gastéropodes, bien que susceptibles de locomotion, et pourvus d'yeux imparfaits, ne parasssent pas doués de facultés mentales assez développées pour que les individus appartenant au même sexe deviennett rivaux et combattent les uns avec les autre;; ils n'ont donc aucun motff pour acquérir des caractères sexuess secondaires. Néanmoins, chez les Gastéropodes pulmonés, ou limaçons terrestres, une espèce de recherche précède l'accouplement; en effet, ces animau,, bien qu'hermaphrodites, son,, en vertu de leur conformation, forcés de s'unir deux à deux. Agassiz' fait à cet égard les remarques suivantes : « Quiconque a eu l'occasion d'observer les amouss des limaçons ne saurait mettre en doute la séduction déployée dans les mouvements et les allures qui préparent le double embrassement de ces hermaphrodi.e, x Ces animaux paraissent aussi susceptibles d'un certain attachement durable; un observateur attentif, M. Lonsdale, m'apprend qu'il avatt placé un

2.Del'EspèceetdelaClaSnf.,«,,im,».m.

19

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290                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ie Part.e]

couple de colimaçoss terrestres {Hélix pomatia), dont l'un semblait maladif, dans un petit jardin mal approvisionné. L'individu fort et robuste disparut au bout de quelques jours : la trace glutineuse, qu'il avait laissée sur le mur permtt de suivre ses traces jusque dans un jardin voisin bien approvisionné. M. Lonsdaee crut qu'il avatt abandonéé son camarade malad;; mais il revint après une absence de vingt-quatre heure,, et communiqua probablement à son compagnon les résultats de son heureuee exploration, car tous deux partirent ensembee et, suivant le même chemin, disparurent de l'autre côté du mur.

Je ne crois pas que les caractères sexuess secondaires, de la nature de ceux que nous envisageons ici, existent dans la classe la plus élevée des Mollusque,, celle des Céphalopodes, animaux à sexes séparé.. C'est là un fait étonnant, car, chez ces animau,, les organes des sens ont acquis un haut degré de développement; les Céphalopodes sont, en outre, doués de facultés mentales considérables, comme le prouvent les intelligents efforts dont ils sont capables pour échapper à leurs ennemis \ On observ,, toutefois, chez certains Céphalopodes un caractère sexùel extraordinaire : l'élément màle se rassemble dans un des bras ou tentacules qui se détache ensutte du corps de l'animal, et va se fixer par ses ventouses sur la femelle, où il conserve pendant quelque temps une vitalité indépendante. Ce bras détaché ressembee tellemett à un animal séparé, que Cuvier l'a décrtt comme un ver parasite sous le nom de Hectocotyle. Mais cette conformation singulière constitue"un caractère sexuel primaire plutôt que secondaire,

Bien que la sélection sexuelle ne parassee jouer aucun rôle chez les Mollusques, beaucoup de coqullles univalves et bivalves, telles que les Volutes, les Cônes, les Pétoncles, etc,, présentent, cependan,, des formes et des couleurs admrrables. Les couleurs ne semblent pas, dans la plupatt des cas, servrr à protéger l'animal; il est probabee que, comme chez les classes les plus infimes, elles résutent directement de la natuee des tissu;; les modèles et les formes des coqullles semblent dépendee de leur mode de croissance. La quantité de lumière paratt exercer une certaine influence; car, ainsi que l'a plusieuss fois constaéé M. Gwyn Jeffrey,, bien que les coquilles de certaines espèces vivant à de grandes profondeurs soient brillamment colorée,, on remarque, cependant, que les surfaces inférieures et les parties recouvertes par le manteau le sont moins vivement que celles qui occupent les surfacss supérieures exposées à

3. Voir mon Journal oy Researches, J845, p, 7.

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en or

[Cap. IX]                             MOLLUSQUES               .                        291

la lumière*. Dans quelquss cas, pour les coqullles, par exemple, qui vivent au milieu des coraux ou des algues à teintes brillantes, des couleuss vives peuvent servir à les protéger5. Beaucoup de mollusques nudibranches ou limaces de mer affectent des couleuss aussi brillantes que les plus beaux coqullaages, comme on peut s'en assurer en consultant le bel ouvrage de MM. Aider et Hancok; or il résulte des recherches de M. Hancok que ces colorations ne semblent pas servir habituellement de moyen protecteur. ïl peut en être ainsi pour certaines espèces, pour une surtout, qui vit sur les feuilles vertes des algues et qui affecte elle-même une teinte vert clair. Mais il y a beaucoup d'espècss à couleuss vives, blanches ou autrement très apparentes, qui ne cherchent point à se cache;; tandss que d'autres espèces, également très remarquables, habitent, ainsi que des espèces à l'aspett sombre, sous des pierres et dans des recoins obscur.. Il ne paratt donc pas qu'il y ait, chez ces mollusques nudibranches, aucun rappott intime entre la couleur et la nature de l'habit.t.

Ces limaces marines, dépourvues de coquilles, sont hermaphrodites, et, cependant, s'accouplent comme le font les limaçons terre-tres; un grand nombee de ces derniers ont de très jolies coqullees. On s'explique facilement que deux hermaphrodites, mutuellement attirés par leur grande beauté, puissent s'unir ef produire des descendanss doués de la même qualité caractéristique. Mais le cas est très improbable chez des êtres ayant une organisation aussi inférieure. Il n'est pas non plus certann que les descendants des plus beaux couples d'hermaphrodites aient, sur les descendants des couples moins beaux, certains avantages qui leur permettent d'augmenter en nombre, à moins qu'ils ne réunsssent la vigueur à la beauté. On ne rencontre pas ici un grand nombee de mâles qui parviennent à la maturité avant l'autre sexe, de telle façon que les femelles vigoureuses puissent choisrr les plus beaux. Si une coloration brillante procurait réellement à un animal hermaphrodite certains avantages en rappott avec les conditions générales de l'existence, les individus plus richement nuancés réussiraient mieux et augmenteraient en nombre, mais ce seratt alors un cas de sélection naturelle et non de sélection sexuelle.

-a

5

avril 1871.

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aux ss

292                       'LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

Sous-règne des Vers ou Annelés : Classe : Annelida (Vers-marins). - Bien que les mâles et les femelles (lorsque les sexes sont séparés) présentent parfois des caractères assez différenss pour qu'on les ait classés dans des genres et même dans des familles distinctes, les différences ne parasssent, cependant, pas être du genre de celles qu'on peuthardimeniattribueràlasélection sexuelle. Ces anima* revêtent parfois de brillantes couleurs; mais, comme les individu des deux sexes ne présentent aucune différence, sous ce rapport nous n'avons guère à nous en occupe.. Les Némertiens eux-mêmes, qui ont une organisation si infime, < peuvent se comparer à n'imporee quel autre groupe de la série des invertébrés pour la beauté et la variété des couleurs x. Cependant le docteur Mac Intosh ° n'a pu découvrir quel genre de service ces couleuss rendent à l'animal. M. Quatrefages' affirme que les annélides sédentaires prennent une teinte plus terne après la période de la reproduction, ce qu'il faut attribuer, je crois, à ce quiils sont moins vigoureux à cette époque. Evidemment ces animaxx son,, comme ceux des classes précédentes, placés trop bas sur l'échelle, pour que les individus de l'un ou de l'autre sexe puissent faire un choix réciproque, ou pour que ceux appartenant au même sexe éprouvent des sentimenss de rivalité assez énergiques pour les amener à lutter les uns avec les autres pour la possession d'une femelle.

Sous-règne des Arthropodes : Classe : Crustacés. - C'est dans cette classe que l'on peut observrr pour la premèère fois des caractères sexuels secondaires incontestables, souvent développss d'une manèère remarquable. Malheureusement, on ne connatt guère les habitudes des Crustacés; on ne peut donc déterminer quels sont les usages de beaucoup de conformations particulières à un seul sexe. Chez les espèces parasites inférieures, les mâles, de pettte taille, possèdent seuls des membres natatoires parfaits, des antennes et des organss des sens; les femelles sont privées de tous ces organes, et leur corps ne présenee souvent qu'une simple masse difforme. Mais ces différences extraordinaires entre les mâles et les femelles se rattachent sans doute à des habitudes d'existence profondément différentes, et ne rentrent pas dans notre sujet. Chez divers Crustacss appartenant à des famllles différentes,ses antennss antérieures sont pourvuss de corps filiformes singuliers; on croit q que ces corps remplissent les fonctions des organss de l'odorat; ils

6. Voir son magnifique mémoire, British Annelids, part. I, 1873, p. 3.

fév7: im, PM-86rer,V0H9ine de l'homme d'après Darwin; Rev. sIntifique,

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[ChapX IX]

CRUSTACÉS

293

sont beaucoup plus abondanss chez les mâles que chez les femelles. Il est presque certain que, sans aucun développement exceptionnel des organss o)factifs, les mâles trouveraient tôt ou tard les femelles-l'augmentation du nombee des filamenss olfactifs est donc probablement due à la sélection sexuelle; les mâles les mieux pourvus ont dû, en effet, le mieux réussrr à.trouver les femelles et à laisser des descendants. Fritz Millier a décrtt une remarquable espèce dimorphe de Tanais; chez cette espèce, le sexe mâle est représenté . par deux formes distinctes, qui ne se confondent jamais l'une avec l'autre. Le mâle d'une de ces formes porte un plus grand nombee de cils olfactifs; )e mâle de l'autee est armé de pinces.plus puissantes et plus allongées qui lui permettent de saisir et de contenrr la femelle. Fritz Millier attrbue ces différencss entre les deux formes mâles d'une même espèce à ce que-le nombee des cils olfactffs a varié chez certains individu,, tandss que la forme et la grosseur des pinces a varié chez d'autres ; de sorte que, chez les premières mieux appropriés à trouvrr la femelle, et, chez les seconds, les plus aptes à la contenrr après l'avorr capturée, ont laissé plus de descendants à qui ils ont transmss leur supériorité respective».

Chez quelquss Crustacés inférieurs, la conformation de l'antenee antérieure droite du mâle diffère considérablemtnt de celle de l'antenne gauch;; cette dernière se rapproche beaucoup des simples 'antennes effilées des femelles. L'antenee modfiiée du mâle se renfle au milieu, fait un angle ou se transforme (fig. 4) en un organe prenant élégant et queqquefois étonnamment Compliqué». Sir J. Lubbock m'apprend que cet organe sert à maintenir la femelle :

8 Faits et apuments pour Darwin (^.an%\^).Voir\* les c^olgcUfs. S*?_a.décrtt un cas _à peu près analogue (reprodutt dans

Fig. 4. - Labidocera Dar-wi«ii (d'après Lubbock).

a.  Partie de l'antenne antérieuee droite du mâle, for-mant un organe prenant.

b.     Paire postérieure des pattes thoraciques chez le

c.  La même chez )a femelle.

Discussion sur ^, 1870, p.455) chez unCru^^

~ ,v ,'o-f h P o i Voir aussi Lubb°<*. dans Transact. Entom. Soc,

i |>Ui> bas,

voir

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294                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Pahtik]

une des deux pattes postérieures (b) du même côté' du corps, convertie en forceps,sert aussi à ce but. Chez une autre famllle, les antennes inférieures ou postérieures présentent, chez les mâles seuls, « une forme bizaree en zigzag». Les pattes antérieures des crustacés supéreeurs constituent une

Fig. 5- - Partie antérieure du corps d'un CaUianassa (d'après Milne Edwards) indiquant l'inégalité et la différence de structure entre les pinces du côté 5                     drott et du côté gauche chez le mâle.

N. B. L'artiste apar erreur renversé le dessin, et a représenté la pince gauche comme . la plus grosse.

paire de pinces généralement plus grandss chez le mâle que chez la femelle à tel point que, selon M. C. Spence Bate, la valeur du crabe comestible mâle {Cancer pagurus) est cinq-fois plus

L'ig. 0. - Deuxième patte de Orchesth Tucm-alinga (Fr. Millier).

Fig. T. - La même, chez la femelle.

grande que celle de la femelle. Chez un grand nombre d'espèces, ces pinces affectent une grosseur inégaee sur les côLés opposés du Mr£; la pince droite, d'après M. C. Spence Bate, est ordinairement, mais pas toujours, la plus grand.. Cette inégalité est souvent aussi plus grande chez le mâle que chez la femelle. Les deux pinces (fig. 5, 6 et 7) ont souvent une structure différente, la plus-

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[Chap.IX]                            CRUSTACÉS                                     295

petite ressemble alors à celle de la femelle. Nous ignorons quel avantage peut résulter de cette inégalité de grosseur entre les deux pinces ; nous ne saurions non plus expliqurr pourquoi cette inégalité est plus prononcée chez le mâle que chez la femelle, ni pourquoi, lorsque les deux pinces se ressemblent, toutes deux sont souvent beaucoup plus grandes chez le mâle que chez la femelle. Les pinces atteignent parfois une longueur et une grosseur telles qu'elles ne peuvent servir en aucune façon, : comme le fait remarquer M. Spence Bate, à porter les alimenss à la bouch.. Chez les mâles de certannes crevettes d'eau douce (Palémons), la patte drotte est plus longue que le corps entier". Il est probable que la grandeur de cette patte armée de ses pinces peut faciliter au mâle la lutte avec ses rivaux, mais cela n'explique pas leur inégalité sur les deux côtés du corps chez la femelle. D'après Milne Edwards", le Gelasimus mâle et la femelle habitent le même trou; ce fait a une certaine importance en ce quill prouve que ces animaux s'accouplent; le mâle obstrue l'entrée de la cavité avec une de ses pinces, qui est énormément développée; dans ce cas, la pince sert indirectement de moyen de défense. Cependant les pinces servent probablement surtout à raisir et àmaintenir la femelle, fait qui, d'ailleurs, a été constaéé dans quelquss cas, chez le Cammarus par exemple. Le crabe ermite mâle (Pagurus) porte pendant des semaines la coquille habitée par la femelle'». Toutefois M. Spence Bate m'apprend que le crabe commun (Carcinus wa~nas) s'accouple aussitôt que la femelle a mué et perdu sa coque dure, elle se trouve alors dans un état de mollesse, telle que les fortes pinces du mâle pourraient fortement l'endommager, s'il s'en servatt pour tasaisir ; mais, comme le mâle s'en empaee et l'emporte avant la mue, il peut alors la saisrr impunément.

Frttz Millier constaee que certaines espèces de Melita se distinguent des autres Amphipodes en ce que les femelles ont « les lamelles coxales de l'avant-dernière paire de pattes recourbées en apophyses crochues, que les mâles saisissent avec les pinces de la première paire de pattes ». Le développement de ces apophyses crochuss provient probablement de ce que les femelles qui, pendant l'acee, de la reproduction, ont été le plus solidement maintenues, ont laissé un plus grand nombee de descendants. Fritz Müller dé-

10. C. Spence Bâte, Proc. Zoolog. Soc. 1868M p. 363, et sur la nomenclature

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296                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I"e Partie]'

crit un autre Amphipode brésiiien (Orchestia Darwinii, fig. 8) qui présenee un cas de dimorphisme analogue à celui du Tanais, car il comprend deux formes mâles qui diffèrent par la conformation de leurs pinces». Les pinces de l'une ou de l'autre forme suffisent certainement à maintenir la femelle, car elles servent actuellement

Fig. 8. - Orchestia Darwinii (d'après Fr. Miiller) indiquant )es deux pinces différemment construites des deux miles.

à cet usage; il est donc probabee qu'eless doivent leur origine à ce que certains mâles ont varéé dans une direction et les autres dans une autre; en même temps, les mâles de l'une et de l'autre forme ont dû retirer certains avantages spéciaux, mais presque égaux, de la conformation différenee de ces organes. On ne peut affirmer que les Crustacés mâles luttent les uns avec

13. Fritz Mûller, op. c, pp. 25-28.

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[Chap. IX]                            CRUSTACÉS                                     297

les autres pour la possession des femelles; mais cela est probable, car, chez la plupatt des animau,, lorsque le mâle est plus grand que la femelle, il paratt devoir son accroissement de taille à ce que ses ancêtrss ont, pendant de nombreuses générations, lutté avec d'autres mâles. Chez presque tous les Crustacés, surtout chez les plus élevés ou les Brachyures, le mâle est plus grand quelafemelle; il faut excepte,, cependant, les genres parasites chez lesquels les individus des deux sexes suivent des genres de vie différents, et aussi ]a plupart des Entomostracés. Les pinces de beaucoup de Crusaacés constituent des armes bien adaptées pour la lutte. Un fils de M. Bate a vu un crabe (Portunus puber) lutter avec un Carcinus mœnas; ce dernier fut bientôt renversé sur le dos et son adversaire lui arracha tous les membres du corps. Lorsque Fritz Millier plaçait, dans un réceptacle en verre, plusieurs Gelasemus mâles du Brésil pourvus d'énormss pinces, ils se mutilaient et s'entre-tuaient. M. Bate introduitit un gros Carcinus rnœnas mâle dans un baqutt habité par une femelle appariée avec un mâle plus petit, celui-ci fut bientôt dépossédé; M. Bate ajoute : « S'il y a eu comba,, la victoire a été remportée sans que le sang ait coulé, car je n'ai point constaéé de blessures. » Le même naturaliste ayant séparé de sa femelle un Gammarus marinus mâle (si commun sur nos côtes), les plaça séparément tous deux dans des réceptacles contenatt beaucoup d'individus de la même espèce. La femelle ainsi divorcée se perdtt au milieu des autre.. Quelque, temps après, M. Bate replaaa le mâle dans le réceptacle où setrouvatt sa femelle, il nagea d'abord ça et ta, puis il s'élanaa dans la foule, et, sans aucun comba,, il reconnut sa femelle et l'emporta. Ce fait prouve que, chez les Amphipodes, ordre inférieur dans l'échelee des êtres, les mâles et les femelles se reconnaissent, et éprouvent l'un pour l'autre un certain attachement.

Les facultés mentales des Crustacés sont probablement plus développées qu'on ne le pense ordinairement. Il suffit d'avorr cherché à capturer un de ces crabes du rivage, si nombreux sur les côtes tropicales, pour voir combien ils sont alertes et méfiants. Un gros crabe (Birgus latro,, commun sur les îles de corail, dispose au fond d'un trou profond un lit épais de fibres détachées de la noix de coco. Il se nourrit du frutt tombé du cocotier; il en arrache l'écorce fibre par fibre, et commenee toujouss ce travall par l'extrémité où se trouvent placées les tross dépressions oculfformes. II casse ensuite un de ces points moins durs en frappant dessus avec ses lourdes pinces frontales, puis il se retourne et extratt le contenu album--neux de la noix à l'aide de ses pinces postéreeures effilées. Mais

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298                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           fil. P«™0

c'est là probablement un acte tout instinctif qui seratt aussi bien accompii par un jeune animal que par un vieux. On ne saurait en dire autant du cas suivant. Un naturaliste digne de foi, M. Gardne' «S observatt un Gelasimus occupé à creuser son trou; il jeta vers le trou commenéé quelquss coqullles, dont une roula dans l'intérieur, et trois autres s'arrêtèrent à une petite distanee du bord. Cinq minutes après, le crabe sortit la coquille qui étatt tombée dans l'intérieur et l'emporta à un pied de distance ; voyant ensutte les trois coqullles qui se trouvaient tout près, et pensant évidemment qu'ellss pourraient aussi rouler dans le trou, ils les porta successivement au point où il avait placé la première. Il seratt difficile, je crois, d'établir une distinction entre un acte de ce genre et celui qu'exécuteratt un homme usant de sa raison.

Quant à la coloration souvent si différente chez les mâles et les femelles des animaux appartentnt aux classes élevées, M. Spence Bate ne connatt pas d'exemples bien prononcés de coloration différente chez nos Crustacés d'Angleterre. Dans quelques cas, cependant, on constate de légères différencss de nuance entre le mâlle et la femelle, qui, selon M..Bâte, peuvent s'expliquer par la différence des habitudes; le mâle, par exemple, est plus actif et est ainsp plus exposé à l'aciion de la lumière. Le docteur Power a tenté de distingue,, au moyen de la couleu,, les sexes des espèces habitant l'île Maurice, sans pouvorr y parven;r, sauf pour une espèce de Squille, probablement le S. stylifera; le mâle affecte une superbe teinte bleu verdâtre, avec quelquss appendices rouge cerise; tandis que la femelle est ombrée de brun et de gris avec quelquss parties rouges beaucoup plus ternes que chez le mâle.. On peut, dans ce cas, soupçonnrr l'influence de la sélection sexuele.. Il semble résulter des expériences faites par M. Bert sur les Daphnaa que les Crustacés inférieurs, placés dans un vase illuminé par un prisme, savent distinguer les couleurs. Les Saphirina mâles (un genre océaniqee des Entomostracés, inférieur par conséquen)) sont pourvus de petits boucliers ou corps cellulaires, affectant de magnifiques couleuss changeantes; ces bouciiers font défaut chez les femelles, et dans une espèce chez les deux sexes ». Il seratt toutefois téméraire de concluee que ces curieux organes ne servent qu'à attirer les femelles. La femelle d'une espèce brésilienee de Gelasi-

14. Travels in Ihe InUrior ofBrazil, 1846, p. 111. J'ai donné, dans mon Jour-

tTSSSSSSÏÏSS,,. dois

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[ChapPIX]                            CRUSTACÉS                                     299

mus a, d'après Fritz Millier, le corps entier d'un gris-brun presque uniforme. Lapartie postérieure du céphaoo-thorax est, chezlemâle, d'un blanc pur, et la partie antérieure d'un beau ver,, passant au brun sombre; ces couleurs sont sujettes à se modifier en quelquss minutes; le blanc devient gris sale ou même noir, et le vert perd beaucoup de son écla.. Il y a évidemment beaucoup plus de mâles que de femelles. 11 faut remarquer que les mâles n'acquièrent leurs vives couleurs qu'à l'âge adulte. Ils diffèrent aussi des femelles par les plus grandss dimensions de leurs pince.. Chez quelques espèces du genre, probablement chez toute,, les sexes s'apparient et hab-tent le même trou. Ce sont aussi, comme nous l'avons vu, des animaux très intelligents. 11 semble, d'après ces diverses considérations, que, chez cette espèce, le mâle est devenu plus brillant afin d'attirer et de séduree la femelle.

Nous venons de constater que le Gélasimus mâle n'acquiert pas ses couleurs brillantes avant l'âge adulte, et, par conséquent, au moment où il est en état de reproduire. Ceci paratt être, dans toute classe, la règle généraee pour les nombreuses et remarquables différences de structure que présentent les individss des deux sexes. Nous verrons plus loin que la même loi prévatt dans l'ensembee du grand sous-règne des Vertébré,, et que, dans tous les cas, elle s'applique surtout aux caractères acquis par la sélection sexuelle. Fritz Millier » cite quelquss exempess frappants de cette loi : ains,, le mâle d'une crevettine sauteuee (Orcheslia) n'acquiert qu'à l'âge adulte la large pince qui détermine la seconde paire de pattes, dont la conformation est très-différente chez la femellle; tandis que, pendant le jeune âge, ces organss se ressemblent chez les deux sexes.

Classe : Arachnida(Araignées).-Les individus des deux sexes ne diffèrent ordinairement pas au point de vue de la coloration ; toutefois les mâles sont souvent plus foncés que les femelles, comme on peut s'en assurer en consultant le bel ouvrage de M. Blackwall'8. Chez quelquss espèces, cependant, les sexes diffèrent beaucoup l'un de l'autre par la couleur- ainsi, le Sparassus sm~ragdulus femelle affecteune teinee verte peu intense, tandis que le mâle adulte a l'abdo-. men d'un beau jaune avec trois raies longitudinales rouge vif. Chez quelquss espèces de Thomisus, les deux sexes se ressemblent beaucoup ils diffèrent beaucoup chez d'autres. Les autres genres présentent des cas analogues. Il est souvent difficile de dire lequel des

17.  Op. c, p.79.

18.  History ofthe Spiders ofGreat,Britain,mi-6i, pp. 77, 88,102.

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300                      LA DESCENDANCE DE L'HOMEE           fiee PARTIF/|

deux sexes s'écarte le plus de la coloratinn ordinaire du genre auquel appartient l'espèce, mais M. Blackwall pense que, en règle générale, c'est le mâle; Canestrini» fait remarquer que, dans certaiss genres, on distingue facilement les uns'des autres les

jeunes, les individus des deux sexes se ressemblent habituellement et «abssent souvent tous deux, dans les mues successives quiils

colorat-on. Dans d autres cas, le mâle seul paratt changrr de couleur. Ainsi le mâle du brillant Sparassus, dont nous venons de

parler ressembee d'abodd à la femelle, et n'acquiert sa couleur pa, Lcuhère que lorsqu'il arrive à l'âge adulte. Les araignées ont des sens très développés et font preuve d'intelligence. Les femelles,

comme on le sait, témoignent beaucoup d'affection pour leurs œu s qu'eles, transportent avec elles dans une enveloppe soyeuse. Les mâles mettent beaucoup d'ardeur à rechercher les femelles, et Canes-tnn. et quelquss autres observateurs affirment qu'ils luttent les uns contre les autres pour s'en emparer. Canestrini constate aussi qu'on a observé chez vingt espèces environ l'union entre les individus des deux sexes. It affirme positivement que la femelle repousee les avancss de certanss mâles qui la courtisent, et finit, après de longues hésitations, par accepter celui qu'elle a choisi. Ces diverses consKlerat,ons nous autorisent à concluee que les différencss bien marquées de coloration que présentent les mâles et les femelles de certainss espèces résultent de la sélection sexuelle, bien que, dans ce cas, nous n'ayons pas la preuve la plus absolue, qui consiste, comme nous l'avons dit, dans l'étalage que le mâle fait de ses ornements. L'extrême variabilité de couleur Lt font preuve quelques espèces, le Theridion linatum par exemple, semble prouvrr que les caractères sexuess des mâles ne sont pi encore bie'n fixés. Canestrini tire la même conclusion du fait que les mâles de cer-tainesespèces présentent deux formes qui diffèrent l'une de l'autre par la grandeur des mâchoires; ceci nous rappelle, les crustacés dimorphss dont nous avons parlé.

Le mâle est d'ordinaire beaucopp plus petit que la femelle; la différence.de tallle est souvent même extraordinaire'»; il doû

19. Cet auteur a récemment publié un mémoire remarquable sur les Carat-di Se. Nat. Padova, vol. I, fasc. 3, 1873.

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[CNap. IX]                            ARAIGNÉES                                     301

observer la plus grande prudenee quand i! fait la cour à la femelle, car celle-ci pousse parfois la réserve jusquàà un point dangereux. De Geer observa un mâle qui, « au milieu de ses caressss prépara toires, fut saisi par l'objet de ses amours, enveloppé dans une toile et dévoré spectacee qui, ajoute-t-,l, le remplit d'horreur et d'indignation » ». Le révérend 0. P. Cambridge « explique de la manière suivanee l'extrême petitesee du mâle dans le genre Nephila « M. Vinson décrtt admirablement l'activité du pettt mâie! activité qui lui permet d'échapper à la féroctté de la femelle; tantôt il se dissimuee derrière ses membres gigantesques, tantôt il lui grimpe sur le dos. 11 est évident qu'à un tel jeu les mâles les plus°petifs ont plus de chance d'échapper, tandss que les plus gros sont facilement saisis et dévoré;; il en résulte donc que la sélection a dû agir de façon à dim.nurr de plus en plus la grosseur des mâles et à les réduire à la plus grande petitesee comparable avec l'exercice de leurs fonctions de màles, c'est-à-dire à les rendee ce que nous les voyons aujourd'hui une sorte de parasite de la femelle, trop petit pour attirer son attention, ou trop agile pour qu'elee puisse facilement le

Westrigg a fait la découverte intéressante que les mâles de plusieuss espèces de Theridion» ont la faculté de produire un son stridulent, tandss que les femelles sont tout à fait muettes. L'app-re.1 consiste en un rebord dentelé situé à la base de l'abdomen, contre lequel frotte la partie postéreuure durcie du thorax, conformation dont on ne trouve pas de traces chez les femelles. I) convient de aire remarquer que plusieuss savants, y compris le célèbre Walcknnaer, ont affirmé que la musique attire les araignées». Les cas analogues chez les Orthoptères et chez les Homoptères, que nous décrirons dans le chapitre suivan,, nous autorisent presque à conclure que, ainsi que le fait remarquer Westrin- cette stridulation sert à appe.er ou à exciter la femelle; dans l^

zztzt^r^1™1' c'estlepremier cas *» je c°™*

-         - Science, 1868 p. 429)~ mais je n'ai pas vu les mémoires "" "' '"

21. kî^-^;^^^^^™}*? m^res °»«iM«-

U. Le D' H. VaKn Zo^T^^^^^*' P" 184.

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302                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partik]

Classe : Myriapoda. - Je n'ai trouvé dans aucun des deux ordres de cette classe, comprenant les millipèdes et les cenlipèdes, un exempee bien marqué de différences sexuelles du genre de celles dont nous nous occupon.. Chez le Glomerss limbata, toutefois, et peut-être chez quelquss autres espèces, la coloration du mâle diffère légèrement de celle de la femelle; mais ce Glomerss est une espèce très vartable. Chez les Diplopodss mâles, les pattes attachées à l'un des segmenss antéreeurs du corps ou au segment postérieur se modfiient en crochess prenanss qui servent à retenrr la femelle. Chez quelquss espèces de Julus, les tarses des mâles sont pourvus de ventouses membraneuses destinées au même usage. La conformation inverse, qui est beaucoup plus rare, ainsi que nous le verrons en traitant des insectes, s'observe chez le Lithobius; c'est la femelle, dans ce cas, qui porte à l'extrémité du corps des appendices prenanss destinés à retenir le mâle..

CHAPITRE X

CARACTÈRES SEXCELS SECONDAIRES CHEZ LES INSECTES

S STSC °d„ .'ppi. „»,»., «b« l„ mu» ; b»n..«r Mli-

Les organes locomoteuss et souvent les organes des sens diffèrent chez les mâles et les femelles appartenant à l'immense classe des insecte;; ains,, par exemple, les antennss pectinées et élégamment foliées que l'on trouve chez les mâles seuls de beaucoup d'espèces. Chez un éphéméride, le Cléon, le mâle a de grands yeux portés sur des piiiers qui font entièrement défaut chez la femelle'. les femelles de certains insectes tels que les Mutillidée,, sont dépourvues d'ocelles; elles sont également privées d'ailes. Mais nous nous occupons principalement ici des conformations qui permettent à un mâle de l'emporter sur son riva,, soit dans le comba,,

26. Walckenaer et P. Cervais, Hist. nat. des insectes .-Aptères; tome IV, 1847,

^"ir J.ïlbbock, Transact. Linnean Soc, vol. XXV, 1866, p. 484. Pour les Mutillidées, voir Westwood, Modem classif. of Insects, vol. II, p. 213.

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[Chap.X]                                  INSECTES                                           303

soit au moyen de la séductio,, par sa force, par ses aptitudes belliqueuees, par ses ornements, ou par la musique qu'il peut faire-en-tendre. Nous passerons donc rapidement sur les innombrables dispositions qui permettent aux mâles de saisir la femelle. Outre les conformations complexes del'extrémité de l'abdomnn qu'on devratt peut-être considérer comme des organss sexuels primaires', la nature, ainsi que le fait remarquer Mr. B. D. Wa!sh,, < ayant imaginé une foule d'organes divers dans le but de permettre au mâle de saisrr énergiquement la femelle », les mandibules ou mâchoires servent quelquefois à cet usag;; ainsi le Corydalis cornutus mâle (névroptère voisin des Libellules, etc.) a d'immenses mâchoires recourbées beaucoup plus longues que celles de la femelle; ces mandibules lisses et non dentelées lui permettent de la saisrr sans lui faire aucun mal*. Un lucane de l'Amériqee du Nord (Lucanss elaphus) emploee au même usage ses mâchoires qui sont beaucoup plus grandss que celles de la femelle; mais il s'en sert probablement ausse pour se battre. Les mâchoires des mâles et des femelles d'une guêpe fouisseuee (Àmmophila) se ressemblent beaucou,, mais elles servent à des usages très différents; en effet, ainsi que l'observe le professeur Westwood, « les mâles extrêmement ardents se servenf de leurs mâchoires qui affectent la forme d'une faucllle pour saisir la femelle par le cou5 » nandis que les femelles utilisent ces mêmes organss pour fouiller dans le sable et construire leurs nids.

Les tarses des pattes antéreeures, chez beaucopp de Coléoptères mâles, sont élargss ou pourvus de larges touffes de poils; chez diverses espèces aquatiques, ces tarses sont armés d'une ventouee plate et arrondie, de façon que le mâle puisse adhérer au corps

2.  Ces organes diffèrent souvent chez les mâles d'espèces très voisines et fournissent d'excellents caractères spécifiques. Mais on a probablement exagéré leur importance fonctionnelle, comme me l'a fait remarquer M. R. Mac Lach-lan. On a suggéré que de légères différences de ces organes suffiraient pour empêcherl'entre-croisementde variétés bien marquéesou d'espèces naissantes, et contribueraient ainsi à leur développement. Mais nous pouvons conclure

p. m. et wiiwood, r™<. a; &».. voi m,i8«, p. im.) m. m.c Lachi.„

m'apprend (Stett. Ent. Zeitung, 1867, p. 155) que plusieurs espèces de Phryga-

s,cr;.\tasrrrr=5r.r»rrSptrp"Sïïi

ripe rpiifc féconds

3.  The Practical Enlomologùt, Philadelphia, vol. I!, 1867, p. 88.

t mlt^t^L, vol. H, 1840, pp. 205-206. M. Walsh, qui a appelé mon attention sur ce double usage des mâchoires, me dit l'avoir observé lui-même très fréquemment.

r

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304                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           pi. Pahtik]

glissant.de la femelle Quelques Dytisques femelles présentent une

fondTs; r r rp :?Tdinaire: ies élytres portent de *™-

fonds sillons, destines à faciliter la tâche du mâle; il est évident

quelestouffesdepoilsquigarnsssentleséfytresde^c«tt«««fcfl<«s

et[]es aspérités que présentent celles des femelles de quelquss autrss Coléoptères aquatiques, les Hydroporus, servent au même usage.. Chez le Cra-bro cribrarius mâle (fig. 9), c'est le tibia qui s'élargit en une large plaque cornée, portatt de petits poinss membraneux qui lui donnent l'apparence d'uncrible'.Chezle/^Aemâle (genre de Coléoptères), quelquss segmenss du milieu de l'antenne, élargss et revêtus à leur surface inférieuee de touffes de poils ressemblant exactement à celles qui se trouvent sur les tarses des Carabides, « servent évidemment au même but ». Chez les Libellulss mâles, « les appendices de l'extrémité caudale se transforment en une variété presque infinie de curieux appareils qui. leur permettent d'entourer et de saisir le cou de la femelle ..Enfi,, les pattes de beaucoup d'insectes mâles sont pourvuss, d'épines particulières, de nœuds ou d'éperons, ou Ja patte entière est recourbée ou épaissie; mais ce n'est pas toujouss là un caractère sexue; ; quelquefois une paire ou les

dln-Ure"11"68 PaUeS s'all0"Sentet atleiSnene une lonSu<^ «trao-

Dans tous les ordres d'insectes, les mâles et les femelles de nombreuses espèces présentent des différences dont on ne comprend pas la signification. On peut citer, par exemple, un Coléoptère

6. Nous avons là un cas curieux et inexplicabee de dimorphisme, car quelques femelles de quatre espèces européennss de Dytisques et de certaines esE d'Uydroporus ont les élytres lissL, et on n'a l^^LtLt^on^Z medmrre entre tes élytres sillonnées ou rugueuses et celles qui sont lisses.Voir

i^S^ZV^^SAtS^ 1847-1848, p.18%-Kirby et

S.^frÏÏaSpince^—

Fig. 0. — Crabro cribrarius. Fig.sup.,mile; fig.inf.,femel.e.

Introduct,

Walsh, Practical Entomologie, etc., vol. 111, pp. 332-336.

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[Chap.X]                                      INSECTES .''....                   .305-

mâle(fig. 10), dont lamandibulègauehes'élargidconsidérablement,. ce qui déforme entièrement la bouch.. Un autre Coléoplère Cara-bide, VEurygnathus*, présenee un cas uniqu,, s'il faut en croire M. Woliaston : la tête de la femelle est, à un degré variable, beaucoup plus large que celle du mâle. On pourrait citer, chez les Lépidoptères, un nombre très grand d'irrégularités de ce genre. Une des plus extraordinaires est l'atrophie plus ou moins complète qui frappe les pattes antérieures de certains paplllons mâles, dont les tibias et les tarses se trouvntt réduits à de simples tubercules rudimentaires. La nervuee et la forme des ai)es diffèrent aussi chez les deux sexes'», commechezVAricorisepilus,que M. Butfer m'a montré au Muséum britannique. Certains papllloss mâles de l'Amérique du Sud portent des touffes de poils sur les bords des ailes, et des excrosssances cornées sur les disques de la paire postéreeure". M. Wonfoa a prouvé que, chezplu-sieurs papillons d'Angleterre, les màles seuls ont certaines parties recouvertes d'écalless parti-

'"(Ta' beaucoup discuté la question de savorr quel pouvatt être l'usage de la lumière brllaante qu'émet la femelle du ver luisan.. Les mâles, les larves et même les œufs émettent une faible lumièr.. Quelques savanss ont suppoéé que la lumière émise parles femelles sert à effrayer leurs ennemis, d'autres à guider les mâlss vers elles, .«.««-««.(gn,™,.. , M. Belt» semble avoir, enfin, résolu le probè-- F1* Sf^.6^ me; il a constaéé que les mammifères et les oiseaux qui se nourrissent d'insestes détestent tous les Lampyrides., Ce fatt viett à l'appui de l'hypothèse de M. Bâtes qui affirme que beaucoup d'insestes cherchent à ressembler d'assez près aux Lam-pyrides porr être pris pour eux, afin d'échapper ainii à la de---

.9 InSectaMaderensia,mi,p.20.                             '                  ..           ...

10.  E. Uoubleday, Afin, et Mag. of Nat. Hist., vol. I, 1848, p. 379. Je puis ajouter que chez certains Hyménoptères les. ailes diffèrent selon les sexes au point de vue de la nervure (Shuckard, ~ossoriat Hymenoplera, 1857, pp. 39-43..

11.  H. W. Bate,, Journ. of Proc. Linn. Soc, vol. VI, 1862, p. 74. Les observations de M. Wonfor sont citées dans Popular Science Review, 1868,p..343.

12.  The Naturalise in Nicaragua, 1874, pp. 316-320. Sur la phosphorencence des œufs, voir Annal» aMdAIagaz. ofNat. H.st. 1871, p. 372........

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306                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PartIe]

truciion. 11 croit, en outre, que les espèces lumineuses retirent de grands avantages de ce que les insectivores les reconnaissent immédiatement. Il est probabee que la même explication s'applique aux Elatess dont les deux sexes sont très lumineu.. On ignore pourquoi les ailes du ver luisant femelle ne se sont pas développées; dans son état actue,, elle ressembee beaucoup à une larve; or, comme beaucopp d'animaux font aux larves une chasse très active, il devient facile de comprendre qu'elee soit devenue beaucoup plus brillanee et plus apparente que le maie, et que les larves elles-mêmss aient acquis une certaine phosphorescence.

Différence de tailee entre les individus des deux sexes. - Chez les insectes de tous genres, les mâles sont ordinairement plus petiss que les femelles, différence qui se remarque souvent même à l'état de larve. Les cocons mâles et les cocons femelles du ver à soie (Bombyx mari) présentent à cet égard une différence si considérable qu'en Franee on les sépare par un procédé particulier de pesage.. Dans les classes inférieures du règne animal, la grosseur plus grande des femelles paraît généralement résulter de ce qu'elles produisene une énorme quantité d'œufs, fait qui..jusqu'àun certain point, est encore vrai pour les insectes. Mais le docteur Wallace a suggééé une explication plus satisfaisante. Après avoir attentivemenr étudié le développement des chenllles du Bombyx cynthia et du B. Yamamai, et surtout celui de quelques chenlless rabougries provenant d'une seconde couvée et nourries artfficiellement. M. Wallace a pu constater q que le temps requss pour tamétamorphose de chaque individu est proportionnellement plus grand selon que sa taille est plus grande; c'est pour cette raison que le mâle, qui est plus pettt et qu,, par conséquent, atteint plus tôt la maturité, éctôt avant la femelle plus grande et plus pesante, car elle a à porter un grand nombre d'oeufs" >. Or les insectes vivent très peu de temps et sont exposés à de nombreux dangers, il est donc évidemment avantageux pour les femelles de pouvoir être fécondées le plus tôt possible. Ce but est atteint si les mâles parviennent les premiers en grand nombee à l'état adulte et se trouveti prêts pour l'apparition des femelles, ce qui résutte naturellement, ainst que le fait observrr M. A. R. Wallace-, de l'actinn de la sélection naturelle. En effet, les mâles de petite taille, arrivés tes premiers à maturité, procréent de nombreux descendants qui hérttent de la pettte tallee de leurs

15. Joum. ofProc. En,om. Soe., 4, fév. 1867, p. lxx..

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[Chap. X]                                  INSECTES                '                           307-

parenss mâles, tandss que les mâles plus grand,, parvenant plus tardivement à l'état adulte, doivent engendrer moins de descen-; dants.

Il y a toutefois des exceptions à cette règle de l'infériorité de la taille des insectes mâles, exceptions qu'il est facile d'expliquer. La taille et la force procurent de sérieux avantages aux mâles qui luttent les uns avec les autres pour la possession des femelles; ils doivent donc, dans ce cas, être plus grands que ces dernières, et c'est, en effet, ce que l'on observe chez les Lucanes. On connaît, cependan,, d'autres coléoptères mâles qui sont plus granss que les femelles, bien qu'on n'ait point observé de luttes entre les mâles, fait dont nous ne pouvons donner l'explication; dans quelques autres cas, chez les Dynastes et tes Megasoma par exemple, il imporee peu que les mâles soient plus petits que les femelles et parviennent plus promptement qu'elles à l'état adutte, car ces insectes vivent assez longtemss pour avoir amplement le temps de s'accoupler. Les Libellules mâles sont parfois aussi un peu plus gros que les femelles, ils ne sont jamass plus petits "; M. Mac Lachlan assure qu'ils ne s'accouplent ordinairement avec les femelles qu'au bout.d'une semaine ou même d'une quinzaine, en un mot pas avant d'avorr revêtu leurs couleurs masculines propres. Les Hyménoptères à aigulllon présentent le cas le plus curieux et celui qui fait le mieux comprendre les rapports complexss et faciles à méconnaître dont peut dépendee un caractère aussi insignifiant qu'une différence de taille entre les individss des deux sexes; M. P. Smith m'apprend, en effet, que, dans la presque totalit; de ce vaste group,, les mâles, conformément à la règee générale, sont plus petiss que les femelles et éclosent une semaine environ avant elles; mais, chez les mouchss à miel, les Apis rnellifics, les Anthidium manicalum et les Anthophoaa acervorum mâles, et parmi les Fossoyeurs, les Me-thoca ichneumonides mâles sont plus grandsqueles femelles. Cette anomalie s'explique par le fait que, chez ces espèce,, l'accouplement n'est possible que pendant le vol ; les mâles doivent donc posséder beaucoup de force et une grande tallle pour pouvorr porter les femelles. La tallle dans ce cas a augmenéé malgré le rapport ordinaire qui existe entre la taille et la période du développement, car les mâles, quoique plus grand,, éclosentavant lesfemelles plus

PeNous allons maintenant passer en revue les divers ordre,, etétu-

16. Pour ce renseignement et les autres sur la grosseur des sexes, voyez Kirby et Spence, id., III, p. 30G, et sur la durée de ta vie des insectes, p. 344.

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308                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [H< Partie]

dier, chez chacun d'eux, les faits qui peuvent nous.intéresser plus particulièrement. Nous consacrerons un chapitre spécial aux Lépdoptères diurnss et nocturnes.

Ordre : Thysanoures. - Les individss qui composent cet ordre présentent, pour leur classe, une organisation très inférieure. Ce sont de pettts insectes aptères, à la couleur terne, à la tête laide et au corps presque difforme. Les individss des deux sexes se ressemblent; mais on acqueert, en les étudiant, la preuve intéressante que, même à un degré aussi bas de l'échelee animale, les mâles font une cour assidue aux femelles. Sir J. Lubbock " dit en décrivant IeSmynthurus Meus : « I) est fort amusatt de voir ces petttes bêtes coqueter ensemble. Le mâle, beaucopp plus pettt que la femelle, court autour d'elle, puis ils se placent en face l'un de l'au-. tre, avancent et reculent.ccmme deux agneaux qui jouen.. La femelle feint ensutte de se sauve,, le mâle la poursuit avec une apparence de colère et )a devance pour lui faire face de nouveau; elle se détourne timidement, mais le mâle, plus vif, se détourne aussi et semble la fouetter avec ses antennes; eniin, après être restés face à face pendant quelquss instants, ils se caressntt avec leurs antennes, et parasssent, dès lors, être tout l'un à l'autre. , ' '

Ordre : Diptères (Mouches.. Les sexes diffèrent peu au point de vue de la couleu.. D'après M. F. Walker, la plus grande différence s'observe chez le genre Dibio dont ]esmâles sont noirâtres ou noirs, et les femelles brun orangé obscu.. Le genre Elaphomyia, découvett par M. Wallace » dans taNouvelle-Guinée, est fort remarquable en ce que le mâle porte des cornes qui font défaut chez la femelle. Ces cornes partent de dessous les yeux, et ressemblent singulièrement à celles des cerfs, car elles sont ramifiées ou palmée.. Chez une des espèces, elles sont aussi longues que le corps. Elles pourraient servir à la lutte; mais, comme elles ont, chez une espèce, une magnfique couleur rose, bordée de noir, avec une raee centraee plus pâle, et que ces insectes ont, en somme, un aspect très élégan,, il est plus probable que ces appendices constituent un ornement. Il est toutefois certain que certains Diptères mâles se battent, car le professeur Westwood" a plusieurs fois observé des combass chez quelquss espèces de Tipules. Les autres Diptères mâles semblent

17.  Transact. Linnean Soc, vol. XXVII 1868, p. 296.

18.  Tke-Afalay Archipelago) vo\. II, 1869,.p. 313.

. 1*. Modem Classif., elc, vol. Il, m0,P. 526. ..

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[Chap.x]                            hémiptères                                    309

essayer de séduire les femelles par leur musiqu.. M. Millier"» a observé pendant longtemss deux Eristalis mâles qui courtisaient une même femelle; ils tournaient incessamment autour d'elle en faisant entendee un bourdonnement prolong.. Les cousins et les moustiques (Culicidé)) semblent ausii s'attirer l'un l'auree par leur bourdonnement. Le professeur Mayer a récemment constaté que les poils des antennss du mâle vibrent à l'égal d'un diapason aux sons émis par la femelle. Les poils les plus longs vibrent sympathi-quement avec les notes graves et les poils courss avec les notes aiguës. Landass affirme aussi quill a, à maintes reprises, attiré à lui une foule de cousins en faisant entendee une note particulière. On peut ajouter que les Diptère,, dont le système nerveux est si développé ont probablement des facuttés mentales plus élevées que les autres insectes».

Ordre : Hémiptères (Punaises des bois). - M. J. W. Douglas, qui s'est tout particulièrement occupé des espèces britanniques, a bien voulu m'indiquer leurs différences sexuelle.. Les mâles de quelquss espèces possèdent des ailes, les femelles sont aptère;; les sexes diffèrent par la forme du corps, des élytre,, des antennss et des tarse;; mais nous ne nous arrêterons pas à ces différence,, dont nous ignorons tout à fait la signification. Les femelles sont généralement plus grandss et plus robustes que les mâles. Chez les espè- „ ces britanniques et, autant que M.. Dougias a pu )e constater, ch.-z les espèces exotiques, les sexes n'ont pas ordinairement des couleurs différentes; mais, chez six espèces anglaises, le mâle est beaucoup plus foncé que la femelle; d'autre part, une coloratinn plus foncée de la femelle caractérise quaree autres espèces. Les individus des deux sexes, chez quelques espèces, sont également cotorés ; comme ces insectes émettent une odeur trcs nauséabonde, il se peut que ces couleuss brillantes servent à indiquer aux animaux insectivores quills ne sont pas bons à manger. Dans quelquss cas, ces couleurs semblent les protéger directement : ainsi le professeur Hoffmann m'apprend qu'il avait la plus grande peine à distinguer une petite espèce rose et verte des bourgeons du tronc des tilleurs que fréquenee cet insecte.

Quelques espèces de Réduvidss font entendee un brutt stridu-

20.  Anwendung, elc, Verh. d.n. Jahrh.XXlX, p. 80. MaYer, Awericannatu-ralist, 1874, p. 236.

21.  B. T. Lowne, On Anatomy aflhe Blow-Fly, Musca Vomltoria, 1870, p. 14.

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310                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

lent; on assure que, chez le Piratesstridulus», ce brutt est produit par le mouvement du cou dans la cavité prothoracique. D'après Westring, le Reduvius personatus fait entendee le même bruit ; mais je n'ai aucune raison de supposer que ce soit là un caractère sexue; ; toutefois, chez les insectes non sociables, on ne peut attriburr aux organss destinés à produire des sons qu'un seul usage, c'est-à-dire l'appel sexue..

Ordre : Homoptères. ~ Quiconque a erré dans une forêt tropicale doit avoir été frappé du vacarme que font les Cicadés mâles. Les femelles sont muettes, et, comme le dit le poète grec Xénarque,

<  heureuee la vie des cigales, car elles ont des épouses muettes ». Nous percevions distinctement, à bord du Beagle, qui avatt jeté l'ancee à 500 mètres de la côte du Brésil, le brutt fait par ces insecte;; le capitaine Hancock dit qu'on peut l'entendre à la distance d'un mille. Les Grecs conservaient autrefois ces insectes en cage pour jourr de leur chant, ce que font encore aujourd'hui les Chinos,, de sorte qu'il paraît être agréable à l'orellee de certains hommes". Les Cicadés chantent ordinairement le jour, tandss que les Fulgorides chantent la nuit. Landois» affirme que le brutt que ces insectes font entendee est produtt par la vibration des lèvres des spirauules mises en mouvement par un courant d'air sortant de la trachée; mais récemment on a discuéé cette opinion. Le docteur Powell» paratt avoir démontré que le sonestproduii par la vibration d'une membrane mise en mouvement par unmuscle spécial. On peut voir vibrer cette membraee chez l'insecte vivan;; après la mort de l'insecte, on peut reproduire )e son qu'il émet en agitant avec une épingee le muscle desséché et un peu durc.. La femelle possède aussl tout cet appareil musical complex,, mais à un état de développement bien moindee que chez le mâle, et il ne sert jamass chez elle à produire un son. .

A quoi sert cette musiqu?? Le docteur Ilartman » fait au sujet dela Cicada septemdecim des États-Unis les remarques suivantes:

<  Les tambouss se font maintenant entendee (tes 6 et 7 juin 1851) dans toutes les direciion.. Je crois que ce sont les appels des mâles. Me trouvatt parmi les rejetons de châtaignisrs atteignant à la hau-

22.  Westwood, Modem. Clan., etc., vol. II, p. 473.

23.  Détails empruntés à Westwood. id., vol. II. p. 422. Voir aussi, sur les Fulgorides, Kirby et Spence, Introd., etc., vol. II, p. 401.

24.  Zeitschrift für wissemchaft. Zool., vol. XVII, 1867, pp. 152-15S.

25.  Transact. New Zealand Inslitute, vol. V, 1873, p. 286.

26.  M, Walsh m'a procuré cet extrait d'un Journàlof the doings of Cicada sep<emdecim, par le D'Hartman.

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[Chap. XJ                           ORTHOPTÈRES                                   3t1

teur de ma tête et, entouéé de centannes de ces insectes, j'observai les femelles qui venaient tourner autour des mâles tambourinants. » Plus loin, il ajoute: <Un poirier nain de mon jardin a, pendant cette saison (août 1868), produtt environ cinquanee larves de Cic. pruinosa; j'ai plusieuss fois constaté que les femeltes viennent s'abattre près d'un mâle dès quill pousse ses notes perçantes. » Frttz Muller m'écrit, du Brésil méridional, qu'il a souvent assisté à une lutte muscale entre deux ou trois cigales mâles, doués d'une voix particulièrement forte et placés à des distances considérables les uns des autre.. Dès que l'un a fini son chan,, un second commence aussitôt, et après lui un troisièm,, et ainsi de suite. La rivalité étant excessive entre les mâles, il est probable que les sons qu'lls font entendee n'ont pas seulement pour objet d'appeler les femelles," mais que, celles-ci, tout comme les oiseaux femelles, se laissent attirer et charmrr par le mâle dont la voix a le plus d'attraits.

Je n'ai pas trouvé chez les Homoptères d'exempee bien prononéé de différences dans l'ornementation des individus des deux sexes. M. Douglas m'apprend que, chez trois espèces anglaises, le mâle est noir ou rayé de noir, tandss que la femelle revêt une teinte uniforme pâle ou sombre.

Ordre : Orthoptères. - Dans les trois famllles sauteuses appartenant à cet ordre, les Achétides ou grlllon,, les Locustides et les Acridides ou sauterelles, les mâles se font remarquer par leurs aptitudes musicales. La stridulation produite par quelquss Locustides est si puissante qu'elle peut s'entendee la nutt à plus d'un kilomètre de distance»; il existe certaines espèces dont la stridulation ne déplaît pas aux orellles humaines, car les, Indiens des Amazones les élèvent dans des cages d'osier. Tous les observateurs s'accordent à dire que ces sons servent à appeler ou a exciter les femelles muettes. Kôrte» a observé un cas intéressant chez la sauterelle émigrante de Russie; il s'agtt d'un choix exercé par la femelle au profit d'un mâle. Le mâle de cette espèce (Pachytylus mi-gratorius), accoupéé avec une femelle, témoigne de sa colère ou de sa jalousie par des striduaations, lorsqu'un autre mâle approch.. Le grillon domestique, surpris la nui,, se sert de sa voix pour avertir les autres .. Dans l'Amérique du Nord, le Katy-did (Platyphyllu

lum

russland, 1866, p. 32, car j'ai inutilement essayé de me procurer l'ouvrage de Korte. 29. Gilbert White, Nat. Hist. of Selborne, vol. II, 1825, p. 262.

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312

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[I)e PahtirI

_concavum, un Locustide) monte, dit-on-, sur lès branchss supérieures d'un arbre, et commence, dans la soirée, « son babll bruyant ; des notes rivaess lui répondent, provenant d'arbres voisins, et font touee )a nuit résonner les bosquets du Katy-did-she-did de ces insectes », M. Bâtes dit, à propos du grillon des champs (un Achétid)) européen : « On a observé que le mâle se place dans la soirée à

l'orifice de son terrier, et se met à chanter jusquàà ce qu'une femelle s'approche de lui. Alors, aux notes sonores succède un son plus doux, pendant que l'heureux musicien . caresse avec ses antennss la femelle qu'il a captivée-. » Le docteur Scudder a réuss,, en frottant un tuyau de plume sur une lime, à se faire répondee par un de ces insectes.. Von Siebold a découvett dans les deux sexes un appareil audttif remarquable, situé sur les pattes

"LeTtroTs8 famllles produssent les sons d'une manière différeno.. Chez les Achélides mâles, les deux é)y-tres ont un même appareil musical, qu,, chez le grillon des champs (Gryllus campestris, ,ig. il) consiste, d'après Landois", en crêtes ou dents (st) transversales et tranchantes occupant, an nombee de 131 à 138, la surface inférieuee d'une des nervures de l'élytre. Cette nervuee dentelée est rapidement frottée contre une autre nervuee (r) saillante, lisse et dure, qui se trouve sur la surface supérieuee de l'aile opposé.. Une des ailes est d'abodd frottée sur l'autre, puis le mouvement se renverse. Les deux ailes se redressent un peu en même temps, ce qui augmente la sonorité. Chez quelquss espèces, les élytres sont pourvues à leur base d'une plaque d'apparence talqueuses. Je reproduis ici un dessin (/ig. 12)

familles, Westwood, Modem. Class., vol. II, pp. 445 et 453. c . 32. .Proc. Boston Soc. of. Nat. Hist., vol. Xt, avril 1868.

33.  Nouveau Manuel d'anat. «mp.flrad. française), t. I. ]850, p. 567.

34.  Zeitschrift fur wissemchaft. Zool., vol. XVIII 1867, p. 117. . .

35.  Westwood, o. c, vol. 1, p. 440.

se

Fig. 11. - Grillus campestris (d'après Landois).

La figuee de droite représente la surface inférieure de !a nervure de l'aile; très grossie; si représente les dents. .

La figuee de gauche représente la surface supérieure de ta nervuee lisse saillante r, sur laquelle viennent frotter les denss transversales s..

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[Chap. X]                           ORTHOPTÈRES            '                       313

représentant les dents du cuté inférieur.de )a nervuee chzz une autre espèce de grillon, le Gryllus domeitieus. Le docteur Gruber" a démontré que ces dents se sont développées, grâee à la sélection naturelle; elles constttuent ,une transformation des petites écailles et des poils -qui recouvrent les ailes et le corps de t'insecte; j'ai été amené à adopter la même conclusion relativement à un appareil analogue chez les Co)éoptères. Le docteur Gruber a démontré,, en ourre,

Chez les Locustides, la structure des élytres opposées diffère {flg. 13); elles ne peuvent pas, comme chez la famille précédente, s'employer indifféremment dans un sens ou dans l'autre. L'ailggauche,quiagitcommel'archetduviolon,recouvrel'ailedroite qui joue le rôle de l'instrument. Une des nervures (a) de la surface

Fig. 12.

F>g

- Denss de la nervure chez le Gril-lus domeslicus (d'après Landois).

Fig. 13. . Cmorocœius Tanana (d'après Bates). . a, b, Lobes des élytres opposées.

inféreeure de la première est finement dentelée, et vient frotter contre les nervures saillantes de la surface supéreeure de l'alle op-

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314                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II* Par™]

posée, ou de l'aile droite. Chez notre espèce indigèn,, PAasgonur< viridissima, il m'a semblé que la nervuee dentelée vient frotter contre le coin postérieur arrondi de l'aile opposée, dont le bord est épaiss,, coloré en brun et très aigu. On remarque sur l'aile droite, mais non sur la gauch,, une pettte plaque transparente comme du talc, entourée de nervures, dit le.spéculum. Chez VEphippiger vitium, membee de la même famille, on observe une curieuee modification subordnnnée; car les élytres ont des dimensions considérablement réduites; mais « la partie postérieure du prothorax se relève et forme une sorte de dôme au dessus des élytre,, ce qui a probablement pour effet de contribuer àJ'intensilé du son » ».

On observe donc chez lesLocustides, qui comprennent, je pense, les exécutants les plus puissants de l'ordre, une différencaation et une spécialisation de l'appareil musica,, plus grandss que chez les Achétides, où les deux élytres ont la même structure et remplissent la même fonction ». Toutefois Landoss a trouvé chez un Locustide, le Decticu,, une rangee courte et étroite de petites dents, simples rudiments, occupant la surface inférieuee de l'élytee droite, qui est sous-jacente à l'autre et ne sert jamass comme arche.. J'ai observé la même conformation rudimentaire sur la surfaee inférieuee de l'élytre droite du Phasgonura viridissima. Nous pouvons donc conclure avec certitude que les Locustides descendent d'une forme chez laquelle, comme chez les Achétides existants, les surfacss inférieures des deux élytres étaient pourvuss de nervures dentelée,, et pouvaient indifféremment servrr d'archet; mais, chez les Locus- tides, les deux étytres se sont graduellement différenciées et perfectionnées, en vertu du principe de la division du travail, et l'une fonctionee exclusivement comme archet, et l'autre comme violon. Le docteur Gruber partage la même opinion ; il a démontré que les dents rudimentaises se trouvent ordinairement a la surfaee inférieuee de l'aile droite. Nous ignorons l'origine de l'appareil plus simple des Achétide,, mais il est probable que les partiss formant la base des élytres se recouvraient autrefois, et que te frottement des nervures provoquait un son discordant, qui rappelee celui que produisent actueleement les femelles au moyen de leurs élytres». Un bruit de ce genre, accidentellement produtt par les maies, a donc pu, s'il leur a rendu le moindee service comme appel d'amour, se développrr au moyen de la sélection sexuelle, par la conserv--

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LOup. X]                          ORTHOPTÈRES                                   315

tion continue des variations propres à augmenter la dureté des nervures.

Dans là troisième et dernièrefamill,, celle des Acrididesou sauterelles, la stridulation est produite d'une manièee très différente, et n'est pas, d'après le docteur Scudde,, si aiguë que dans les familles précédentes. La surface interne du fémur (flg. 14, r) est pourvue d'une rangée longitudinele de petites dents élégantes, en forme de lancettes élastiques, au nombre de 85 à 93, qui frottent sur les nervures saillantes des élytres, et font vibrer .et résonnrr ces dernières.. Harrss » affirme que, lorsque le mâle veut émettre des sons, il « replie d'abodd l'extrémité de la patte postérieure, de manière à la loger dans une rainure de la surface inférieuee de la cuisse, rainuee destinée à la recevoir, puis il meut vigoureusement la jambe dé haut en bas. Il ne fait pas marchrr les deux instruments simultanément, mais l'un après l'autre, en alternantm. Chez beaucoup d'espèce,, la base Fig. M. - Patte posture du»**. de l'abdomnn présenee une gran- J^^l^He^

Figuee inférieure, les dents formant cette

de excavation qu'on crott devorr r-angee, très grossies (d'après Landois). jouer le rôle de bo!te résonnante,

Chez les Pneumora, genre de l'Afrique méridionale appartenant à cette même famille (flg. 15), on observe une nouvelle et remarquable modiitcation.quiconsiste.chezlesmâles.enunepetitecrôteentaillée faisant obliquement saillie de chaque côté de l'abdomen; la partie postérieure des cuisses frotte contee cette saillie., Comme le mâle estpourvu d'aile,, organes dont la femelle est privée, il est singulier que le frottement des cuisses ne s'exeree pas, comme d'habitude, contre les étytre;; mais cela proveent peut-être de la petitesee inusitée des pattes postérieures. Je n'ai pas pu examiner la surface interne des cuisse,, qui, à en juger par analogie, doit être finement dentelée. Les espèces de Pneumora ont été plus profondément modifiées pour produire la stridulation qu'aucun autee insecte ortho-ptère; tout le corps du mâle, en effet, semble converii en un instrument de musiqu,, car il est tout gonflé d'air, ce qui lui donne l'aspect

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316

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile PaRT.e]

d'une vessie tranpparente, et augmente la sonorité. M. Trimn m'apprend que, au cap de Bonne-Espéran,e, ces insectes font, pendant la mitt, nn brutt effrayan..

Les femelles, dans les trois familles dont nous venons deparier, sont presqee toujouss privées d'un appareil musica.. Il est, toutefois,

Fig. 15. - Pneumora (d'après des spécimens au British Museumj. Figure supérieure, mâle; figure inférieure, femelle.

quelques exceptions à cette règle, car le docteur Gruber a démontré que les deux sexes de YEphippiger vitium sont pourvus de cet appareil, bien que les organes du mâle diffèrent dans une certaine mesure de ceux de la femelle. Nous ne pouvons donc supposer qu'ils aient été transmss du mâle à la femelle, comme l'ont éLé les caractères sexuels secondaires chez tant d'autres animau.. Ils ont dû se développrr de façon indépendante chez les deux sexes, qui, sans aucun doute, s'appellent réciproquement pendant la saison des amour.. Chez la plupatt des autres Locustes, sauf le Decticus d'après Landois, les femelles possèdent les rudimenss des organss stridulents propres au mâle, qui les leur a probablement transm.s.

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[Chap. X]                          ORTHOPTERES                                   317

Landoss a aussi trouvé des rudiments analogues à l'a surface'inférieuee des élytres des Achétides femelles, et sur les fémurs des. Acrididss femelles. Enfin, les Homoptères femelles possèdent un. appareil musical, mais à l'état inerte. Nous rencontrerons, d'ailleurs, dans d'autres divisions du règne animal, de nombreux exemples de conformations propres au mâle, qui se trouvent à l'état rudime--taire chez la femelle.                                                   '

Landoss a constaté un autre fait important : chez les Acridides: femelles, les dents des fémurs, qui produisent la stridulation, demeurent, pendant.loule la vie de l'insecte, dans le même état que celui qu'elles affectent lors de leur apparition chez les larves des individss des deux sexes. Chez les mâles, au contraire, elles acquièrent leur développement complet et leur conformation parfaite, lors de la dernière mue, lorsque l'insecte parvenu à l'état adulte est prêt à reproduire. ...,-. Les faits qui précèdent nous permettent-de conclure que tes Orthoptères mates emploient des moyens très divers pour produire les sons, et que ces moyens différent-absolument de ceux qu'emploient les Homoptères pour arrivrr au même but.. Le règne animal nous offre, d'allleurs, de nombrexx exemples analogues; il: semble que la nature utilise les changements multiples que subit dans le cours des temps l'ensemble de l'organisation et, à mesure que les parties varient tes unes après les autres, quelee profile de ces variations différentes pour arrivrr à un mème but général. La diversité des moyens employss pour produire tes sons,' chez les trois familles d'Orthoptères et chez les Homoptères, expiique toute l'importance qu'.ont,pour les maies, ces conformations qui leur servent à appeler et à séduire les femelles. Les modffiions que tes' Orthoptères ont subi sous ce rapport n'ont rien qui doive nous surprendre, car nous savons maintenant, grâce à la remarquable découverte du docteur Scudder», qu'll y a pour cela un temps plus, que suffisan.. Ce naturaliste a récemmntt trouvé, dans la formatinn-. devonienne duNouveau-Urunswick, un insecte fossile pourvu < du tympan, bien connu ou appareil de stridulation dés Locustides. mâles .. Bien que, à tous égards,etet insecte se rapproche des Névroplères, il paratt relie,, comme cela arrive si souvent chez les formes très. anciennes, les deux ordres voisins des Névroplères et des Orthoptères/                                      .......

43. Landois a récemment découvert chezcertains Orthoptères des structures -

senscli: ZooL, vol. XXII, part. 3, 1871, p. 31s. U. Tramact. Eut. Hoc, 3- série, voi. 11 {Journ. of. Proceedings, p. 117).

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318                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Partir]

J'ai peu de choses à ajouter sur les Orthoptères. Quelques espèces sont très belliqueuses : lorsque deux grillons mâles (Gryllus campestris) sont enfermés dans une même cage, la mort seule de l'un des deux adversaires met fin à la lutte. On dit que les Mantis manœuvrent leurs membres antéreeurs, qui affectent la forme d'un sabre, comme les hussards manœuvrent leur arme. Les Chinoss gardent ces insectes dans de petites cages de bambou, et les font se battre comme on fait battre des coqs de combat". Certanss Lo-custides exotiquss affectent des couleuss magnifiques; les ailes postérieures sont teintées de rouge, de bleu et de noir; mais les individus des deux sexes, dans l'ordee entier, diffèrent rarement au point de vue de la coloration, et il est douteux qu'ils doivent ces teintes brillantes à la sélection sexuelle. Ces cou'euss très brilantes peuvent être utiles à ces insectes comme moyen de sécurité. C'est, en effet, un avertissement pour leurs ennemss qu'ils sont désagréables au goût. Ainsi, on a observé' que les oiseaux et les lézards refusaient invariablement de manger un criquet indien affectant des couleuss brillantes. On connatt toutefois dans cet ordre quelques cas de colorations diverses provenant de différences sexuelles. Le mâle d'un criquet américain" est blanc d'ivoire, tandss que la femelle varie du blanc presque pur au jaune verdâtre. M. Walsh affirme que le mâle adulte du Spectrum femoratum (une Phasmide) « affecte une couleur brun-jaunâtre chatoyante; la femelle adutte est brun opaque cendré sombre; et les jeunes des deux sexes sont verts ». Enfin, je puis ajouter que le mâle d'une curieuse espèce de criqutt" est pourvu « d'un long appendice membraneux qui lui tombe sur la face comme un voile », mais on ignore absolument l'usage de cette conformation.

Ordre : Névroptères. - Nous n'avons guère ici à nous occuper que de la coloration. Les individus des deux sexes, chez les Ëphé-méride,, présentent souvent de tégères différences dans les teintes obscures dont ils sont revêtus" ; mais il est peu probable que ces légères variations soient de natuee à rendee les mâles plus attrayants aux yeux des femelles. Les Libellulides affectent des teintes

45.  Westwood, 1. c, vol. I, p. 427; pour les criquets, p. 445.

46.  M. Ch. Horne, Proc. Ent. Soc. p. xn, mai 3,1869. il.VOEcanlhus nivalis; Harris, Insects of New England, 1842, p. 124. Victor

Carus affirme que les deux sexes de YQEpellucidus d'Europe diffèrent à peu près de la même manière.                      ,

48.  P~atyblemnus, Westwood, 1. c, vol. I, p. 447.

49. B. D. Walsh, Pseudo-nevroptera of minois (Proc. Ent. Soc. of Philadel-phia, 1862))

re

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métalliques splendides, vertes, blanche,, jaunes et vermlllon, et les sexes diffèrent souven.. Ainsi, comme le fait remarquer le professeur Westwood", les mâles de certains Agrionides < sont beau bleu à ailes noires, tandss que les femelles sont beau vert à ailes incolores ». Chez YAgrion Ramburii, ces couleuss se trouvent précisément renversées chez les deux sexes.. Chez les Hœterina, genre très-répandu dans l'Amérique du Nord, les mâles seuls portent, à la base de chaque aile, une superbe tache de carmin. Chez VAnaxjunius mâle, la partie qui forme le base de l'abdomnn est bleu outre-mer éclatan,, et vert végétal chez la femelle. Chez le genre voisin, des Gomphu,, et chez quelques autre,, la coloration diffère peu chez les individus des deux sexes. D'ailleuss on rencontre fréquemment des cas analogues dans tout le règne animal, c'es--à-dire que les individus des deux sexes appartenant à des formes très voisines présentent entre eux de grandss ou de légères différence,, ou se ressemblent absolument. Bien qu'il y ait chez beaucoup de Libellulides une si grande différence de coloration entre les sexes, il est souvent difficile de dire lequel est le plus brillant; en outre la coloration ordinaire des deux sexes peut être précssément renversée comme nous venons de le voir chez une espèce d'Agrion. It est peu probable que, dans.aucun cas, ces couleuss aient été acquises comme moyen de sécurité. Ainsi que me l'écrtt M. Mac Lachlan, qui a beaucoup étudié cette famllle, tes Libetlules,-les tyrans du monde des insectes,-tont moins sujets que tous autres à être l'objet des attaques des oiseaux et d'autres ennemis. Il croit que leurs vives couleuss servent à l'attraction sexuelle. Il faut remarquer, à ce sujet, que quelquss couleuss particulières semblent exercer une puisaante attraction sur certaines Libellules. M. Patter-son" a observs que les espèces d'Agrionides, dont les mâles affectent la couleur bleue, viennent se poser en grand nombre sur le flotteur bleu d'une ligne de pèche, tandss que des couleuss blanchss brillantes attirent tout partiuulièrement deux autres espèces.

Schelver a, le premier, observé un fait très-intéressant; les mâles de plusieuss genres appartentnt à deux sous-familles ont, au moment où ils sortent de la chrysalide, exactement les mêmes couleuss que les femelles, mais, au bout de quelque temps, leur corps prend une teinte remarquable bleu laiteux, due à l'exsudatiou d'une sorte d'huile, soluble dans t'éthrr et dans l'alcoo.. M. Mac Lachlan

50.JlfodemC^.,etc.,vol.JI,p.37.

51.  W.lsh, l. c p. 381. J'ai emprunté à ce naturaHste les faits relatifs aux Felcei-tna, aux Anax et aux Gomphus.

52.  Transact. E~t. Soc. vol. I, J836, p. lxxx,.

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320                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Uie pAimK]

croit que ce changement de couleur n'a lieu chez le mâle de la Libe--lula depresaa que quinze jours environ après la métamorphose, alors que les sexes sont prêss à s'accoupler.

Certainss espèces de Neurolhemis, selons Brauer», présententun cas curieux de dimorphisme : quelquss femelles, en effet, ont les ailes réticulées à la manière ordinaire, tandss que d'autres les ont « très richement régulées comme chez les mâles des mèmes espèces t. Brauer expiiqu' le fait « par les principes de Darwin,, en supposant que le réseau serré des nervures est un caractère sexuel secondaire chez les mâles, qui a été abruptement transmis à quelques femelles, au lieu de l'être à toutes ainsi que cela arrive ordinairement ». M. Mac Lachlan me signale un autre cas de dimorphisme qu'on rencontre chez plusieurs espèces d'Agrion ; on trouve, en effet, un certann nombee d'individus, exclusivement des femelles, qui alfectent une teinee orangée. C'est probablement là un cas de. retou,, car, chez les vraies Libellules, lorsque les sexes diffèrent au. point de vue de la couleu,, les femelles sont toujouss orangées ou .jaune,, de sorte que, si on suppoee que l'Agrion descend de quelqu;; forme primordiale revêtue de couleuss caractéristiques sexuelles, des Libellulss typiques, il ne seratt pas étonnatt qu'une tendanee à-varier dans cette directinn persistât chez les femelles seules.

Bien que les Libellules soient des insectes grand,, puissants et féroce,, M. Mac Lachann n'a pas observé de combass entre les mâle,, sauf chez quelques petttes espèces d'Agrio.. Dans un autre groupt très distinct appartenant à cet ordre, les Termites ou fourmis blanches, on voit, à l'époqee de l'essaimage, les individus des. deux sexes courir de tous côtés, « le mâle poursuit la femelle, quelquefois deux mâles pouruuivent une même femelle et se disputent avec ardeur le prix du combat» ».

L'Alropospulsatorius fait, dit-on, avec ses mâchoires un brutt auqull répondent d'autres individus".

Ordre, Hyménoptères. -M. Fabre»a observé avec le plus grand soin les habitudes du Cerceris, insecte qui ressembee à la guèpe, il fait remarquer « que les mâles entrent fréquemment en lutte pour la possession d'une femelle, spectatrice indffférente du combat qui doit décider de la supériorité de l'un ou de l'autre; quand. le combat est. terminé, elle s'envoee tranquillement avec levain-

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queur ». Westwood" dit avorr vu des Tenthrédinées mâles « qu,, à la suite d'un comba,, sont restes engagés par la mâchoire sans pouvorr se dégagrr ,. M. Fabre a constaté que les Cercerss mâles cherchent à s'assurer la possession d'une femelle particulière; il est indispensaele de rappeler à cet égard que les insectes appartenant à cet ordre ont la faculté de se reconnaître, après de longs intervalles de temps, et s'attachent profondément l'un à l'autre. Ainsi, Pierre Huber, dont on ne peut mettre l'exactitude en question, affirme que les fourmis, séparées pendant quatre mois de leur fourmilière, mises en présence de leurs anciennss compagnes, se reconnurent et se caressèrent mutuellement avec leurs antennes. Étrangères, elles se seraient battue.. En outre, lorsque deux tribus se livrent batalle,, il arrive que, dans la mêlée, des fourmss appatenant au même parii s'attaquent quelquefo,s, mais elles ne tardent pas à s'apercevoir de leur erreur et se consolent réciproquement58.

On constaee fréquemment dans cet ordre de légères différences de coloration suivant le sexe, mais les différencss considérables sont rares, sauf dans la famllle des abeilles; cependant les mâles et les femelles de certains groupes affectent des couleurs si brillantes, - les Chrysis, par exemple, chez lesquess prédominent le vermillon et les verss métalliques, - que nous sommes tentés d'atriburr cette coloration à la séleciion sexuelle. Les Ichneumonides mâles, d'après M. Walsh», affectent presque toujouss des couleuss plusclaires que les femelles. Les Tenthrédinides mâles, au contraire, sonc généralement plus foncés que les femelles. Chez les Siricidés, les sexes diffèrent fréquemment; ainsi le Sirex Juvencus mâle est rayé d'orang,, tandss que la femelle est pourpee foncé; mais il est difficile de dire lequel des deux sexes est le plus orné. Le Tremex columb» femelle est beaucoup plus brillamment coloré que le mâle. M. F. Smith assuee que les mâles de plusieuss espèces de fourmss sont noirs, tandss que les femelles sont couleur brique.

Dans la famllle des abeilles, surtout chez les espèces solitaires, la coloration des individus des deux sexes diffère souven.. Les mâles sont généralement les plus brillants, et, chez les Bombus et chez les Apathu,, revêtent des teintes plus variées que les femelles. L'Anlhophora retusa mâle est d'un beau brun fauve éclatant, tandss que la femelle est toute noire ; chezplusieuss espèces de Xylocop,, les mâles sont jaune clair et les femelles noires. D'un autre côté,

57.  Journ. of Proc. Enlom. Soc, 7 sept. 1863, p. 169 '

58.  V. Huber. Recherches sur les mœurs des fourmis, 1810, p. 150, 163.

59.  Proc. Entom.Soc. ofPhlladelphie 1866, pp. 238-239.

21

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Partie]

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chez quelquesespèces, chez l'Andrœnafulva, par exemple, les femelles affectent des couleuss beaucoup plus brillantes que les mâles. Il n'est guère possible d'attribuer ces différences de coloration à ce que les mâles sont dépourvus de moyens de défense et ont, par conséqunnt, besoin d'un moyen de protection, tandss que les femelles sont pourvues d'aiguillons. H. Muller», qui a étudié avec tant de soin les habitudes des abeilles, "attribue en grande partie ces différences de couleuss à la sélection sexuelle. Il est certain que les abellles reconnaissent les couleurs. Müller a constaté que les mâles recherchent avidement les femelles et luttent les uns avec les autres pour s'en empare.. Il attribue à ces combass la grandei des mandibules du mâle qui, chez certaines espèces, sont plus développées que celles de la femelle. Dans quelquss cas, les mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelle,, soit au commencement de la saison, soit à toutes les époquss et dans tous les lieux, soit dans certaines localités seulement; dans d'autres cas, au contraire, les femelles sont plus nombreuses que les mâles. Chez quelques. espèces, les femelles semblent choisrr les plus beaux mâles; chez d'autres, au contraire, les mâles choisissent les plus belles femelle.. Il en résulte que, dans certains genres (Millier, p. 42), les mâles de diverses espèces diffèrent beaucoup au point de vue de l'aspect extérieu,, tandss qu'il est presque impossbble de distinguer les femelles; le contraire se présenee dans d'autres genres. H. Millier croit (p. 82) que les couleuss obtenuss par un sexe, grâce a la sélection sexuelle, ont souvent été transmises dans une certanee mesure à l'autre sexe, de même que l'appareil destiné à recuelllir le pollen, appareil propre à la femelle, a été souvent transmis au mâle bien qu'il lui soit absolument inutile ».

60. Anwendung der Darwinschen Lehre aufBienen. ( Verh. d. n.~aArg. x*,x.)

par des œufs non fécondés, et que, par conséquent, ils ne peuvent transmettre de nouveaux caractères à leur progéniture mâle. C'est là, tout au moins, une objection extraordinaire. Une abeille femelle, fécondée par un mâle qui possède quelque caractères propres à faciliter l'union des sexes ou à le rendre plusaUrayantpourlafemelle,pondradesœufsquiproduirontseiilementdesfe-

pas des caractères de leur grand-père mâle. Prenons un exemple aussi rapproché que possible chez les animaux ordinaires. Supposons une race de quadrupèdes ou d'oiseaux ordinairement blancs, et qu'une femelle appartenant à cette race s'unisse avec un mâle appartenant à une race noire; supposons enfin que les petits mâles ét femelles provenant de ce croisement soient accouplés tes uns avec les autres; osera-t-on prétendre que les descendants n'auront pas acquis par hérédité de leur ancêtre mâle une tendance.à la coloration noire? Sans

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[Chap. X]

COLËOPTËRES

323

es-

Le Mutilla Europœs fait entendee un brutt strident, et Goureau" affirme que les deux sexes possèdett cette aptitude. I! attribee le son au frottement du troisième segment de l'abdomnn contre le segment précédent; je me suis assuré, en effet, que ces surfaces portent des projections concentriques très fines, mais il en est de même du collier thoracique saillant sur lequel s'articule la tète, et qui, grateé avec la pointe d'une aiguille, émel le mémo son. Il est assez surprenant que les deux sexes aient la faculté de produire ces sons, car le mâle est ailé et la femelle aptère. On a constaté que les abeilles expriment certainss émotions telles que la colère, par le ton de leur bourdonnement. II. Millier (p. "80) affirme que les mâles de quelquss espèces font entendee un bourdonnement particulier quand ils pouruuivent les femelle..

Ordre : Coléoptères (Scarabées). - La couleur de nombreux Coléoptères ressemble à celle des surfaces sur lesquelles ils séjournent habituellement; cette coloration identiqee leur permet d'échapper à l'attention de leurs ennemis. D'autres espèces, le Scarabee diaman,, par exempe,, revêtent des couleurs splendides disposées souvent en bande,, en tache,, en croix et en d'autres modèles élégants. Ces couleuss ne peuvent guère servrr de moyen direct de protection, sauf pour quelquss espèces qui fréqunntent habituellement les fleurs; mais elles peuvent servir d'avertissement, tout comme la phosphoreecence du ver luisan.. Les coléoptères mâles et femelles affectent ordinairement les mêmes couleurs, de sorte que nous ne pouvons affirmer que ces couleuss soient dues à la sélection sexuelle; mais il est au moins possible que ces couleuss se soient développées chez un sexe, puis qu'elles aient été transmeses à l'autre, ce qui estprobable dans les groupss qui possèdent d'autres caractères sexuels secondaires bien tranchés. M. Waterhouse affirme que les Coléoptères aveugles, incapables, par conséqunnt, d'apprécier leur beauéé mutuelle, n'affectent jamass de vives couleurs, bien qu'ils aient souvent une carapace polie; mais on peut auss, attrbbuer leurs couleuss ternes au fait que les insectes aveugles n'habitent que les cavernes et autres endroits obscur..

Quelques Longicornes, surtout certains Prionides, font, cependant, exception à cette règle généraee de la coloration identiqee

doute, l'acquisition de nouveaux caractères par les abeilles ouvrières stériles constitue un cas bien plus difficile; mais j'ai essayé de démontrer, dans l'Origine des espèces, comment il se fait que ces individus stériles sont soumis à l'action de la sélection naturelle. 62. Cité par Westwood, Modem Class, etc., vol. II, p. 214.

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324                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [ite Paktie]

des coléoptères mâles et femelles. La plupatt de ces insectes sont grands et admrrablement colorés. Les Pyrodes», comme j'ai pu m'en assurer dans la colleciion de M. Bates, sont généralement plus rouges mais moins brillanss que les femelles, qui sont teintées d'un vert doré plus ou moins vif. Le mâle d'une autre espèce, au contraire, est vert doré, et la femelle est richement nuancée de ' pourpee et de rouge. Les mâles et les femelles du genre Esmeralda affectent des couleuss si complètement différentes qu'on les a pris pour des espèces distinctes : chez une espèce, les mâles et les femelles sont vert brillan,, mais le mâle a le thorax rouge. En résumé, autant que j'al pu en juger chez les Prionddes, quand les mâles et les femelles affectent une coloratinn différente, les femelles sont toujouss plus brillamment colorées que les mâles; ce qui ne concorde pas avec la règle générale relative à la coloratinn due à l'aciion de la séleciion sexuelle.

Les grandss cornes qui s'élèvent sur la tète, sur le thorax ou sur l'écusson des mâles, et qui, dans quelquss aurres cas, hérissent la surfaee inférieuee du corps constituent une distinction très remarquable entre les individss de sexe diffèrent chez les coléoptères. Ces corne,, dans la grande famille des Lamellicornes, ressemblent à celles de divers mammifères, tels que le cerf, le rhinocéros, etc,, et sont fort curieuses, tant par leurs dimensions que par les formes diveress qu'eless affecten.. Au lieu de les décrire, je me borne à donner les figures des formes mâles et femelles choisies parmi les plus remarquables (fig. 16 à 20). Les femelles portent ordinairement, sous formes de petites projections ou tubercules, les rudiments des cornes des mâles, mais certaines femelles n'en présentent aucune trace. D'autre par,, les cornes ont acquss un développement presque aussi complet chez la femelle du Pha-nxus lancifer que chez le mâle; elles sont un peu moins dévelop pées chez les femelles de quelquss autres espèces du même genr, et chez les Copris. M. Bates affirme que, dans les diverses subdivi

ire

63 Jj6 PijvodfjS /Dulch,6),,)"'iïiîu$ cspgcg chez Io.q uelle les sexes diffèrentnotable**

les coléoptères mâles et femelles. Kirby et Spence (Introd., etc., vol. 111, p. 301) mentionnent une Cantharis, le Meloe, le Rhagium et le Leptura <estacea; le mâle de ce dernier est couleur brique à thorax noir, laïemelle tout entière d'un rouge pâle. Ces deux coléoptères appartiennent à la famille des Longicornes. MM. li. Trimen et Waterhouse jeune me signalent deux Lamellicornes, un Pe-

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sions de la famlle,, les différences de conformation des cornes ne concordent pas avec les autres différencss plus caractéristiques et plus importantes; ains,, dans un même groupe du genre Onthopha-gus, certaines espèces ont une seule corne, tandss que d'autres ont deux cornes distinctes. Dans presqee tous les cas, on constate une excessive variabilité

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Fig. 16. - Chalcosoma atlas. Figure super., mâle (réduite); figuee infér., femelle (grandeur naturelle).

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HK. .7. . CoPris **.. (Les ngures ptacées fc gauche sont eeUes des .aie,)

des cornes, de sorte qu'on peut établir une série graduee entre les mâles les plus développés jusquàà d'autres assez dégénérés pour qu'on puisse à peine les distinguer des femelles. M. Walsh" a constaté que certains Phanxus carnifex mâles ont des cornes trois fois plus longues que celles d'autres mâles. M. Bate, après avoir examiné plus de cent Onthophagus rangifer mâles (fig. 20), crut

6L Proc. Entom. Soc. of Philadelphie,, 1S64, p. 228.

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326

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Partie]

avoir enfin découvert une espèce chéz laquelle les cornes ne varient pas; mais des recherches ultérieures lui ont fait reconnaître le contrarre.

La grandurr extraordinaire des cornes et la différence notabee de leur conformation chez des formes très voisines indiquent qu'elles doivent jouer un rôle important; mais leur variabilité excessive chez les mâles d'une même espèce permet de concluee que ce rôle

Fig. 19. - Dipelicus cantor

Fig. 20. -

Onthophagus rangifer (grossi

ne doit pas avoir une natuee déunie. Les cornes ne présentent aucune trace de frottement: elles ne servent donc pas à exécuter un travall habituel. Quetques savanss supposent" que les ma)es, beaucoup plus vagabonds que les femelle,, ont besoin de cornes pour se défendee contre leurs ennemis; mais, dans bien des cas, les cornes ne parasssent nullement propres à cet usag,, car elles ne sont point tranchantes. La supposition la plus naturelle est qu'elles servent aux mâles dans leurs combats; mais on n'a jamais

65.KirbyetSpence,o.c.,vol.m,p.300.

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observé un seul de ces combats, et, après avoir examiné attentive-ment de nombreuses espèce,, M. Bates n'a pu découvrir ni mutilations ni fractures témoignant que ces organes ont servi à un pareil usage. Si les mâles avaient l'habitude de lutter les uns avec les autre,, la sélection sexuelle auratt probablement augmenéé leur taille, qui auratt alors dépassé celle de la femelle; or M. Bates, après avoir compaéé les mâles et les femelles de plus de cent espèces de Copride,, n'a pas constaéé de différence marquée, sous ce rapport, chez les individus bien développés. D'ailleurs, chez le Zethrus qui appartient à la même grande division des Lamellicornes, les maies se livrent de fréquenss combats; or, !e Lethrus mâle n'est pas armé de cornes, bien quill ait des mâchoires beaucoup plus grandss que celles de la femelle.

La supposition que les cornes ont été acquises à titre de simples ornemenss est celle qui concorde le mieux avec le fait que ces appendices ont pris de vastes proportions sans se dévelopF Fi^™ "^'' per d'une manière fixe, - fait que démontrent leur variabilité extrême chez une même espèce et leur diversité chez des espèces très voisines. Cette hypothèse peu,, au premier abord, paraître:très invraisemblable; mais nous aurons plus loin l'occasonn de constater que, chez beaucoup d'animaux placés à un rang bien plus élevé sur l'échelle, c'est-à-dire chez les poisson,, chez les amphibies, chez les reptiles et chez les oiseaux, diverses sortes d'aigrettes, de protubérances, de cornes et de crêtes, ne doivent apparemment leur développement qu'à cette seule influence,

Les Onitis fur ci fer mâles (flg. 21), ains' que les mâles de quelques autres espèces du genre, ont les cuisses antérieures pourvuss de singulières projections; leur thorxx porte, en outre, à la surface inférieure, une paree de cornes formant une grosse fourchette. Si l'on en juge par ce qui se passe chez d'autres insectes, ces appendices doivent servrr au mâle à maintenir la femelle. On ne remaque, chez les mâles, aucune trace de cornes à la surfaee supérieure du corps, mais on aperçott visiblement sur la tête des femelles le rudimen, d'une corne unique [flg. 22, a), et d'une crête sur le thorax (b). il est évident que la légère crête thoracique de la femelle est le rudiment d'une sailiie propee au sexe mâle, bien qu'elle fasse complètement défaut chez le mâle de cette espèce particulière; car le Bubas bison femelle (forme très voisine de Y Onitist porte sur le thorax une légère crête semblable, placée dans la même situation qu'une forte projectinn qui existe chez le màle. 11 est évident que la

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile PAXT)E]

pettte pointe (a) qui existe sur la tète de YOHitis furcifer femelle, ainsi que sur les femelles de deux ou trois espèces voisine,, est le rudiment de la corne céphalique, commune aux mâles de beaucoup de Lamellicornes, par exemple chez le Phanœus {fig. 18).

On supposait autrefois que les rudimenss ont été créés pour compléter le plan de la nature. On ne saurait, dans ce cas, admettre cette hypothèse, inadmsssible d'alleeurs, car cette famille présenee

Fig. 22. - Figure de gauche, Onisis furcifer mâle, vu de côté. Figure de droite, femelle. - a. Rudiment de corne cephalique. -. 6. Traee de corne ou crCte thoracique.

une inversinn complète de l'état ordinaire des choses. Nous avons lieu depenser que les mâles portaient originellement des cornes et qu'ils les ont transmises aux femelles à l'état rudimentai,e, comme chez tant d'autres lamellicornes. Nous ne saurions dire pourquii les mâles ont subséquemment perdu leurs corne:: il se peut que cette perte résulte, en vertu du principe de la compensation, du

Fig. 23. - Bledhis taurus, grossi. Figure de gauche, mille ; figuee de droite, femelle.

développement ultérieur des appendices qui se trouvent sur la surface inférieure, disparition qui n'a pu s'effecturr chez la femelle ou ces appendices font défau;; aussi cette dernière a-t-elle conservé des rudiments de cornes sur la face supérieure.

Tous les exemples cités jusqucici se rapportent aux Lamellicornes; quelquss coléoptères mâle,, appartenant à deux groupss très différents, les Curculionides et les Staphylins, portent aussi des cornes; l les premeers, à la surface inférieuee du corps ,, les seconds, à la surfaee supérieure de la tôle et du thorax. Les cornes des mâles, comme chez les Lamellicornes, sont très variables chez

66. KirbyetSpence,o.C.,vol.III, p.3299

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on re

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les Staphylins appartenant à une même espèce. On observe un cas de dimorphisme chez le Siagonium, car on peut diviser les mâles en deux catégories, qui diffèrent beaucoup au point de vue de la grandeur du corps et du développement des cornes, sans qu'on trouve de gradations intermédiaires. Chez une autre espèce du genre Staphylin, le Bledius (fig. 23), on trouv,, dans une même localité, des individus mâles chez lesquels, comme l'a constaéé le professeur Westwood, « la corne centrale du thorax est très développée, tandss que celles de la tète restent rudimentaires, et d'autres chez lesquels la corne thoracique est beaucoup plus courte, tandss que les protubéranses situées sur la tête sont très longue"" ». C'est évidemment là un exemple de compensation de croissance, qui jette un grand jour sur la disparition des cornes supérieures chez les Onitis furcifer mâles.

Loi du combat. - Certanss coléoptères mâles paraissent mal adaptés pour la lutte; ils ne s'en battent pas moins avec leurs semblables pour s'emparer des femelles. M. Walaace »" a vu deux Zep<o-rhynchus angustatus mâles, une espèce de coléoptère linéaire, à trompe très allongée, « combattre pour la possession d'une femelle qui se tenatt dans le voisinaee occupée à creuerr un trou. Emportés par la colère, ils se poussaient l'un l'autre, se saisissaient par la trompe et se portaient des coups terribles. Bientô,, le mâle le plus petit abandonaa le champ de bataille et, prenant la fuite, s'avoua vaincu x. Parfois aussi les mâles sont bien conformss pour aa lutte, armés qu'ils sont de grosses mandibules denteéées, beaucoup plus fortes que celles des femelles. Nous pouvons citer, par exemple, le cerf-volant (Lucanus cervu)) commun ; les mâles sortent de la chrysalide une semaine environ avant les femelles, de sorte que plusieuss mâles se mettent souvent à la poursuite d'une même femelle. Ils se livrent alors de terribles combats. M. A. H. Davis enferma un jour dans une boîte deux mâles avec une seule femelle; le plus grand mâle se précipita immédaatement sur le plus petit, et le pinça fortement jusqu'à ce qu'il eût renoncé à toutes prétentions. Un de mes amis, lorsqulil était jeune, réunissait souvent des mâles pour les voir combattre ; il avatt remarqué alors combien ils étaient

67. Mod. Class, etc., vol. 1. p. 172. On trouve sur la même page une description du Siagonium. J'ai remarqué au British Muséum un Siagonium mà.edans

~«^ÏÏ£S^                                                         on Insects

VtEnLmlïiï Marine, vol. I, 1833, p. 82. Voir, sur des luttes de cette nature, Kirby et SpenSe, o.c, vol. III, p.314, et Westwood, o. c, vol. I, p. 187.

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330'

LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

us féroces que les femelles, ce qui, comme on

plus hardss et plus

sait, est le cas chez les animaxx supérieurs. Les mâles, s'ils pouvaient y parvenir, se saisissaient de son doig,, au lieu que les femelles ne cherchaient pas à le faire, bien qu'elles aient de plus grandss mâchoires. Chez beaucoup de Lucanes, comme chez le Zep<orhynclms dont nous venons de parler, les mâles sont plus grands et plus forts que les femellese Le mâle et Ha femelle du Le-thruscephalotes(LzmeUicovnes) habitent le même trou; le mâle a les mandibules plus grandss que celles de la femelle. Si, pendant la saison des amours, un étrangrr cherche à pénétrer dans le logis, le mâle l'attaque immédiatement; la femelle ne reste pas inactive; elle ferme Couverture du réduit, et encourage le mâle en le poussatt cont-nuellement par derrèère. Le combat ne cesse que lorsque l'agresseur est tué ou s'éloigne ". Les Aleuchus cicalricos,s, un autee Lamellicorne, mâles et femelle,, s'apparient etparaissentêtrefortattachésl'unàl'autre; le mâle oblige la femelle à rouler les boulettes de fumier dans lesqueless elle dépose ses œufs; si on lui enlève la femelle, il court de tous côtés en donnant les signes de la plus vive agitation; si on enlève le mâle, la femelle cesse tout travail, et, d'après M. Brulerie", reste immobile jusqu'r ce qu'elee meure.

Les dimensions et la structure des grandss mandibules des Lucanss mâles varient beaucoup; sous ce rapport, elles ressemblent aux cornes qui surmontent la tète et le thorax de beaucoup de Lamellicornes et de Staphylins mâles. On peut établir une série complète de gradations entre les mâles qui, à ce point de vue, sont le mieux et le plus mal pourvu.. Les mandbbules du cerf-vo-

i'ig

24. - Chiasognatus grantii, réduit.

Figure supérieure, maie; figure inférieure, femelle.

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[Cap. X]                           COLEOPTERES                                   331

cependant, qu'on puisse attribuer à cette cause leur grandeur démesurée. Nous avons vu que le Lucanus elaphus de ''Amérique du Nord s'en sert pour saisrr la femelle. Leur élégance m'a aussi fait supposer qu'elles pouvaient constituer un ornemntt pour le mâle. au même titre que les cornes céphaliques et thoraciques des espèces dontnous avonsparléplushaut. LeChiasognathusgrantii mâle, du sud du Chili, - coléoptère magnifique appartenant à la même famille, - a des mandibules énormément développées (fig. 24); il est hardi et belliqueux, fait face du côté où on le menace, ouvre ses grandss mâchoires allongées, et fait entendee en même temps un brutt très striden;; mais ses mandibules ne sont pas assez puissantes pour causer une véritable douleur quand il pince le doigt.

La sélection sexuelle, qui implique la possession d'une puissance perceptive considérable et des passions trè.s vives,-parat avoir joué un rôle plus important chez les Lamellicornes que chez aucune autre famllle de coléoptères. Les maies de quelques espèces possèdent des armes pour la lutte; d'autres vivent par couples et se témoignent une grande affection; beaucoup ont la faculté de produire des sons perçanss lorsqu'on les excite; d'autres portent des cornes extraordinaires, qui servent probablement d'ornement; quelques-uns, qui ont des habitudes diurne,, affectent des couleuss très brillantes; enfin, la plupatt des plus grands coléoptères appartinnnent à cette famille que Linné et Fabricius avaient placée à la tête de l'ordee des Co)éoptères».

Organss de stridulation. - On observe des organss de cette natuee chez les coléoptères appartenant à de nombreuses famllles très éloignées et très distinctes les unes des autre.. Les sons qu'ils produisent sont perceptibles à quelquss mètres de distanee", mais ne sont point comparables à ceux que font entendee les Orthoptères. La partie qu'on pourrait appeerr la râpe consiste ordnairement en une surface étroite, légèrement saillante, traversée de lignes parallèles fines, au point de provoquer parfois des couleurs irisées, et présentant, sous le microscope, un aspect des plus élégants. Dans quelques cas, chez le Typhœus, par exempe,, on distingee parfaitement des proéminences écailleuses très petites qui recouvrent toute la surface environnante en lignes à peu près parallèles; ces proéminences, en se redressant et en se soudant : constituent les lignes saillantes ou côtes de la râpe, qui sont à la

72.  WcsUvooo, o. c„ vol. I, p. 184

73.  Wollaston, On certain musical Cuvculionidœ (Annals and Mag. of. Nat. IliU., vol. VI, 1860, p. 14).

es t,

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Partie]

fois plus proéminentes et plus unies. Une saillie dure, située sur quelque partie adjacenee du corps, parfois spécialement modifiée dans ce but, sert de grattoir à la râpe. C'est tantôt le grattoir qui se meut rapidement sur la râpe, tantôt, au contraire, ta râpe qui se meut sur le grattoir.

Ces organss occupent les positions les plus diverses. Chez les Nécrophores, deux râpes parallèles (r. flg. 25) sont placées sur la face dorsale du cinquième segment de l'abdomen, et chaque râpe, d'après Landoss", se compose de cent vingt-six à cent-quarante petites lignes saillantes. C'est sur cette râpe que vient frotter une petite projection placée sur le bord postérieur des élytre.. Chez

«g. 35. - Aecrophorus (Landois).

r. Les deux râpes. — La figure de gauche représente une partie

de la râpe considérablement grossie.

beaucoup de Criocérides, chzz le Clylhra Apunclata (Chrysomé-lide), ainsi que chzz quelques Ténébrion,des ", etc., la râee est placée au sommet dorsal de l'abdomen, sur le pygidium ou sur le propygidium, et, comee dass les cas précédents, ce sont les élytrss qui vienntnt la gratter. Chzz l'Heterocerus, qui appartient & une autre famille, les râpes sont situées sur les côtés du premier segmtnt abdominal et ce sont des saillies que portent les fémurs qui font l'office de grattoirs ». Chzz quelques Curculionides et chzz quelques Carabsdes ", la dssposition des parties est complètement

74.  Zeitschrifl fur wiss. Zool., vol. XVII, 1867, p. 127.

75.  M. G.-R. Crotch m'a rendu grand service en m'envoyant de nombreux individus préparés de divess cotéoptères appartentn' à ces tross familles et à d'autres, ainsi que des renseignements pr.écieux de tous genres. Il crott que la facultéd'émettreunsonstridentn'avaitpasencoeeétéobservéechezleC/^ra. Je doss ausii des remercîmsnts à M. E-W.Janson pour divess renseignements. J'ajouteras que mon fils, M. F. Darwin, a découvert que le Dermeslesmurinus produit des sons stridents, sans pouvoir trouver l'appareil producteur. Le docteur Chapmnn a récemment décrit le Scolytus comme insecte stridulant (/?««,-mologUV* Monlhly Magazine, vo. VI, p. 130).

76.  Sch.odte, trad. dans Annals and Mag. ofNat. HUt., vo.. XX, 1867, p. 37.

77.  Westring a décrit (Kroye,, Naturhist. Tidskrift, B. II, p. 334,1848-1849) les organes stridulants dans ces deux familles et dans d'autres. J'ai examiné

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[Chap.X]                           COLEOPTERES                                    333

intervertie- en effet, les râpes occupent la surface inférieuee des élytre,, près du somme,, ou le long des bords externes, et les bords des segmenss abdomnnaux servent de grattoirs. Chez le Pe-~obius Hermanni (Dytique), une saillie puissante, placée près du bord sulurai des élytres et parallèlement à ce bord, porte des côtes transversales, épaisse,, dans la partie médian,, mais qui deviennent graduellement plus fines à chaque extrémité, surtout à l'extrémité supérieure : lorsqu'on tient l'insecee sous l'eau ou dans l'air, on lui fait produire un brutt strident en frottatt contre cette râpe le bord extrême et corné de l'abdomen. Chez un grand nombre de Longicornes, ces organes occupent une position toute différente; la râpe est placée sur le mésothorax, qui frotte contre le prothorax. Landoss a compéé deux cent trente-huit saillies très-fines sur la râpe du Cerambyx héros.

Beaucoup de Lamellicornes ont la faculté de produire des sons stridents au moyen d'organes dont la positinn varie considérablement. Quelques espèces font entendee des sons très puissants, au point que M. F. Smith ayant pris un TVox Sabu-losus, le garde-chasse qui étaii avec lui crut qu'il avatt captuéé unesouris; mais je n'ai paspu arri-              8

ver à découvrir les organss stridulants chez ce co- Fig 26 _ Pattepos ]éoptère. Chez le Geotrupes et chez le Typhwus,une «rien™ a* excrète étroite (r. ftg. 26), qui traverse obliquement |L~™"s la cuisse de chaqee patee postérieure, poree chez ,-, ràpe; o, co*a>; U le G. siercorarius 84 côtes sur lesquellss vient »™' «'tibi;l' » frotter une partie spéciaee faisant saillie sur un ' ' des segmenss abdominaux. Chez le Copris lunaris, forme voisine/ on remarque une râpe fine, très étroite, qui occupe le bord suturli de l'élytre, outre une seconde râpe courte qui est placée près du bord externe de la base de l'élytre; chez quelquss autres Coprini, ]a râpe est, d'après Leconte », placée sur la surface dorsaee de l'abdomen. Chez l'Orycles, elle est constituée sur le propygidium, et chez quelquss Dynasti,i, toujouss d'après le même entomologiste, sur la surfaee inférieuee des élytre.. Enfin, Westrigg affirme que chez l'Omaloplia brunnea la râpe est placée sur le prosternum, et le

chez les Carabides les Elaphrus uliyinosus et les Blethna multipunclata que

it=err^no^^

PZ^S de^it^a S SS5™. - mwyer des emaits de Introduction lo Entomology, de Leconte, p. 101, 143.

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334                      LA DESCENDANCE DE L'HOMEE           [Ile Partie]

grattoir sur le méta-sternum, les parties occupant ainsi la surface inférieuee du corps, au lieu de la surface supérieuee commechez les

0Leso°rgnanss destinss à la stridulation présentent donc, chez les différentes familles de coléoptères, une grande diversité quant à la positio,, mais se ressemblent beaucopp au point de vue de la structure. Dans une même famille quelquss espèces possèdent ces organes, pendant que d'autres en sont dépourvues. Cette diversité s'expliqee si on suppose qu'à l'origiee certaines espèces ont pu produire un brutt strident en frottatt l'une contre l'autre les partiss dures de leur corps; or, si le brutt ainsi produtt a constitué pour eux un avantage quelconque, les surfaces rugueuses ont du graduellement se développrr pour se transformer en organss stridenss réguliers. Quelques Coléoptères font entendre, avec ou sans inteniion, un bourdonnement particulier au moindee de leurs mouvements, sans possédrr pour cela aucun organe spécia.. M. Wallace m'apprend que YEuchirus longimanus (Lamellicorne dont les pattes antérieres sont singulièrement longues chez le mâle) « produit, au moindre mouvemnnt, un brutt sourd, mais qui ressembee à un sifflement résultant de l'expansion et de la contraction de l'abdomen; en outre, lorsquonn le saisit, il fait entendee une sorte de grincement en frottatt ses pattes postérieures contre le bord des étytres x. Le sifflement est évidemment dû à une râpe étrotte placée le long du bord suturai de chaque élytre; j'ai pu également obtenrr le grincement en frottant la surface chagrinée du fémur contre le rebord granuleux de l'élytre correspondante ; mais je n'ai pas pu découvrir de râpe spéciale, bien qu'il eût été difficile qu'elle m'échpppât chez un insecte aussi gros. Après avoir examiné le Cychrus et avoir lu les deux mémorres de Westring sur ce coléoptère, il semble bien douteux qu'il possède une véritable râpe, bien qu'il soit capable de faire entendee un certain bruit.

Je m'attendais, en raison de l'analogie qui existe entre les Orthoptères et les Homoptôres, à trouver, suivant le sexe, une différence dans les organss stridents des coléoptères; mais Landois, qui a examiné pluseeuss espèces avec beaucoup de soin, n'en a observé aucun;; pas plus que Westring, ou M. G. R. Crotch dans la préparation des nombreux individus qu'il a eu l'obiigeance de soumettre. à mon examen. Il serait toutefois, vu la grande variabilité de ces organes, difficile de remarquer des différences sexuelles très légères. Ainsi, dans le premier couple de Necrophorus humator et de Pelobius, que j'ai examiné, la râpe étatt considérablement plus grande chez le mâle que chez la femelle ; mais il n'en fut pas de

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[Chap.X]                           COLÉOPTÈRES                                    335

même chez les individss subséquents. Chez le Geotrupss ste?cora-rius, la râpe me parut être plus épaisse, plus opaque et plus proéminenee chez trois mâles que dans le même nombre de femelles; en conséquence, désireux de savorr si les sexes diffèrent par l'intensité de leur aptttude à la stridulation, mon fils, M. F. Darwin, recuelllit 57 individus vivanss qu'il divisa en deux lots, selon que, traités d'une même manière, ils faisaient plus ou moins de bruit. Il examina ensuite les sexes, et trouva que, dans les deux lots, les proportions des mâles et des femelles étaient â peu près les mômes. M. F. Smith a conservé vivanss de nombreux MonoyMchus pseuda-cori (Curculionides), et s'est assuéé que les deux sexes produisent des sons stridents et à un degré d'intensité à peu près égal.

Il n'en est pas moins vrai que la faculté d'émettre des sons constitue un caractère sexuel chez certains coléoptères. M. Croteh a découvett que, chez deux espèces d'Héliapothes (Ténébrions), les mâles seuls possèdent des organss de ce genre. J'ai examiné cinq H. Gibbus mâles : tous portaient une râpe bien développée, partiellement divisée en deux, sur la surface dorsale du segment abdominal terminal ; tandss que, chez le même nombee de femelles, il n'y avatt pas même trace de râpe, la membrane du segment était transparente et beaucoup plus mince que celle du mâle. Le //. cri-bratostriatus mâle possède une râpe analogue, mais qui n'est pas partiellement divisée en deux parties; la femelle en est complètement dépourvue; le mâle poree en outre, sur les bords du sommet des élytres, de chaque côté de la suture, trois ou quatre saillies longttudinales courtes, traversées de côtes très fines, parallèles, qui ressemblent à celles de la râpe abdominale; mais je n'ai pu déterminer si ces saillies servent de râpe indépendante ou de grattoir pour la râpe abdominale; la femelle n'offre aucune trace de cette dernière conformation.

Trois espèces du genre Oryctes (Lamellicornes) présentent un cas presque analogue. Chez les 0. gryphus et nasicomMs femelles, les côtes de la râpe du propygidium sont moins continuss et moins distinctes que chez les mâles; mais la différence principale consiste en ce que toute la surface supéreeure de ce segment, examinée sous une inclinaison de lumière convenable, est recouverte de poils qui n'existent pas chez les mâles ou ne sont représentés que par un très fin duve.. Il faut noter que, chez tous les coléoptères, la partie agissanee de la râpe est dépourvue de poils. Chez l'O. senegalensis on constate une différence encore plus sensible entre les mâles et les femelles; le meilleur moyen de distinguer ces différences est de nettoyer le segmen,, puis de l'observrr par trans-

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336                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ile Partie]

parence. Chez la femelle, toute la surface du segment est recouverte de petites saillies distinctes qui portent des piquants; tandss que, chez le mâle, à mesure qu'on monte vers le somme,, ces saillies deviennent de plus en plus confluentes, régulières et nues; de sorte que les trois quarss du segment sont couverss de sailiies parallèles très fines qui font absolument défaut chez la femelle. Toutefois, chez ces trois espèces d'Oryctes, lorsqu'on meut alterntivement en avant et en arrière l'abdomnn ramolli d'un individ,, on peut déterminer un léger grincement ou un faible brutt striden.. On ne peut guère mettre en doute que, chez YHeliopathes et chez yoryctes, le brutt strident que font entendee les mâles n'ait pour but l'appll et l'excitation des femelles; mais, chez la plupatt des coléoptères, ce brutt sert, selon toute apparence, comme moyen .d'appll mutuel pour les deux sexes. Les coléoptères font entendee le même brutt quand ils sont agités par diversss émotion,, de même que les oiseaux se servent de leur voix pour beaucopp d'usages autres que celui de chanter devant leurs compagnes. Le grand ChiasognathusMt entendee son brutt strident lorsqu'il se défie ou qu'il est en colère; beaucopp d'individus d'espècss différentes agissent de même lorsqu'il ont peur, alors qu'on les tient de façon quiils ne puissent s'échapper; MM. Wollaston et Crotch, en frappatt les troncs d'arbres creux dans les îles Canaries, ont pu y reconnaître la présence de coléoptères du genre Acalles, par les bruits qu'ils faisaient entendre. Enfin, VAteuchus mâle fait entendee ce même brutt pour encourager sa femelleuu travail, etprr chagrin lorsqu'on la lui enlève.. Quelque naturalistes croient que les coléoptères font entendee ce brutt pour effrayer leurs ennemis; mais je ne peux croire qu'un son aussi léger puisse causer la moindee frayeur aux mammifères et aux oiseaux capables de dévorer les grands coléoptères pourvus d'enveloppes coriaces et dures. Le fait que les Anabium <essellatum répondntt à leur tic-tac réciproqu,, ou, ainsi que je l'ai moi-même observé, répondent à des coups frappss artificiellement, confirme l'hypothèse que la stridulation sert d'appel sexue.. M. Doubleday a deux ou trois fois observé une femelle faisant son tic-lac- et, au bout d'une heuee ou deux,

79. M. P. de la Brûlerie, cité par A. Murray, Journal of Travel, vol. II, 1868,

P'8035M. Doubleday assure que l'insecte produit ce bruit en s'élevant autant que possible sur ses pattes et en frappant cinq ou six fois de suite son thorax c'ontr'e le corps sur lequel il est assis. Voir sur ce fait Landois, Zeilsch.pr wiUen,ch.Zoolog..Yo\.xyn, p. 131. Olivier, cité par KirbyetSpence,/iW«xft«c-lion, etc., vol. II, n. 395) dit que le Pimeslia slriala femelle produit un son assez fort'en f'rappanl son abdomen contre une substance dure, o et que le mâle, obéissant à son appel, arrive, et l'accouplement a lieu ..

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[Chap.XI]                PAPILLONS ET PHALÈNES                          337.

il la trouva réunie à un mâle et, dans une autre occasion, entourée de plusieuss mâles. En résum,, il semble probabee que, dans l'origine, beaucoup de coléoptères mâles et femelles utilisaient, pour se trouver l'un l'autre, les légers bruits produits par le frottement des parties adjacentes de leur corps; or, comme les mâles ou les femelles qui faisaient le plus de bruit devaient le mieux réussrr à s'accoupler, la séleciion sexuelle a développé les rugosités des diveress parlies de leur corps et les a transformées graduellement en véritables organss propres à produire des bruits stridents.

CHAPITRE XI

INSECTES, SUITE. — ORDRE DES LÉPIDOPTÈRES (PAPILLONS ET PHALÈNES)

lage. - Perspicacité des Lépidoptères. - Variabilité. -Causes de la différence de coloration entre les mâles et les femelles. - Imitation, couleurs plus brillantes chez les papillons femelles que chez les mâles. - Vives couleurs

La différenee de coloration qui existe entre les mâles et les femelles d'une même espèce et entre les espèces distinctes d'un même genre de lépidoptères est le point sur lequel doit particulièrement porter notre attention. Je compte consacrer à l'étude de cette quesiion la presque totalité de ce chapitre; mais je ferai d'abodd quelquss remarques sur un ou deux autres points. On voit souvent plusieuss mâles poursuivre une même femelle et s'empresser autour d'elle. La cour que se font ces insectes paratt être une affaire de longue haleine, car j'ai fréquemment observé un ou plusieuss mâles pirouetter autour d'une femelle, et ai toujouss dû, pour cause de fatigu,, renoncer à attendee le dénoûment. M. A. G. Butler m'apprend aussi qu'il a plusieuss fois observé un mâle courtiser une femelle pendant plus d'un quart d'heure; la femelle refusa obstinément de céder au mâle et finit par se poser sur le sol en repiiant ses ailes de façon à échapper à ses obsession.. "

Bien que faibles et délicats, les paplllons ont des goûts beliqueux, et on a capturé un paplllon Grand-Mars' dont les bouts/

1. ~pa<uraIris(Enlomologisl's W.eekly Intelligencer, 1859, p. 139). Voir, pour les papillons de Bornéo,C. Collingwood, Amble, of a Naturalise, 1868, p. 183.

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des ailes avaient été brisés dans un conflit avec, un autre mâle. M. Collingwood a observé les nombreuses batailles que se livrent les papillons de Bornéo, et résume ainsi ses observations : « Ils tourbillnnnent l'un autour de l'autre avec la plus grande rapidité et parasssent animés d'une extrême férocité. »

On connatt un paplloon, VAgeronia /eronia, qui fait entendee un brutt semblabee à celui d'une roue dentée tournatt sur un clique,, brutt que l'on peut percevorr à plusieuss mètres de distance. Je n'ai remarqué ce bruit, à Rio de Janeiro, que lorsque deux individss se poursuivaient en suivant une_course irréguliére, de sorte qu'll n'est probablement produtt que pendant l'époque de l'accouplement».

Quelques phalènss font aussi entendee des sons, le Thecopho~a fovea mâle, par exemple. Dans deux occasion,, M. Buchannn White a entendu un Hylophilaprasinana mâle émettre un brutt rapide et perçant; il croit qu'il le produit comme les cicadés au moyen d'une membrane élastique pourvue d'un muscle. Guénée affirme que le Setina produtt un son qui ressemble au tic-tac d'une montre, probablement à l'aide de deux grandss vésicules tympaniformes situées dans la région pectorale; il ajoute que ces vésicules sont beaucoup plus développées chez le mâle que chez la femelle. H en résulte que.les organss des lépidoptères, en tant qu'iss sont destinés à produire des sons, semblent avoir quelques rapports avec les fonctions sexuelle.. Je n'ai pas fait allusion au brutt bien connu produtt par le Sphinx tête de mor,, car on l'entend ordinairement au moment seulement ou cette phalène sort du cocon.

Girard dit qu'une odeur musquee émise par deux espèces de Sphinx est particulière au mâle; nous trouverons dans les classes

S dpérrUas. d'animaux beaucoup d'exemPIes de màIes qili sont seuls

L'admiration qu'inspire l'extrême beauté d'un grand nombre de paplllons et de quelquss phaènnes nous.amène à nous demandrr comment cette beauéé à été acquise. Les couleurs et les dessins si variés qui les décorent proviennent-ils simplement de l'action directe des condiiions physiques-auxquelles ils ont été exposés, sans qu'il en soit résutté pour eux quelque avanaage? Quelle cause in-

2. Journal of Researches, 1845, p. 33. M.Doubleday (Proc. £n<om. Soc,3 mars

Thecophora, voir Zoological Record, 1869, p. 401. Pour les observations de M. Buchanan White, voir The Scottish Naturalisa juillet 1872, p. 214.

3.  The Scottish Naturalisa juillet 1872, p. 213.

4.  Zoological. Record, 1869, p. 347.

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[ChapP Xt]                 PAPILLONS ET PHALÈNES                          339

connue a produtt ces varaations successives et a condutt à leur accumulation? La coloration des paplloons constitue-t-elle un moyen de protection, ou n'a-t-elle pour objet que l'attraction sexuelle? Pourquoi, en outre, les mâles et les femelles chez certaines espèces affectent-ils des couleurs si différentes, alors que chez certaines autres espèces ils se ressemblent absolument? Avant de tenter une réponee à ces questions nous avons un ensembee de faits à expose.. Chez nos magnifiques paplllons anglais, tels que l'amiral, le paon et la grande tortue (Vanessse), les mâles et les femelles se ressemblent. Il en est de même chez les superbes Héticonides et chez les Danaïdes des tropiques. Mais, chez certains autres groupes tropccaux et chez quelquss espèces anglasses, telles que VApatura Iris (grand Mars) et VAnthocaris cardamincs (aurore), la coloration des mâles et des femelles diffère tantôt dans une petite mesure, tantôt à un point extrêm.. Aucun langaee ne saurait décrree la splendeur de certaines espèces tropicales. Dans un même genre, on rencontre des espèces chez lesquelles les individus des deux sexes présentent des différences extraordinaires; chez d'autres, au contraire, mâles et femelles se ressemblent absolument. Ainsi, M. Bates, qui m'a communiqué la plupart des faits suivanss et qui a bien voulu revorr ce chapitre, connaît, dans l'Amérique méridionale, douze espèces du genre Epicalia dont les mâles et les femelles fréquentent les mêmes localités (ce qui n'est pas toujouss le cas chez les Papillons), et, par conséquent, n'ont pas pu être affectés différemment par les conditions extérieures5. On compte parmi les plus brillanss de tous les papillons les mâles de neuf de ces espèces, et ils diffèrent si complètement des femelles beaucoup plus simples, qu'on classatt autrefois ces dernières dans des genres distincts. Les femelles de ces neuf espèces affectent un même type générll de coloration ; elles ressemblent également aux mâles et aux femelles de plusieurs genres voisins disséminés dans diverses partiss du monde, ce qui nous autorise à conclure que ces neuf espèces, et probablement toutes les autres du même genre, descendent d'une souche ancienn,, qui probablement affectatt à peu près la même coloration. La femelle de la dixième espèce affecte la même coloration générale, et le mâle lui ressembe;; aussi est-il beaucoup moins brillant que les mâles des espèces précédentes avec lesquels il fait un contrasee frappant. Les femelles de la onzième et de la douzième espèce dévient du type de coloration habituelle à leur sexe, et revêtent

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340                      LA. DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Pahtik]

des couleuss presqee aussi brillantes que celles des mâles. Les mâ)es de ces deux espèces semblent donc avorr transmis leurs .vives couleurs aux femelle;; le mâle de la dixième espèce, au contraire, a conservé ou reprss la coloratinn simple de la femelle et de la forme souche du genre; dans ces trois derniers cas, les mâles et les femelles en sont arrivss à se ressembler tout en suivant une voie différente pour atteindee cette ressemblance. Dans un genre voisin, Eubagis, les mâles et les femelles de quelquss espèces affectent des couleuss simples et se ressemblent beaucoup; toutefois, dans le plus grand nombre des espèces de ce genre, les mâles revêtent des teintes-métalliques éclatantes très-divers,s, et diffèrent beaucoup des fcmelles. Ces dernières conservett dans tout le genre le même type général de coloration, aussi se ressemblent-eless ordinairement plus qu'elles ne ressemblent à leurs propres mâles.

, Dans le genre Papilio, toutes les espèces du groupe Aneas, remarquables par leurs couleuss brillantes et fortemene contrastées, offrent un exemple de la fréquenee tendanee à une gradation dans l'étendue des différences entre les sexes. Chez quelquss espèces, chez le P. ~scanius, par exemple, les mâles et les femelles se ressemblent; chez d'autres espèces, les mâles sont tantôt un peu plus vivement colorés, tantôt infiniment plus éclatanss que les femelles. Le genre Junonia, voisin des Vanesses, offre un cas paralèèle, car, bien que, dans la plupatt des espèces de ce genre, les mâles et les femelles se ressemblent et soient dépourvss de riches couleurs, on remarque quelquss espèces, le /. œnone, par exemple, où le mâle est un .peu plus vivement coloré que la femelle, et d'autres (le /. andremiaja, par exempe)) où il ressembee si peu à la femelle quron pourrait le classer dans une espèce entièrement différene.. M. A. Butler m'a signaéé au British Muséum un autre exemple frappant. Les mâles et les femelles d'une espèce de T~eclx de l'Amérique tropccale se ressemblent presque complètement et affectent une étonnante beauté; mais, chez une autre espèce, dont le mâle affecte des couleuss aussi éclatantes, la femelle a tout le dessus du corps d'un brun sombre uniform.. Nos petits paplllons indigènes bleus, appartentnt au genre Zycœna, nous offren,, sur les diversités de colorations, entre les sexes, des exempess presqee aussi parfaits quoique moins extraordinaires. Les mâles et les femelles du Zycœna a~estis ont les ailes brunes, bordéss de petites taches ocellées de couleur orang;; ils se ressemblent donc. Le L. mgon mâle a les ailes d'un beau bleu, bordées de noir, tandss que les ailes de la femelle sont brunes avec une bor-

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[Chap. XI]                PAPILLONS ET PHALÈNES                          341

dure semblable, et ressemblenb beaucoup à celles du L. agestÛ. Enfin, les L. arion mâles et femelles sont bleus et se ressemblent beaucou;; les bords des ailes sont toutefois un peu sombres chez la femelle, et les tachss noires sont plus nettes : chez une espèce indienne qui affecte une coloration bleu brillan,, les mâles et les femelles se ressemblent encore davantage.

Je suis entré dans ces quelques détails afin de prouve,, en premier lieu, que, chez les paplloons, lorsque les mâles et les femelles ne se ressemblent pas, le mâle est, en règle générale, le plus beau et s'écarte le plus du type ordinaire de la coloratinn du groupe auquel l'espèce appartient. Il en résulte que, dans la plupatt des groupes, les femelles des diverses, espèces se ressemblent beaucoup plus que ne le font les mâles. Toutefos,, dans quelquss cas exceptionnels, sur lesquess nous aurons à revenir, les femelles affectendes couleuss encore plus brillantes que ne le sont celles des mâles. En second lieu, les exemples que nous avons cités prouvent que, dans un même genre, on peut souvent observer, entre les mâles et les femelles, toute une série de gradations depuis une identité presque absolue de coloration jusquàt une différence assez prononcée pour que, pendant longtemps, les entomooogistes aient classé le mâle et la femelle dans des genres différents. En troisième lieu, il résutte des faits que nous avons cités que, lorsque le mâle et la femelle se ressemblent beaucoup, cela peut provenrr de ce que le mâle a transmis ses couleurs à la femelle, ou de ce qu'il a conservé ou peut-être recouvéé les couleurs primitives du genre auquel l'espèce appartient. Il faut aussi remarquer que, dans les groupss où les sexes offrent une certaine différence de coloration, les femelles, jusquàà un certain poin,, ressemblent ordinairement aux mâles, de sorte que, lorsque ceux-ci atteignent à un degré extraordinaire de splendeu,, les femelles présentent presque invariablement aussi un certarn degré de beauté. Nous avons vu qu'il existe dé nombreux cas de gradation dans l'étendue des différences observées entre les mâles et les femelles ; nous avons aussi fait remarquer qu'un même type général de coloration domine dans l'ensemb.e d'un même groupe; ces deux faits nous permettent de conclure que les causes, quelles qu'eless puissent être, qui. ont détermnéé chez quelques espèces la brillanee coloration du mâle seul, et celle des mâles et des femelles à un degré plus ou moins égal chez d'autres espèce,, ont été généralement les mêmes.

Les régions tropccales abondent en splendides paplllons, aussi a-t-on souvent supposé que ces insectes doivent leur coloratinn à la

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342                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [!te Partie]

température élevée et à l'humddité; mais M. Bâtes8 a compaéé divers groupss d'insectes voisins, provenant des régions tempérées et des régions tropicales, et a prouvé qu'on ne pouvatt admettre cette hypothèse. Ces preuves, d'allleurs, deviennett concluantes quand on voit les mâles aux couleuss brlllantes et les femellesii simples appartenant à une même espèce habiter la même région, se nourrrr des même aliments, et avoir exactement les mêmes habitudes. Quand le mâle et la femelle se ressemblent, il est même bien difficile de supposer que des couleuss si brillantes, si é)égamment disposées, ne soient qu'un résulttt inutile de la nature des tissus et de l'action des conditioss ambiantes.

Quand, chez les animaux de toutes espèces, la coloration a subi des modifications dans un but spécia,, ces modfiications, autant que nous en pouvons juge,, ont eu pour objet, soit la protection des individu,, soit l'attraction entre les individus de sexe opposé. Les surfaces supérieures des ailes des paplllons de beaucoup d'espèces affectent des couleuss sombres, qui, selon toute probabilité, leur permettent d'éviter l'observation et, en conséquence, d'échapper au dange.. Mais c'est pendant le repos que les paplllons sont le plus exposés aux attaques de leurs ennemis, et la plupatt des espèces, dans cet éta,, redressent leurs ailes verticalement sur le dos; les surfaces inférieures des ailes sont alors seules visible.. Aussi ces dernières, dans beaucoup de cas, sont-elles évidemment colorées de manière à imiter les nuances des surfaces sur lesqueless ces insectes se posent habituellement. Le docteur Rôssler est, je crois, le premier qui ait remarqué combien les ailes fermées de quelquss Vanesses et d'autres paplllons res- ' semblent à l'écorce des arbres. On pourrait citer une grande.quan-tité de fatss analogues très-remarquable. M. Wallace' notamment a cité un cas très intéressant; il a trait àun papllonn commun dans l'Inde et à Sumatra (Kallima), qui disparaît comme par magie dès qu'il se pose sur un buisson ; il cache, en effet, sa tète et ses antennes entre ses ailes fermée,, et, dans cette posiiion, la forme, la coloration et les dessins dont sont ornées les ailes de ces paplllons ne permettent pas de les distinguer d'une feuille flétrie et de sa tige. Dans quelques autres cas, les surfacss inférieures des ailes revêtues de brillantes couleuss n'en constituent pas moins un moyen de protection; ainsi chez le Theclarubi, les ailes closes sont couleur vert émeraude, ressemblant à celle des jeunes feuilles de

6.  Tke Naturalisa on tke Amatons, vol. I, 1863, p. 19.

7.  Westminster Remew, juillet 1867, p. 10.M.Wallaceadonne une figure du Kallima dans Ilardwiclce Science Gossip, 1867, p. 196.

sa es

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[Cha.. XI]

PAPILLONS ET PHALÈNES

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la ronce sur laquelee le paplllon se pose le plus souvent au printemps. Il est aussl très remarquable que chez beaucoup d'espèces, dont les mâles et les femelles affectent des colorations très-différentes à la surfaee supérieure des ailes, la surface inférieuee soit absolument identique chez les deux sexes dès que la coloration de cette surface sert de moyen de protection».

Bien que les nuances obscures des surfaces supérieures ou inférieures des ailes de beaucoup de papllloss serven,, sans aucun doute, à les dissimuler, nous ne pouvons cependant pas étendee cette hypothèse aux couleurs brillantes etéclatantes de nombreuses espèces, telles que plusieuss de nos Vanesse,, nos paplloons blancs des choux (Pier)s) ou le grand Papilio à queue d'hirondelle, qui voltige dans les marais découverts, car ces brillantes couleuss rendent tous ces paplllons visibles à tous les êtres vivants. Chez ces espèces, le mâle et la femelle se ressemblent; mais chezle CoMep<eryx rhamni,le mâle est jaune intense, et la femelle jaune beaucoup plus pâle; chez YAnthocharis cardamines, les mâles seuls ont la pointe des ailes colorée en orange vif. Dans ces cas, màles et femelles sont également voyants, et on ne peut admettre quill y ait le moindee rappott entre leurs différences de coloration et une protection quelconque. Le professeur Weismann * fait remarquer qu'une Zycxna femelle étend ses ailes brunes quand elle se pose sur le sol et qu'elle devient alors presque invisible; le mâle, au contraire, redresee ses ailes quand il se posé, comme s'il comprenait le danger que lui fait courrr la brllaante coloration bleue qui les recouvre; ceci prouv,, en outre, que la couleur bleue ne peut servir comme moyen de protection. Il est probable, toutefois, que les couleuss éclatantes de beaucoup d'espècss constituent pour elles un avantage indrrect, en ce que leurs ennemss comprnnnent de suite que ces insectes ne sont pas bons à manger. Certaines espèces en effet, ont acquss leur beauté en imitant d'autres belles espèces qui habitent la même localtté et jouissent d'une certaiee immunité, parce que, d'une façon ou de l'autre, elles sont désagréables à leurs ennemis; il n'en reste pas moins à expliqurr la beauéé des espèces qui servent de type.

La femelle de notre paplllon Aurore, dont nous avons déjàparlé, et celle d'une espèce américaine (Anth. genutia) nous indiquent probablement, ainsi que M. Walsh me l'a fait remarquer, quelle étatt la coloration primitive des espèces souches du genre; en effet,

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344                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Pabtie]

les mâles et les femelles de quatre ou cinq espèces très répandues ont une coloratinn à peu près semblable. Nous pouvons donc, comme dans plusieurs cas antérieurs, supposer que ce sont les mâles de YAnth. cardamines et de VAnt, genutia qui se sont écartés de la coloration ordinaire du genre dont ils font partie. Chez YAnth. sara de Californie, les extrémités orangées des ailes se sont en partie développées chez la femelle; cette pointe, en effet, est rouge orang,, plus pâle que chez le mâle, et un peu différenee sous d'autres rapports. Chez Ylphias glaucippe, forme indienne voisine, les extrémités des ailes des mâles et des femelles sont également de couleur orang.. M. A. Butler m'a fait remarquer que la surface inférieuee des ailes de cet Iphias ressemble étonnamment à une feuille de couleur claire; chez notre espèce anglaise à pointes orangées, la surface inférieuee des ailes ressemble à la fleur de persil sauvag,, sur lequel cette espèce se pose pendant la nui''». Les raisons qui nous portent à croire que les surfaces inférieures ont été ici colorées dans un but de protection nous empochent d'admettre que les ailes ont revêtu des taches rouge orangé brillant dans le même but, surtout quand le mâle seul revêt ce

: La plupatt des phaèènes restent immobiles, les ailes déployées, pendant la plus grande partie ou même pendant toute la durée du jou;; la surface supérieure des ailes est souvent nuancée et ombrée de la manière la plus extraordinaire pour que ces insectes, ainsi que le fait remarquer M. Wallace, échappent à l'attention de leurs ennemis. Chez la plupatt des Bombycidés et des Noctuidés", au repo,, les ailes antéreuures recouvrent et cachent les ailes postérieure;; ces dernières pourraient donc être brillamment colorées sans beaucoup d'inconvénients; c'es,, du reste, ce que l'on remaqué chez beaucoup d'espèces des deux familles. Pendant le vol, les phalènss peuvent plus facilement échapprr à leurs ennems;; néanmoins, les ailes postérieures sont alors découvertes et leurs vives couleuss n'ont dû être acquises qu'au prix de quelquss risques. Mais voici un fait qui prouve avec quelle prudnnce on doit accepter dés conclusions de ce genre. Le Triyhama commun à ailes inférieures jaunss prend souvent ses ébats dans la soirée ou même 'pendant le jou;; ]a cou)eur claire de ses ailes postérieures le rend .alors très apparent. Il semblerait qu'il y ait là une source de dan-

10.JJ les intéressantes observations de M.T.AV.Wood {The Sludent, STl M6WaP.ia8CMans HarduHcke, etc., sept. 1867, p. 193.

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ger; M. Jenner Weircroit, au contraire, que cette disposition est un moyen efficace qui leur permet d'échapper au dange;; les oiseaux, en effet, piquent ces surfaces mobiles et brillantes au lieu de saisi; le corps de l'insecte. M. Weir, pour s'en assurer, intro-duistt dans une volière un vigoureux Triphœna pronoba] qui fut aussitôt pourchassé par un rouge-gorge; mais l'attention de l'oiseau se porta sur les ailes brlllantes de l'insecee et l'oiseau ne parvint à le capturer qu'après une cinquantaine de tentatives inutiles; il n'avait réussi jusque-.à qu'à arracher successivement des fragments des ailes. Il renouvela la même expérience en plein air avec un T.flmbria et une hirondelle; mais il est probabee que, dans ce cas, la grosseur de la phalène a contribué à en facilitera capture.. Ces expériences nous rappellent un fait constaéé par M. Wa!lace»; le savant naturaliete a remarqué que, dans les forêts du Brésil et des îles de là Malaisie, un grand nombee de paplllons communs et richemntt ornés ont un vol très lent, malgré la grandeur démesurée de leurs ailes; souven,, ajoute-t-il, « les ailes des papllloss sont trouées et déchrrées, comme s'ils avaient été saisis par des oiseaux auxquels ils ont pu échapprr ; si les aités avaient été plus petites relativement au corps, il est probable que l'insecee auratt étéplus fréquemment frappé dans une partievitale; l'augmentation de la surface des ailes constitue donc indirectement une condition avantageuse ».

Étalage. - Les brillantes couleurs des paplllons et de quelques

phalènss sont tout spécialement disposées pour que l'insece

ues insecee puisse en faire montre/Les couleuss brlllantes ne sont pas visibles la nui;; or il n'est pas douteux que, prises dans leur ensemble, les phalènss sont bien moins ornées que les papillons qui sont tous diurne.. Toutefois les membres de certaines familles, telles que les Zygœnides, divers Sphingides, les Uranides, quelquss Arctiidss et quelquss Saturnides, voltigent pendant le jour ou le soir au crépuscule, et presque toutes ces espèces revêtent des couleuss beaucoup plus brillantes que les espèces rigoureusement noctunes. On connatt cependant quelques espèces à couleuss éclatantes-, qui appartiennent à cette catégorie nocturne, mais ce sont là des cas exceptinnnels.

12.  M. Weir, Tra»S«C^ Soc., 1869, p. 23.

13.   Westminster Review, juillet 1867, p. 16.

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Nous avons d'autres preuvss à l'appu.. Ainsi que nous l'avons fait remarquer, les papillons au repos portett les ailes relevéesi mais, pendatt qu'ils se chauffent au soleil, ils les abaissent et les redressent alternativement, et exposent ainsi les deux surfaces aux regards; bien que la surface inférieuee soit souvent teintée de couleurs sombre,, comme moyen de protection, elle est, chez beaucoup d'espèce,, aussi richement colorée que la surface supéreeure, et parfois d'une manière toute différente. Chez quelquss espèces tropccales, la surfaee inférieuee des ailes est parfois plus brillance que la surface supérieure-. Chez YArgynnis aglaia, la surface inférieuee est seule décorée de disques argentés brillants. Toutefois, en règle générale, la surface supérieure de l'aile, qui est probablement la plus complètement exposée et la plus en évidenc,, affecte des couleuss plus éclatantes et plus variées que la surface inférieure. C'est donc cette dernière qui fourntt d'ordinaire aux entomooogistes le caractère le plus utile pour découvrrr les affinités des diveress espèces. Fritz Millier m'apprend que trois espèces de Castnaa fréquentent les environs de la maison quill habite dans le sud du Brésil; chez deux de ces espèces les ailes postéreeures affectent des couleuss sombres et sont toujouss recouvertes par les ailes antérieures, quand le paplllon est au repos ; chez la trossième espèce, au contraire, les ailes postérieures noires sont admirablement tachetées de blanc et de rouge, et le paplllon au repos a toujours soin de les étaler. Je pourrais citer d'autres cas analogues.

Or, si l'on envisage l'immenee groupe des phalènes, qui d'après M. Stainton n'exposent pas ordinairement au regard la surfaee inférieuee de leurs ailes, il est très rare que cette surface soit plus brillamment colorée que la surface supérieure. On peut cependatt signaler quelquss exceptions réelles ou apparentes à cette règle : VHypopyra, par exemple'». M. R. Trimen m'apprend que M. Gue-née, dans son magnifique ouvrag,, a représenté trois phalènes chez lesquelles la surface inférieuee des ailes est de beaucoup la plus brillante. Chez le Gastrophora australien, notamment, la surfaee supérieuee de l'aile antérieure affecte une teinte gris ochreux pâle, tandis que la surfaee inférieuee est ornée d'un magnifique ocelle bleu cobalt, situé au centre d'une tache.noire, entourée de jaune orangé, et ensuite de blanc bleuâtre. Mais on ne connatt pas les

15. On peut voir des différences de ce genre entre la surface supérieure et

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habitudes de ces trois phalènes, nous ne pouvons par conséquent entrer dans aucune explication sur leur coloration extraordinaire. M. Trimen me fait aussi remarquer que la surface inférieuee des ailes, chez certaines autres Géométrides" et chez certaines Noctuées quadrifides, est plus variée et plus brillanee que la surface supérieure; mais quelques-unes de ces espèces ont l'habitude de « redresser complètement leurs ailes sur le dos, et de les tenir longtemps dans cette positinn »; elles exposent donc ainsi la surface inférieuee aux regards. D'autres espèces ont l'habitude de soulever légèrement leurs ailes de temps à autre quand elles reposent sur le so° ou sur l'herbe. La vive coloration de la surface inférieuee des ailes de certaines phalènes n'est donc pas une circonstance aussi anormale qu'elle le paraît tout d'abord. Les Saturnides comptent quelquss phalènss admirables, dont les ailes sont décorées d'élégants ocelles; M. F. W. Wood" fait observer que quelques-uns des mouvements de ces phalènss se rapprochent de ceux des papillons; « par exemple, le léger mouvement d'osclllation de haut en bas qu'elles impriment à leurs ailes, comme pour les étaler, mouvement qu'on observe plus souvent chez les lépidoptères diurnes que chez les lépidoptères nocturnes ». .

Il est singulier que, contrairement à ce qui se présenee si fréquemment chez les paplllons revêtus- de vives couleurs, la coloration des mâles et des femelles soit identique chez nos phalènss indigènes et, autant que je puis le savoir, chez presque toutes les espèces étrangères pouvvues de vives couleurs. Toutefois on assure ' que, chez une phalène américaine, le Saturnia Io, le mâle a les ailes antérieures jaune foncé tacheéé de rouge pourpre, tandss que les ailes de la femelle sont brun pourpre rayé dè lignes grises.». En Angleterre, les phaèènes qui diffèrent de couleur suivant le sexe sont toutes brunes ou offrent diverses nuancss jaune pâle et même presque blanches. Chez plusieurs espèce,, appartenant à des groupes qui généralement prennent leur vol dans l'après-mi,i, les mâles sont plus foncés que les femelles'». D'autee par,, M. Stainton as-

17. Sur le genre Erateina (Géomètre) de l'Amérique du Sud, Transact.Ent.

£ ^SS^S^Sli nls que les ma.es

sont plus fonce" que les femelles chez les Lasiocampa quercus, les Odonestis potaloria, les Hypogymna disparates Dasychira pudibunda, et les Cycmamen-

Tes femenes^fortement trLchée, et M. Walbce m'informe qu'il y a là à son avis, un cas d'imitation protectrice circonscrite à un sexe, comme nous l'expliquerons complètement plus tard. La femelle blanche du Cycma ressemble a

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sure que, dans beaucoup de genres, les mâles ont les ailes posté-' rieures plus blanchss que celles de la femelle -VAgrotis exclama-tionis, par exemple. Chez F/Iepialus humuli la différence est ëncoxe plus tranchée; les mâles sont blancs et les femelles jaunss avec des taches plus foncées-. Il est probabee que, dans ces cas, lesmâles sont devenus plus brillants que les femelles pour, que ces dernières les aperçoivent plus facilement dans le crépuscule.

Il est donc impossible d'admettre que les brillantes couleuss des paplllons et de certannes phalènss aient ordinairement été acqusses comme-moyen de protection. Nous avons vu que les brillantes couleurs et que les dessins éléganss qui ornent )es.ailes des lépidoptères sont disposés de telle sorte quiil semble que ces insectes ne songent qu'à en faire étalag.. J'incline donc à penser que les femelles préfèrent généralement les mâles les plus brillanss qui les sédusent davantage; car, dans toute autre hypothèse, nous ne voyons aucune raison qui puisee motiver une si magnifique ornementation. Nous savons que les fourmss et que certains lamellicornes sont susceptibles d'attachement réciproque, et que les premières reconnaissent leurs camarades après un intervalle de plusieuss mois. Il n'est donc pas impossible que les lépidoptères, qui occupent sur l'échelle animaee une position à peu près égale à celle de ces insectes, possèdent des facultés mentaess suffisantes pour admirer les belles couleurs. Il reconnaissent certainement les fleurs à la couleur. Le Sphinx (oiseau-mouche) découvee à une grande distanee un bouquet de fleurs placé au milieu d'un vert feuillage, et deux de mes amis m'ont assuéé qu'ils ont vu à plusieuss reprises des phaènnes s'approcher des fleurs peintes sur les murs d'une chambee et essayer en vain d'y insérer leur tromp.. D'après Fritz Millier, certannes espèces de paplllons des parties méridionales du Brési) ont des préférences marquées pour certaines couleurs; il a remaqué que ces papilloss visitent très souvent les fleurs rouge brillant

Vesp.ee communeSplosoma menthrasti, chez laque.,eles mâles etles femelles sont blancs. M. Stainton a vu cette plalène rejetée avec dégoût par une couvée de jeunes dindons qui étaient d'ailleurs friands d'autres espèces; si la Cycnia se trouve donc habituellement confondue par les oiseaux avec )a SpUosomaa elle échappe à la destruction, sa couleur blanche constituant pour el/un grand avantage. 21. lîest à remarquer que, dans les iles Shetland, le mâle de cette phalène,

Nature, avril 1871, p.489, suggère qu'à l'époque de l'année où )'IIepialus humuli paraîtdansces îles septentrionales, les mâles n'ont pas besoin de devenir blancs

qu"uXVplcurlles PUiSS6nt l6S aperceV°ir pendant la nuil' qui n'estp,US

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de cinq ou six genres de plantes, mais qu'ils ne visitent jamass les fleurs blanchss où jaunes d'autres espèces des mêmes genres ou de genres différenss cultivéss dans le même jardin; j'ai reçu plusieurs confirmations de ce fait. M. Doubledyy affirme que le paplllon blanc commun s'abat souvent sur un morceuu de papier blanc gisant sur le sol, le prenatt sans doute pour un de ses semblables. M. Col-lingwoo"" aremarqué que, dans l'archipel Malais, où ilestsi difficile de capturer certains paplloons, il suffit de pique,, bien en évU dence sur une branche, un individu mort, pour arrêter dans son vol étourdi un insecte de la même espèce, et pour l'amenrr à portée du filet, surtout s'il appartient au sexe opposé.

La cour que se font les paplllons est, comme nous l'avons déjà fait remarqu,r, une affaire de longue halein.. Les mâles se livrent quelquefois de curieux combats, et on en voit plusieuss poursuivre une même femelle et s'empresser autour d'elle. Si donc les femelles n n'ont pas de préférence pour tel ou tel mâle, l'accouplement n'est plus qu'une affaire de pur hasard, ce qui ne me paraît pas probable. Si, au contraire, les femelles choisissent habituellement ou même accidentellement les plus beaux mâles, les couleurs de ces derniers ont dû devenrr graduellement de plus en plus brillantes, et tendent à se transmettre soit aux individus de l'un ét l'autre sexe, soit à un seul sexe, selon la loi d'hérédité qui a prévau.. En outre, l'aciion de la sélection sexuelle aura été facilttée de beaucoup et devient plus intelligible, si on peut se fier aux conclusioss qui résultent dés preuves de différenee natuee que nous avons présentées dans le supplément au neuvième chapitre; c'est-à-dire que le nombee des màles à l'état de chrysalide, au moins chez un grand nombre de lépidoptères, excède de beaucoup celui des femelles.

Il est cependant quelquss faits qui ne concordent pas avec l'opinion que les paplllons femelles choissssent les plus beaux mâles; ains,, plusieuss observateurs m'ont assuéé qu'on rencontre souvent des femelies fraîchement écloses. accouplées avec des mâles délabrés, fanés ou décolorés, mais c'est là une circonstance qui résulte presque nécessairement du fait que les mâles sortent du cocon plus tôt que les femelles. Chez les lépidoptères de la famille des Bom-bycidés, les sexes s'accouplent aussitôt après leur soriie de la chrysalide, car la condiiion rudimentaire de leur bouche s'oppoee à ce qu'ils puissent se nourrir. Les femelles, comme plusieurs entomologistes me l'ont fait remarquer, restent dans un état voisin dela torpeu,, et ne paraissenr exercer aucun choix parmi.ses mâle..

22. Rambles oy a Naturalist in the Chinese Seas, 1868, p. 182.

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C'est le cas du ver àsoie ordinaire (Rombyxmori), comme me l'ont appris des é)eveurs du continent etde l'Angleterre. Le docteur Wal-lace, qui a une longue expérience de t'étevage du B. cynthia, assuee que les femelles ne font aucun choix et ne manifestent pas de préférence.. Il a élevé environ 300 de ces insectes dans un môme local, et il a souvent constaéé que les femelles les plus vigoureuses s'accouplent avec des maies rabougris. Le contraire paratt se présenter rarement; les mâles les plus vigoureux dédaignent les femelles faibles et s'adressent de préférence à celles qui sont douées de plus de vitalité. Néanmonss les bombycddés, bien qu'affectant des couleurs ..obscures, n'en sont pas moins beaux, grâee à leurs teintes élégantes admirablement fondue..

Jusquàà présent je ne me suis occupé que des espèces dont les mâles sont plus brillamment colorés que les femelles, et j'ai attribué leur beauté au fait que les femelles, pendant de nombreuses généraiion,, ont choisi les mâles les plus attrayants pour s'accoupler avec eux. Mais il arrive parfois, rarement il est vra,, que l'on rencontre des espèces chez lesquelles les femelles sont plus brillantes que les mâles; je crois, dans ce cas, que les mâles ont choisi les plus belles femelles et ce choix, exercé pendant de nombreuses générations, a contribué à augmenter leur beauté. Nous ne saurions dire pourquoi, clans les diverses classes d'animaux, les mâles de quelquss espèces ont choisi les plus belles femelles au lieu de se contenter de n'importe quelle femelle, règle généraee dans le règne anima;; mais si, contrairement à ce qui arrive d'ordinaire chez les lépidoptères, les femelles étaient beaucoup plus nombreuses que les mâles, il en résulterait que ces derniers choisiraient évidemment les plus belles femelles. M. Butler m'a montr,, au British museum, plusieurs espèces de Callidnjas où les femelles égalen,, surpassent môme le mâle en beauté; les femelles seules, en effet, ont les ailes bordées d'une frange cramoisie et orange tachetée de noir. Les mâles de ces espèces se ressemblent étroitement, ce qui prouve que, dans ce cas, les femelles ont subi des modifications; dans les cas, au contraire, où les mâles-sont plus brillants, ils ont été modifiés, et les femelles se ressemblent beaucoup.

On observ,, en Angleterre, quelquss cas analogues mais moins tranchés. Les femelles seules, chez deux espèces de Thecla, portent une tache pourpee ou orange sur leurs ailes antéreuures. Les Hip-parchia mâles et les femelles ne diffèrent pas beaucoup. Toutefois; le //. Janira femelle porte une tache brune remarquable sur les ailes et les femelles de quelques autres espèces affectent des couleuss plus brillantes que les mâles. En outre, les femelles du

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[Ciiap. ]I]                PAPILLONS ET PHALÈNES                           3St

Colias edusa et du C. hyaee portent des taches orangss ou jaunss sur le bord noir de l'aile, taches représentées chez les mâles par de petites bande;; le Pieris femelle porte sur les ailes antérieures des taches noires qui n'exsstent ordinairement pas chez le mâle. Presque toujouss le paplllon mâle supporte la femelle pendatt l'accouplement, mais, chez les espèces que nous venons de citer, c'est la femelle qui supporte le mâle; de sorte que le rôle que jouent les deux sexes est interverti, de même que leur beauté relative. Dans presque tout le règne anima,, les mâles jouent ordinairement le rôle le plus actif dans la cour que se font les animaux et la beauté des mâles semble avoir augmnnté tout justement parce que les femelles choisissent les individus les plus.attrayants; chez ces paplloons, au contraire, les femelles jouent le rôle le plus actif, ce qui explique qu'elles sont devenues les plus belles. M. Meldola, à qui j'emprunte les-faits qui précèdent, en arrive à la conclusion suivante : < Bien que je ne sois pas convaincu que l'aciion de la séleciion sexuelle ait contribué à la production des couleurs des insecte,, il est certain que ces faits viennent à l'appui de l'hypothèse de M. Darwin-. x

La variabilité peut seule déterminer l'action de la sélection sexuelle; il convient donc d'ajouter quelques mots à ce suje.. La coloration n'offre aucune difficulté; on pourrait, en effet, citer un nombee quelconque de lépidoptères très variables à ce point de vue. Un exemple suffira. M. Bates m'a montré toute une série de Papilio sesostris et P. childrenœ; chez cette dernière espèce, l'étendue dela tache verte, magnifiquement émaillée, qui décore les ailes antérieures, la grandeur de la tache blanche ainsi que la bande écarlaee des ailes postérieures varient beaucoup chez les mâles; de sorte qu'on peut constater une énorme différence entre les mâles qui sont les plus ornés et ceux qui le sont le moins. Le P. sesostris mâle, un superbe insecte, est cependant beaucoup moins beau que le P. childrenœ mâe.. La grandeur de ta tache verte sur les ailes antérieures et la présenee accidentelle d'une petite bande écarlate sur les ailes postérieures, tache empruntée à ce qu'il semble à la femelle, car la femelle, chez cette espèce, ainsi que chez d'autres appartenant au même groupe des ~Eneas, porte une bande de couleur, constituent aussi de légères variations chez le P. sesostris

23. Nature, 27 avril, 1871, p. DOS. Donzel, Soc. Entom. de France, 1837, p. 77, sur le vol des papillons pendant l'accouplement. Voir aussi M. G. Fraser, Nature, KJT1 1871> P- ^ s™ les différenees sexuelles de plusieurs papillons

an-

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mâle. 11 n'existe donc que des différences insensibles entre les P. sesoslris\cs plus brillants et les P. childrenœ qui le sont le moins; en outre, il est évident qu'en ce qui concerne la variabilité simple, il n'y auratt aucune difficulté à augmenter, à l'aide de la sélection et d'une manière permanen,e, la beauté de l'une ou de l'autre espèce. La variabitité, dans ce cas, ne porte que sur le sexe mâle, mais MM. Wallace et Bates ont démontré» qu'll existe d'autres espèces chez lesquelles les femelles sont très variables, tandss que les mâles restent presqee constants. J'aurai, dans un chapitre futur, l'occasion de démontrer que les taches splendides en forme d'yeux ou ocelles, qui décorent si fréquemment les ailes de beaucoup de lépidoptères, sont éminemment variables. Je puis ajouter que ces ocelles présentent une difficulté à l'hypothèse de la sélection sexuelle, car, bien qu'ils constituent pour nous un ornement, ils ne sont jamass présenss chez un sexe et complètement absenss chez l'autre; en outre, ils ne diffèrent jamass beaucoup chez les mâles et les femelles.. Il est impossbble, dans l'état actuel de la science, d'expliquer ce fait; mais, si l'on vient plus tard à prouvrr que la formaiion d'un ocelle provien,, par exemple, de quelquss modifications dans les tissus des ailes se produisant à une période très-précoce du développement, les lois de l'hérédité nous enseignent que ce changement se transmet aux deux sexes, bien qu'il n'atteigne toute sa perfection que chez un sexe seul.

En résum,, malgéé de sérieuses objeciion,, on peut conclure que la plupart des lépidoptères ornés de brillantes couleurs, doivent ces couleuss à la sélection sexuelle; il faut excepter certaines espèces qui semblent avoir acquis une coloration très apparente comme moyen de protection ; nous en parlerons plus loin. L'ardeur du mâle, et cela est vrai pour tout le règne anima,, le porte généralement à accepter volontiers une femelle quelle qu'elle soit, c'est donc habituellement celle-ci qui exerce un choix. En conséquence, si la sélection sexuelee a contribué dans une mesure quelconque à la création de ces ornements, les mâles, au cas de différences entre les deux sexes, doivent être les plus richement colorés; or, c'est incontestablement la règle générale. Lorsque les mâles et les femelles se ressemblent et sont aussi brillants l'un que l'autre, les

24. Wallace, sur les Papilionides de l'archipel Malais. (TV™. Linn. Soc, vol. XXV, 1865, p. 8, 36), cite un cas frappant d'une variété rare rigoureusement intermédiaireentre deux autres variétés femelles bien tranchées. Voir M. Bâtes.Proc. Enlom.Soc, 19 nov. 1866, p. xl.

25. M. Baies a bien voulu 'soumettre cette quesiion à la Société d'Entomologie, et j'ai reçu des réponses concluantes de plusieuss entomologistes-.

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[Chap. XI]                 PAPILLONS ET PHALENES                       353

caractères acquss par les mâles parasssent avoir été transmis aux femelles. Des cas de gradations insensibles, dans les limites mêmes d'un seul genre, entre des différences extraordinaires de coloratinn chez le mâle et la femelle et une identité complète sous ce rapport, nous conduisent à cette conclusion.                            .            P

Mais ne peut-on expliqurr autrement que par la sélection sexuelee ces différences de coloration?

On sait que les mâles et les femelles d'une même espèce de papillons fréqunntent, dans certains cas», des stations différentes; les premiers aiment à se baigner pour ainsi dire dans les rayons du soleil, les secondes affectionnent les forêts les plus sombres. Il est donc possible que ces condiiions d'exsstence si différentes aient exercé une action direcee sur les mâles et les femelles; mais cela est peu probable », car ils ne sont ainsi exposés à des conditioss différentes que pendant leur état adutte dont la durée est très courte; les conditiossde leur existenc,, à l'étatde larve, étantpour tous deux les mêmes. M. Wallace attribue la différence qu'on observe entre les mâles et les femelles, non pas tant à une modification des mâles qu'à l'acquitition par les femelles, dans presque tous les cas, de couleuss ternes comme moyen de protection. Il me semble plus probable, au contraire, que, dans la majorité des cas, les mâles seuls ont acquis leurs vives couleuss grâce à la sélection sexuelle et que les femelles n'ont subi presque aucune modification. Ceci nous explique pourquoi les femelles d'espècss distinctes mais voisines se ressemblent beaucopp plus que ne le font les mâles. Les femelles ont donc conserv,, dans une certaine mesure, la coloraiion primitive de l'espèce parenee du groupe auqull elles appatiennent. Toutefoss elles n'en ont pas moins subi certaines modifications, car quelques-unes des variations successives, dont l'accumulation a embelii les mâles, doivent leur avoir été transmises. J'admets cependant que les femelles seules de certaines espèces ont pu se modifier comme moyen de protection. Les mâles et les femelles d'espècss voisines mais distinctes ont dû, généralement auss,, se trouvrr exposé,, pendant la longue durée de leur existence à l'état de larve, .à des conditioss différentes qui ont pu les affecter; mais, chez les mâles, un léger changement de coloration provenant d'une semblabee cause doit disparaître le plus souvent sous les nuancss brillantes détermnnées par l'action de la

i 26. H.-W. B^es, Naturalist on the Aurons, vol. II, 1863, p. 228. A.-R. Wat-

3.€^iiS^"' ^V ^riation des animaux,etc-vo1- "'

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354                      LA DESCENDANCE DE L'HOMEE           [Ile Partie]

séleciion sexuelle. J'aurai à discuter dans son ensemble, en tratant des oiseaux, la quesiion de savorr si les différences de coloration qui existent entre les mâles et les femelles provennnent de ce que les mâles ont été modifiés par la sélection sexuelie dans le but d'acquérir de nouveaux ornements, ou de ce que les femelles l'ont été par la séleciion naturelle dans un but de protection; je me bornerai donc ici à présenter quelquss remarques.

Dans tous les cas où prévaut la forme la plus commune de l'hérédité égale chez les deux sexes, la sélection des mâles brillamment colorés tend à produire des femelles d'égale beauté; d'autre par,, la séleciion des femelles revêtues de teintes sombres tend à la production de mâles revêtus aussi de teintes sombres. Les deux sélections appiiquées simultanément tendent donc à se neu-traliser; le résultal final dépend, en conséquence, des individus qui laissent le plus grand nombee.de descendants, soit les femelles, parce qu'elles sont mieux protégées par des teintes obscure,, soit les mâles, parce que leurs couleurs-brillantes leur procurent un plus grand nombre de femelles.

M. Wallace, pour expliquer la fréquenee transmission des caractères à un seul sexe, croit pouvorr affirmer que la sélect.on naturelle peut substituer à la forme la plus commune de l'égale hérédité par les deux sexes l'hérédité portant sur un sexe seul; mais je ne peux découvrir aucun témoignage en faveur de cette hypothèse. Nous savon,, d'après ce qui se passe chez les animaux réduits en domesticité, que des caractères nouveaux parasssent souvent qu,, dès l'abord, sont transmis à un sexe seul. La séleciion de semblables variations permettrait évidemment de donner des couleuss brillantes aux mâles seuls et, en même temps ou subséquemment, des couleuss sombres aux femelles seules. Il est probable que les femelles de certains paplllons et de certaines phaèènes ont de cette façon acqus,, dans un but de protection, des couleuss sombres, bien différentes de celles des mAles.

Je suis d'alleuurs peu disposé a. admettre, en l'absenee de preuves directes, qu'une double sélectio,, dont chacune exige la tranmission de nouveaxx caractères à un sexe seul, ait pu se produire chez un grand nombee d'espèces, c'est-à-dire que les mâles soient devenus toujouss plus brilaants parce qu'ils l'emportent sur leurs rivaux, et les femelles toujouss plus sombres parce qu'eless échappent àleuss ennemis. Le mâle du papillon jaune commun (GoHep<e-ryx), par exemple, est d'un jaune beaucoup plus intense que la femelle, bien que celle-ci soit presque aussi apparente ; on ne peut donc guère admettre, dans ce cas, que la femelle ait revêtu.ses

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couleuss claires comme moyen de protection; tandss qu'il est très probabee que le mâle ait acquss ses brillantes couleuss comme moyen d'attraction sexuelle. La femelle de YAnthocAariscardamines, privée des superbss taches orangéss qui décorent les pointes des ailes du mâle, ressembee beaucoup, par conséquent, aux papillons blancs (Pieris) si communs dans nos jardins; mais nous n'avons aucune preuve que cette ressemblance lui procuee un avantage. Au contraire, comme elle ressembee aux mâles et aux femelles de plusieurs espèces du même genre répandues dans diverses parties du monde, il est plus probabee qu'elle a simplement conservé dans une large mesure ses couleuss primitives.

En résumé, diverses considérations nous amènent à concluee que, chez le plus grand nombre de lépidoptères àcouleuss éclatantes, c'est le mâle qui a été principalement modifié par la sélection sexuelle; l'étendee des différences qui existent entre les sexes dépend de la forme d'hérédité qui a prévalu. Tant de lois et de conditions inconnuss régissent l'hérédité, qu'elle nous paratt caprcieuse à l'excès dans son action »; il est, cependant, facile de comprendee comment il se fait que, chez des espèces très voisine,, les mâles et les femelles diffèren, chez les unes à un degré étonnant, tandss que chez les autres ils ont une coloratinn identique. L'ensembee dé toutes les modfiications successives constituant une variation se transmet ordinairement par l'entremise de. la femelle, un nombee plus ou moins grand de ces modifications peut donc facilement se développrr chez elle; c'est ce qui nous explique que, dans un même group,, nous observons de nombreuses gradations entre des espèces chez lesqueless tes mâles et les femelles présentent des différences considérables, et d'autres espèces chez lesquellss ils se ressemblent absolument. Ces gradations sont beaucoup trop communss pour qu'on puisse supposer que les femelles sont dans un état de transition et en train de perdre leur éclat dans le but de se protéger, car nous avons toute raison de conclure qu'à un moment quelconqee la plupatt des espècss sont dans un état fixe.

Imitation. - M. Bates, le premier, dans un remarquable mémoire-, a exposé et expliqué ce princppe; il a ainsi jeté une grande lumière sur beaucoup de problèmss obscurs. On avatt observé antérieurement que certains papillons de l'Amérique du

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356                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile PAlmE]

Sud, appartenant à des famlless entièrement distinctes, avaient acquis toutes les raies et toutes les nuances des Héliconidés et leur ressemblaient si complètement qu'un entomooogiste expérimenté pouvatt seul les distinguer les uns des autre.. Les Héliconidés conservent la coloration qui leur est habituel,e, tandss que les autres s'écartent de la- coloration ordinaire des groupss auxquels ils appartiennent; il est donc évident que ces derniers sont les imitateurs. M. Bates observa, en outre, que les espèces imitatrices sont comparativement rares, tandss que les espèces imitées pullulent à l'excè;; les deux formes se mêlent ensembe.. Le fait que les Héliconidés sont si nombrexx comme individss et comme espèces, bien qu'ils soient très beaux et très apparents, l'amena à concluee que quelque sécrétion ou quelque odeur devatt les protégrr contre les attaques des oiseaux; hypothèse confirmée depuis par semble considérable de preuvss curieuses fournies surtout par M. Belf. Ces considérations ont condutt M. Bates à penser que les papillons qui imitent l'espèce protégée, ont acquis, grâce à la varaation et à la sé!ect)on naturelle, leur apparence actuelee si étonnamment trompeuse, dans Je but de se confondee avec l'espèce protégée et d'échapper ainsi au dange.. Nous n'esaayons pas ici d'expliquer les couleuss brllaantes des paplllons imité,, mais seulement celles des imitateurs. Nous nous bornons à attribuer les couleuss des premeers aux mêmes causes généraess que dans les cas antéreuurement discutés dans ce chapitre. Depuis la publication du mémoire de M. Bâtes, M. WaHlacd dans tes îles de la Ma.aisie, M. Tnmen dans l'Afrique Austraee et M. Riley aux États-Un,s, ont observé des faits analogues et tout aussi surprenants".

Quelques savanss hésitent à croire que la séleciion naturelle ait .pu déterminer les premières variations qui ont permss une semblab)e imitation 11 est donc utile de faire remarquer que probablement ces imitations se sont produites il y a longtemss entre des formes dont la couleur n'étatt pas très dissemblab.e. Dans ce cas, unevariationmêmetrèslégèreadûêtreavantageusesielletendattà rendee une des espèces plus semblabee à l'autre; si, plus tard, la séleci.on sexuelle ou d'autres causes ont amené de profondss modifications chez l'espèee imitée, la forme imitatrice a dû entrer fa-

.f.Proc.Ent.Soc, Dec. 1866, „ x,v.

31. \Vallace, Trans. Limi. Soc. vol X__., _„_, ,.. . vol. IV.J. série, 1867, p. 301. Trimen, Linn. Transàcvol XXVI, 1869, p. 49^

iagerer l'importance de ce dernier mémoire, où S toutes les objections élevées contre la théorie de M. Bâtes.

Hiley, Third annual report o~ the noxious insecti^is^i^ . 163-1688

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[Chap. XI]                 PAPILLONS ET PHALÈNES                          3o7

cilement dans la même voie, à condiiion que les modfiications fussent graduelles, et elle a dû finir ainsi par se modifier de telle façon qu'elle a acquis une apparence et une coloratinn toutes différentes de celles des autres membres du groupe auqull elle appartient. Il faut aussi se rappeler que beaucoup de Lépidoptères sont sujets à de brusquss et considérables variations de couleu.. Nous en avons cité quelquss exemples dans ce chapitre; mais il convien,, à ce point de vue, de consulter les mémorres originaux de M. Bates et de M. Wallace.

Chez plusieuss espèces, les individus mâles et femelles se ressemblent et imitent les deux sexes d'une autre espèce. Mais, dans le mémoire auquel nous avons fait allusion, M. Trimen cite trois cas extraordinaires : les mâles, de l'espèce imitée ont une coloration différenee de celle des femelles, et les sexes de la forme imitatrice diffèrent de la même manière. On connatt aussi plusieuss cas où les femelles seules imitent des espèces protégées et brillamment colorée,, tandss que les mâles conservent la coloration propee à l'espèce à laquelee ils appartiennent. Il est évident, dans ce cas, que les variations successives qui ont permss à la femelle de se modffier ont été transmises à elle seule. Toutefois il est probable que certaines de ces nombreuses variations successives ont dû être transmises aux mâles et se seraient développées chez eux si ces mâles modfiiés n'avaient pas été éliminss par le fait même que ces variations les rendent moins attrayants; il en résutte que les variations seules strictement limttées aux femelles ont été conservées. Un fait observé par M. Bett~ confirme ces remarques dans une certaine mesure. ll a remarqué, en effet, que certains leptalides mâles, qui imitent des espèces protégées, n'en conservent pas moins quelques-uns de leurs caractères originaux, qu'ils ont soin, d'alleeurs, de cache.. Ainsi, chez les mâles, « la moit'é supérieuee de l'aile inférieuee est blanc pur, tandss que tout le reste des ailes est barré et tacheéé de noir, de rouge et de jaune, comme celles des espèces qu'ils imiten.., Les femelles ne possèdent pas cette tache blanche que les mâles dissimulent ordinairement en la recouvrant avec l'aile supéreeure; cette tache leur est donc absolument inutile, ou tout au moins ne peut leur servrr que quand ils courtisent les femelle,, ils la leur montrent alors pour satisfaire la préférence qu'elles doivent certainement éprouvrr pour la. couleur normale de l'ordee auquel appartienntnt les leptalides ».

Couleuss brillantes des CAenilles.-La beauéé de beaucoup de V.TteNaturaUstinNicara^lSU.p.ZSô.

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358                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IL Par™

paplllons m'amena à réfléchrr sur les splendides couleuss de certaines chenllees. Dans ce cas, la sélection sexuelle ne pouvatt avoir joué aucun rôle; il me parut donc téméraire d'attribuer la beauéé de l'insecee parfait a cette influence, à moins de pouvorr expliquer de façon satisfaisante les vives couleuss de la larve. En premier lieu, on peut observrr que les couleuss des chenlless n'ont aucun rappott intime avec celles de l'insecte parfait; secondement, que les brillantes couleuss des chenilles ne semblent pas pouvorr être un moyen ordinaire de protection. A l'appui de cette remarque, M. Bates m'apprend que la chenille la plus apparente quill ait jamais vue (celle d'un Sphinx) vit sur les grandes feuilles verles d'un arbre dans les immenses plaines de l'Amérique du Sud; elle a 10 centimètres de longueu;; elle est rayée tranvversalement denoir et de jaune, et elle a la tète, les pattes et la queue rouge vif. Aussi, attire-t-elle l'attention de quiconqee passe à une distance de quelquss mètres et doit-elee être remarquée par tous les oiseaux.

Je consultai M. Wallace, qui semble avorr un génie inné pour résoudee les difficulté.. Après quelques réflexion,, il me répondit: « La plupatt des chenllles ont besoin de protection, cela semble résulter du fait que quelquss espèces sont armées d'aiguillons ou de poils dont le contatt cause une inflammation; que d'autres sont colorées en vert comme les feuilles qui servent à leur alimentation, et que d'autres, enfin, affectent la couleur des petites branches des arbres sur lesquelles elles viven.. » M. J. Mansel Weale me signale un autre cas de protection : une chenllle de l'Afrique australe, vivant sur le mimosa, fabrique pour l'habiter une gaine qu'il est impossible de distinguer des épines avoisinantes. Ces diverses considérations ont porté M. Wallace à penser que les chenllles à belles couleuss sont protégées par leur goût nauséabond; mais leur peau est extrêmement tendre et leurs intestiss sortent aisément par la blessure, une légère piqûee faite par le bec d'un oiseau leur seratt donc fatale. En conséqunnce, selon M. Wallac,, t un mauvais goût seratt insuffisant pour protéger la chenille, si quelque signe extérieur n'avertissait son ennemi qu'elle ne feratt qu'une détestable bouchee ». Dans ces circonstances, il est extrêmement avantageux pour la chenille que tous les oiseaux et que les autres animaxx reconnaissent immédaatement qu'elee n'est pas bonne à mange.. Telle pourrait être l'utilité de ces vives couleurs, qui, acquises par variation, ont contribéé à permettre la survivance des individus les plus facilemntt reconnaissables.

Cette hypohhèse paraît, à première vue, très-hardie; cependant

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[Chapp XI] RESUME ET CONCLUSIONS SUR LES INSECTES         359

les membres de la Société.d'entomologie» apportèrent diverses preuvss à l'appui. M. J. Jenner Weir, notamment, qui élève un grand nombee d'oiseaux dans sa volière, a fait de nombreuses expériences à cet égard, et il n'a remarqué aucune exception à la règle suivanee : les oiseaux dévorent avec avidtté toutes les chenilles nocturnes à habitudes retiréss et à peau lisse, qui sont vertes comme les feuilles, ou qui imitent les rameaux; ils repoussent, au contraire, toutes les espèces épineuses et velue,, de même que quatre espèces aux couleuss voyantes. Lorsque les oiseaux rejettent une chenllle, ils secouent la tète et se nettoient le bec, preuve évidenee que le goût de cette chenllee leur répugne.. M. A. Butler a offert à des lézards et à des grenoullles, très friands de chenilles, des individus appartentnt à trois espèces très brillantes; il les rejetèrent immédiatement. Ces observations confirment l'hypothèse de M. Wallace, c'est-à-dire que certaines chenllles, en vue de leur propre sécurité, ont acquss des couleuss très-apparentes, de façon à être facilemntt reconnuss par leurs ennemis, de même que les droguistes vendent certains poisons dans des boutelless colorées en vue de la sécurité pubiiqu.. Toutefois nous ne pouvons pas à présent attriburr à ces causes t'étéganee diversité que l'on remarque dans les couleuss de beaucoup de chenllles; mais une espèce qui, a une période antéreeure, auratt acquis des raies ou des taches plus ou moins sombre,, soit pour imiter les objets environnants, soit comme conséquence de l'action direcee du climat, etc,, ne' prendrait certainement pas une couleur uniforme quand ces couleurs deviendraient plus brillantes; en effet, la sélection n'aurait à intervnnir dans aucune directinn définie s'il s'agissait seulement de rendee une chenllle plus brlllante.

Résumé et conclusions sur les Insectes. - Jetons un coup d'œil en arrière sur les divers ordres d'insectes. Nous avons vu que les caractères des mâles et des femelles diffèrent souvent sans que nous puissions nous expliqurr la signfiication de ces différence.. Les organes des sens ou de la locomotion se sont modffiés dé façoh que les m&les puissent découvrir rapidement les femelles et les

' - '-------.....* —» '—m- ^nt pourvus de divers

lie

appareils qui leur permettent de mainteni

la femelle lorsqu'ell

5 148 Le i' WallaceetM. H. /orville, Zoologie* Report, 1869, p. 349, citent Quelques cas opposés.

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360                 ^ LA-DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Partie]

est en leur pouvoir. Toutefois ce ne sont pas les différences sexuelles de cette natuee qui ont pour nous le plus grand intérê..

Presque tous les ordres comptent au nombre de leurs membres des mâles, appartenant même à des espèces faibles et délicates, qui sont très belliqueux; quelques-uns sont pourvus d'armes destinées à combattre leurs rivaux. La loi du combat n'est cependant pas aussi généraee chez les insectes que chez les animaux supérieurs, aussi les mâles ne sont-ils pas souvent plus forts et plus grands que les femelles. Ils sont au contraire ordinairement plus petits, ce qui leur permet de se développrr dans un laps de temps moins prolongé et de se trouvrr prêss en grand nombre lors de l'éclosion des femelles.

Dans deux famlless d'IIomoptères et dans trois familles d'Orthoptères, les mâles seuls possèdent A l'état actif des organes, qu'on peut qualifier de vocaux. Ces organss sont constamment en usage pendant la saison des amours, non seulement pour appeler les femelles, mais probablement aussi pour les sédurre. Quiconque admet l'action de la sélection doit admettre aussi que la séleciion sexuelle a amené la production de ces appareils musicaux. Dans quatre aurres ordre,, les individss appartenant à un sexe, ou plus ordinairement les mâles et les femelle,, sont pourvss d'organes aptes à produire divers sons qu,, selon toute apparence, ne sont que des notes d'appel. Alors même que les mâles et les femelles possèdent ces organes, les individss aptes à faire le brutt le plus fort et le plus continu doivent trouvrr à s'accoupler avant ceux qui sont moins bruyants, de sorte que, dans ce cas auss,, la séleciion sexuelee a dû probablement détermnner la formation de ces organes. Il est instructil de songer à l'étonnante diversité des moyens que possèdent, pour produire des sons, les mâles seuls ou les mâles et les femelles de six ordres au moins. Ces divers faits nous permettent de comprendre quelle influence a dû exercer la sélection sexuelle pour détermnner des modffications de conformation

î'oUrsaniszat!onHomOPtèreS' P0rl6nt "" ^ *"*s ^^ de Vesfaiîsdgnaéss dans le dernier chapitre nous autorisent à conclure que les cornes développées chez beaucoup de Lamellicornes mâles et chez quelquss autres coléoptères mâles constituent de simples ornements. La petitesse des insectes nous empêch,, dans une certaine mesure, d'apprécier à sa juste valeur leur étonnante construction. Le Chalcosoma mâle (/lg. 16, p. 325), avec sa cotte de mallles polie et bronzée, et ses grandss cornes complexes, amené aux dimensioss d'un cheval ou seulement d'un chien, constituerait

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[Chap. XI] RESUME ET CONCLUSIONS SUR LES INSECTES          m

certainement un des animaux les plus remarquables du monde.

La coloration des insectes est une question compiiquee et obscure. Lorsque le mâle diffère à peine de la femelle, et que ni l'un ni l'autre ne sont brillamment colorés, on peut concluee que les" mâles et les femelles ontvarié d'une façon à peu-près analogue, et que les variations se sont transmises au même sexe, sans qu'il en soit résulté ni avantage ni dommage pour l'individu. Lorsque le mâle affecte une brillanee coloration et diffère considérablement de la femelle, comme chez quelquss libellulss et chez un grand nombre de paplllons, il faut probablement attrbbuer ses couleurs à la sélection sexuele;; tandss que la femelle a consevéé un type primtif ou très ancien de coloration, légèrement modifié par les influences que notis avons indiquées. Mais quelquefois la femelle seule a acquss des couleurs ternes comme moyen de protection, de même que parfois elle a acquis une riche coloration, de façon à imiter d'autres espèces favorisées habitant la même locaiité. Lorsque les mâles et les femelles se ressemblent et affectent des teintes sombre,, on peut affirmer que, dans une foule de cas, ils ont acquis des teintes de cette natuee en vue de se soustraire au dange.. Il en est de même pour ceux qui revêtent de vives couleurs, lesquelles les font ressembler à des objets environnants, tels que des fleurs, ou à d'autres espèces protégées, ou qui les protègent indirectement en indiquant à leurs ennemis qu'ils ne sont pas agréables au goû.. Dans beaucoup d'autres cas où les mâles et les femelles se ressembeent et affectent d'éclatantes couleurs, surtout lorsque celles-ci sont disposées pour l'étalage, on peut conclure qu'ellss ont été acquises par le mâle pour plaire à la femelle à laquelle elles ont ensuite été transmis.s. Cette hypothèse devient évidenee lorsqu'un même type de coloratinn prévaut dans un groupe et que, chez quelques espèces, la coloratinn des mâles diffère beaucoup de celle des femelles, tandss que chez d'autres espèces la coloration des mâles et des femelles reste la même; deux états extrêmss que relient entre eux des gradations intermédiaires.

De même que les mâles ont souvent transmis leurs couleuss brillantes aux femelles, de même aussi plusieuss lamellicornes et d'autres coléoptères mâles leur ont transmrs leurs cornes extraordinaires. De même encore les organes vocaux ou instrumentaux propres aux Homoptères et aux Orthoptères mâles ont généralement été transmss aux femelles à l'état rudimentaire, quelquefols même à l'état presqee parfait, bien qu'eless ne puissent produire des sons. Il est aussi à remarquer, car ce fait a une importanee considérable pour la sélection sexuelle, que les organss

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362                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

destinés à produire les sons stridents, ne se développent complètement chez quelquss Orthoptères mâles qu'à la dernière mue; et que, chez les libellulss mâles, les couleuss ne s'épanouissent que quelque temps après qu'ils sont sortis de la chrysalide, et qu'lls sont prêts à reproduire.

La sélection sexuelee impiique que les individus appartenant à un sexe recherchent et préfèrent les individus les plus beaux appartenant au sexe opposé. Or, chez les insecte,, lorsque le mâle ne ressemble pas à la femelle, c'es,, à de rares exceptions près, le mâle qui est le plus orné, et s'écaree ]e plus du type de l'espèc;; en outre, les mâles cherchent les femelles avec plus d'ardeur; nous avons donc tout lieu de supposrr que les femelles choisissent, habituellement oou l'occasion, les mâles les plus beaux, etque cechoix est ia cause principale des brillanss ornemnnts de ces derniers. Les mâlespossèdent des organes nombreux et singuliers, fortes mâchores, coussins adhérents, épines, jambesallongées, etc.p propres à saisir la femelle, ce qui nous autorise à concluee que l'accouplement présenee certaines difficultés et nous autorise à croire que, dans presque tous les ordre,, la femelle peut repousser le mâle et doit être partie consentante à l'accouplement. La perspicacité dont sont doués les insectes et l'affection dont ils sont susceptibles les uns pour les autres nous permettent de penser que la sélection sexuelee a joué chez eux un rôle considérable, mais nous n'en avons pas encore la preuve directe, et quelquss faits semblent contraires à cette hypothèse. Néanmoins, lorsque nous voyons un grand nombre de mâles poursuivre une même femelle, nous ne pouvons admettre que l'accouplementtoit abandnnéé au simple hasard, que la femelle n'exerce aucun choix et ne se laisse pas influencer par les somptueuses couleuss ou les autres ornemenss dont le mâle a seul l'apa-

^Si nous admettons que les Homoptères et les Orthoptères femelles appréceent les sons musicaux que font entendee les mâles, et que la séleciion sexuelee a perfectinnéé les divers organss qui les produisen,, il est très probable que d'autres insectes femelies apprécient aussi la beauté des formes et des couleur,, et que, par conséquent, les mâles ont acquis ces qualités pour leur plaire. Mais ia coloration est chose si variable, et elle a subi de si nombreuses modffications afm de devenir un agentprotecteurpourl'animal, qu'il est extrêmement difficile de déterminer quelle est la proportion des cas où la sélection sexuelle a pu jouer un rôle. Cela est suriout difficile chez les Orthoptères, les Hyménoptères et les Coléoptères, ordres chez lesquess les mâles et les femelles affectent à peu près la

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[Chapp XI] RESUME ET CONCLUSIONS SUR LES INSECTES        363

même cou)eur, fait qui nous prive de la meilleuee preuve que nous puissoons invoque.. Toutefois, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, nous observoss parfoss dans le groupe considérable des Lamellicornes, que quelquss savanss placent à la tête de l'ordee des Coléoptères, des preuvss d'attachement mutuel entre les sexes ; or, nous trouvoss aussi chez quelquss espèces de ce groupe des mâles pourvus d'armss pour la lutte sexuelle, d'autres munis de grandss et belles cornes ou d'organss propres à produire des sons stridents, d'autres enfin ornés de splendides teintes métalliques. Il est donc probable que tous ces caractères ont été acquss par le même moyen, c'est-à-dire par la sélection sexuele.. Les paplloons nous offrent une preuve plus directe à cet égard; les màles, en effet s'efforcent parfois d'étaler leurs magnifiques couleurs, et il est d.facile de croire qu'ils prendraient cette peine si l'étalage de leurs charmss ne les aidatt pas à séduire les femelles.

Lorsque nous étudierons les oiseaux, nous verrons qu'ils présentent une très grande analogee avec les insectes au point de vue des caractères sexuels secondaires. Ainsi, beaucopp d'oiseaum mâles sont belliqueux à l'excè,, et pourvus d'armss spécialement destinées à la lutte avec leurs rivaux. Ils possèdent des organss propres à produire, lors de la période des amours, de la musique vocare et instrumentale. Ils sont souvent décorés de crête,, d'appendices, de caronuules, des plumes les plus diverses, et enrichss des plus belles couleur,, tout cela évidemment pour en faire parad.. Nous aurons à constater que, comme chez les insectes, les mâles et les femelles de certains groupss sont également beaux, et également revêtus des ornemenss propres d'ordinaire au mâle. Dans d'autres groupes, les mâles et les femelles sont également simples et dépouvvus de toute ornementation. Enfin, dans quelques cas anormaux, les femelles sont plus belles que les mâles. Nous aurons à remarquer fréquemment, dans un même groupe d'oiseaux, toutes les gradations depuis l'identité la plus absolue jusquàà une différence extrême entre les mâles et les femelles. Dans ce dernier cas, nous verrons que, comme chez les insectes, les femelles conservent souvent des traces plus ou moins nettes ou des rudimenss de caractères qui appa-tiennent habituellement aux mâles. Toutes ces analogies qu,, à divers égard,, se remarquent entre les oiseaux et les insectes sont même singulièrement étroites; auss,, de quelque manière que l'on explique ces faits dans l'une des classes, celte expiication s'applique probablement à l'autre, et, comme nous chercherons à le démontrer plus loin, cette explication peu,, presque certainement, se résumrr un seul mot : la sélection sexuelle.

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364

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Pabtie]

CHAPITRE XII

CARACTERES SEXUELS SECONDAIRES DES POISSONS, DES AMPHIBIES ET DES REPTILES

tres caractère, ClranSe.. - Couleurs cl ornements qu'acquièrent les mâles EeES'eglte"^

rcor,r.nir,l,v=:;.r,,^zïi:»iSa.rir^r^

Chéloniens. - Crocodiles. -Serpents, couleursÉ protectrices dans quelques

Abordons maineenant le grand sous-règee des Vertébrés, en commençant par l'étude de la classe inférieure, celle des poisson.. Les Ptagiostomes (Requins, Raies) et les Chiméroïdes males possèdent divers organes qui leur permettent de retenrr la femelle, organes analogues à ceux que nous avons observés chez tant d'anmaux inférueurs. Outre ces organe,, beaucopp de raies mâlss portent sur aa tête des touffes de forts piquants acérés, et plusieuss rangées de ces mêmes piquants sur « la surface externe supérieure des nageoires pectorales ». Ces piquanss existent chez les mâles de certaines espèces, qui ont le reste du corps entièrement lisse. Us se développent de façon temporaire, pendant la saison des amouss seulement; le docteur Günther affirme quilss servent d'organes prenants, l'animal se repliant sur lui-même de façon à former une espèce de cercle. Il est à remarquer que, chez quelques espèces, telles que la Raia clavata, c'est la femelle et non le mâle qui a le dos parsemé de gros piquants recourbés en crochets'.

Les mâles seuls du Mallotus villosus sont pourvus d'écalllés très rapprochées ressemblant un peu àune bross,, qui permettent à deux mâles de maintenir la femelle en se plaçant â ses côtés pendant qu'elle passe avec une grande rapidité sur les bancs de sable où elle dépose ses œufs.. Le Monacanthus scopas, espèce très distincte, présenee une conformation à peu près analogue. Le docteur Günther m'apprend que ce poisson porte aux deux côtés de la

1. Yarrel, IHst. of BrUiUhFUh», vol. II, 1836,p. 417,425,436. Ledocteur Gunther m'apprend que chez la R. Clavata les femelles portent seules des piquants

2.  The American naturalisa avril 1871, p. 119. P :                      P q

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[Chap. XII]                            POISSONS                                       365

queue une touffe de poils droits et résistants comme ceux d'un peigne, qui, chez un individu ayant d5 centimètres de long, atteignaient environ 4 centimètres de longueu;; ]a femelle porte à la même place une touffe de soie que l'on pourrait comparer à celles d'une brosse à dents. Chez une autre espèce, le M. ~eronii, le mâle est pourvu d'une brosse qui ressembee à celle de la femelle de l'espèce précédente, tandss que les côtés de la queue de la femelle restent lisses. Chez quelquss autres espèces du même genre, la queue est un peu rugueuse chez le mâle et parfaitement lisse chez la femelle; enfin, chez d'autres espèces, la queue chez les mâles et chez les femelles et parfaitement lisse.

Beaucopp de poissons mâles se livrent des combass acharnés pour s'emparer des femelles. Ains,, on assuee que l'Épinoche mâle (Gas<eros<eus leiurus) devient < fou de joie » lorsque la femelle sort de sa cachetee pour examiner le nid quiil a construit à son intention. « Il va et vient autour d'elle, retourne au dépôt des matériaux accumulés pour le nid, puis revien,, et si elle n'avanee pas, il cherche à l'entraîner vers le nid en la poussant avec son museau, ou en la tirant par la queue ou par l'épine qu'elle porte sur le côté'. » Les mâles', polygamss dit-on, sont très hardis et très belliqueux, tandss que les femelles sont très pacfiiques. Les mâles se livrent quelquefois des combass acharnés; ils s'attachent fortement l'un à l'autre pendant quelquss instants, et se culbutett mutuellemnnt, jusquàà ce qu'ils aient épuisé leurs forces. Les G. tra-churus mâles, pendatt le comba,, tournent l'un autour de l'autre, et cherchent à se mordee et à se transpercer au moyen de leurs épines latérales redressées. Le même observateur ajoute5 : « La morsuee de ces petits poissons cause une blessuee très grave. Ils se servent aussi de leurs piquants latéraxx avec tant d'efficacité, que j'ai vu un de ces poissons qui, ayant été pendant la lutte complètement éventéé par son adversaire, tomba au fond et péri.. Lorsqu'un G. <rachurus est vaincu, son air hardi l'abandonne, ses vives couleurs disparaissent, et il va cacher sa honte parmi ses compagnons plus pacifiques, mais il reste pendant quelque temps l'objet constant des persécutions du vainqueur. »

Le saumon mâle a un caractère aussi belliqueux que le petit épinoch,, et, d'après le docteur Gunther, la truite mâle partage les mêmes dispositions. M. Shaw a observé deux saumons

3. Articles de M. R. Warington, Ann. and Mao. of Nal. Eût., Cet. 1852 et

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366                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partte]

mâles qui ont lutté l'un contre l'autre pendatt un jour entier; M. R. Buis,, surintendant des pècheries, m'apprend qu'll a souvent observ,, auprès du pont de Perth, les mâles chasser leurs rivaux pendant que les femelles frayaient. Les maies < se battent constamme,t, et se déchrrett l'un l'autre sur les bancs de

Fig. S7. - Tête de saumun commnn (Salmo salar) mâle pendant ta saison des amours. Ce dessin, ainii quetons ceux du chapitre précédent, ont été exécutés par l'artiste bien connu, M. G. Ford, sous la surveillance du docterr GUnther, et d'après des spécimens du British Muséum.

fra;; ils se font assez de mal pour qu'un grand nombre périssent, et qu'on les voie s'approcher des bords de la rivière épuisés et presque mouran.s»t. M. Buist ajoute que le gardenn de l'étang de reproduction de Stormontf.eld a trouv,, en juin 1868, dans la par-

6. The Field., 29 Juin 1867. Pour l'assertion de M. Shaw, Edinb. 1843. On autre observateur (Scrope, Daysof Salmon Fishinrj, p. 60) fa quer que le maie, comme le cerf, éloigne s'il peut tous les autres

6"0)faitrema,'

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[GUr.XII]                            POISSONS                                       367

tie septentrionale de la Tyne, environ 300 saumons morts, tous mâles à l'exception d'un seul; le gardien est persuadé quills ont tous péri à la suite de luttes acharnées. Le saumon mâle présente une conformation curieuee pendant la saison des amours : outre un léger changement de couleur, « la mâchoire inférieuee s'allonge, et l'extrémité se transforme en une espèce de crochet

Fig. 28. - Tête de saumnn femelle.

cartilagineux qui vient occupe,, )orsque les.mâchoires sont fermée,, une profonde cavité située entre les os intermaxillaires de la mâchoree supérieure'» (fig. 27 et 28). Cette modification ne perssste que pendatt la saison des amours chez le saumon europénn ; mais M. J. K. Lord~ assuee que, chez le S. lyeaodon du nord-ouest de l'Amérique, cette modiiication est permanente et nettement prono--

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368        .              LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Hee Partie]

cée chez les mâles plus Agés qui ont déjà remonéé les rivières. Les mâchoires de ces vieux mâles se transforment en de formidables crochets, et les dents deviennntt de véritables crocs, ayant souvent près de deux centimètres de longueu.. Che~z le saumon d'Europe, selon M. Lloyd, la conformation en crochet temporaire sert à fortifier et à protégrr les mâchoires lorsque les mâles chargent l'un contre l'autre avec une impétueuse violence; mais les dents si considérablement développées du saumon mâle amérccain peuvent se comparer aux défenses de beaucoup de mammifères du même sexe, et indiquent un but offensif plutôt que défensf..

Le saumon n'est pas le seul poisson chez lequel les dents diffèrent selon le sexe. On observe les mêmes différences chez beaucoup de raies. Chez la raie bouc)ée (Raia clamta), le mâle adulte a des dents tranchantes et aiguë,, recourbées en arrière, tandss que celles de la femelle sont larges et aplaties, formant une sorte de pavage; de sorte que, dans ce cas, les dents, chez les mâles et les fcmelles d'une même espèce, présentent des différencss plus considérables qu'elles ne le sont ordinairement chez des genres distincts d'une même famllle. Les dents du mâle ne deviennent aiguës que lorsqulil est adutte ; dans le jeune Age elles sont plates comme celles de la femelle. Ainsi qu'il arrvee souvent pour les caractères sexuess secondaires, les mâles et les femelles de quelquss espèces de raies, la raie cendrée (fi. bâtis) par exempe,, ont, quand ils sont aduttes, les dents acérées et pointues; ce caractère propee au mâle, et primitivement acquss par lui, paratt s'être transmis aux descendants de l'un et l'autre sexe. Les mâles et les femelles dela R. maculata possèdent aussi des dents pointues, mais seulement quand ils sont complètement adultes; elles paraissent plus tôt chez les mâles que chez les femelles. Nous aurons à observrr des cas analoguss chez les oiseaux; chez quelquss espèces, en effet, le mâle acquiert le plumage commun aux deux sexes adultes, à un âge un peu plus précoce que la femelle. It y a d'autres espèces de raies chez lesquelles les mâles, même âgés, n'ont jamass de dents tranchantes, et où, par conséqunnt, les deux sexes adultes, ont des dents larges et plates comme les jeunes et les femelles adultes des espèces précédemment indiquées". Les raies sont des poissons hardis, forts et voraces; nous pouvons donc supposrr que les mâles ont besoin de leurs dents acérées pour lutter avec leurs rivaux; mais, comme ils sont pourvus de nombreux organss

9. Scandinavian adventures, vol. I, 1854, p. 100,104.

nguVeiy e4âu 43>u des Kaies,Yarrel (o.c- "'p.416) avec une excellente

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[Chap. XII]                                POISSONS                          (               369

modfiiés et adaptés pour saisrr la femelle, il estpossible'que leurs dents leur servent aussi à cet usage.

Quant à la taille, M. Carbonnier «« soutient que, chez presque toutes les espèces, la femelle est plus grande que le mâle: le docteur Günther ne connatt pas un seul cas où le mâle soit réellement plus grand que la femelle. Chez quelquss Cyprinodontes, le mâle n'égaee même pas la moitié de la grosseur de la femelle. Les mâles de beaucoup .d'espècss ont l'habitude de lutter les uns avec les autre;; aussi est-il étonnant que, sous liinfluence de la séleciion sexuelle, ils ne soient pas devenus généralement plus grands et plus forts que les femelles. La petite taille des mâles constitue pour eux un grand désavantage; M. Carbonnier affirme, en effet, qu'ils sont exposés à être dévorés par leurs propres femelles lorsqu'elles sont carnassières, et sans doute par les femelles d'autres espèces. L'augmentation de la taille doit, sous quelquss rapports, être plus importante pour les femelles que ne le sont, pour les mâles, la force et la taille afin de lutter les uns conrre les autre;; cette augmentation de taille permet peut-être une production plus abondante d'œufs.

Le mâle seul, chez beaucoup d'espèces, est orné de brillantes couleurs; ou tout au moins ces couleuss sont plus vives chez lui que chez la femelle. Quelquefois aussi le mâle est pourvu d'appendices qui ne parasssent pas lui être plus utile,, pour les besoins ordinaires de la vie, que les plumes de la queue ne le sont au paon. Le docteur Günther a eu l'obligeance de me. communiquer la plupatt des faits suivants. On a tout lieu de croire que, chez beaucopp de poissons tropicaux, la couleur et la conformation diffèrent selon le sexe; d'ailleurs, on observe quelques exemples frappants.de ces différences chez les poissons des mers britanniques. On a donné le nom depetit dragon pierre précieuse, au Callionymus lyramMe, à cause de ses couleuss qui ont l'éclat des pierreries. Lorsqu'on le sort de l'eau, le corps est jaune de diverses nuances, rayé et tacheéé de bleu vif sur la tète; les nageoires dorsaess sont brun pâle avec des bandes iongitudinales foncées, les nageoires ventrale, caudaee et anale sont noir bleuâtre. Linné et après lui beaucopp de naturalistes ont considééé la femelle comme une espèce distincte; elle est brun rougeàtre sale, avec la nageoire dorsale brune et les autres blanches. La granderr proportionnelle de la tête et de la bouch,, et la position des yeux», diffèrent aussi

24

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.370                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Pa]tie]

chez le mâle et la femelle; mais l'allongement extraordinaire, chez le mâle (/lg. 29), de la nageoire dorsale, constitue évidemment la différence la plus caractéristique. M. W. Saville Ként, qui a étudié ces poissons en captivité, fait au sujet de cette' nageoire les remarques suivantes : « Ce singulirr appendice semble jouer le même rôle que les caroncules, les crètes et les autr.es parties anormales des gallinacés mâles, c'est-à-dire qu'il sert uniquement à fasciner la femelle ». » La conformation et la coloration des jeunes mâles sont absolument identiques à celles des femelles adultes.

Fig. 29. - Callionymus lyra; figure supérieure, mâle; figuee intérieure, femelle. N. B. - La figure inférieure est plus réduite que la figure supérieure.

Dans le genre Callionymus ~ tout entier, le mâle est en général plus brillamment tacheéé que la femelle, et, chez plusieuss espèce,. non seulement la nageoire dorsale, mais aussi la nageoire anal, prennent un développement excessff chez le mâle.

Le Cottus scorpius, ou scorpion de mer mâle, est plus élancé et plus petit que la femelle. La couleur diffère beaucoup aussi selon le sexe. Il est difficile, comme le fait remarquer M. Dloyd », « à

13^™. juillet 1873, p. 26*.

l^DocteurGünther,C«talogu« of Acanth. Fishes in Brit. Museum, 1861,

P'l5.Game^!ofs^en,etc.1867,p.466.

e

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[Chap.XII]                            POISSONS                                       371

quiconque n'a pas vu à l'époque du fra,, alors quill revêt ses teintes les plus éclatantes, ce poisson d'ordinaire si mal partagé, de se figurer le-mélanee de couleuss brillantes qui le transforment entièrement-». Les Zabrus mixtus, mâles et femelles, sont spten-dides, bien que la cororation diffère considérablemens ,elon le sexe; -le mâle est orangé rayé de bleucclair; la femelle rouge vif avec quelquss tache,.noires sur le dos.

Dans la famille très distincte des Cyprinodontes -. habitant les eaux douces des pays exotiques, - les caractères du mâle et de la femelle diffèrent quelquefois beaucoup. Le Mollienesiapetenemis" mâle a la nageoire dorsale très développee et marquée d'une ran-

Fig. 30. - Xiphophorus HeUerii; figure sup., mâle; figure infér., femelle.

gée de grandss taches arrondies, ocellées et brillamment colorée;; chez la femelle, au contraire, cette même nageoire, plus petite, affecte une forme différente, et porte seulement des taches brunes irrégulièrement recourbées. Chez le mâle, le bord foncé de la. base de la nageoire anale fait un peu saillie. Chez le mâle d'une forme voisine, leXiphophorus HeUerii (fig. 30), le bord inférieur de la nageoire anale se développe en un long filament qui, à ce qu'assure le docteur Gunthe,, est rayé de vives couleur.. Ce filament ne contient pas de muscles et ne paratt avoir aucune utilité directe pour le poisson. La coloration et la structure des jeunes

16. Je dois mes renseignements sur ces espèces au docteur Günther; voir aussi son travail surjes poissons de l'Amérique centra)e,dans Trans. Zool. Soc,

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372                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

mâles ressemblent en tous poinss à celles des femelles adultes; nous avons déjà fait remarquer qu'on observe le même fait dans le genre Callionymus. On peut rigoureusement comparer les différences sexuelles de ce genre à celles qui se présentent si fréquemment chez les Gallinacés ».

Le Plecostomus barbotas " (/tg, 31), mâle, poisson siluroïde habtant les eaux douces de l'Amérique méridionale, a la bouche et l'inter-operculum frangés d'une barbe de poils roide,, dont la femelle est presque complètement dépourvu.. Ces poils ont une natuee écailleuse. Chez une autre espèce du même genre, des tentacules mous et flexibles s'élèvent sur la partie frontaee de la tête chez le mâle, et ne se trouvntt pas chez la femelle. Ces tentacules, simples prolongements de la peau même, ne sont donc-pas homologues aux poils rigides de l'espèce précédnnte; on ne peut guère douter cependatt que leur usage, dont il est difficile de conjecturer la nature, ne soit d'allleurs te même chez les deux espèces. Il n'est guère probable que ces appendices constituent un ornement; d'un autre côté, nous ne pouvons supposer que des poils rigides et des filamenss flexibles puissent être utiles aux mâles-seuls dans les condiiions ordinaires de l'existence. Le Chimœra monstrosa, monstre absolument étrang,, porte au sommet de la tête un os crochu dirigé en avan,, et dont l'extrémité arrondee est couverte de piquants acéré;; on ignore absolument quel usage le màtepeutfaire de cette couronne «qui faitdéfaut chez la fe"elle- t. Les conformations dont nous venons de parler existent à l'état permanent chez le mâle devenu adulte ; mais, chez certains Blennies et dans un autre genre voisin », une crête se développe sur la tète du mâle seulement pendant la saison du frai; en même temps le mâle revêt de plus vives couleurs. Cette crête constitue évidemment un ornement sexuel temporaire, car la femelle n'en offre pas la moindee trace. Chez d'autres espèces du même genre, les deux sexes possèdent une crête ; mais il est au moins une espèce où elle ne se trouve ni chez le mâle ni chez la femelle. Le professeur Agassiz affirme que beaucopp de Chromddes mâles, le Geophagm mâle, par exemple, et suruout le Cichla", ont une protubérance très apparente sur le devant de la tête, protubérance qui n'existe

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[Chap. XI]]

POISSONS

373

ni chez les femelles ni chez les jeunes mâles. M. Agassiz ajouee « J'ai souvent observé ces poissons pendant la saison du fra,, alon

ors

Fi* 81. . necoS<0m«s barbatus; fignre sup.. «te „. mal* ligure in,., de femeUe.

que la protubérance prend tout son développement; je les ai observés aussi pendant d'autres saisons où elle disparaît complètement;

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374                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PAHm]

on ne distingee pas alors la moindee différence dans la forme de la tête des mâles et des femelles. Je n'ai jamass pu établir, avec certitude, que ces protubérances remplissent une fonction spéciale, et les Indiens des Amazones n'ont pu me donner aucun renseignement à cet égard. » Ces protubérances, par leur apparition périodique, rappellen. les caroncules charnss qui ornent la tête de certains oiseaux; il est cependant très douteux qu'on -puisse les considérer comme des ornements.

Le professeur Agassiz et ie docteur Günther affirment que les poissons mâles, dont la coloratinn diffère d'une manière permanente de celle des femelles, deviennent souvent plus brlllants pendant la saison du fra.. 11 en est de même chez une foule de poissons dont les individss de sexe différent ont une coloration identique pendant toutes les autres périodes de l'année. On peut citer comme exemple la tanch,, le gardon et la perche. A t'époque du frai, « le saumon màle porte sur les joues des bandes orangées, qui lui donnent l'apparence d'un Labrus, et son corps entier prend un ton orangé doré. Les femelles revêtent alors une coloratinn plus foncée»; aussi les appelle-t-on ordinairement poissons noirs ». On constate un changement analogee et même plus prononcé chez le Sa~nio eriox; les mâles de l'ombee {S, umbla) sont également, pendant la même saison, plus vivement colorés que les femelles.. Les couleurs du brochet des Etats-Unis (Esox reticulatus), surtout chez le mâle, deviennent pendatt la saison du frai excessvvement intenses, brillantes et-irisée'". L'épinoche mâle (Gas<erosteus leiurus) nous en offre un exempee frappatc entre tous. M. Warington» affirme que ce poisson devient alors < magnifique au-delà de toute expresion ». Le dos et les yeux de la femelle sont brun,, le ventre blanc. Les yeux du mâle, au contraire, « sont du vert le plus splendid,, et doués d'un reflet métallique comme les plumes vertes de certains oiseaux-mouches. La gorge et le ventre sont cramosii éclatan,, le dos gris cendré, et le poisson tout entier semble devenrr diaphane et comme lumineux par suite d'une incandescence interne D. Après le fra,, toutes ces couleuss changent; la gorge et l'abdomnn prennent un ton rouge plus terne/le dos devient plus ver,, et les.tons phosphorescents disparaisse.t.

Nous avons déjà paroé des démonstrations amoureuses de t'épinoche mâle pour la femelle; depuis la publication de la premèer,

1: £7^Z: ^i\K«. „,, »,. v,. »,. p. «..

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[Ou,. XII]                            POISSONS                                       373

édition de cet ouvrage, on a constaéé chez les poissons plusieuss exemples des assiduités du mâle auprès de la femelle. M. W. S. Kent assure que le Labrus mixtus mâle qu,, comme nous l'avons vu, diffère de la femelle au point de vue de la coloration, creuse < un trou profond dans le sable du réservorr où il se trouve, puis essaie, par toutes sortes de démonstrations, de persuader à une femelle de la même espèce de venir partagrr ce trou avec lui; il va et vient de la femelle au nid qu'il a construit et tâche évidemmett de la décider à le suivre ». Le Cantharus lineatus mâle devient noir ptombé pendant la saison des amours; il se retree alors à l'écart pour creuser un trou qui doit servir de nid. « Chaque mâle veille alors avec vigllance sur le trou qu'il a creusé, il attaque et chasse tous les autres mâles qui ont l'air de s'approcher. Sa conduite est toute différente envers les femelles qui, à ce momen,, sont d'ordinaire pleines d'œufs. Il emploie tous les moyens en son pouvoir pour leur persuader de venir déposer dans son trou les myriades d'œufs dont elles sont chargées; s'il y réussit, il veille incessamment sur les œufs». n

M. Carbonnier,qui a étudié avec beaucoup d'attention un Macro-pus chinoss en captivité, a décrtt un cas encore plus frappant de la cour que les.mâles font aux femelles et de l'étalage qu'ils font de leurs ornements». Les mâles affectent des couleuss beaucoup plus brlllantes que les femelles. Pendatt la saison des amours, ils luttent les uns contre les autres pour s'emparer des femelles; au moment où ils leur font ta cour, ils étalent leurs nageoires, qui sont tachetées et ornées de raies brillamment colorées, absolument, dit M. Carbonnier, ccmme le paon étale sa queue. Ils nagent aussi autour des femelles avec une grande vivacité, et semblen,, « par t'étalage de leurs vives couleurs, cherchrr à attirer l'attention des femelles, lesquelles ne parasssent pas indifférentes à ce manège; elles nagent avec une molle lenteur vers les mâles et semblent se complaire dans leur voisinage ». Dès que le mâles'est assuéé ta possession de la femelle, il fait un petit amas d'écume en chassatt desabouche de l'air et des mucosités; puis il recueille dans sa bouche les œufs fécondés pondus par la femelle, ce qui causa une certaine crainte à M. Carbonnier, qui crut qu'il allait les dévore.. Mais le mâle les dépose bientôt au sein de l'amas quill a fait, les veille avec soin, répaee lés parties de l'écume qui viennent à se détacher, et prend soin des jeunes quand ils éclosen.. Je men-

5 ZT^^'Â^ma, Paris, juillet I869 et janv. 1870.

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376                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II* PARTIE]

tïoriné-ces particularités parce que nous allons voir bientôt que certains poissons mâles couvent les œufs dans leur bouche. Or, ceux qui ne croient pas au principe de r'évouution graduelle peuvent, àjuste titre, demander quelle a pu être l'origine d'une semblable habitude. Il est donc intéressant de savoir que certains poissons recueillent les œufs dans leur bouche pour les transporter; cela, en effet, explique en partie le fait dont nous venons de parler, car, s'il survient un délai avant quills puissent déposer les œufs, ils peuvent finir par prendee l'habiludede les couver dans leur bouche.

Pour en revenrr à notre sujet plus immédaat, nous pouvons résumer la question en ces termes : les poissons femelles, autant que je puis toutefois lé savor,, ne pondent jamais qu'en présenee des mâles; d'autre .part, les mâles ne fécondent jamass les œufs qu'en présenee des femelles. Les mâles luttent les uns contre les autres pour s'emparer des femelles. Les jeunes mâles de beaucoup d'espècss ressemblent aux femelle,, mais revêten,, à l'àge adulte, des couleuss beaucoup plus brillantes qu'ils conservent pendant toute leur existence. Les mâles d'autres espèces-revêtent des couleurs plus brillantes que les femelles, et se parent d'ornements nombreux seulement pendant la saison des amours. Les mâles courtisent assidûment les femelles, et nous avons vu que, dans un cas tout au moin,, ils ont soin d'étaler leur beauté devant elles. Or, est-il possible dé crorre qu'ils le font sans se proposer aucun-but? Ils n'en atteindraient évidemment aucun si ta femelle n'exeçait pas un choix, et si elle ne prenatt pas le mâle qui lui platt ou qui l'excite davantage. Si on admet un choix de cette nature, les faits relatifs à l'ornementation des mâles s'expliquent facilement par le princpee de la sélection sexuelle.

Il en résulte que certains poissons mâles ont acquis de brillantes couleuss grâce à la sélection sexuelle. Nous devons donc rechecher si, dans cette hypothèse, on peut, en vertu de la loi de t'égaee transmission des caractères aux deux sexes, étendee cette explication aux groupes où les mâles et les femelles sont brillanss à un degré égal ou presque éga.. Quand il s'agtt d'un genre tel que celui des Labru,, qui comprend quelques-uns des poissons les plus splendides qui soient au monde, le Labrus pavo, par exemple», qu'avec une exagération pardonnable on décrtt comme formé de lapis-lazuli, de rubis, de saphirs et d'améthystes, incrustés dans des écailles d'or poli, nous pouvon,, très probablement, accepter

28. Bory de Saint-Vincent, Dict, ClaSS. d'Hist. nat., vol. IX, 1826, p. 151.

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[Chap.XII]                            POISSONS                           '           377

cette hypothèse; car nous avons vu que, chez une espèce au moins, la coloratinn des mâles et des femelles diffère beaucou.. On peut considérer les vives colorations de certains poissons et de beaucopp d'animaux inférieuss comme la conséquence directe de la natuee des tissus et des conditions ambiantes, sans qu'il soit besoin de faire intervenir aucune sétection. Le poisson doré (Cy-prinus auralus), à en juger par analogee avec la variété dorée de la carpe commune, constitue peut-être un exemple de ce fait, car il peut devorr ses vives couleuss à une varaation brusque et unique, conséquence des condtiions auxquelles il a été soumis en captivité. Il est plus probable cependant que, grâce à la sélection artfficielle, on a considérablement exagéré ces couleurs; cette espèce, en effet, a été cultivée avec beaucopp de soin en Chine dès une époque fort reculée.. On ne peut guère admettre que, dans lès conditioss naturelles, des êtres aussi hautement organisés que les poisson,, et qui ont des rapports si complexss- avec tout ce qui les entoure, aient pu acquérir dés couleuss ausse brillantes, sans qu'un tel changment ait provoqéé des inconvénients ou des avantages, et par conséquent sans l'intervention de la sélection naturelle.

Que devons-nous donc conclure relativement aux nombreux poissons dont les deux sexes sont magnifiquement colorés? M. Wallace » soutient que les espèces qui fréquentent les récifs où abondent les coraux et les autres organismes aux couleurs éclatantes ont acquis elles-mêmss ces brillantes couleuss afin de passer inaperçues devant leurs ennemis; mais, si mes.souvenirs sont fidèles, ces poissons n'en deviennent que plus apparen.s. Dans les eaux douces des régions tropicales, on ne rencontre ni coraux ni autres organismes brlllamment colorés auxquels les poissons puissent ressembler; cependatt beaucoup d'espècss qui habitent le fleuve des Amazones revêtent de magnifiques couleurs, et un grand nombee de Cyprinides carnivores de l'Inde sont ornés < de lignes longitudinales brillantes affectant des teintes diverse"» s. M. M'C!e)-

29. A la suite de quelques remarques sur ce sujet, que j'ai faites dans mon ouvrage sur la ~ariation des animaux, etc., M. W. F. Mayers (Chinese Noies and Quertes, Aug. 1868, p. 123) a fait quelques recherches dans d'anciennes encyclopédies chinoises. 11 a trouvé que certains poissons dorés ont été élevés en captivité pendant la dynastie Sung, qui commença l'année 960 de notre ère. Ces poissons abondaient dès 1!29. 11 est dit dans un autre endroit qu'il a été produit à Hangchow, dès 1548, une variété dite poisson-feu, vu l'intensité de sa couleur rouge. Il est universellement admiré, et il n'y a pas de maison où on ne le cultive, chacun essayant d'obtenir une couleur plus vive comme source d6 bénéfices.

II. 7nTn%e^d™^l\ M'c'l'enaJd, Asiatic Researches, v. XIX, part. II, 1839, p. 250.

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378                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [lie Partie]

land, en décrivant ces poisson,, va jusquàà supposer que l'éclat particulier de leurs couleuss sert d'apptt pour attirer les martins-pêcheurs, les sternes et les autres oiseaux destinés à tenir en échec l'augmentation du nombee de ces poisson;; mais, aujourd'hui, peu de naturalistes seraient dispoéss à admettre qu'un animal ait revêtu de brillantes couleurs pour faciltter sa propee destruction. Il est possible que certains poissons soient devenus apparents pour avertir les oiseaux et les animaxx carnivores (comme nous l'avons vu à propos des chenilles) qu'ils ne sont pas bons à manger; mais les animaxx piscivores ne rejettent, que je sache, aucun poisson d'eau douce tout au moins. En résum,, t'hypothèse la plus probabee à l'égadd des poissons dont les deux sexes affectent de vives couleurs, c'est que ces couleurs, acquises par les mâles comme ornemenss sexuels, ont été transmises à l'autre sexe à un degré à peu près égal.

Nous avons maintenant à considérer un autre point : lorsque la coloration ou les autres ornements du mâle diffèrent sensiblement de ceux de la femelle, faut-il en conclure que le mâle seul a subi des modifications et que ces variations sont héréditaires dans sa descendance mâle seule; ou bien que la femelle a été spécialement modfiiée dans le but de devenrr peu apparente afin d'échppper plus facilement à ses ennemis, et que ces modiiications se transmettent à sa descendance femelle seule? 11 est évident que beaucoup de poissons ont acquss une certaine coloratinn dans le but d'assurer la sécurtté de l'espèce, et on ne sauratt jeter un regard sur la surfaee supérieure tachetée d'une plie, sans être frappé de sa ressemblance avec le lit de sable sur lequel elle vit. En outre, certains poisson,, grâce à l'action de leur système nerveux, ont la faculté de changrr de couleur dans un très court espace de temps, pour s'adapter aux couleuss des objets environnants ». Le docteur Gimthe"" cite un des exempess les plus frappants d'un animal protégé par sa couleur et par sa forme, autant toutefois qu'on peut en juger d'après des individus consevvés; il s'agtt d'une certaiee anguille de mer, pourvue de filamenss rougeâtres, qu'on peut à peine distinguer des algues auxquelles elle se cramponne par la queue. Mais ce qui nous importe actuellement, c'est de savorr si les femelles seules se sont modifiées dans ce but. Si les indivdus appartenant à l'un et à l'autre sexe sont sujets à varier, on comprend facilement que la sélection naturelle ne puisse intervenir pour modifier l'un des sexes, afin d'asuurer sa sécurité, qu'autant

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[Chap.XH]                            POISSONS                                       379

que les individus appartenant à ce sexe sont exposés plus longtemps au danger ou ont moins de pouvorr pour y échapper; or, chez les poisson,, les mâles et les femelles ne parasssent pas différer sous ce rapport. S'il y avait une différence, elle intéresserait surtout les mâles qui, généralement moins grands et plus actifs que les femelles, courent plus de dangess; cependant, lorsque les sexes diffèrent, presque toujouss les mâles sont le plus richement coloré.. Le mâle féconde les œufs immédaatement après la ponte, et lorsque cette opératinn dure plusieuss jour,, comme chez le saumone, le mâle ne quttee pas la femelle. Dans la plupatt des cas, les deux parenss abandonnent les œufs après la fécondation, de sorte que, pendant l'acte de la ponte, les mâles et les femelles sont exposés aux mêmes dangers, et tous deux jouent un rôle également important au point de vue de la production d'œufs féconds; en conséquence, les mâles et les femelle,, plus ou moins brillamment coloré,, étant égalemntt soumis aux mêmes chances de destruction ou de consevvation, tous deux doivent exercer une influence égale sur la coloration de leurs descendants.

Certains poissons appartenant à diverses familles construisent des nids, et il en est qui prennent soin des petits après leur éclo-sion. LesCrenilabrus masaa et C.melops, mâles et femelles, si brillamment coloré,, travaillent ensembee à la construction de leurs nids qu'ils forment d'alguss marines, de coqullles, etc.". Mais, chez certaines espèces, les mâles se chargeni de toute la besogne, et, plus tard, prennent exclusivement soin des jeunes. C'est le cas des Gobies à couleuss ternes «, dont les mâles et les femelles ne parasssent pas différer au point de vue de la coloration, ainsi que des Épinoches (Gasterosteus) chez lesquess les ma es revêtent pendant la saison du frai de si éclatantes couleur.. Le Gast. leiurus mâle à queue lisse remplit pendant longtemps, avec des soins et une vigilanee exemplaires, les devoirs de nourrice; il ramène constamment avec douceur vers le nid les jeunes.qui s'en éloignent trop. Il chasee courageusement tous les ennemis, y compris les femelles de son espèce. Ce seratt même un soulagement pour le mâle que la femelle, après avorr déposé ses œufs, fût immédiatement dévorée par quelque ennem,, car il est incessamment obligé de ta chasser hors du nid".

35.' KjX Us obsédons de M. Gerbe : voir Günther, Record of Zoolog.

36.  Cuvi'er, Règne animal, vol. II, 1829, p. 242.

37.  M. Warington. —Description des habitudes du Gasterosleus leiurus dans ^Sa»^.,etc.,Nov.ïS55. .

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380                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [lie pABTm]

Certains autres poissons mâles de l'Amériqee du Sud et de Cey-!an, appartentnt à deux ordres distincts, ont l'habitude extraordinaire de couver dans leur bouche, ou dans leurs cavités branchiales, les œufs pondus par les femelles ». D'après M. Agassiz, les mâles des espèces de l'Amazoee ayant la même habitude « sont non seulement plus brillanss que les femelles en tout temp,, mais surtout pendant la saison du frai ». Les diveress'espèces de Ceophagus agissent de même, et, dans ce genre, une protubérance marquée se développe sur le sommet de la tête des mâ!es pendant la saison du frai. Le professeur Agassiz a observé chez les diverses espèces de Chromides des différences sexuelles de couleu,, « soit quiils pondent leurs œufs parmi les plantes aqualiques, ou dans des trou,, où ces œufs éclosent sans autres soins, soit qu'ils construisent dans la boue de la rivière des nids peu profond,, sur lesquels ils se posent, comme le Promet*. Il convient aussi de remarquer que ces espèces couveuses sont au nombre des plus brillantes dans leurs familles respectives; VHygrogonus, par exempe,, estvert éclat,nt, avec de grands ocelles noirs, cerclés du rouge le plus brillant. e On ignore si, chez toutes les espèces de Chromides, le mâle couve seul les œufs. Toutefois on ne sauratt admettre que cette protection ou ce défaut de protection puisse avoir une influence quelconque sur les différences de couleuss entre les mâles et les femelles. En outre, il est évident que, dans tous les cas où les mâles se chargent exclusivement des soins à donner aux nids et aux jeune,, )a destruction dés mâles brillamment colorés auratt beaucoup plus d'influenee sur le caractère de la race que celle des femelles aussi brillamment colorées; en effet, la mort du mâle, pendant )apériode d'incubation et d'élevag,, entrannerait la mort des pettts. Cependant, dans beaucoup de cas de ce genre, les mâles sont beaucoup plus brillamment colorés que les femelle..

ChezaaplupartdesLophobranches(^p0C««^,etc.),les mâles sont pourvss de sacs marsupiaux ou dépressions hémisphériques de l'abdomen, dans lesquess ils couvent les œufs pondus par la femelle. Les mâles font preuve du plus grand attachement pour les jeunes». La coooration des Lophobranches mâles et femelles ne diffère pas ordinairement beaucoup, le docteur Gunther croit cependant que les Hippocampes mâles sont un peu plus brillanss que les femelles. Le genre Solenostoma offre toutefois un cas ex-

38. Prof. Wym&n,Proc. Boston ~oc.ofNat.Hisl., Sept. 15,1857. -W.Turner,

d'autres°ca1"a'' *** ^^ N°V'1866, P. ^ ^ "        r "^ ""^ déCPit

d3rwil,o.c.,vol.lI,p.329,338.

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[Chap. XII]                            POISSONS                                       381

ceptionnel très curieux~, car la femelle est beaucoup plus brillamment colorée et tachetée que le mâle, et possède seule un sac marsupial pour l'incubation des œufs, la Solenostoma femelle diffère donc sous ce dernier rappott de tous les autres Lophobranches et de presque tous les autres poissons, en ce qu'elee affecte des couleuss plus brillantes que le mâle. Il est peu probable que cette double inversion de caractère si remarquable chez la femelle soit une coïncidenee accidentelle. Comme plusieuss poissons mâles qui s'occupent exclusivement des soins à donner aux œufs et aux jeunes sont plus brillamment colorés que les femelles, et qu'au contraire la Solenostoma femelle, chargée de ces fonction,, est plus belle que le mâle, on pourrait en conclure que les belles couleurs des individss appartentnr au sexe le plus nécessaire aux besoins des jeunes doiven,, en quelque manière, servrr à les proléger. Mais on ne sauratt soutenrr cette hypothèse quand on considèee la multitude de poissons dont les mâles sont, périodiquement ou d'une manière permanen,e, plus brillanss que les femelles sans que leur existence soit, plus que celle de ces dernières, importante pour la . durée de l'espèce. Nous rencontrerons, en traitanr des oiseaux, des cas analoguss où les attributs usuels des deux sexes sont complètement intevvertis; nous donnerons alors ce qui nous semble être l'explication la plus probable de ces exceptions, c'est-à-dire que, contrairement à la règle généraee qui veut que, dans le règne anima,, tes femelles choisissent les mâles les plus attrayants, ce sont dans ce cas les mâles qui choisissent les femelles les plus

En résumé, chez la plupatt des poisson,, quand la couleur ou les autres caractères d'ornementation diffèrent chez les mâles et les femelles, nous pouvons conclure que les màles ont primitivementsubi des variations; que ces variations sont devenuss héréditaises chez le même sexe, et que, par suite-de l'attraction qu'elles exercent sur les femelles, ces variations se sont accumulées à l'aide de la sélection sexuele.. Ces caractères ont été cependatt dans bien des cas transmsspartiellement ou totalement aux femelles. Dans d'autres cas encor,, les deux sexes ont acquis une coloration semblabee comme moyen de sécurité; mais ll ne semble pas y avoir d'exemple que les couleuss ou que les autres caractères de la femelle seule se soient spécialement modffiés dans ce but.

Un dernier point reste à considérer : on a observé, dans diverse

e

rses

40. Le docteur Günther, depuis qu'il a publié la description de cette espèce' dans Fishes of Zanzibar, du col. Playfair, 1866, p. 137, a examiné à nouveau ces individus, et m'a donné les informations que je viens de relater

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382                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [lie pABTIK]

parties du monde, des poissons produisant des sons particuliers, et on les a quelquefois qualifié, de musicaux. M. Dufossé, qui s'est particulièremene occupé de cette question, affirme que quelquss potssons produisent volontairement des sons d.fferents en employans plusieuss moyens, dont les principaux sont : la friction des . os du pharynx, la vibration de certains muscles attachss à la vessie natatoire qui joue le rôle d'une table d'harmonie, la vibration des muscles propres à la vessie natatoire. Par ce dernier moyen le Trigla produit des sons très purs et très profonds qui couvrntt presque l'octav.. Mais le cas le plus intéressant pour nous est celui que présentent deux espèces d'Ophidium, chez lesquess les maies seuls sont pourvss d'un appareil propee à produire le son, appareil qui consiste en certaiss petits ossemenss moblles pourvus de muscles en rappott avec la vessie natatoire-.

On dit que l'on peut entendre, àune profondeur de vingt brasse,, le bruit, ressemblant à un battement de tambou,, que font les om-brines des mers d'Europe. Les pêcheuss de la Rochelle assurent « que ce brutt est produtt par les mâles pendant le frai, et qu'on peut, en l'imitant, les prendee sans amorc~'

Cette observation, et plus particulièrement la conformation de Yophidium, nous permet presqee d'affirmrr que, dans la classe la plus infime des vertébrés, comme chez tant d'insectes et chez tant d'araggnées, la sélection sexuelee a développ,, dans quelquss cas au moins, des appareils propres à produire des sons comme moyen de rapprocher les sexes.

AMPHIBIES

Urodèles. - Je vais m'occuprr d'abord des amphibies à queue. La couleur et la conformation diffèrent souvent beaucoup chez les salamandres ou les tritons mâles et femelles. Pendant la saison des amours, on voit parfoss des grfffes prenantes se développrr sur les pattes antérieures du maie de quelquss-espèces; pendant cette môme saison, le Tritonpalmipes mâle a les pattes postérieureopour- ' vues d'une membrane natatoire qui se résorbe presque complètement pendant l'hiver; de telle sorte que les pattes du mâleressem-

41. Comptes rendus, tom. XLVI, ]858, p. 353; tom. XLVII, 1858, p. 9]6;

tom. LIV 1862, p. 393. Quelques savants affirment que le bruit fait parles Om-

brines (~ciœna aquila) ressemble plus à celui de la flûte ou de l'orgue qu'à

celui du tambour. Le D'Zouteveen, dans la traduction hollandaise du présent

ouvrage, a cité quelques renseignements nouveaux sur les sons émis par les

P°42S°Rev. C. Kingsley, dans Nature, Mai, 1870, p. 40.

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[Chap.XII]                           AMPHIBIES                                      383

blent alors à celles de la femelle". Cette conformation permet sans doute au mâle de rechercher et de poursuivre activement la femelle. Une crête élevée et profondément dentelée apparaît sur le dos et sur la queue de nos tritons communs mâles (T. punctatus et T. cristatus), pendant la saison des amours, et se résorbe dans le courant de l'hive.. Cette crête, dépourvue de muscles, d'après M. Sain--Georges Mivart, ne peut faciiitrr la locomotion; mais comme, pendant la saison des amours, elle se frange de vives couleurs, elle constitee évidemment un ornemntt masculin. Chez beaucoup d'espèces, le corps offre des tons heurtés quoique sombres, qui deviennent plus vifs lors.de la saison des amours. Lep--

Fig.32.- Triton crislatus (demi-grandeur naturelle, d'après Bel,, BrUish Reptiles); figuee sup,, mâle, pendant la saison des amours; figuee inf,, femelle.

tit triton commun (T. punctatus) mâle, par exempe,, « a la partie supérieure gris brun et la partie inférieuee jaun;; au printemps, la partie inférieuee du corps affecte une riche teinte orange partout marquee de tachss arrondies et foncées ». Le bord dela crête revêt alors des nuances rougss ou violettes très brillantes. La femelle est ordinairement brun-jaunâtre, avec des taches brunes disséminées; la partie inférieuee du corps est souvent tout unie". Les jeunes affectent une nuance sombre. Les œufs fécondés pendatt l'acte de la ponte ne sont subséquemment l'objet d'aucune attentinn ni d'auunn soin de la part des parents. Nous pouvons donc en conclure que les mâles ont acqus,, par sélection sexuelle, leurs vives couleuss et leurs ornements; ces caractères

S* 51!* ïïf lr Stm**"-2'édit-'im'p. 156"m

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384                  . LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [IlePARTfE]

ont ensuite été transmis soit à la descendance mâle seule, soit aux deux sexes.

Anoures ou Batraciens. - Les couleuss servent évidemment de moyen de protection à bien des grenouilles et à bien des crapauds, les teintes vertes si vives des rainettes, et les nuances pommelées de plusieurs espèces terrestres, par exemple. Le crapaud le plus remarquablement coloré que j'aie jamass vu, le Phryniscus nigricans», a toute la surface supéreeure du corps noire comme de l'encre, avec le dessous.des pieds et certaines parties de l'abdomnn tachetés du plus brillant vermlllon. On le rencontre ordinairement dans les plaines sablonneuses ou dans les immeness prarries de la Plata, exposé au soleil le plus arden;; il ne saurait donc manqurr d'attirer les regards. Ces couleuss peuvent lui être utiles en ce que les oiseaux de proie reconnaissent en lui une nourriture nauséabonde.

On trouve au Nicaragaa une pettte grenouille rouge et bleue admirabee ; elle ne cherche pas à se cacher comme les autres espèces, mais sautllle tout le jour sans avoir l'air de redouter aucun ennem.. Dès que M. Be!t" eut constaté ces habitudes, il en conclut qu'elle ne devatt pas être bonne à mange.. En effet, après bien des essais, il parvint à en faire avaler une à un jeune canard ; mais ceku--ci la rejeta immédiatement, et continua pendant longtemps à secouer la tête et à se gratter le bec comme s'il voulatt se débarrasser d'un goût désagréable.

Les grenouilles et les crapauds, d'après le docteur Günther, ne présentent aucun cas frappatt de coloration sexuelle; cependatt on peut souvent distinguer le mâle de la femelle, car le premier a des couleuss un peu plus intenses. Le docteur Günthrr n'a pas non plus obsevéé de différence sexuelle marquee dans la conformation externe de ces animaux, sauf tes proéminences qui se développent pendatt la saison des amouss sur les pattes antérieures du mâle, et qui lui permettent de maintenir la femelle": 11 est surprenant que les grenouilles et les crapauss n'aient pas acquis de différencss sexuelles plus prononcées, car, bienqu'ayantlesangfroid, ils ont de vives passions. Le docteur Gunther a trouvé, à plusieurs reprises, des crapauds femelles mortes étouffées sous les embrassements de

45. Zoology of the Vogage of Beugle, 1843, M. Bell, ibid., p. 49. 40. The Naturalist in Nicaragua, 1874, p. 321.

nences

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[Chap.XII]                           AMPHIBIES                                      385

tross ou quatre mâles. Le professeur Hoffman de Giessen a vu, pendatt-la saison des amours, des grenouilles lutter des journées entières et avec tant de violence que l'une d'elles avatt le corps tout déchiqueté.

Les grenouilles et les crapauds offrent cependatt une différence sexuelee intéressante par rappott aux facultés musicales qui caractérisent les mâles, s'il nous est permss toutefois d'appliquer le terme musique aux sons discordants et criards que nous font entendee les grenouilles-taureau mâles et certaines autres espèces. Cependant certaines grenouilles émettent des sons agréables. Près de Rio-de Janerro, j'interrompais souvent ma promenade dans la soirée pour écouter les petites rainettes (Hyla), qui perchées sur des tiges au bord de l'eau, faisaient entendee une succession de notes harmonieuses et douces. C'est surtout pendatt la saison des amours que les mâles font entendee leur voix, comme chacun a pu le remaquer à propos du coassemett de notre grenouille commun'-.. Aussi, et c'est une conséquence de ce fait, les organes vocaux des mâles sont-ils plus développés que ceux des femelles. Dans-quelques genres les mâles seuls sont pourvss de boursss s'ouvrant dans le larynx". Chez la grenouille verte (Rana esculenla), par exemple, « les mâles, seuls possèdent des boursss qui formen,, lorsqu'elles sont remplies d'air, pendant, l'acte du coassement, de larges vessies globulaires qui font saillie de chaque côlë de la tête près des coins de la bouche ». Le coassement du mâle devient ainsi très puissant, tandss que celui de la femelle se rédutt à un léger grognement-. Les organss vocaux ont une structure toute différenee chez les divers genres de la famille; on peut dans tous les cas attriburr leur développement à la séleciion sexuelle.

REPTILES

Chéloniens.-On ne remarque chez les tortues aucune différence sexuelle bien tranchée. La queue du mâle, chez quelques espèces, devient plus longue que celle de la femelle. Chez d'autres espèces, le plastron, ou la surface inférieuee de la carapace du mâle, présenee une légère concavité si on le compaee au dos de la femelle. Chez une espèce des États-Unis (Chrysemyspicta), les pattes antérieures du mâle se terminent par des griffes deux fois plus longues que

48.Bell, Hist.of Brit. Rept., 1849, p. 93.

25

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386 .                LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Hee Partie]-

celles de la femelle; ces griffes servent pendant l'union des sexes.. Les mâles de l'immnnse tortue des lies Galapagss (Tesludo nigra) atteignent, dit-on, une taille plus considérable que les femelles : le mâle, lors de la saison des amours, mais à aucune autre époqu,, pousse des cris rauques ressemblant à des beuglements qu'on peut entendee à plus de cent mètres de distance; la femelle, au contraire, nesesertjamassdesavoix..

On assuee qu'on peut entendee à une grande distanee le brutt que font les Testudo elegans de l'Inde quand elles se précipitent l'une contre l'autre, lors du combat qu'eless se livrent".

Crocodiles. -Les mâles et les femelles ne diffèrent certainement pas au point de vue de la coloration; je ne saurass dire si les mâles luttent les uns contre les autres, mais cela est probable, car il est des espèces qui se livrent à de prodigieuses parades en présence. des femelle.. Bartram " prétend que l'alligator mâle cherche à captiver la femelle en poussatt de véritables rugissemen,s, et en fouetant avec sa queue l'eau qui rejalllit de tous côtés au milieu de la lagune; « gonflé à creve,, la tète et la queue relevées, il pivote et tourne à la surfaee de l'eau, en affectant, pour ainsi dire, la pose d'un chef indien racontant ses hauss faits guerriers x. Pendatt la saison des amours, les glandes sous-maxillaires du crocodile émettent une odeur musquee qui se répand dans tous leurs reparres».

Ophidiens. -Le docteur Gunther affirme que les mâles atteignent une moins grande taille que les femelles, et ont généralement la queue plus longue et plus grêle qu'elles; mais il ne connaît pas d'autre différence de conformation extern.. Quant à la couleu,, le docteur Günther arrive presqee toujouss â distinguer le mâle de la femelle par ses teintes plus prononcées; ainsi la bande noire en zigzag sur le dos de la vipère anglaise mâle est plus nettement définie que chez la femelle. Les serpents à sonnettes de l'Amérique du Nord présentent des différences encore plus tranchées; le mâle, ainsi que me l'a fait remarquer le gardeen des Zoological Garden,, diffère de la femelle par la nuance jaune plus foncée de tout son corps. Le Bucephalus capensis de l'Afreque australe présenee une différence analogue, car les côtés de la femelle « ne sont jamass aussi panachés de jaune que ceux du mâle" ». Le Dipsas cy~odon

51.  M. C.J. Maynard. The American Naturalisa. 1869, p. 555.

52.  Voir mon Journ. of Researches, etc., 1845, p.384.

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[Chap.XH]                            REPTfLËS                                ' 387

mâle de l'Inde, au contraire, est brun noirâtre, avec le ventre en pariie noir, tandss que la femelle est rougeâtre ou jaune olive avec le ventre jaune uni ou marbéé de noir. Chez le Tragopx dispar du même pays, le mâle affecte une teinte vert clair et la femelle des nuances bronzées ". Il est évident que les couleuss de quelques serpents constituentpoureux un moyende protection : les teintes verte,, par exemple, des serpenss qui habitene les arbres, et les diversions pommelés des espèces qui habitent les endroits sablonneux; mais il est douteux que chez beaucopp d'espèces, telles que le serpent commun d'Angeeterre ou la vipère, la couleur contribue à les dissimuler ; on peut en dire autant pour les nombreuses espèces exotques qui affectent des couleuss brillantes avec la plus extrême élégance. Chez certaines espèces la coloratinn des jeunes diffère beaucoup de celle des aduttes-.

Les glandes odorantes anales des serpenss fonctionnent activement pendatt la saison des amours" ; il en est de même chez les lézard,, et, comme nous l'avons vu, pour les glandes sous-maxillaires des crocodiles. La plupatt des animaxx mâles se chargent de cherchrr les femelles; ces glandss odorantes servent donc probablement à exciter et à charmer ces dernières, plutôt qu'à les attirer vers le mâle. Les serpenss mâles, bien que si inertes en apparence, ont des passioss très vives; on peu,, en effet, voir souvent plusieuss mâles se presser autour d'une seule femelle, quelquefois même quand elle est morte. On n'a pas observé quiils luttent les uns contre les autre,, pour s'assurer la possession des femelles. Les apttudes intellectuelles des serpenss sont plus développées qu'on ne seratt disposé à le croire. Les serpenss des Zoologicll Gardens apprennent bientôt à ne plus mordee les barres de fer dont on se sert pour nettoyer leurs cages; le docteur Keen, de Philadelphie, a remarqué que des serpenss qu'il a élevés ont apprss à éviter un nœud coulant après s'être laissé prendee quatre ou cinq fois. Un excellent observateur, M. E. Layard»», a vu, à Ceylan, un Cobra passer la tête au travess d'un trou étroit, et avaler un crapaud. « Ne pouvant plus retirer sa tète par suite de cet obstacle, il dégorgea, avec regre,, le précieux morceau qui commenaa à s'éloigner; c'en était plus que ne pouvatt supporter la philosophie du serpen,, aussi reprit-il le crapaud; mais, après de violents efforts pour se dégage,, il fut encore une fois obligé d'abandonner sa proie; il avatt du

« n°cc,te,ur t Gfther'RepHtesofBrit-India'RaySoeiety< mi' p.304'308-S* Owen o fer"'                          o/Bengal, vol. XXXIX, 1870, p. 205,2111

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388                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

moins compris la leçon, et, saisissant le crapaud par une patte, il le fit passer par le trou et l'avaaa en triomph.. »

Legardien des Zoological Gardens m'assure quecertains serpents, les crotales et les pythons par exemple, le reconnaissent au milieu d'autres personnes. Les cobras enfermss dans une même cage semb)entéprouver un certann attachement les uns pour les autres»'.

Une résulte cependatt pas de ce que les serpenss ont quelque aptitudes à raisonner, ressentent de vives passioss et sont susceptibles d'une certaine affection mutuelle, qu'ils aient égaiement assez de goût pour admrrer les vives couleuss des mâles, au point de provoquer l'ornementation de l'espèce par sélection sexuelle. Quoi qu'il en soit, il est très difficile d'expliquer autrement l'extrême beauéé de certaines espèce,, du serpent-corail, par exemple, de l'Amérique du Sud, rouge vif avec raies transversales noires et jaunes. Je me rappelle la suprsee que me causa la beauéé du premier serpent de ce genre que je vis au Brésil traverser un sentie.. M. Wallace, adoptant en cela l'opinion du docteur Günther», affirme qu'on ne rencontre de serpents colorés de. cette manière particulière que dans l'Amérique du Sud; il en existe quatre genre.. L'un, VElaps, est venimeu;; un second, fort distinct, l'est auss,, croit-o;; les deux autres sont inoffensifs. Les espèces appartentnt à ces divers genres habitent les mêmes régions et se ressemblent si complètemens « qu'un naturaltete seul peut distinguer les espèces inoffensives des espèces venimeuses ». Aussi, M. Wallace croit que les espèces inoffensives ont probablementacqusscettecolorationcomme moyen de sécurité, en vertu du principe d'imitation, parce qu'elees doivent paraître dangereuses à leurs ennems.. Il reste, il est vrai, àexpliquer la belle coloration de l'Elaps venimeux, et il convient peut-être de l'attribuer à l'action de la sélection sexuelle.

Les serpents, outre le sifflement, produisent d'autres sons. Le terrbble Echis carinata porte sur les côtés des rangées obliques d'écalllés ayant une structure particulière et les bords dentelés; quand ce serpent est excité, ces écailles frottent les unes contre les autres, et il en résutte un singulier brutt prolongé ressemblant presque à un sifflement". Nous possédoss quelquss renseignements positifs sur le serpent à-sonnettes. Le professeur Aughey"a observé, dans deux occasion,, un serpent à sonnettes enroulé, la tête levée, qui continua pendant une demi-heure à faire entendee le brutt qui

61.D'Günther,O/,.«i:wp.340.

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[ChapPXII]                            REPTILES                                      389

lui a valu son nom, à de très courts intervalles; enfin il vit un autee serpent s'approcher et ils s'accouplèrent. Le professeur en conclut que l'un des buts du brutt produit par le serpent est de rapprocher les sexes, mais' malheureusemtnt il ne put constater si c'était le mâle ou la femelle qui restatt stationnaire et appelait l'autre. II ne faudratt pas conclure de ce fait.que ce bruitee soit-pas avantageux aux serpents à d'autres égards/comee un avertissement, par exemple aux animaux qui pourraient les attaquer; je suis en outre assez disposé à croire que ce bruit leur sert aussi à frapprr leur proie de terreur au point de la paralyser. Quelques autres serpenss font aussi entendee un bruttdistinct, qu'ils produisent en faisant rapidment vibrer leur queue contre les tiges des plantes; j'ai vu dans l'Amérique du Sud un trigonocéphale qui produisait ainsi ce bruit.

Lacertilia. - Les mâles de quelquss espèces de lézard,, et probablement même de la plupatt d'entre elles, se livrent des combass acharnés pour s'assurer la possessinn des femelles. L'Anolis crista-tellu,, qui habite les arbres de l'Amérique du Sud, est extrêmement belliqueux : « Au printemss et au commencement de l'été, deux mâles adultes se rencontrent rarement sans se livrer bataille. Dès qu'ils s'aperçoivent, ils baissent et relèvent alternativemtnt la tête trois ou quatre fois de suite, en même temps qu'ils déploient la fraise ou la poche qu'ils ont sous la gorge; les yeux brillant de rage, ils agitent leur queue pendant quelquss secondes, comme pour ramasser leurs forces, puis ils s'élancent furieusement l'un sur l'autre, et se roulent par terre en se tenant fortement par les dents. Le combat se termine d'ordinaire par l'ablation de la queue d'un des combattants, queue que le vainqueur dévore souven.. » Le mâle de cette espèce est beaucoup plus grand que la femelle"; c'est là, d'ailleurs, autant que le docteur Günther a pu s'en assurer, la règle généraee chez tous les lézards. Le Cyr<odactylm rubidus mâle des îles Andaman possède seul des glandss anales; ces glandes, à en juger par analogie, servent probablement à émettee une odeur..

On a souvent observé des différences assez marquées dans les caractères externss des mâles et des femelles. L'Anolis mâle, dont nous avons déjà parlé, porte sur le dos et la queue une crète qu'il peut dresser à volonté, mais dont il n'exsste aucune trace chez la femelle. Le Cophotss ceylanica femelle porte sur le dos une crête moins développee que celle du mâle; et le docteur Günther affirme

65. M. N. L. Austen a conservé ces animaux vivants pendant fort longtemps, ^ ^iS^ofTà&o, of Bengal, vol. XXXIV, !870, p. 166.

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390                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II. Partie]

qu'on peut constater le même fait chez les femelles de beaucoup

es

poche de la gorge dilatée (Glinther Reptiles of India).

d'Iguanes, deCaméléonsetd'autreslézards.Cependant.chezquelqus espèces; la crête est égalemntt développée chez le mâle et chez la

feme\\e,ChezYIguanatuberculata^r exempl.. Dans le genre Sitan,, les mâles seuls portent une large poche sous la gorge (^.33); cette poche se repiie comme un évantail ; elle est colorée en bleu en noir et en rouge; mais ces belles couleuss ne se manifestent que pendant la saison de l'accouplement. La femelle ne possède Fig. 33. - Sitana minor. Mâle avec la même pas un rudiment de cet appen-

"""' "              ......"" " dice. Chez YAnolis cristalellus d'après

M. Austen, ]a poche du gosier, qui est rouge vif marbéé de-jaune, existe aussi chez la femelle, mais à l'état rudimnnlaire. Chez d'autres lézard,, ces poches existent chez les mâles et les femelles. Ici, comme dans un si grand nombee de cas déjà cités, nous trouvons, chez des espèces appartenant à un

môme group,, un même caractère réservé aux mâles, ou plus dévelopéé chez les mâles que chez les femelles, ou également développé chez les deux sexes. Les petits lézards du genre Draco qui planent dans J'air au moyen de parachutes soutenus par leurs côtes, et dont les couleuss sont si belles qu'elles défient toute description, portent sur la gorge des appendices charnus qui ressemblent aux barbes des Gallinacés. Ces parties se dressent lorsque l'animal est excité. Elles existent r^i.-Cetovnorastoâ-aartuM chez les mâles et les femelles, mais elles rtgure «p., maie; figure infér., sont plus développées chez le mâle adulte, feme"e-                             où l'appendice médian atteint souvent

deux fois la longueur de la tète. La plupatt des espèces ont également une crête basse couratt le long du cou; cette crète se déve-

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[Cnap. XII]

REPTILES

39t

39t

On affirme que les mâles et les femelles d'une espèce chinosee vivent par couples pendant le printemps; « si l'on vient à,prendee l'un, t'autee se laisse tomber sur le sol et se laisse prendee sans essayer de fuir » ; effet probabee du désesporr «.

On constate d'autres différences encore plus remarquables entre certains lézards mâles et femelles. Le Ceratophora aspeaa mâle porte à l'extrémité de son museau un appendiee long comme la moiiié de la tête. Cet appendice est cylindrique, couvert d'écalleés,

Fi* 35.-

Chamœleon bifurcus

figure sup.,raâle; figure infé,, femelle.

flexible, et semble pouvorr se redresser; il reste à l'état rudimen-tairechez la femelle. Chez une seconde espèce du même genre, une écaille terminale forme une pettte corne au sommet de l'appendice flexible; chez une troisième espèce (C. Stoddartii, ftg. 34), tout l'appendice se transforme en une corne, ordinairement blanch,, mais qui prend une teinte rougeàtre lorsque l'animal est excité. Chez le mâle adulte, cette corne a. douze millimètres de longueu,, mais elle reste extrêmement petite chez la femelle et chez les jeunes.

68.M.Swinhoe,PrOC.^O%.SOC.1870,p.2W.

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392

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Partie] Le docteur Gunther fait remarquer qu'on peut comparer ces appen-

comme ornemf ^ galUnaCéS; "* ^ serven,' ^ ^^ qUC Le genre C~amœleo~ présenee le maximum des différencss entre les mâles et les femelle.. La partie supérieuee du crâne du C. M-furcus mâle (/t~. 35), habitant Madagascar, .«prolonge en deux projeciions osseuses fortes et considérables, couvertes d'écalless comme

le reste de la tête: modification importante de conformation dont la femelle n'a que des rudiments. Chez le ChamœleoM Oioenii(fig.Z&) de la côte occidentale d'Afrique, )e mâle porte sur le museau et sur le front trois cornes curieuses dont la femelle n'offre pas de traces. Ces cornes consistent en une excroissance osseuse recouverte d'un étui lisse faisant pariie des téguments généraux du corps, de sorte qu'ellss sont identiques par leur structure à cel!es du taureau, de la chèvre, ou des autres ruminants portant des cornes à étui. Les trois cornes du CAamœleoM Owenii ne ressemblent en aucune façon aux deux grands prolongements du crâne du C. bifurcus; cependant nous croyons pouvoir affirmer qu'elles rempHissent le môme but générll dans l'économee des deux animaux. On est porté à supposer tout d'abodd que ces cornes servent aux mâles dans leurs combats, et, comme ces animaux sont très belliqueux-, il est probabee que cette opinion est fondée. M. C. W. Wood a vu deux C. pumilus se battre avec fureur sur une branche d'arbre; ils agitaeent constamment la tête et cherchaient à se mordre, puis ils se reposaient quelques instanss pour recommencer ensuite le comba..

La couleur diffère légèrement chez les mâles et chez les femelles de plusieuss espèces de lézards; les teintes et les raies sont plus brillantes et plus distinctes chez les mâles que chez les femelles. On remarque tout particulièremtnt cette différence chez le Cophotis, dont

Fig. 36. - Chamœleon Owenii; figuee sup, figuee in., femelle.

mâle;

63. D' Bucholz, MonatsberichtK. Preuss. Akad., Janv. J874, p. 78.

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[CHap.X.11                            REPTILES                                       393

nous avons déjàparlé, et chez YAcanthodactyluscapensis de l'Afrique australe. Chez un Cordylus habitant cette dernière région, le mâle affecte une teinte plus rouge ou plus verte que la femelle. Chez le Calâtes nigrilabrts de l'Inde, on constaee une plus grande différence de couleur entre les deux sexes; les lèvres du mâle sont noires, celles dela femelle sont vertes. Chez notre petit lézard vivipaee commun, Zootoca ~iviparà, « le côté inférieur du corps et la base de la queue sont, chez le mâle, couleur orange vif, tacheéé de noir; ces mêmes partiss sont vert grisâtre pâle sans taches chez la femelle » ». Les Sitana mâles portent seuls une poche à la gorge, poche magnifiquement teintée de bleu, de noiret de rouge. Chez le Proctotretus <ennis du Chili, le mâle seul est marqué de taches bleues, vertes et rouge cuivré». Dans bien des cas les mâles conservent les mêmes couleurs pendant toute l'année; parfoss aussi ils deviennent beaucoup plus brillanss pendant la saison des amours; je puis citer comme exemple le Calâtes Maria qui, pendant cette saison, a la tête rouge brillant, tandss que le corps est vert t.

Chez beaucoup d'espècss les mâ]es et les femelles affectent la même coloration brillante, et il n'y a pas lieu de supposer que cette coloratinn serve de moyen de protection. Sans doute, les teintes vertes de ceux qui habitent les arbres et les fourrés contribuent à les dissimuler. Je me rappelle aussi avoir vu dans le nord de la Pa-tagonee un lézard (Proctotretus viultimaculatus) qui à la moindee alerteferme les yeuxet reste immobile aplati sur le sol; la couleur de sa peau se confond si bien avec le sabte environnant qu'il est alors presque impossible de l'apercevoir. Toutefois, on peut supposer que les lézards-mâles ont probablement acquss les couleurs brillantes qui les décoren,, ainsi que leurs curieux appendices,pour sédurre les femelles, et que ces couleurs ont été ensuite transmises soit aux mâles seuls soit aux deux sexes. La sétection sexuelle paraît, d'ailleurs, avoir joué un rôle aussi important chez les reptiles que chez les oiseaux, et la coloratinn moins apparente des femelles, comparativemtnt à celle des mâles, ne peut pas s'expli quer, comme M. Wallaee le croit pour les oiseaux, par les danges que courent les femelles pendatt l'incubation.

ers

70.  Bell. o. c, p. 40.

71. Sur le Proctotretus voir Zoology ofthe Voyage of the Beagle,Reptiles, by

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394                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

CHAPITRE XIII

CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES DES OISEAUX

Différences sexueties. - Loi du combat. - Armes spéciales. - Organes vocaux. - Musique instrumentale. - Démonstrations amoureuses et danses.

^:^es=^                                                         si*et

Les caractères sexuels secondaires sont plus variés et plus remarquables chez les oiseaux que chez tous les autres animaux; ils n'occasionntnt peut-être pas cependant plus de modfiications de structure chez les uns que chez les autre.. Je m'étendrai donc très longuement sur ce suje.. Les oiseaux mâles possèdent parfois, rarement il est vra,, des armes particulières qui leur permettent de lutter les uns contre les autre.. Ils charment les femelles par une musique vocale ou instrumentale extrêmement variée. Ils sont ornés de toutes sortes de crêtes, de caroncules, de protubérances, de cornes, de sacs à air, de houppe,, de plumeaxx et de longues plume,, qui s'élancent graceeusement de toutes tes parties du corps.

Le bec, les partiss nues de la peau de la tète et les plumes présentent souvent les couleurs les plus admirables. Les mâles font une cour assidue aux femelles; ils dansent ou exécutent des mouvements bizarres et fantastiques sur le sol ou dans l'air. Dans un cas au moins, le mâle émet une odeur musquée qui sert, sans doute, à séduree ou à exciter la femelle, car un excellent observateur, . M. RamsayS dit en parlatt du canard musqué australien (Biziura ~o6a<a) que « l'odeur que le mâle émet pendant l'été appartient en propee à ce sexe et persiste même toute l'annee chez quelquss individus; mais jamais, même pendant la saison des amour,, je n'ai tué une seule femelle sentant le musc ,. Pendant la saison des amouss cette odeur est si forte qu'on la sent bien longtemss avant de voir l'oiseau». En résum,, les oiseaux parasssent être de tous les animaux, l'homme excepté, ceux qui ont le sentiment esthétique le plus développ,, et ils ont, pour le beau, à peu près le même goût que nous. Il suffit pour le démontrer de rappeerr le plaisir que nous avons à entendee leurs chants, et la joie qu'éprouvent les femmes civilisée,, aussi bien que les femmes sauvages, à se couvrrr la tête de plumes qui leur sont empruntées, et à porter des pierreries qui

^Sd^S^S»^,1865,vo,n,,333.

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[Chap. XIIIJ CARACTERES SEX. SECONDAIRES DES OISEAUX 393

ne sont guère plus richement colorées que lapeau nue et les caroncules de certains oiseaux. Chez l'homme civilisé, toutefois, le sens du beau constitee évidemment un sentimett beaucoup plus complexe, en rapport avec diverses idées intellecuuelles.

Avant d'aborder l'étude des caractères qui doivent,plus particulièremntt nous occuper ici, il me faut signaler certaines distinctions entre les sexes, distinctions qui découlent évidemment de différences dans les habitudes d'existence, car les cas fréquenss dans les classes inférieures deviennent rares dans les classes plus élevées. On a cru pendant longtemps que deux oiseaux-mouches du genre Eustephanus, habitant ilile Juan-Fernandez, appartenaient à des espèces distinctes ; mais on sait aujourd'h,i, d'après M. Gould, que ce sont les mâles et les femelles de la même espèce qui diffèrent légèrement par la forme du bec. Dans un autre genre d'oiseaux-mouches (Grypus), le bec du mâle est dentelé sur le bord et crochu à son extrémité, différant ainsi beaucoup de celui de la femelle. Chez le Neomorpha de la Nouvelle-Zélande, on remarque une différence plus considérable encore dans la forme du bec, conséquenee de l'alimentation différenee du mâle et de la femelle. On peut observer quelque chose d'anaoogue chez le chardonnetet (Carduelis elegam); M. J. Jenner Weir assure-, en effet, que les chasseuss reconnaissent les mâles à leur bec légèremntt plus long. Les bandes de mâles se nourrissent ordinairement des graines du cardèee (Dipsacus), quills peuvent atteindee avec leur bec allongé, tandss que les femelles se nourrissent plus habituellement des grainss de la bé-toine, ou de Scrophularia. En prenant pour point de dépatt une légère différence de cette nature, on peut admettre que la sélection naturelle finisse par produire des différences considérables dans le bec des mâles et des femelles. Il se peut toutefois que, dans les exemples que nous venons de citer, les mâles aient d'abodd acquis ces-becs modffiés comme instrument de combat et que ces modifications aient ensutte provoqué de légers-changements dans leurs habitudes d'exsstence.

Loi du comba.. - Presque tous les oiseaux mâles sont très belliqueux; ils se servent pour se battre de leur bec, de leurs ailes et de leurs pattes. Nos rouges-gorges et nos moineaux communs se livrent chaque printemss des combass acharnés. Le plus petit de tous les oiseaux, l'oiseau-mouche, est un des plus quereleeurs. M. Gosse' décrit un combat auquel il a assisté : deux oiseaux-

3. Cité par Gould, Introd. to theTrochilidœ, 1861, p. 20.

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396                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile pAlmE]

mouchss s'étaient saisss par le bec, ils pirouettèrent sans se lâcher jusquàà ce qu'enfin, épuisés, ils tombassent à.terre. M. Montes de Onca, parlan' d'un autre genre d'oiseaux-mouches, affirme quill est rare que deux mâles se rencontrent sans se livrer un furieux combat aérien : « en captivité ils se battent jusquàà ce que l'un des adversaires ait la langue coupée; cette blessuee entraîne rapidement la mort paree que le blessé ne peut plus manger \ , Les mâles de la poule d'eau commune (Callinula chloropusr « se disputent violemment les femelles lors de la saison des amours; ilsseredresent dans l'eau et se frappntt avec leurs pattes- ». On a vu deux de ces oiseaux lutter ainsi pendant une demi-heure; puis l'un finit par saisir l'autre par la tête et il l'eût tué, si l'observateur n'étatt intervenu ; la femelle étatt tout le temps restée tranquille spectatrice du combat». Les mâles d'une espèce voisine (Gallicrex cristatus) sont un tiers plus gros que les femelles; ils sont si belliqueux pendant la saison de l'accouplement que, d'après M. Blyth, les indigènes du Bengale orientap les gardent pour les faire battre. On recherche dans l'Inde d'autres oiseaux lutteurs, les bulbuss (Pycnonotus hœmorrhous), par exemple, qui se battent avec beaucoup d'en-

Le tringa (Machetes pugnax, ftg. 37), oiseau polygam,, est célèbre pour son caractère belliqueu;; au printemps, les mâles, qui sont beaucoup plus grands que les femelles, se rassemblent chaque jour à un endrott spécial où les femelles se proposett de déposer leurs œufs. Les oiseleuss reconnaissent ces endroits à l'aspett du gazon, battu et presque enlevé par un piétinage prolongé. Ils imitent pour se battre les dispositions du coq de comba;; ils se saisssent par le bec, et se frappent avec les ailes. La grande fraise de plumes qui entouee leur cou se hériss,, et, d'après le colonel Montagu, « traîne jusquàà terre pour protégrr les parties les plus délicates de leur corps D; c'est là le seul exemple que je connassse, chez les oiseaux, d'une conformation servant de bouclier. Toutefois, les belles couleuss qui décorent les plumes de cette fraise permettent de penser qu'elee doit surtout servrr d'ornement. Comme tous les oiseaux querelleurs, lestringas semblent toujouss disposés à se battre; en captivitr ils s'entre-tuent souven.. Montagu a cependant observé que leurs dispositions belliqueuses augmentent au printemps, lorsque les longues plumss de leur cou sont complètement développées, et qu'à cette époque le moindee mouvement

4.Goutd,M.,p.52.

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[Chap. XIII]

CARACTÈRES SEX. SECONDAIRES DES OISEAUX 397

d'un de ces oiseaux provoque une mêlée généraee ', Je me contenterai de citer deux exemples de ces dispositions belliqueuses chez les palmipèdes ; dans la Guyane « lors des combass sanglanss .que se livren,, pendant la saison des amour,, les canards mus-

*

qués (Cairinamoschala< mâles, la rivière est couveree de plumes jusquàà une certaine distanee des endroits où ont lieu ces batailles» x. Des oiseaux qui parasssent d'allleuss peu propres àla lutte,

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398                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [lie Pahiie]

se livrent de violenss combats; ainsi les pélicans mâles les plus forts chassent les plus faible;; ils les piquent avec leur énorme bec, et les frappent violemment avec leurs ailes. Les bécasses mâles se battent,, en se tiralllant et en se poussant avec leur bec de la manière la plus curieuse. On crott que quelquss rares espèces ne se battent jamais; un pic des États-Unis (Picus aMratus), par exemple, d'après Audubon, bien que < les femelles soient souvent accompagnées d'une demi-douzaine de joyeux prétendants' ».

Les mâles, chez beaucoup d'espèces, sont plus grands que les femelles, ce qui résulte probablement des avantages qu'ont remportés, sur leurs rivaux, les mâles les plus grands et les plus forts, pendatt de nombreuses générations. La différence de taillé entre les deux sexes devient excessive chez quelquss espèces australiennes; ainsi le canadd musqué (Biziura)et le Cinclorhamphus cru-ralis mâles sont à peu près deux fois plus gros que leurs femelles respectives'». Chez beaucoup d'autres espèces, les femelles sont plus grandss que les mâles; mais, comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'explication souvent donnée que cette différence de taille provient de ce que les femelles sont chargées de toute l'alimentation des jeunes, ne peut ici s'appliquer. Dans quelques cas, ainsi que nous le verrons plus loin, les femelles ont probablement acquss leur grande taille et leur grande force pour vaincee les autres femelles et s'emparer des mâles.

Beaucoup de gallinacés mâles, surtout chez les espèces polygames, sont pourvus d'armss particulières pour combattre leurs rivau;; ce sont tes ergots, dont les effets peuvent èlre terribles. Un écrivain digne de foi" raconee que, dans" le Derbyshire, un milan ayant un jour attaqué une poule accompagnée de ses poulets, le coq, appartentnt à une race de comba,, se précipita à son secours, et enfonça son ergot dans t'œil et dans le crâne de l'agresseur. Le coq eut bien de la peine à arrachrr son ergot du crâne du milan, et comme celui-c,, tué sur le coup, n'avait pas tâché prise, les deux oiseaux étaient fortement liés l'un à l'autre: le coq finit par se dégage,, il n'avatt que peu de mal. On connatt le courage invincible du coq de comba;; un de mes amis m'a raconéé une scène brutaee dont ll fut témoin il y a longtemps. Un coq ayant eu dans t'arène.les deux pattes brisées à la suite d'un acciden,, son propriétaire paria que, si on pouvatt les lui éclisser de manière

9. Ornithological Biography,*ol. I, p. 191. Pour les pélicans et les bécasses, vol. III, p. 381, 477. 10.Gould,^^OO/c,etc.,vol.II,p.383. 11. Hèvritt dans Poultry Book de Tegetmeier, 1866, p. 137.

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[Chap. XIII] CARACTÈRES SEX. SECONDAIRES DES OISEAUX 399

qu'il se tînt debou,, il continuerait le comba.. Dès qu'on l'eut fait, le coq reprtt la lutte avec un courage intrépide, et finit par recevorr™ coup mortel. A Ceylan, une.espèce voisine, le Gallus Stanleyi sauvag,, livre les combass les plus furieux pour défendee son sérall ; ces luttes ont le p) us souvent pour résultat la mort de l'un des combattants-. Une perdrix indienne(Orlygornis gularis), dont le mâle est armé d'ergoss forts et tranchants, est si belliqueuse « que la poitriee de presque tous ces oiseaux est couturée de cicatrices provenant de combass antérieurs" ».

La plupart des gallinacés mâles, même ceux qui n'ont pas d'ergots, se livrent des combass terribles à l'époque de l'accoupleme.t. Les Tetrao Mrogallus et les T. Letrix, polygamss tous deux, adoptent des endroits réguliers où, pendant plusieuss semaine,, ils se rassemblent pour se battre et déployer leurs charmss devant les femelles. M. W. Kowalevsky m'apprend qu'en Russie il a vu la neige tout ensanglantée aux endroits où les Tetrao urogallus ont combattu; < les plumes des tétras noirs voient dans toutes les directions quand ils se livrent une grande bataille ». Brehm fait une description curieuee du Balz, nom qu'on donne en Allemagne aux danses et aux chanss par lesquess les coqs de bruyèee préludntt à l'amou.. L'oiseau pousee presque constamment les cris les plus étrangss : « Il redresee sa queue et l'étalé en éventail, il relève le cou et porte haut la tête, toutes ses plumes se hérissent et il déploie ses ailes; puis il saute dans différentes directions, quelquefois en .cercle, et appuee si fortement contre terre la parlie inférfeuee de son bec que les plumes du menton en sont arrachées. Pendant ces mouvements désordonnés, il bat des ailes, courant toujouss dans un cercle restrentt et, sa vitesse augmnntant avec son ardeu;,-il finit par tomber épuisé. » Les coqs de bruyère, moins cependant que le grand tétra,, absorbss par ce spectacle, oubiient tout ce qui se passe autour d'eux; aussi peut-on tuer nombee d'oiseaux au même endroit, et même les prendee avec la main. Après avorr achevé cette bizaree comédie, les mâles commencent à se battre, et un même oiseau, pour prouver sa supériori,é, visite quelquefois dans une même mal.née plusieuss, de ces lieux de rassemblement ou Balz, qui restent les mêmes pendant des années..

Lepaon, orné de sa queue magnifique, ressembee plutôt à unélé-

12 Layard, Ann andMag. of Nat. Hist., vol. XIV, 1854, p. 63.

13.  Jerdon, Birds of India, vol. III, p. 574.

14.  Brehm, Illust. Thierleben; 1867, vol. IV, p. 351. Quelques-unes des assertions ^précèdent sont empruntées a L. L,o£, Gai Slds «&%££,

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400                , . LA DESCENDANCE DE L'HOMMH           [11° PaRtie]

gant qu'à un.guerrier; il livre cependatt quelquefois de terrbbles combats; le Rév. W. Darwin Fox m'apprend que deux paons, qui avaient commenéé à se battee à une petite distanee de Cheste,, étaient tellement excité,, qu'ils avaient passé par-dessus toute la ville en continuant à lutte;; ils finirent par se poser au sommet de la tour Saint-Jean.

L'ergot chez les gallinacés est généralement simple; toutefois le ~olyplectron (ftg. Si) en porte deux ou un plus grand nombre à chaque patte, et on a vu un Ithaginis cruentus qui en avatt cinq. Les mâles seuls possèdent, ordinairement, des ergots qui ne sont représentés chez les femelles que par de simples rudiments ; mais les femelles du paon de Java (l'avo muticus), et, d'après M. Blyth, celles d'un petit faisan (Euplocamus erylrophthalmus), possèdent des ergots. Les Galloperdix mâles ont ordinairement deux ergots, et les femelles un seul à chaque patte15. On peut donc concluee avec certitude que l'ergot constitue un caractère masculin, bien qu'accidentellement il se transmette plus ou moins complètement aux femelles. Comme la plupatt des autres caractères sexuels secondaires, les ergoss sont très variables, tant par leur nombee que par leur développement chez une même espèce.

Plusieuss oiseaux portent des ergots aux ailes. Chez l'oie égyp-tienne (CAenalopexœgyptiacus), ils ne consistent qu'en protubérances obtuse,, qui probablement nous représentent le point de départ du développement des vrass ergoss chez les oiseaux voisins. Chez le Plectoplerus gambensis, ils atteignent un développement beaucoup plus considérable chez les mâles que chez les femelles, et M. Bartlett afùrme que les mâles s'ea servent dans leurs combats. Dans ce cas, les ergoss des ailes constitueraient donc des armes sexuelees; il est vrai que Livingstone assure que ces armes sont complètement desLinées à la défense des jeune.. Le Palameaea (/lg. 38) porte à chaque aile une paire d'ergoss qui constituent une arme assez formidable pour qu'un seul coup suffise à mettre en fuite un chien en le faisant hurler de douleu.. Il ne paratt pas toutefois que chez ces oiseaux, pas plus que chez quelques râles qui possèdent des armes semblables, ces ergoss soient plus développés chez le mâle que chez la femelle'». Chez certains pluviers, au contraire, les ergoss des ailes constituent un caractère

15.  Jerdon, o. c, sur VIthaginis, vol. !II, p. 523; sur le Galloperdix, p. 541.

16.  Tour l'oie égyptienne, Maegillivray, BriUsh Birds, vol. IV, p. 639. Pour le Ptectropterus, Livingstone, Travels, p. 254. Pour ta Palamedea, Brehm, Vie

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[Chap. XIII]

LOI DU COMBAT"

401

sexue.. Ainsi, chez notre vanneau commun (Vamellm cristalus) mâle, le tubercule de l'épauee de l'aile devient plus saillant pendan, la saison des amours, alors que les mâles tuttent souvent les

Fig. 38. - Palamedea cornuta (d'après Brehm, édition française, montrant les deux ergoss de l'aile et le filamett sur la tête).                                  . .

uns avec les autre.. Chez quelquss espèces de ZobivanellusS pendant la saison de l'accoupleme,t, un tubercule semblabee se développe assez pour constituer un a court ergot corné <. Les L. lobatus australiens mâles et femelles possèdent des éperon,, mais ils sont

26

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402                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Hee Partie]

beaucoup plus grands chez le mâle que chez la femelle. Chez un oiseau voisin, YHoplopterus armatus, les ergots n'augmentent pasen volume pendatt la saison des amouss ; mais on a vu, en Egypte, ces oiseaux se battee comme nos vanneaux, c'est-à-dire tournrr brusquement en l'air et se frapper latéralement l'un l'autre, souvent avec un terrible résultat; ils se battent de la même façon contre leurs autres ennemss".

La saison dés amouss est aussi celle de la guerre; cependatt certains oiseaux mâles, tels que les coqs de comba,, le tringa et même les jeunes dindons sauvagss et les coqs de bruyère » sont toujouss prêss à se battre quand ils se rencontrent. La présenee de la femelle est la teterrima belli causa. Les Bengalais font battre les jolispetitsbengalis mâles piquetés (^reWamandava) : ils placent trois petites cages auprès l'une de l'autre, celle du milieu contenatt une femelle ; au bout de quelque temps, on lâche les deux mâles, entre lesquess un combat désespéré s'engage aussitôt-. Quand un grand nombre de mâles se rassemblent en un point détermnéé pour s'y livrer de furieux combats, les coqs de bruyère, par exempe,, les femelles» assistett ordinairement au spectacle, et s'accouplent ensuite avec les vainqueurs. Mais, dans quelquss cas, l'accouplement précède le combat au lieu de le suivre. Ainsi, Audubon» affirme que chez l'engoulevent virginien (Caprimulgus Virginianus) « plusieuss mâles font une cour assidue à une seule femelle; dès que celle-ci a fait son choix, le mâle préféré se jette sur les autres et les expusee de son domaine ». Les mâles font ordinairement tous leurs efforts pour chasser ou pour tuer leurs rivaux avant de s'accoupler; il ne paratt pas, cependant, que les femelles préfèrent invariablement le mâle vainqueur. M. W. Kowalvsky m'a affirmé que souvent le T. urogallss femelle se dérobe avec un jeune mâle, qui n'a pas osé se risqurr dans l'arène contre les coqs plus âgés; on a fait la même remarque pour les femelles du cerf écossais.

18.  Audubon, Orn. Biog., vol. I, 4-13, vol. II, 492.

19.  Blyth, Land and Water/W&l, p. 212.

20. Richardson,surTetraoumbellus, voir Fauna Bor. Amer. Birds,I83l,p.3i3, L. Lloyd, Game birds of Sweden, 1867, p. 22, 79, sur le grand coq de bruyère et le tétras noir. Brehm (Tierleben, etc., vol. IV, p. 352) affirme toutefois qu'en

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[Cap.XII]]                      LOI DU COMBAT                                  403

Lorsque deux mâles seulement luttent en présence d'une même femelle, le vainqueur atteint, sans doute, généralement son but; mais parfoss ces batailles sont causées par des mâles erranss qui cherchent à troubler la paix d'un couple déjà uni».

Chez les espèces même les plus belliqueuses, il n'est pas probable que l'accouplement dépende exclusivemens de la force et du courage des mâles; en effet, les mâles sont généralement décorés de divers ornements, souvent plus brillanss pendant la saison des amours, et ils les déploient avec perssstance devant les femelles. Les mâles cherchent aussi à charmrr et à captiver les femelles par des notes-amoureus,s, des chanss et des gambades; la cour qu'ils leur font est, dans beaucoup de cas, une affaire de longue durée. Il n'est donc pas probable que les femelles restent indifférentes aux char-mes du sexe opposé, et qu'elles soient invariablement obligées de céder aux màles vainqueurs. On peut admettre qu'eless se laissent captiver, soit avan,, soit après le comba,, par certanss mâles pour lesquels elles ressentent une préférenee peut-être inconsceente. Un excellent observateur» va jusquàà croire que les yetrao umbellus mâles « font simplement semblant de se battre, et n'exécutent ces prétendues passes d'armss que pour faire valorr tous leurs avantages devant les femelles assemblées autour d'eux pour les admrer »; car, ajoute-t-,l, « je n'ai jamass pu trouver un héros mutilé, et rarement plus d'une plume cassée ». J'aurai à revenrr sur ce poin,, mais je puis ajouter que les Tetrao cupido mâles des Etats-Unis se rassemblent une vingtaine dans un endrott déterminé; puis ils étalent leurs plumss en faisant retentir l'arr de cris étranges. A la première réplique d'une femelle, les mâles commencent un combat furieux; les plus faibles cèden,, mais alors, d'après Au-dubon, tant vainqueurs que vaincus se mettent à la recherche de la femelle; celle-ci doit exercer un choix, ou la bataille recommence. On a fait la même remarque pour une espèce de stournelle des États-Unis (Sturnella ludovicianar ; les mâles engagent des luttes terribles, « mais, à la vue d'une femelle, ils se précipitent tous follement à sa poursuite»».

Musique vocale et instrumentale. - Lesoiseaux se servent de la voix pour exprimer les émotions les plus diverees, telles que la détresse, la crainte, la colère, le triompee ou la joie. Ils s'en servent

22. Brehm, o. c, vol. IV, p. 9S0, 1867; Audubon, o. c, vol. II, p. 492.

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404                LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [liePaht.k]

évidemment quelquefois pour exciter la terreu,, comme le sifflement de quelques oiseaux en train de couver. Audubon» raconte qu'un butor (Ardea nycticorax, Linn)) quill avatt apprvoisé, avatt l'habitude de se cacher à l'approche d'un cha,, « puis il s'élançait subitement hors de sa cachette en poussant des cris effroyabess et parasssait se réjourr de la frayeur que manffestait le chat en prenant la fuite». Le coq domestique prévient la poule par un gloussement lorsqu'il a rencontrt un morceau friand; la poule agit de même avec ses poulets. La poule, après avoir pondu, «répète très souvent la même note, et termine sur la sixième au-dessu,, en la soutenant plus longtemps» ; c'est ainsi qu'elle exprime sa satisfaction. Certains oiseaux sociables s'appellent mutuellement en voletant d'arbee en arbre; tous ces gazouillements qui se répondent servent à empêchrr la bande de se sépare.. Les

oies et quelquss oiseaux aquatiques, pendant leurs migrations nocturne,, répondent à des cris sonores poussés par l'avant-garde dans l'obscurité, par des cris semblables partant de l'arrière-garde.

Tous les oiseaux appartentnt à une même espèce et parfois à des espèces voisinss comprennent très bien certains crss servant de signaux d'alarme, ainsi que le chasserr )e sait à ses dépens. Le coq domestique chanee et l'oiseau-mouche gazouille, lorsqu'ils ont triomphé d'un riva.. Cependant la plupart des oiseaux font entendre principalement leur véritable chant et divers cris; ce chant et ces cris servent alors à charmrr la femelle ou tout simplement

à l'quo^ert le chant des oiseaux? C'est là une quesiion qui a provoqué de nombreuses divergences d'opinion chez les naturalistes. Montagu, ornithologue passionéé et observateur très soigneux et trèsattentif, affirmeque, chez «toutes les espècesd'oiseauxchanxeuss et chez beaucoup d'autres, les mâles ne se donnent ordinairement pas la peine de se mettre à la recherche de la femelle; ils se contenten,, au printemps, de se perchrr dans quelque lieu apparent, et là ils font entendre, dans toute leur plénitude et dans tout leur charm,, leurs notes amoureuses que la femelle connatt d'instinct; aussi vient-elle en cet endrott pour choisir son mâle» ». M. Jenner Weir assure que le rossignol agtt certainement ains;. Bechstei,, qui a toute sa vie élevé des oiseaux, affirme de son côté que « le canaii femelle choistt toujouss le meilleur chanteu,, et que, à l'état de nature, le pinson femelle choisit sur cent mâles celui dont les

Il S'on^DainelBarrlngton, Philos. Trans,, 1T73, p. 252. 27. Omilhological Diclionary, 1833, p. 475.

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[Chap. XIII]                        MUSIQUE VOCALE                                       405

notes lui plaisent le plus",. Il est, en outre, certain que les oiseaux se préoccupent des chants quills entendnnt. M. Weir m'a signaeé le cas d'un bouvreull auquel on avatt appris à siffler une valse allemanee et qui l'exécutait à merveille, aussi coùtait-il dix guinée.. Lorsque cet oiseau fut introdutt pour la première fois dans une volièee pleine d'autres oiseaux captifs, et qu'il se mit à chanter, tous, c'est-à-dire une vingtaine de linottes et de canaris, se placèrent dans leurs cages du côté le plus rapproché de celui où était le nouveau venu et se mirent à l'écouter avec grande attention. Beaucoup de naturalistes sont disposés à croire que te chant des oiseaux constitue presque exclusivement < un résultat de leur rivalité et de leur émulation, et ne sert en aucune façon à captiver les femelles ». C'étatt l'opinion de Daines Barrington et de White de Selbourne, qui, tous deux, se sont spécialement occupés de ce suje'». Barringonn admet cependant que « la supériorits du chant donne aux oiseaux un ascendant prodigieux sur tous les autres, comme les chasseuss ont pu la rrmarquer bien souvent ».

Il est certain que le chant constitue, entre les mâles, un puissant motif de rivalité. Les amateuss font lutter leurs oiseaux pour voir quels sont ceux qui chanteront le plus longtemps ; M. Yarrell affirme qu'un oiseau de premier ordre chanee parfoss jusqu'à tomber épuisé, et, d'après Bechstein", il en est qui pérsssent par suite de la rupture d'un vaisseau dans les poumons. M. Weir soutient que souvent les oiseaux mâles meurent subitement pendant la saison du chan.. Quelle que puisse être d'ailleuss la cause de leur mort, il est certain que l'habitude du chant peut être absolument indépendante de''amour, car on a observé» un canaii hybride stérile qui chantait en se regardant dans un miror,, puis qui, ensuite, se précipitait sur son image; il attaquait aussi avec rage un canaii femelle, lorsqu'on les mettatt dans la même cage. Les preneuss d'oiseaxx saventmettre aproQt la aalousie qu'excite le chant chez les oiseaux; ils cachent un mâle bien en voix pendatt qu'un oiseau empaillé et entouéé de branchilles enduites de glu, est exposé bien en vue. Un homme a pu ainsi attraper en un seul jour cinquante et, une fois même, jusquàà soixante-dix pinsons mâle.. L'aptitude et la disposition au chant diffèrent si considérablement chez les oiseaux, que,

28. Nalurgesc/. d. Stubenvogel. 1840, p. 4. M. Harrison Weir m'écrit égale-ment : - « On m'informe que les meilleurs chanteurs mâles trouvent les premiers une compagne lorsqu'ils sont élevés dans une même volière. D J^PMos. Transactions, 1773, p. 263. White, NaL IHstory of Selbourne,

30.'Natùrg. d.Slubenvogel, 1840, p. 252. 31. M. Botd,»^, 1843-44, p. 659.

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406                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partir]

bien que le prix d'un pinson ne soit guère que de cinquanee centimes, M. Weir a vu un oiseau dont le propriétaire demandait soixante-quinze franc;; un oiseau véritablemeni bon chanteur continue à chanter pendant que le propriétaire de l'oiseau fait tournrr la cage autour de sa tête, et c'est là l'épreuve qu'on lui fait subrr pour s'assurer de son talen..

On peut facilement comprendre que les oiseaux chantent à la fois par émulation et pour charmer les femelles; il est même tout naturel que ces deux causes concourent à un même but, de même que l'ornementation et la disposition belliqueuse. Quelques savanss soutiennent cependatt que le chant des mâles ne doit pas servrr à captiver la femelle, parce que les femelles de certaines espèces, telles que les canaris, les rouges-gorges, les alouettes et les bouvreui,s, surtou,, comme le fait remarquer Bechstein, quand elles sont privées de mâles, font entendee les accords les plus mélodieu.. On peut, dans quelques-uns de ces cas, attribuer cette aptitude au chant à ce que les femelles ont été élevées en captivité et ont reçu une alimentation trop abondante», ce qui tend à troubler toutes les fonctions usuelles en rappott avec la reproduction de l'espèce. Nous avons déjà cité beaucoup d'exemples du transport partiel des caractères masculins secondaires à la femelle, de sorte qu'il n'y a rien de surprenant à ce que les femelles de certaines espèces aient la facutté de chanter. On a prétendu aussi que le chant du mâle ne peut servir à captiver la femelle, paree que chez certaines espèces, le rouge-gorge, par exemple, le mâle chante pendant l'automne,. Mais rien n'est plus commun que de voir des animaux prendee plaisir à pratiquer les instincts dont, à d'autres moments, ils se servent dans un but utile. Ne voyons-nous pas souvent des oiseaux qui volent facilement, planrr et glisser dans l'air uniquement par plaisir? Le chat joue avec la souris dont il s'est emparé, et le cormoran avec le poisson qu'il a. sais.. Le tissernn (Ploceus), élevé en captivité, s'amuee à tisser adroitement des brins d'herbes entre les barreaux de sa cage. Les oiseaux qui se battent ordinairement à l'époque des amouss sont en général prêss à se battre en tout temps; on voit quelquefois de grands tétras mâles tenir leurs assemblées aux lieux habituels, pendant l'automne». Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les oiseaux mâles continuent à chanter pour leur propee plaisrr en dehoss de l'époque où ils courtisent les femelles

32. D. Barrington, Phil. Tra~s., 1773, p.262, Beehstein, Stubenvoael, 1840, p.4. 33 C'est également le cas pour le mL.e d'eau, M. Hepburn, da'.. 'zooloU, 1845-46, p. 1068. 34.L.Lloyd,0««««rrf.,etc,18e7,p.25.

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[Chap. XIII]                    MUSIQUE VOCALE                                 407

Le chant est, jusquàà un certain poin,, comme nous l'avons démontéé dans un chapitre précédent, un art qui se perfectionee beaucoup par la pratique. On peut enseigner divers airs aux oiseaux ; le moineau lui-même a pu apprendre à chanter comme une linotte. Les oiseaux retiennent le chant de leurs parenss nourriciers-, et quelquefois celui de leurs voisins-. Tous les chanteurs communs appartienntnt à l'ordee des Insessores, et leurs organss vocaux ' sont beaucoup plus compliquss que ceux de la plupatt des autres oiseaux; il est cependatt singulier qu'on trouve parmi les Insessores des oiseaux tels que les cornellles, les corbeaux et les pies, qui, bien que possédant l'appareil voulu", ne chantett jamass et qui, naturellement, ne font pas entendee de modulations de quelque étendu.. Hunter» affirme que, chez les vrass chanteurs, les muscles du larynx sont plus puissants chez les mâles que chez les femelles, mais que, à cela près, on ne constate aucune différence entre les organss vocaux des deux sexes, bien que les mâles de la plupatt des espèces chantent bien mieux et avec plus de suite que les femelles.

Il est à remarquer que les vrass chanteurs sont tous des petiss oiseaux, à l'exception, toutefois, du genre australien Menura. Le Menura Alberti, en effet, qui atteint à peu près ]a taille d'un dindon arrivé à la moitié de sa croissance, ne se contenee pas d'imiter le chant des autres oiseaux; < il possède en propee un sifflement très varié et très beau ». Les mâles se rassemblent pour chanter dans des endroits choiss;; là ils redressent et étalent leur queue comme les paons, tout en abaissant leurs aiies.. Il est aussi fort singulier que les oiseaux chanteuss revêtent rarement de brillantes couleurs ou d'autres ornements. Le bouvreuil et le chardonnetet exceptés, tous nos meilleuss chanteurs indigènes ont une coloration uniforme. Martins-pêcheurs, guêpiers, rolliers, huppes, pies, etc,, n'émettent que des cris rauques, et les brillants oiseaux des tropiques ne sont presque jamass bons chanteurs"! Les vives couleuss et l'aptitude au chant ne vont pas ordinairement ensemble. Ces remarques nous autorisent à penser que, si le plumage n'estpss sujet

S ^ZS^T\St^T^^^ t. W. Wood.

dans Studenl, Avril 1870, p. 125. 40. Gould, Introd. to Trochilidœ, 1861, p. 22.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Partie]

408

avarier pour devenrr plus éclatant, de briïlantes couleuss pouvant constituer un danger pour l'espèc; ; d'autres moyens deviennent nécessaires pour captiver les femelles, la voix rendue mélodieuee pourrait être un de ces moyen..

Les organss vocaux, chez certains oiseaux, diffèrent beaucoup chez les mâles et les femelles. Le Tetrao cupido (/t~. 39) mâle

f

possède, de chaque côté du cou, deux sacs nus de couleur orangée, qui se dilatent fortement pendant ]a saison des amouss pour produire le singulier cri rauque que fait entendee cet oiseau et qui porte à une si grande distance. Audubon a démontré que cet appareil, qui rappelle les sacs à air placés de chaque côté de la bouche de certainss grenouillss mâle,, exerce une influence immédiate sur la production de ce cri; pour leprouver, il a crevé un des sacs chez un oiseau apprivoisé, et a constaté que le cri diminuait

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beaucoup en intensité, et n'étatt plus perceptible si on crevatt les deux sacs. La femelle a au cou un espace « analogue mais plus pett,, de peau dénudée, mais qui n'est pas susceptible de dilata

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tion*< ». Le mâle d'une autre espèce de tétras (T. urophasianus) gonfle prodigieusement, pendant qu'il'courtise la femelle, « son

41. ~portsman and Naturalist in Canada, by Major W. Ross King, 1866, p. 144-146. M. T. W. Wood fait dans Student (avril 1870, p. 116) un réct, excelent de l'attitude et des habitudes de l'oiseau pendant qu'il fait sa cou.. Il dit que les touffes des oreilles ou les plumss du cou se redressent de façon à se rencontrer au sommtt de la tête..

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410              _ LADESCENDANCE.DE L'HOMME           [II« PaRtik]

œsophaee jaune et dénud,, de telle sorte que cette partie égale au moins en grosseur la motiié de son corps x ; dans cet éta,, il fait entendee divers cris profonds et discordants. Les plumes du cou redressées, les ailes abaissées, et traînant à terre sa longue queue étalée en éventail, il prend alors une foule d'attitudes grotesque L'œsophage de la femelle n'offre rien de remarquable».

Il semble maintenant bien étabii que la grande poche de la gorge chez l'outarde mâle d'Europe (Otis tarda), et chez au moins quatee autres espèces, ne sert pas, comme on le supposait autrefois, à contenir de l'eau, mais est en rappott avec l'émissson, pendant la saison des amours, d'un cri particulier ressemblant à ock". L'oiseau prend les attitudes les plus extraordinaires pendant quill ariicuee ce cri. \Jnoise3iudeYAméi'iqueméridioxiSi\e(Cephaloplenisornatus,ftg.iO) ressemblant à une corneille a reçu le nom d'oiseau parasol. Ce nom lui vient d'une immenee touffe de plumss forméss de tiges blanchss nues surmontées de barbes d'un bleu foncé, qu'il peut redresser et transformer en une véritable ombrelee n'ayant pas moins de 15 centimètres de diamètre, qui recouvee la tête entière. Cet oiseau porte au cou un appendice long, mince, cylindrique, charn,, revêtu de plumes bleues écailleuses et serrée.. Cet appendice sert probablement en partie d'ornement, mais aussi de véritable table d'harmonie; car M. Bates a constaté, chez les oiseaux pourvus de cet appendice, « un développement inusité de la trachee et des organss vocaux ,. En outre, cet appendice se dilaee lorsque l'oiseau émet sa note flùtée, singulièrement profond,, puissante et longtemss soutenu.. La crète céphalique et l'appendice du cou n'exsstenp chez la femelle qu'à l'état de rudiments".

Les organes vocaux de certains palmipèdes et de certains écha--siers sont fort compliqués, et diffèrent jusquàà un certain point chez les mâles et les femelles. Dans quelquss cas, la trachée, enroulée comme un cor de chasse, est profondément enfouie dans le sternum. Chez le cygne sauvage (Cycnus férus) elle est plus profondémntt enfouie chez le mâle adulte, que chez la femelle ou chez le jeune mâle. Chez le Mer ganser mâle, laportion élargee de la tra-

42. Richardson, Fama Bor. Americ,; Birds, 1831, p. 359, Audubon, o, c,

V°43. Ce'sujet a récemment été traité dans les travaux suivants : - Prof. A. Newton, Ibis, 1862, p. 104; docteur Cullen, ici., 1865, p. 145; M. Flower, Proc.ofZool. Soc:, 1865, p. 747, et docteur Mûrie, Proc. Zool.Soc, 1868,p.471.

auanmocmednetronùeeneeM^^i^nS^ -tralienne mûle 44 Bates The Naturalist on IheAmazons, 1S63, vol. ]I, p. 284. Wallace, Proc. Zool. Soc, 1856, p. 206. On a découvert récemment une espèce nouvelle portant au cou un appendice encore plus grand (C. pencluliger) Ibis., vol. I,P. 457.

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[Chap. XIII]                       MUSIQUE VOCALE                                    m

chée est pourvue d'une paire additionnelle de muscles". Toutefois, chez un canard, Anas punctalalz partie osseuse élargie est à peine plus développee chez le mâle que chez la femelle". Mais il est difficile de comprendre la signffication de ces différences entre les mâles et les femelles de beaucoup d'Anatidés, carle mâle n'est pas toujouss le plus bruyant; ains,, chez le canard commun, le mâle siffle, tandis que la femelle émet un fort couac " Chez les mâles et les femelles d'une grue (finis virgo) la trachee pénètee dans le sternum, mais présenee « certaines modifications sexuelles ». Chez le mâle de la cigogne noire, on constaee aussi une différence sexuelee bien marquée dans la longueur et la courbuee des bronches «. Il résulte de ces faits que, dans ces cas, des conformations importantes ont été modiiiées selon le sexe.

L cris nombreux, les notes étranges, que font entendee les oiseaux mâles pendant ta saison des amours, servent-ils à charmrr les femelles ou seulement à les attire?? C'est là une question assez difficile à résoudre. On peut supposrr que le doux roucoulement de la tourterelle et de beaucoup de pigeons platt aux femelles. Lorsque la femelle du dindon sauvage fait entendee son appel le matin, le mâle y répond par une note bien différenee du glouglou qu'il produtt lorsqu,, les plumes redressées, les ailes bruissantes et les caroncules distendues, il se pavane devant elfe". Le spel du tétras noir sert certainement de cri d'appll pour la femelle, car on a vu quatre ou cinq femelles venir d'une grande distanee pour répondee à ce cri poussé par un mâle captif; mais, comme cet oiseau continue à faire entendee son spel des heures entières pendant plusieuss jours, et, lorsqulil s'agtt du grand tétra,, avec beaucoup de passion, nous sommes autorisés à penser qu'il veut ainsi captver les femelles déjà présentes ". La voix du corbeau commun se modifie pendant la saison des amours; elle a donc quelque chose de sexue".'. Mais que dirons-nous des cris rauques de certaines espèces de perroquets, par exemple? ces oiseaux ont-ils pour la musique un aussi mauvass goût que celui dont ils font preuve pour

45. Bishop, 2W Cyclop. of Anat. et Phys., vol. IV, p. 1499.

t XT^^f?*^*^*» en fonne de 8, et

50. L. Lloyd, Game Birds of Sweden, etc., 1867, p. 22, 81.

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412                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PARTIE1

la couleu,, à en juger par les contrastes peu harmonieux qui résutent du voisinaee des teintes jaunes et bleu clair de leur ptumag?? Il est possible, il est vra,, que la voix énergique de beaucoup d'oiseaux mâles provennne, sans que ce résultat soit accompagné d'aucun avantage appréciable, des effets héréditaires de l'usage continu de leurs organes vocaux, lorsqu'ils sont sous l'inlluenee de fortes impressions d'amour, de jalousie ou de colère. Mais nous aurons occasion de revenir; sur ce point lorsque nous nous occuperons des mammifères.

Nous n'avons encore parlé que du chan;; mais divers oiseaux mâles, pendant qu'ils courtisent les femelles, exécutent ce qu'on pourrait appeler de la musique instrumentale. Les paons et les oiseaux de paradis agttent et entre-choquent leuss plume.. Les dindons traînent leurs ailes contre le sol, et quelques tétras produsent aussi un bourdonnement. Un autre tétras de l'Amérique du Nord, le Tetrao umbelluss produtt un grand brutt en frappant rapidement ses ailes l'une contre l'autre au-dessus de son dos, selon M. R. Haymon,, et non pas, comme Audubon le pensait, en les frappant contre ses côtés, lorsqu,, la queue redressée, les fraises étendue,, < il étale sa beauté devant les femelles cachées dans le voisinagx » ; le brutt ainsi produtt est compaéé par les uns a un grondement éloigné du tonnerre, par d'autres à un rapide roulement de tambour. La femelle ne produtt jamass ce bruit, « mais elle vole directement vers le lieu où le mâle semble ainsi l'appeerr ». Le Kalij-faisan mâle de )'Himalaya « produtt souvent un singulier brutt avec ses ailes, brutt qui rappelle celui qu'on obtient en secouant une pièce de toile un peu roide ». Sur la côte occidentale de l'Afrique les petits tisseriss noirs {Ploceusf) se rassemblent en troupe sur des buissons entourant une petite clairière, puis chantent et glissent dans l'ar,, en agitant leurs ailes de façon à produire « un brutt qui rappelle celui d'une crécelle d'enfant ». Ils se livrent l'un après l'autre pendant des heures à cette musiqu,, mais seulement pendatt la saison des amours. A la même époque, certanss Capnmulgus mâles produisent un brutt des plus étrangss avec leurs ailes. Les diversss espèces de pics frappent de leur bec une branche sonore, avec un mouvement vibratoire si rapide « que leur tête paratt se trouver en deux endroitsà la fois ». On peut l'entendee a une distanee considérable, mais on ne sauratt le décrire, et je suis certain que quiconqee l'entendrait pour la première fois ne pourrai en conjecturer la cause. L'oiseuu ne se livre guère à cet exercice que pendant la saison de l'accouplement, aussi a-t-on considéré

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[Chap.XIII]              MUSIQUE INSTRUMENTALE                       413

ce brutt comme un chant d'amou;; c'est peut-être plus exactement un appel d'amou.. On a observé que la femelle, chassée de son nid, appelle ainsi son mâle, qui lui répond de la même manière, et accoutt aussitôt auprès d'elle. Enfin, la huppe {Upupa epops) mâle réuntt les deux musiques, vocale et instrumentale, car, pendant la saison des amours, comme on a pu l'observrr M. Swinhœ, cet oiseau, après avoir aspiré de l'air, applique perpendiculairement le bout de son bec contre une pieree ou contre un tronc d'arbre, « puis l'arr comprimé qu'il chasse par son bec tubulaire produit une note particulière x. Le cri que fait entendee le mâle sans appuyer son bec est tout différen.. L'oiseuu ingurgite de l'air au même instan,, et l'œsophage qui se distend considérablement joue probablement le rôle de table d'harmonie, non seulement chez la huppe mais chez le pigeons et d'autres oiseaux..

Dans les cas précédents, des conformations déjà présentes et indispensables pour d'autres usages servent à produire les sons que fait entendee l'oiseau ; mais, dans les cas suivants, certaines plumes ont été spécialement modifiées dans le but déterminé de produire des sons. Le bruit ressemblant au roulement du tambour, à un bêtemen,, à un hennsssement, au grondement du tonnerre, comme différenss observateurs ont cherché à représenter le brutt que fait entendee la bécassine commune(~co~opaxgalli7iago),Sav-prend étrangement tous ceux qui ont pu l'entendre. Pendant la saison des amour,, cet oiseau s'élève à < un millier de pieds de hauteur », puis, après avoir exécuté pendant quelque temps des zigzags, il redescedd jusquàà terre en suivant une ligne courbe la queue étalée, les ailes frissonnantes, et avec une vitesee prodgieuse; c'est seulement pendant cette descente rapide que se produit le son. Personee n'en avatt pu trouvrr la cause; mais M. Meves remarqua que les plumes externss de chaque côté de la queue, affectentuneconformationparticulrere(^.41);latigeestroidett en forme de sabre, les barbes obliques atteignent une longueur inusitée et les barbes extérieures sont fortement reliées ensemble.

52. Pour les faits qui précèdent, voir, sur les Oiseaux de Paradis, Brehm, Thierleben,vo\. III, p.325.Sur la grouse, Richardson, FaunaBor. Americ.Birds, p. 34a et 349; Major W. Ross King, The Sportsman m Canada, 1866, p. 156; M. Haymond dans Geol. Survey of Indiana par le prof. Cox; Aubudon, Ame-rtcan Omitholog. Biograph.,vol. I, p. 216. Sur le faisan Kalij, Jerdon, Birds of Indxa, vol. III, p. 533. Sur les tisserins, Lmngstone, Expedition (0 Zambezy, 865 p. 4.25 Sur les pics, Macgillivray, Hist. of Brit Birds, vol. III, 1440t p.84,

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414

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[lie Partie;

JI s'aperçut qu'en soufflant sur ces plume,, ou en les agitant rapidement dans l'arr après les avoir fixées à un long bâton mince, il pouvatt reproduire exactement le brutt ressemblant à celui du tambour que fait entendee l'oiseuu en volan.. Cesplumss existent chez le mâle et la femelle, mais elles sont généralemene plus grandss chez

. Fig. 41. - Plume caudale externe de Scolopa, gallinago (Proc. Zool. Soc. 1858).

le mâle que chez la femelle, et donnent une note plus profond.. Certaines espèces,- comme par exemple le S. /renata (ftg. 42) et le /. Javensis (flg. 43) portent respectivement, le premier quatre

et le second huit plume,

sur tes

urnes, sur tes

Fig. 42.

- Plume caudale externe de Scolo-pax frenata.

Fig. 43. - Plume caudale externe de Scolopxx Javensis.

côtés de la queue, fortement modifiées. Les plumes des différentes espèces émettent des notes différentes, lorsqu'on les agite dans l'ar,, et le Sclopxx Wilsonii des États-Unis fait entendre un bruitperçan,, iorsqu'il descend rapidement à terre ». Chezle Chamœpetesunicolor mâle (un grand gallinacé amércain), la premèère rémige primaree est arquée vers son extrémité et plus mince que chez la femelle. M. Salvin a observé qu'un oiseau voisin, le Pénélope nigra mâle fait entendre, en descendant rapidement les ailes étendue,, un brutt qui ressemble à celui d'un arbre qui tombe". Le mâle d'une outarde indienne (Sypheotides auritus) a seul des rémiges primaires fortement acuminées; le mâle d'une espèce voisine fait entendee un bourdonnement pendatt qu'il courtiee la femelle ». Dans un groupe d'oiseaxx bien différents, celui des oiseaux-mouches, les mâles seuls de certaines espèces ont les tiges des rémigss primaires largement dilatées, ou les barbes brusquement coupées vers l'extrémité. Le mâle adutte du ~elasphorus platycercus, par exemple, a

Cap. Blakivston, Ibis, 1863, vol. V, p. "'

131 54. M. Salvin,' Proc. Zool. Soc, 1867, 'p. 160. Je dois à l'obligeance de cet ornithologiste distingué les dessins des plumes de Chmnœpetes et d'autres in-

ÎOlTl°2n, Birds of India, vol, III, p. 613, 621.

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[Chap. X)II]              MUSIQUE INSTRUMENTALE                          415

la premèère rémige (flg. U) taillée de cette.manière. En volligeant de fleur en fleur, il fait entendee un brutt perçant, presque un sifflement », mais d'après M. Salvin sans aucune intention de sa par.. Enfin, les rémiges secondaires chez plusieuss espèces d'un sous-genre de piprâ ou de manakin, ont été, se!onMSSclater, modfiiées chez les mâles d'une manièreencoreplusremarquable. Chez le P. deliciosa aux couleuss si vives, les trois premières rémiges secondaires ont de fortes tiges recourbée

vers le corps; le changement est plus oiseau mouche le

Fig. 44. - Rémige primaire d'un

orus

corps; le changement est plus oiseau-mouche, le Selasphor

marqué dans la quatrième et dans la eS^i^J^J^ cinquéème (flg 45, a) ; dans la sixième

de M. Salvin). Figuee sup,, mâle; figuee inf,, plume correspondante chez la femelle.

et dans la septième (b, c), la tige, épais sie à un degré extraordinaire, constitue une masse cornée solide. La forme des barbes est aussi considérablement modifiée, si on les compaee aux plumes correspondantes (d, e, f) de la femelle. Les os même de l'aile, chez les mâles qui portent ces plumes singulières, sont, d'après M. Frase,, fort épaissis. Ces petits oiseaux font entendee un bruit extraordinaire, « la première note aiguë ressemblant au claquement d'un foue"» ».

La diversité des sons, tant vocaux qu'instrumentaux, que font entendee les mâles de beaucoup d'espècss pendant la saison des amours, ainsi que la diversitp des moyens employss pour la produciron de ces sons, constituent des phénomènes très remarquables. Cette diversit, même nous permet de comprendre quelle importanee les sons produits doivent avoir au point de vue des rapports sexues;; nous avons déjà été conduits à la même conclusion à propos des insectes. Il est facile de se figurer les degrés par lesquels les notes d'un oiseau, qui servaient d'abodd de simple moyen d'appel, ont dû passer pour se transformer en un chant mélodieux. Il est peut-être plus difficile d'expliquer les modifications des plumes qui servent à produire les sons rappeaant le roulement du tambour, le grondement du tonnerre, etc.l Mais nous avons vu que, pendant qu'ils font leur cour, quelquss oiseaux agiten,, secouent, entre-choquent leurs plumes non modifiée;; or, si les femelles ont été amenées à choisrr les meilleuss exécutants, elles ont dû, en conséquence, préférer les mâles pourvus des plumss les plus fortes

56. Gould, Introduction to the Trochilidœ, 1861, p. 49. Salvin, Proc. Zool. ^i,.^.Z, Zool. Soc. 1860, p. 90; Ibis. vol. IV, 1862, p. 175. Salvin,

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416                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile PARTIB]

et les plus épaisse,, ou bien les plus amincies situées sur une partie quelconqee du corps; peu à peu les plumes sesont donc modifiées et il n'est pas possibee d'indiquer des limites à ces modification.. Il est probable que les femelles s'inquiétaient peu de ces modifications de forme,, modfiications d'allieuss légères et gra-

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à

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Fig. 45. - Rémiges secondaires de Pipra deliciosa (d'après M. Sclater,

Proc.Zool.Soc.mm.

Les tross plumss supérieures, a, b, c, appartiennent au mâle; tes tross plumss inférieures,

<, e, f, sont les plumes correspondantes chez la femelle. a et d. Cinquième rémige secondaire du mâle et de la femelle, face supérieure. - b et e. Sixième rémige secondaire, face supérieure. - c et f. Septième rémige secondaire, face inférieure.

duelles, pourne faire attentinn qu'aux sons produits. Il est, enoutre, un fait curieux c'est que, dans une même classe d'animaux, des sons aussi différenss que le tambourinage produtt par ta queue de la bécasse, le martelage résultant du coup du bec du pic, le cri rauque de certanss oiseaux aquatiques ressemblant aux appels de la trompette, le roucoulement de la tourterelle et le chant du rossi-

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[ChapPXIII]          PARADES D'AMOURS ET DANSES                     417

gno,, soient tous également agréables aux femelles des différentes espèces. Mais nous ne devons pas plus juger des goûts des espèces distinctes d'après un type unique que d'après les goûts humanns. Nous ne devons pas oubiier quels bruits discordants, coups de tam-tam et notes perçantes des roseaux, ravsssent les oreilles des sauvages. Sir S. Bakert fait remarquer que, « de même que l'Arabe préfère la viande crue et le foie à peine tiré des entrailles de l'anmal et fumant encore, de même il préfèee aussi sa musiqee grossière et discordante à toute autre musique<.

Parades d'amours etdaMses. - Nous avons déjà fait incidemment remarquer les singuliers gestes amourexx que font divers oiseaux; nous n'aurons donc ici que peu de chose à ajouter à ce que nous avons dit. Dans l'Amérique du Nord, un grand nombee d'individus d'une espèce de tétras (T. phasaniellus) se rassemblent tous les matins, pendatt la saison des amours, dans un endrott chois,, bien uni; ils se mettent alors à courrr dans un cercle de quinze à vingt pieds de diamètre, de telle sorte qu'ils finissent par détruire le gazon de la piste. Au cours de ces danses de perdri,, comme les chasseuss les appellent, les oiseaux prennntt les altitudes les plus baroques, tournant les uns àdroite, les autres à gauch.. Audubon dit que les mâles d'ubhéron ^rdea herodias)précèdent les femelles, posés avec une grande dignité sur leurs longuss pattes, et défiant leurs rivaux. Le même naturaliste affirme, à propos d'un de ces vautouss dégoûtants, vivant de charognes (Cathartes jota), « que les gesticulations et les paradss auxquelles se livrent les mâles au commencement de la saison des amouss sont des plus comiquss ». Certains oiseaux, le tisserin africain noir, par exemple, exécutent leurs tours et leurs gesticulations tout en volan.. Au printemps, notre fauvetee grise (Sylvia cinerea) s'élève souvent à quelques mètres de hauteur au-dessus d'un buisso,, t voltige d'une manière saccadée et fantastique, tout en chantant, puis retombe sur son perchoir ». Wo)f affirme que le mâle de la grande outarde anglaise prend, quand il courtise la femelle, des attitudss indescrpptibles et bizarres. Dans les mêmes circonstances, une outarde indienne voisine (Otis bengalens)s) « s'élève verticalement dans l'air par un battement précipité" des ailes, redresee sa crête et gonfle les plumes de son cou et de sa poitrine, puis se laisse retomber à terre x. L'oiseau répète cette manœuvre plusieuss fois de suite, tout en faisant entendee un chant particulier. Les femelles qui se trouvett

58. The NileTributariesofAbyssinia, 1861, P. 203.

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418                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile pAaTIE]

dans le voisinage obéissent à cette sommation gymnastique, et, quand elles approchent, le mâle abaisse ses ailes et étale sa queue comme le fait le dindon-.

Mais le cas le plus curieux est celui que présentent trois genres voisins d'oiseaux australiens, les fameux oiseaux àberceau, - sans doute les codescendants d'une ancienne espèce qui avait acquss l'étranee instintt de construire des abris pour s'y livrer à des parades d'amou.. Ces oiseaux consrruisent sur le sol, dans le seul but de s'y faire la cour, car leurs nids sont établis sur les arbres, des berceaux (fig. 46), qui, comme nous le verrons plus loin, sont richement décorés avec des plumes, des coquillages, des os et des feuilles. Les mâles et les femelles travaillent* la construction de ces berceau,,.mais le mâle est leprincipal ouvrier. Cet instinct est si prononcé chez eux qu'ils le consevvent en captivité, etMJ Stranee a décrit»» les habitudes de quelquss oiseaux de ce genre, dits satins, qu'il a élevés en volière dans la Nouvelle-Galles du Sud. < Par moments, le mâle poursutt la femelle dans toute la volière, puis, il se rend au berceau, y prend une belle plume ou une grande feuille, articuee une note curieuse, redresse toutes ses plumes, court autour du berceau, etparatt excité au point que les yeux lui sortent presque de la tète ; il ouvre une aile, puis l'autre, en faisant entendre une note profonde et aiguë, et, comme le coq domestique, semble picorer à terre, jusquàà ce que la femelle s'approche doucement de lui. » Le capitaine Stokes a décrtt les habitudes et les « habitaiions depaaisance » d'une autregrande espèce; « les mâles et les femelles s'amusent à voler de côté et d'autre, prennent un coqulllage tantôt d'un côté du berceau, tantôt de l'autre, et le. portent dehoss dans leur bec, puis le rapportent ». Ces curieuess constructions, qui ne servent que de salles de réunion où les oiseaux s'amusent et se font la cour, doivent leur coûter beaucoup de travail. Le berceau de l'espèce à poitrine fauve, par exempl,, a près de quatre pieds de long, quarante-cinq centimètres de hau;; il est, en outre, supporté par une solide plate-forme composee de bâton..

Ornewentation. - Je discuterai d'abord les cas où l'ornementation est le partage exclusff des mâles, les femelles ne possédant

Jer&on, Birdt of India, vol. III, p. 618. 60. Gould, Handbook to the Birds of Australie vol. I, 444, 449, 445. Le ber-. ceau de l'oiseau satin est toujours visible aux Zoological Gardens.

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ORNEMENTATION

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[Chap. XIII1

que peu ou point d'ornemen;s; je m'occuperai ensuite de ceux où les deux sexes sont également ornés, et enfin j'aborderai les cas beaucoup plus rares où la femelle est un peu plus brillamment colorée que le mâle. Le sauvage et l'homme civilisé portent presque

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toujouss sur la tête les ornemenss artificiels dont ils se paren;; de même aussi les oiseaux portent sur la tèle la plupart de leurs ornemenss naturels». On peut observer une étonnante diversité dans

61. Voir les remarques sur ce sujet dans Feeling o/ Beauty among animals, by J. Shaw, Athenœum, Nov.1866, p. 681.

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420                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

les ornemenss dont nous avons déjà parlé au commencement de ce chapitre. Les huppss qui couvrent le devant ou le derrière dela tête des oiseaux se composett de plumes qui affectent les formes les plus. diverses; parfois.ces huppes se redressent ou s'étalent, de manière à présenter complètement aux regards les splendides couleurs qui les décoren.. D'autres fois, ce sont d'élégantes houppss aurculaires (voy. ft9- 39, p. 61). Parfois aussi un duvet velouté recouvee la tête, chez le faisan, par exemple; quelquefois, au contraire, la tête est dénudée et revêt d'admirables colorations. La gorge aussi est quelquefois ornée d'une barbe ou de caroncules. Les appendices de ce genre, affectant d'ordinaire de brillantes couleurs, serveni sans doute d'ornements, bien que nous ne soyons guère disposés à les considérer comme tels; en effet, pendant que les mâles courtisent la femelle, ces appendices se gonflent et acquièrent des tons encore plus vifs, chez le dindon mâle, par exemple. Les appendices charnss qui ornent la tête du faisan tragopnn mâle (Ceriornis Temminchii) se dilatent pendant la saison des amours, de façon à former un large médaillon sur la gorge et deux cornes situées de chaque côté de la splendide huppe qu'il porte sur la tête; ces appendices revêtent alors le bleu le plus intense qu'il m'ait été donné de voir.. Le Calao africain (Bucorax abyssiniens) gonfle la caroncule écarlate en forme de vessie qu'il porce au cou, ce qui, « joint à ses ailes tranantes et à sa queue étalée, lui donne un grand air" ». L'irss même de t'œit affecte parfoss une coloration plus vive chez le mâle que chez la femelle; il en est fréquemment de même pour le bec, chez notre merle commun, par exempe.. Le bec entier et le grand casque du Buceros corrugatus mâle sont plus vivement colorés que ceux de la femelle; « le bec du mâle porte, en outre, des rainures obliques sur la mandibule inférieure" ».

La lète, bien souvent encore, porte des appendices charnus, des filamenss ou des protubérances solides. Quand ces ornemenss ne sont pas commuss aux mâles et aux femelles, le màle seul en est-pourvu. Le D~ W. Marshall- a décrit en détall des protubérances solides; il a démontré qu'elles se composent d'os poreux revêtus de peau ou de tissu dermique. Les os du fron,, chez les mammifères, supportent toujouss des cornes véritables; chez les oiseaux, au contraire, divers os se sont modifiés pour servir de support. On peut observer, chez les espèces d'un même group,, les protubé-

62.  Mûrie, Proceed. Zoolog. Soc, 1872, p. 630.

63.  M. Monteiro, Ibis, 1812, vol. IV, p. 339.

S.. uZt Tie''sZtleS'e^mederland. Archiv fur Zool., vol. 1, part. Il.

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[ChapPXIII]                     ORNEMENTATION                                 421

rances pourvuss d'un noyau.osseux, et d'autres où il n'y a pas trace d'un noyau de cette nature; on peut établir en outre une série de gradations reliant ces deux points extrêmes. Il en résulte, comme le fait remarquer le D~ Marshall avec beaucoup de justesse, que les variations les plus diverses ont aidé au développement de-ces appendices par sélection sexuele..

On observe souvent chez les maies de longues plumes qui surgissent de presque toutes les parties du corps, et qui constituent évidemment des ornements. Quelquefoss les plumes qui garnsssent la gorge et la poitrine forment des colliers efdes fraises splendides. Les plumes de la queue ou rectrices s'allongent fréquemment, comme nous le voyons chez le paon et chez le faisan Argus. Chez le paon, les os de la queue se sont même modifiés pour supporter ces lourdes rectrices». Le corps du-faisan Argus n'est pas plus gros que celui d'une poule, et cependant, mesuré de l'extrémité du bec à celle de la queue, il n'a pas moins de 1', 60 de longueur", et les belles rémiges secondaires si magnifiquement ocellées atteignent près de trois pieds de longueu.. Chez un petit engoulevent africain (Cosmetornis vexlllarius), l'une des rémiges primaires atteint, pendant la saison des amours, une longueur de 66 centimètres, alors que le corps de l'oiseau n'a que 25 centimètres de longueu.. Chez un autre genre très voisin, les tiges des longues plumss caudaess restent nues, sauf à l'extrémi,é, où elles portent une houppe en forme de.disque». Chez un autre genre d'engoulevent, les rectr-ces atteignent un développement encore plus prodigieux. En règle générale, les rectrices sont plus allongées que les rémige,, car un trop grand allongement de ces dernières constitue un obtacle au vol. Nous pouvons donc observer le même type de décoration acquis par des oiseaux mâles très voisins les uns des autre,, bien que ce soit par le développement de plumes entièrement différentes.

Il est un fait curieux à remarquer : les plumes d'oiseaux appatenant à des groupes distincts se sont modifiées d'une manière spéciale presque analogu.. Ainsi, chez un des engoulevents dont nous venons de parler, les rémiges ont la tige dénudée et se terminent par une houppe en forme de disque, ou en forme de cuiller ou de raquette. On remarque des plumes de ce genre dans la queue dumomot(^momoto^erCz7iam),d'unmartin-pêch,ur,d'unpin-son, d'un oiseau.mouche, d'un perroquet, de plusieuss drongos

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indiens (Dicrurus et Edolius, chez l'un desquess les disques sont verticaux), et dans la queue de certains oiseaux de paradis. Chez ces derniers, des plumes semblables magnifiquement ocellées ornent la tête, ce qu'on observe aussi chez certains gallinacés. Chez une outarde indienne (Sypheotides auritus), les plumes qui forment les houppss auriculaires et qui ont environ dix centimètres de longueur se terminent aussi par des disques»». M. Salvin'» a démontré, ce qui constitue un fait très singulier, que les momoss donnent à leurs rectrcces la forme d'une raquette en rongeatt les barbes de la plume; il a démontré, en outre, que cette mutilation continue a produit, dans une certaine mesure, des effets hérédtaires. Les barbes des plume,, chez des oiseaux très distincts, sont filamenteuses ou barbeéées; c'es- ce qu'on observe chez quelques héron,, chez des ibis,- des oiseaux de paradss et des gallinacés.

Dans d'autres cas, les barbes disparaissent, les tiges restent nues d'une extrémité à l'autre; des plumes de ce genre dans la queue du Paradisea apoda atteignent une longueur de 86 centimètres"; chez le P.Papuana (ftg. 47) elles sont beaucoup plus courtes et beaucoup plus mince.. Des plumes plus petites ainsi dénudées prennent l'aspect de soies, sur la poitrine du dindon, par exemple. On sait que toute mode fugttive en toiletee devient l'objet de l'admiration humanne; de même, chez les oiseaux, la femelle parait apprécier un changement, si minime qu'il soit, dans la strucuure ou dans la coloratinn des plumes du mâle. Nous venons de voir que les plumes se sont modfiiées d'une manière analogue, dans des groupss très distincts; cela provient sans doute de ce que les plume,, ayant toutes la même conformation et le même mode de développement, tenden' par conséquent à varerr de la même manière. Nous remarquons souvent une tendanee à la variabilité analogue dans le plumage de nos races domestiques appartentnt à des espèces distinctes. Ainsi des huppes céphaliques ont appauu chez diverses espèces. Chez une variété du dindon maintenanr éteinte, la huppe consistait en tiges nues terminées par des houppss de duvet, et ressemblaient jusquàà un certain point aux plumes en raquettes que nous venons de décrire. Chez certaines races de pigeons et de volallees, les plumes sont duveteuses, avec quelque tendanee à ce que les tiges se dénudent. Chez l'oie de Sébastopoe,

W.Jeràon,BirdsofIndia,voLm,P.620.

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[Chap. XIII]                     ORNEMENTATION                                 423

les plumes scapuaaires sont très allongées, frisées, et même contournéss en spiraee avec les bords duveteux ".

A peine est-il besoin de parler de la couleu,, car chacun sait combien les nuances des oiseaux sont belles et harmonieusement

F,g. 47. - ParadUea papuana (T. W

W.Wood).

combinée.. Les couleuss sont souvent métalliques et irisées. Des taches circulaires sont quelquefois entourées d'une ou plusieuss zones de nuances et de tons différenss ; l'ombee qui en résulte les convertit ainsi en ocelles.

i2. Variation des anima,, et plantes, etc., vol. f, p. 307, 31!.

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424

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Ile Partie]

Il n'est pas non plus nécessaire d'insister sur les différences étonnantes qui existent entre les mâles et les femelle.. Le paon commun nous en offre un exempee frappant. Les oiseaux de paradis femelles affectent une couleur obscure, et sont dépourvus de

Z.Junit.z.. Fig. 48. - Lophomis omalus, mâle et femelle (d'après Brehm, édition fr~nçaise).

tout ornement, tandis que les mâles revêtent des ornemenss si riches et si variés, que quiconqee ne les a pas étudiés peut à peine s'en faire une idée.

Lorsque le Paradisea apoda redresse et fait vibrer les longues plumes jaune doré qui décorent ses ailes, on croiratt voir une sorte

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[ChappXIIII                        ORNEMENTATION                                     42S

de halo, au centre duquel la tète « figure un pettt soleil d'émeraude dont les deux plumes forment les rayon"" ». Une autre espèce, également magnifique, a la tête chauve < d'un riche bleu.cobalt, et

Fig. 49. - Spalura Cnderwoodi, mâle et femelle (d'après Brehm, édition française..

ornee en outre de plusieurs bandes de plumes noires veloutées» ». Les oiseaux-mouches {fig. 48 et 49) mâles sont presque aussi

73.  Cité d'après M. deLafresnaye dtrns Annalset Mag.ofNal.Hist. vol. XIII, 1854, p. 157; voir ausii le récit plus complet de M. Wallace dans le vo.. XX, 1857, p. 412, et dans Malay Archipelago.

74.  Wallace, Malay Archipelago, 1869, vol. II, p. 403.

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. 426                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

beaux que les oiseaux de paradss ; quiconqee a feuilleté les beaux volumes de M. Gould, ou visité sa riche collectio,, ne peut le contester. Ces oiseaux affectent une diversité d'ornements très remarquable. Presque toutes les parties du plumage ont été le siège de modifications, qui, comme me l'a indiqua M. Gould, ont été poussées à un point extrême chez quelquss espèces appartenant à presque tous les sous-groupes. Ces cas présentent une singulière analogee avec ceux que nous présentent les races que nous élevons pour l'ornementati,n, nos races de luxe, en un mo.. Un caractère a primitivement varié chez certains individu,, et certains autres caractères chez d'autres individus de la même espèce ; l'homme s'est empaéé de ces variations et les a pousséss à un point extrêm,, comme la queue du pigeon-paon, le capuchnn du jacobin, le bec et les caroncules du messager, etc. Il existe toutefois une différence dans un de ces cas; le résultat a été obtenu grâce à la sélection opéréepar l'homme, tandisque, dans l'autre, celui des oiseaux-mouches, des oiseaux de paradis, etc., le résultat proveent de la sélection que les femelles exercent en choisissant les plus beaux mâles. Je ne citerai plus qu'un oiseau, remarquable par l'extrême contrasee de coloration qui existe entre les mâles et les femelles; c'est le fameuxoiseau-cloche, CAasmorhynchus niveus, de''Amériquedu Sud, dont, à une distanee de près de quatre kilomètres, on peut distinguer la note qui étonne tous ceux qui t'entendent pour la première..fos.. Le mâle est blanc pur, la femelle vert obscu;; la première de ces couleuss est assez rare chez les espèces terrestres de taille moyenne et à habitudes inoffensives. Le mâle,.s'il faut en croire la description de Waterton, porte sur la base du bec un tube contourné en spirale, long de près de hutt centimètres. Ce tube, noir comme )e jass, est couvett de petites plumes duveteuses ; il peut se remplir d'air par communication avec lepaaais,et pend sur le côté lorsqu'il n'est pas insufflé. Ce genre renferme quatre espèces; les mâles de ces quatee espèces sont très différenss les uns des autre,, tandssque les femelles, dont la description a fait l'objet d'un mémoree intéressant de M. Sclate,, se ressemblent beaucoup; c'est là un excellent exemple de la règle générale que nous avons posée, à savoir que, dans un même group,, les mâles diffèrent beaucoup plus les uns des autres que ne le font les femelle.. Chez une seconde espèce, le C. nudicollis, le mâle est également blanc de neige, à l'exception d'un large espace de peau nue sur la gorge et autour des yeux, peau qui, à l'époque des amour,, prend une belle teinte verte. Chez une troisième espèce (C. tricarunculalus), le mâle n'a de blanc que la tête et le cou, le reste du corps est brun

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[Chap. XIII]                     ORNEMENTATION                                 427

noisette; le mâle de cette espèce porte trois appendices filamenteux, longs comme la moitié de son corps, - dont l'un part de la base du bec, et les deux autres des coins de la bouche ».

Les mâles adultes de certaines espèces conservent toute leur vie leur plumage coloré et les autres ornemenss qui les décoren;; chez d'autres espèces, ces ornemenss se renouvellent périodqquement pendatt l'été et pendant la saison des amour.. A cette époque, le bec et la peau nue de la tête, changent souvent de couleu,, comme chez quelquss héron,, quelques ibis, quelques mouettes, un des oiseaux (Chasmorhynchus) mentionnés plus hau,, etc. Chez l'ibis blanc les joues, la peau dilatabee de la gorge et les parties qui entourent labasedubec, deviennent cramoisies". Chez un rb\e,teGa<h-crex cristatus, une grosse caroncuee rouge se développe sur la tête du mâle à la même époque. It en est de même d'une mince crête cornée qui se forme sur le bec d'un pélican, le P. erythrorhynchus ; car, après la saison des amours, ces crêtes cornées tombent comme les bois de la tête des cerfs, et on a trouvé la rive d'une île. dans un lac de la Nevada, couverte de cescurieuses dépoullles".

Les modffiions de couleur du plumaee suivant les saisons proviennent, premièrement, d'une double mue annuelle; secondement, d'un changement réel de couleur qui affecte les plumes elles-mêmes; troisièmement, de ce que les bords de couleur plus terne de la plume tombent périodiquement; ou de ces trois causes plus ou moins combinées. La chute des bords de la plume peut se comparer à celle dela chute du duvet des très jeunes oiseaux; car, dans la plupatt des cas, le duvet surmonee le sommet des premières vraies plumes".

Quant aux oiseaux qui subissent annuellement une double mue, on peut en citer certains, comme les bécasses, les glaréoles et les courlis, chez lesquess les mâles et les femelles se ressemblent et ne changent de couleur à aucune époqu.. Je ne saurass dire si le plumage d'hiver est plus épais et plus chaud que celui de l'été, ce qui semblerait, lorsqu'il n'y a pas de changement de couleu,, la cause la plus probabee d'une double mue. Secondement, il y a des oiseaux, quelquss espèces de Tolanus et quelques autres échassiers par exemple, chez lesquess les mâles et les femelles se ressemblent, mais qui ont un plumaee d'été et un plumaee d'biver

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428                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ile Partie]

un peu différents. La différence de coloratinn est, d'allleurs, ordinairement si insignifiante, qu'elee peut à peine constituer un avantage pour ces oiseaux; on peut l'attribuer, peut-être, à l'action directe des conditioss différentes auxquelles les individus sont exposés pendant les deux saison.. Troisièmeme,t, il y a beaucopp d'autres espèces chez lesquelles les mâles et les femelles se ressemblen,, mais qui revêten,, un plumage d'été et un plumage d'hi ver très différents. Quatrièmement, on connatt de nombreuses espèces chez lesquelles la coloration du mâle diffère beaucoup de celle de la femelle ; or, la femelle, bien que muant deux fois, conserve la même coloration pendant toute l'année, tandss que les mâles subissent sous ce rappott des modifications quelquefois très considérables, quelquss outardes, par exemple. Cinquièmement, enfin, il est certaines espèces où le mâle et la femelle diffèrent l'un de l'autre tant par leur plumage d'été que par celui d'hiver, mais le mâle subi,, au retour de chaque saison, une modfiication plus considérable que la femelle, - cas dont le tringa (Macheles pugnax) présenee un frappant exemple.

Quant à la cause ou au but des différences de coloration entre le plumaee d'été et celui d'hive,, elles peuvent, dans quelquss cas, comme chez leptarmigan", servir pendant les deux saisons de moyen protecteur. Lorsque la différence est légère, .on peut, comme nous l'avons déjà fait remarquer, t'attribuer peut-être à l'action direcee des conditions d'exsstence. Mais il est évident que, chez beaucoup d'oiseau,, le plumage d'été est ornemental, même lorsque les deux sexes se ressemblent. Nous pouvons conclure que tel est le cas pour beaucoup de héron,, etc., qui ne revêtent leur admirable plumaee que pendant la saison des amour.. En outre, ces aigrettes, ces huppes,, etc,, bien qu'eless existent chez les deux sexes, prennent parfois un développement plus considérable chez le mâle que chez la femelle, et ressemblent aux ornements de même natuee qu,, chez d'autres oiseaux, sont l'apanage des mâles, seuls. On sait aussi que la captivité, en affectant 1. système reproducteur des oiseaux mâles, arrête fréquemment le développement des caractères sexuels secondaires, sans exercer d'influenee immédiate sur leurs autres caractères; or, d'après M. Bartlett, huit ou neuf Tringa canutus ont conservé pendant toute l'anné,, aux Zoo-

impor-ver; on

!.. Le p,r,ge ,„„ b,„„ pon,™» du pumipn. u„„„„l tf.„d„

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[ChappXIII]                     ORNEMENTATION                                 429

logical Garden,, leur plumage d'hiver dépourvu d'ornements, fait qui nous permet de concluee que, bien que commun aux deux sexes, le plumage d'été participe à la natuee de plumage exclusvement masculin de beaucoup d'autres oiseaux8».

La considération des faits précédents, et, plus spécialement le fait que certanss oiseaux de l'un et de l'autre sexe ne subissent aucune modfiication de couleur au cours de leurs mues annuelles, ou changent si peu que la modfiication ne peut guère leur être avantageuse, qu'en outre les femelles d'autres espèces muent deux fois et conservent néanmoins toute l'annee les mêmes couleurs, nous permet de conclure que l'habitude de muer deux fois pendant l'annee n'a pas été acqusse en vue d'assurer un caractère ornementa) au plumage du mâle pendatt la saison des amours; mais que la double mue, acqusee primitivement dans un but distinct, est sub-séquemment, dans certains cas, devenue l'occasinn de revêtir un plumage nuptial.

Il paratt surprenant, au premier abord, que, chez des espèces très voisine,, quelques oiseaux subsssent une double mue annuelle régulière, et que d'autres n'en subissent qu'une seule. Le ptarm--gan, par exemple, mue deux ou même trois fois l'an, et le tétras noir une seule fois. Quelques magnifiques Nectariniées de l'Inde, et quelquss sous-genres d'Anthu,, obscurément colorés, muent deux fois, tandss que d'autres ne muent qu'une fois par an ». Mais les gradations que présenee la mue chez diverses espèces nous permettent d'expliquer comment des espèces ou des groupss d'es- ' pèces peuvent avoir primitivement acquis la double mue annuele,, ou la reperdre après l'avoir possédée. La mue printanière, chez certaines outardes et chez certains pluviers, est loin d'être complète, et se borne au remplacement de quelquss plume;; d'autres ne subissent qu'un changement de couleu.. 1I y a aussi des raisons pour croire que chez certaines outardes, et chez certains oiseaux comme les râles, qui subissent une double mue, quelquss vieux mâles conservett pendant toute l'année leur plumage nuptial. Quelques plumes très modfiiées peuven,, au printemps, s'ajouter au plumag,, comme cela a lieu pour les rectrices en forme de dis-

80. Sur les précédentes remarques relatives aux mues, voir, pour les bé-casses, etc., Macgillivrag, Hist. Bril. Birds, vol. IV, p. 371; sur les Gtaréotées,

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430 .                LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II« Partie]

que de certains drongos (Bhringa) dans l'Inde, et les plumes allongées qui ornent le dos, le cou et la crête de quelques héron.. Ensuivant une progrsssion de cette nature, la mue prinlanière se compléterait de plus en plus, et finiratt par devenir double. Quelques oiseaux de paradis conservent leurs plumes nuptiales pendant toute l'annee et ne subissent, par conséquent, qu'une seule mue; d'autres les perdent immédaatement après la saison des amouss et subissent, en conséquence, une double mue; d'autres enfin les perdent à cette époque la premèère année seulement et ne les perdent pas les années suivantes, de telle sorte que ces dernières espèces constituent pour ainsi dire un chaînon intermdiaire au point de vue de la mue.

Il existe une grande différence dans le laps de temps pendant lequel se conservent les deux plumages annuels, l'un pouvant durer toute l'année, et l'autre disparaître entièrement. Ainsi, le ' Machetes pugnxx ne garde sa fraise au printemss que pendatt deux mois au plus. Le Chera progne mâle acquiert, à Nata,, son beau plumage et ses longues rectrices en décembee ou en janvier et les perd en mars; il ne les garde donc qu'environ trois mois. La plupatt des espèces soumises à une double mue conservntt leurs plumss décoratives pendant six mois environ. Le Gallus bankiva sauvage mâle conserve cependatt les soies qu'il porte au cou pendant neuf ou dix mois, et, lorsqu'elles tombent, les plumes noires sous-jacentes du cou deviennent visibles. Mais, chez le descendant domestique de cette espèce, les soies du cou sont immédiatement remplacées par de nouvelles, de sorte qu'ici nous voyons que, pour une partie du plumage, une double mue s'est/sous l'influenee de la domestication, transformée en une mue simple..

On sait que le canard commun (Anas boscha)) perd, après la saison des amour,, son plumage masculin pendant une période de trois mois, période pendant laquelee il revêt le plumage de la femelle. Le pilet mâle (Anas acutal perd son plumage pendant une période de six semaines ou deux mois seulemene, et Montagu remarque « que cette double mue, dans un espace de temps aussi

Sur la Vidua, Ibis., vol. III, 1861, p. 133. Sur les Drongos pies-grièches, Jerdon, ib., vol. I, p. 435, Sur la mue printanière de VHerodias bubulcus, M. S. S.Allen

vol. 1,250 (trad. franc.).

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cour,, constitee un fait extraordinaire, qui semble mettee en défaut tout raisonnement humain ,. Mais quiconqee croit à la modfication graduelle de l'espèce ne sera nullement surpris d'observer toutes ces gradations. Si le pilet mâle revêtatt son nouveau plumage dans un laps de temps encore plus cour,, les nouveless plumes propres au mâle se mélangeraient presque nécessairement avec les anciennes, et toutes deux avec quelquss plumes propres à la femelle. Or, c'est ce qui semble se présenter chez le mâse d'un oiseau qui n'est pas très éloigné de VAnas acuta, le Harle huppé (Merganserserrator) dont les mâles « subissen,, dit-on, un changment de plumage qui les fait, dans une certaine mesure, ressembler à la femelle ». Si la marche du phénomène s'accélérait un peu, la double mue se perdrait complètementè.

Quelques oiseaux mâles, comme nous l'avons déjà dit, affeelen,, au printemps, des couleuss plus vives, ce qui provient non d'une mueprintanière; mais soit d'une modiiication réelie de la couleur des plumes, soit de la chute des bords obscurs de ces dernières. Les modifications de couleur ainsi produites peuvent perssster plus ou moins longtemps. Le plumage entier du Pelecanus onocro<alus est, au printemps, teinté d'une nuanee rose magnifique, outre des tachss jaune citron sur la poitrnne; mais, comme le fait remarquer M. Sclater, « ces teintes durent peu et disparaissent ordinairement six semaines ou deux mois après leu'r apparition ,. Certains pinsons perdent au printemps les bords de leurs plumes, et revêtent des couleuss plus vives, tandss que d'autres n'éprouvent aucune modfiication de ce genre. Ainsi IeFringilla tristis des États-Unis (ainsi que beaucoup d'autres espèces américaines) ne revêt ses vives couleuss que lorsque l'hiver est passé; tandis que notre char- donneret, qui représente exactemntt cet oiseau par ses habitudes, et le tarin, qui le représente de plus près encore par sa conformtion, ne subissent aucune modification annuelle analogue. Mais une différenee de ce genre dans le plumage d'espècss voisinss n'a rien d'étonnant, car chez la linotte commun,, qui appartient à la même famille, la coloration cramoisie du front et de la poitrine n'apparaissent en Angleteree que pendatt l'été, tandss qu'à Madère ces couleuss perssstent pendant toute l'année".

"VsiïL'U;™. SCter, Proc. Zml. Se.., 1SB, p. M5. S., I«, pi-ons Ibis, vol.V,lS63,p.250.

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432                 . LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee Partie]

Les oiseaux mâles aiment à étaler leur plumage. -Les mâles étalent, avec soin, leurs ornemenss de tous genres, que ces ornements soient chez eux permanents ou temporaires; ils leur servent évidemment à exciter, à attirer et à captiver les femelles. Toutefois les mâles déploient quelquefois leurs ornemenss sans se trouver en présenee de femelles, comme le font les grouses dans leurs réunion;; on a pu aussi remarquer que le paon aime à étaler sa queue splendide à conditinn qu'iu ait un spectateur quelconque, et, comme j'ai souvent pu l'observer, fait parade de ses beaux atouss devant des poules, et même devant des porcs.. Tous les naturalistes qui ont étudié avec soin les habitudes des oiseaux, soit à l'état sauvag,, soit en captivité, sont unanimes à reconnartre que les mâles sont enchantés de montrer leurs ornemnnts. Audubon a remarqué que le mâle cherche de diverses manières à captiver la femelle. M. Gould, après avoir décrtt quelquss ornemenss particuliers à un oiseau-mouche mâle, ajouee qu'il a soin de les exposer à son plus grand avantage devant la femelle. Le docteur Jerdonr» insiste sur l'attraction et la fascination qu'exerce sur la femelle le beau plumaee du mâle; M. Bartlett, des Zoogical Gardens, s'exprime non moins catégoriquement à cet égard.

Ce doit être un beau spectacle, dans les forêts de l'Inde, « que de tomber brusquement sur vingt ou trente paon,, dont les mâles étalent leurs queues splendides, et se pavanent orgueilleusement devant les femelles charmées ». Le dindon sauvage redresee son brillant plumag,, étale sa queue élégamment zonée et ses rémiges barrées, et, au tota,, avec les caroncules bleues et cramoisies qui garnissent sa gorge, il doit faire un effet superb,, bien que grotesque à nos yeux. Nous avons déjà cité des faits analogues à propos de divers tétras (grouse.. Passoss donc à un autre ordre d'oiseaux.. LeRupicoaa crocea mâle (/ig. 50) est un des plus beaux oiseaux qu'il y ait au monde, son plumage affecte une teinte jaune orangé splendide, et quelques-unes de ses plumes sont curieusement tronquées et barbelées. La femelle, vert brunâtre, nuanéé de rouge, a une crête beaucoup plus petite. Sir R. Schomburgk a décrtt les moyens qu'ils emploiett pour courtiser les femelles; il a pu, en effet, observer une de leurs réunions où se trouvaient dix mâles et deux femelles. L'espaee qu'ils occupaient avatt quatre à cinq pieds de diamètre; ils avacent arraché l'herbe avec soin, uni et égaiisé ie terrann comme auraiett pu le faire des mains humaines. Un mâle

85.  Rev.E.S. Dixon, Omamental Poultry, 1848, p. 8.

86.  Birds oflndia, Introduction, vol. I, p. xxiv; sur le paon, vol. III, p. 507. Gould, Introd. to Ihe TYochilidœ, 1861, p. 15 et 111.

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[Chap. XIII] LES OISEAUX MALES ÉTALANT LEUR.PLUMAGE 433

« était en train de cabriolrr évidemment à la grande satisfaction des autre.. Tantôt il étendatt les ailes, relevatt la tête ou étalait sa queue en éventail, tantôt il se pavanait en sautllaant jusquàà ce quill tombât épuisé de fatigue ; il jetatt alors un certain cri, et était immédiatement remplacé par un autre. Trois d'entre eux entrèrent successivement en scène, et se retirèrent ensuite pour se reposer ». Les Indien,, pour se procurer leurs peaux, attendent que les oi-

F Fig. 50. - Rupicola erocea, màle (T. W. Wood..

seaux soient très occupés par le spectacee auquel ils assistent; ils peuvent alors, à l'aide de leurs flèches empossonnées, tuer l'un après l'autre cinq ou six mâles". Une douzanee au moins d'oiseaxx de paradis mâles, au plumage complet, se rassemblent sur un arbre pour donner un bal, comme disent les indigène;; ils se mettent à voleter de ci de la, élèvent leurs ailes, redressent leurs plumes si élégantes, et les font vibrer de telle façon, dit M. Wallace. qu'on croirait l'arbee entier rempii de plumes flottantes. Ils sont alors si

V.JoumalofR.Gfo9.Soc.,voLX,mO,P.2m.

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434                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ie Partie!

absorbss qu'un archrr habile peut abattre presque toute la bande. Ces oiseaux, gardés en captivité dans l'archipel Malais, entretiennent avec soin la propreté de leurs plume;; ils les étalent souvent pour les examiner et pour enlever la moindee trace de poussière. Un observateur, qui en a gardé plusieuss couples vivants, affirme que les paradss auxquelles se livre le mâle ont pour but de cha-mer la femelle88.

Le faisan doré et le faisan Amhurst, quand ils courtisent les femelles, ne se contentent pas d'étendee et de relever leur magn-fique fraise; mais, comme je l'ai observé moi-mêm,, ils la tournent obliquement vers la femelle, de quelque côté qu'elle se trouve, évidemment pour en déployer devane elle une large surface.». M. Bartlett a observé un polyplectron maie (flg. 51) faisant sa cour à une femelle, et m'a montré un individu empaillé placé dans la position qu'il prend dans cette circonstance. Les rectrices et les rémiges de cet oiseau sont ornées de superbes ocelles, semblables à ceux.de la queue du paon. Or, lorsque ce dernier se pavan, il étale et redresee la queue transversalement, car il se place en face de la femelle et exhibe en même temps sa gorge et sa poitriee si richement colorées en bleu. Mais le polypeectron a la poitriee sombre, et les ocelles ne sont point circonscrits aux rectrcces; en conséquence, il ne se pose pas en face de la femelle,.mais il redresse- et étale ses rectrices un peu obliquement, en ayant soin d'abassser l'alle du même côté et de relever l'aile opposé.. Dans cette posttio,, il expose à la vue de la femelle, qui l'admire, toute la surface de son corps parsemee d'ocelles. De quelque côté qu'elle se retourne, les ailes étenduss et la queue inclinée.suivent le mouvement et restent ainsi à portée de sa vue. Le faisan tragopnn mâle agit d'une manière à peu près semblable, car il redresee les plumes du corps mais non pas l'aile, du côté opposé à celui où se trouve la femelle, plumes que sans cela elle n'apercevrait pas, de sorte que toutes ses plumes élégamment tachetées sont en même

lCZ™ltrS:ÏS„s «, encore p„,s «„„„,„. Les rémiges secondaires si énormément développées du mâle, qui seul en est pourvu, sont ornées d'une rangée de vingt à vingt-trois ocelles, ayant tous plus d'un pouce de diamètre. Les plumes son,,

88 Ann and Mao of Nat. Hist., vol. XII, ]854, p. 157. Wallace, ib., vol. XX, 1857; tm:fZ%Yclipela9o, vol. Il,' 1869! p. 252. Le docteur Bennett, cité par Brehm, Thierleben, vol. III, p. 326.

89. M. T. W. Wood fait («««ta.*, avril 1870, p. 115) une description complète de ce mode de déploiement qu'il appelle unilatéral exécuté par le fa1San doré et par le faisan japonais, Ph. versicolor.

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[Capp XIII] LES OISEAUX MALES ETALENT LEUR PLUMAGE 435

en outre, élégamment décorées de raies obliques foncées et de séries de taches, rappelant une combinaison de la fourruee du tigre et de celle du léopard. Le mâle cache ces splendides ornemenss jusquàà ce qu'il se trouve en présenee de la femelle; alors,

3

Fig. 51.

Polypleclron chinguis. mâle (T. W. Wood..

il redresee sa queue et déploie les plumes de ses ailes de façon à leur faire prendre l'apparence d'un grand éventall ou d'un grand bouclier circulaire et presque verticll qu'il porte en avant de son corps. Il dissimuee sa tête et son cou derrière ce bouclier; mais, afin de pouvorr surveiller la femelle devant laquelle il exhibe ses

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a

436                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Il! Partie]

ornements, il passe quelquefois la tête, ainsi qu'a pu l'observer M. Bartlelt, entre deux des longues rémiges; l'oiseau, dans ce cas, présente une apparence grotesque. Ce doit être là, d'allleurs, une habitude du faisan Argus à l'état sauvag,, car M. Bartlett et son fils, en examinant des peaux en parfait état de conservation qui leur avaient été envoyées de l'Orient, ont remarqué, entre deux des plumes, un endrott usé évidemment par le passage fréquent de la tête de l'oiseau. M. Wood pense que le mâle peut aussi survelller la femelle en regardant de côté sur le bord de l'éventail.

Les ocelles qui décorent les rémiges du faisan Argus sont ombrés avec une telle perfection, que, comme le fait remarquer le duc d'Argyll», ils représentent absolument une boule quron auratt posée dans un alvéole. J'éprouvai toutefois un grand désappointement quand j'examinai l'individu empalléé qui se trouve au British Museum; on l'a monté les ailes déployéss mais abaissées; les ocelles me parasssent plass et même concave.. Mais M. Goutd me fit aussitôt comprendre la cause de mon désappointement; il lui suffisait pour cela de placer ces plumes dans la position que leur donne l'oiseau quand il les étale devans la femelle. Or, dès que les rémigss se trouvent dans la position verticaee et que la lumière les frappe par en hau,, l'effet complet des ombres se produit, et chaque ocelle (flg. 52) prend l'aspect d'une boule dans une cavité. Tous les artistes à qui on a mole ces plumes ont admiré la perfection avec laquelee elles sont ombrées. Une question vient tout naturellement à l'esprit : comment la sélection sexuelle a-t-elle pu détermnner la formation de ces ornements si artistiques? Nous nous réservons de répondee à cette question dans le chapitre suivan,, après avoir discuéé le principe de la gradation.

Les remarques précédentes s'appliquent aux rémiges secondaires du faisan Argus, mais les rémiges primaires, qui ont une coloration uniforme chez la plupart des gallinacés, ne sont pas, chez cet oiseau, moins merveilleus.s. Elles affectent une teinte brune douce et sont parsemées de nombreuses taches foncées, dont chacune consiste en deux ou trois poinss noirs entourés d'une zone foncée. Mais l'ornement principal de ces rémiges consiste en un seul espace parallèle à la tige bleue foncée, dont le contour figure une seconde plume parfaite contenue dans la plume véritable. Cette portion intérieuee affecte une couleur châtain plus clair, et est parsemée de petiss poinss blancs. J'ai montré ces plumes à bien des personnss et plusieuss les ont préférées même aux plumes à ocelles,

90. TJœneignofUiu.mi, p. 203.

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LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE

437

[Chap. XIII]

et ont déclaré qu'elles ressemblaient plutôt à une œuvre d'att qu'à une œuvre de la nature. Or, dans toutes les circonstances ordinaires, ces plumes sont entièrement cachées, mais elles s'étalent

Fig. 59. - Faisan Argus étalant son plumage (M. T. Wood).

complètement, en même temps que les rémiges secondaires, de façon à former un grand éventail.

L'exempee du faisan Argus mâle-est éminemment intéressant, en ce qu'il nous fourntt une excellenee preuve que la beauté la plus exquise peut servir à captiver ta femelle, mais a rien autre chose; en effet, les rémiges primaires ne sont jamass visibles, et les ocel-

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438                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PARTIE]

les apparaissent dans toute leur perfection, seulement alors que le mâle prend l'attitude qu'il adopte toujouss quand il courtise la femelle. Le faisan Argus n'affecte pas de brillantes couleurs, de sorte que ses succès auprès de l'autre sexe parasssent dépendre de la grandeur de ses plumes et de la perfection de leurs élégants dessins. On objectera, sans doute, qu'll est absolument incroyable qu'un oiseau femelle puisse apprécier la finesse des ombres et l'éIégance du dessin, mais nous n'hésitons pas à avouer qu'elee puisse possédrr ce degré degoût presque human.. Quiconque croit pouvoir évaluer avec certitude le degré de discernement et de goût des animaux inférieuss peut nier, chez le faisan Argus femelle, l'appréciation de beautés aussi délicates : mais alors il faut admettre que les attitudes extraordinaires que prend te'mâle, lorsqulil courtsee la femelle, et qui sont les seules pendant lesqueless la beauté merveilleuse de son plumage s'étale complètement aux regards, n'ont aucune espèce de but. Or c'est là une conclusion qui, pour moi tout au moins, est inadmissible.

Alors que tant de faisans et de gallinacés voisins étalent avec le plus grand soin leur beau plumage aux regards des femelles, M. Bartlett me signaee un fait très remarquable : deux faisans affectant des couleuss terne,, le CrossoptiloM auritum et le Phasia-nus Wallichii n'agsssent pas ainsi ; ces oiseaux paraissent donc comprendre qu'il est inutile defaire parade de beautés quills ne possèdent pas. M. Bartlett n'a jamais vu de combass entre les mâles de l'une ou de l'autre de ces deux espèces qu'il a eu d'excelentes occasions d'obsevver, surtout la premèère. M. Jenner AVeir pense aussi que tous les oiseaux mâles à plumage riche et fortement caractérisé sont plus quereleeurs que ceux à couleurs sombres faisant partie des mêmes groupes. Le chardonneret, par exempe,, est beaucoup plus belliquuxx que la linotte, et le merle que la grive. Les oiseaux qui subissent un changement périodique de plumage deviennent évidemmntt plus belliqueux à l'époque pendant laquelle ils sont le plus richement ornés. Sans doute, on a observé des luttes terribles entre les mâles de quelquss oiseaux à coloration obscure, mais il semble que, lorsque la sélection sexuelle a exercé une forte influence et a détermnné, chez les mâles d'une espèce quelconque, une riche coloration, elle a aussi développé chez eux une tendanee prononcée à un caractère belliqueux. Nous aurons à signaler des cas presque analogues chez les mammifères. D'autre par,, il est rare que l'aptitude au chant et la beauéé du plumaee se trouvent réunss sur les mâles de la même espèce; mais, dans ce' cas, l'avantage résultant de ces deux perfectior

ons

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[Chap. XIII] LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE 439

auratt été identiquement le même : le succès auprès de la femelle. Il faut néanmoins reconnaître que, chez les mâles de quelques oiseaux aux vives couleur,, les plumes ont subi des modfiications spéciales qui les adaptent à la production d'une certaine musique instrumentale, bien que, si nous consuttons notre goût tout au moins, nous ne puissions pas comparer la beauté de cette musique à celle de la musique vocale de beaucoup d'oiseaux chanteurs. Passons maintenant aux oiseaux mâles qui, sans être ornés à aucun degré considérable, exhibent néanmoins, lorsqu'ils courtisent les femelles, les charmss qu'ils possèdent. Ces cas, plus curieux que les précédents sous certains rapports, ont. été peu remarqués jusquci.i. M. JennerWeir, quaa longtemps élevé des oiseaux de bien des genres, y compris tous les Fringillidés et tous les Embé-rizidés d'Angleterre, a bien voulu me communiquer les faitsssuivanss choisss parmi un ensembee considérable de notes précieuses. Le bouvreuil se présenee de face à la femelle, et gonfle sa poitrine de manièee à lui faire voir à la fois plus de plumes cramoisies qu'elle ne pourrait en apercevorr dans toute autre position. En même temps, il abassee sa queue noire et la tourne décoee et d'autre d'une manière comiqu.. Le pinson mâle se place aussi devant la femelle pour montrer sa gorge rouge et sa tête bleue; il étend en même temps légèrement les ailes, ce qui laisse apercevorr les belles lignes blanchss des épaules. La linotee commune distend sa poitrine rosée, étale légèrement ses ailes et sa queue brune,, de manière à en tirer le meilleur parii en montrant leurs bordures blanches. Il faut cependant faire toutes réservss avant de concluee que ces oiseaux n'étalent leurs ailes que pour les faire admirer, car certains oiseaux dont les ailes n'ont aucune beauéé agissent de même. Le coq domestique, par exempe,, n'étend jamass que l'alle opposée à la femelle et la fait traîner jusquàà terre. Le cha-donneret mâle se comporte autrement que tous les autres pinson;; il a des ailes superbe,, les épaules sont noire,, et les rémiges foncées tachetées de blanc et bordées de jaune d'or. Lorsqu'il courtise la femelle, il balanee son corps de droite à gauche et réciproquement, et tourne rapidement ses ailes légèrement ouvertes d'abodd d'un côté, puis de l'autre, et produtt ainsi un effet lumineux à reflet doré. M. Weir affirme qu'aucun autre oiseau du même groupe ne se comporte de cette façon pendant quill courtise la femelle, pas même le tarin mâle, espèce très voisine; ce dernier, il est vra,, n'ajouterait rien à sa beauté en prenant cette attitude. La plupatt des bruanss anglais sont des oiseaux à couleur terne et uniforme, mais les plumes qui ornent la tête du bruant des

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440                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

roseaux^mfterfefl schoeniculus) mâle, revêten,, au printemps, une belle coloration noire par la disparition de leurs pointes plus pâles; ces plumes se redressent pendant que l'oiseau courtise la femelle. M. Weir a élevé deux espèces d'Amadina d'Australie ; VA. castanotis est une petite espèce à coloration très insignifiante; la queue affecte une teinte foncée, le croupion est blanc, et les plumes supérieures de ]a queue noir de jais; chacune de ces dernières porte trois grandes tachss blanches, ovales et très apparentes ». Le mâle, lorsqu'il courtise la femelle, étale un peu et fait vibrer d'une manière toute particulrere ces plumes en partie colorées de la queue. L'Amadina Lathami mâle se comporee d'une manière très différente; il exhibe devant la femelle sa poitrine richement tachetée et lui fait voir en même temps les plumes supérieures écarttes de son croupion et de sa queue. Je peux ajouter ici, d'après M. Jerdon, que le Bulbul indien (Pycnonotus hmmorrhoMs) a des plumes ,0MS-caudales écarlates, dont les belles couleurs, pourrait-on croire, n'apparaîtraient jamais « si l'oiseau excité ne les étalait latéralement de manière àles rendee visiblss même d'en haut , '. On peut apercevoir, sans que l'oiseau se donne aucune peine, les plumes sous-caudales cramoisies de quelquss autres espèce,, celles du Picus major, par exemple. Le pigeon commun a des plumes irisées sur 1a poitrine, et chacun sait que le mâle gonfle sa gorge lorsqu'il courtise la femelle et exhibe ainsi ses plumes de la manèère la plus avantageuse. Un des magnifiques pigeons à ailes bronzées d'Australie (Ocyphass lophotes) se comporte différemmnnt, selon M. Weir; le mâle, quand il se tient devant la femelle, baisse la tête presqee jusquàà terre, étale et redresee perpendcuulairement sa queue et étend à moitié ses ailes. Il soulève et abaisse ensuite alternativement son corps de façon que les ptumes métalliques irisées apparaissent toutes à la fois et respeendissens au soleil.

Nous avons maintenantéité un assez grand nombee de faits pour prouvrr avec quel soin et avec quelle adresee les oiseaux mâles étalent leurs divers charmes. Ils ont, quand ils nettoeent leurs plumes, de fréquentes occasions pour les admirer et pour étudier comment ilspuuvent le mieuxfaire valoir leur beauté. Mais, comme tous les mâles d'une même espèce se comportent d'une même ma-mere, il semble que des actes, peut-être intentinnnels dans le prin-ope, ont fini par devenrr instinctifs. S'il en est ains,, nous ne de-

^iJSKîKffl r:r—voir GouId> *-"* * * «*

M..Birdsoflndia, vol. Il, 96.

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[Chapp XIII] LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE 441

vons pas accuser les oiseaux de vanité consciente; cependant, lorsque nous voyons un paon se pavane,, la queue étalée et frissonnante, il semble qu'on ait devant les yeux le véritabee emblème de l'orgueil et de là vanité.

Les divers ornemenss que possèdent les mâles ont certannement pour eux une extrême importance, car, dans certains cas, ils les ont acquis aux dépens de grands obstacess apportés à leur aptituee auvol et à lalocomotion rapide. se Cosmefomïsafricain, chez lequel une des. rémiges primaires acquiert une longueur considérable pendant la saison des amours, est ainsi très gêné dans son vol, remarquable par sa rapidité en tout autre temp.. La grandeur encombrante des rémiges secondaires du faisan Argus mâle empêche, dit-on, < presqee complètement l'oiseau de voler ». Les magnif.ques plumes des oiseaux de paradss les embarrassent lorsque le vent est fort. Les longues plumes caudales desVidua mâles de l'Afrique australe rendent leur vol très lourd ; mais, aussitôt que ces plumes ont disparu, ils volent aussi bien que les femelle.. Les oiseaux couvent toujouss lorsque la nourriture est abondante, les obstacess apportés à leur locomotion n'ont donc pas probablement de grands inconvénients en tant quill s'agtt de la recherche des aliments, mais il est certain qu'iss doivent être beaucoup plus exposés aux atteintes des oiseaux de proie. Nous ne pouvons non plus douter que la queue du paon et les longues rémiges du faisan Argus ne doivent exposer ces oiseaux à devenir plus tacilement la proie des chass tigres. Les vives couleuss de beaucoup d'oiseaux mâles doivent aussi les rendre plus apparents pour leurs ennemis. C'est là, ainsi que le remarqee M. Gould. la cause probable de la défiance assez généraee de ces oiseaux, qui, ayant peut-être conscience du danger auquel leur beauéé les expose, sont plus difficiles à découvrir ou à approcher que les femelles sombres et relativement plus apprivoisées, ou que les jeunes mâles qui n'ont pas encore revêtu leur riche plumage-.

Il est, d'ailleurs, un fait plus curieux encore ; certains ornements gênent de façon extraordinaire des oiseaux mâles pourvus d'armss pour la lutte et qui, à l'état sauvag,, sont assez belliquuux pour s'entre-tuer souven.. Les éleveuss de coqs de combat taillent les caroncules et coupent les crêtes de leurs oiseaux; c'est ce qu'en

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442                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

termes du métier on appelee les armer en guerre. Un coq qui n'a pas été ainsi préparé, dit M. Tegetmeier, a a de grands désavan-, tages, car la crête et les caronuules offrent une prise facile au bec de son adversaire et, comme le coq frappe toujouss là où il tient, lorsqulil est parveuu à saisrr son adversaire, celu--ci est bientôt en son pouvoir. En admettant même que l'oiseau ne soit pas tué, un coq qui n'a pas été taillé de la manière indiquee est exposé certainemett à perdre beaucoup plus de sang que celui qui l'a été ". » Lorsqee les jeunes dindons se battent, ils se saisissent toujouss par les caroncules, et je pense que les vieux oiseaux se battenr de la même manière. On peut objecter que tes crêtes et les caroncules ne sont pas des ornemenss et ne peuvent avoir pour les oiseaux aucune utilité de cette nature; mais cependant, même à nos yeux, la beauté du coq espagnol au plumage noir brillant est fort rehausée par sa face blanche et sa crête cramoisie; et quiconqee a eu l'occasion de voir un faisan tragopan mâle distendee ses magnifiques caroncules bleus, pendant qu'il courtise la femelle, ne peut douter un instant quills ne servent à embellir l'oiseau. Les faits que nous venons de citer prouvent que tes plumes et les autres ornements du mâle doivent avoir pour lui une autee importance; ils prouvent, en outre, que, dans certaiss cas, la beauté est-même plus essentielee pour lui que la victoire dans le comba..

CHAPITRE XIV

OISEAUX (SUITE)

variations. - Formation d'ocelles. - Gradations de caractères. - Exemples fournis par le Paon, le faisan Argus et l'Urosticte.

Lorsque les mâles et les femelles présentent quelques différences au point de vue de la beauté, de l'aptitude à chanter, ou de la production de ce que j'ai qualifié de musique instrumentale le mâle, presqee toujours, l'emporte sur la femelle. Ces qualités, ainsi que nous venons de le démontrer, ont évidemment pour lui une grande importance. Quand elles sont temporaires seulemen,, elles n'apparaissent que peu de temps avant l'époque de l'accouplement. Le mâle seul se donne beaucoup de peine pour exhibrr ses attraits

94. Tegetmeier, The Poultry Book; 1866, p. 139.

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[Chap. XIV] DURÉE DE LA COUR QUE SE FONT LES OISEAUX 443

variés, et exécute de grotesques gambadss sur.te sol ou dans t'air, en présenee de la femelle. Le mâle s'efforce de chasser ses rivaux, ou, s'il le peu,, de les tuer. Nous pouvons donc en conclure que le mâle se propoee de décider la femelle à s'accoupler avec lui, et, pour atteindee ce but, il cherche à l'exciter et à la captiver en employant bien des façons différentes; c'est là, d'ailleurs, l'opinion de tous ceux qui ont étudié avec soin les mœurs des oiseaux. Mais il reste à élucider une quesiion qui, relativement à la sélection sexuelle, a une importance considérable : tous les mâles de la même espèce ont-lls le pouvoir de séduire et d'attirer également la femelle.? Celle-c,, au contraire, exerce-t-elle un choix, et préfère-t-elle certains mâles à certains autre?? Un nombee considérable de preuvss directes et indirectes permet de répondee'affirmativement a cette dernière quesiion. Il est évidemment très difficile de déterminer quelles sont les quaiités qui décident du choix exercé par les femelles; mais, ici encore, des preuvss directes et indirectes nous permettent d'affirmrr que les ornements du mâle jouent un grand-rôle, bien quill n'y ait pas à douter que sa vigueu,, son courage et ses autres qualités mentales n'aient aussi beaucoup d'influence. Commençons par les preuvss indirectes.

Durée ~e la cour que se font les oiseaux. -Certains oiseaux des deux sexes se rassemblent chaque jour dans un lieu détermnéé pendant une période plus ou moins longue; cela dépend probablement, en partie, de ce que la cour que les mâles font aux femelles dure plus ou moins longtemps, et, auss,, de la répétition de l'accouplemen.. Ainsi, en Allemagne et en Scandinavie, les réunions (leks ou balzen) du pettt tétras se continuent depuis le milieu de mars jusque dans le courant de mai. Quaranee ou cinquanee individus et même davantage assistent à ces réunions, et il n'est pas rare que ces oiseaux fréquentent la même localité pendant bien des années successives. Les réunions du grand tétras commencent vers la fin de mars pour se prolongrr jusqu'au milieu et même jusquàà la fin de mai. Dans l'Amérique du Nord, les assemblées du Tetrao pha-sianellus, désignéss sous le nom de « danses des perdrix », durent un mois et plus. D'autres espèces de tétra,, tant dans l'Amérique du Nord que dans la Sibérie orientale', ont à peu près les mêmes

1. Nordmann décrit (Bull. Soc. Imp. des Nat. Moscou, 1861, t. XXXIV, p. 264) les lieux de danse du Tetrao urogalloïdes dans le pays d'amour. Il estime le

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m                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

habitudes. Les oiseleuss reconnaissent les )ocalités où les tringa se rassemblent à l'aspett du sol piétiné de telle façon que l'herbe cesse d'y croître, ce qui prouve aussi que le même endrott est fréquenté pendant longtemps. Les Indiens de la Guyane connaissent fort bien les arènes dépouillées où ils savent trouvrr les beaux coqs de roches; les indigènss de la Nouvelee-Guinée .connaissent aussi les arbres surlesqusls se rassemblent à la fois dix ou vingt oiseaux de paradss au grand plumage. On n'affirme pas expressément que, dans ce dernier cas, les femelles se réunsssent sur les mêmes arbres, mais les chasseurs, si on ne les interroge pas sur ce poin,, ne songent probablement pas à signaerr leur présence, les peaux des femelles n'ayant aucune valeur pour eux. Des tisseriss (Ploceus) africains se rassemblent par petites bandes lors de la saison des amouss et se livren,, pendant des heure,, aux évolutions les plus gracieuses. De nombreuses bécasses solitaires (Scolopxx majo~) se réunissent au crépuccule dans un marais, et fréquentent pendant plusieuss années de suite la même localité; oapeut les voir courrr en tous sens « comme autant de gros rats, ébourfftant leurs plumes, battant des ailes, et poussant les cris les plus étranges' x. Quelques-uns des oiseaux dont nous venons de parler, notamment le tétras à la queue fourchu,, le grand tétra,, le lagopèee faisan, le tring,, la bécasse solitaire et probablement quelquss autres sont, dit-on, polygames. On seratt disposé à croire que, chez les oiseaux pratiquant la polygamie,les mâles les plus forts n'auraient qu'à expusser les plus faibles, pour s'emparer aussitôt de nombreuses femelles; mais, s'il est nécessaire, en outre, que le mâle plaiee à la femelle et la captive, on s'explique facilement que le mâle courtiee longtemss la femelle et que tant d'individus des deux sexes se réunsssent dans une même localtté. Certaines espèces strictement monogames tiennent également des assemblées nup tiales; c'est ce que paraît faire, en Scandinav,e, une espèce de ptarmigan, et ces assemblées se prolongent du milieu de mars jusqurau milieu de mai. En Australie, l'ogseau lyre (Menura superb)) construit des petits monticules arrondis, et le M. Alberli creuse des trous peu profonds, où on assuee que les deux sexes se rassemblen.. Les assemblées du M. superaa comportent quelquefois un grand nombee d'individus; dans un mémoire récemment publié»,

2. Voir, sur les réunions de tétras, Brehm, Thierlaben, vol. IV, p. 350; L.

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[ChapP XIV]              OISEAUX NON ACCOUPLES                          445

un voyageur raconee qu'ayant entendu dans une vallée située au-dessous de lui un brutt indescriptible, il s'avanaa et vit à sou grand étonnement environ cent cinquante magnifiques, coqs-lyres rangss en ordre de bataille, et se livrant un furieux comba.. Les berceaux des Chasmorhynchus constituent un lieu de réunion pour les deux sexes pendant la saison des amours; « les mâles s'y réunsssent, et combattent pour s'assurer la possession des femelles, qui, assemblées dans lemêmelieu, rivalisent de coquetterie avec les mâl.s. Chez deux genres de ces oiseaux, le même berceau sert pendant bien des années*».

Le Rev. W. Darwin Fox affirme que la pie commune (Corvus pica) avatt l'habitude, dans la forêt Delamere, de se rassembler pour célébrer le « grand maraage des pies ». Ces oiseaux étaient si nombreux, il y a quelques années, qu'un garde-chasse tua dix-neuf mâles dans une matinée; un autre abattie d'un seul coup de fusil sept oiseaux perchss ensemble. Alors que les pies habitaient en aussi grand nombee la forêt de Delamere, elles avaient l'habitude de se réunir, au commencement du printemps, sur des poinss particuliers, où on les voyatt en bandes, caqueter ensembe,, se battre quelquefois, et voler d'arbre.en arbre en faisant un grand tumulte. Ces assemblées parasssaient avorr pour les pies une grande importance. La réunion durait quelque temps, puis elles se séparaient, et, s'il faut en croire M. Fox et les aurres observateurs, elles s'accoplaient pour le reste de la saison. Il est évident qu'il ne peut pas y avoir de grands rassemblements dans une localité où une espèce quelconqee n'estpas très abondante, il est donc très possible qu'une espèce ait des habitudes différentes suivant le pays qu'elle habite. Je ne connas,, par exemple, qu'un seul cas d'une assemblée régulière du tétras noir en Écosse, cas que m'a signaéé M. Wedde--burn, bien que ces assembéées soient si communss en Allemagne et en Scandinavie que, dans les languss de-ces pays, elles ont reçu des noms spéciaux.

Oiseauxnon accouplés. - Les faits que nousvenons de citernous autorisent à concluee que, chez des groupss très différents, la cour que les oiseaux mâles font aux femelles ne laisse pas que d'être souvent une affaire longu,, délicaee et embarrassante. .On a même des raisons de croire, si improbable que cela parassee tout d'abord, que certains mâles et certaines femelles appartenant à la même espèce, habitant la même localité, ne se conviennent pas toujours,

4. Gould, Ilandb. to Birds of Australie vol. I, p. 300, 308, 448,451. Sur le Ptarmigan,voirLloyd,,-*.,p.129.

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446                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

et par conséquent ne s'accouplent pas. On a cité bien des exempess de couples chez lesquels le mâle ou la femelle a été promptement remplacé par un autre, quand l'un des deux a été tué. Ce fait a été plus fréquemment observé chez la pie que chez tout autee oiseau, probablemene parce que cet oiseau est très apparent et que son nid se remarque facilemen.. Le célèbre Jenner raconte que, dans le Wiltshire, on tua sept jours de suite un des oiseaux d'un couple, mais- sans résultat, « car t'oiseau restant rempaaçait aussitôt son compagnon disparu, et le dernier couple se chargea d'élever les petits D. Un nouveau compagnon se trouve généralement le lend-main, mais M. Thompson cite un cas où il fut remplacé dans la soirée du même jou.. Si un des oiseaux parenss vient à être tué même après l'éclosîon des œufs, il est souvent remplacé; le fait s'est passé après un intervalle de deux jours dans un cas observé récemment par un gardecchasse de sir J. Lubbock*. On peut supposer tout d'abord, et cette supposition est la plus probable, que les pies mâles sont beaucoup plus nombreuses que tes femelles, et que, dans ces cas et beaucoup d'autres analogues, tes mâles seuls ont été tués, ce qui arrive assez souven.. En effet, lesgardes de la forêt deDelamereont affirmé à M. Foxquelespies et les corbeaux qu'ils abattaient en grand nombre dans le voisinage des nids, étaient tous mâles, ce qui s'explique par le fait que les mâles, obligés d'aller et venir pour se procurer des alimenss pour les femelles en train de couver, sont exposés à de plus grands dangers. Macgillivray, cependant, assure, d'après un excellent observateur, que trois pies femelles ont été successivement tuées sur le même nid; dans un autre cas, six pies femelles ont été aussi tuées successivement alors qu'elles couvaentt les mêmes œufs ; il est vrai que, s'il faut en croire M. Fox, le mâle se charge de couver lorsque la femelle vient à être tuée.

Le garde de sir J. Lubbock a tué, à plusieuss reprsses, sans pouvoir précsser le nombee de fois, un des deux membres d'un couple de geais (Garrulusglandarius), et a toujouss trouvé l'oiseau survivant accoupéé de nouveau au bout de très peu de temps. Le Rév. W. D. Fox, M. F. Bond, et d'autres, après avoir tué un des deux corbeaux (Corvus coron)) d'un couple, ont observé que le survivatt trouvait très promptement à s'accoupler de nouveau. Ces oiseaux sont communs et on peut s'expliquer qu'ils trouvent un nouveau compagnon avec une facilité relative; mais M. Thompson constate qu'en

5. Sur les pies, Jenner, PMI. Trans., 1624, p. 21; Macgillivray, UUt. Brit. Birto., vol. I, p 570; Thompson, Ann. andMag. ofNat. flisL, vol. VIII, 1842.

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[Chap. XIV]                OISEAUX NON ACCOUPLÉS                             447

Irland,, chez une espèce rare de faucon (~a~coperegrinus), « si un mâle ou une femelle vient a être tué pendant la saison de l'accouplement (ce qui arrive assez souvent), l'indiviuu qui a dispauu est remplacé au bout de peu de jours, de sortequele produtt du nid est assuré ,. M. Jenner Weir a constaté le même fait chez des faucons de la même espèce à Beachy Head. Le même observateur affirme que trois crécerelles mâles (Falco tinnunculus) furent successvement tués pendant qu'ils s'occupaient du même nid, deux avaient le plumage adulte, et un celui de i'année précédente. M. Birkbeck tient d'un garde-chasse digne de foi que, en Ecosse, chez l'aigle doré (Aguila chrysaetos), espèce fort rare, tout individu d'un couple tué est .bientôt remplacé. On a aussi observé que, chez le hibou blanc (Strix flammea), le survivant trouve promptement un nouveau compagnon.

White de Selborne, qui cite le cas du hibou, ajoute qu'un homme avatt l'habitude de tuer les perdiix mâles, pensant que les batailles qu'ils se livraient dérangaient les femelles après l'accouplement; mais, bien que cet homme eût rendu une même femelle plusieuss fois veuve, elle ne tardatt pas à s'accoupler de nouveau. Le même naturaliste ordonna de tuer des moineaux qui s'étaient emparss de nids d'hirondelles et les en avaient ainsi expulsées, mais il s'apeçut bientôt que, si on ne tuatt pas en même temps les deux individus formatt le couple, le survivant, « fût-ce le mâle ou la femelle, se procurait immédiatement un nouveau compagnon, et cela plusieuss fois de suite».

Le pinson, le rossignol et la rubietee des murailles (PAœnicura ruticilla) pourraient nous fournrr au besoin des exemples analogues. Un observateur a constaéé que la rubiette des murailles était assez rare dans la localtté qu'il habitait et que cependant la femelle, occupée à couver ses œufs qu'elee ne pouvatt quitter, parvenait en très peu de temps à faire savoir qu'elle était veuve. M. Jenner Weir me signale un cas analogee : à Blackheath, il n'entend jamass les notes du bouvreuil sauvag,, et n'aperçoit jamass cet oiseau; cependan,, lorsqu'un de ses mâles captifs vient à mourir, il voit généralement arr've,, au bout de queiquss jour,, un mâle sauvage qui vient se perchrr dans le voisinage de la femelle veuve dont la note d'appll est loin d'être forte. Je me contenterai de citer encore un autee fait que je tiens du même observateur : un des membres d'un couple de sansonnets (Sturnus vulgaris) ayant été tué dans la matinée fut rempaacé dans l'après-midi; l'un des deux ayant encore été abattu le couple se compléta de nouveau avantlanuit; l'oiseau, quel qu'att été son sexe, s'était ainsi consolé de son triple veuvage

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448                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee Partie]

dans le courant de la même journée. M. Engteheart a tué pendant plusieuss années un des membres d'un coupee d'étourneaux qui faisatr son nid dans un trou d'une maison à Bleckheath, mais le mort étatt toujouss immédiatement remplacé. D'après des notes prises pendant une saison, il constata qu'il avatt tué trente-cinq oiseaux des deux sexes, appartenant au même nid, mais sans tenir un compee exact de la proportion des sexes : néanmonns, malgéé cette véritable boucherie, il se trouva un couple pour élever une couvée..

Ces faits méritent certainement toute notre attention. Comment se fait-ll que tant d'oiseaux se trouvent prêts à remplacer immédiatement un individu disparu? Il semble au premier abord qu'il soit fort embarrassantde répondee à cette question, surtout quand il s'agtt des pies, des geais, des corbeau,, des perdrix et de quelques autres oiseaux qu'on ne rencontre jamass seuls au printemps. Cependant, des oiseaux appartenant au même sexe, bien que non accouplés, cela va sans dire, vivent quelquefois par couples ou par petites bandes comme cela se voit chez les perdrix et chez les pigeons. Les oiseaux vivent aussi quelquefois par groupe de trois, ce qui a été observé chez les sansonnets, chez les corbeaux, chez les perroquets et chez les perdrix. On a observé deux perdrix femelles vivant avec un seul mâle, et deux mâles avec une seule femelle. It est probable que les unions de ce genre doivent se rompee facilement. On peut quelquefois entendee certains oiseaux mâles chanter leur chant d'amorr longtemps après l'époque ordnaire, ce qui prouve quiils ont perdu leur compagne ou qu'ils n'en ont jamais eu. La mor' par accident ou par maladie d'un des membres du couple laisse l'autre seul et libre, et il y a raison de croire que, pendant la saison de la reproduction, les femelles sont plus spécialement sujetess àune mort prématurée. En outre, des oiseaux dont le nid a été détruit, des couples stériles ou des individus en retadd doivent pouvoir se quitter facilemnnt, et seraentt probablement heureux de prendee la part qu'ils peuvent aux plaisirs et aux devoirs attachés à l'élève des petits, en admettant même qu'lls ne leur appartienntnt pas'. C'est par des éventualités de ce genre

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[Cnap.XtV] QUALITËS MENTALES DES OtSEAUX .               449

que, selon toute probabilité, on peut expliqurr la plupatt des cas que nous venons de signaler». Il est néanmoiss singulier que, dans une même localité, au plus fort de la saison de la reproduction, il. y ait autant de mâles et de femelles toujouss prêts à compléter un couple dépareillé. Pourquoi ces [oiseaux de rechanee ne s'accouplent-ils pas immédiatement les uns avec les autre?? N'aurions-. nous pas quelque raison de supposer, avec M. Jenner Weir, que, malgéé la cour longue et quelque peu pénible que se font les oiseaux, certanss mâles et certaines femelles ne réusssssent pas à se plaire en temps opportun et ne s'accouplent par conséquent pas? Cette supposition paraîtra un peu moins improbable quand nous aurons vu quelles antipathies et quelles préférences les femelles manffestent quelquefois pour certains mâles.

Facultésmentales ses oiseaux et leur goût pour le beaw.-Avant de pousser plus loin la discussion de cette question : les femelles choissssent-elles les mâles les plus attrayants, ou acceptent-elles le premier venu? il convient d'étudier brièvement les aptitudes mentales des oiseaux. On pense ordinairement, et peut-être justement, que les oiseaux possèdent des aptitudss au raisonnement très incomplètes; on pourrait cependant citer certains faits» qui sembleraient autoriser une conclusion contraire. Des facultés inférieures de raisonnement sont toutefois, ainsi que nous le voyons dans l'humanité, compatibles avec de fortes affection,, une perception subtile

quelques oiseaux, voir Jenner, PHI. Trans., 1824. Quant aux oiseaux vivant par groupes de trois, M. Jenner Weir m'a fourni les cas de l'étourneau et des

auquel il coupa les ailes pour servir d'amorce afin de détruire les vieux. Il les tua tous deux le lendemain pendant qu'ils apportaient de la nourriture au

tous les deux,eten abattitun; l'autre, bien qu'atteintt ne put être.retrouvé.Il ^PrK=b^^

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noisettesdures. L'oiseau fit de nombreux efforts sans pouvoir les briser; enfin il les déposa l'un après l'autre dans un vase plein d'eau, évidemment avec la

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480                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IlepAHT,E

et le goût pour le beau; et c'est de ces dernières qualités qu'il est question ici. On a souvent affirmé que les perroquets ont l'un pour l'autre un attachement si vif que, lorsque l'un vient à mourir, l'autre souffre pendatt longtemp;; toutefoss M. Jenner Weir pense qu'on a beaucoup exagéré la puissance de l'affection chez la plupatt des oiseaux. Néanmoins, on a remarqué que, à l'état sauvage, quand un des membres d'un couple a été tué, le survivant fait entendre, pendant plusieuss jours, une sorte d'appll plaintif; M. Saint-John" cite divers faits qui prouvent l'attachement réciproqee des oiseaux accouplés. M. Bennet"" raconee qu'll a pu observrr en Chine !e fait suivant : on avatt voléun canard mandarin mâle, et la ffmellerestatt inconsolable sans qu'un autre mâle de la même espèce la courtisât assidûment et déploytt tous ses charmss devant elle. Au bout de trois semainss on retrouva le canard volé, et le couple se reconnut immédaatement en donnant toutes les marquss de la joie la plus vive. Nous avons cependatt vu que des sansonnets peuven,, trois fois dans la même journée, se consoler de la perte de leur compagnon. Les pigeons ont une mémoire locale assez parfaite pour retrouver leur ancien domicile après neuf mois d'absence; pourtant M. Harrssson Weir affirme que, si on sépare quelques semaines pendant l'hiver un couple de ces oiseaux, qui reste naturellement apparié pour la vie, et qu'on les associe respectivement avec un autre mâle et une autee femelle, les oiseaux séparés ne se reconnaissent que rarement, pour ne pas dire jamais, lorsqu'on les remet ensemble.

Les oiseaux font quelquefois preuve de sentiment de bienveillance; ils nourrsssent les jeunes abandnnnés, même quand ils appatiennent à une espèce différente; mais peut-être faut-il considérer ceci comme le fait d'un instinct aveuge.. Nous avons déjà vu qu'ils nourrissent des oiseaux adultes de leur espèce devenus aveugles. M. Buxton a observé un perroquet- qui prenatt soin d'un oiseau estropéé appartenant à une autre espèce, nettoyait son plumag,, et le défendatt contre les attaquss des autres perroquets qui erraeent librement dans son jardn.. Il est encore plus curieux de voir que ces oiseaux manifestent évidemment de la sympathie pour les plaisirs de leurs semblables. On a pu, en effet, observer l'intérêt extraordinaire que prenaient les autres individus de la même espèce à la construction d'un nid que construisait sur un acacia un couple de cacatoè.. Ces perroquets parasssaient doués aussi d'une grande

Sutkerlandshire, 1840, p. 185. » in New South Wales, vol. I

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[Chap. XIV] LE" COUT DES OISEAUX POUR LE BEAU               451

curiosité, et possédaient évidemment « des notions de propriété et de possession" c. Ils ont aussi une mémoree Adèle, car on a vu, aux Zoologieal Gardens, des perroquets reconnaître leurs anciens maîtres après une absence de plusieuss mois.

Les oiseaux ont une grande puissance d'observation. Chaque oiseau apparéé reconnaît, bien entendu, son compagnon. Audubon affirme qu'aux Etats-Unis un certain nombre de Mimus polyglotte restent toute l'année dans la Louisiane, tandss que les autres émi-grent vers les États de l'Es; ; ces derniers sont à leur retour immédiatement reconnss et attaqués par ceux restés dans le midi. Les oiseaux en captivité reconnaissent les différentes personnss qui les approchent, ainsi que le prouve la vive antipathie ou l'affection permanente que, sans cause apparente, ils témoignent à certanss individus. On m'a communiqué de nombruxx exemples de ce fait observés chez les geais, chez lss perdrix, chez les canaris et surtout chez les bouvreuils. M. Hussey a décrit de quelle façon extraordinaire une perdrix apprivoisée reconnaissait tout le monde ; ses sympathies et ses antipathies étaient fort vives. Elle paraissait « affectionner les couleuss claire,, et elle remarqutit immédiatement une robe ou un chapeau porté pour la première fois" ». M. Hewitt a décrit les mœurs de quelquss canards (descendant depuis peu de parenss sauvages) qui, en apercevant un chien ou un chat étranger, se précipitaient dans l'eau et faisaient les plus grands efforts pour s'échppper, tandis qu'ils se couchaient au soleil à côté des chiens et des chass de la maison, qu'ils reconnaissaient parfaitement. Ils s'éloignaient toujouss d'un étrangrr et même de la femme qui tes soignait, si elle faisatt un trop grand changement dans sa toilette. Audubon raconee qu'il a élevé et apprivoisé un dindon sauvag,, qui se sauvatt toujouss quand il apercevait un chien étranger; l'oiseau s'échapaa dans les bois; quelquss jouss après, Audubon, le prenant pour un dindon sauvag,, le fit poursuivre par son chien ; mais, à son grand étonnement, l'oiseau ne se sauva pas, et le chien,l'ayant rejoint, ne l'attaqua pas, car tous deux s'étaeent mutuellement reconnus comme de vieux amis-.

M. Jenner Weir est convaincu que les oiseaux font tout particulièrement attention aux couleurs des autres oiseaux, quelquefois par jalousie, quelquefois parce qu'ils croient reconnaître un parent.

12. AcclimatnaUon of Parrots, p. C. Buxton, M. P., Annals an^Mag. of Nat.ffUt.,Kov. 1868, p. 381.

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452                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partib]

Ainsi, il introduitit dans sa volière un bruant des roseaux (Em~e-rizaschœniculus), qui venattde revêtir les plumes noires de sa tête; aucun des oiseaux ne fit attention au nouveau venu, excepéé un bouvreuil, qui a aussi la tête noire. Ce bouvreuil, d'allleuss très paisible, ne s'étatt jamass quereléé avec aucun de ses compagnons, y compris un autre bruant de la même espèce, mais qui n'avatt pas encore revêtu les plumes noires de sa tête ; toutefois il maltraita tellement le dernier venu qu'il fallut l'enleve.. Le Spiza eyanea affecte, pendant la saison de l'accouplement, une brillanee couleur bleue; un oiseau de cette espèce, très paisible d'ordinaire, se jeta cependant sur un S. ciris, qui a la tête bleue et le scalpa complètement. M. Weir fut aussi obligé de retirer de sa volière un rouge-gorge, qui attaquaivavec furie tous les oiseaux portant du rouge dans leur plumag,, mais ceux-là seulemen;; il tua, en effet, unbeccrosse, à poitrail rouge, et blessa grièvement un chardonneret. D'autre par,, il a observé que, lorsque certains oiseaux sont introduits pour la première fois dans la volière, ils se dirigent vers les espèces dont la couleur ressemble le plus à la leur, et s'établissent à leurs côtés. 'Les oiseaux mâles prennent beaucoup de peine pour étaler devant les femelles leur beau plumage et leurs autres ornements; on peut en concluee que les femelles savent apprécier la beauéé de leurs prétendants. Mais il est évidemment très difficile de déterm-ner preuvss en mains quelle est leur aptitude à cet égard. On a souvent observé que les oiseaux, placés devant un miroir, s'exam-nent avee une profonee attention,'que-certains observateurs attribuent a la jalousie; car l'oiseau peut se croire nn face d'un riva,, que d'autres, au contraire, attribuent à une sorte d'admiration intime. Dans d'autres cas, il est difficile de déterminerquel sentiment l'emporte : la simple curiosité ou l'admiration. Lord Lilford» crott pouvoir affirmer que les objets brllaants éveillent si puissamment la curiosité du tringa que, dans les îles Ioniennes, « sans se préoccuper des coups de fusil, il se précipite sur un mouchorr à vives couleuss t. Un petit miroir, qu'on fait tourner et briller au solei,, exerce une telle attraction sur l'alouette commune qu'elle vient se faire prendee en nombee considérable. Est-ce l'admiration ou la curiosité qui pousse la pie, le corbeau.et quelquss autres oiseaux à voler et à cacher des objess brillants, tels que l'argnnterie et les

^ï Gould assure que certains oiseaux-mouches décorent avec un goût exquss l'extérieur de leurs nids; « ils y attachent instinctive-

15. TA./M., vol. II, 1860, p. 344.

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[Chap.XIV]             PRÉFÉRENCE DES FEMELLES                        4S3

ment de beaux morceaux de lichen, les plus grandss pièces au milieu et les plus petites sur la partie attachée à la branche. Çà et là une jolie plume est entreaacée ou fixée à l'intérieur; la tige est toujours placée de façon que la plume dépasee la surface ». Les tross genres d'oiseaux australiens qui construisent les berceaux de verduee dont nous avons déjà parlé nous fournsssent d'allleurs une preuve excellenee du goût des oiseaux pour le beau. Ces constructions (voy. fia. 46, p. 75), où les individus des deux sexes se réunissent pour se livrer à des gambades bizarres, affectent des formes différentes; mais ce qui nous intéresee particulrèrement, c'est que les différentes espèces décorent ces'berceaux de diveress manières. L'espèce dite satin affectionne les objets à couleurs gaies, tels que les plumes bleues des perruches, les os et les coquillages blanc,, qu'elle introduit entre les rameaxx ou dispose à l'entrée avec beaucoup de goû.. M. Gould a trouvé dans un de ces berceaxx un tomahawk en pierre bien travaillée et un fragment d'étoffe de coton bleu, provenant évidemment d'un camp d'indigènes. Les oiseaux dérangent constamment ces objets et, pour les disposer de façon différente, les transportent ça et là. L'espèce dite tachetée « tapisse magn-fiquement son berceau avec des grandss herbes disposéss de manière que leurs sommess se rencontrent et forment les groupes les plus variés ». Ces oiseaux se servent de pierres rondes pour maintenrr les tiges herbacées à- leur place, et faire des allées conduisant au berceau. Ils vont souvent cherchrr les pierres et les coquillagss à de grandss distances. L'oiseuu régent, décrtt par M. Ramsay, orne son bercea,, qui est très cour,, avec des coquillages terrestres blancs appartenant à cinq ou six espèces, et avec des « baies de diverses couleuss bleues, rouges et noire,, qui, lorsqu'elles sont fraîches, lui donnent un aspect charmant. Ils y ajoutent quelquss feuilles fraîchement cueillies et déjeunss pousses roses, le tout indiquant beaucoup de goût pour le beau ». Aussi M. Gould a-t-il pu dire avec beaucoup de raison : < Ces salles de réunion si rrchement décorées constituent évidemment les plus merveilleux exemples encore connus de l'architecture des oiseaux. » D'un autre côté, nous pouvons conclure que le goût pour le beau chez les oiseaux diffère certainement selon les espèces».

Préférencedesfemellespourcertainsmâles.-Aprèscesque\quss remarques préliminaires sur le discernement et le goût des oiseaux,

16 Sur les nids décorés des oiseaux-mouches, Gould, Introd. <o the Trochi-lidœ 1861, p. 19. Sur les oiseaux à berceau, Gould, ïïandbook <o Birds ofAus-tZia. vol. PI, 1865, p. 444-461; M. Kamsay, Ibis, 1867, p. 456.

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454                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

je me propoee de citer tous les faits que j'ai pu recueillir relativement aux préférences dont certains màles sont l'objet dela part des femelles. On a prouvé que des oiseaux appartenant à des espèces dictinctes s'accouplent quelquefois à l'état sauvage et produisent des hybrides. On pourrait citer beaucoup d'exemples de ce fait; ains,, Macgillivray raconee qu'un merle mâle et une grive femelle se sont amourachés l'un de l'autre et ont produtt des descendants". On a observé en Angleterre/il y a quelques années, dix-huit cas d'hybrides entre le tétras noir et le faisan;; mais la plupatt de ces cas peuvent s'expliquer peut-être par le fait que des oiseaux solitaires n'avaient pas trouvé à s'accoupler avec un individu de leur propee espèce. M. Jenner Weir croit que, chez d'autres espèces, les hybrides résultent parfoss de rapports accidentels entre des oiseauxconstruisant leur nid l'un auprès de l'autre. Mais cette explication ne peut s'appliquer aux cas si nombreux et si connus d'oiseaxx apprvvoisés ou domestiques, appartenant a des espèces différentes, qui se sont épris absolument uns des autre,, bien qu'entourés d'individus de leur propee espèce. Waterton», par exempl,, raconee qu'une femelle appartentnt à une bande composée de vingt-trois oies du Canada s'accoupaa avec une bernache mâle, bien qu'll fût seul de son espèce dans la bande et très différent sous le rapport de l'apparence et deaà taille; ce couple en- gendra des produits hybrddes. Un canard siffleur mâle (Mareca penelope), vivant avec des femelles de son espèce, s'accoupla avec une sarceHle (Querquedula muta)a Lloyd a observé un cas d'attachement remarquable entre un Tadornavulpanseretun canard commu.. Nous pourrions citer bien d'autres exemples; le rév. E. S. Dixon fait d'allleuss remarquer que « ceux qui ont eu l'occasion d'éiever ensembee beaucoup d'oies d'espèces différentes savent bien quels attachements singuliers peuvent se forme,, et combien elles sont sujettes à-s'accoupler et à produire des jeunes avec des individss d'une race (espèce) différente de la leur, plutôt qu'avec, la leur propee..

Le rév. W. D. Fox a élevé en même temps une paire d'oies de Chine {Amer cygnoïdes) et un mâle de la race commune avec trois femelles. Les deux lots restèrent séparés jusquàà ce que le mâle

17.**«.tf^i**,vol.ll,p.W.

Oenvogel, 1840? p. 230.

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[Chap. XIV]             PRÉFÉRENCE DES FEMELLES                        455

chinoss eût déterminé une des oies communes à vivre avec lui. En outre, les œufs pondus par les oies de l'espèce commune étant venus à éclore, quatre petits seuls se trouvèrent pur,, les dix-hutt autres étaient hybrides; le mâle chinoss avait.donc.eu des charmss tels qu'il l'emporta facilemntt auprès des femelles sur le mâle appartenant à l'espèee ordinaire. Voici un dernier cas; M. Hewitt raconee qu'une cane sauvage élevée en captivité, « ayant déjà reproduit pendant deux saisons avec un propee mâle de son espèce, le congédia aussitôt que j'eus introdutt dans le même étang une sarcelle mâle. Ce fut évidemment un cas d'amour subit, car la cane vint nager d'une manière caressante autour du nouveuu venu, qui étatt évidemment alarmé et peu disposé à recevorr ses avance.. Dès ce momen,, ia cane oublia son ancien compagnon. L'hiver passa et, le printemps suivan,, la sarcelee mâle parut avoir cédé aux attentions et aux soins dont il avatt été entouré, car ils s'accouplèrent et produisirent sept ou hutt petits D.

Que)s ont pu être, dans ces divers cas, en dehors de la pure nouveauté, les charmes qui ont exercé leur action, c'est ce qu'il seratt impossible d'indiquer. La couleu,, cependant, joue quelquefois un certain rôle, car, d'après Bechstein, le meilleur moyen pour obtenir des hybrides du Fringilla spinus (tarin) avec le canari, est de 'mettre ensembee des oiseaux ayant la même teinte. M. Jenner Weir introduitit dans sa volière, contenant des linottes, des chardnnnerets, des tarins, des verdiers et d'autres oiseaux mâles, un canaii femelle pour voir lequel elle choisirait; elle n'eut pas un moment d'hésitation et s'approcha immédiatement du verdier. Ils s'accouplèrent et produisirent des hybrides.

La préférenee qu'une femelle peut montrer pour un mâle plutôt que pour un autre n'attire pas autant l'attention quand il s'agit d'individus appartenant à la même espèce. Ces cas s'observent principalement chez les oiseaux domestiques ou captifs; mais ces oiseaux ont souvent leurs instincts viciés dans une grande mesuee par un excès d'alimentation. Les pigeons et surtott les races galli-nes me fourniraie,t, sur ce dernier poin,, de nombreux exemplss que je ne puis détailler ici. On peut expltqurr par certaines pertubations des instincss quelques-unes des unions hybrides dont nous avons parlé plus hau,, bien que, dans la plupatt des cas que nous avons cités, les oiseaux fussent à demi libres sur de vastes étangs, et il n'y a aucune raison pour admettre qu'ils aient été artificiellement stimulés par un excès d'alimentation.

Quand aux oiseaux à l'état sauvag,, la premèère supposition qui se présenee à l'esprtt est que, la saison arrivée, la femelle accepte

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486                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee pABTŒ]

le premier mâle qu'elle rencontre; mais, comme elle est presque invariablement poursuivie par un nombre plus ou moins considérable de mâles, elle a tout au moins l'occasion d'exercer un choix. Audubon, - nous ne devons pas oublier qu'il a passé sa vie à parcourrr les forêts des États-Unis pour observer les oiseaux,-affirme positivement que la femelle choistt son mâle. Ainsi, il assure que le pic femelle est suivie d'une demi-douzaine de prétendants qui ne cessent d'exécuter devant elle les gambades les plusbizarres jusqu'à ce que l'un d'eux devienne l'objet d'une préférence marquée. La femelle de l'étourneau à ailes rouges (Agelmus phœniceMs) est également poursuivie par plusieuss mâles, jusqu'à ce que, « fatiguée, elle se pose, reçott leur hommage et fait son choix ,. Il raconte encore que plusieuss engoueevents mâles plongent dans l'arr avec une rapidité étonnante, se retournent brusquement et produsent ainsi un brutt singulier; « mais, aussitôt que la femelle a fait son choix, les autres mâles disparaissent ». Certains vautours (Cathartes aurea) des États-Unss se réunissent par bandes de hutt à dix mâles et femelles sur des troncs d'arbres tombé,, « ils se font évidemment la cour », et, après bien des caresse,, chaque mâle s'envoee avec une compagne. Audubon a également observé les bandes sauvagss d'oies du Canada (Anser Canadensis), et nous a laissé une exceleenee description de leurs gambades amoureuses;' il constate que les oiseaux précédemment accouplés « se courtisent de nouveau dès le mois de janvier, pendant que les autres continuent tous les jouss.à se disputer pendant des heure,, jusqu'à ce que tous semblent satisfaits de leur choix; dès que ce choix est fait, la bande reste réunie; mais chaque couple fait en quelque sorte bande à part. J'ai observé aussi que les préliminaires de l'accouplement sont d'autant moins longs que les oiseaux sont plus âgés. Les célibataires des deux sexes, soit par regre,, soit pour ne pas être dérangss par le bruit, s'éloignent et vont se poser à quelque distance des autre"- ». On pourrait emprunter au même observateur bien des remarques analoguss sur d'autres oiseaux.

Passons maintenant aux oiseaux domestiques et captifs; je résumerai d'abodd les quelquss renseignements que j'ai pu me procurer sur l'attitude des oiseaux appartenant aux races gallines pendant quiils se font la cour. J'ai reçu à ce sujet de longues lettres de M. Hewttt et de M. Tegetmeier, ainsi qu'un mémoire de feu M. Bren,, tous assez connus par leurs ouvragss pour que personne

20. Audubon, Ornith. Biog., vol. I, p. 191, 349, vol. II, p. 42,275, vot.III, p. 2.

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[ChapP XIV]             PRÉFÉRENCE DES FEMELLES                       457

ne puisse contester leur qualité d'observateurs consciencieux et expérimentés. Ils ne croient pas que les femelles préfèrent certains mâles à cause de la beauéé de leur plumage; mafs il faut tenir compte de t'état artificiel dans lequel ils ont longtemps vécu. M. Tegetmeier est convaincu que la femelle accuellee aussi volontiers un coq de combat défiguré par l'ablation de ses caroncules, qu'un mâle pourvu de tous ses ornements naturels. M. Brent admet toutefois que la beauté du mâle contribue probablement à exciter la femelle, et l'adhésion de cette dernière est nécessaire. M. Hewitt est convaincu que l'accouplement n'est en aucune façon une affaire de hasard, car la femelle préfèee presque invariablement le mâle le plus vigoureux, le plus hardi et le plus fougueux; il est donc inutlle, remarque-t-il « d'essayrr une reproduction vraie si un coq de combat eh bon état de santé et de constitution se trouve dans la localité, car toutes les poules, en quittant le perchoir, iront au coq de comba,, en admettan, même que ce dernier ne chasse pas tes mâles appartenant à la même variété que les femelles ».

Dans les circonstances ordinaires, les coqs et les poules semblent arriver à s'entendre au moyen de certains gestes que m'a décrits M. Bren.. Les poules évitent souvent les attentions empresséss des jeunes mâles. Les vieilles poules et celles qui ont dès dispositions belliqueuses n'aiment pas les mâles étrangers, et ne cèdent que lorsqu'elles y sont obligées à force de coups. Ferguson consaate, cependant, qu'un coq Shanghai» parvnnt, à force d'a-teniion,, à subjuguer une vieille poule querelleuse.

Il y a des raisons de croire que les pigeons des deux sexes préfèrent s'accoupler avec des oiseaux appartenant à la même race; le pigeon de colombier manffesee une vive aversion pour les races très amélioréss".M. Harrison Weir croit pouvorr affirmer, d'aprss les remarques faites par un observateur attentif qui élève des pigeons bleus, que ceux-ci chassett tous les individus appartenant aux autres variétés colorées, telles que les variétés blanches, rouges et jaune;; un autre éleveur a observé qu'une femelle brune de la race des messagess a refusé bien des fois de s'accoupler avec un mâle noir, mais elle a accepté immédiatement un mâle ayant la même couleur qu'elle. M. Tegetmeier a possédé un pigeon à cravate femelle bleu qui a obstinément refusé de s'accoupler avec deux mâles appartenant à la même race, bien qu'on les ait laissés

a

Rare and Prize Poultry, 1854, p. Variation des Animaux, etc., vol.

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458                         LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

avec elle pendatt des semaine;; elle consentit au contraire à s'accoupler avec le premerr dragon bleu qui s'offrit. Comme cette femelle avatt une grande valeu,, on l'enferma de nouveau avec un mâle bleu très pâle, et elle finit par s'accoupler avec lui, mais seulement après plusieuss semaines. Toutefois, la couleur seule paratt généralement n'avorr que peu d'influenee sur l'accouplement des pigeon.. M. Tegetmeier voulut bien, à ma demand,, teindee quelques-uns de ces oiseaux avec du magenta, et les autres n'y firent presque aucune attention.

Les pigeons femelles éprouvent à l'occasion, sans cause apparente, une antipathie profonde pour certains mâles. Ainsi MM. Boi-tard et Corbié, dont l'expérience s'est étendue sur quarante-cinq ans d'observations, disent : « Quand une femelle éprouve de l'antipathie pour un mâle avec lequel on veut l'accoupler, malgré tous les feux de l'amou,, malgéé l'alpiste et lechènevis dont on la nourrit pour augmenter son ardeu,, malgré un emprisonnement de six mois et même d'un an, elle refuse constamment ses caresses; les avances empressées, les agaceries, les tournoiements, les tendres roucoulements, rien ne peut lui plaire ni l'émouvoir; gonflée, boudeuse, blottie dans un coin de sa prison, elle n'en sort que pour boire et mange,, ou pour repousser avec une espèce de rage des caressss devenues trop pressantes ». t D'autee par,, M. Harr--son Weir a pu constater par lui-même un fait que d'autres éleveuss lui avaient signalé, c'est-à-dire qu'un pigeon femelle s'éprend parfois très vivement d'un mâle, et abandonee pour lui son ancien compagnon. Riede!'% autre observateur expérimenté, assuee que certannes femelles ont une conduite fort déréglée et préfèrent n'importe quel étrangrr à leur propre mâle. Certains mâles amoureux, que nos éleveuss anglais appellent des « oiseaux galanss t, ont un tel succès dans toutes leurs entreprises galantes que, d'après M. Weir, on est obligé de les enfermer à causedu dommage qu'ils

Aux États-Unis, les dindons sauvages, d'après Audubon, < viennent quelquefois visiter les femelles réduites en domesticité, ces dernières les accuelllent ordinairement avec beaucoup de plaisir. Ces femelles parasssent donc préférer les mâles sauvagss à leurs propres mâles » ».

Voici un cas plus curieux. SirR. Heron observa avec soin, pen-

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[Chap. XfV]              PREFERENCE DES FEMELLES                          459

danuungrandnombred'années, leshabitudes despaons qu'il a élevés en grandss quantités. lia pu constater « que les femelles manfestent fréquemment une préférence marquee pour un paon spécial. Elles étaient si amoureuses d'un vieux mâle pie, qu'une année où il étatt captif mais en vue elles étaient constamment rassemblées contre le trelllis formant la cloison de sa prison et ne voulurent pas permettre à un paon à ailes noires de les approcher. Ce mâle pie, mis en liberté en automn,, devint l'objet des attentions de la plus vieille paonne, qui réusstt àle captiver,L'année suivanee on l'enferma dans une écurie, et alors toutes les paonnss se retournèrent vers son rival » » ; ce dernier était un paon à ailes noires, soit, à nos yeux, une variété beaucoup plus belle que la forme ordinaire.

Lichtenstein, bon observateur et qui a eu au cap de Bonne-Espérance d'excellentes occasions d'étud,, a affirmé à Rudolphi que la CAe?a progee femelle répudie le mâle lorsqu'il a perdu les longues plumes caudales dont il est orné pendant la saison des amours. Je suppose que cette observation a été faite sur des oiseaux en captivité". Voici un autre casanalogue; le docteur Jaeger», directerr du jardnn zoologique de Vienne, constaee qu'un faisan argenté mâle, après avoir triomphé de tous les autres mâles et être devenu le préféré des femelles, perdtt son magnifique plumag.. Il fut aussitôt remplacé par un rival qui devint le chef de la bande.

M. Boardman, bienconnuaux États-Unis comme éleveur de toutes sortes d'espèces d'oiseaux, signale un fait qui prouve quel rôle importatt joue la couleur au point de vue de l'accouplement des oiseaux. I) n'a jamais vu, en effet, un oiseau albinos accouplé avec un autre oiseau, bien qu'il ait eu souvent l'occasion d'observer des oiseaux albinos appartenant à plusieuss espèces . Il est difficile de soutenrr que les oiseaux albinos sont incapables de se reproduire à l'état sauvag,, car on peut tes élever facilement en captivité. Il semble donc qu'on doit attribuer uniquement à leur couleur le fait que les oiseaux normalement colorés ne veulent pas s'accoupler avec eux.

La femelle non seulement fait un choix; mais, dans certains cas, elle courtise le mâle, et se bat même pour s'assurer sa possession. .Sir R. Heron assure que, chez le paon, c'est toujouss la femelse qui

26.  Proc. Zool. Soc, 1835, p. 54. M. Sclater considère le paon noir comme

27.  Rudolphi, Beitràge zur Anthropologie, 1812, p. 184.

i^DU DarwinScAe Theorie, und ihre Stellung zu Moral und Religion, 1869,

P'29.'A. Leith Adams, FieU and forest rambles, 1873, p. 79.

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460                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

fait les premières avance,, et, d'après Audubon, quelque chose d'anaoogue se passe chez les femelles âgées du dindon sauvage. Les femellesdu grand tétras voltigent autour du mâle pendant qu'll parade dans les endroits où ces oiseaux se rassemblen,, et font tout ce qu'elles peuvent pour attrrer son attention3». Nous avons vu une cane sauvage apprivoisée séduire, après de longues avance,, une sarcelle mâee d'abodd mal disposée en sa faveur. M. Bartlett croit que le Zophophorus, comme tantd'autres gallinacés, est naturellement polygam;; mais on ne sauratt placer deux femelles et un mâle dans une même cage, car elles se battent constamment. Le cas suivant de rivalité est d'autant plus singulier qu'il concerne le bouvreuil, qui s'accoupee ordinairement pour la vie. M. J. Weir introduitit dans sa volière une femelle-assez laide etayant des couleurs fort ternes; cèlle-ci attaqua avec une telle rage une autre femelle accouplée qui s'y trouvait qu'il fallut retirer cette dernière. La nouvelle femelle fit la cour au mâle et réusstt enfin à s'apparier avec lui; mais elle en fut plus tard justement.punie, car, ayant perdu son caractère belliqueux, M. Weir remit dans la volière la première femelle, vers laquelle le mâle revint immédiatement en abandnnntnt sa nouvelle compagne.

Le mâle est assez ardent d'ordnnaire pour accepter n'importe quelle femelle, et, autant que nous en pouvons juge,, il ne manfeste aucune préférence; mais, comme nous le verrons plus loin, cette règte souffre-des exceptions dans quelquss groupes. Je ne connais, chez les oiseaux domestiques, qu'un seul cas où les mâles témoignent d'une préférenee pour certaines femelles; le coq domestique, en effet, d'après M. Hewtt,, préfère les poules jeunes aux viellles. D'autre part, le même observateur est convaincu que, dans les croisemenss hybrides faits entre le faisan mâle et les poules ordinaires, le faisan préfèee toujouss les femelles plus âgées. Il ne paratt en aucune façon s'inquiéter de leur couleu,, mais il se montre très capricieux dans ses affections". Il témoigne, sans cause explicable, à l'égadd de certaines poules, l'aversion la plus complète, et aucun soin de la part de l'éleveur ne peut surmonter cette aversio.. Certaines poules, au dire de M. Hewit,, semblent ne provoquer aucun désir chez les mâles, même de leur propee espèce, de telle sorte qu'on peut les laisser avec plusieurs coqs pendant toute une saison sans que, sur quaranee ou cinquante œufs~

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[Chap.XIV]             PRÉFÉRENEE DES FEMELLES                       461

il y en ait un seul de fécond. D'autre par,, selon M. Ekstrôm, on a remarqué, au sujet du canard à longue queue (Harelda glacialis), « que certaines femelles sont beaucoup plus courtisées que les autre;; et il n'est pas rare de voir une femelle entourée de six ou huit mâles ». Je ne sais si cette affirmation est bien fondée ; en tout cas, les chasseuss indigènss tuent ces femelles et les empalllent pour attirer les mâles».

Les femelles, avons-noss dit, manffestent parfois, souventmême, une préférence pour certains mâles particuliers. La démonstration directe de cette proposition est sinon impossible, du moins très difficile, et nous ne pouvons guère affirmer qu'elles exercent un choix qu'eninvoquant une analogie. Si un habitant d'une autre planète venait à contempler une troupe de jeunes paysans s'empres-sant à une foire autour d'une jolie- fille pour la courtiser et se disputer ses faveuss tout comme le font les oiseaux dans leurs assemblées, il pourrait conclure qu'elle a la faculté d'exercer un choix rien qu'en voyant l'ardeur des.concurrents à lui plaire et à se faire valoir à ses yeux. Or, pour les oiseaux, les preuves sont les suivantes : ils ont une assez grande puissanee d'observation et. ne parasssent pas dépourvus de quelque goût pour le beau au point de vue de la couleur et du son. Il est certain que les femelles manifestent, par suite de causes inconnues, des antipathies ou .dés préférences fort vives pour certains mâles. Lorsqee lacoloration ou l'ornementation des sexes diffère, les mâles sont, à de rares exceptions près, les plus ornés, soit d'une manière permanente, soit pendant la saison des amouss seulement. Ils prennent soin d'étaler .leurs ornements divers, de faire entendee leur voix, et se livrent à des gambades étranges en présenee des femelles. Les mâles bien armés qui, à ce qu'on pourrait pense,, devraient compter uniqument sur les résultats de la lutte pour s'assurer le triomphe, sont la plupattdu tempstrès richement ornés; ils n'ont même acquis ces ornements qu'aux dépens d'une partie de leur force; dans d'autres cas, ils ne les ont acquss qu'au prix d'une augmentation des risques qu'ils peuvent courrr de la part des oiseaux de proie et de certains autres animau.. Chez beaucoup d'espèces, un grand nombre d'individus des deux sexes se rassemblent sur un même poin,, et s'y livrent aux assiduités d'une cour prolongée. Il y a même des raisons de croire que, dans le même pays, les mâles et les femelles rie réussissent pas toujouss à se plaire mutuellement et à s'accoupler. Que devons-nous donc conclure de ces faits et de ces observa-

32. Cité-dans Lloyd,o.c., p. 345.

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462                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ho Partie]

tions? Le mâle étale-t-il ses charmes avec autant de pompe, défie-t-il ses rivaux avec tant d'ardeur, sans aucun motf,, sans cherchrr à atteindre un but? Ne sommes-nous pas autorisés à croire que la femelle exerce un choix et qu'elee accepte les caresses du mâle qui lui convient le plus? Il n'est pas probabee qu'elle délibèee d'une façon consciente; mais le mâle le plus beau, celui qui a la voix la plus mélodieuse, ou le plus empressé réussit le mieux à l'exciter et à la captiver. Il n'est pas nécessaire non plus de supposer que la femelle analyse chaque raie ou chaque tache colorée du plumage du mâle; que la paonne, par exemple, admree chacun des détails de la magnifique queue du paon; elle n'est probablement frappee que de l'effet généra.. Cependant, lorsque nous voyons avec quel soin le faisan Argus mâle étale ses. élégantes rémiges primaires, redresee ses plumes ocellées pour les mettre dans la postiion où elles produisent leur maximum d'effet, ou encore, comme le chardonneret mâle déploie alternativement ses ailes pailletées d'or, pouvons-nous affirmer que la femelle ne soit pas à même de juger tous les détails de ces magnifiques ornements? Nous ne pouvons, . .comme nous l'avons dit, penser quill y a choix que par analogie avec ce que-nous ressentons nous-mêmes; or, les facultés mentales des oiseaux ne diffèrent pas fondamentalement des nôtre.: Ces diverses considérations nous permettent de conclure que l'accoplement des oiseauxn'est pas abandonéé au hasadd seul ; mais que, au contraire, les mâles qui, par leurs charmss divers, sont les plus aptes à plarre aux femelles et à les séduire, sont, dans les conditions ordinaires, les plus facilemett acceptés. Ceci adms,, il n'est pas difficile de comprendre comment les oiseaux mâles ont peu à peu acquss leurs divers ornements. Tous les animaux offrent des différences individuelles; et, de même que l'homme peut modffier ses oiseaux domestiques en choisisaant les individss qui lui semblent les plus beaux, de même la préférenee habituelle ou même accidentelle qu'éprouvent les femelles pour les mâles tes plus attrayants doit certainement provoquer chez eux des modifications qui, avec le temps, peuvent s'augmenter dans toute la mesuee compatible avec l'existence de l'espèce.

Variabilité des oiseaux et surtout de leurs caractères sexuels secondaires. - La variabilité et l'hérédité sont les bases sur lesqueless s'appuee la sélection pour effectuer son œuvre. I) est certain que les oiseaux domestiques ont beaucoup varié et que leurs variations sont héréditaires. On admet généralement», aujourd'hui, que les

33. D'après le docteur Blasius </«., vol. II, 1860, p. 297), il y a 425 espèces

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[Gup.XIY]                            VAR)ABILITÉ                                        463

oiseaux ont parfoss été modfiiés de façon à former des races distincte.. Il y a deux sortes de variations : celles que, dans notre ignorance, nous appelons spontanées ; celles qui ont des rapports directs avec les conditions ambiantes, de sorte que tous ou presque tous les individus de la même espèce subissent des modifications analogues. M. J. A. Allen "a récemment observé ces dernières varia-lions avec beaucoup de soin; il a démontré qu'aux États-Unis beaucoup d'espèces d'oiseaxx affectent des couleuss plus vives à mesuee que leur habitat est situé plus au sud, et des couleurs plus claires a mesure qu'ils pénètrent davantage vers l'ouett dans les plaines arides de l'intérieur. Les deux sexes semblent ordinairement affectés de la même manière; mais parfois un sexe l'est plus que l'autre. Cette modfiication de coloration n'est pas incompatible avec l'hypothèse qui veut que les couleuss des oiseaux soient principale-' ment dues à l'accumulation de varaations successives, grâce à la sélection sexuelle; car, alors même que les sexes ont acquis des différences considérables, l'influence du climat pourrait se traduire par un effet égal sur les deux sexes, ou par un effet plus considérable sur un sexe que sur l'autre, grâce à certaines dispositions

Tous les naturalistes sont d'accord aujourd'hui pour admettre que des différences individuelles entre les membres d'une même espèce surgsssent à l'état sauvag.. Les variations soudaines et fortement prononcées sont assez rare;; il est douteux, d'allleurs, que ces variations, en admettant même qu'elles soient avantageus,s, soient souvent conservéss par la sélection et transmises aux géné-

incontestables d'oiseaux qui se reproduisent en Europe,outre 60 formes qu'on

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européennes qui leur correspondent.

34. Mammals and Birds of Eas< Florida, et Omithological Reconnaissance of Kansas, etc. Ma)gré l'influence du ctimat.sur les couleurs des oiseaux, il est difficile d'expliquer les teintes ternes ou foncées de presque toutes les espèces habitant certains pays, les iles Galapagos, par exemple, situées sous l'Équateur, les plaines tempérées de la Patagonie, et, à ce qu'il parait, l'Égypte (Hat-shorne, American Naturalist, 1873, p. 747). Ces pays sont déboisés et offrent, par conséquent peu d'abris aux oiseaux; mais il est douteux qu'on puisse expliquer par un défaut de protection l'absence d'espèces brillamment colorées, car, dans les Pampas également déboisés, mais couverts, il est vrai, de gazon,

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les teintes ternes prédominantes du paysage dans les pays dont il s'agit

n'auraient pas inftué sur le goût des oiseaux en matière de couleur.

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464                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Pabtik]

rations futures». Néanmoins, il peut être utile de signaler les quelques cas que j'ai pu recueillir qui (à l'exclusion de l'albinisme et du mélanssme simple) se rapportent à la coloration. On sait que M. Gould admet l'existence de quelquss variétés seulement, car il attribue un caractère tout spécifique aux différences si légères qu'elles soien;; cependant il admet que, près de Bogota,, certains oiseaux mouchss appartenant au genre Cynanthus constituent deux ou tross races ou variétés qui diffèrent uniquement par la couleur de la queue, -« les unes ont toutes les plumes bleues, tandss que les autres ont les huit plumes centrales colorées d'un beau vert à leur extrémité t.-Il ne semble pas que, dans ce cas ou dans les cas suivants, on ait observé des degrés intermédiaires. Chez une espèce de perroquets australiens, les mâles seuls ont, les uns, les cuisses « écarlates, les autre,, les cuisses d'un vert herbaéé D. Chez une autre espèce du même pays, la raie qui traverse les plumes des ailes est jaune vif chez quelquss individus, et teintée de rouge chez quelquss autres ». Aux États-Un,s, quelquss mâles du tanagee écar-late (Tanagra rubra) portent. « une magnifique raie transversale rouge brillant sur les plus petites plumes des ailes- ,; mais cette variété est assez rare, il faudratt donc des circonstances exceptionnellement favorables pour que la sélection sexuelee en assurât la conservation. Au Bengale, le busadd à miel (Pernss cristata) porte .quelquefois sur ta tête une huppe rudimentaire ; on aurait pu négliger une différence aussi légère, si cette même espèce ne possédait, dans la partie méridionale de l'Inde, « une huppe occipitale bien prononcée, formée de plusieuss plumes graduéese ».

Le cas suivant présente, à quelquss égard,, un plus vif intérê.. On trouv,, dans les îles Feroë seulement, une variété pie du cor-

35. Origine des espèces, 1880, p. 110. J'avais toujours reconnu que les déviations de conformation, rares et fortement accusées, méritant la qualification de monstruosités, ne pouvaient que rarement être conservées par la sélection naturelle, et que même la conservation de variations avantageuses à un haut

Remew (mars, 1867,.p. 289 etsudvantes)b Revue qui m'a rendu plus de services

37! S-ffa^STA^fAustralia, vol. II, p. 32, 68.

38.  Audubon, Orn. Biog., vol. IV, 1838, p. 389.

39. Jerdon, Birds of India, vol. I,'p. 108. Blyth, Land and Water, 1868, p. 381.

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[Chap. XIV]                            VARIABLLITE                                        465

beau ayant la tête, la poitrnne, l'abdomnn et quelques parties des ptumes, desailesetdelaqueueblancs; cette variété n'estpastrèsrare, -car Graba, pendant sa visite, en a vu huit à dix individus vivants. Bien que les caractères de cette variété ne soient pas absolument constants, pluseeurs ornithologistes distingués en ont fait une espèce distincte. Brûnnich remarqua que les autres corbeaux de l'ile poursuivent ces oiseaux pies en poussant de grands cris, et les attaquent avec furie; ce fut là le principat motff qui le décida à les considérer comme spécifiquement distincts; on sait maintenant que c'est une erreur". Cet exemple rappelle un cas analogue que nous venons de citer : les oiseaux albinos ne s'accouplent pas, parce qu'ils sont repoussés par leurs congénères.

On trouve, dans diverses parties des mers du Nord, une variété-remarquable du guillemot commun (Uria troile); cette variété, au dire de Graba, se rencontre aux iles Feroë dans la proportion de un sur cinq de ces oiseaux. Son principal caractère-consiste en un anneau blanc pur, qui entouee l'œil, une ligne, blanche étroite et arquée, longue d'environ 4 centimètres, prolonge la partie postérieuee de cet anneau. Ce caractère remarquable a condutt quelques ornithologistes à classer cet oiseau comme une espèce. distincte sous le nom d'Uria lacrymans; mais il est reconnu aujourd'hui que c'est une simple variété. Cette variété s'accouple souvent avec l'espèce commun,, et cependatt on n'a jamass vu de formes interné-. diaires; ce qui d'ailleussn'a rien d'étonnant, car les variions qui apparaissent subttement, comme je l'ai démontré ailleuss », se transmettent sans altération, ou ne se transmettent pas du tout. . Nous voyons ainsi que deux formes distinctes d'une même espèce peuvent coexister dans une même localité, et il n'est pas douteux que, si l'une eût eu sur l'autre un avantage dequelque importance, elle se fût promptement multipliée à l'exclusion de l'autre Si par exemple, les corbeaux pies mâles, au lieu d'être persécutes et chassés par les autre,, eussent eu des attraits particuliers pour les femelles noires ordinaires, comme le paon pie dont nous avons parlé plus hau,, leur nombee auratt augmnnté rapidement. C'eût été là un. cas de sélection sexuelle.

Quant aux légères différences individuelles qui, à un degré plus ou moins grand, sont communss à tous les membres d'une même espèce, nous avons toute raison de croire qu'elles constituent l'e-

40. Graba, Tagebuch einer Reise Mach Farce, 1830, p. 51-54. Macgillivray, /list. Brit. Birds, vot.III, p. 745. Ibis, 1865, vol. V, p. 469.

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466 -                    LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ie» Partie]

lément le plus important pour t'œuvee de la sélection. Les caractères sexuess secondaires sont éminemment sujets à varier, tant chez les animaxx à l'état sauvaee que chez ceux réduits à l'état domestique-. On pourrait presque affirmer auss,, comme nous l'avons vu dans le huiiième chapitre, que les variations surgsssent plus fréquemment chez les mâies que chez les femelles. Toutes ces conditions viennent puissamment à l'aide de la sélection sexuelle. J'espère démontrer, dans le chapitre suivant, que la transmission des caractères ainsi acquis à un des sexes ou à tous les deux dépend . exclusivemen,, dans la plupart des cas,ee la forme d'hérédité qui prévaut dans les groupes en questio..

It est quelquefois difficile de déterminer si certaines différences -légères entre les mâles et les femelles provennnent uniquement d'une variation avec hérédité limitée à un sexe seul, sans le concours de la séleciion sexuelle, ou si ces différences ont été augmentées par l'intervention de cette dernière cause. Je ne m'occupe pas ici des nombreux cas où le mâle affecte de magnifiques couleurs ou d'autres ornements, qui n'existent chez la femelle que dans de très minimes proportions, car, dans ces cas, on se trouve presqee certamement en présenee de caractères primitivement acquis par le mâle, et transmis dans une plus ou moins grande mesure à la femelle. Mais que penser relativement à certains oiseaux chez lesquels; par exemple, les yeux diffèrent légèrement de couleur selon le sexe"? Dans quelquss cas, la différence est très prononcée; ains,, chez tes cigognes du genre Xenorhynchus, les yeux du mâle sont couleur noisetee noirâtre, tandis que ceux des fèmetles affectent une teinte jaune gomme-gutte; chez beaucoup de calaos (Buceros) d'après M. Btyth", les mâles ont les yeux rouge cramoisi, et les femelles les ont blancs. Chez le Buceros bicornis, le bord postérieur du casque et une raie sur la crête du bec sont noirs chez le mâle, mais non pas chez la femelle. Devons-nous attribuera l'intervention de la sélection sexuelle la conservation ou l'augmentation de ces taches noirestt de la couleur cramoisie des yeux chez les mâles? Ceci est fort douteux, car M. Bartlett m'a fait voir, aux Zoologicll Garden,, que l'intérieur de la bouche de ce Buceros est noir chez le mâle, et couleurchair chez la femelle; or, il n'y a rien là qui soit de natuee à affecter ni la beauté, ni l'apparence extérieuee de ces

p 43. Voir, surces points, Variation des Animaux, etc., vol. I.p.8699 et vol. U, ^Exemples des& iris de Podica et Gallicrex dans lois, vol. II, 1860, t45.j'erdJno,;.ô.,vo.'.PI,p.i43-245..

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[Chap.XIV]                         VARIABILITÉ                                    467

oiseaux. Au Chili «, j'ai observé que, chez le Condo., âgé d'un an enviro,, l'iris est brun foncé, mais qu'à l'âge adulte il devient brun-jaunâtre chez le mâle, et rouge vif chez la femelle. Le mâle . possède aussi une pettte crête charnee longitudinele de couleur plombé.. Chez beaucoup de gallinacés, la crête constitue un fort bel ornement, et pendant que l'oiseau fait sa cour elle revêt des teintes fort vives; mais que penser de la crête sombee et incolore du Condor, qui n'a, à nos yeux, rien de décoratif? On peut se faire la même question relativement à divers autres caractères, comme, par exemple, la protubérance qui occupe la base du bec de l'oie chinoise (Amer cygnoïdes), protubérance beaucoup plus développee chez le mâle que chez la femelle? Il nous est impossible, dans l'état de la science, de répondee à ces questions; en tout cas, on ne sauratt affirmer que ces protubérances et ces divers appendices charnus n'exercent aucun attrait sur la femelle, car il ne faut pas oublier que certaines races sauvages humaines considèrent comme des ornemenss beaucopp de difformités hideuses telles que de profondes balafrss pratiquées sur la figure avec la" charr relevée en saillie, la cloison nasale traversée par des os ou des baguettes, des trous pratiqués "dans les oreilles et dans les lèvres de façon à les étendre autant que possible.

La sélection sexuelle a-t-elle ou non contribué à la conservation et au développement de ces différences insignifiante.? C'est ce que nous ne saurioss affirmer positivement. En tout cas, elles n'en obéissent pas moins aux lois de la variation. En vertu du princpee de la corréaation du développeme,t, le plumage varie souveni d'une façon analogee sur différentes partiss du corps, ou même sur le corps entier. Nous trouvoss la preuve de ce fait chez certaines races de gallinacés. Chez toutes les races, les plumes qui recouvrent le cou et les reins des mâles sont allongées et affectent la forme de soies; or, lorsque les deux sexes acquièrent une hupp,, ce qui constitue un caractère nouveuu dans le genre, les plumes qui ornent la tête du mâle prennent" la forme de soies, évidemment en vertu du principe de la corrélation, tandss que celles qui décorent la . tête de la femelle conservent la forme ordinaire. La couleur des plumes de la huppe du mâle correspond souvent aussi avec celle des soies du cou et des reins, comme on peut le voir en comparant ces plumes chez les poules polonaises pailletées d'or ou d'argent, et chez les races Houdan et Crèvecœu.. Un constate, chez quelquss espèces sauvages, la même corrélation entre la couleur de ces

46. Zoology oy the Voyage of Il. M. S. Beagle, 1841, p. 6.

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s

468                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

mêmes plume,, par exempee chez les splendides mâles du faisan Amherst et du faisan doré.

La strucuure de chaque plume amène généralement la disposition symétrique d'un changement de coloration; les diverses races de gallinacés dont le plumage est tacheéé ou palleeté nous en offrent des exemples; et, grâce à la corréaation, les plumes du corps entier se modifient souvent de la même manière. Nous pouvons donc, sans grande peine, produire des races dont les plumes sont aussi symétriquement tachetées et colorées que celles des espèces sau-vages. Chez les volallles au plumage tacheéé et pallleté, les bords colorés des plumes sont nettemene définis; mais j'ai obtenu un métis par )e croisement d'un coq espagnll noir à reflet vert, et d'une poule de combat blanch,, chez lequel toutes les plumes affectaient une teinte vert noirâtre, sauf leurs extrémités qui étaient blanc jaunâtre; mais, entre ces extrémités blanchâtres et la base noire de la plume, chacune d'elles portait une zone symétrique courbe affectant une teinte brun foncé. Dans certains cas, la tige de la plume détermine la distribution des teintes; ains,, chez un métis provenant du même coq espagnol noir, et d'une poule polonaise pailletée d'argent, la tige et un étrott espace dé chaque côté affectaient une teinte noir verdâtre; puis venatt une zone régulière brun foncé, bordée de blanc brunâtre. Les plumes, dans ce cas, deviennent symétrqquement ombrée,, comme celles qui donnent tant d'élégance au plumage d'un grand nombee d'espèces sauvages. J'ai aussi remarqué une variété du pigeon ordinaire chez laquelee les barres des ailes étaient disposéss en zones symétriques affectant trois nuances brllaantes, au lieu d'être simplement noires sur un fond bleu ardoisé, comme chez l'espèce parente.

On peut observer, dans plusieuss groupss considérables d'oiseaux, que, bien que le plumage de chaque espèce affecte des couleuss différentes, toutes les espèces, cependant, consevvent certaines tache,, certaines marquss ou certaines raies. Un cas analogee se présenee chez les races de pigeon,, car habituellement toutes les races conservent les deux raies des ailes, bien que ces raies soient tantôt rouges, jaunes, blanches, noires ou bleues, alors que le reste du plumage affecte une nuance différente. Voici un cas plus curieux encore de la conservation de certaines tache,, mais colorées d'une manière à peu près exactement inverse de ce qu'elles sont naturellement; le pigeon primitif a la queue bleue, mais les moitiés terminales des barbes externss des deux rectrices extérieures sont blanches; or, il existe une sous-variété chez laquelle la queue est blanche au lieu d'être bleue, mais chez laquelee

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[Chap. XIV]                            OCELLES             ~                         469

les barbes des plumes colorées en blanc chez l'espèce parenee affectent au contraire la couleur noire".

e

Formation et variabilité des ocelles ou taches oculiformes sur le plumage des oiseaux-Les ocelles qui décorent les plumes de divers oiseaux, la fourruee de quelquss mammifères, les écailles des reptiles et des poisson,, la peau des amphibies, les ailes des lépidoptères et d'autres insectes constituent, sans contred,t, le plus magnifique de tous les ornements ; ils mérttent donc une mention spéciale. Un ocelle consiste en une tache placée au centre d'un anneau affectant une autre couleu,, comme la pupllee dans l'iris, mais le point central est souvent entouéé de zones concentriques additionelles. Chacun connaît, par exemple, les ocelles qui se trouvent sur les plumss de la queue du paon, ainsi que sur les ailes du papillon paon (Vanessa). M. Trimen a décrit une phaèène de l'Afrique méridionaee (Gynanisa fsis,, voisine de notre grand paon, chez laquelle un ocelle magnifique occupe presque la totalité de la surfaee de chaque aile postérieure: cet ocelle consiste en un centre noir, renfermant une tache en forme de croissant, demi-transpare,te, entourée de zones successivement jaune ocre, noire, jaune ocre, rose, blanch,, rose, brune et blanchâtre. Nous ne connasssons pas les causes qui ont présidé à la formation et au développement de ces ornemenss si complexss et si magnifiques, mais nous pouvons affirme,, tout au moins, que chez les insectes ces causes ont dû être très simples; car, ainsi que le fait remarquer M. Trimen, « il n'y a pas de caractère qui soit aussi instabee chez les Lépidoptères que les ocelles, tant au point de vue du nombee que de la grandeur. M. Wallace, qui le premier a attiré mon attention sur ce point, m'a fait voir une série d'individus de notre paplllon commun (Hip-parchia Janira) présentant de nombreuses gradations, depussun simple point noir jusqu'à un ocelle élégamment ombré. Chez un papillon de l'Afrique du Sud (Cylla Leda, Linn)) appartenant à la même famllle, les ocelles sont encore plus variables. Chez quelquss individus (A, flg. 53), la surface externe des ailes porte de larges taches noires dans lesquelles on observe ça ta des tachss blanchss irrégulières; de cet état on peut établir une gradation complète conduisant à un ocelle assez parfait (A'), qui provient de la contractinn des tachss noires irrégulières. Chez d'autres individus on peut suivre une série graduee partant de petits poinss blancs entourés d'une ligne noire (B) à peine visible, et finissant par des

47. Bechstein, Nalur~esch: Deutschland's, vol. IV, 1793, p. 31, sur une sous-variété du pigeon Monck.

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470                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile ParTie]

ocelles grands et parfaitement symétriques (B')". Dans les cas comme ceux-ci le développement d'un ocelle parfatt n'exige pas une série prolongée de variations et de sélection..

Il semble résulter de la comparaison des espèces voisines chez les oiseaux et chez beaucoup d'autres animau,, que les tachss circulaires proviennent souvent d'un fractionnement et d'une contra-tion des raies. Chez le faisan Tragopan, les magnifiques taches blanchss du mâle- sont représentées chez la femelle par des raies

A                              A« '

n

B'

Fis:. 53.

Cylaa Led,, Linn,, dessin do M. Trimen, indiquant ['extrême étendue de la variation des ocelles.

B. Papillon de Jav,, surface supérieure de

l'aile postérieure. B'. Papillon de Maurice, id.

A. Papillon de Maurice, surface supérieure

indécises de même couleu;; on peut observrr quelque chose d'anlogue chez les deux sexes du faisan Argus. Quoi qu'il en soit, toutes les apparences favorisent l'hypothèse que, d'une partÇ une tache foncée résulte souvent de la condensation, sur un point centra,, de la matière coloranee répandue sur la zone environnante, laquelee devient ainsi plus claire. D'autre par,, qu'une tache blanche résulte souvent de la dissémnnation autour d'un point central de la substanee coloranee qui, en s'y répandant, constitue une zone am-

48. Ce dessin sur bois a «é 8£vé djaprèsun magnifique J8^» J;Td»; trtS.'Â'ÀTn, Birds of India, vol. III. p. 517.

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[Chap. XIV]                            OCELLES                                        471

bianeeplus foncée. Dans les deux cas, i) se forme un ocelle. La matière coloranee paratt exister en quantité à peu près constante, mais elle est susceptible de se distribuer dans ces directions tant centripètes que centrifuges. Les plumes de la pintade présentent un excellent exemple de taches blanchss entourées de zones plus foncées; or, partout où les tachss blanchss sont grandss et rapprochées, les zones foncées qui les environnent deviennent conftuentes. On peut voir, sur une même rémige du faisan Argus, des taches foncées entourées d'une zone pâle, et des tachss blanchss entourées d'une zone foncée. La formation d'un ocelle, dans son état le plus élémentaire, paratt donc être un phénomène très simple. Mais je ne saurais prétendre indiquer quelles ont été les différentes phasss de la formatinn des ocelles plus compliqués, entourés de plusieuss zones successives de couleur différente. Cependant, les plumes zonées des métis produits par volailles, diversement colorié,, et la variabilité prodigieuse des ocelles chez les Lépidoptères, nous autorisent à concluee que la formation de ces magnifiques ornemenss ne peut guère être bien compliquée, mais qu'elle résulte probablement de quelquss modfiications légères et graduelles de la natuee des

Gradation des caractères sexuels secondaires. - Les cas de gradation ont une grande importance; ils prouven,, en effet, que l'acquisitinn d'ornemenes très compliqués peu,, tout au moins, être amenée par des phases successives. Pour détermnner les phases successives qui ont procuéé à un oiseau ses vives couleuss ou ses autres ornements, il faudrait pouvorr étudier la longue lignée de ses ancêtres tes plus reculés, ce qui est évidemment impossible. Cependant nous pouvon,, en règle générale, trouvrr un fil conducteur en comparant toutes les espèces d'un même groupe, lorsque ce groupe est considérable; il est probabee en effet que certaines de ces espèces ont dû conserver, au moins en parti,, quelques traces de leurs caractères antérieurs. Je préfère ici, au lieu d'entrer dans d'innombrables détails sur divers groupes qui présentent des cas frappants de gradation, étudier un ou deux exemples très caractérisiiques, comme celui du paon, pour voir si nous pouvons ainsi jeter quelque lumière sur les différentes phases qu'a dû traverser le plumage de cet oiseau pour acquérir le degré d'élégance et de splendeur que nous lui connasssons.-Le paon est surtout remaquabee par la longueur extraordinaire qu'atteignent les plumes rec-trices de la queue, la queue par elle-même n'étant pas très développée. Les barbes qui occupent la presque totalité de la longueur

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472-                    LA DESCENDANCE DE L'HOMME . [Me PaRtik]

de ces plumes sont séparées ou non composées; mais on peut observrr le même fait dans les plumes de beaucoup d'espèces et chez quelques variétés du coq et du pigeon domestiques. Les barbes se réunissent vers l'extrémité de la tige pour former le disque ovale ou ocelle qui constitue certainement un des ornements les plus beaux que nous connasssions. Cet ocelle se compoee d'un centre dentel,, irisé, bleu intense, entouéé d'une zone vert brillant, bordée d'une large zone brun cuivré, que circonscrivent à leur tour cinq autres zones étroites de nuances irisées un peu différentes. Le disque présenee un caractère qui, malgéé son peu d'importance, mérite d'être signaé;; les-barbes étant, sur une portion des zones concentriques, plus ou moins dépourvuss de barbilles, une partie du disque se trouve ainsi entourée d'une zone presque transparente qui lui donne un aspect admrrable. J'ai décrtt ailleurs « une variation tout à fait anatogue des barbes d'une sous-variété du coq de comba,, chez lesquelles les pointes, douées d'un )ustre métallique, « sont séparées de la partie inférieuee de la plume par une zone de forme symétrique et transparente const-tuée par la partie nue des barbe.. , Le bord inférieur ou la base du centre bleu foncé de l'ocelle est profondément dentelé sur la ligne de la tige. Les zones environnantes montrent également, comme on peut le voir dans le dessin {flg. 54), des traces d'inden-tation ou d'interruption. Ces indexations sont communss auxpaons indiens et japonais (Pavo cristaluset P. mulicus), etellesm'ont paru mériter une attention particulière, car elles sont probablement en rappott avec le développement de l'ocelle, mais sans que j'aie pu, pendant longtemps, m'expliquer leur signification.

Si on admet le principe de l'évolution graduelle, on peut affirmer qu'il a dû exister autrefois un grand nombee d'espèces qui ont présenéé toutes les phases successives entre les couvertures caudales allongéss du paon et celles plus courtes des autres oiseaux; et aussi entre les superbss ocelles du premier et ceux plus simpess ou les taches colorées des seconds; et de même pour tous les autres caractères du paon. Voyons donc chez les gallinacss voisins si nous trouvons des gradations encore existantes. Les espèces et les sous-espèces de Polyplectron habitent des pays voisins de la patrie du paon, et ils ressemblent assez à cet oiseau pour qu'on les ait appelés faisans-paons. M. Bartlettsoutient aussi qu'ils ressemblentau paon par la voix et par quelques-unes de leurs habitudes. Pendant le printemps, ainsi que nous l'avons dit précédemment, les mâles

.2"

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[Ciup. XIV] GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES 473

se pavanent devant les femelles relativement beaucoup plus simples; ils redressent et étaient les plumes de leurs ailes et de leur queue, ornées de nombreux ocelles. Le lecteur peut recourir à la figure représentant le polypeectron (flg. 51, p. 97). Chez leP. Na-poleonis% ocellesne se trouvent que sur la queue, le dos estd'un bleu métallique brlllant, points qui rapprochent cette espèce du paon de Java. LeP. Hardtoickii possède une huppe singulière assez

Fig. 54. - Plume de pao,, deux tiers environ de grandeur naturelle dessinée par M. Ford. - La zone transparente est représentée pad la zone blanche extérieure limitée & l'extrémité supérieure du disqu..

semblabee à celle du même paon. Les ocelles des ailes et de la queue des diversss espèces de polyplectron sont circulaires ou ovales, et conssstent en un magnifique disque irisé, bleu verdâtre ou pourpee verdâtre, avec un bord noir. Chez le P. chinquis, ce bord se nuance de brun avec un liséré couleur de café au lait, de sorte que l'ocelle est ici entouéé de zones concentriques affectant des tons différenss quoique peu brillants. La longueur inusitée des couvertures caudaess est un autre caractère remarquable du genre polypeectron; car, chez quelques espèces, elles atteignent la

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474                           LA DESCENDANCE DE L'HOMME               [Ile PARTIE]

moitié, et, chez d'autres, les deux tiers de la longueur des vraies rectrices. Les tectrcces caudaess sont ornées d'ocelles comme chez le paon. Ains, les diverses espèces de polyplectron se rapprochent évidemment du paon, par l'allongement de leurs tectrice,, par le zonage de leurs ocelles et par quelques autres caractères.

Malgré ce rapprochement, j'avais presque renonéé à mes recherchss après avoir examiné- la premèère espèce de polypeectron que j'ai eue à ma disposition; car je trouvai non seuIeLrlque les véritables rectrices, qui sont simples chez le paon, étaient ornées d'oceless qui, sur toutes les plumes, différaient fondamentalement de ceux du paon, en ce quill y en avatt deux sur la même plume (/ig. 55), un de chaqee côté de la tige. Cette remarque m'amena à conclure que les ancêtres primitifs du paon n'avaient pu, à aucun degré, ressembler au polypeectron. Mais, en continuant mes re-

cherches, je remarquai que, chez quelques espèces, les deux ocelles sont fort rapprochés; que, sur les rectrices du P. IJardwickii, par exemple, les deux ocelles se touchaient, et enfin que, sur les tectrices de la queue de la même espèce ainsi que sur celle du P. Ma-laccenee (fig. 56), ils se confondaient. La soudure, n'intéressant que la portion centrale, provoque des dentelures aux bords supérieurs et inférieuss de l'ocelle, qui se traduisent éga)ement sur les zones colorées environnantes. Chaque tectrcee caudaee poree ainsi un ocelle uniqu,, mais dont la double origine est encore nettement accusée. Ces ocelles confluenss diffèrent de ceux du paon qui sont unique,, en ce qu'iss ont une échancrure à chaque extrémité, au heu de n'en présenter qu'une à l'extrémité inférieuee ou à la base. Il est d'allleuss facile d'expliquer cette différence; chez quelques espèces de polypeectrons les deux ocelles ovales de la même plume sont parallèles ; chez une autre (P. chinqui,), ils convergent vers une des extrémités; or, la souduee partielle de deux ocelles convergents doit évidemment produire une dentelure plus profonee à l'extrémité divergente qu'à l'extrémité convergente. Il est manifeste aussi que, si la convergence était très prononcée et la fusion

sïïSrtawt à disparanre comp,ètement à rextré-

Chez les°deux espèces de paons, les rectrices sont entièrement dépourvues d'ocelles, ce qui provient sans doute de ce qu'eless se trouvenr cachées par les longues tectrcces caudales qui les recouvren.. Elles diffèren,, très notablement, sous ce rapport, des plumes rectrices des polyplectrons, lesquelees, chez la plupatt des espèces, sont ornées d'ocelles plus grands que ceux des plumes qui les recouvrent. J'ai donc été amené à examiner avec soin les

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[Chap. XIV] GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES 475

plumes caudales des diverses espèces de poyyplectrons afin de mesurer si, chez quelqu'une d'entee elles, les ocelles présentent

que,

à ma grande satssfac

Fig. 55. - Partie d'une tectrice cau-dale du Polyplectron chinquis, avec les deux ocelles (grandeur naturelle).

quelque tendance à dssparaître, ce tion, je réussss à constater. Les rec-trices centrales du P. Napo~eonis ont les deux ocelles compèètement développés de chaque côté de la tige; mais l'ocelle interne devient de moins en moins apparent sur les rectrices placées de chaque côté, et il n'en subsiste plus qu'une trace rudimentaire ou une ombre sur le bord interne de laplumeextérieure.ChezleP.M^c-cense, les ocelles des tectrices cau-dalessont soudés commenousl'avons vu; ces plumes ont une longueur extraordinaire, elles atteignent en effet les deux tiers de la longueur des rectrices; de telle sorte que, sous ces deux rapports, elles ressemblent aux couvertures caudales du paon. Or, chez le P. Malaccense, les deux rectrices centrales sont seules ornées de deux ocelles à couleur vive, ces taches ont complètement dispauu des côtés internss de toutes les autre.. Par conséquen,, la structure et l'ornementation des plumes caudaess de cette espèce de polyplectron, tant les tectrcces que celles qui les couvrent se rap-

tage, car le principe de la gradation explique les degrés successffs qu'a dû parcourir la queue du paon pour en arriver à être ce qu'elee est aujourd'hui. On peut se représenter un ancêtre du paon dans un état presque exactement interm-diaire entre le paon actue,, avec ses tectrices si prodigieusement allongées, ornées d'ocelles uniques, et un gallinacé ordinaire à tectrcces courtes, simplement tachetées. Cet oiseau devatt possédrr

Fig. 56. - Partie d'une tectrice caudale du Polyplectron malaccense, avec les deux ocelles partiellement confluenss (grandeur naturelle).

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[Iee Partie]

™                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME

des tectrices, susceptibles de se redresser et de se déploye,, ornées de deux ocelles partiellement confluents, assez longues pour recouvrir à peu près les rectrices elles-mêmes, qui avaient déjà en partie perdu leurs ocelles, c'est-à-dire un oiseau voisin du po)yp)ectron. Les échancreses du disque central et des zones qui entourent l'ocelle chez les deux espèces de paons me2 raissent militer fortement en faveur de cette hypothèse, car cette' particularité seratt autrement inexplicable. Les polyplectrons mâles sont incontestablement de très beaux oiseau,, mais à quelque distance on ne sauratt les comparer au paon: Les ancêtres femellesee cet oiseau doiven,, pendant une longue périod,, avoir apprécié cette supériorité; car, par la préférenee continue pour les plus beaux mâles, elles ont inconsciemmenc contribué à rendee le paon le plus splendide des oiseaux.

Le faisan Argus. - Les ocelles qui ornent les rémiges du faisan Argus nous offrent un autre champ excellent pour nos recherches. Ces ocelles, admirablement ombré,, ressemblent absolument à des boules posées sur une coupe, et diffèrent par là des ocelles ordinaire. Personnejepense.nesongeraitàattriburrausimplehasard ces ombres délicates fondues d'une façon si exquise et qu'ont si vivement admiréss tous les artistes, à un concouss fortutï d'atomss de matière colorante. Il semblé vraiment qu'en affirmant que ces ornemenss résultent de ia sélection de variations successives, dont pas une n'était primitivement destinee à produire l'illusion d'une boule dans une cavité, on veuille se moquer du lecteu,, tout comme si l'on soutenait qu'une madone de Raphaël est le résultat de la sélection de barbouillages exécutés fortuitement par une longue série de jeunes peintres, dont pas un ne comptait d'abodd dessiner une figure humaine. Pour découvrir comment ces ocelles se sont développés, nous ne pouvons interroger ni une longue lignée d'ancêtres, ni des formes voisines, qui n'existent plus aujourd'hui. Mais heureusement les diverses plume.-de l'aile suffisent pour nous fournrr l'explication du probèème, car elles nous prouvent, jusquàà l'évidence, qu'une gradation est au moins possble entre une simple tache et un ocelle produisant l'effet absolu d'une boule placée dans une cavité.

Les rémiges portant les ocelles sont couvertes de raies (/lg. 57) ou de rangéss de taches foncées {flg. 59 ); chacune de ces bandes ou de ces rangée,, de taches se dirige obliquement du bord extéreurr de la tige vers un ocelle. Les taches sont généralement allongées transversalement à la rangee dont elles font partie. Elles se réuni--

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[ChapP XIV] GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES 477

sent souven,, soit dans le sens de )a rangée, - elles forment alors une bande longitudinale, - soit iatéralement, c'est-à-dire avec les taches des rangéss voisine,, et constituent alors des bandes tranversales. Une tache se divise quelquefois en taches plus petites, qui conservent leur situation propre.

Il convient d'abord de décrire un ocelle complet figurant parfatement une boule dans une                                                  P cavité. Cet ocelle consiste en un anneau circulairenoir intense, entourant unespace ombré de façon à produire exactement l'apparence d'une sphère. La figure que nous donnons ici a été admrablement dessinée et gravée par M. Ford, mais une gravuee sur bois ne saurait rendee l'ombrage parfait et délicat de l'original. L'anneau est presque toujouss rompu i 57) sur un point de sa moitié supérieure, un peu à droite et au-dessus de la partie blanche (point éclarré) de la sphère qu'il entoure; quelquefois aussi il est un peu rompu vers sa base à droite. Ces légères ruptures ont une signification importante. L'anneau est toujouss très épaissi et les bords en sont mal définis vers i'angle gauche supérieu,, lorsque la plume est vue debout, dans la position ou elle est dessinée ici. Sous cette partie épaissie, il y a, à la surface delà sphère, une marque obliquun'un blanc presque pui qui passe graduellement par différentes nuances de gris plombé pâle-puis jaunâtres, puis brunâtres et qui deviennent insensiblementton-jours plus foncées vers la pariie inféreeure. C'est cette gradation de teintes qui produtt cet effet si parfait d'une lumière éclairant une surface convexe. Si on examine une de ces sphères, on. remarque

Fig 57. _ Partie d'une rémige secondaire dt faisan Argu,, montrant deux ocelles complets, a, b. - A, B, C, D, E, F, sout des rangées ton!

oceïle°             ^ dir'g0ant chacune vers ™e

(Une grande partie de la barbe de la plume a été coupée, surtout a gauche de la tige.)

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478                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [II? Partie]

que sa partie inférieuee a une teinte plus brune et se trouve indistinctement séparée par une ligne courbe oblique de la partie supérieure qui est plus jaune et d'une nuanee plus plombée ; cette ligne oblique fait un angle droit avec l'axe le plus long de la tache blanche (qui représente la partie éclairée), et même avec toute la portion ombrée, mais ces différences de teintes, dont notre figure sur bois ne peu,, cela va sans dire, donner aucune idée, n'altèrent en aucune façon la perfectinn de l'ombee de la sphère. 11 faut surtout observerque chaque ocelle est en rapport évident avec une raie ou une série de tachss foncées, car les deux se rencontrent indifféremment sur la même plume. Ainsi, dans la figure 57, la raie A se dirige vers l'ocelle a- B vers l'ocelle b; la raie C est interrompue dans sa partie supéreeure, et se dirige vers l'ocelle suivant qui n'est pas représenté dans la figure; il en est de mème des bandes D, E et F. Enfin les divers ocelles sont séparés les uns des autres par une surface claire portant des taches noires

^ïvaïmaintenantdécrire l'autre extrême de la série, c'est-à-dire la première trace d'un ocelle. La courte rémige secondaire la plus rapprochée du corps porte, comme les autres plumes (fig. 58), des séries obliques et iongitudinales de taches un peu irrégulières très foncées. La tache inférieuee ou la plus rapprochée de la tige, dans les cinq rangées les plus basses (celle de la base exceptée), est un peu plus grande que les autres tachss de la même série, et un peu plus anon^ée dans le sens transversal. Elle diffère aussi des autres taches en ce qu'elee porte à la partie supérieureune borduee de couleur fauve ombrée. Mais cette tache n'a rien de plus remarquable que celles qu'on voit sur les plumages d'une foule d'oiseaux, elle pourrait donc aisément passer inaperçue. La tache suivante, en montant dans chaque rangé,, ne diffère, en aucune façon, de celles qui, dans la môme ligne, sont placées au-dessus d'elle. Les grandss taches occupent exactement la même position relative sur cette plume que celle occupée par les ocelles parfaits sur les rémiges plus allongées.

Fig

5S. - Base de la rémige secondaire la plus rapprochée du corps.

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[Chapp XIVJ GRADATION DES CARAGT. SEXUELS SECONDAIRES 479

En examinatt les deux ou trois rémiges secondaires suivantes, on peut observrr une gradation insensible entre une des taches que nous venons de décrire, jointe à celle qui la suit dans la même rangée, et il en résulte un ornement curieux qu'on ne peut appeler un ocelle, et que, faute d'un meilleur terme, je nommerai un « ornement elliptique ». Ces ornemenss sont représentés dans la figure ci-jointe (flg. 59). Nous y voyons plusieuss rangées obliques, A, B, C, D,etc, de taches foncées ayant le caractère habituel. Chaque rangee de tachss descend vers un des ornemenss ellipt--

Fig. 59. - Portion d'uee rémige secondaire montrant les ornements elliptiques. La figuee de droiee n'est qu'un croquis indiquant les lettres de renvoi.

A. B. C et.. Rangées de taches se dirigeant vers les ornements elliptiques et les for-mant.

b. Tache inférieure de la rangee B.

c.  Tache suivante me la même rangée.

d.  Prolongement interrompu de la tache c de la rangée B. .

ques et se rataache à lui, exactement comme chaque raie de la figure 57 est en rappott avec un des ocelles à boule, Examnnons une rangée, B, par exempee (fig. 59) : la tache inférieuee (b) est plus épaisse et beaucoup plus longue que les taches supérieures; son extrémité gauche se termine en poinee et se recourbe vers le hau.. Un espace assez large de teintes richement ombrée,, commençant par une étroite zone brun,, passant à l'orange et ensuite à une teinte plombée, très claire, à l'extrémité amincee qui côtoie la tige, succède brusquement au côté.supérieur de cette tache noire, qui correspodd sous tous les rapports avec la grande tache ombrée

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480                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Part.e]

décrite ci-dessus (flg. 58); elle est toutefois plus développée et a des couleuss plus vives. A drotte et au-dessus de ce point (b, flg. 59), avec sa partie éclairée, se trouve une marque noire (c) longue et étroite, faisant partie de la même rangée, un peu arquée en dessous, du côté tourné vers le b, pour lui faire face. Cette tache noire - - -<- - J~- .....— -< i—m» -l'une raie étroite

est quelquefois brisée en deux parties et bordée d'une

affectant une teinte fauve. A gauche et au-dessus de c, dans la même direction oblique, mais toujouss plus ou moins distincte, se trouve une autre tache noire (d). Cette tache affecte ordinairement une forme triangulaire ou irrégulière; celle q^esyndiquee

trouve une autre tache noire (d). Cette tache affecte ... ,.---------:.—..,„:-------,wm,iii«. ppIIo. m,i P.st indinuée dans

p;r=te7en- un prolongement latéral et interromuu ^il

l'esqussee est exceptionnellement étroite, allongée et régulière. Elle

tache (c), ainsi que semblent l'indiquer les prolongements analogues qu'on remarque sur les taches supérieures suivantes; mais je n'en suis pas certain. Ces trois tache,, b, c et d, avec les part.es écla--rées intermédiaires, constituent ce que nous appelons un ornement ellipiique. Ces ornements occupent une ligne parallèle à la tige et leur position correspond évidemment avec celle des ocelles sphen-

ques. Malheureusement un dessin ne sauratt faire comprendre l'élégance de leur aspec,, car on ne peut reproduire les teintes orangéss et plombées qui contrastent si heureusement avec les

tachss noire..

La transition entre un de ces ornemenss elliptiques et un ocelle à sphèee est si insensible quill est presque impossible.de déterminer quand il faut substituer cette dernèère désignation à la première. La transformation de l'ornement elliptiqee s'effectue par l'allongement et par la plus grande courbure dans des directions

opposées de la tache noire inférieuee (b, flg. 59), et surtout dela tache supéreeure (c), joinee à la contraction de la tache étroite et irrégu-lière (d) qui, se soudant toutes les trois ensembe,, finissent par former un anneau ellipiique peu régulier. Cet anneau devient de plus en plus régulier, prend la forme circuaaire et augmenee en même temps en diamètre. La figure 60 représente, grandeur naturelle, un ocelle qui n'est pas encore absolument parfait. La partie inférieure de l'anneau noir est beaucoup plus recourbée que la tache inféreeure de l'ornement elliptique (b, fig. 59). La partie supérieure de l'anneuu se compoee de deux ou tross parties séparée,, et on n'aperçoit qu'une trace d'épaississement de la partie qui constitue la tache noire au-dessus de la partie claire. Cette part.e claire n'est pas encore non plus très concentrée et la surface est plus brillamment colorée qu'elee ne l'est dans l'ocelle parfait. Les traces de la jonction des trois taches allongéss peuvent encore s'apercevoir

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[Chap. XIV] GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES 481

dans un grand nombre .des ocelles les plus parfaits. La tache irrégulièrement triangulaire ou étroite (d, fig. 59) forme évidemment, par sa contraction et par son égalisation, la partie épaissie de l'anneau qui se trouve au-dessus dela partie blanche de l'ocelle complet. La partie inférieuee de l'anneuu est toujouss un peu plus épaisse que les autres (fig. 57), ce qui résulte de ce que la tache noire inférieuee de l'ornement elliptique (b, fig. 59) était, dans l'origine, plus épaisse que la tache supéreeuee (c). On peut suivre toutes les phases successives des modifications et des soudures; on peut en concluee que l'anneau noir qui entouee la sphèee de l'ocelee est incontestablement formé par l'union et par la modification des trois taches noires b, c, d, de l'ornement elliptique. Les taches noires irrégulières et disposées en zigzag qui sont placées entre les ocelles successifs (fig. 57) sont dues évidemment à l'interruption des quelquss tachss semblables, mais plus régulières, qui se trouvent dans les intervalles des ornemenss elliptiques.

On peut également se rendee un compte exact des phases successives que travesent les teintes ombréss pour arriver à produire ches les ocelles l'effet d'une boule dans une cavité. Les zones étroites, brunes, orangss et plombées, qui bordent la tache noire inférieuee de l'ornement elliptique, revêtent peu à peu des teintes plus douces et se fondent les unes dans les autres; la portion déjà peu colorée de la partie supérieure gauche devient de plus en plus claire, au point de paraître presque blanch.. Mais, même dans l'ocelle en boule le plus parfait, on peut apercevoir (ainsi que nous l'avons indiqué plus haut), une légère différence dans les teintes, mais pas dans les ombre,, entre !a partie supéreeure et la partie inférieuee de la boule; cette ligne de séparation est oblique et suit la même direction que les tons plus clairs des ornemenss elliptiques. Ainsi chaque petit détall de la forme et de la coloration de l'ocelle à boule peut s'expliquer par des modifications graduelles apportées aux ornements elliptiques; on peut expliquer également le développement de ces derniers, en vertu de degrés toue aussi successifs commençant par l'union de deux tachss presque simples, la tache inférieuee (/ig. 58) étant bor-

31

;. i-i. - C. i:-.- figuee représente, grandeur naturelle, un ocelle qui n'est pas encoee absolument parfait.

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482

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

viennen

tt

[Ile Partie]

dëe à son extrémité supérieure d'une teinte ombrée de fauve. Les extrémités des longues plumes secondaires qui portent les ocelles compless représentant une boule dans une cavité, sont le siège d'une ornementation particulière (fig. 61). Les raies longitudinales obliques cessent brusquement dans le haut et de- confuse;; au-dessus- de cette limite, toute l'extrémité supérieure de la plume (a) est couveree de points blancs entourés par de petits' anneaux noirs serrés sur un fond obscur. La raie oblique appartentnt à l'ocelle supérieur (b) n'est même plus représentée que.par une courte tache noire, irrégulière, dont la . base est comme d'ordinaire transversale et arquée: La séparation brusqee de cette raie nous permet de comprendre pourquoi la partie épaisse de l'anneau manque dans l'ocelle supérieu;; car, comme nous l'avons constaté, cette partie épasssieestévidemmentforméeparun prolongement de la tache qui la suit au-dessus dans la même raie. Par suite de l'absence de la partie supérieure et épaissie de l'anneau, une portion du sommet de l'ocelle supérierr paratt avoir été obliquement enlevée, bien qu'il soit complet sous tous les autres rapports. Si l'on admettait que le plumage du faisan Argus a été créé tel qu'il existe aujourd'hui, on seratt fort embarrassé d'expliquer l'état imparfait de l'ocelle supérieu.. Je dois ajouter que les ocelles dela rémige secondaire la plus éloignée du corps sont plus petits et moins parfaits que ceux des autres rémiges et présentent, comme l'ocelle que nous venons de décrire, une interruption de la partie supérieure de l'anneau noir extern.. Il semble que les tache,, sur cette plume, montrent une tendanee moindee à se réunrr pour former des bande;; elles sont, au contraire, souvent divisées en taches plus petite,, qui continuent deux ou tross rangéss se dirigeant vers chaque ocelle.

Fig. Cl. - Partie du sommtt d'une des rémiges secondaires portant des ocelles complets.

a.  Partie supérieuee ornée.

b.  Ocelle supérieur pas tout h tait complet. (L'ombre qui est au-dessus du point éclairé est trop foncéepour la figure.)

c.  Ocelle parfait.

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[Chap. XIV] GRADATION DES CARAGï. SEXUELS SECONDAIRES 483

M. T. W. Wood» a observé le premier un autee point très curieux qui mérite d'être signalé. Dans une photographie que m'a donnée M. Ward et qui représente un faisan Argus au moment où il déploie ses plume,, on remarque que, sur les plumes disposées perpendiculairemens, lestachss blanchss des ocelles représentant la lumière réfléchie par une surface convexe se trouvent à l'extrémité supérieure, c'est-à-dire dirigée de bas en hau;; l'oiseau, en effet, posé sur le sol en déployant ses plume,, est naturellement éclairé par en hau.. Mais là vient le point curseux dont nous avons paréé ; les plumes extérieures gardent une position presque horizontale et leurs ocelles devraient paraître aussi illuminés par en haut et par conséquent les taches blanchss devraiett être placées sur le côté supérieur des ocelles, et, quelque incroyable que celapuisseparaître, c'est en effet la posiiion qu'elles occupen.. I) en résulte que les ocelles sur les diverses plume,, bien qu'occupant des positions très différentes par rappott à la lumière, paraissent tous illuminés par en haut comme si un véritable artisee avait été chargé de dispoerr leurs ombre.. Néanmoins, ils ne sont pas éclairés du point exactement convenable, car les taches blanchss des ocelles situés sur les plumes qui restent presque horizontales sont placées un peu trop à l'extrémité, c'est-à-dire qu'elles ne se trouvent pas tout à fait assez sur le côté. Nous n'avons d'ailleuss aucun drott de cherchrr la perfection absolue dans une partie que la sélection sexuelle a transformée en ornement, pas plus que dans une partie que la sélection naturelle a modifiée par un usage constant, et nous pourrions, citer, par exemple, l'œil humain. Nous savons, en effet, que Helmholtz, la plus haute autorité en Europ,, a dit, à propos de cet organe extraordinaire, que, si un opticien lui avatt vendu un instrument fabriqué avec si peu de soin, il n'aurait pas héstté à le lui laisser pour compte-.                          '                      .

Il résulte,'des observations que nous venons de faire, qu'on peut établrr une série parfaite entre les taches simples et un admirabte ornement représentant l'étonnant ocelle en forme de boule. M. Gould, qui a eu l'obligeance de me donner quelques-unes de ces plume,, reconnaît avec moi que la gradation est complète. Il est évident que les différentes phases de développement qu'on observe sur les plumes d'un oiseau n'indiquent pas nécessairement les divers états par lesquess ont dû passer les ancêtres éteints de l'espèce; mais elles nous fournsssent probablement l'explication des états actues,,

52! pZ^lt^ZVnTcientific mbjects, 1873, p. 219, 227, 269, 390.

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484                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

et, tout au moins)la preuve évidenee de la possibilité d'une gradtion. On sait avec quel soin le faisan Argus mâle étale ses plumes aux regards de la femelle; on sait aussi que la femelle témoigne une préférenee pour les mâles les plus attrayants. Nous avons cité bien des faits pour le prouver; on ne peut donc contester, si on admet la sélection sexuele,, qu'une simple tache foncée, ombrée de quelquss teintes, ne puisse, par le rapprochement et par la modification des taches voisine,, grâce à une augmentation de couleu,, se transformer en ce que nous avons appelé des ornemenss elliptique.. Toutes les personnes qui ont vu ces ornements les ont trouvés très élégants, plusieuss même les regardent comme plus beaux que les ocelles complets. L'action continue de la séleciion sexuelle a dû provoquer l'allongement des rémiges secondaires et l'augmentation en diamètre des ornements elliptiques; la coloration de ces ornemenss a du, en conséquence, perdre une certaine partie de son éclat; alors, pour rempaacer ce défaut de coloration, l'ornementation s'est reportée sur la beauté du dessin et sur le jeu des ombres et de la lumière; ces embellissements successifs ont abouii au développement des merveilleux ocelles que nous venons de décrire. C'est ainsi,- et il me semble qu'il n'y a pas d'autre expliction possible, -que nous pouvons expliqurr l'état actuel.et l'origine des ornemenss qui couvrent les rémiges du faisan Argus.

La lumière que jette sur ce sujet le princpee de la gradation; ce que nous savons des lois de la variation; les modifications qu'ont éprouvées un grand nombre de nos oiseaux domestiques; et enfin les caractères (sur lesquess nous aurons à revenir) du plumaee des oiseaux avant qu'ils aient atteint l'âge adulte, - nous permettent queiquefois d'indiquer, avec une certaine certitude, les phases successives qu'ont dû traverser les mâles pour acquérir leur riche plumage et leurs divers ornements, bien que, dans beaucoup de cas, nous soyons encore, à cet égard, plongés dans une obscurité profond.. M. Gould, il y a déjà longtemps, m'a signalé un oiseau-mouch,, YUrosticte &enjamini,dont le mâleet lafemelle présentent des différences remarquables. Le mâle, outre une colleretee magnfique, a les plumes de la queue vert noirâtre, sauf lesquatre plumes centrales, dont l'extrémité est blanch.. Chez la femelle, comme chez la plupatt des espèces voisine,, les trois plumes caudales extérieures de chaque côté se trouvent dans le même cas; de sorte que chez le mâle les quatre plumes caudales centrales, et chez la femelle les six plumss caudaess externss sont ornées d'extrémités blanches. On observe, sans doute, chez beaucoup d'espèces d'oi-

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[Chap. XIV] GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES 485

seaux-mouches, des différencss considérables entre les mâles ettes femelles au point de vue de )a coloratinn de la queue; toutefois, M. Gouldne connattpas une seule espèce, en dehors de l'Urosticte, chez laquelle les quatre plumes caudales centrales du mâle se ter-minent en blanc, et c'est là ce qui rend cet exempee si curieux.

Le duc d'Argyll » discute vivement ce cas ; il ne fait pas meniion de la sélection sexuelle et se demanee : < Comment peu--on, au moyen de la séleciion naturelle, expliqurr des variétés spéci,iquss de cette natue? ? » Il répond : « La sélection naturelle ne peut donner aucune explication x, ce que je lui accorde pleinement. Mais en est-il de même de la sélection sexuelle? Les plumes caudales des oiseaux-mouches diffèrent les unes des autres de tant de façons différentes qu'on peut se demandrr pourquii les quatre plumes centrales n'auraient pas varié chez cette espèce seule de façon à acquérir despointes blanches?Les variationsontpuêtregraduelles; elles ont pu être quelque peu soudaines, comme dans le cas précédemment indiqué des oiseaux-mouches de Bogota, chez lesquels quelques individus seulement ont les « rectrices centrales vert éclatant à leur extrémité». J'airemarqué, chezlafemelee de YUrosticte, des extrémités blanchss très petites et presque rudimentaires sur les deux rectrices externes faisant partie des quatre plumes centrales; ce qui indique une légère modification dans le plumaee de cette espèce. Si l'on admet que la quantité de blanc puisse varier dans les rectrices centrales du mâle, il n'y a rien d'étonnant à ce que de telles variations aient été soumises à l'action de la sélection sexuele.. Les extrémités blanches, ainsi que les petites huppes auriculaires de la même couleu,, ajoutett certainement à la beauté du mâle, le duc d'Argyll l'admet lui-même ; or, le blanc est évidemment apprécéé par d'autres oiseaux, car )e Chasmorynchus mâle affecte une blancheur de neige. N'oublions pas le fait signalé par sir R. Héron : ses paons femelles, auxquelles il avait interdtt l'accès du mâle pie, refusèrent de s'accoupler avec aucun aurre mâle et restèrent toute ia saison sans produire. Il n'est pas étonnant non plus que les varaations des rectrices de YUrosticte aient été l'objet d'une séleciion ayant spécialement pour but une ornementation quelconque, car le genre qui le suit dans la même famille a reçu le nom de Metallura, en conséquenee de la splendeur qu'ont atteinte chez lui ces même plume.. Nous avons en outre la preuve que les oiseaux-mouches font tous leurs efforts pour étaler leurs rectrices à leur plus grand avantage. M. Belt", après avoir décrtt la magn--

53.  7%. A^tf La», 1867, p. 847.

54.  The Naturaliste Nicaragua, 1874, p. 112.

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486                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [lie pAflTIE]

ficence du Florisuga mellivora, ajoute : « J'ai vu la femelle posée sur une branche pendatt que deux mâles étalaeent leurs charmes devant elle. L'un s'é!ançaiten l'air ccmme une fusée, puis épandait soudann sa queue blanche comme )a neige, descendait lentement devant elle, en ayant soin de se tourner graduellement pour qu'elle pût admrrer la partie antérieure et la partie postéreeure de son

corPs.....sa queue blanche éployée couvrait plus d'espaee que tout

le corps de l'oiseau, et constituait évidemment pour lui le grand attratt du spectacle. Tandss que i'un descendait, l'autre s'élançait dans l'air et redescendait lentement à son tour. Le spectacle se termine ordinairement par un combat entre les deux mâles, mais je ne saurass dire si la femelle choisit le plus beau ou le plus fort. t Après avoir décrtt le plumage particulier de YUrosticte, M. Gould ajoute: « Je crois fermement que l'ornement et la variété sont le seul but de cette particularité»... D Ceci adms,, nous pouvons comprendre que les mâles, parés de la manière la plus éléganee et la plus nouvelle, l'ont emporté, non dans la lutte ordinaire pour l'existence, mais dans leur rivalité avec les autres mâles, et ont dû, par conséquen,, laisser une descendance plus nombreuse pour hériter de leur beauté nouveleement acquise.

CHAPITRE XV

OISEAUX (SUITE)

Discussion sur la question de savoir pourquoi, chez quelques espèces, les mâles seuls.ont des couleurs éclatantes, alors que les deux sexes en possèdent chez d'autres espèces. - Sur l'hérédité limitée par le sexe, appliquée à diverses conformations et au plumage richement coloré. - apports de la nidification avec la couleur.-Perte pendant l'hiver du plumage nuptial.

Nous avons à examiner, dans ce chapitre, pourquoi, chez beaucoup d'espèces d'oiseaux, la femelle n'a pas acquis les mêmes ornements que le mâle; et pourquoi, chez beaucoup d'autres, les deux sexes sont également ou presque egalemenp ornés? Dans le chapitre suivant nous étudierons les quelques cas où la femelle est plus brillamment colorée que le mâle.

Je me suis borné à indiquer, dans l'Origine des espèces ', que la longue queue du paon et que la couleur noire si apparente du grand tétras mâle seraient l'une incommode, l'autre dangereuse pour les

f^me^i^f^!—

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE               487

femelles pendant la période de l'incubation; j'en ai tiré la conséquence que la sélection naturelle était intervenue pour s'opposer à la transmission de ces caractères de la descendance mâle à la descendanee femelle. Je crois encore que cette cause a agi dans quelques cas assez rares d'alleeurs; mais, après avoir mûrement réuléchi à tous les faits que j'ai pu rassembler, je suis maintenant disposé à croire que, lorsque les mâles et les femelles diffèren,, c'est que. la transmission des varaations successives a été, dès le principe, limitée au sexe chez lequel ces variations se sont produites d'abord. Depuis la pubiication de mes observations, M. Wallace' a discuté dans plusieuss mémoires d'un haut intérêt la question de la coloration sexuelle. M. Wallace admet que, dans presque tous les cas, les variations successives ont tendu d'abodd à se transmettre également aux deux sexes, mais que la sélection naturelle a soustrait la femelle au danger qu'elee auratt couru pendatt l'incubation si elle avatt revêtu les couleuss éclatantes du mâle.

Cette hypothèse nécessite une laborieuse discussion sur un point difficile à élucider : la sélection naturelle peut-elle subséquemment limitrr à un sexe seul la transmission d'un caractère, d'abodd héréditaire chez les deux sexes? Ainsi que nous l'avons démontré dans le chapitre préliminaire sur la sélection sexuele,, les caractères développés chez un seul sexe existent toujouss à l'état latent chez l'autre. Un exempee imaginaire peut nous aider à comprendre quelles difficultés présenee cette questton. Supposons qu'un éleveur désire créer une race de pigeons dont les mâles seuls auraient une coloration bleu clair, tandss que les femelles conserveraient leur ancienne teinte ardoisé.. Les caractères de toute espèce se transmettent d'ordnnaire chez le pigeon également aux deux sexes; l'éleveur devra donc cherchrr à convertir cette forme d'hérédité en une transmission limitée sexuellement. Tout ce qu'il pouraa faire sera de choisrr dans chaque génération successive un pigeon mâle bleu aussi clair que possibl;; s'il procède ainsi pendant fort longtemps et que la variation bleu clair soit fortement héréditaire et se présenee souven,, le résultat naturel obtenu sera de donner à toute la race une couleur bleue plus claire. Mais l'éleveur qui tient à conserver la couleur ardoisée des femelles sera obligé d'accoupler, génération après génération, ses mâles bleu clair avec des femelles à coloratinn ardoisé.. Il en résulterait la production, soit d'une race métis couleur pie, soit, probablement, la perte rapide et complète de la couleur bleu pâle, car la teinte ardoisée primitive se tran--

2. Westminster Revieu,, juillet 1867. Journal of Travel, vol. 1,1868, p. 73. :

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mettratt sans aucun doute avec une force prépondérante. Supposons toutefois que, dans chaque génération successive, on obtienne quelquss mâles bleu clair et quelquss femelles ardoisées, et qu'on les accoupee toujouss ensembe;; les femelles ardoisées auraeent alors beaucoup de sang bleu dans les veines, si j'oee me servrr de cette expression, car leurs pères, leurs grands-pères, etc,, auraient tous été des oiseaux bleus. Dans ces conditions, il est concevabee (bien que je ne connassee pas de faits positifs qui rendent la chose probable) que les femelles ardossées puissent acquérir une tendanee latente à la coloration claire, assez forte pour ne pas la détruire chez leurs descendants mâles, tandss que leurs descendants femelles continueraient à hériter de la teinte ardoisée. S'il en était ains,, on pourratt atteindre le but désiré, c'est-à-dire créer une race dont les deux sexes différeraient d'une manière permanente au point de vue de )a couleur.

L'exemple suivant fera mieux comprendre l'importance extrême, ou plutôt la nécessité, que le caractère cherché dans la supposition qui précède, à savorr la coloration bleu clair, soit présent chez la femelle à l'état latent afin que la descendance ne s'altère pas. La queue du faisan Sœmmerring mâle a 940 millimètres de fongueu,, celle de )a femelle n'a que 20 centimètres; )a queue du faisan commun mâle a environ 50 centimètres de longueur, et celle de la femelle 304 millimètres. Or, si on croisatt un faisan Sœmmerrigg femelle, à eourte queue, avec un mâle de l'espèce commune, le descendant mâle hybride aurait, sans aucun doute, une queue beaucoup plus longue qu'un descendant pur du faisan commun. Si )a femelle du faisan commun, au contraire, avec sa queue beaucoup plus longue que celle de la femelle de l'espèce Sœmmerring se croisatt avec un mâle de cette dernière espèce, l'hybride mâle produit auratt une queue beaucoup plus couree qu'un descendant pur du faisan Sœmmerring».

Notre éleveu,, pour donner aux mâles de sa race nouvelee une teinee bleu clair bien détermnnée, sans modffier les femelle,, auratt à opérer sur les mâles une sélection continue pendant de nombreuses générations; chaque degré de nuance claire devant être fixé chez les mâles et rendu latent chez les femelles. Ce seratt une tâche difficile, qui n'a jamais été tentée, mais qui pourrait réussir. L'obstacle principal seratt la perte précoee et complète de la nuance bleu clair,

à M. Sclater que je dois les mesures que j'ai précédemment indiquées. Voir, sur le faisan commun. Macgillivray, Hist. Brit. Birds, I, 118-1211

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[ChapPxv] sur l'Hérédité limitée par le sexe              489

résultant de la nécessité de croisements répétés avec la femelle ardossée; car celle-ci n'offrirait dans le commencement aucune tendance latenee à produire des descendants bleu clair.

D'autre par,, si de légères variations tendant à affecter le caractère de leur coloration venatt à surgrr chez certanss mâles, et que ces variations fussent dès le principe limitées dans leur transmission au sexe mâle, la production de la race cherchee deviendrait facile, car il suffiratt simpcement de choisrr ces mâles et de les accouperr avec des femelles ordinaires. Un cas ana)ogue s'est présenté, car il existe en Belgique* certaines races de pigeons chez lesquelles les mâles seuls poreent des raies noire.. M. Tegetmeier* a récemmett démontré que les dragoss produisent assez fréquemment des petits argentés, presque toujouss des femelles; il a élevé dix de ces femelles argentées. Il est très rare, au contraire, qu'il y ait un mâle argenté. De sorte qu'il n'y auratt rien de plus facile que de produire une race de pigeons dragons dont tes mâles seraient bleus et les femelles argentées. Cette tendanee est si forte que, quand M. Tegetmeier parvntt enfin à se procurer un mâle argenté, il l'accoupla avec une femelle de la même couleu,, espérant produire une race dont les deux sexes seraient argentés; toutefois il fut désappointé, car le jeune mâle revêtit la couleur bleue de son grand-père et la jeune femelle seule fut argentée. Sans doute on pourrait, avec beaucoup de patience, vaincee cette tendanee au retour chez les mâles provenani d'un couple argenté, et se procurer une race chez laquelle les deux sexes affecteraient ta même couleur; d'allleuss M. Esquilant a obtenu ce résuttat pour les pigeons Turbits argentés.

Chez les gallinacés, des variations de couleur limitées au sexe mâle dans leur transmission se présentent assez fréquemment. Mais, alors même que cette forme d'hérédité prévau,, ilpeut arr-ver que quelques-uns des caractères successivement atteints dans . le cours de la variation se transmettent à la femelle; celle-ci, dans ce cas, ressemblerait un peu au mâle, ce qu'on peut observrr chez quelques races gallines. Ou bien encore, presque tous les degrés successivement parcourus se transmettent inégalement aux deux sexes; la femelle ressembee alors davantage au mâle. Il est probable que cette transmission inégale est cause que le pigeon grosse-gorge mâle a le jabot un peu plus gros, et le pigeon-messager mâle des caronuules plus développées que ces parties ne le sont chez leurs femelles respectives; car les éleveuss n'ont pas soumis à la séleciion un sexe plutôt que l'autre, et n'ont jamass eu le désir

4.  Docteur Chapuis, le Pigeon ooyageu? belge, 1865, p. 87.

5.  r^ftaW, sept. 1873.

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490                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

que ces caractères fussent plus prononcés chez le maie que chez la femelle; c'est cependant ce qui est arrivé chez ces deux races.

Il faudratt suivre le même procédé et surmonter les mêmes difficultés pour arriver à créer une race où les femelles seules présenteraient une nouvelee couleur.

Enfin, l'éleveur pourrait voulorr créer une race chez laquelee les deux sexes différeraient l'un de l'autre, et tous deux de l'espèce parente. Dans ce cas la difficutté seratt extrême, à moins que les variations successives ne fussent dès l'abord sexuellement limitées des deux côtés. Les races gallmes nous fournsssent un exemple de ce fait; ains,, les deux sexes de la race pointillée de Hambougg diffèrent beaucoup l'un de l'autre, outre qu'ils diffèrent consrdérablement aussi des deux sexes de l'espèce originelle, le ~allus ban-kim; une sélection continue permet actuellement de conservrr chez chacun d'eux le nouveau type parfait, ce qui seratt impossible si la transmission de leurs caractères distinctifs ne se trouvait pas limitée. La race espagnole offre un exemple plus curieux encore; le mâle porte une énorme crête, mais il paratt que quelques-unes des varations successvves, dont elle représente l'accumulation totale, ont été transmises aux femelles qui sont pourvuss d'une crête beaucopp plus considérable que celle de la poule de l'espèce parente. Or la crête de )a femelle diffère de celle du mâle en ce qu'elle est sujetee à s'incliner; la fantaisie des éleveurs ayant récemment exigé qu'il en fut désormais ains,, on a promptement obtenu ce résultat. Cette inclinaison particulière de la crête doit être sexuellement limitée dans sa-transmission, car autrement elle seratt un obstacee à ce que celle du mâle restât parfaitement droite, ce qui, pour les éleveurs, constttue la suprême élégance du coq espagnol. D'autre par,, il faut que la rectitude de la crête chez le mâle soit aussi un caractère limité à ce sexe, car autrement il s'opposerait à ce qu'elle s'inctinât chez la poule.

Les exemples précédenss nous prouvent que, en admettant qu'on puisse disposer d'un temps presque infini il seratt extrêmement difficile, peut-être même impossible, de transform,r, au moyen de ta sélection, une forme de transmission en une autre. Par conséquen,, sans preuvss absolues dans chaque cas~ je serais peu disposé à admettre que ce changement ait été réaliéé chez les espèces naturelles. D'autre par,, à l'aide de variations successives, dont la tranmission seratt limitée dès le princpee par le sexe, on amènerait facilement un oiseau mâle à différer complètement de la femelle au point de vue de la couleur ou de tout autre caractère; la femelle, au contraire resterait intacee ou ne subiratt que quelquss modifications

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE               491

insignifiantes, ou enfin se modffierait spécialement en vue de sa propee protection.

Les vives couleurs sont utiles aux mâles constamment rivaux; elles deviennent donc l'objet d'une sélection, qu'eless-se tranmettent ounon exclusivement au même sexe. Ilest, par conséquent, tout naturel que les femelles participent souven,, dans une mesure plus ou moins grand,, à l'éclat des mâles; c'est ce qu'on peut observer chez une foule d'espèces. Si toutes les variations successives se transmettaient également aux deux sexes. on ne pourrait pas distingurr les femelles des mâles ; c'est aussi ce qu'on observe chez beaucoup d'oiseau.. Toutefois, si les couleuss sombres avaient une grande importance pouraa sécurité de la femelle pendant l'incubtion comme chez plusieuss espèces terrestres, les femelles exposées à des variations qui tendraiens à augmenter leur écla,, ou qui seraeent trop aptes à recevorr du mâle, par hérédité, des couleuss beaucoup plus brllaantes, disparaîtraient tôt ou tard. Une modification, de la forme de l'hérédité devrait donc élimine,, chez les mâles, la tendanee à transmettre indéfiniment leur propeeéclat à leur descendance femelle; ce qui, comme leprouvent les exemples que nous venons de citer, est extrêmement difficile. Il est donc probabee que la destruction longtemps continuée des femelles plus brillamment colorée,, en supposant l'existence d'une égale transmission des caractères, amènerait l'amoindrissement ou l'annulation des teintes brillantes chez les mâles, par suite de leurs croisements perpétuels avec des femelles plus sombre.. Il seratt superllu de cherchrr a déduree tous les autres résultats possibles; mais je crois-devorr rappeler au lecteur que, si des variations tendant à un plus grand éclat et limitées sexueleement se présentaient chez les femelles,.en admettant même que ces variations ne leur fussent pas nuisibles, et ne fussent par conséquent pas éliminée,, la sélection cependant n'interviendraispaspourperpétuercesvarsations, car le mâleaccepte ordinairement la première femelle venue, sans s'inquiéter de choisrr la plus attrayante. Par conséquent, ces variations tendraient à disparaître et naauraient pas beaucopp d'influenee sur le caractère de la race; ceci contribue à expliqurr pourquoi les femelles ont généralement des couleuss moins brillantes que les mâles.

Nous avons, dans le huiiième chapitre, cité de nombreux exemples auxquess nous aurions pu en ajouter beaucopp d'autres, relativement à des varaations survenant à divers âges et héréditaires a l'âge correspondant. Nous avons aussi démontré que les varations qui surgissett à une époque tardive de la vie se transmettent ordinairement aux individus appartenant au même sexe que ceux

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492                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

chez lesquess ces varaations ont primitivement apparu; les variations à un âge précoce son,, au contraire, transmissibles aux deux sexes, sans cependatt qu'on puisse ainsi expliqurr tous les cas de transmission limitée sexuellement. Nous avons démontré, en outre, que, si un oiseau mâle venatt à varier dans )e sens d'un plus grand éclat pendant sa jeunesse, cette variation ne constituerait pour lui aucun avantage avant qu'il ait atteint l'âge de puberté, et qu'il ait à lutter avec les autres mâles ses rivaux. Mais, quand il s'agtt d'oseaux vivant sur te.so,, et qui ont ordinairement besoin de la protection que leur assurent les couleuss sombres, des teintes brillantes constitueraient un danger bien plus grand pour les jeunes inexpérimentés que pour les mâles adultes. En conséqunnce, les mâles qui varieraient de façon à revêtrr des couleuss plus brillantes pendant la première jeunesee courraient le risque d'être détruits en nombee considérable, et la sélection naturelle se chargerait de les élimine;; les mâles, au contraire, qui varieraient danslemêmes,ns, mais au moment de la maturité, pourraient survivre, bien que toujouss exposés à quelquss dangess additionnels, et, favorssés par la séleciion sexuelle, ils tendraient à propager leur type. Il existe souvent un rappott entre la période de la variation et la forme de la transmission; il en résulte donc que, si les jeunes mâles brillanss étaient éliminés et les mâles adultes brillanss préférés par les femelles, les mâles seuls pourraient acquérir des couleuss éclatantes et les transmettre exclusivement à leurs descendanss mâles. Je ne prétenss toutefois pas affirmer que l'inlluenee de l'âge sur la forme de la transmission soit la seule cause de la grande différence d'éclat qui existe entre les mâles et les femelles chez beaucoup d'oiseaux.

Il est intéressant de détermnner, quand on se trouve en présenee d'une espèce où les mâles et les femelles diffèrent au point de vue de la couleur, si la sélection sexuelee a modifié les mâles seuls, sans que ce mode d'aciion ait produtt beaucoup d'effet sur les femelles, ou si la séleciion naturelle a spécialement modfiié les femelles dans un but de sécurité individuelle. Je discuterai donc cette question plus longuement peut-être que ne le comporte sa valeur intrinsèque; cette discussinn nous permettra d'allleurs d'examiner quelques poinss collatéraux curieu..

Avant d'aborder le sujet de la coloration, plus particulièrement au point de vue des conclusions de M. Wallace, il peut être utile de discuter au même point de vue quelques autres différencss entre les sexes. On a constaéé autrefois en Allemagne' l'exsstence d'une

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6. Bechstein, Nalurcj. Deutschlands, vol. III, 1793, p. 339.

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[Chap. XV] SUR LHÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE               493

race de'volalless dont les poules étaient munies d'ergots; ces poules étaient bonnes pondeuses, mais elles bouleversaient tellement leurs nids avec ces appendices, qu'on était obligé de leur interdire l'incubation de leurs propres œufs. J'en conclus tout d'abodd que la sélection naturelle a arrêéé le développement des ergos; chez les femelles des gallinacés sauvages, en conséquence des dommagss quiils faisaient subir au nid. Cela me parasssait d'autant plus probabee que les ergoss des ailes, qui ne peuvent nuirepen-dant l'incubation, sont souvent auss, bien développés chez la femelle que chez le mâle, quoiqu'ils soient généralement un peu plus forts chez ce dernier. Lorsqee le mâle poree des ergots aux pattes, la femelle en présenee presqee toujouss des tracss rudimentaires qui peuvent quelquefois ne consister qu'en une simple écaille, comme chez les espèces de Gallu.. On pourrait conclure de ces faits que les femelles ont été primitivement armées d'ergoss bien développés, et qu'elles les ont ultérieurement perdus par défaut d'usage ou par suite de l'intevvention de la sélectson naturelle. Mais, si on admet cette hypothèse, il devient nécessaire de l'appliquer à une foule d'autres cas, et elle impiique que les ancêtres femelles des espèces actuellement armées d'ergots étaient autrefois embarrassés d'un appendice nuisible.

Les femelles de quelquss genres et de quelquss espèces, comme le Galloperdix, YAcomus et la paon de Java (/>. muticus), possèden,, comme les mâles, des ergoss bien développés. Devons-nous conclure de là que, contrairement à leurs alliés les plus proches, les femelles appartentnt à ces espèces construisent des nids d'un genre différent et de natuee telle quills ne puissent être endommagés par les ergots, de telle sorte que la suppression de ceux-ci soit devenue inutile? Ou devons-nous supposer que ces femelles ont spécialement besoin d'ergoss pour se défendre? Il me semble plus probable que la présenee ou l'absenee d'ergoss chez les femelles résulte de ce que différentes lois d'hérédité ont prévalu, indépendamment de l'intervention de la sélection naturelle. Chez les nombreuses femelles où les ergoss existent à l'état rudimentaire, ' nous devons concluee que quelques-unes seulement des variations successives, qui ont amené leur développement chez les mâles, se sont produites à un âge peu avancé, et ont, en conséquence, été transmises aux femelles. Dans les autres cas beaucoup plus rares où les femelles possèdent des ergoss bien développés nous pouvons concluee que toutes les variations successives leur ont été tranmises, et qu'eless ont graduellement acquss l'habitude héréditaire de ne pas endommager leurs nids.

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Lés organes vocaux et les plumes diversement modfiiées dans le but de produire des sons, ainsi que l'instinct de s'en servr,, diffèrent souvent chez les deux sexes, mais quelquefois aussi ils sont semblables. Peu--on expiiqurr ces différences par le fait que les mâles ont acquis ces organss et ces instincts, tandss que les femelles n'en ont pas hértté à cause des dangers auxquels elles se seraient exposées en attiratt sur elles l'attention des animaxx féroces et des oiseaux de proie? Ceci me paratt peu probable, si nous songeons à la foule d'oiseaux qui, pendant le printemps', font avec impunité retentir l'air de leurs voix joyeuess et bruyantes. On pourrait concluee avec plus de certitude que les organes vocaux et instrumentaux n'ont d'utilité spéciaee que pour les mâles pendant la saison des amours, et que, par conséquent, la sélection sexuelle et l'usage continu les ont développss chez ce sexe seul, - la tranmission des varaations successives et des effets de l'usage se trouvan,, dans ce cas, plus ou moins limitée dès le principe à la seule descendanee mâle.

On pourrait signaler de nombreux cas analogues; ainsi, les plumes de la tête, généralement plus longues chez le mâle que chez la femelle, ou qui sont quelquefois égales chez les deux sexes, ou qui font absolument défaut chez les femelles, - ces divers états se rencontrent parfoss dans un même groupe d'oiseaux. Il seratt difficile, pour expliqurr une différence de cette natuee entre les mâles et les femelles, d'invoqurr le principe d'un avantage résultant pour la femelle de la possession d'une crête plus pettte que celle du mâle et de soutenrr qu'en conséquenee la sélection naturelle a déterminé chez elle la réductinn ou la suppression complète de la crête. Mais examinons un autre cas : la longueur de la queue. L'allongement que présenee cet appendice chez le paon mâle eût non seulement gêné la femelle pendatd l'incubation et lorsqu'elle accompagne ses pettts, mais eut encore constitué un danger pour elle. Il n'y a donc pas, à priori, la moindee improbabilité que la sélection naturelle . soit intervenue pour arrêter chez elle le développement de sa queue. Mais plusieuss faisans femelles, qui, dans leurs nids ouverts, courent au moins autant de dangers que la paonne, ont une queue qui atteint une longueur considérable. Les femelles aussi bien que les mâles du Menurasuperba ont une longue queue; elles construisent

'7. Daines Barrington pense, cependant, qu'il est probable (Philos, transaclion^ 1773, p. 174) que peu d'oiseaux femelles chantent parce que ce talelt

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE                 495

un nid à dôme, ce qui est une anomalie pour un aussi grand oiseau. Les naturalistes se sont demanéé avec étonnement comment la Mentira femellepouvait couver avec sa queue; mais on sait maintenant8 q qu'elle pénètee dans son nid )a tête la premèère, puisqu'elle se retourne en relevant quelquefois sa queue sur son dos, mais le plus souvent en la courbatt sur le côté. Aussi avec le temps la queue devient tout à fait oblique et le degré d'obliquité indique assez approximatimement le temps pendant lequel l'oiseau a couvé ». Les

deuxsexesd'unmartin-pêcheuraustralienCT'any^erasyMoJont les rectrices médianss très allongées; la femelle fait son nid dans un trou : auss,, ces ptume,, d'après M. R. B. Sharp,, sont-elles toutes froissées pendatt l'incubation.

Dans ces deux cas, la grande longueur des rectrcces doit, dans une certaine mesure, gêner la femelle; chez les deux espèces, il est vra,, elles sont, chez la femelle, un peu plus courtes que chez le mâle; on pourrait donc en concluee que l'intervention de la sélection naturelle a empêché leur complet développement. Mais, si le développement de la queue de la paonne n'avait été arrêté qu'au moment où sa longueur devenatt encombrante ou dangereuse, elle seratt bien plus allongée qu'elle ne l'est réellement, car elle est loin d'avoir, relativement à la grosseur du corps de l'oiseau, la longueur qu'elle atteint chez beaucoup de faisanes, et elle n'est pas plus longue que celle de la dinde. En outre, il faut se rappeler que, si l'on admet que le développement de la queue de la paonne, devenue dangereusement longue, a été arrêté par l'intervention de la séleciion naturelle, il faut admettre aussi que la même cause auratt constamment réagi sur la descendance mâle et empêché le paon d'acquérir l'ornement splendide qu'il possède actuellement. Nous pouvons donc conclure que la longueur de la queue du paon et son peu de développement chez la femelle proviennent de ce que les variations qui ont amené le développement de cet appendice chez le mâle ont été, dès l'origine, transmises à la seule descen dance mâle.

"Noue sommes amenés à concluee de façon à peu près analogu,, quand il s'agtt de la longueur de la queue chez les diverses espèces de faisan.. Chez une d'elles (Crossoplilon auritum), la queue atteint la même longueur chez les deux sexes, soit quarante ou quarante-deux centimètres; chez le faisan commun, elle atteint une longueur de cinquante centimètres chez le mâle et de trente centimètres chez la femelle; chez le faisan de Sœmmerring, elle a quatre-vingt-deux

8..MiRamsay,PrO,^.So,,1868,p.50.

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centimètres chez le mâle, et vingt centimètres seulement chez la femelle; enfin, chez le faisan Reeve, elle atteint quelquefois i»,80 chez le mâle, et quarante centimètres chez la femelle. Ainsi, chez ces différentes espèce,, la queue de la femelle varie beaucoup en .longueu,, indépendamment de celle du mâle; or, il me sembpe que ces différences peuvent s'expliquer, avec beaucoup plus de probabilité, par les lois de l'hérédité, c'est-à-dire parle fait que, dès l'origine, les variations successivss ont été plus ou moins étroitement limitées dans leur transmission au sexe mâle, que par l'action de la sélection naturelle, qui seratt intervenue parce qu'une longue queue auratt été plus ou moins nuisible aux femelles des diverses espèces.

Nous pouvons maintenant abordrr l'examnn des arguments de M. Wallace relativement à la coloration sexuelle des oiseaux. M. Wallace croit que les brillantes couleuss des mâles, originellement acquises grâce à l'intervention de la sélection sexuelle, se seraient transmises dans tous ou dans presqee tous les cas aux femelles, si la séleciion naturelle n'étatt intervenue pour s'opposer à cette transmission. Je dois rappeler au lecteur que nous avons déjà signalé divers faits contraires à cette hypothèse, en étudiant les reptiles, les amphibies, les poissons et les lépidoptères. M. Wallace fait reposer sa théorie principalement, mais non pas exclusivement, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, sur le fait suivant» : lorsque les deux sexes affectent des couleuss très vives et très voyantes, le nid est conformé de façon à dissmuler l'oiseau pendant l'incubation; au contraire, lorsqulil existe un contraste marqué entre les mâles et les femelles, c'est-à-dire que le mâle est brillant et que la femelle est de couleur terne, le nid est ouvert et permtt de voir la couveuse. Cette coïncidenee confirme certainement dans une certaine mesure l'hypothèse en vertu de laquelee les femelles qui couvent à découvert ont été spécialement modifiées en vue de leur sécurité. Mais nous allons voir tout à l'heuee qu'on peut invoqurr une autre explication beaucoup plus probable, c'est-à-dire que les femelles voyantes ont acquss l'instincb de construire des nids à dôme beaucoup plus souvent que les femelles affectant des teintes sombre.. M. Wallace admet que, comme on pouvatt s'y attendre, ces deux règles souffrent quelquss exceptions; mais ces exceptioss sont-elles assez nombreuses pour infirmer sérieusement les règles? Telle est la quesiion.

9. Journal ofTravel, vol ),1868,p.~8.

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Tout d'abodd le duc d'Argyll fait remarquer avec beaucopp de raison qu'un ennem' '«, surtout quand cet ennemi est un animal carnsssier qui hanee les arbre,, doit apercevoir plus facilemett un grand nid surmonéé d'un dôme qu'un nid plus pettt et découvert. Nous ne devons pas oublier non plus que, chez beaucoup d'oiseaux qui construisent des nids ouverts, les mâles comme les femelles couvent les œufs à tour de rôle et contribuent à la nourriture des jeune:: le Pyranga wstiva", par exemple, un des oiseauxles plus splendides des Etats-Unis; le mâle est couleur vermillnn et la femelle d'un vert clair légèrement brunâtre. Or, si les couleuss vives avaient constitué un grand danger pour les oiseaux posés sur un nid découvert, les mâles auraient eu, dans ces cas, beaucoup à souffrir. Il pourrait se faire cependatt qu'il fut d'une importance telle pour le mâle d'être brillamment orné afin de pouvorr vaincee ses rivaux, que cette circonstance fût plus que suffisanee pour compenser le danger additinnnel auquel l'expoee sa plus granee beauté.

M. Wallace admet que les dicrurus, les orioles et les pittidés femelles, bien que colorées d'une manière voyante, construisent des nids découverts; mais il insiste sur ce fait que les oiseaux du premier groupe sont très belliqueux et capables de se défendre; que ceux du second groupe prennent grand soin de dissimuler leurs nids ouverts, mais ceci n'est pas toujouss exact"e enfin, que, chez ceux du troisième group,, les couleuss vives des femelles se trouvent à la partie inférieuee de leur corps. Outre ces cas, on doit signaerr la grande famille des pigeons, souvent colorés très brillamment et presque toujouss d'une manière très voyante, et qui sont, on le sait, très exposés aux attaques des oiseaux de proie; or, les pigeons constituent une exception sérieuee à la règle, car ils construisett presque toujouss des nids ouverss et exposé.. En outre, les oiseaux-mouches appartentnt à toutes les espèces construisent des nids découverts, bien que chez quelques-unes des espèces les plus splendides, les mâles et les femelles soient semblables, et que, dans la grande majorité des cas, quoique moins brillantes que les mâles, les femelles n'.en sont pas moins très vivemntt colorées. On ne sauratt non plus prétendre que tous les oiseaux-mouches femelles affectant de vives couleuss échappent à la vue de leurs ennemss parce qu'eless ont des teintes vertes, carlly en aplusieursquiont la partie supéreuure du plumage rouge, bleu et d'autres couleurs».

10. JournaloyTravel, vol. I,im, p. 281. H Audubon, Ora<-"- d.v.™.—/.... .,„ , „

13. Comme exemples, VEupetomena macroura femelle a la tête et la queue

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11. Audubon,'Ornith. Biogràphy, 8vol. 1, p. 233.

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498                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ile Part.Ij

M. Walaace fait observer avec beaucoup de raison que la construction des nids dans des cavités ou sous forme de dôme offre aux oiseaux, outre l'avantage de les cacher aux regards, plusieuss autres commodités, telles qu'un abri contre la pluie ou contre le froid, et, dans les pays tropicaux, une protection contre les rayons du soleil « ; en conséquence,- on ne peut guère objecter à l'hypothèse qu'il soutient que beaucoup d'espèces où les individus des deux sexes ne portent que des teintes obscures construisent des nids cachés.5. Lès calaos femelles (Buenos) de l'Inde et de l'Afrique se protègent avec le plus grand soin pendant l'incubation, car elles cimentent avec leurs excréments l'ouverture extérieuee de la cavité où la femelle repose sur ses œufs, en n'y ménageant qu'un pettt orifice par lequelele mâle lui passe des aliments; elle reste donc captive pendant toute la durée de l'incubation'»; et, cependan,, les calaos femelles n'affectent pas des couleuss plus voyantes que beaucoup, d'autres oiseaux de la même taille dont les nids sont à découvert. On peut faire à M. Wallace une objeciion plus sérieuse, qu'il-admet d'ailleuss lui-même : dans quelquss groupss où les mâles affectent des couleurs brillantes et les femelles des teintes sombre,, ces dernières couvent cependant dans les nids à dôme; ains,, par exemple, lesgrallines d'Australie, les superbss malurides du même pays, les nectarinées et plusieuss méliphagides australiens..

Si nous considérons les oiseaux de l'Angleterre, nous voyons quill n'exisee aucune relaiion intime et générale entre les couleuss de la femelle et le genre de nid qu'elle construit.. Il y en a environ une quarantaine (à part les grandss espèces capables de se défendre) qui nichent dans les cavités des terrasses, des rochers, des arbre,, ou qui construisent des nids à dôme. Si nous prenons

d'un bien foncé, avec les reins rougeâtres e la femelle du Lampornis porphy-

1 lïlï ïï'aiïÏÏMÎ:^.vin (/W», 1864, p. 375, a remarqué que les oiseaux-mouches quittaient beaucoup moins volontiers leur nid pendant un temps très chaud, sous un soleil ardent, que pendant un temps frais, nuageux ou pluvieux. 15. J'indiquerai, comme exemples d'oiseaux de couleurs sombres construisant des nids dissimulés, les espèces appartenant à huit genres australiens décrites par Gould, dans Handbook of BiraS of Australie, vol. 1, p. 340, 362, 365, 383,387,389,391,414.

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE               499

comme types du degré d'apparence qui n'expose pas trop la fernele quand elle couve, les couleuss des femelles du chardonneret, du bouvreuil ou du merle, sur les quarante oiseaux dont nous avons parlé, il n'y en a que douze à peine qu'on puisse considérer comme apparents à un degré dangereux, les vingt-huit autres le sont peu'». Il n'existe pas non plus de rappott intime entre une différence bien marquee de couleu,, entre les mâles et les femelles et le genre de nid constru.t. Ainsi le moineau ordinaire mâle (Passer; domesticus) diffère beaucoup de la femelle; le moineau mâle des arbres (P. montant*) en diffère à peine, et cependatt tous deux construisent des nids bien cachés. Les deux sexes du gobe-mouche commun (Muscicapa griseola) peuvent à peine se distinguer l'un de l'autre, tandis que ceux du M. luctuosa diffèrenn beaucou;; or tous deuxfont leur nid dans des trous ou le dissimulent avec soin. La femelle du merle (Turdus merula) diffère beaucou,, celle du merle à plastron (T. <orguatus) moins, et la femelle de la grive commune (7-. musicus) presqee pas de leurs mâles respectifs, et toutes construssett des nids ouverts. D'autre part,'le merle d'eau (Cinclus aguaticus), qui se rapproche de ces espèces, construit un nid à dôme, les sexes différant à peu près autant que dans le y. torquatus. Le grouse noir ét le grouse rouge (Tetrao tetrix et T. sco-tiens) construisent des nids ouverss sur des poinss égalemett bien caché,, mais les sexes diffèrent beaucoup chez une espèce, et très

^Malgré les considérations qui précèdent, la lectuee du savant mémoire de M.Wallace entraîne la convictinn que, si on considèee l'ensembee des oiseaux du monde, la grande majorité des espèces dont les femelles affectent des couleuss brileantes, et dans ce cas les mâles sont, à peu d'exceptions près, également brillants, constru-sent des nids cachés pour plus de sécurité. M. Wallace cite » une longue liste des groupss où cette règle s'applique; il nous suffira

18. J'ai consulté sur ce sujetl'ouvrage de Maegi.livray, British Bircls, ^ien qu'on puisse, dans quelques cas, élever des doutes sur les rapports ex.stant entre le degré de la dissimulation du nid et celui de l'apparence de la femelle, cependant les oiseaux suivants, pondant tous leurs œufs dans des cavités ou dans des nids couverts, ne peuvent guère passer pour apparents d'après le type

Km^m^r^^

CeïijZ-Ùsitta, le YunxM Muscicap~, deux espèces; VHirundo, troisespè-ces et le Cvvselus Les femelles des douze oiseaux suivants peuvent être aussi

19.Jo«rM/o/'7WIvol.I,p.78.

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500                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II» Partie]

de citer ici les groupss suivanss qui nous sont les plus familiers; tes martins-pêcheurs, les toucan,, les trogon,, les capttonides, les musophages, les pies et les perroquets. M. Wallace croit que les màles de ces divers groupss ont graduellement acquss leurs vives couleuss grâce à l'intervention de la sélection sexuelle et les ont transmises aux femelles; la sélection naturelle ne les a pas éliminées chez ces dernières, par suite de la sécurité que leur assuratt déjà le mode de nidfiication. En vertu de cette théorie, les femelles avaient, avant de revêtrr de vives couleurs, adopéé un mode particulier pour la construction de leur nid. Il me semble plus probable que, dans la plupart des cas, les femelles, à mesuee qu'elles devenaient plus brillantes en revêtant graduellement les belles couleuss du mâle, ont dû peu à peu modffier leurs instincss (en supposant qu'elles aient primitivement constuuit des nids ouverts) et cherchrr à se protégrr davantage en recouvrant leurs nids au moyen d'un dôme ou en les disstmulant avec soin. Quiconque a lu attentivement,

par exemple, lesremarques que faitAudubon sur les différences que présentent les nids d'une même espèce, selon que cette espèce habite le nord ou le sud des États-Un's',, ne peut éprouver aucune difficutté à admettre que les oiseaux ont pu être facilemntt amenés à modffier la construction de leurs nids, soit par un changement de leurs habitudes dans le sens rigoureux du mot, soit par la sélection naturelle des prétendues variations spontanées de l'instinct.

Cette hypothèse sur les rapports qui existent entre la coloration brillanee des oiseaux femelles et le mode de nidiiication, se trouve confirmee par certaiss cas analogues qu'on observe dans le désert du Sahara. Là, comme dans la plupatt des déserts, la coloratinn des oiseaux et de beaucoup d'autres animaxx s'adapee admrrablement aux teintes de la surfaee envrronnante. On remarque cependant, d'après le Rév. Trisrram, quelques curieuses exceptions à la règle; ainsi le Monlico~a cyanaa mâle affecte une vive coloration bleue, et la femelle, au plumage pommelé de brun et de blanc, est presque aussi remarquable que lui; les mâles et les femelles de deux espèces de Dromolxa sont noir brillant. La coloration de ces trois espèces d'oiseaxx ne constitee assurément pas une protection; ils

survivent cependatt parce qu'ils ont l'habitude, en présenee du moindee dange,, de se réfugier dans des trous ou dans des crevassss de rochers. Quant aux groupss d'oiseaux dont nous venons de parler, grou-

*>. Voy. des faits noueux dans VOmUHoL Bi0fJraphy. Voir aussi quelques

tiïiï?z^z£T&tiïitaliens,par EU6-Bettoni,

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITEE PAR LE SEXE               501

pes chez lesquess les femelles affectent de brillantes couleuss et construisent des nids caché,, il n'est pas nécessaire de supposer que l'instinct nidificateur de chaque espèce distincte ait été spécialement modffié; il suffit d'admettre que les premiers ancêtres de chaque groupe ont été peu à peu conduits à construire des nids cachés ou abrités par un dôme, et ont ensuite transmis cet instinct à leurs descendants modffiés en même temps qu'ils leur transmettaient leurs vives couleurs. Cette conclusion, autant toutefois qu'on peut s'y fier, présenee un vif intérês, car elle tend à prouvrr que la séleciion sexuelle, jointe à une hérédité égale ou presque égaie chez les deux sexes, a indirectement détermnéé le mode de nidificatinn de groupes entiers d'oiseaux.

Chez les groupes mêmes où, d'après M.Wallace, la sélection naturelle n'a pas éliminé les vives couleuss des femelles, parce qu'elles étaient protégées pendatt l'incubation, on remarque souvent des différences légères entre les mâles et les femelles, et il arrive parfoss que ces différences.prennent une importance considérable. Ce fait est significatif, car nous ne pouvons attribuer ces différencss de couleur qu'au principe en vertu duquel quelques-unes des variations des mâles ont été, dès l'abord, limitées dans leur transmission à ce sexe; car on ne pourrait affirmer que ces différences, surtout lorsqu'elles sont légères, puissent constituer une protection pour les femelles. Ainsi toutes les espèces du groupe splendide des trogons construisent leurs nids dans des trous; or, si nous examinons, dans l'ouvraee de M. Gould -, les figures représentant les individus des deux sexes des vingt-cinq espèces de ce group,, nous verrons que, sauf une exceptio,, la coloration chez les deux sexes diffère quelquefois un peu, quelquefois beaucoup, et que les mâles sont toujouss plus brillants que les femelles, bien que ces dernières soient déjà fort belles. Toutes les espèces de martins-pêcheurs construisent leurs nids dans des trous, et, chez )a plupatt des espèces, les mâles et les femelles sont également beaux, ce qui s'accorde avec la règle de M. Wallace; mais, .chez quelquss espèces d'Australie, les couleuss des femelles sont un peu moins vives que celles des mâles, et, chez une espèce à magnifiques couleurs, les mâles diffèrent des femelles au point qu'on les a d'abodr regardés comme spécifiquement distincts t. M. R. B. Sharp, qui a étudié ce groupe avec une attention toute particulrère, m'a montré quelquss espèces amérccaines (Ceryle) chez lesquelles la poitrnee du mâee est rayée de noir. Chez les Car-

21.  Monograph of Trogonidœ, X" édition.

22.  A savoir le Cyanaloyon, Gou.d, Handbook, etc., vol. I, p. 130, 133, 136.

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502                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

cineutes, la différence entre les sexes est remarquable; le mâle a la surface supérieure du corps bleu terne rayé de noir, la surface inférieuee en partie couleur fauve, il porte en outre beaucoup de rouge sur la tête; la femelle a la surface supérieure du corps brun rougeâtre rayé de noir, et la surfaee inférieuee blanche avec des marquss noire.. Nous devons signaerr la coloration de trois espèces de Dacelo, car elle nous offre la preuve que le même type de coloration sexuelee caractérise souvent des formes voisine;; chez ces espèce,, le mâle ne diffère de la femelle que par sa queue bleu terne, rayée de noir, tandss que celle de la femelle est brune avec. des barres noirâtres; de sorte que, dans ce cas, la couleur de la queue diffère chez les mâles et les femelles de la même manière que la surface supérieure entièee du corps chez les Carcineutes.

On peut observer des cas analogues chez les perroquets, qui construisent également leurs nids dans des trou;; les mâles et les femelles de la plupatt des espèces affectent des couleuss très brillantes, et il est impossible de les distinguer l'un de l'autre; mais chez un certainnombre d'espèces les mâles affectent des tons plus vifs que les femelles et sont même autrement colorés qu'elle.. Ainsi, outre d'autres différences très fortement accusée,, toute la partie inférieuee du corps de VAprosmictus scapulatusmdle est écarlate, tandss que la gorge et le poitrail de la femelle sont verts, teintés de rouge; chez YEuphema splendida, on observe une différence anotogue : la face et les rémiges tectrices de la femelle sont, en outre, bleu plus clair que chez le mâle ». Dans la famille des mésangss (Parinx), qui construisent des nids caché,, la femelle de notre espèce bleue commune (Parus cœruleus) est < beaucoup moins vivement colorée que le mâle », et on observe une différence encore plus considérable chez la superbe mésanee jaune de t'Inde».

Dans le groupe des pics'5, les individus des deux sexes se ressemblent généralement beaucoup, mais, chez le Megapicusvalidus, toutes les parties de la tête, du cou et du poitrail, qui sont cramoisies chez le mâle, sont brun pâte chez la femelle. La tête des mâles chez plusieuss pics affecte une teinte écaraate brillan,, tandss que . celle de la femelle reste terne; cette différence m'a condutt à penser que cette couleur si voyanee devatt constituer un grand danger pour la femelle quand elle mettatt la tête hors du trou renfermant

23. On peut suivre chez les perroquets d'Australie tous les degrés de diffé-

lïlieïfd^L^mïr13 S°nt empruntésàla be"eMono3raphiedesPici-

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE                503

son nid, et qu'en conséquence, conformément à l'opininn de M. Wallac,, elle avatt été éliminée chez elle. Les observations de Maiherbe sur VIndopicus carlotta confirment cette opinion; selon lui, les jeunes femelles ont, comme les jeunes mâles, des partiss écarlates sur la tête, mais cette couleur disparaît chez la femelle adulte, tandss qu'elle augmenee chez le mâle à mesure qu'il vieillit. Les considérations suivantes rendent cependant cette explication très douteuse : le mâle prend une grande part à l'incubation", il seratt donc, dans ce cas, aussi exposé au danger que la femelle; les individus des deux-sexes, chez beaucoup d'espèce,, ont la tête colorée également d'un vif écarlate : chez d'autres, la différence de nuanee entre les mâles et les femelles est tellement insensible, qu'il n'en peut résulter aucune différence appréciable quant au danger couru; et enfin la coloration de la tête chez les individus des deux sexes diffère souvent un peu sous d'autres rapports.

Les exemples que nous avons cités relativement aux différences légères et graduelles de coloration que l'on observe entre les mâles et les femelles de groupss chez lesquels, en règle générale, les sexes se ressemblent, se rapportent tous à des espèces qui construisent des nids cachés ou recouverts d'un dôme, On peut toutefois observer des gradations semblables dans des groupss où d'ordinaire les sexes se ressemblent, mais qui construisent des nids ouverts. De même que j'ai cité ci-dessus les perroquets australiens, je peux signaler, sans entrer dans aucun détail, les pigeons australien.". Il faut noter avec soin que, dans tous les cas, les légères différences que présenee le plumage des mâles et des femelles affectent la même natuee générale que celles qui sont accidentellement plus tranchées. Les martins-pêcheurs chez lesquess la queue seule, ou toute la surface supérieure du plumage, diffère de la même manière chez les individus des deux sexes, nous offrent un excellent exempee de ce fait. On observe des cas sembaables chez les perroquets et chez les pigeon.. Les différencss entre la coloration du mâle et de la femelle d'une même espèce affectent aussi la même natuee généraee que les différences de couleur existant entre les espèces distinctes du même groupe. En effet, lorsque dans un group,, où les sexes se ressemblent ordinairement, le mâle diffère beaucoup de la femelle, son type de coloration n'est pas entièrement nouveau. Nous pouvons donc en conclure que, dans un même groupe, les couleuss spéciales des individus des deux sexes, quand elles sont semblables, ainsi que celles du mâle, quand it diffère peu ou beaucoup de la femelle,

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504                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partib]

ont été, clans la plupatt des cas, déterminées par une même cause générale: la sélection sexuele..

Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, il n'est guère probable que de légères différencss de coloration entre les individus des deux sexes puissent avoir aucune utilité comme moyen de sécurité pour la femelle. Admettons toutefois qu'elles en aient une, on pourrait les regarder alors comme des cas de transition ; mais nous n'avons aucune raison de croire qu'un grand nombre d'espèces soien,, à un moment quelconque, en voie de changement. Nous ne pouvons donc guère admettre que les nombreuses femelles qu,, au point de vue de la coloration, diffèrent très peu du mâle, soient actuellement toutes en voie de devenrr plus sombres pour s'assurer une plus grande sécurité. Si nous considérons même des différences sexueless un peu plus prononcées, est-il probable, par exempe,, que la lente action de la sélection naturelle ait agit sur la tête du pinson femelle, du poitrall écarlate du bouvreuil femelle, sur la coloratinn verte du verdier femelle, sur la huppe du roitelet huppé femelle, afin de rendee ces parties moins brillantes pour assurer à l'oiseau une plus grande sécurité? Je ne puis le croire, et je l'admets encore moins pour les légères différences existant entre les mâles et les femelles des oiseaux qui construisent des nids cachés. D'autre par,, les différences de coloration entre les individss des deux sexes, qu'elles soient grandes ou petites, peuvent s'expliquer dans une large mesure par le principe que des variations successives, provoquées chez les mâles par la sélection sexuele,, ont été, dès l'origine, plus ou moins limitées dans leur transmission aux femelles. Quiconqee a étudié les lois de l'hérédité ne doit .pas s'étonnrr de voir le degré de limitation différer dans les diverses espèces d'un même group,, car ces lois ont une complexité telle que, dans notre ignorance, elles nous parasssent capricieuses dans leurs manifestations".

Autant que j'ai pu m'en assurer, il existe très peu de groupss d'oiseau,, contenatt un nombee considérable d'espèces, chez lesquels les individus mâles et femelles de toutes les espèces affectent des couleuss brllaantes et se ressemblent absolument; cependant M. Sclater affirme que les musophages semblent être dans ce cas. Je ne crois pas non plus qu'il existe aucun groupe considérable chez lequel les mâles et les femelles de toutes les espèces diffèrent beaucopp au point de vue dela coloraiion : M. Walaace affirme que les Cotingidés de l'Amérique du Sud en offrent un des meilleuss exempees; cependant, chez quelquss espèces où le mâle a la gorge

28. Vol, les remarques dans mon ouvrage de la Variation des Animaux, etc., vol. II, chap. xn.

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[Chap. XV] SUR L'HERÉDITÉ LIMITEE PAR LE SEXE           , 805

rouge vif, celle de la femelle présenee aussi un peu de rouge, et les femelles des autres espèces portent des traces du vert et des autres couleuss particulières aux mâles. Néanmoins nous trouvons dans divers groupes un rapprochement vers une similitude ou une dissemblanee sexuelle presque absolue, ce qui est un peu étonnant d'après ce que nous venons de dire sur la natuee variabee de l'hérédité. Mais il n'y a rien de surprenant à ce que les mêmes lois puissent largement prévaooir chez des animaxx voisins. La volallle domestique a produit de nombreuses races et sous-races, où le plumage des individus mâles et femelles diffère si généralement, qu'on a regardé comme un fait remarquable les cas où, chez certaines sous-races, il est semblabee chez les deux sexes. D'autre part, le pigeon domestique a aussi produtt un nombre très considérable de races et de sous-races, mais chez lesquelles, à de rares exceptions près, les deux sexes sont identiquemenl semblabees. En conséquence, si l'on venatt à réduire à l'état domestique et à faire varier d'autres espèces de Gallus et de Colomba, il ne seratt pas téméraire de prédire que les mêmes règles générales de similitude et de dissemblance sexuelles, dépendant de la forme de la tran-mission. se représenteraient dans les deux cas. De même, une forme quelconque de transmission a généralement prévalu à l'état de nature dans les mêmes groupes, bien qu'on rencontre des exceptions bien marquées à cette règle. Dans une même famille, ou dans un même genre, les individus des deux sexes peuvent se ressembler absolument ou être différenss sous le rappott de la couleu.. Nous avons déjà cité des exemples se rapportant aux mêmes genres, tels que les moineau,, les gobe-mouches, les grives et les tétra.. Dans la famille des faisans, les mâles et les femelles de presque toutes les espèces sont étonnamment dissemblabl,s, mais ils se ressemblent absolument chez te Crossoptilon aurilum. Chez deux espèces de Chloëphaga, un genre d'oies, les mâles ne peuvent se distinguer des femelles que par leur taille; tandss que, chez deux autre,, les individus des deux sexes sont assez dissemblables pour être facllement pris pour des espèces distinctes».

Les lois de l'hérédité peuvent seules expliqurr les cas suivants, dans lesquess la femelle acquiert, à un âge avanc,, certains caratères qui sont propres au mâle, et arrive ultéreeurement à lui ressembler d'une manière plus ou moins complète. Ici, on ne peut guère admettre qu'une nécessité de protection ait joué un rôle. Le plumage des femelles de YOriolus melanocephalus et de quelquss

29. Ibis, vol. VI, 1864, p. 122.

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506                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partir]

espèces voisine,, arrivéss à l'âge de àa reproduction, diffère beaucoup, d'après M. Blyth, de celui des mâles adultes; mais ces différences, après la seconde ou la troisième mue, se réduisent à une légère teinte verdâtre du bec. Chez les butors nains (Ardetta), d'après la même autorité, a le mâle revêt sa livrée définitive à la première mue, la femelle à la troisième ou à la quatrième seulemen;; elle a, dans l'intervalle, un plumaee intermédiaire qu'elle échange ultérieurement pour le plumaee du mâle x. Ainsi encore le Faeco peregrinus femelle revêt son plumage bleu plus lentement que le mâle. M. Swinhoe assure que chez une espèce de Drongo (Dicru-rus macrocerrus) le mâle, au sortrr du nid, perd son plumage brun moelleux et devient d'un noir verdâtre uniformément lustré; tandss que la femelle conserve pendant longtemps encore les taches et les stries blanchss de ses plumes axillaires et ne revêt complètement la couleur noire et uniforme du mâle qu'au bout de trois ans. Le même observateur fait remarquer que la spatuee (Platalea) femelle delà Chine ressemble, au printemps de sa seconde année, au mâle de la première, et qu'elle paraît ne revêtrr qu'au troisième printemps le plumaee adulte que le mâle possède déjà à un âge beaucoup plus précoce. La femelle du Bombycilla carolinensis diffère très peu du mâle, mais les appendices qui ornent ses rémiges et qui ressemblent à des boules de cire à cacheter rouge- ne se développent pas aussi précocement que chez le mâle. La partie supérieuee du bec d'un perroquet indien mâle (PalœornisJavanicus) est, dès sa première jeunesse, rouge corail; mais, chez la femelle, ainsi que M. Blyth l'a observé chez des oiseaux sauvagss et en captivité, elle est d'abodd noire, et ne devient rouge qu'au bout d'un an, âge auquel les mâles et les femelles se ressemblent sous tous les rapports. Chez le dindon sauvag,, les individus des deux sexes finissent par porter une touffe de soies sur la poitrine, qu,, chez les mâles âgés de deux ans, a déjà une longueur d'environ dix centimètres, et se voit à peine chez la femelle; mais elle se développe chez cette dernière et atteint dix ou douze centimètres de longueu,, lorsqu'elle entre dans sa quatrième année..

30.  Quand le mâle courtise la femelle, il fait vibrer ces ornements et les étale avec soin sur ses ailes déployées. Voir à ce sujet A. Leith Adams, Field and forest Rambles, 1873, p. 153.

31.  Sur X-Ardetta, traduction anglaise de M. Blyth, du Règne animal, de Cuvier, p. 159, note. Sur le Faucon pèlerin, M. Blyth dans Charlesworht Mag. of Nal. Hist., vol. I, 1837, p. 304. Sur le Dicrurus, Ibis, p. 44, 1863. Sur te Platalea, 7iis,vol.VI,1864,p.366. Surlei?oméi/cî7fa,Audubon, Ornith.Biogr.,

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[Chap. XV] SUR L'HÉRÉDITÉ LIMITÉE PAR LE SEXE               50T

Il -ne faut pas confondee ces cas avec ceux où des femelles malades ou vieillies revêtent des caractères masculins, ou avec ceux où des femelles, parfaitement fécondes d'ailleurs, acquièrent pendant leur jeunesse, par variation ou par quelque cause inconnu,, les caractères-propres au mâle» Mais tous ces cas ont ceci de " commun qu'ils dépendent, dans l'hypothèse de la pangenese, de gemmules dérivées de toutes les parties du mâle, gemmules présentes, bien qu'à l'état laten,, chez la femelle, et qui ne se développent chez elle que par suite de quelque léger changement apporté aux affinités électives de ses tissus constituants.

Ajoutons quelquss mots sur les- rapports qui existent entre la saison de l'année et les modifications de plumage. Les raisons que nous avons déjà indiquéss nous permettent de concluee que les plumes élégantes, les pennes longues et pendantes, les huppss et les aigrettes des hérons et de beaucoup d'autres oiseaux, qui se développent et se conservent seulement pendant l'été, ne servent exclusivement qu'à des usagss décoratifs et nuptiaux, bien que communs aux deux sexes. La femelle devient ainsi, pendant la période de l'incubation, plus voyanee qu'elle ne l'est pendant l'htve;; mais des oiseaux comme les hérons sont à même de se défendre. Toutefois, comme ces plumes deviennent probablement gênantes et certainement inutiles pendatt l'hive,, il est possible que la sélection naturelle ait provoqéé une mue bisannuelle dans le but de débarrasser ces oiseaux d'ornements incommodes pendant )a mauvaise saison. Mais cette hypothèse ne peut s'étendee aux nombreux échassiers chez lesquess les plumagss d'été et d'hiver diffèrent très peu au point de vue de la coloration. Chez les espèces sans défense, espèces chez lesquelles les individus des deux sexes, oules mâles seuls, deviennent très brillanss pendant la saison des amours, - ou lorsque les mâles acquièrent à cette occasion des rectrices ou des rémiges de nature, par leur )ongueur, à empêchrr ou à retarder leur vol, comme chez les Cosmetornis et chez les Vidua, -il parait, au premier abord, très probable que la seconde mue a été acqusee dans'le but spécial de dépouiller ces ornements. Nous devons toutefois rappeler que beaucoup d'oiseau,, tels que les oiseaux de paradis, le faisan argus et le paon, ne dépoullentt pas leurs

acquiert rarement une houppe dans l'Illinois. M. R.-F. Sharp a cité, Proc. zool. Soc, 1872B p. 496, des faits analogues relatifs à la femelle du Petrocossyphur

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508                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Il! PARTIE]

plumss ornementales pendant l'hive;; or, il n'est guère possible d'admettre qu'il y ait dans la constitution de ces oiseaux, au moins chez les gallinacés, quelque chose qui rende une double mue impossible, car le ptarmigan en subit trois pendant l'anné~.. Nous devons donc considérer comme douteuee la quesiion de savorr si les espèces nombreuses qui perdent en muant leurs plumes d'ornment et leurs belles couleurs, pendant l'hive,, ont acquss cette habitude en raison de l'incommodité ou du danger qui auratt pu autrement en résultrr pour elles.

Je conclus, par conséquent, que l'habitude de )a mue bisannuelle a été d'abod, acqusse, dans la plupatt des cas ou dans tous, dans un but détermnné, peut-être pour revêtir une toison d'hiver plus chaud;; et que les variations survenant pendant l'été, accumuéées par la sélection sexuelle, ont été transmises à la descendance à la même époque de l'anné.. Les individus des deux sexes ou les mâles seuls ont hérité de ces varaations, suivant la forme de l'hérédité prépondérante chez chaque espèce particulrère. Cette hypothèse me semble très probable; il est difficile de croire en effet que les espèces aient primitivement eu une tendanee à conservrr pendant l'hiver leur brillant plumag,, et que la séleciion naturelle soit intervenue pour les en débarrasser à cause des dangess et des inconvénients que pourrait amener la conservation de ce plumag..

J'ai cherché à démontrer dans ce chapitre qu'on ne peut guère se fier aux arguments avancés en faveur de la théorie qui veut que les armes, les couleuss éclatantes et les ornements de divers genres, appartienntnt actuellement aux mâles seuls, parce que la sélection naturelle est intervenee pour convertir une tendanee a l'égale transmission des caractères aux deux sexes en une tendanee à la transmission limitée au sexe mâle seul. Il est douteux aussi que la coloration de beaucoup d'oiseaxx femelles soit due à la conservation, comme moyen de sécurité, de variations limitée,, dès l'abord, dans leur transmission aux individus de ce sexe. Je crois qu'il convient cependant de renvoyer toute discussion ultérieure sur ce sujet jusquàà ce que j'aie traité, dans le chapitre suivan,, des différences qui existent entre le ptumage des jeunes, oiseaux et celui des oiseaux adultes.

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M. GouU, Birds ofGreat Britain.

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 509

CHAPITRE XIV

OISEAUX (FIN)

rapports entre le plumage des jeunes et les caractères qu'il affecte chez les in-dmdus adultes des deux sexes.- Six classes de cas. - Différences sexuelles entre les maies d'espèces très voisines ou représentatives. - Acquisition des caractères du mâle par la femelle. - Plumage des jeunes dans ses rapports avec le plumage d'été et le plumage d'hiver des adultes. - Augmentation de la beauté des oiseaux.- Colorations protectrices. — Oiseaux colorés d'une manière très apparente. - Les oiseaux aiment la nouveauté. -Résume des quatre chapitres sur les oiseaux.

Nous avons maintenant à considérer la transmission des caractères, limitée par l'âge, dans ses rapports avec la sélection sexuelle. Nous ne discuterons ici ni le bien-fondé ni l'importance du principe de l'hérédité aux âges correspondants; c'est un sujet sur lequel nous avons déjà assez insisté. Avant d'exposer les diverses règ)es assez compiiquées, ou les catégories dans lesquelees, autant que je le comprends, on peut faire rentrer toutes les différences qui existent entre le plumage des jeunss et celui des aduttes, je crois devoir faire quelquss remarques préliminaires.

Lorsqu,, chez des animau,, quels qu'ils soient, les jeunes affectent une coloration différente de celle des adultes, sans qu'elee ait pour eux, autant que nous en pouvons juge,, aucune utilité spéciale, on peut généralement attriburr cette coloration, de même que diverses conformations embryonnaires, à ce que le jeune animal a conservé le caractère d'un ancêtre primitif. Cette.hypothèse, .1 est vra,, n'acquiert un grand degré de probabilité que dans le cas où les, jeunes appartentnt à plusieuss espèces se ressemblent beaucoup et ressemblent également aux aduttes appartenant à d'autres espèces du même group;; on peut concluee en effet de l'existenee de ces derniers qu'un parell état étatt autrefois possible. Les jeunes lions et les jeunss pumas portent des raies ou des rangées de taches faiblement indiquées, et les membres de beaucoup d'espècss voisines, jeunes ou adultes, présentent des marquss semblables; en conséquence, un naturaliste qui croit à l'évolution graduelle des espèces peut admettre sans la moindee hésitation que l'ancêtre du lion et du puma étatt un animal ray,, tes jeunes ayan,, comme les petits chats noirs, conservé la trace des raies qui ont absolument disparu chez les adultes. Chez beaucopp d'espèces de cerfs les adultes n'ont aucune tach,, tandss que les jeunss sont couverss de taches blanches; le même fait se présenee égalemett chez les adultes

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510                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II» PaHto]

de certaines espèces. Dans toute la famille des porcs (Suidé)) et chez quelques autres animaux qui en sont assez éloignés, tels que le tapr,, les jeunes sont marqués de bandes longitudinales foncées; mais nous nous trouvons là en présence d'un caractère qui doit, selon toute apparence, provenrr de quelque ancêtre étein,, et qui ne se conserve plus que chez les jeune.. Dans tous les cas que nous venons de citer ta-coloration des adultes s'est modifiée dans le cours des temps, les jeunes ont cependant peu changé, et cela en vertu du principe de l'hérédité aux âges correspondants.

Ce même principe s'applique à beaucoup d'oiseaux appartenant à divers groupss : les jeunes se ressemblent beaucoup, tout en différant considérablement de leurs parenss adultes respectifs. Les jeune,, chez presque tous les galiinacés et chez certaines espèces ayant avec eux une parenté éloignée, comme les autruches, portent des stries longitudinales alors quiils sont encore couverss de duvet; mais ce caractère rappelle un état de choses assez recule pour que nous n'ayons pas à nous en occupe.. Les jeunes becs croisés (Loxia) ont d'abord le bec drott comme les autres pinsons, et leur jeune plumage strié ressembee à celui de la Hnotte adulte et du tarin femelle, ainsi qu'à celui des jeunes chardonnerets, des verdiers et de quelquss autres espèces voisines. Les jeunes de plusieuss espèces de bruanss (Emberiza) se ressemblent beaucou,, et ressemblent aussi aux adultesde l'espèee commune (E.miliaria). Dans presque tout le groupe des grive,, les jeunes ont la poitrine tachetée, - caractère que beaucoup d'espèces conservent pendatt toute leur vie, -tandis que d'autres, comme le Turdus migratorius, le perdent entièrement. Plusieurs grives ont les plumes du dos pommelées avant la première mue, caractère permanens chez certaines espèces orientales. Les jeunes de beaucoup d'espèces de pies-grièches (Lanius), de quelquss pics et d'un pigeon indien (Chalcophaps indiens), portent à la surfaee mfeneuee du corps des stries transversales, marquss qu'on retrouee chez certaines espèces et chez quelquss genres voisins à l'état adulte. Chez quelquss coucous indiens alliés très brillanss (Chrysococcyx), on ne peut distinguer les jeunes les uns des autre,, bien que les espèces adultes diffèrent conssdérablemtnt entre elles au point de vue de la coloration. Les jeunes d'une oie indienne (Sarkidiornis melanonotus) ressemblent de près, au pornt de vue du plumage, aux individus adultes d'un genre voisin, celui des Dendrocygna1. Nous citerons

1. Pour les grives, laniers et pics, voir Blyth, dans Charlesworth Mag. of

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[Ghap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 511

plus loin quelquss faits analogues relatifs à certains héron.. Les jeunes tétras noirs (Tetrao telrix) ressemblent aux individss jeunes et adultes d'autres espèces, au grouse rouge (T. scoticu)) par exemple. Enfin, M. Blyth, qui s'est beaucoup occupé de cette quesiion, a fait remarquer, avec beaucoup de justesse, que les affinités naturelles de beaucoup d'espècss se manifestent très clairement dans leur jeune plumag;; or, comme les affinités vraies de tous les êtres organisés dépendent de leur descendance d'un ancêtre commun, cette remarque vient confirmer l'hypothèse que le plumage du jeune âge nous indique approximativement l'état ancien de l'espèce. Un grand nombre [dejeunes oiseaux de divers ordres nous fournissent ainsi l'occasion d'entrevo,r, pour ainsi dire, le plumage de leurs ancêtres reculés, mais il en est beaucoup d'autres, dont la coloration brillante ou terne ressembee beaucoup à celle de leurs parents. Dans ce cas, les jeunes des diverses espèces ne peuvent ni se ressembler plus que ne le font les parents, ni offrir de fortes ressemblances avec des formes voisinss adultes. Ils nous fournissent donc très peu de renseignements sur le plumage de leurs ancêtres; cependant, lorsque les jeunes et les aduttes affecten,, dans un groupe entier d'espèces, une coloration semblable, on est autorisé à.conclure que cette coloration était aussi celle de leurs ancê-

Nous pouvons maintenant examiner les catégories dans lesquelles on peut grouprr les différences et les ressemblances qui existent entre le plumage des jeunes oiseaux et celui des adultes, entre celui des individss des deux sexes ou celui d'un sexe seul. Cuvier est le premier qui ait formuéé des règles à cet égard; mais il convien,, par suite des progrès de nos connaissances, de leur faire subir quelquss modifications etquelques amplifications. C'est, autant que l'extrême complication du sujet peut le permettre, ce que j'ai cherché à faire d'après des documenss puisés à des sources diverse;; mais un travail complet à cet égard, faitprr un ornithologiste compéten,, seratt très nécessaire. Pour vérifaer jusquàà quel point chaque règle peut s'appliquer, j'ai relevé en tableau les faits cités dans quatre grands ouvrages: Macgillivray sur les oiseaux d'Angeeterre; Audubon sur ceux de l'Amérlque du Nord; Jerdon sur ceux de l'Inde, et Gould sur ceux de l'Australie. Il est indispensable de faire remarquer que, premièrement, les différentes catégories tendent à se confondee l'une avec l'autre; et, secondement, que, lorsqu'on

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512                      LA DESCENDANCE DE L'IIOMMË           [Ile PaKtik]

dit que les jeunes ressemblent à leurs parents, on n'entend pas par là une simiiitude absolue, car les couleuss des jeunes sont presque toujouss moins vives, les plumes sont plus douces et affectent souvent une forme différente.

RÈGLEE OU CATÉGORIES

I.  Lorsque le mâle adutte est plus beau ou plus brillant que la femelle adulte, le premerr plumage des jeunes des deux sexes ressembee beaucopp à celui de la femelle adulte, comme chez la volallee commune et chez le paon; et, s'ils ont quelque ressemblance avec le mâle, ce qui arrvee parfois, les jeunes ressemblent beaucoup plus à la femelle adutte qu'au mâle adulte.

II.  Lorsque la femelle adulte est plus brillanee que le mâle adulte, cas rare, mais qui cependant se présente quelquefois, les jeunes des deux sexes ressemblent au mâle adulte.

III.  Lorsqee le mâle adutte ressembee à la femelle adulte, les jeunes des deux sexes ont un premier plumage spécial qui leur est propre, comme chez le rouge-gorge.

IV.  Lorsque te mâle adutte ressembee à la femelle adulte, le premier plumaee des jeunes des deux sexes ressembee à celui des adultes; le martin-pêcheur, beaucoup de perroquets, le corbeau, les becs fins, par exemple.

V.  Lorsque les aduttes des deux sexes ont un plumage distintt pour l'hiver et un autre pour l'été, que le plumage du mâle diffère ou non de celui de la femelle, les jeunss ressemblent aux adultes des deux sexes dans leur costume d'hive,, et beaucoup plus rarement dans leur costume d'été; ou ils ressemblent aux femelles seules; ou ils peuvent avoir un caractère intermédiaire ; ou bien encore, ils peuvent différer considérablement des adultes dans leurs deux plumagss de saison.

VI.  Dans quelquss cas fort rare,, le premerr plumage des jeunes diffère suivant le sexe; les jeunes mâles ressemblent plus ou moins étroitement aux mâles adultes, les jeunes femelles ressemblent, de leur côté, plus ou moins étroitement aux femelles adultes.

Catégor.e I. - Dans cette catégorie, les jeunes des deux sexes ressemblent plus ou moins étroitement à la femelle adulte, tandss que le mâle adulte diffère souvent de celle-ci de la manière la plus tranchée. Nous pourroons citer d'innombrables exempees à l'appui, exemples tirés de tous les ordres; il suffira de rappeler le faisan commun, le canardât le moinea.. Les cas de cette classe se confondent souvent avec les autre., Ainsi, les individus adultes des

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES

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deux sexes diffèrent parfois si peu les uns des autres et les jeunes diffèrent si peu des adultes, qu'on se prend à douter si ces cas doi- vent rentrer dans la présente classe ou se placer dans la troisième ou dans la quatrième. Parfois auss,, les jeunes des deux sexes, au lieu d'être tout à fait semblables, diffèrent légèrement les uns des autre,, comme dans la sixième classe. Les cas de transition sont toutefois peu nombreux, tout au moins ne sont-ils pas aussi prononcés que ceux qui appartienntnt rigoureusement à la présenee

^Laforce de la présenee loi se manffesee admrrablement dans les groupss où, en règle générale, les individus adultes des deux sexes et les jeunes sont tous pareils ; car, lorsque dans ces groupss le mâle diffère de la femelle, comme chez certains perroquets, chez les martins-pêcheurs, chez les pigeon,, etc., les jeunss des deux sexes ressemblent à la femelle adulte'. Le même fait se présenee encore plus évident dans certanss cas anormaux; ains,, temâled'un oiseau-mouche, Heliothrix auriculata, diffère notabeement delafe-melle par une splendide collerette et par de belles huppss auriculaires; mais la femelle est remarquaele par sa queue beaucoupplus longue que celle du mâle; or, les jeunes des deux sexes ressem blent, sous tous les rapports (la poitrnee tachetée de bronze exceptée), y comprss la longueur de la queue, à la femelle adulte; il en résulte une circonstance inusitée ' : à mesure que le mâle approche de l'âge adulte, sa queue se raccourcit. Leplumage du grand harle mâle (Mergus merganser) est plus brillamment coloré que celui de la femelle, et ses rémiges scapulaires et secondaires sont plus longues que chez cette dernière; mais, contrairement à tout ce qui existe à ma connasssance chez d'autres oiseaux, la huppe du mâle adulte, quoique plus large que celle de la femelle, est beaucoup plus courte, car elle n'a guère que 3 centimètres de longueu,, alors que celle de la femelle en a sept ou huit. Les jeunes des deux sexes ressemblent, sous tous les rapports, à la femelle adulte, de

2. Voir par exemple ce que dit Gould (Handb of theBirds ofAustralie I, p. 133) du Cynalcyon (un martin-pêcheur) dont le maie jeune, bien que ressemblant à la femelle adulte, est moins brillant qu'elle. Chez quelques espèces de Dacelo, les màles ont la queue bleue, et les femelles la queue brune; et M' R. B. Sharp m'apprend que la queue du jeune D. Gaudichaudi est d'abord

jeunes de la Columba passerina, voir Audubon (flrnith.Biogr., II. p. 475).

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514              . LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [lie Pautib]

sorte que leurs huppss sont réellement plus longues, mais plus étroites que chez le mâle adulte*.

Lorsque les jeunes et les femelles se ressemblent étroitement et difTèrent tous deux du mâle, il est tout-naturel de concluee quele mâle seul a été modifié. Dans des cas anormaux même de YHelio-thrix et du Mergus, il est probabee que les mâles et les femelles adultes de la première espèce étaient primitivement pourvus d'une queue allongé,, et, ceux de la seconde, d'une huppe également grand,, caractères que quelque cause inconnue a fait partiellement perdre aux mâles adultes, et qu'ils transmettent, dans leur état amoindri, à leur descendanee mâle seule, lorsqu'elle atteint l'âge adulte correspondant. M. Blyth» cite quelquss faits remarquables relatifs aux espèces alliées qui se représentent les unes les autres dans des pays différents; cesfaits viennent àl'appuide l'hypothèse que, dans la catégorie qui nous occupe, le mâle seul a été modifié quand il s'agtt toutefois des différences qu'on observe entre lui, )a femelle et les jeune.. En effet, les mâles adultes de plusieuss de ces espèces représentatives ont éprouvé quelques modifications, ce qui permtt de distingurr l'un de l'autre les mâles appartenant à deux de ces espèces, tandss que les femelles et les jeunes restent absolument semblables; il est donc évident que ces derniers n'ont subi aucune modification. On peut observrr ces faits chez quelques traquets indiens ( Thamnobia), chez quelques Nectarinidés (Nectari-nia,, chez les pies-grièches (Tephrodornes), chez certanss martins-pècheuss (Tanysiplera), chezlesfaisansKallij (Gallophas)s)et chez les perdiix des arbres (Arboricola).

Les oiseaux qui revêtent un plumage distinct pendant l'été et pendant l'hiver à peu près semblable chez les mâles et les femelles nous fournsssent un exemple analogu;; on peut facilement, en effet, distingurr les unes des autres certaines espèces très voisines, alors qu'elles portent leur plumage nuptial ou plumaee d'été, mais il est impossible de les reconnaître quand elles revêtent leur plumage d'hive,, ou qu'elles portent leur premier plumag.. On pourrait citer comme exempee quelques hoche-queses indiennss (Motacilla) très voisine.. M. Swinhee a affirme que trois espèces de Ardeola, genre de héron,, qui se représentent sur des continenss séparés,

4. Macgillivray, Hist. Brit. Birds, V, p. 207-214.

XIX., \Z7 m a Trdone, S o^nST^^^pf^STaS Tanysiplera M. Blyth tient du prof. Schlegel qu'on peut y distinguer plusieurs

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES SIS

sont « complètement différentes < lorsqu'elles portent leurs plumes d'été, mais qu'il est presque impossible de les disiinguer en hive.. Le premier plumaee des jeunes de ces trois espèces ressembee beaucoup à celui que les adultes revêtent pendant l'hive.. Le cas est d'autant plus intéressant qu'il existe deux autres espèces d'Ardeola chez lesquelles les individus des deux sexes conservent, hiver comme été, un plumage à peu près semblabee à celui que les trois espèces précédentes portent pendant l'hiver et le jeune âge; or ce plumage, commun à plusteuss espèces distinctes à différents âges et pendant différentes saison,, nous indique probablement quelle était la coloration de l'ancêtre du genre. Dans tous ces cas, le plumaee nuptaal, probablement acquss dans l'origiee par les mâles pendant la saison des amours, et transmis à la saison correpondante aux adultes des deux sexes, est celui qui a subi des modification,, tandss que le plumaee d'hiver et celui du jeune âge n'en ont subi aucun..

On se demandera, naturellement, comment il se fait que, dans ces derniers cas, le plumage d'hiver des deux sexes, et dans les cas précédents celui des femelles adulte,, ainsi que le premier plumage des jeunes, n'aient subi aucune modification? Les espèces représentatives habitant des pays différenss ont du presque toujouss être exposées à des conditions un peu différentes; mais nous ne pouvons guère attribuer la modification du plumage des mâles seuls à l'acison de ces condiiion,, puisqu'elles n'ont en aucune façon affecté celui des jeunss et des femelles, bien que tous deux y fussent également exposé.. La différence étonnanee qui'existe entre les mâles et les femelles de beaucoup d'oiseaux est peut-être, de tous les faits de la nature, celui qui nous démontre le plus clairement combien peu a d'importance l'action directe des conditions d'existence comparativement à ce que peut effectuer l'accumulation indéfinie de variations mises eneeu par la séleciion; caries mâles .et les femelles ont absorbé les mêmes aliments, et subi les influences du même clima.. Néanmoins il n'y a là rien qui nous empêche de croire que, dans le cours du temps, de nouvelles çondiiions d'existence ne puissent produire un certain effet direct soit sur les individus des deux sexes, soit sur ceux d'un seul sexe, en conséquence de quelquss particularités constitutionnelles; nous voyons seulement que ces effets restent, comme importance, subordnnnés aux résultats accumulés de la sélection. Cependant, lorsqu'une espèce émigré dans un pays nouveau, fait qui doit précéder la formation des espèces représentatives, le changement des conditions auxquelles cette espèce aura presque toujouss dû être exposée doit

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516                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [[le Partie]

déterminer chez elle, comme on peut en juger par de nombreuses analogies, une certaine variabilité flottante. Dans ce cas, la sélection sexuelle, qui- dépend d'un élément éminemment susceptible de changement - le goût et l'admiration de la femelle -doit avoir accumulé de nouveless teintes de coloratinn et d'autres différences. Or la séleciion sexuelle est toujouss à l'œuvre; il seratt donc fort surprenant, à en juger par les résultats que produtt chez les animaux domestiques )a séleciion non intentionnelle de l'homm,, que des animaux qui habitett des régions séparée,, et qui ne peuven,, par conséquent, jamais se croiser et mélangrr ainsi des caractères nouvellement acquis, ne fussent pas, au bout d'un laps de temps suffisan,, différemment modifiés. Ces remarques s'appliquent également au plumage d'été ou plumage de la saison des amours, que ce plumage soit limité aux mâles ou commun aux deux sexes.

Bien que les femelles et les jeunes des espèces très voisines ou représentatives dont nous venons de parler diffèrent à peine les uns des autres, de sorte qu'on ne peut reconnaître facilement que les mâles, cependant les femelles de la plupatt des espèces d'un même genre doivent différer les unes des autres dans une certaine mesure. Toutefois il est rare que ces différences soient aussi prononcées que chez les mâles. La famille entière des gallinacés nous en fourntt la preuve absolue : les femelles,par exemple, du faisan commun et du faisan du Japon, surtout celles du faisan doré et du faisan Amherst, - du faisan argenéé et de la volallee sauvag,, - se ressemblent beaucoup au point de vue de la coloration, tandis que les mâles diffèrent à un degré extraordinaire. On observe le même fait chez les femelles de la plupatt des Cotingidés, des Fringillidés et de beaucoup d'autres familles. On ne peut douter que, en règle générale, les femelles ont été moins modfiiées que les mâles. Quelques espèces cependant présentent une exception singulière et inexplicable; ainsilesfemelles duParadisea apoda etdu P. papuana diffèrent plus l'une de l'autre que ne le font leurs mâles respectifs '; la femelle de cette dernière espèce a la surface inférieuee du corps blanc pur, tandss qu'elle est brun foncé chez la femelle du P. apod.. Ainsi encore, le professeur Newton affirme que les mâles de deux espèces d'Oxynotus (pie-grièche), qui se représentent dans l'île Maursce et dans l'ile Bourbon \ diffèrent peu au point de vue de la couleu,, tandss que les femelles diffèrent beaucou.. La femelle de l'espèee de l'île Bourbon paratt avoir conservé, en partie au moins,

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[Csap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 817

une apparence de plumage non arrivé à maturité; car, à premèère vue, on pourrait la prendee « pour un jeune individu de l'espèce de l'ile Maurice ». Ces différences sont comparables à celles qui surgissent en dehors de toute sélection humaine, et qui restent inexplicables chez certaines sous-races du coq de combat, où les femelles sont très différentes, tandss qu'on peut à peine distinguer les mâles les uns des autres'.

Je considèee que la sélection sexuelee a joué un rôle très important pour amener ces différences entre les mâles d'espèces voisine;; comment donc expliqurr les différences qui existent entre les femelles? Nous n'avons pas à nous occuper des espèces qui appatiennent à des genres distincts, car l'adaptation à des habitudes d'existence différentes et certaines autres influencss ont dû jouer un grand rôle. Quant aux différences qu'on observe entre les femelles d'un même genre, l'étude des divers groupss importants me porte à concluee que l'agent principal de la production de ces différences a été le transfert à la femelle, à un degré plus ou moim prononcé, des caractères que la sélection sexuelle a développs: chez les mâles. Chez les divers pinsons de l'Angleterre, les dei» sexes diffèren,, peu ou beaucou,, et, si nous comparons les femelles des verdiers, des pinson,, des chardnnnerets, des bouvreui,s, des becs-croisés, des moineaux, etc., nous remarquerons qu'elles diffèrent les unes des autres, surtout par les caractères qui les font partiellement ressembler à leurs mâles respectifs; or on peut, avec confianc,, attriburr la coloration des mâles à la sélection sexuele.. Chez beaucoup d'espèces de galiinacés, les mâles diffèrent des femelles à un degré extrêm,, chez le paon, chez le faisan, et chez les volallles par exempe;; tandss que, chez d'autres espèces, le mâle a transmis à la femelle tout ou partie de ses caractères. Les femelles des diverses espèces de Polyplectron laissent entrevorr obscurément, surtout sur la que,e, les magnifiques, ocelles du mâle. La perdrix femelle ne diffère du mâle que par la grandeur moindee de la marque rouge du poitrail ; la dinde sauvage ne diffère du dindon que parce que ses couleurs sont plus ternes. Chez la pintade, les deux sexes sont identiques. Il est probable que le mâle de cette dernière espèce doit son plumage uniform,, quoique singulièrement tacheté, à la séleciion sexuele,, puis qu'il l'att transmis aux femelles, car ce plumage n'est pas essentiellement différent de celui qui caractérise les mâles seuls chez les faisans tragopans, bien que ce dernier soit bien plus magnifiquement tacheté.

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9. Variation, etc, vol J, p. 26ï.

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518                         LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Iee PamJbJ

Il faut remarquer que, dans certains cas, le transfert des caractères du mâle à la femelle s'est effectué à une époque évidemment très reculée, depuis laquelle le mâle a subi de grandss modfiications, sans transmettre à )a femelle aucun des caractères qu'il a ultérieurement acquis. La femelle et les jeunes du tétras noir (Tetrao tetrix), par exemple, ressemblent d'assez près aux mâles et aux femelles ainsi qu'aux jeunes du tétras rouge (T. coHcus); nous pouvons, par conséquent, concluee que le tétras noir descend de quelque espèce ancienne dont les mâles et les femelles affectaient une coloratinn presque analogee à celle de l'espèce rouge. Les individus des deux sexes chez cette dernière espèce sont beaucoup plus distinctement barrss pendant la saison des amouss qu'à toute autre époque, et le mâle diffère légèrement de )a femelle par la plus grande intensité de ses teintes rouges et brune''»; nous pouvons donc concluee que son plumage a été, au moins dans une certaine mesure, modifié par )a sélection sexuelle. S'il en est ains,, nous pouvons également conclure que )e plumage presque analogue du tétras noir femelle a été développé de ]a même manière à quelque antiqee période. Mais, depuss lors, le tétras noir mâle a acquss son beau plumage noir avec ses rectrcces frisées et disposées en fourchette ; caractères qui n'ont pas été transmis à la femelle, à l'exception d'une faible trace de la fourchette recourbée qu'on aperçott sur sa .queue.

Les faits que nous venons de relater nous autorisent à concluee que le plumage des femelles d'espècss distinctes, quoique voisine,, s'est souvent plus ou moins modifié, grâce à la transmission, à des degrés divers, de caractères acquss anciennement, récemment même par les mâle,, sous l'influenee de la sélection sexuelle. Mais il imporee de remarquer que les couleuss brillantes ont été beaucoup plus rarement transmises que les autres teintes. Par exemple, )e Cyanecuaa suecica mâle a la gorge rouge et la poitriee d'un bleu magnifique, ornée en outre d'une tache rouge à peu près triangulaire ; or des taches ayantapproximativement la même forme ont été transmises aux femelles; toutefois le point central est fauve au lieu d'être rouge, et est entouéé de plumes pommelées au lieu d'être bleues. Les galiinacés offrent de nombreux exemplss analogues; car aucune des espèces, telles que les perdrix, les caille,, les pintades, etc,, chez lesqueless la transmission des couleuss du plumage du mâ.e à la femelle s'est largement effectuée, n'offre une coloration brillante. Les faisans nous offrent un excellent exen.pl.

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10. Macgillivray, Hist. Brit. Birds, vol. I, p. 172-1744

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[Chap. XVf] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 519

de ce fait; les faisans mâles, en effet, sont généraeement beaucoup plus brillanss que les femelles; il existe cependant deux espèces, le CrossoptilonaurilumetlePhasianus Wallich,t, chez lesqueless les mâles et les femelles se ressemblent beaucoup et affectent des couleuss sombres. Nous sommes même autorisés à croire que, si une partie quelconque du plumage des mâles chez ces deux espèces de faisans eût revêtu de brlllantes couleurs, ces couleuss n'auraient pas été transmises aux femelles. Ces faits viennent fortement à l'appui de l'hypothèse de M. Wallac,, c'est-à-dire que la sélection naturelle s'est opposée à la transmission des couleuss brillantes du mâle à la femelle chez les oiseaux qui courent de sérieux dangess pendant l'incubation. N'oublions pas, toutefois, qu'une autre explication, déjàdnnnée, esp possible; à savoir, que les mâles qui ont varié et qui sont devenus brillants, alors qu'ils étaient jeunss et inexpérimentés, ont dû courrr de grands dangers et être en général détruits; en admettant, au contraire, que les mâles plus âgés et plus prudenss aient varié de la même manière, non-seulement ils auraeent pu survivre, mais aussi se trouvrr en possession de grands avantages au point de vue de leur rivalité avec les autrss mâles. Or les variations qui se produisent a un âge un peu tardff de la vie tendent à se transférer exclusivement au même sexe, de sorte que, dans ce cas, les teintes extrêmement vives n'auraient pas été transmises aux femelles. Au contraire, des ornemenss d'un genre moins brillant, comme ceux que possèdent les faisans dont nous venons deparier, n'auraient pas . été de natuee bien dangereuse, et, s'ils ont appauu pendant la jeunesse, il ont dû se transmettre aux deux sexes.

Outre les effets de ia transmission partielle des caractères mâles auxfemelles, on peut attriburr certaines différences qu'on remarque entre les femelles d'espèces très voisines à l'action définie ou directe des conditions d'existence". Les vives couleuss acquises par les mâle,, grâce à l'action de la sélection sexuelle, ont pu, chez eux, dissimuler toute influence de cette nature, mais il n'en est pas ainsi chez les femelles. Chacune des différencss innombrables dans le plumage dé nos oiseaux domestiques est, cela va sans dire, le résultat de quelque cause définie; or, dans des condiiions naturelles et plus uniformes, il est certain qu'une nuance quelconque, en suppoaant qu'elee ne soit en aucune façon nuisible, auratt fini tôt ou tard par prévaloir. Le libre entre-croisement de nombrexx individus appartentnt à la même espèce tendratt ultéreeurement à

11. Voir, sur ce sujet, le chap. xx... de la Variation des Animaux, etc.

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520                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile pARTIE]

rendre uniforme toute modfiication de couleur ainsi produite. Il est certain que les couleurs des mâles et des femelles chez beaucoup d'oiseaxx se sont modfiiées en vue de leur sécurité; il est possible même que, chez quelquss espèces, les femelles seules aient éprouvé des modifications propres à atteindre ce but. Bien que, comme nous l'avons démontré dans le chapitre précédent, la conversion d'une forme d'hérédité en une autre au moyen de la sélection soit une chose très difficile sinon impossible, il n'y auratt pas la moindee difficutté à adapter les couleuss de la femelle, indépendamment de celles du mâle, aux objess environnants, en accumulant des varaations dont la transmission auratt été, dès fe principe, limitée à la femelle. Si ces variations n'étaient pas ainsi fimitées, . les teintes vives du mâle seraient altérées ou détruites. Mais il est jusquàà présent douteux que les femelles seules d'un grand nombee d'espèces aient été ainsi modfiiée.. Je voudrais pouvorr suivre M. Wallace jusqu'au bout, et admettre avec lui qu'il en est ains,, car ce système permettrait d'écarter bien des difticultés. Toutes les varaations inutilss à la sécurité de la femelle disparaîtraient aussitôt au lieu de se perdre graduellement par défaut de sélection, ou par libre entreccroisement, ou par élimination, parce qu'eless sont nuisibles au mâle si elles lui sont transmis.s. Le plumage de la femelle conserverait ainsi un caractère constant. Ce seratt aussi un grand avantage que de pouvorr admettre que les teintes sombres de beaucopp d'oiseaux mâles et femelles ont été acquises et conservées comme moyen de sécurité-comme, par exemple, chez la fauvetee des bois (Accentor modularis) et chez le roiteltt (Troglodytes vulgaris), chez lesquels on ne trouve pas de preuves suffisantes de l'action de la sélection sexuele.. Il faut cependats se garder de concluee que des couleurs, qui nous parasssenn sombres, n'ont aucun attratt pour les femelles de quelques espèces, et nous rappeler les cas tels que celui dumoineau domestique, dont le mâle, sans avoir aucune teinte vive, diffère beaucoup de la femelle. Personne ne contesee que plusieuss galiinacés vivant en plein champ n'aient acquis, au moins en parti,, leurs couleuss actuelles comme moyen de sécurité. Nous savons avec quelle facilité ils se cachent bien, grâce à cette circonstance; nous savons combien les ptarmigans ont à souffrrr des attaques des oiseaux de proie au moment où ils changent leur plumage d'hiver contre celui d'été, tous deux protecteurs. Mais pouvons-nous croire que les différences fort légères dans les nuances et les taches qui existen,, par exemple, entre les grouses femelles noires et les grouses femelles rouge,, puissent servir de moyen de protection? Les perdri,, avec leurs

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[Chap. XV!] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 521

couleurs actuelles, sont-elles plus à l'abri que si elles ressemblaient aux cailles? Les légères différences que l'on observe entre les femelles du faisan commun et celles des faisans dorés et du Japon " servent-elles de protection, ou leurs plumagss n'auraient-ils pas pu être impunément intervertis? M. Walaace, après avoir étudié les mœurs et les habitudes de certaiss gallinacés en Orien,, admet t'utilité et l'avantage de légères différences de cette nature. Quant à moi, je me borne à dire que je ne suis pas convaincu.

J'étass autrefois disposé à attribuer une grande importance au principe de la.protection, pour expliqurr les couleurs plus sombres des oiseaux femelle;; je pensass donc que les mâles et les femelles, ainsi que les jeunes, avaient dans le principe été également pourvss de couleuss brileantes, mais que subséquemment le dangrr que ces couleuss faisaiett courrr aux femelles pendant l'incubation, et aux jeunss dépourvss d'expérience, avatt déterminé l'assombrissement de leur plumage comme moyen de sécurité. Mais aucune preuve ne vient à l'appue de cette hypothèse, et je considèee qu'elee est peu probable; car nous exposons ainsi en imagination, pendant les temps passés, les femelles et les jeunes à des dangess contre lesquels il a fallu subséquemment protégrr leurs descendants modfiés. It faudrait aussi supposer que la séleciion a graduellement pourvu les femelles et les jeunes de taches et de nuances à peu près identiques, et a opéré la transmission de celles-ci au sexe et à l'époque de la vie correspondants. En supposant aussi que les femeîles et les jeunes aient, à chaque phaee de la modification, participé à une tendanee à être aussi brlllamment colorés que les mâles, il seratt fort étrange que les femelles n'aient jamass acquis leur sombre plumaee sans que les jeunes aient éprouvé le même changement. En effet, autant que je puis te savoir, il n'existe aucune espèce où la femelle porte des couleuss sombrss et où les jeunes en affectent de brillantes. Les jeunes de quelquss pics font, cependant, exception à cette règle, car ils ont « toute la partie supérieuee de la tête teintée en rouge », teinte qui ensutte diminue et se transforme en une simple ligne rouge circulaire chez les adultes des deux sexes, ou qui disparaît entièrement chez les femelles adultes".

En résum,, quand il s'agtt de la catégorie qui nous occupe, l'hypothèse la plus probable paratt être que les variations successives en éclat ou celles relatives à d'autres caractères d'ornementati,n, qui ont surgi chez les mâles à un âge assez tardff

12. Audubon, o. c, vol. I. p. 193. Macgillivray. o. c, vol. !II, p.85. Voir aussi le cas de\>fndopicus carlotta, cité précédemment.

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522                    LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [H[e Partie]

de la vie, ont été seules conservées; et que, pour ce motf,, toutes ou la plupatt n'ont été transmises qu'à la descendance mâle adulte. Toute variation en éclat surgissant chez les femelles et chez les jeune,, n'ayant aucune utilité pour eux, auratt échappé à la sélection, et de plus auratt été éliminée par cette dernière si elle étatt dangereuse. Aussi les femelles et les jeunes n'ont pas dû se modifier ou, ce qui a été plus fréquen,, n'ont été que partiellement modifiés par la transmission de quelquss variations successives des mâle.. Les conditions d'exsstence auxquelles les deux sexes ont été exposés ont peut-être exercé sur eux une certaine action directe, et c'ess surtout chez les femelles, qui n'ont pas subi beaucoup d'autres modiiications, que leur effet s'est fait le mieux sentir. Le libre entre-croisement des individus a dû rendee ces changments uniformes comme tous les autres d'ailleurs. Dans quelquss cas, surtout chez les oiseaux vivant sur le sol, les femelles et les jeunes peuven,, indépendammtnt des mâles, avoir été modifiés dans un but de sécurité, et avoir subi un assombrissement semblable de leur plumag..

Catégorie II. Lorsque la femelle adulte est plus brlllante que le mâleadulte~ep~emierplumagedesyeunesdesdeuxsexesressemble au plumage du mâle. - Cette catégorie comprend des cas absolument contraires à ceux de la classe précédente, car les femelles portent ici des couleuss plus vives et plus apparentes que celles des mâles; or les jeunes, autant qu'on les connaît, ressemblent aux mâles adultes, au lieu de ressembler aux femelles adultes. Mais la différence entre les sexes n'est jamais, à beaucoup près, aussi grande que celle qu'on rencontre dans la première, catégorie, et les cas sont relativement rares. M. Wallace, qui a, le premier, attiré l'attention sur le singulier rappott qui existe entre la coloration terne des mâles et le fait qu'ils remplissent les devoirs de l'incubation, insisee fortement sur ce point », car il le considèee comme une preuve irrécusable que les couleurs ternes servent à protégrr l'oiseau pendatt l'époque de la nidification. Une autee opinion me ' paratt plus probable, et les cas étant curieux et peu nombreux, je vais brièvement signaerr tout ce que j'ai pu recuelllir sur cette quesiion.

Dans une section du genre Turnix, oiseau ressemblant à la caille, la femelle est invariablement plus grosse que le mâle (elle est presque deux fois aussi grosse que le mâle chez une espèce australienne, fait qui n'est pas usuel chez les gallinacés. Dans la plupatt des es-

13. Westminster Review, July 1867; et A. Murray, Journalof Travel, 1868,p.83.

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 523

pèces, la femelle affecte des couleurs plus distinctes et plus vives que le mâle,, mais il en est quelques-unes où les deux sexes se ressemblent. Chez le Turnix taigoor de l'Inde, « le mâle ne porte pas de tachss noires sur la gorge et sur le cou, et tout son plumage est d'une nuance plus claire et moins prononcée que celui de la femelle ». Celle-ci paratt être plus criarde que le mâle et est certainement beaucoup plus belliqueuse que lui : aussi les indigènss se servent-ils, pour les faire se battre, des femelles et non des mâles. De même que les chasseurs d'oiseaxx en Angleteree exposent des mâles près de leurs trappss pour en attrrer d'autres en excitant leur rivalité, de même dans t'Inde on emploie la femelle du turnix. Ainsi exposée,, les femelles commencent bientôt à faire entendee « un bruit très sonore qui ressembee au brutt du roue,, bruit qui s'entend de fort loin, et amène rapidement sur les lieux, pour se battre avec l'oiseau captf,, les femelles qui se trouvent à portée ». On peut ainsi, dans un seul jour, prendee de douze à vingt oiseaux, toutes femelles prêtes à pondre. Les indigènss assurett qu'après avoir pondu, les femelles se réunsssent en bandes et laissent aux mâles le soin de couver leurs œufs. Il n'y a pas de raison pour douter de cette assertion, que confirment quelques observations faites en Chine par M. Swinhoe». M. Blyth croit que les jeunes des deux sexes ressemblent au mâle adulte.

Les femelles des trois espèces de bécasses peintes (Rhynchœa) (/lg. 62) « ne sont pas seulement plus grandes, mais aussi beaucopp plus brillamment colorées que les mâlese ». Chez tous les autres oiseaux où la trachee diffère de conformation dans les deux sexes, elle est plus développee et plus compliquée chez le mâle que chez la femelle ; mais, chez le Rhynchœa australis, elle est simple chez le mâle, tandss que chez la femelle elle décrit quatre circonvolutions distinctes avant d'entrer dans les poumons". La femelle de cette espèce à donc acquss un caractère éminement masculin. M. Blyth a vérifié en disséquant un grand nombee d'individus, que la trachee n'est enroulée ni chez les mâles ni chez les femelles de la R. ben-galensis, espèce qui ressembee tellement à la R. australis, qu'on ne peut guère disiinguer cette dernière que par un seul caractère : la moindee longueur de ses doigts. Ce fait est encore un exempee

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[IlePaRT.e]

frappant de la loi que les caractères sexuels secondaires diffèrent souvent beaucoup chez lés formes très voisine,, bien qu'il soit fort rare de trouvrr ces différencss chez le sexe femelle. Le premier plumaee des jeunes des deux sexes de la R. bengalensis res-

I s.

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semble, dit-on, à celui du mâ)e adulte'8. Il y a aussi des raisons de croire que le mâ)e se charge de l'incubation, car, avant la fin de l'été, M. Swinhoe'» a trouve les femelles associéss en bandes comme les femelles du turnix.

V

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES S2o

Les femelles du Phalaropus fulicarius et du P. hyperboreus sont plus grandss que les mâles, et leur plumage d'été e est plus brillamment orné que celui des mâles », sans que la différence entre les couleuss des sexes soit bien remarquable; seul le P. fulicarius mâle, d'après le professerr Steenstrup, accomplit les devoirs de l'incubation, ce que prouve d'allleuss l'état de ses plumes pectorales pendant la couvée. La femelle du p)uvier {Eudromiasmorinel-lus) est plus grande que le mâle et les teintes rouges et noires du dessous du corps, le croissatt blanc sur )a poitrnne, et les raies placées au-desuss des yeux sont plus prononcés chez elle que chez le mâle. Le mâle prend au moins une part à l'incubation, mais la femelle s'occupe également de la couvée.. Je n'ai pu découvrir si, dans ces espèces, les jeunes ressemblent davantage aux mâles adultes qu'aux femelles adultes; la comparaison est très difficile à cause de la double mue.

Passons maintenant à l'ordee des Autruches. On prendrait faci-lementleCasoarcommunmâle(CasMarms^toMpourlafemelle, en-raison de sa moindee taille et de la coloratinn moins intense des appendices et de ia peau dénudée de sa tète. M. Bartlett affirme qu'aux Zoologicfl Garden,, le mâle couve les œufs et prend soin des jeunes-. D'après M. T. W. Wood,, la femelle manifeste pendant la saison des amouss les dispositions les plus belliqueus;s; ses barbes deviennent alors plus grandes et revêtent une couleur plus éclatante. De même, la femelle d'un Émeu (Dromœus irroratus) est beaucoup plus grande que temâle; mais, à part une légère huppe céphalique, elle ne se distingee pas autrement par son plumage. Lorsqu'elle est.irritée ou autrement excitée, « elle paratt pouvoir plus facilement que le mâle redresser comme le dindon les plumes de son cou et de son poitrail. Elle est ordinairement la plus courageuse et la plus belliqueuse. Elle émet un boum guttural et profond, qui résonne comme un petit gong, surtout pendant la nui.. Le mâle a le corps plus frèle; il est plus docile; il n'a d'autre voix

20. Pour ces diverses assertions, voir Gould.HW. of Gréai Britain. Le prof. Newton m'informe que ses propres observations, autant que celles d'autrui, l'ont convaincu que les mâles des espèces nommées ci-dessus prennent tout ou partie de la charge des soins que nécessite l'incubation, et qu'ils témoignent beaucoup plus de dévouement que les femelles lorsque les jeunes sont en dan-

fon^rfemeltTo^

21.  Les indigènes de Ceram (Wallace, Malay Archipelago, vol. II, p. 150) assurent que le mâle et la fern-elle se posent alternativement sur le nid : mais

22.  rAaSAutart, Avril, 1870, p. 184.

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S26            - . LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [liePaHtie]

qu'un sifflement contenu ou un croassement lorsqulil est en colère <. Non seulement il se charge de tous les soins inhérents à l'incubtion, mais il doit protégrr les petits contre leur mère, « car dès qu'elee les aperçoit, elle s'agite avec violence et semble faire tous ses efforts pour les détruire, malgéé la résistance du père. Il est .imprudent de remettre les parents ensemble pendant plusieurs mois après la couvée, car il en résulte de violentes querelles dont la femelle sort en général victorieuse» ». Cet Émeu nous offre donc l'exempee d'un renversement comple,, non-seulement des instincts de la parenéé et de l'incubation, mais encore des quaiités morales habituellesdesdeuxsexes;lesfemeIlessontsauvages, et querelleuses et bruyantes, les mâles doux et tranquilles. Le cas est tout différent chez l'autruche d'Afriqu,, car le mâle, un peu plus grand que la femelle, a des plumes plus élégantes, avec des couleurs plus fortement accentuées; néanmoins c'est lui qui se charge de tous les soins de l'incubation».

Je signalerai encore les quelquss autres cas parvenus à ma connaissance, dans lesquess la femelle est plus brillamment colorée que le mâle, bien que nous n'ayons aucun renseignement sur le mode d'incubation. J'ai été très surpris, en disséquant de nombreux Milvago leucurus des îles Falkaand, de trouvrr que les individss aux teintes le plus accusée,, et au bec et aux pattes de couleur orang,, étaient des femelles adultes; tandis que ceux à plumage plus terne et à pattes plus grises étaient des mâles et des jeune.. La Clima--<eris erythrops femelle d'Australie diffère du mâle en ce qu'elle est ornée de magniflques taches « rougeâtres, rayonnant sur la gorge, tandss que cette par lie est très simpâe chez le mâle D. Enfin, chez un engoulevent (Euros<opode) australien, « les femelles sont toujouss plus grosses et plus vivement colorées que les mâles, qui, d'autre par,, portent sur leurs rémiges primaires deux taches blanchss plus marquées que chez les femellesa».

A 23. Voir l'excellente description des mœurs de cet oiseau en captivité, par

1863.11 en est de même du RheaDarwinii; le capitaine Uusters (Al home with the Patagoneans, 1871e p. 128) dit que le maie est plus grand, plus fort et plus

^^X^^=^Voyage oftheBeagle, s,,, p. ie,

1841. Pour le Climacteris et l'Euroslopodus, voir Gould, Handbook of ihe Birds of Australia, vol. I, p. 602 et 97. La Tardona variegata de la Nouvelle-Zélande offre un cas tout à fait anormal : la tête de la femelle est blanc pur et son dos plus rouge que celui du mâle; la tête de celui-ci a une riche teinte bronze foncé, etson dos est revêtu deplumes de couleur ardoisée, finement striée,, de sorte

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 827

Les cas de coloration plus intenee chez les femelles que chez les mâles, et ceux où le premier plumage des jeunes adultss ressemble à celui des mâles aduless au lieu de ressembler à celui des femelles adultes, comme dans la première catégorie, ne sont donc pas nombreux, bien qu'ils se rencontrent dans des ordres variés. L'étendee des différences entre les sexes est ainsi incomparablement moindee que celle qu'on peut observer dans la première catégorie; de telle sorte que, quelle que puisse avoir été la cause de cette différenc,, elle à dû agir chez les femelles de la seconde classe avec moins d'énergie ou de persistance que chez les mâles de la première. M. Wallace explique cet amoindrissement de la coloration chez les mâles par le besoin d'un moyen de sécurité pendant la période de l'incubation; mais il ne semble pas que les différencss entre les sexes, dans les exempess que nous venons de citer, soient assez prononcées pour justifier suffisamment cette opinion. Dans quelques-uns des cas'' les teintes brillantes de la femelle sont restreintes à la surfaee inférieuee du corps; aussi les mâles, s'ils eussent porté ces mêmes couleurs, n'auraien; couru aucun dangrr plus considérable pendantqu'ils couvent les œufs. Il faut aussi remarquer que non-seulement les mâles sont, à un faible degré, moins brillamment colorés que les femelles, mais qu'ils ont auss, une taille moindee et qu'ils sont moins forts. Ils ont de plus, non-seueement acquss l'instinct maternel de l'incubation, mais ils sont encore moins belliqueux et moins criards que les femelles, et, dans un cas, ont des organss vocaux plus simples. Il s'est donc effectué ici, entre les deux sexes, une transposition presque complète des instincts, des mœurs, du caractère, de la couleu,, de la taille, et de quelques points de la conformation.

Or, si nous pouvions supposer que, dans la classe dont nous nous occupon,, les mâles ont perdu quelque peu de cette ardeur qui est habituelle à leur sexe, de telle sorte quiils ne cherchent plus les femelles avec autant d'empressement; ou, si nous pouvions admettre que les femelles sont devenues beaucoup plus nombreuses que les mâles, - cas constaéé pour une espèce indienne.de turnix, « car on rencontre beaucoup plus ordinairement des femelles que

^s::±si(\T r t le plus beau des deux.H est plus grand et

plus belliqueux que la femelle, et ne couve pas les œufs. Sous tous ces rapports, l'espèce rentre donc dans notre première classe de cas; mais M. Sclater [Proc.

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528                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Part.eI

des mâles»», - il n'est pas improbable qu'elles aient été ainsi amenées à rechercher les mâles, au lieu d'être courtisées par eux. Ce fait se présenee d'alleeurs, dans une certaine mesure, chez quelques espèces ; chez les paonne,, chez les dindes sauvagss etchezquel-ques tétras, par exemple. Si nous en jugeons par les mœurs de la plupatt des oiseaux mâles, la taille plus considérable, la force et le caractère extraordinairement belliqueux des Émeus et des turnxx femelles doivent signifier qu'elles cherchent à se débarrasser de leurs rivales pour s'assurer la possessinn des mâles. Cette hypothèse explique tous les faits, car les mâles se laissent probablement séduree par les femelles, qui ont, par leur coloration plus vive, par leurs autres ornements, et par leurs facultés vocales, plus d'attraits pour eux. Lasélectionsexuelle, entrant alors enjeu, tendraitconstamment à augmenter ces attraits chez les femelles, tandss que les mâles et les jeunes subiraient peu, ou pas, de modfiications.

Catégorie. III. Lorsque le mâle adulte ressemble à la femelle adulte, les jeunes des deux sexes ont un premier plumage qui leur est propre. — Dans cette classe, les deux sexes adultes se ressemblent et diffèrent des jeune.. On peut observrr ce fait chez beaucopp d'oiseaux diver.. Le rouge-gorge mâle se distingee à peine de la femelle ; mais les jeunes, avec leur plumage pommeéé olive obscur et brun, ressemblent très peu à leurs parents. Le mâle et la femelle du magnifique ibis écarlaee se ressemblent, tandss que les petiss sont bruns; et la couleur écarlate, bien que commune aux deux sexes, est apparemment un caractère sexue,, car elle ne se développe quiimparfaitement chez les oiseaux en captivité comme cela arrive fréquemment aussi aux mâles d'autres espèces très brillamment colorés. Chez beaucoup d'espèces de héron,, les jeunes diffèrent beaucoup des adultes, dont le plumage d'été, bien que commun aux deux sexes, a un caractère nuptial éviden.. Les jeunes cygnes sont ardossés, tandss que les adultes sont blanc pur. It y a une foule d'autres cas qu'll seratt superllu d'énumérer ici. Ces différences entre les jeunss et les adultes dépendent, selon toute apparence, comme dans les deux autres classe,, de ce que les jeunes ont conservé un état de plumage antérieur et ancien que les adultes des deux sexes ont échangé contre un nouveau. Lorsque les adultes affectent de vives couleurs, nous pouvons concuure, des remarques faites au sujet de l'ibis écaraate et de beaucoup de hérons, ainsi que de l'analogie avec les espèces de la première classe, que les mâles presque adultes ont acquss ces couleuss sous l'in-

.26. Jerdon,2Kr*o//n*«,vol,III,p.598..

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[Chap. XVt] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 829

fluence de la sélection sexuelle, mais que, contrairement à ce qui arrive dans les deux premières classe,, la transmission, bien que limitée au même âge, ne l'a pas été au même sexe. Il en résulte par conséquntt que, une fois adultes, les deux sexes se ressemblent et diffèrent des jeunes.

ClassS IV. Lorsque lemâleaduUeressembleàla femelle adulte, les jeunes des deuxsexes dans leur premier plumage leur ressemblent aussi. - Les jeunes et les adultes des deux sexes, qu'ils soient colorés brillamment ou non, se ressemblent dans cette classe; cas qui est, à ce que je crois, beaucoup plus commun que le cas précédent. En Angleterre, nous en trouvoss des exemples chez le marti--pêcheu,, chez quelquss pics, chez le gea,, chez la pie, chez le corbeau, et chez un grand nombre de petits oiseaux à couleur terne, comme les fauvettes et les roitelets. Mais la similitude du plumage entre les jeunes et les adultes n'est jamass absolument complète et passe graduellement à une dissemblance. Ainsi les jeunss de queques membres de la famille des martins-pêcheurs sont non seulement moins brillamment colorés que les adultes, mais ont beaucoup de plumes dont la surfaee inférieuee est bordée de brun,, vestige probable d'un ancien état de plumage. Il arrive souvent que, dans un même groupe d'oiseaxx et souvent aussi dans un même genre, le genre australien des perruches (Platycercus) par exemple, les jeunes de quelquss espèces ressemblent beaucoup à leurs parenss des deux sexes qui se ressemblent auss,, tandss que ceux d'autres espèces diffèrent considérablement de leurs parenss d'ailleuss semblabees". Les deux sexes et les jeunss du geai commun se ressem-blenbbeaucoup, maischez le geai du Canada (Prisoreus canadensis), la différence entre les jeunes et leurs parenss est assez grande pour qu'on les ait autrefois décrits comme des espèces distinctese.

Avant de continuer, je dois faire observrr que les faits comprss dans la présenee classe et dans les deux suivantes sont si complexss et que les conclusions à en tirer sont si douteuses que j'invite le lecteur qui n'éprouve pas un intérêt tout spécial pour ce sujet à ne pas lire les remarques suivantes.

Lescouleursbrillantesouvoyantes,quicaractérisentbeaucoupd'oiseaux de la présente classe, ne peuvent que rarement ou même jamass avoir pour eux ta moindre utilité au point de vue de la protection ; elles ont donc probablement été produites chez les mâles par ta sélection sexuelle, puis

27 JerdonCo c, vol. I, p. 222 228); Gould, Hantoook, etc., vol. 1,p. 124,130.

34

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530                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [IlePaht1b]

ensuite transmeses aux femelles et aux jeunes. Il est toutefois possible que les mâles aient choisi les femelles les plus attrayantes ; si ces dernières ont transmis leurs caractères à leurs descendants des deux sexes, il a dû en résulter les mêmes conséquences que celles qu'entraîne la sélection parles femelles des mâles les plus séduisants. Mais il y a quelquss preuvss que cette éventuali,é, sielee s'est jamais présentée, a dû être fort rare dans les groupss d'oiseaux où les sexes sont ordinairement semblables ; car, en admettant que quelquss variations successives, en quelque pettt nombee que ce soi,, n'aient pas été transmises aux deux sexes, les femelles auraient un peu excédé les mâess en beauté. C'est précisément^ contraire qui arrive danslanature ; car, dans presque tous les groupss considérables dans lesquels les sexes se ressemblent d'une manière générale, il setrouve quelquss espèces où les mâles ont une coloration légèrement plus vive que celle des femelles. Il est possibee encore que les femelles aient fait choix des plus beaux mâles, et que ceux-ci aient réciproquement choisi les plus belles femelles ; mais il est doutexx que cette double marche de sélection ait pu se réaliser, par suite de l'ardeur plus granee dont faitpreuve l'un des sexes ; il est d'aileeurs doutexx aussi qu'elee eût pu être plus efficace qu'une sélection unilatérale seule. L'opinion la plus probable est donc que, dans la classe dont nous nous occupons, la sélection sexuelle, en ce qui se rattache aux caractères d'ornementation, a, conformément à la règle générale dans le règne animll exercé son action sur les mâles, lesquess ont transmis leurs couleuss graduellement acquises, soit également, soit presque également à leur descendance des deux sexes.

Un autee point encore plus doutexx est celui de savoir si les variations successives ont surgi d'abodd chez les mâles au moment où ils atteignaient l'âge adulte, ou pendatt leur jeune âge; mais, en tous cas, la sélection sexuelee ne peut avoir agi sur le mâle que lorsqulil a eu à lutter contre des rivaux pour s'assurer la possession de la femelle ; or, dans les deux cas, les caractères ainsi acquss ont été transmis aux deux sexes et à tout âge. Mais, acquis par les mâles à l'état adulte, et d'abodd transmis aux adultes seulement, ces caractères ont pu, à une époque ultérieure, être transmis aussi aux jeunes individus. On sai,, en effet, que, lorsque la loi d'hérédité aux âges correspondants fait défau,, le jeune hérite souvent de certains cara-tères à un âge plus précoee que celui auquel ils ont d'abodd surgi chez les . parnnts ». On a observc des cas de ce genre chez des oiseaux à l'état de nature. M. B)ythp par exemple, a vu des Lanius rufus et des Colymbusgla-cialis qui, pendant leur jeunesse, avaient très anormalement revêtu le plumage adulte de leurs parents*'. Les jeunss du cygne commun (Cygnus olorane dépouillent leurs plumss foncées et ne deviennent blancs qu'à dix-huit mois ou deux ans; or le docteur Forel a décrtt le cas de tross jeunss oiseaux vigoureux qui, sur une couvée de quatre, étaiett blanc pur en naissant. Ces jeunss cygnss n'étaient pas des albinos, car la couleur du bec et des pattes de ces oiseaux se rapprochait beaucopp de celles des mêmss parties chez les adultes =*.

30. Variatio),-**., vol. !I, p. 84.

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 531

Pour expliqurr et rendee compréhensibles les tross modss précités qui, dans la classe qui nous occupe, ont pu amenrr une ressemblance entre les deux sexes et les jeunes, je citerai l'exemple curieux du genre Passer®. Chez le moineau domestique (P. domeslicus), le mâle diffère beaucoup de la femelee et des jeunes. La femelle et les jeunss se ressemblent, et ressemblent égalemene beaucoup aux deux sexes et aux jeunss du moineau de Palestine (P. brachydactilus) et de quelquss espèces voisine.. Nous pouvons donc admettre que la femelle et les jeunss du moineuu domestique représententapproximativement le plumage de l'ancêtre du genre. Or, chez le P. montanus, les deux sexes et les jeunss ressemblent beaucopp au moineau domestique mâle; ils ont donc tous été modifiés de la même manière, et s'écartent tous de la coloration typique de leur ancêtre primitif. Ceci peut provenrr de ce qu'un ancêtre mâle du P. monlanus a varié : premièrement alors qu'il était presque adulte; ou secondement alors qu'il étatt tout jeune, et qu'il a, dans l'un et l'autre cas, transmis son plumage modifié aux femelles et aux jeune; ; ou, troisièmement, il peut avoir varié à l'état adulte et transmis son plumage aux deux sexes adultes ; et, la loi de l'hérédité aux âges correspondanas n'interventnt pas, l'avoir, à quelque époque subséquente, transmis aux jeunss oiseau..

Il est impossible de déterminer quel est celui de ces trois modes qui a pu prévaloir généralemtnt dans la classe qui nous occupe. L'hypothèse la plus probable peut-être est celle qui admtt que les mâles ont varié dans leur jeunesse et transmis leurs variations à leurs descendants des deux sexes. J'ajouterai ici que j'ai tenté, avec peu de succès d'allleurs, d'apprécier, en consultant divers ouvrages, jusquàà quel point la période de la variation a pu déterminer chez les oiseaux en général la transmission des caractères à un des sexes ou aux deux. Les deux règess auxquelles nous avons souvent fait allusion (à savorr que les variations survenant à une époque tardive ne se transmettent qu'au même sexe, tandss que celles survenant à un âge précoce se transmettent aux deux sexes) parasssent vraies pour la première », pour la seconde et pour la quatrième classe de cas ; mass elles sont endéfautdanslatroisième,souventdanslacinquième35etlasixièmeclasse. Elles s'appliquent pourtant, autatt que j e puis en juge,, à une majorité considérable des espèce,, et nous ne devons pas oublier à cet égard la généralisation frappante que le Dr W. Marshall a faite relativemenr aux protubérances qui apparaissent sur la tête des oiseaux. Quoi quill en soit, nous

33I:Hs=r - - -" - -— "p-

34. Par exemple, les mâles du Tanagaa œsliva et du Fringilla cyanea exigent trois ans, et celui du Fringilla ciris, quatre ans pour compléter leur beau plumage. (Audubon, Ornith. Biogr., vol., p. 233, 280, 378.) Le Canard arlequin prend trois ans.(76., vol. III, p. 614). Selon M. J. Jenner Weir, le Faisan.dore mâle peut déjà se distinguer de la femelle à l'âge de trois mois, mais il n'atteint sa complète splendeur que vers la fin de septembee de l'année suivante.

35.  Ainsi VIbis tantanus et le Grus Americanss exigen--quatre ans, le Flamant plusieuss années, et VArdea Ludoviciana deux ans pour acquérir leur plumage parfait (Audubon,.o. c.,vol. III, p. 133,139, 211). ) . .,.

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832                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [Ile Partie]

pouvons conclure des faits cités dans le huitième chapitre, que l'époque de la variation constitue un élément important dans la détermination de la forme de transmissi.n.

11 est difficile de décider quelle est la mesuee qui doit nous servrr à apprécier, chez les oiseau,, la précocité ou le retadd de l'époqee dela variation ; est-ce l'âge par rapport à la durée de la vie, ou l'âge par rapport à l'aptitude de la reproduction, ou l'âge par rapport au nombee des mues que l'espèee a à subir? Les mues des oiseaux, même dans une seu'le famille, différent quelquefois beaucopp sans cause apparente. Il est certains oiseaux qui muent de si bonne heure, que presque toutes les plumss du corps tombent avantque rem premières rémiges se soient complètement développées, ce que nous ne pouvons admettre comme l'état primordial des chose.. Lorsque l'époque de ]a mue a été accélérée, l'âge auquel les couleuss du plumage adulte se développent pourlapremière fois nous paratt à tort plus précoce qu'il ne l'est réellement. En effet, certains éleveuss d'oiseaux ont l'habitude d'arracher quelquss plumss du poitrall à des bouvreuils, ou des plumss de la tête et du cou aux jeunes faisans dorés encoee au nid afin de connaître le sexe; car, chez les mâles, ces plumes enlevées sont immdiatement remplacées par d'autres plumss colorées». Comme la durée exacee de la vie n'est connue que pour peu d'oiseaux, nous ne pouvons tirer aucune conclusion certaine de cette donné.. Quant à l'époqee où se produtt l'aptitude à la reproduction, il est un fait remarquable, c'est que divers oiseaux peuventreproduire, pendant quills portent encoee leur plumage dj j eunesse «.

Cefaitquelesoiseauxsereproduisentalossqu'ilsportentencoreleurjeune plumaee sembee contraire à la théorie que la sélection sexuelle ait joué un rôle aussi importantque celui que'je lui attribue,c'est-à-dire qu'elee aproeuré aux mâles des couleuss d'ornementation, des panaches, etc,, ornements que, en vertu d'une égale transmission, elle a procuré auss. aux femeless de beaucoup d'espèces. L'objection auratt une certaine portée si les mâles plus j eunes et moins ornés réussissaient, aussi bien que les mâles plus âgés et plus beaux, à captiver les femelles et à propager leur espèce. Mais nous n'avoss aucune raison pour supposer qu'il en soit ains.. Audubon paree de la reproduction des mâles de 176w tantalus avant l'âge adulte comme d'un

un

36.  M. Blyth, dans Charlesworth's Mag. of Nat. Hist,, vol. I, 1837, p. 300 Les indicaiions sur le Faisan doré sont dues à M. Bartlet..

37. J'ai remarqué les cas suivanss dans VOrnithologicalBiographyà'kuiubon. Le gobe-mouche américann (Muscicapa ruticilla, vol, I, p. 203). L'Ibis tantalus

voir appariés ensemb.e des oiseaux blancs pommelés et des oiseaux b.eus adultes (vol. IV, p. 58); mais M. Blyth m'apprend que certains hérons sont évidemment dimorphes, car on peut voir des individus du même âge, les uns blancs, les autres colorés. Le canard arlequnn (Anas histrionica) ne revêt son plumage complet qu'au bout de trois ans, quoiqu'un grand nombre reproduisent dès la seconde année (vol. 111, p. 614). L'aigle à tête blanche [Falco leucocepha-lus, vol. III, p. 210) reprodutt également avant d'être adulte. Quelques espèces VOriolu, (selon MM. Blyth et Swinhoe, Ibis. Juillet 1863. p. 68) font de même.

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES S33

fait fort rare ; M. Swinhee en ditautant des mâles non adultes de YOriolus ». Si les jeunss d'une espèce quelconque portant leur plumaee primifif réussissaient mieux que les adultes à trouvrr des compagnes, le plumaee adulte se perdrait probablement bientôt, caries mâles qui conserveraitnt te plus longtemps leur jeune plumage prévaudraient, ce qui tendrait à modifier uttérieurementlescaractèresdel'espèce^Si,aucontraire,lesjeunesmâles neparvenaientpasàseprocurerdesfemelleS,l'habituded'unereproduction précoce disparaîtraittôt ou tardcomplètement, comme superflueet tomme entraînant à une perte de force.

Le plumaee de certains oiseaux va croissant en beauéé pendant plusieuss annéss après qu'ils ont atteint l'état adulte c c'est le cas delaqueuedupaon, et des aigrettes et des plumets de quelques héron,, YArdaa Ludoviciana par exemple" ; mais on peut hésiter à attribuer se développement continu de ces plumss à la sélection de variations successives avantageuses (bien que, chez les oiseaux de paradis, ce soit l'hypothèse la plus probable) ou simplement à un fait de crosssance prolongée. La plupatt des poissons continuent à augmenter de tallee tant qu'ils sont en bonne sanéé et qu'iss ont à leur disposition une quantité suffisanee de nourriture ; et il se peut qu'une loi semblable régssee la crosssance des plumss des oiseaux.

Classe V. Lorsque les adultes des deux seses ont un plumage pendant l'hiveretunautrependantl'élé, que<emâlediffèreounondelafemelle, les jeunss ressemblent auxadultes des deuxseses dans leur tenuedhive,, ou &eaucoupplusrarementdansleurlenued'ètè,ouressemblentauxfemelle~ seules; ou ils peuvent présenter un caractère intermédiaire; ou enfin ils peuventdifférer considérablement des adultes,soil que ces derniers par-<entleurplumageœhiverouceluid'élé.-Les cas que présente cetteclasse sontfortcomplexes,cequin'estpasétonnant,carilsdéPendentde t'hérédite limitée plus ou moins par trots causes différentes, c'est-â-dire le sexell 'âge et l'époque de l'année. Dans quelquss cas, des individss de la même espèce passent au moins par cinq états distincts de plumage. Chez les espèces où les mâles ne diffèrent de la femelee que pendata l'été, ou, ce qui est plus rare, pendant les deux saison~ «, les jeunss ressemblent en général aux

us

39. D'autres animaux faisant partie de classes fort distinctes sont, ou habituellemen,, ou occasionnellement, capables de reproduire avant qu'ils aient acquis leurs caractères adultes complets. C'est le cas des jeunes saumons mâles. On connatt aussi plusieuss Amphibiens qui se sont reproduits alors qu'ils avaient encore leur conformation larvaire. Fritz HQUer a prouvé {fur Darwin, etc,, 1869) que les mâles de plusieuss crustacés amphipodes se complètent sexuellement fort jeune;; et je conclus que c'est là un cas de reproduction prématurée, parce qu'ils n'ont pas encore acquis leurs appendices préhensiles complets. Tous ces faits sont intéressants au plus haut point en ce qu'ils portent sur un moyen qui peut provoquer de grandes modifications dans l'espèce.

40.  Jerdon, Birds of India, vol. III, p. 507, sur le Paon. Le D'Marshall pense

Tri,m, «le., p. 229, m ; sur le *„«*««. p. 172; sur le Char.drlu, Mi»!,,, p. US; sur le Charaivtm piu.iofti, p. 94.

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834                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Pahttr]

femelles, - comee chez )e prétendu chardonnetet de l'Amérique du Nord, et, selon toute apparence, chez le magnifique Maluri d'Australie «. Chez ]es espècss où les sexes se ressemblent été et hive,, les jeunss peuvent premièrement reseembler aux adultes dans leur tenue d'hive;; secondement, ce qui est beaucoup plus rar,, ils peuvent ressembler aux adultes dans leur tenue d'été; trossièmement,- ils peuvent aflecter un état intermédiaire entee ces deux états ; et, quatrièmement, ils peuvent différer beaucopp des adultes en touee saison. Le Buphss eovomandus de l'Inde nous fourntl un exempee du premier de ces quatee cas : les jeunss et les adultes des deux sexes sont blancs pendant l'hiver etles adultes revêtent, pendant l'été, une teinte buffle dorée. Chez YAnastomus oscitam de l'Ind,, nous observons un cas sembaable avec renversement des couleurs; car les jeunss et les adultes des deux sexes sont gris et noirs pendant l'hive,, et les adultes deviennent blancspendantl'été«.CommeexemPledusecondcas,iesjeunes pingouins (Alca torda, Linn.), dans le premier état de leur plumage, sont colorés comme les adultes le sont en été; et les jeunss du moineau à couronne blanche de l'Amérique duNord [Fringilla leucophrys) portent, dès quills sont emplumés, d'élégantes raies blanchss sur la tète, qu'ils perdett ainsi que les adultes pendant l'hiver ". Quant au trossième cas, celui où les jeunss ont un plumage intermédiaire entee celui d'hiver et celui d'été chez lesadultes,Yarrell«assueequ'onpeull'observerchezbeaucoupd'Ëchassie.s. Enfin, pour le dernier cas, où les jeunss diffèrett considérablement des adultes des deux sexes, soit que ces derniers portent leur plumaee d'été, soit qu'ils portent leur plumage d'hive,, on observe le fait chez quelquss hérons de l'Amérique du Nord et de l'Ind,, les jeunss seuls étant blancs. Je me bornerai à faire quelquss remarques sur ces cas si complexes. Lorsque les jeunes ressemblent à la femelle dans sa tenue d'été, ou aux adultes des deux sexes dans leur tenue d'hive,, ils ne diffèren, de ceux groupss dans les classes 1 et III qu'en ce que les caractères, originellement acquis parles maies pendatt la saison des amouss ont été limités dans leur transmission à la saison correspondante. Lorsque les adultes ont deux plumagss distincts, un pour l'été et l'autre pour l'hive,, et que le plumage des jeunes diffère de l'un et de l'autre, le cas est plus difficile à comprendre. Nous pouvons admettre comme probable que les jeunss ont conservé un ancien étadde plumage ; nous pouvons expliqurr par l'influence de la sélection sexuelee le plumaee d'été, ou plumage nuptial des adultes, mais comment expliquer leur plumaee d'hiver distinct? S'il nous était possible d'admettre que, dans tous les cas, ce plumage constitue une protection, son acquisition seratt un fait assez simple, mais je ne vois pas de bonnss rai-

44.  Sur VAlcav MacgillivrayJ o. c, vol. V, p. 347. Sur la Fringilla leucophry,,

45.  mtor, of BrUM Ort,, voi. 1,1839, p. 159.

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 538

plumage; cela peu,, en effet, avoir produtt quelque résultat, mais je ne crois pas qu'on puisse voir dans ces conditions la cause de différences aussi considérables que celles que nous observons quelquefois entre les deux plumages. L'explication la plus problable est celle d'une conservation chez les adultes, pendatt l'hiver, d'un ancien type de plumage, partiellemeut modifit par une transmission de quelquss caractères propres au plumage d'été. En résum,, tous les cas que présente la classe qui nous occupe dépendent, selon toute apparence, de caractères acquis par les mâles adultes, caractères diversement limités dans leur transmission suivant t'âge, ta saison où le sexe; mais il seratt inutile et. oiseux d'essayrr de suivre plus loin des rapports aussi complexes.

Classe VI. Lesjeunes diffèrent entre euxsuivant le sexe par leur premier plumage, les jeunes mâles ressemblant de plus ou moins près aux mâles adultes, e< les jeunes femelles ressemblant deplus ou moins près auxfemellesadultes.-Les cas de cette classe, bien que se présentant dans des groupss divers,ne sont pas nombreux; et cependant il nous sembee tout naturel que les jeunes dussent d'abord, jusquàà un certann poin,, ressembler aux adultes du même sexe, pour arriver enfin à leur ressembler tout à fait. Le mâle adulte de la fauvetee à tête noire (Sylvia atricapilla) a la tête noire ; la tête est brun rouge chez la femelee ; et M. Blyth m'apprend qu'on peut même distinguer par ce caractère les jeunss des deux sexes encoee dans le nid. On a constaté un nombee inusité de cas anaoogues dans la famille des merles; le merle commun mâle[Turdus merula) peut se distinguer dela femelee même dans le nid. Les deux sexes de l'oiseau moqueur (T.polyglottus, Linn)) différent fort peu l'un de l'autre; cependant on peut facilement distinguer, dès un âge très précoce, les mâles et les femelles, en ce que les premiers offrent plus de blanc«. Les mâles d'une espèce habitant les forêss (Orocetes erylhrogaslra)et du meree bteu [Petro-cincaa cyanea) ont une grande partie de leur plumage d'un beau bleu, tandis que les femelles sont brunss ; et les mâles des deux espèces encoee dans le nid ont les rémiges et les rectrices principales bordéss de bleu, tandss que celles de la femelee sont bordéss de brun*. De sorte que ces mêmes plumes qui, chezle jeune meree noir, prennent leur caractère adulte et deviennent noires après les autres, revêtent dès la naissance dans ces deux espèces le même caractère adulte et deviennent bleues avant les autres. Ce qu'on peut dire de plus probable sur ces cas est que les mâles, différant en cela de ceux de la première classe, ont transmis leurs couleuss a leur descendance mâle à un âge plus précoee que celui auquel ils les ont eux-mêmes acquises; car, s'ils avaient varié très jeunes, ils auraient probablement transmis tous leurs caractères à leurs descendants des deux sexes «.

«: MUc" A0.Vr'igntrA"i vol.1^; 1864, p. 65. Jerdon, Birds of India. vol. I, p. 515. Voir aussi sur le Merle, Blyth dans Charlesworth, Mag. of. Nat. llist.,

VVOn83peuPt' ajouter les cas suivanss : les jeunes mâles du Tanagrarubra peuvent se distingurr des jeunes femelles (Audubon, o. c, vol. IV, p. 392) il en est de même des jeunes d'une Sitelle bleue Dendrophila frontal* de l'Inde (Jerdon, Birds of Indas vol. I, p. 389). M. Blyth m'apprend aussi que les sexes

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S36                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partik]

Chez YAithuruspolytmusÇ.oiseau-mouzhe),le mâle estmagnifiquement coloré noir et vert, et porte deux rectrices qui sont énormémtnt allongéss ; la femelle aune queue ordinaire et des couleuss peu apparentes; or, au lieu de ressembler la femelee adulte, conformément à la règle habituelle, les jeunss mâles commencent dès leurnaissance à revêtir les couleuss propres à leur sexe et leurs rectrices ne tardent pas à s'allonger. Je dois ces renseignements à M. Gould, qui m'a communiqué le cas encore plus frappani que voici, cas qui n'a pas encoee été publié. Deux oiseaux-mouches appartenant au genee Eustephanus.hMtentla. petite île de Juan-Fernandez; tous deux sont magnifiques de coloration et ont toujouss été considérés comme spécifiquement distincts. Mais on s'est récemment assuéé que l'un, d'une couleur brun marron fort riche, avec la tête rouge dorée, est le mâle, tandss que l'autre, qui est ééégamment panaché devert et de blanc et a la tête d'un vert métallique, est la femele.. Or, tout d'abord, les jeunes présentent jusqu'à un certain point, avec les adultes du sexe correspondant, une ressemblance qui augmente peu à peu et finit par devenrr complète.

Si nous considérons ce dernerr cas, en nous guidant comme nous l'avons fait jusquàà présett sur le plumage des jeunes, il semblerait que les deux sexes se sont embellis d'une façon indépendante, et non par transmission partielle de la beauéé de l'un des sexes à l'autre. Le mâle a, selon toute apparence, acquss ses vives couleuss par l'influence de la sélection sexuelle, comme le paon ou le faisan dans notee première classe de cas; et la femelle, comme celle du Rhynehœ ou du Turnix dans la seconde classe. Mais il est fort difficile de comprendre comment ce résultat a pu se produire en même temps chez les deux sexes de la môme espèce. Comme nous l'avons vu dans le huitième chapitre, M. Salvin constate que, chez certains oiseau--mouches, le nombee des mâles excède de beaucoup celui des femelees, tandis que dans d'autres espècss habitant le même pays, ce sont les femelles qui sont ennonibreplus considérable que les mâles.Or nous pourrions sup-poserque, pendatt une longue période antérieure, les mâles des espècesde l'île Juan-Fernandez ont de beaucopp excédé les femelles, et que, pendant une autre longue période, ce sont les femelles qui ont été plus abondantes que les mâles ; nous pourrions, dans ce cas, comprendre comment il se fait que les mâles à un moment, et les femelles à un autre, aient pu s'embellir par la sélection des individus les plus vivement colorés de chaque sexe ; les individus des deux sexes auraient, en outre, transmis leurs caractères à leurs jeunes, à un âge un peu plus précoee qu'à l'ordinaire. Je n'ai nullement la prétention de soutenir que cette explication soit la vraie, mais le cas étatt trop remarquable pour n'être pas signalé.

Les nombreux exemples que nous avons cité,, dans chacune des six classes, nous autorisent à conclure qu'il exsste d'intimes rapporss entee le plumage des jeunes et-celui des adultes, tant d'un sexe que des deux sexe.. Le principe qu'un sexe - qu,, dans la

du TraqueMSosfcoto rubicola) peuvent se distingurr de très bonne heure. M.Satvin (Proc. Zool. Soc, 1870, p. 206), cite le cas d'un oiseau-mouche analogue à celui de l'OuftpAanu..

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[Chap. XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 537

grande majorité des cas, est le mâle - a d'abodd acquis par variation et par sélection sexuelle de vives couleuss et divers autres ornements, puis les a transmis de diverses manières, d'après les lois connues de l'hérédité, permet d'expliquer ces rapports. Nous ne saurions dire pourquii des variations ont surgi à différenss âges, même chez les espèces d'un même group;; mais l'âge auquel les variations ont appauu en premier lieu paratt avoir eu une influence prépondérante sur la forme de la transmission qui a prévalu.

Le principe de l'hérédité aux âges correspondants, le fait que les variations de couleu,, qui apparaissent chez les mâles très jeune,, ne sont pas soumises à l'inlluenee de la sélection, mais sont, au contraire, éliminéss comme dangereus,s, tandis que des variations semblables surgsssant à l'âge adulte, se conservent, amènent l'absenee complète, ou à peu près, de modifications dans le plumage des jeunes. Cette absence de modifications nous permet d'entrevoir quelle a dû être la coloration des ancêtres de nos espèces actuelles. Dans cinq de nos six catégories, les adultes mâles et femelles d'un nombre considérable d'espèces affectent des couleuss brillantes, au moins pendant la saison des amours, tandss que les jeunes sont invariablement moins colorés et sont même souvent tout à fait obscurs; je n'a,, en effet, pu trouvrr un seul cas où les jeune- d'espèces à couleuss sombres, offrent une coloration plus vive que celles de leurs parents; je n'ai pu découvrir non plus un seul exemple de jeunes, appartentnt à des espèces brillamment colorées, qui portent des couleuss plus brillantes que celles de leurs parents. Toutefois, dans la quatrième classe, où jeunss et adultes se ressemblen,, il y a beaucoup d'espècss (mais non pas toutes certainement) qui sont brillamment colorée;; or, comme ces espèces con-stituent des groupss entier,, on pourrait en concluee que les ancêtres primitifs de ces espèces devaient porter des couleuss également brillantes. A cette exception près, et considérant les oiseaux dans leur ensemble, il nous semble que leur beauté a dû fort s'augmenter; leur plumage devait être primitivement dans les mêmes condiiions que le plumage des jeunss aujourd'hui.

Delacolorationduplumagedanssesrapportsaveclaprotection. -Je ne peux, on l'a vu, admettre avec M. Wallace que, dans la plupart des cas, les couleuss terne,, quand elles sont limitées aux femelles, aient été spécialement acqusses dans un but de sécurité. Toutefois, on ne peut douter que, chez beaucopp d'oiseaux, les deux sexes n'aient subi des modifications de couleurpour échapprr aux regards de leurs ennemis; ou, dans quelquss cas, pour s'appro-

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538                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II* Par™]

cher de leur proie sans être aperçu;; ainsi le hibou, dont le plumage s'est modifié de telle sorte que son vol ne produit plus aucun bruit. M. Wallace» remarque que « c'est seulement sous les tropiques, au milieu de forêts qui.ne se dépoulllent jamass de leur feuillage, que nous rencontrons des groupss entiers d'oiseaux dont le vert constitue la couleur principale ». Quiconqee a eu l'occasion de l'observer doit reconnaître combien il est difficile de distinguer des perroquets sur un arbre couvett de feuilles. Nous devons nous rappeler cependant que beaucoup d'entre eux sont ornés de teintes écarlates, bleues et orangéss qui ne doivent guère être protectrices. Les pics sont des oiseaux qui vivent sur les arbre;; mais, à côté des espèces verte,, il y a. des espèces noires et des espèces noires et blanches, et toutes ces espèces sont évidemment exposées aux mêmes dangers. Il est donc probable que les oiseaux vivant sur les arbres ont acquis leurs couleuss voyantes, grâce à l'influenee de la séleciion sexuelle, mais que les teintes vertes ont eu sur les autres nuance,, en vertu de la sélection naturelle, un avantage comme moyen de sécurité.

Quant aux oiseaux qui vivent sur le sol, personne ne contestera que les teintes de leur plumage n'imttent parfaitement la couleur de la terre. Combien n'est-il pas difficile d'apercevoir une perdrix, une bécasse, un coq de bruyère, certaiss pluviers, alouettes et engoulevents, lorsqu'ils se blottissent sur le solL Les animaux qui habitent les déserss offrent les exemples les plus frappanss en ce genre : la surface nue du sol ne leur donne aucun abri, et la sécurité de tous les petits quadrupèdes, de tous les reptilss et de tous les oiseaux dépend de leur couleu.. Ainsi que le remarque M. Tristram *° au sujet des habitants du Sahara, tous sont protégés par leur « couleur sable ou Isabelee ,. D'après ce que j'avais vu dans les déserss de l'Amérique du Sud, et observé pour la plupatt des oiseaux de l'Angleterre qui vivent sur le sol, il me semblait que les deux sexes avaien,, en généra,, la même coloration. M'étant adressé à M. Tristram pour les oiseaux du Sahara; il a bien voulu me donner les informations que je transcris ici. Il y a vingt-six espèces appartentnt à quinze genres qui ont un plumage dont la couleur les protège évidemment; et cette coloration spéciale est d'autant plus frappante que, pour la plupatt de ces oiseaux, elle est différente de celle de leurs congénères. Dans treize espèces sur

Sahara, cette assertion est trop péremptoire.

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[Chap. XV!] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES S39

les vingt-six, les deux sexes ont la même teinte ; mais, comme elles appartienntnt à des genres où l'identité de coloration est de règle ordinaire, on ne peut rien en concluee sur les couleuss protectrices dans les deux sexes des oiseaux du déser.. Sur les treize autres espèces, il en est trois qui appartienntnt à des genres dont les sexes diffèrent habituellement entre eux, mais qui se ressemblent au déser.. Dans les dix espèces restantes, le mâle diffère de la femelle, mais la différence n'exsste que dans cette partie du plumaee qui se trouve cachée lorsque l'oiseau se blottit sur le sol ; la tête et le dos ayant d'allleurs la même teinee de sable dans les deux sexes. Dans ces dix espèces, par conséquent, il y a eu action exercée paraa sélection naturelle sur le plumage supérieur des deux sexes, pour le rendre semblabee dans un but de sécurité; tandss que le plumage inférieur des mâles seuls a été modfiié et orné par la sélection sexuelle. Comme, dans le cas actue,, les deux sexes sont également bien protégés, nous voyons clairement que la sélection naturelle n'a pas empêché les femelles d'hériter des couleuss de leurs parenss mâles; nous devons donc, comme nous l'avons déjà expliqu,, recourir ici à la loi de la transmission sexuellement limitée. Dans toutes les parties du monde, les deux sexes des oiseaux à bec mou, surtout ceux qui fréquentent les roseaux elles carex, portent des couleurssombres.Il n'est pas douteux que, si elles eussent été brillantes, ces oiseaux auraeent été plus exposés à la vue de leurs ennemis; mais, autant que je puis en juge,, il me paratt douteux que leurs teintes obscures aient été acquises en vue de leur sécurité. Il l'est encore davantage qu'eless l'aiens été dans un but d'ornementation. Nous devons toutefois nous rappeler que les oiseaux mâles, bien que de couleur tern,, diffèrent souvent beaucoup de leurs femelles, ainsi le moineau commun, ce qui feratt croire que ces couleuss sont bien un produtt de la sélection sexuelle et ont été acqusess comme couleuss attrayantes. Un grand nombee d'oiseaux à bec mou sont chanteurs; or, nous avons vu que les meilleuss chanteurs sont rarement ornés de belles couleurs. Il semblerait, en règle générale, que les femelles choisissent les mâles, soit à cause de leur belle voix, soit pour leurs vives couleurs, mais s'inquiètent peu de la réunion de ces deux charmes. Quelques espèces, évidemment colorées dans un but de sécurité, comme la bécass,, le coq de bruyère, l'engoulevent, sont également tachetées et ombrées avec une extrême élégance. Nous pouvons concluee que, dans ces cas, la séleciion naturelle et la sélection sexuelee ont toutes deux agi pour assurer la protection et l'ornmentation. On peut douter qu'il existe un oiseau qui n'att pas quel-

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840                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ile Partie]

que attratt spécial pour charmrr l'autre sexe. Lorsque les deux sexes sont assez pauvres d'apparence pour excluee toute probabilité d'action de la sélection sexuell,, et qu'il n'existe aucune preuve d'utilité protectrice, il vaut mieux avouer qu'on ignore la cause de cette pauvreté d'extérieur, ou, ce qui revien' à peu près au même, l'attribuer à l'actinn directe des conditions d'existence.

Chez beaucoup d'oiseaux, les deux sexes sont colorés d'une manière très apparente mais peu brlllante, comme les nombreuses espèces qui sont noires, blanchss ou pies; or, ces colorations sont probablement le résultat de l'action de la sélection sexuelle. Chez le merle commun, chez le grand tétra,, chez le tétras noir, chez la macreuee noire (Oidemia) et même chez un oiseau du paradss (Lo-phorina atra,, les mâles seuls sont noirs, tandss que les femelles sont brunss ou pommeéées, et il n'est guère douteux que, dans ces cas, la couleur noire ne soit le résuttat de la sélectionsexuele..il est donc jusquàà un certain point probabee que la coloration noire complète ou partielle des deux sexes, chez des oiseaux comme les corbeau,, quelques cacatoè,, quelquss cigognes, quelquss cygnes, et beaucoup d'oiseaux de mer, est également le résultat de la sélection sexuelle, avec égale transmission aux deux sexes, car la couleur noire ne peu,, dans aucun cas, servir à la sécurité. Chez plusieurs oiseaux où le mâle seul est noir, et chez d'autres où les deux sexes le sont, le bec et la peau qui recouvee la tête revêtent une coloration intense, et le contraste qui en résutte ajouee beaucoup à leur beauté; nous en voyons des exemples dans le bec jaune brillant du merle mâle, dans la peau écarlate qui recouvee les yeux du tétras noir et du grand tétra,, dans le bec diversement et vivement coloré de la macreuee noire (Oidemia), les becs rouges des choucas (Corvus ~raculus, Linn),, des cygnes et des cigognes à plumage noir. Ceci m'a condutt à penser qu'il n'y auratt rien d'impossible à ce que les toucans puissent devorr à la sélection sexuelee les énormes dimensions de leur bec, dans le but d'exhiber les raies colorées si variées et si éclatantes qui ornent cet organe». La peau

51. On n'a point encore trouvé d'explication satisfaisante de l'immense

les œufs et les jeunes dans les nids des autres. Mais, d'après M. Bâtes, on ne peut guère considérer ce bec comme un instrument bien conformé pour les usages auxquels il sert. La grande masse du bec résultant de ses troisdimen-sions n'est pas compréhensible si l'on ne veut voir en lui qu'un organe à saisir les objets. M. Belt (the Naturalise in Nicaragua, p. 197) croit que le bec sert de défense principalement à la femelle quand elle couve-

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[ChapP XVI] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 541

nue qui se trouve à la base du bec et autour des yeux, est souvent aussi très brlllamment colorée, et M. Gould dit, en parlant d'une espèce,, que les couleurs du bec s sont incontestablement à leur point le plus brillant et le plus beau pendant la saison des amouss ». Il n'y pas plus d'improbabilité à ce que les toucans se soient embarrsssés d'énormes becs, que leur structure rend d'ailleuss aussi légers que possible, pour un motif qui nous paratt à tort insignifiant, à savorr l'étalage de belles couleurs, qu'il n'y en a à ce que les faisans argus et quelques autres oiseaux mâles aient acquis de longues pennes qui les encombrent au point de gêner leur vol.

De même que chez diverses espèces les mâles seuls sont noirs, tandss que les femelles sont de couleur terne, de même auss,, dans quelquss cas, les mâles seuls sont partiellement ou entièrement blanc,, comme chez plusieuss Chasmorynchus de l'Amérique du Sud, chez l'oie antarctique {Bernicla antarctica), chez le faisan argenté, etc,, tandis que les femelles restent sombres ou obscurément pommelées. Par conséquent, en vertu du même principe, il est probable que les deux sexes de beaucoup d'oiseau,, tels que les cacatoès blancs, plusieurs hérons avec leurs splendides aigrettes, certains ibis, certains goéland,, certains sterne,, etc,, ont acquis par sélection sexuelle leur plumage plus on moins blanc. Ce plu-' mage blanc n'apparaît quelquefois qu'à l'état adulte. C'est égale-mentee cas chez certaines oies d'Ecosse, chez certains oiseaux des tropiques, etc,, et chez VAnser Ayperboreus. Cette dernière espèce se reproduit sur les terrains aride,, non couverss de neige, puis émigre vers le Midi pendant l'hiver; il n'y a donc pas de raison de supposer que son plumaee blanc lui serve de protection. Dans le cas de VAnastomus oscitans, auquel nous avons précédemment fait allusion, nous trouvons la preuve que le plumaee blanc a un caractère nuptial, car il ne se développe qu'en été; les jeunes et les adultes, dans leur terme d'hiver, sont gris et noir.. Chez beaucoup de mouettes (Larus), la tête et le cou deviennent blanc pur pendant l'été, tandss quiils sont gris ou pommelés pendant l'hiver et chez les jeunes. D'autre part, chez les mouettes plus petites (Gavia,, et chez quelquss hirondelles de mer (Sterna), c'est précisément le contraire; pendant la première année pour les jeunes, et pendant l'hver pour les adultes, la tête est d'un blanc pur ou d'une teinte beaucoup plus pâle que pendant la saison des amours. Ces derniers cas offrent un autre exempee de la manière caprccieuse suivant laquelee la séleciion sexuelee paratt avoir fréquemment exercé son action..

52.  Ramphastos carinatus: Gould,Monoqr. of Ramphastidœ.

53.  Sur le Larus; le Gavià, le SUma, ,L lcSnlr,y, His, Brit. Birds,

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842                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

La plus grande fréquenee d'un plumage blanc chez les oiseaux aquatiques que chez les oiseaux terrestres provient probablement de leur grande taille et deleur puissanee de vol, ce qui leur permtt de se défendee aisément conrre les oiseaux de proie ou de leur échapper; ils sont d'alleeurs peu exposés aux attaques. La séleciion sexuelle n'a donc pas été troublée ou réglée par des besoins de sécurité. Il est hors de doute que, chez des oiseaux qui planent librement au-dessus de l'Océan, les mâles et femelles se rencontreront plus facilement, si leur pLumage blanc ou noir intense les rend très apparents; ces colorations semblent donc remplir le même but que les notes d'appll de beaucoup d'oiseaux terrestres». Un oiseau blanc ou noir qui s'abat sur une carcasee flottant sur la mer ou échouée sur le rivage sera vu à une grande distance et attrrera d'autres oiseaux de la même espèce ou d'autres espèces; mais il en résulterait un désavantage pour les premiers arrivés, les indivdus les plus blancs ou les plus noirs n'ayant pu prendee plus de nourriture que les individss moins brillants. La séleciion naturelle n'a donc pu graduellement produire les couleuss voyantes dans ce

La séleciion sexuelle dépendant des caprices du goût, il est facile de comprendre qu'il peut exister dans un même groupe d'oiseau,, ayant presque les mêmes habitudes, des espèces blanchss ou à peu près, et des espèces noires ou approchant, - par exempee chez les cacatoès, chez les cigogne,, les ibis, les cygnes, les sternes et les pétrels. On rencontre quelquefois dans les mêmes groupss des oiseaux pies; par exemple le cygne à cou noir, certains sterne,, et ta.pie commun.. Il suffit de parcourir une collection de spécimens ou une série de figures coloréées, pour conclure que les contrastes prononcés de couleur plaisent aux oiseaux; car les sexes diffèrent fréquemment entre eux en ce que le mâle a des parties pâles d'un blanc plus pur et des parties colorées de diverses manières, encore plus foncées de teinte que la femelle.

Il semble même que la simple nouveauté, le changement pour le changement, ait quelquefois eu de l'attrait pour les oiseaux femelle,, de même que les changements de la mode ont de l'attrait pour nous. Ainsi, des perroquets mâles à peine plus beaux que les

V, p. 5L5, 584, 626. Sur VAnser hyperboreus, Audubon, o. c, IV, p. 562. Sur ''irrpruf^ir^'chezles vautours qui errent dans les grandes

^îi;ïï£!ï ^=^iïsS^uaïïr de: :=

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rChap. XVIt RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES S43

femelles, à notre avis, ne diffèrent de celles-ci que par un collier rose, au lieu du « collier étrott vert émerauee éclatant ouu par un collier noir remplaçant « le dem--collier jaune antérieur », ou encore par les teintes roses de la tête qui se sont substituées au bleu de prune". Tant d'oiseaux mâles sont pourvu,, à titee d'ornement principal, de rectrices ou d'aigrettes allongées, que la queue écourtée que nous avons décrite chez un oiseau-mouche et l'aigrette diminuee du mâle du grand Harle semblent pouvorr se comparer aux nombreux changements que la mode apporte sans cesse à nos costume,, changements que nous ne nous lassons pas d'admirer.

Quelques membres de la famille des hérons nous offrent un cas encore plus curieux d'une nouvelee coloration qui, selon toute apparence, n'a été appréciée que pour sa nouveauté. Les jeunes de YArdea asha sont blanc,, les adultes de couleur ardossée et foncée; et non seulement les jeune,, mais les adultes d'une espèce voisine (Buphus coromandus), sont blancs dans leur plumage d'hiver, et teinte chamoss doré pendant la saison des amours. Il est diffici)e de croire que les jeunes de ces deux espèces, ainsi que de quelquss membres de la même famille-.aient revêtu spécialement un blanc pur, et soient ainsi devenus très voyanss pour leurs ennemis ; ou que les adultes d'une des deux espèces aient été spécialement rendus blancs pendant l'hiver dans un pays qui n'est jamais couvert de neige. D'autre par,, nous avons lieu de croire que beaucoup d'oiseaux ont acquis la couleur blanche comme ornement sexuel. Nous pouvons donc concluee qu'un ancêtre reculé de YArdea asha et qu'un ancêtre du Buphus ont revêtu un plumaee blanc pendatt la saison des amours, et qu'ils l'ont ensuite transmis à leurs jeune;; de sorte que les jeunes et les adultes devinrent blancs comme certains hérons à aigrettes; cette couleur blanche a été ensuite conservée par les jeune,, tandss que les adultes t'échangeaient pour des teintes plus prononcées. Mais si nous pouvions remonter plus en arrière encore dans le passé, jusqu'aux ancêtres plus anciens de ces deux espèces, nous verr,ons probablement que les adultes avaient une coloration foncée. Je conclus qu'il en seratt ainsi par l'analogie avec d'autres oiseaux qui ont des couleuss sombrss lorsqu'ils sont jeunes, et deviennent blancs une fois adultes; ce qui le prouve plus particulièrement, d'alleeurs, c'est l'exempee de YArdea

55. Sur le genre Palœornn, Jerdon, Birds of Inclia, 1, p. 258;260.

gement remarquable dan, le plumage déconcertera grandement les systéma. tistes.

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544                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [IL Partie]

giïlaris, dont les couleuss sont l'inverse de celles de l'A. asha, car les jeunes de cette espèce portent des couleuss sombres, parce quiils ont conservé un ancien état de plumage, et les adultes sont blancs. Il paratt donc que, dans leur état adulte, les ancêtres des Ardea asha, des Buphus et de quelques formes voisine,, ont éprouvé, dans te cours d'une longue ligne de descendance, les changements de couleur suivanss : d'abord une teinte sombre, puis blanc pur, et, enfin, parunautrechangementdemode(sijepussmiexprimer ainsi), leurs teintes actuelles ardoisées, rougeâtres, ou chamoss doré. On ne peut comprendre ces changements successifs qu'en admettant le principe que les oiseaux ont admiré la nouveauéé pour elle-même. Plusieurs savanss ont repouséé toute la théoree de la sélection sexuelle en se basant sur ce que chez les animau,, de même que chez les sauvages, le goût de la femelle pour certaines couleuss et pour certanss ornemenss ne peut pas persister pendant de nombreuses générations; que les femelles doivent admirer tantôt une couleu,, tantôt une autr,, et qu'en conséquence aucun effet permanent ne pourrait se produire. Nous admettons parfaitement que le goût est apte à changer, mais non pas d'une façon absolument arbitraire. Le. goû,, nous en voyons la preuve chez l'espèce humaine, dépend beaucopp de l'habitude; nous pouvons admettre quiil en est de même chez les oiseaux et chez les autres animau.. Même quand il s'agtt de nos costume,, le même caractère général persiste très longtemps et les changements sont presque toujouss gradués. Nous citeron,, dans un chapitre subséquent, des faits nombreux qui prouvent évidemment que les sauvages de bien des " races ont admiré, pendatt de longuss générations, les mêmes cicatrices sur la peau, les mêmes perforations hideuses des lèvres, des narines ou des orellles, etc,, et ces difformités présentent quelque analogee avec les ornemenss naturels de divers animaux. Toutefois ces modes ne persistent pas toujouss chez les sauvages, comme semblent le prouvrr les différences au point de vue des ornemenss qu'on observe entre les tribus alliées habitant le même continen.. En outre, les éleveuss d'animaux ont certainement admiré pendant bien des générations et admirent encore les mêmes races; ils recherchent avec soin de légères modifications qu'ils considèrent comme un perfectionnement, mais ils repoussent tout changement considérable qui se présenee soudaineme.t. Nous n'avons aucune raison de supposrr que les oiseaux à l'état de natuee admireraient un mode de coloration entièrement nouveau, en admettant même que de grandss et soudaines variations surgsssent fréquemment, ce qui est loin d'être le cas. Nous savons que les pigeons de

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[Chap. XVI1 RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES 645

colomberr ne s'associent pas volontiers avec les pigeons de diverses couleurs; nous savons aussi que les oiseaux albinos ne trouvent pas à s'accoupler, et que les corbeaux noirs des îles Féroé chassent impttoyablement les corbeaux-pies qui habitent les mêmes îles. Mais cette haine pour un changement soudann n'empêche certainement pas les oiseaux d'apprécier des modifications légère,, tout comme le fait l'homm.. En conséquence, quand il s'agit du goût qui dépend de bien des causes, mass surtout de l'habitude et aussi de l'amour de la nouveauté, ll semble probabee que les animaxx ont admréé pendant une longue période le même style général d'ornementation et d'autres attractions, et cependant qu'ils apprécient de légères modifications dans les couleurs, les formes ou la musiqu..

Résumé des quatre chapitres sur les Otseaux. - La plupatt des oiseaux mâles sont très batailleurs pendant la saison des amours, et il en est qui ne sont armés que dans le but spécial de se batree avec leurs rivaux. Mais la réussite des plus belliqueux et des mieux armés ne dépend que rarement de leur triomphe' sur leurs rivaux; il leur fau,, en outre, des moyens spéciaux pour charmer les femelles. C'est, chez les uns, la faculté de chanter ou d'émettre des cris étranges, ou d'exécuter une sorte de musique instrumentale : aussi les mâles diffèrent-ils des femelles par leurs organes vocaux ou par la conformation de certaines plume.. La diversité singulière des moyens propres à produire des sons différents nous montre l'importance que doit avorr ce moyen quand il s'agtt de séduree les femelles. Beaucoup d'oiseaxx cherchent à attrer l'attention des femelles en se livrant à des danses et à des bouffonneries, soit sur le sol, soit dans les airs, quelquefois sur des emplacements préparés. Mais les moyens les plus commuss consistene en ornemenss de diverses sortes, teintes éclatantes, crêtes et appendices, plumes magnifiques fort longue,, huppe,, etc. Dans quelquss cas, la simple nouveauté paratt avoir exercé un attrait. Les ornements que porlent les mâles semblent avoir pour eux une hauee importance, car ils les ont souvent acquss au prix d'une augmentation de dangrr du côté de l'ennemi, et même d'une perte de puissance dans la lutte contre leurs rivaux. Les mâles de beaucoup d'espècss ne revêtent leur costume brillant qu'à l'âge adulte, ou seulement pendant la saison des amours; les couleuss prennent alors une plus grande intensité. Certains appendices décoratifs . s'agrandissent, deviennent turgescents et très colorés pendant qu'ils font leur cour. Les màles étalent leurs charmss devant les femelles

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646                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Pant!e]

avec un soin raisonné et de manière à produire le meilleur effet. La cour que les mâles font aux femeiles est quelquefois une affaire de longue halein,, et un grand nombee de mâles et de femelles se rassemblenten un lieu désigné pour se courtiser. Supposer que les femelles n'apprécient pas la beauté des mâles seratt admettre que les belles décorations de ces derniers et t'étaaage pompuxx qu'ils en font sont inutiles;' ce qui n'est pas croyable. Les oiseaux ont une grande finesse de discernement, et il est des cas qui prouvent quiils ont du goût pour le beau. Les femelles manifestent d'allleurs parfois une préférence ou une antipathie marquee pour certaiss individss mâ!es.

Si on admet que les femelles sont inconsciemment excitées par les plus beaux mâles et les préfèrent, il faut admettre aussi que la sélection sexuelee doit tendre, lentement mais sûrement, à rendee les mâles toujouss plus attrayants. Du fait que, dans presque tous les genres, où les sexes ne sont pas semblables quant à l'extérieur, les mâles diffèrent beaucoup plus entre eux que les femelles, on peut conclure que le sexe mâle a été le plus modif.é; c'est ce que prouvent certaines espèces représentatises très voisine,, chez lesquelles les femelles se ressemblent toutes, tandss que les mâles sont fort différents. Les oiseaux à l'état de natuee présentent des différences individuelles qui suffiraient amplemntt à l'œuvre de la sélection sexuelle; mais nous avons vu qu'ils sont parfois l'objet de variationsplusprononcéesrevenantsi fréquemment qu'elles seratent aussitôt fixées si elles servaient à séduire les femelles. Les lois de la variation auront détermnéé la nature des changements primitifs et largement influencé le résultat final. Les gradations qu'on observe entre les mâles d'espèces voisines indiquent la natuee des échelons franchis, et expliquent d'une manière fort intérsssante certains caractères, tels que les ocelles dentelés des plumes caudales du paon, et surtout les ocelles si étonnamment ombrés des rémiges du faisan Argus. Il est évident que ce n'est pas comme moyen de sécurité que beaucoup d'oiseaux mâles ont acquis de vives couleurs, des huppe,, des plumes allongées, etc. C'est ta même quelquefois pour eux une cause de dange.. Nous pouvons être sûrs que ces ornemenss ne proviennent pas de l'action direcee et définie des conditions de la vie, puisqee les femelles, clans ces mêmes conditions, diffèrent souvent des mâles à un degré extrêm.. Bien quill soit probabee que des conditions modifiées, agissant pendatt une longue périod,, aient dû produire quelque effet défini sur les deux sexes, leur résultat le plus importantaura été une tendanee croissanee vers une variabilité flottante, ou vers une augmentation des différencss

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[Chap. XV)] RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES .547

individuelles, ce qui aura fourni à la séleciion sexuelle un excellent champ d'aciion.

Les lois de l'hérédité, en dehors de la sélection, paraissent avorr déterminé si les organss acquis par les mâles soit à titre d'ornemens,, soit pour produire des sons, soit pour se battre, ont été transmis aux mâles seuls ou aux deux sexes, d'une manière permanente, ou périodiquement pendant certaines saisons de l'anné.. On ignore, dans la plupatt des cas, pourquoi- divers caractères ont été tantô, transmis d'une manière, tantôt d'une autre ; mais l'époque de la variabitité paratt souvent avoir été la cause déterminante de ces phénomènes. Lorsqee les deux sexes ont hértté de tous les caractères commun,, ils se ressemblent nécessairement; mais, comme les variations successives peuvent se transmettre différemment, on peut observrr tous les degrés possibles, même dans un genre donné, depuis une identité des plus complètes jusquàà la dissemblance la plus grande entre les sexes. Chez beaucoup d'espèces voisine,, ayant à peu près les mêmes habitudes, les mâles sont arrivés à différer les uns des autres surtout par l'aciion de la sélection sexuelle; tandss que les femelles en sont venues à différer les unes des autres principalement parce qu'elles participent à un degré plus ou moins grand aux caractères acquss par les mâles. De plus, les effets définis des conjitions d'existence ne seront pas masqués chez les femelle,, comme ils le sont chez les mâles, par les couleurs tranchées et par les autres ornements que la sélection sexuelee accumuee chez eux. Les individus des deux sexes, quelque modifiés qu'ils soient par ces conditions extérieures, resterott presque uniformes à chaque période successive par le libre entrecroisement d'un grand nombee d'indvvidus.

Chez les espèces où les sexes diffèrent de couleur, il est possible qu'il y ait eu d'abodd tendanee à la transmission égale aux deux sexes des variations successives, mais que les dangers auxquels les femelles auraient étéeexposées pendant l'incubation, si elles avaient revêtu les brillantes couleuss des mâles, en ont empêché )e développement chez elles. Mais, autant que je puis !e voir, il seratt très-difficile de convertir une des formes de transmission en une autre, au moyen de la sélection naturelle. D'un autre côté, il n'y aurait aucune difficulté à donner à une femelle des couleurs terne,, le mâle restant ce qu'il est, par la sélection de variations successives qui, dès le principe, ne se seraient transmeses qu'au même sexe. Jusquàà présent, il est encore douteux que les femelles de beaucoup d'espèces aient été ainsi modfiiée.. Lorsque, en vertu de la loi d'égaee transmission des caractères aux deux sexes, les

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648                           LA DESCENDANCE DE L'HOMME              [Ile PARTUS]

femelles ont revêtu des couleuss aussi vives que les mâles, leurs instincts ont souvent dû se modifier et les pousser à se construire des nids couverts ou caché..

Dans un petit nombee de cas curieux, les caractères et les habtudes des deux sexes ont subi une transposition complète : les femelles sont, en effet, plus grandes, plus fortes, plus criardss et plus richement colorées que les mâles. Elles sont aussi devenues assez querelleuses pour se battre les unes avec les autre,, afin de s'emparer des mâles, comme les mâles des espèces les plus belliqueuses pour s'asuurer la possession des femelles. Si, comme cela paraît.probable, elles chassent ordinairement les femelles rivales et attirent les mâles par t'étalage de leurs vives couleuss ou de leurs autres charmes, nous pouvons comprendre comment elles sont devenues peu à peu, grâce à la sélection sexuelle et à la tranmission limitée au sexe, plus belles que les mâles, - ceux-ci ne s'étant que peu ou pas modifiés.

Touteslesfois que prévaut la loi d'hérédité à t'âge correspondant, mais non celle de la transmission sexuellement limitée, et que les parenss varient à une époque tardvee de leur vie,-fatt constant chez nos races gallines et qui se manifeste aussi chez d'autres oiseaux, - les jeunes ne subissett aucune .modification, tandss que les aduttes des deux sexes éprouvent de grands changements. Si ces deux lois de l'hérédité prévalent, et que t'un ou l'autre sexe varee tardvvement, ce sexe seul se modffie; l'autre sexe elles jeunes reslent intacts. Lorsque des variations brillantes ou affectant tout autre caractère voyane surgsssent à une époque précoce de la vie, ce qui arrive souven,, la sélection sexuelee ne peut agir sur elles que lorsque les jeunssse trouvent en état de reproduire; il s'ensutt que la sélection naturelle pouraa les élimine,, si elles sont dangereuses pour les jeunes. On comprend ainsi comment les variations qui surgsssent tardvvement ont été si souvent conservées pour l'ornementation des mâles; les femelles-et les jeunes n'éprouvent aucune modification, et restent par conséquent semblables entre eux. Les degrés et la natuee des ressemblances entre les parenss et les jeunss deviennent d'une complexité extrêm,, dans les espèces qui revêlent un plumage distinct pour t'été et pour l'hive,, car les mâles ressemblent alors aux femelles ou en diffèren,, soit dans les deux saison,, soit dans une seule : les caractères acquss par les mâles se doivent transmettre, mais avec des modfiications que déterminent l'âge du père et de la mère, le sexe du jeune et la saison.

Les jeunes d'un grand nombre d'espèces n'ayatt subi que peu de modfiications dans la couleur et les autres ornements, nous pou-

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 549

vons nous faire quelque idée du plumage de leurs ancêtres reculés; et en conclure que la beauté de nos espèces existantes, si nous envisageons la ctasse dans son ensembe,, a considérablement aug^ mente. Beaucoup d'oiseau,, surtout ceux- qui vivent sur le sol, revêtent sans aucun doute des couleuss sombres comme moyen de se protéger. La pariie du plumage exposée à la vue s'est parfois ainsi colorée chez les deux sexes, tandss que la sélection sexuelle a orné de différentes façons le plumaee de la partie inférieuee du corps des mâles seuls. Enfin, les faits signalés dans ces quatre chapitres nous permettent de concluee que les variations et la sélection sexuelle ont généralement produtt chez les mâles )es armes de bataille, les organes producteurs de sons, les ornemenss divers, les couleuss vives et frappantes, et que ces caractères se sont tranmis de différentes manières, conformément aux diverses lois de l'hérédité, - les femelles et les jeunes.n'ayant été comparative ment que peu modifiés ".

CHAPITRE XVII

CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES CHEZ LES MAMMIFÈRES

La loi de combat. - Armes particuUères timitées aux mâle.. - Cause de leur absence chez la femelle. - Armes communes aux deux sexes, mais primitivement acquises par le mile. - Autres usages de ces armes. - Leur haute importance. ,-Taille plus grande du mâle. - Moyens de défense. - Sur les préférences manifestées par l'un et l'autre sexe dans l'accouplement des mammifères.

Chez les Mammifères, le mâle paratt.obtenir la femelle bien plus par le combat que par l'étalaee de ses charmes. Les animaux les plus timide,, dépourvus de toute arme propre à la lutte, se livrent des combass furieux- pendant la saison des amour.. On a vu deux lièvres se battre jusquàà ce que l'un des deux restât sur la place; les taupss mâles se battent souvent aussi et quelquefois avec de terriblss résultats: Les écureuils mâles « se livrent des assauss fréquents, et se blessent parfoss mutueleement d'une façon sérieus;; les castoss mâles luttent entre eux avec un tel acharnement, qu'on trouve à peine une peau de ces animaux sans cicatrices' ,. J'ai

57. Je dois à M. SCater toute ma reconnaissance pour l'obligeance avec laquelle il a bien voulu revoir ces quatre chapitres sur les Oiseaux et les deux suivants sur les Mammifères, et m'éviter ainsi toute erreur sur les noms spécifiques, ou l'insertion de faits que ce naturaliste distingué aurait pu recon-

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550                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IlePaRtir]

observé le même fait sur la peau des guanacos en Patàgonie, et un jour quelques-uns de ces animaux étaient si absorbés par leur combat, qu'ils passèrent à côté de moi sans paraître éprouvrr aucune frayeu.. Livingstone constate que les mâles d'un grand nombre d'animaux de l'Afrique méridionale portent presque tous les marques de blessures reçues dans leurs combats.

La loi du combat prévaut aussi bien chez les mammifères aquatiques que chez les mammifères terrestres. Il est notoree que les phoques se battent avec acharnement, avec leurs dents et avec leurs griffes, pendant la saison des amours: eux aussi fort souvent ont la peau couverte de cicatrcces. Les cachalots mâles sont égalemntt fort jaloux pendant cette saison, et, dans leurs luttes, « ils engagent mutuellement leurs mâchoires, se retournent et se tordent en tous sens » : la déformation fréquenee de leurs mâchoires inférieures proveent de ces combats'.

On sait que tous les animaux mâles dont certains organss constituent des armes propres à la lutte se livrent des batailles terribles. On a souvent décrtt le courage et les combass désespérés des cerfs ; on a trouvé dans diverses parties du monde quelquss squelettes de ces animaux, inextricablement engagés par les corne,, ce qui indique comment avaient misérablement péri ensembee le vainqueur et le vainuu . Il n'y a pas d'animal au monde qui soit plus dangereux que l'éléphant en ru.. Lord Tankerville m'a raconéé les luttes que se livrent les taureaux sauvagss de Chiliingham-Park, descendants dégénérés en tallle, mais non en courag,, du gigantesque Bos pr--mxgenius. Plusieuss taureaux, en t861, se dispuaaient la suprématie : on observa que deux des plus jeunes avaient attaqué ensemble et de concert le vieux chef du troupeau, l'avaient renversé et mis hors de combat, et les gardeens pensèrent quill devatt être dans quelqee bois, voisin, blessé sans doute mortelleme.t. Mais quelques jous plus tard, un des jeunss taureaxx s'étant approché seul du bois, le

s ee rs

deux lièvres. Sur les taupes, Bell, HisL of Brit. Quadrupeds, 1" édit., p. 100. Sur.les Écureuils, Audubon et Bachman, Viviparcus Quadrùpeds of N. Ame-ricap. 269 1846. Sur les castors. M. A. ... Green. Journ. of Linn. Soc. Zoolog., vol, a, p. ooZj 1869.

%' 412, ^\e0LPennant; SUF le GaChalot, M. J. H. ^^Pson, P™°- 2ool. Soc, p. 246, 1867.

3. Voy Scrope (Art of Deer-stalking, p. 17), sur l'entrelacement des cornes

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[Ghap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES 551

chef, qui ne cherchait que l'occasion de prendre sa revanche, en sortit, et, en quelques instants, tua son adversaire. Il rejoigntt ensuite tranquillemens le troupea,, sur lequel il régna sans contesation pendatt fort longtemp.. L'amiral sir B. J. Sullivan m'a dit que, lorsqulil résidatt aux iles Falkland, il y avait imporéé un jeune étalon anglais, qui vivatt avec huit juments sur les collines voisines de Port William. Deux étalons sauvages,yayant chacun une petite troupe de juments, se trouvaient sur ces collines; « il est certain que ces étalons ne se seraient jamais rencontrés sans se battre. Tous deux avaien,, chacun de son côté, essayé d'attaquer le cheval anglais et d'emmenrr ses juments, mais sans réussir. Un jour, ils arrivèrent ensembee pour l'attaquer. Le capitan à la garde duquel les chevaux étaient confiés se rendtt aussitôt sur les lieux et trouva un des étalons aux prises avec l'anglais, tandss que l'autre cherchait à emmenrr les juments, et il avatt déjà réussi à en détourner quatre. Le capitnn arrangea l'affaire en chassant toute la bande dans un corra,, car les étalons sauvagss ne voulaient pas abandnnner les

J" Les animaxx mâles déjà pourvus de dents capables de couper ou de déchirer pour les usagss ordinaires de la vie, comme les carnvores, les insectivores et les rongeurs, sont rarement munis d'armss spécialement adaptées en vue de la lutte avec leurs rivaux. Il en est autrement chez les mâles de beaucoup d'autres animau.. C'est ce que prouvntt les cornes des cerfs et de certaines espèces d'antilopes dont les femelles sont désarmées. Chez beaucoup d'anmaux, les canines de la mâchoire supérieure ou de la mâchoire inférieure, ou même des deuxmâchoires, sont beaucoup plus grandes chez les mâles que chezles femelles, oumanquent chez ces dernières, à un rudiment caché près. Certaines antilopes, le cerf musqu,, le chameau, le cheva,, le sanglier, divers singes, les phoquss et le morse offrent des exemples de ces différenss cas. Les défenses font quelquefoss entièrement défaut chez les morses femelles.. Chez l'éléphant indien mâle et chez le dugong mâle,, les incisives supérieures constituent des armes offensive.. Chez le narvll mâle, une seule des dents supérieures se développe et forme la pièce bien connue sous le nom de corne, qui est tordue en spiraee et atteint quelquefois de neuf à dix pieds de longueu.. On croit que les mâles se servent de

4. M. Lamont (Seasons Wit< the Sea-Horses, p. 143, 1861), dit qu'une bonne défense d'un morse mâle pèse quatre livres, et est plus longue que celle de la femelle, qui en pèse environ trois. Les mâles se livrent de furieux com-bats. Sur l'absenceoccasionnelle des défenses chez la femelle, voir R- Brouvv,

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S52                           LA DESCENDANCE DE L'HOMME              [Ile PaRtIe]

cette arme pour se battre, car « on trouve rarement de ces cornes qui ne soient pas cassées, et on en rencontre parfois dont la partie fendue contient encore la pointe de la corne d'un ennemi". » La dent du côté opposé de la tête consiste, chez le mâle, en un rudiment d'environ dix pouces de longueur qui reste enfoui dans la mâchoire. Quelquefois cependant, mais le fait est assez rare, on trouve des narvass mâles, chez lesquess les deux dents sont également bien développées. Chez les femelles ces deux dents restene toujouss rudimentaires. Le cachalot mâle a la tête plus grande que la femelle, ce qui semble prouvrr que, chez ces animau,, la tète joue un rôle dans les combass aquatiques. Enfin, l'ornithorhynquecâle adutte est pourvu d'un appareil remarquable, consisaant en un ergot placé sur la pariie antérieuee de la jambe, ergot qui ressembee beaucoup au crochet des serpenss venimeux; Hart.ng affirme que la sécrétion de la giande ne constitue pas un poison; on observe sur la jambe de la femelle une dépression qui semble destinée à recevorr cet ergot'.

Lorsque les mâles sont pourvus d'armss dont les femelles sont privée,, il ne peut guère y avoir de doute qu'elles servent aux combass auxquels ils se livrent entre eux, et que ces armes ont été acquiess par séleciion sexuelee et transmises au sexe mâle seul. Il n'est pas probable, au moins dans la plupatt des cas, que ces armes aient été refusées aux femelles, comme pouvatt leur être inutiles ou en quelque sorte nuisibles. Comme, au contraire, les mâles se servent souvent de ces armes pour des buts divers, mais surtout pour se défendee contee leurs ennemis, il est étonnatt qu'elles soient si peu développées ou même absentes chez tant d'animaux femelles. Il est certain que te développement de gros bois avec leurs ramifications chez la femelle du cerf, au retour de chaque printemps, et celui d'énormes défenses chez les éléphants femelles, en admettant qu'eless ne'leur fussent d'aucune utilité, auraient occasionné une grande déperdition de force vitale. Par conséquent, la sélection naturelle a dû tendee à les éliminer chez les femelles, mais à condition que les variations successives tendant à cette éliminatinn ont été transmises au sexe femelle seul, car autrement les armes des mâles auraient été très affectées et il en seratt évidemment résulté un préjudice plus considérable pour l'espèce. En

6 M.R.Brown,/^»C.Zooi.Soc,p.S3,1889. Voir prof.Turncp.Jour^.>!«««. andPhys., 18/2, p. /6, surlanature homogènede ces défenses. M. J. W. Clarke parle,de deux défenses développées chez les mâ)es,froc. Zoolog. Soc, 1871, p. 42. i 7. Owen sur le cachalot et l'ornithorhynque, o. c, III, p. 638, 641. Le doc-

to.,rM0pte2V9°>en CUe Harting dans la tradUCUOn h0Uandaise decet 0UVrage,

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES 553

résumé, et les faits-que nous allons citer confirment cette hypothèse, il paratt probah.e qu'il faut attriburr à la sorte d'hérédité qui a prévauu les différencss que l'on observe chez les deux sexes au point de vue des armes qu'lls possèden..

Le renne étant la seule espèce, dans toute ia famille des cerfs, dont la femelle ait des corne,, un peu plus petites, il est vra,, un peu plus minces et un peu moins ramifiées que celles du mâle, on pourrait en concluee que ces cornes ont quelque utiltté. On a cependant la preuve du contraire. La femelle conserve ses bois depuis le moment où ils sont complètement développés, c'est-à-dire en septembre, jusqu'en avrll oumai, époque oùelle met bas. M. Crotch a bien voulu faire pour moi des recherches sérieuses en Norwèg;; il paraît que les femelles, à cette époque, se cachent pendant une quinzaiee de jours environ pour mettre bas, puis reparaissent ordinairement privées de leurs cornes. D'autee par,, M. H. Zecks affirme que dans la Nouvelle-Ecosse les femelles gardent plus longtemps leurs corne.. Le mâle, au contraire, dépoullee ses bois beaucoup plus tôt, vers la fin de novembre. Or, comme les deux sexes ont les mêmes exigencss et les mêmes habitudes, et que le mâle perd ses bois pendatt l'hiver, ces annexes ne doivent avoir aucune utilité pour la femelle dans cette saison, où justement elle les porte. Il n'est pas probabee que ce soit quelque anttque ancêtre de la famille des cerfs qui lui ait transmis ses bois : le fait que les mâles de tant d'espèce,, dans toutes les parties du globe, possèdent seuls des bois, nous permet de concluee que c'étatt là un caractère primtif du groupe8.

Les bois se développent chez le renne à un âge très précoce, sans que nous en connaissions la cause. Quoi quill en soit, l'effet produtt paratt avorr été le transfert des cornes aux deux sexes; les cornes sont toujouss transmises par la femelle et celle-ci conserve une aptitude latente à leur développement, comme nous le prouvent les cas de femelles vieillesou malades». En outre, les femelles de quelquss autres espèces de cerfs possèdent normalement, ou de façon occasionnelle, des rudiments de bois; ainsi la femelle du Cervulus mos-chatus a « des touffes rétiformes se terminant par un bouton au lieu

8.  Sur la structure et sur la chute des bois du renne, Hofîberg, AmœnUates Acad., IV, p. 149, 1788; Richardson, Fauna etc., p. 241, sur l'espèce ou variété américaine; et Major W. Ross King, the Sportsrnan in Canada, p. 80, 1866.

9.  Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Essais de zoologie générale, p. 513, 1841. D'autres caractères masculins, outre les cornes, peuvent se transférer semblable-ment a ta femelle ; ainsi M.Roner (Chamois Hunting in the MountainsofBavaria, 1860t 2' édit., p. 363) dit, en parlant d'une vieille femelle de chamois, «. qu'elle

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554                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Partie]

de corne;; » et d dans la plupatt des spécimens du Wapiti femelle (Cervus Canadensis), une protubérance osseuse aiguë remplace la corne » '». Ces diverses considérations nous permettent de concluee que la possession de bois bien développss par la femelle du renne provient de ce que les mâles les ont d'abodd acquis comme armes pour combattre les autres mâles; et que leur transmission aux deux sexes a été la conséquence de leur développement, sans cause connue, à un âge très précoce chez le sexe mâle.

Passons aux ruminants à cornes creuse.. On peut établir, chez les Antilopes, une série graduée, commençant par les espèces dont les femelles sont entièrement privées de cornes, - passant par celles qui les ont si petites qu'elles sont presque rudimentaires, comme chez YAntilocapraAmerica,a, espèce chez laquelle une femelle seulement sur quatre ou cinq possède des cornes " ; - celles où ces appendices se développent largement, bien qu'eless restent plus petites et plus grêles que chez le mâle et qu'elles affectent quelquefois une forme différenee"; 'et se terminant par les espèces où les deux sexes ont des cornes de grandeur égale. De même que chez le renne, il y a, chez les antilopes, rappott entre la période du développement des cornes et leur transmission à un seul des deux sexes ou à tous les deux; il est, par conséquent, probable que leur présenee ou leur absence chez les femelles de quelquss espèce,, et que l'état de perfection relative qu'elles atteignent chez les femelles d'autres espèces, doivent dépendre, non de ce qu'elles servent à un usage spécial, mais simplement de la forme d'hérédité qui a prévalu. Le fait que, dans un genre restreint, les deux sexes de quelques espèces et les mâles seuls d'autres espèces sont pourvus de corne,, confirme cette opinion. Bien que les femelles de l'Antilope bezoartica soient normalement privées de cornes, M. Biyth nn a rencontré trois qui en portaient, et chez lesqueless rien n'indiquait un âge avancé ou une maladie.

Dans toutes les espèces sauvagss de chèvres et de mouton,, les cornes sont plus grandss chez le mâle que chez la femelle, et manquent quelquefois complètement chez celles-ci". Dans plusieuss races domestiques de ces animau,, les mâles seuls ont des cornes.

^S^surt»^

^^Z^TvAni^aohore femelle ressemblent, par exemple, à celles d'une espèce distincte, VAnt. Doreas, var. Corine; voy. Desmarest,

M"!^Ca'latoue Mamm. Brit. Mus., pari. III, p. 160, 1852.

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[Chap. XV!)] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES 555

Dans quelques races comme celles du nord du pays de Galles, où les deux sexes sont réguiièrement armés de cornes, elles font souvent défaut chez les brebis. Un témoin digne de foi, qui a inspecéé tout exprès un troupeau de ces moutons à l'époque de la mise bas, a constaéé que, chez les agneaux, à leur naissance, les cornes sont plus complètement développées chez le mâle que chez la femelle. M. J. Peel a croisé ses mouéons lank dont les mâles et les femelles portent toujouss des cornes avec des races Leicester et Shropshire dépourvues de cornes; il a obtenu une race chez laquelee les mâles niaient plus que de petites cornes, tandss que les femelles en étaient complètement dépourvues. Ces divers faits indiquent que, chez les mouton,, les cornes constituent un caractère beaucoup moins fixe chez la femelle que chez le mâle, et nous autorisent à concluee que les cornes ont une origine masculine.

Chez le bœuf musqué adulte (Ovibos moschatus), les cornes du mâle sont plus grandes que celles de la femelle chez laquelee les bases ne se touchens pas». M. Blyth constate, relativement au bétall ordinaire, que « chez la plupatt des sauvagss de l'espèce bovine, les cornes sont plus longues et plus épaisses chez le taureau que chez la vache; et que chez la vache Banteng (fios sondaicus) les cornes sont remarquablement petitss et fort inclinéss en arrière. Dans les races domestiques, tant chez les types à bosses que chez les types sans bosses, les cornes sont courtes et'épaisses chez le taurea,, plus longues et plus effilées chez la vache et chez le bœuf; et, chez le buffle indien, elles sont plus courtes et plus épaisses chez le mâle, plus grêles et plus allongées chez la femelle. Chez le gaour (fi. gaurus) sauvag,, les cornes sont à la fois plus longues et plus épaisses chez le taureau que" chez la vache » ». Le D~ Forsyth Major m'apprend qu'on a trouvé dans le Val d'Arno un crâne fossile qu'on croit être celui d'un Bas etruscus femelle ; ce crâne est dépourvudecornes.Jepussajoutericique,chezle^oCarooS~, les cornes dela femelle sont généralement plus longues mais moins fortes que celles du mâle; et, chez quelquss autres espèces de rhnocéro,, on assuee qu'eless sont plus courtes chez la femelle'». Ces divers faits nous autorisent à concluee que les cornes de tous genres, même lorsqu'elles sont également développées chez les deux sexes, ont été primitivement acquises par les mâles pour lutter avec les autrss mâles, puis transmises plus ou moins complètement aux femelles.

14. Richardson, Fauna Bor. Americana, p. 278.

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656                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Part.e]

Nous devons ajouter quelquss mots sur les effets de la castration, car ils jettent une vive lumière sur ce point. Les bois ne repoussent jamass chez les"cerfs qui ont été châtrés; il faut en excepter toutefois le renne mâle, chez lequel ils poussent après cette opération. Ce fait, aussi bien que la présenee des bois chez les mâles et les femelles, semble indiqurr au premerr abord que les bois chez cette espèce ne constituene pas un caractère sexuel ».

Mais, comme il se développe à un âge très précoce avant que la constitution du mâle diffère de celle de la femelle, il n'est pas surprenant que la casrration n'exerce aucune influence sur ces ornements, en admettant même quiils aient été primitivement acquss par le mâle. Chez les mouton,, les mâles et les femelles portent normalement des cornes; on m'assuee que chez les moutons Wetch la castration a pour effet de réduire beaucoup la grandeur des cornes du mâle, mais que le degré de cette diminutinn dépend de l'âge de" l'animll sur lequel on pratique cette opération; nous avons vu qu'il en est de même chez d'autres animaux. Les boucs mérinos ont de grandss corne,, tandss que les brebis en sont ordinairement dépourvuss; chez cette race la castration semble produire un effet un peu plus considérable que sur la race précédente, car, si on l'accomplit à un âge très précoce, les cornes ne se développent presque pas..

M. Winwodd Reade a observé sur la côte de Guinée une race de moutons dont les femelles ne portent jamass de cornes, et elles disparasssent complètement chez les boucs après la castration. Cette opératinn exerce une profonee influence sur les cornes des mâles de l'espèce bovine; car, au lieu de rester courtes et épaisses, elles deviennent plus longues que celles des vaches. L'antilope bezoartica offre un cas à peu près analogue : les mâles sont pourvus de cornes longues et contournées en spiraess qui, presque parallèles, se dirigent en arrière; les femelles portent parfois des cornes, mais elles affectent une forme toute différente, car elles ne sontpss contournées en spiraees, elles s'écartent beaucoup l'une de l'autre et font un coude pour se diriger en avan.. Or, M. Blyth a observé le fait remarquable que, chez le mâle châtré, les cornes affectent la forme particulière qu'elles ont chez la femelle, tout en étant plus longuss

17. Telle est,en efïet, la conclusion de Seidlitz, Die Darwinsche Tkeorie, 1871,

P-18.Le prof. Victor Carus a bien voulu prendre en Saxe, à ma demande, des renseignements sur ce point. 11. von Mathusius (VieAzucht, 1872, p. 64) assure que. les cornes des moutons châtrés à un âge précoce disparaissent complètement ou restent à l'état de simples rudiments; mais je ne saurais dire s'il fait allusion aux races ordinaires ou à la race mérinos.

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 857

et plus épaisses. Si on en peut juger par analogie, les cornes de la femelle, dans les deux derniers cas, nous représentent la conditinn de ces armes, chez un ancêtre reculé de chaque espèce. Mais on ne peut expliquer que la castration produit un retour vers cette ancienne condition. Toutefois il semble probabee que, de même qu'un croisement entre deux espèces ou deux races distinctes provoqee chez le jeune un troubee constitutionnel qui amène souvent la réa-parition de caractères depuss longtemss perdus », de mêmele trouble apporté par la castration dans la constitution de l'individu produit un effet analogue.

Les défenses des éléphants de toutes les espèces et de toutes les races diffèren,, selon le sexe, à peu près comme les cornes des ruminants. Dans l'Inde et à Malacca, les mâles seuls sont pourvus de défenses bien développées. Quelques naturalistes considèrent l'éléphant de Cey.lan comme une race à par,, d'autres comme une espèce distincte; or, on n'y trouve pas « un individu sur cent qui ait des défenses et le petit nombre de ceux qui en ont sont exclusivement mâles» ». L'éléphant d'Afrique forme certainement un genre distinct; la femelle a des défenses bien développées, quoique un peu moins grandss que celles du- mâle.

Ces différencss dans les défenses des diverses races et des diverses espèces d'éléphants, - la grande variabilité des bois du cerf, et surtout ceux du renne sauvag,, - la présenee accidentelle de cornes chez la femelle de l'Antilope bezoartica et leur absence fréquenee chez ia femelle de Y Antilocapra amerieana, -la présenee de deux défenses chez quelquss narvals mâles ; - l'absenee complète de défenses chez quelquss morses femelle,, - sont autant d'exemples de la variabilité extrême des caractères sexuels secondaires et de leur excessive tendanee à différer dans des formes très voisine..

Bien que les défenses et les cornes parasssent dans tous les cas s'être primitivement développées comme armes sexuelles, elles servent souvent à d'autres usages. L'éléphanfattaque le tigre avec ses défenses et, d'après Bruce, entaille les troncs d'arbres, de façon à les renverser facilement; il s'en sert encore pour extraire la moelle farineuse des palmiers;' en Afrique, il emploie souvent une de ses défense,, toujouss la même, à sonder le terrain et à s'assurer si le sol peut supporter son poids. Le taureuu commun défend le

19. J'ai cité plusieurs expériences, et d'autres témoignages prouvent que tel est le cas. Voir la Variation, vol. II (Paris, Reinwald).

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bS8                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Pabtib]

troupeau avec ses cornes; et, d'après Lloyd, l'élan de Suède tue roide un loup d'un coup de ses grandes cornes. On pourrait citer une foule de faits semblables. Le capitaiee Hutton» a observé chez la chèvre sauvage de l'Himalaya (Capra œgagrus) comme on t'a d'ailleuss observé également chez l'ibex, l'un des usagss secondaires les plus curieux des cornes d'un animal quelconqee : si un mâle tombe accidentellement d'une certaine hauteur, il penche la tête de manière que ses cornes massives touchent d'abodd le sol, ce qui amortit le choc. Les cornes de la femelle étant beaucoup plus petites, elle ne peut s'en servir pour cet usage, mais ses habitudes plus tranquilles rendent pour elle moins nécessaire l'emploi de cette étrange sorte de bouclier.

Chaqucanimalmâlesesertdesesarmesàsa.manière particulière.

Le bélier commun fait une charg,, et heuree l'obstacle de labase de ses cornes avec une force telle que j'ai vu un homme fort renveréé comme un enfan.. Les chèvres et certaines espèces de mouton,, comme YOvis cycloceros de l'Afghanistan», se dressent sur leurs pattes de derrèère, et, non seulement « donnent le coup de tète, mais encore baissent la tête, puis la relèvent brusquement de façon a se servrr de leurs cornes comme d'un sabre; ces cornes, en forme de cimeterre, sont d'allleuss fort tranchantes, à cause des côtes qui garnsssent leur face antérieure. Un jour, un Ovis cycloceros attaqua un gros bélier domestique connu comme solide champion; il en eut raison par la seule nouveauéé de sa manière de combattre, qui consistatt à toujouss serrer de près son adversaire, à le frapper de la tète sur la face et le nez, et à éviter toute riposte par un bond rapide ». Dans le Pembrokeshire, un bouc, chef de troupeau, après plusieuss générations, et resté à l'état sauvag,, très connu pour avoir tué en combat singulier plusieuss autres mâle,, avatt des cornes énorme,, dont les pointes étaient écartées de 39 pouces (0»,99). Le taureuu commun perce, comme on sait, son adversaire de ses cornes, puis le lance en l'ar;; le buffle italien ne se sert jamais de ses cornes; mais, après un effroyabee coup de son front convex,, il plie les genoux pour écraser son ennemi renversé, instintt que n'a pas le taureuu ». Aussi un chien qui saistt un buffle par le nez est-il aussitôt écrasé. Mais le buffle itaiien est rédutt depuis longtemps à l'état domestique, et il n'est pas certain que ses

21.  Calcutta, Journal of Nat. IUst.,M, p. 526, 1843.

22.  M. B)yth, Land and Waler, March,1867 p. 134; sur l'autonté du Cap. lut-

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[Chap. XV)[] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMtFÈRES

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ancêtres sauvagss aient eu des cornes affectant la même forme. M. Bartlett m'apprend qu'une femelle de buffle du Cap (Bubalus caffer), introduite dans un enclos avec un taureau de la même espèce, l'attaqua, et fut violemment repoussée. Mais M. Barteelt resta convaincu que, si le taureuu n'avatt monléé une grande magnanimité, il auratt pu aisément la tuer par un seul coup fatéral de ses immenses corne.. La giraee se sert d'une façon singuHièee de ses cornes courtes et velues, qui sont un peu plus longues chez le mâle que chez la femelle; grâce à son tong cou, elle peut lancer la tête d'un côté ou de l'autre avec une telle force, que j'ai vu une planche dure profondément entalllée par un seul coup.

On se demande comment les antllopss peuvent se servrr de leurs

Fig. 63. - Oryx leucoryx màle (me

(ménager!

.0 de Knowsley).

cornes si singulièrement conformées ; ainsi le spring-bock (Ant. enchère)a des cornes droites, un peu courte,, doni les pointes aiguës se regardent, recourbées qu'elles sont en dedan,, presque a angle droit. M. Bartlett pense qu'elles doivent faire de terribles blessures sur les deux côtés de la face d'un antagonis.e. Les cornes légèrement recourbées de YOryx leucoryx (fig. 63), sont dirigées en arrière et assez longues pour que leurs pointes dépassent le milieu du dos, en suivant une ligne qui lui est presque parallèle. Elles semblent ainsi bien mal conditionnées pour la lutte; mais M. Bart]ett m'informe que, lorsque deux de ces animaux se préparent au combat, ils s'agenouillent et baissent la tète entre les jambes de devant, altitude dans laquelle les cornes sont parallèles au sol et presque à ras de terre, avec les pointes dirigées en avant et un peu relevée.. Les combattanls s'approchent ensuite peu à peu; chacun

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d'eux cherche à introduire les pointes de ses cornes sous le corps de son adversaire, et celui qui y parvintt se redresee comme mû par un ressott et relève en même temps la tète; il peut ainsi blesser gravement et même transpercer son antagoniste. Les deux animaux s'agenouillent toujouss de manière à se mettre autant que possible à l'abri de cette manœuvre. On a signalé un cas où une de ces antilopes s'est servie avec succès de ses cornes, même contre un lion; cependatt la postuee que l'animal doit prendre, la tête entre les pattes de devan,, pour que la pointe des cornes vise l'ennem,, est extrêmement désavantageuse en cas d'attaque par un aute animal. H n'est donc pas probable que les cornes se soient modfiiées de façon à acquérir leur longueur et leur directinn actuelees, comme moyen de protection contre les animaux féroces. On peut supposer que quelque ancien ancêtre mâle de l'Oryx, ayant acquis des cornes d'une longueur modéré,, dirigées un peu en arrière, aura été forcé, dans ses batailles avec ses rivaux mâle,, de baisser latêtedecùtéouenavan,, comme le font encore plusieurs cerfs; plus tard il se sera agenouillé accidentellement, puis ensuiee habituellemen.. Les mâles à cornes plus longuss ayant grand avantage sur les individus à cornes plus courtes, il est à peu près certain que la séleciion sexuelle aura graduellement augmenté la longueur de ces cornes jusqu'à ce qu'elles aient atteint la dimension et la direction extraordinaires qu'elles ont aujourd'hui.

Chez les cerfs de plusieuss espèces, la ramification des bois présente une difficulté assez sérieus;; car il est certain qu'une seule pointe drotte feratt une blessuee bien plus grave que plusieuss pointes divergentes. Dans le musée de Sir Phiiip Egerton, on voit une corne de cerf commun (Cervus elaphu)) de 30 pouces de long et ne comptant pas moins de quinze branches. On conserve encore à Moritzbugg une paire d'andouillers d'un cerf de même espèce, tué en 1699 par Frédéric I»; l'un porte trente-trois branches, l'autre vingt-sept, ce qui fait au total soixanee branches. Richardson décrtt unepairedeboisderenee sauvage présentant vingt-neufpointes». La façon dont les cornesee ramfiien,, ou plutôt la remarque de cefaitque les cerfs se battent à l'occasion en se frappant avec leurs pieds de devant», avait condutt M. Bailly à la conclusion que leurs cornes

,„, l'Lg. it, corne A**. Se Mil, 11, p. m,1824.

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 561

leur étaient plus nuisibles qu'utiles! Mais cet auteur a oubiié les combass que se livrent les mâles rivaux. Très embarrassé sur l'usage des ramures ou les avantages qu'elles peuvent offrir, je m'adressai à M. Me Neill de Colinsay, qui a longtemss étudié les mœurs du cerf commun; d'après ses remarques, les ramures n'ont jamass servi au comba,, mais les andouillers frontaux qui s'inclinent vers le bas protègent très efficacement le front, et constituent par leurs pointes des armes précieuses pour l'attaque. Sir Philip Egerton m'apprend aussi que le cerf commun et le daim, lorsqu'ils se batten,, se jettent brusquement l'un sur l'autre, fixent réciproquement leurs cornes contre le corps de leur antagoniste, et luttent violemment. Lorsque l'un d'eux est forcé de céder et fuir, l'autre cherche à percer son adversaire vaincu de ses andouillers frontau.. I! semble donc que les branchesusupériesres servent principalement ou exclusivement à pousser et à pare.. Cependant, chez quelquss espèces, les branchss supérieures servent d'armss offensives, comme le prouve ce qui arriva à un homme attaqué par un cerf Wapiti (Cervus Canadens)s) dans le parc de Judge Caton, à Ottawa; plusieuss hommss tentèrent de lui porter secours; < l'animal, sans jamais lever la tète, tenatt sa face contre !ë sol, ayant le nez presque entre les pattes.de devan,, sauf quand il inclinait la tète de côté pour observe,, et préparer un nouveau bond. D Dans cette posiiion, les extrémités des cornes étaient dirigées contre ses adversaires. « En tournant la tête, il devatt nécessairement la relever un peu, parce que les andouillers étaient si longs que l'anmal ne pouvatt tourner la tète sans les lever d'un côté, pendant que de l'autre ils touchaient le sol. » Le cerf, de cette manière, fit peu à peu reculer les libérateurs à une distanee de 150 à 200 pieds, et l'homme attaqéé fut tué..

Les cornes du cerf sont des armes terribles, mais une pointe unique auratt été plus dangereuse qu'un andouiller ramifié, et J. Caton, qui a longtemss observé cet anima,, est complètement de cet avis. Les cornes branchues, d'allleurs importantes comme moyen de défense conrre les cerfs rivaux, remplissent fort imparfaitement ce.but de défense, parce qu'elles sont très sujettes à s'enchevêtr.r. J'ai donc penséqu'elles pouvaient en pariie servir d'ornement. Tout le monde admettra que les andouillers des cerfs, ainsi que les cornes élégantes de certaines antllopes, cornes affectant la forme d'une lyre et présentant une double courbuee extrêmement graceuuse

26. Voir ,. récit fort intéressant dans l'Appendice du mémoire de M. J. D. Ca-ton, cité précédemment.

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862                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Part.ej

(ftg. 64), sont un ornement, même à nos yeux. Si donc les cornes, comme. les accoutrements superbss des chevaliers d'autrefois, ajoutent à la noble apparence des cerfs et des antllopes, elles ont peut-ôlre été partiellement modifiées dans un but d'ornementation,

/ f

F.ff. Ci. - ~tfePsiceros Kutn (And. Smith, Zoolo0,j of Sou» Africa).

tout en restant des armes de comba;; je n'ai aucune preuve à l'appui de cette supposition.

De récentes publications nous -annoncent que dans un distrctt des États-Unis, les cornes d'une espèce de cerf seraient en voie de modification sous la double action de la sélection sexuelle et de la sélection naturelle. Un écrivann dit, dans un excellent journll américain-, qu'il a chaséé pendant ces vingt et une

27. The AmericaK Naluralist, Dec. 1869, p. 552.

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMtFÈRES 563

dernières années dans les Adirondacks, où abonde le Cervus Virg--nianus. Il entendit, pour la première fois parler, il y a quatorze ans, de mâles à comes'pointues. Ces cerfs deviennntt chaque année plus commun;; il en a tué un, il y a cinq ans, un second ensuite, et maintenant cela est très fréqunnt. « La corne pointue diffère beaucoup de l'andouiller ordinaire du C. Virginianus. Elle con-siste en une seule pièce, plus grêle que l'andouiller, atteignant à peine ta moitié de la longueur de ce dernier, se projetant au-devant du fron,, et se terminant par une pointe aiguë. Elle donne à son possesserr un avantage considérable sur le mâle ordinaire; il peut courrr plus rapidement au travess des bois touffus et des broussailles (tout chasseur sait que les daims femelles et les mâles d'un an courent beaucoup plus vite que les gros mâles'armés de leurs lourds andouillers), et la corne pointue est une arme plus efficace que l'andouiller commun. Grâce à ces avantages, les daims à corne pointue gagnntt sur les autres, et pourront avec le temps les remplacer entièrement'dans les Adirondacks. Il estcertain quese premerr daim à corne pointue n'étatt qu'un caprice de la nature; mais, ces cornes ayant été avantageuses à l'animal, il les a transmises à ses descendants. Ceux-ci, doués du même avantage, ont propagé cette particularité qui a toujouss été s'étendant, et les cerfs à corne pointue finiront peu à peu par chasser les cerfs à andouillers hors de la région qu'ils occupen.. » Un critique discute ces conclusions et demande avec beaucopp de justesee comment il se fait que les bois branchus de la forme parente se sont jamass développés, puisque les simples cornes offrent aujourd'hui tant d'avantage. La seule réponse que je puisse faire est qu'un nouveau mode d'attaque avec de nouvelles armes peut constituer un grand avantage, comme le prouve l'exempee de l'Ovis cycloceros qui a pu ainst vaincee un bouc domestique que sa force et son courage avaient rendu fameux. Bien que les bois d'un cerf soient bien adaptés pour ces combass avec les cerfs ses rivaux, et bien que ce puisse être un avantage pour l'espèce à cornes simples d'acquérir des bois bien développés, si elle n'avait qu'à lutter avec des animaxx armés de la même façon, il ne s'ensutt pas cependant, que les bois soient une arme excellenee pour vaincee un ennemi différemment armé. Il est presque certain en effet, si nous revenoss un instant à YOryx leucoryx, que la victoree appartiendrait a une antilope pourvue de cornes courtes, qui par conséquent n'aurait pas à s'agenouill,r, mais en même temps il seratt avantageux à un oryx d'avoir des cornes encore plus longues s'il n'avait à lutter qu'avec des rivaux appartenant à son espèce.                                                                 . .

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564                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IL Pahtie]

Les mammifères mâles pourvus de crocs, de même que les animaux pourvus de cornes se servent de diverses manières de leurs armes terribles. Le sanglier frappe de côté- et de bas en hau;; le cerf musqué porte ses coups de haut en bas et fait des blessures sérieusesé. Le morse, malgéé son cou si court et la pesanterr de son corps, « peut frapprr avec la même dextérité de haut en bas, de bas en hau,, ou de côté» ». L'éléphant indien, ainsi que je le tiens de feu le docteur Falconer, combat différemment suivant la posiiion et la courbuee de ses défenses. Lorsqu'elles sont dirigées en avant et de bas en hau,, il lance le tigre à une grande distance, jusquàà 30 pieds, dit-on ; lorsqu'elles sont courtes et tournées de hauten bas, il cherche à clouer subitement l'ennemi sur le sol, circonstanee dangereuse, car celui qui le monte peut être lancé par la secousse hors du hoodah".

Bien peu de mammifères mâles possèdent deux sortes distinctes d'armss adaptées spéciaeement à la lutte avec leurs rivaux. Le cerf muntjcc (Ceroulm) mâle présente toutefois une exception, car il est muni de cornes et de dents canines faisant saillie au dehor.. Mais une forme d'armss a souven,, dans le cours des temp,, été remplacée par une autre, et nous en avons la preuve par ce qui suit. Chez les Ruminants, il y a ordinairement rappott inverse entre le développement des cornes et celui des caninss même de grosseur moyenne. Ainsi le chamea,, le guanaco, le chevrotain et le cerf musqué, n'ont pas de corne,, mais des canines bien formées, « toujours plus petites chez les femelles que chez les mâles ». Les Camélidés ont à la mâchoire supérieure, outre les vraies canine,, une paire d'incssives de la même forme.. Les cerfs et les antllopss mâles ont des corne,, et rarement des canines; et celles-ci, lorsqu'elles existen,, sont toujouss fort petites, ce qui peut faire douter de leur utilité dans les combats. Chez les jeunss mâles de Y Antilop.. montana, ces canines n'existent qu'à l'état rudimentaire ; elles disparaissent lorsqulil vieillit et font défaut à tout âge chez les femelles; toutefois on a accidentellement observé les rudiments de ces dents» chez les femelles'de quelquss autres antllopss et de

Mooknah de t'étéphant à courtes défenses attaque les autres.

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 565

quelquss autres cerfs. Les étalons ont de petites canines qui sont absentes-ou rudimentaires chez. ta jument, mais ils ne s'en servent pas dans )eurs combats; ils ne mordntt qu'avcc les incisives, et n'ou-vrent pas la bouche aussi largement que les chameaux et les gua-nacos. Lorsque le mâle adutte possède des canines dans un état où elles ne peuvent servir, et qu'elles font défaut ou ne sont que rud--mentaires chez la femelle, on en peut conclure que l'ancêtre mâle de l'espèee était armé de véritables canines qui ont été partiellement transmises aux femelles. La disparition ou la diminution de grandeur de ces dents chez les mâles paraît être la conséquence d'un changement dans leur manière de combattre, changement causé souvent (ce qui n'est pas le cas du cheva)) par le développement de nouvelles armes.

Les défenses et les cornes ont évidemment une hauee importance pour leurs possesseurs, car leur développement consomme une grande quantité de matière organique. Une seule défense de l'éléphane asiatique, _ une défense de l'espèce velue éteinee - et une défense de l'éléphant african,, pèsen,, me dit-on, 150, 160 et 180 livres; quelquss auteuss ont même signalé des poids plus considérables ». .Les bois des cerfs qui se renouvellent périodiquement, doivent enlever bien davantage à la constitution de l'animal; les cornes de l'élan, par exemple, pèsent de 50 à 60 livres, et celles de l'élan irlandais éteint atteignent jusquàà 60 et 70 livres, - le crâne de ce dernier n'ayant, en moyenne, qu'un poids de. cinq livres et quar.. Les cornes des moutons ne se renouvellent pas d'une manière pértodique, et cependant beaucoup d'agriculteurs considèrent leur développement comme entrannant une perte sensible pour t'éteveu.. Les cerfs, qui ont à échapprr aux bêtes féroces, sont surchargés d'un poids additionnel qui doit gêner leur course et les retardrr considérablement dans les locaiités boisées. L'élan, par exemple, avec ses bois dont les extrémités sont distantes l'une de l'autre de cinq pieds et demi,, évite avec adresee de briser ou de toucher la moindee branche sèche quand il chemine tranquillement ; mais il ne peut faire de même s'il fuit devant une bande de loups. « Pendant sa course, il tient le nez en l'air pour que les cornes soient horizontalement dirigées en arrière, afin qu'il puisse voir distinctement le terrann». L Les pointes des bois du grand élan irtan-

fasc. x.i., p. 18, 1T79)) les canines atteignent quelquefois trois pouces de longueur, tandis que chez les femelles âgées on n'en trouve que des rudiments dépassant la gencive d'un demi-pouce à peine. . 33. Emerson ïennent, Ceylan, vol. II, p. 275, 1859; Owen, British Fossil

^nîchards^n', Fata Bor. Americana, sur l'élan, Alces palmata, p. 236,

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M8                      LA DESCENDANCE DE L'HOMMK           [IL Pabt™]

dais étaient à 8 pieds l'une de l'autre. Tant que le velours recouvee-les bois, ce qui dure environ douze semaines pour le cerf ordinaire, ces bois sont fort sensiblss aux coups : en Allemagne, les mâles, pendatt ce temps, changent jusquàà un certain point leurs habitdes; ils évitent les forêts touffues et habitent les jeunes bois et les halliers bas.. Ces faits nous rappellent que les oiseaux mates ont acquss des plumes décoratives par un vol ralenti, et d'autres décoraiions au prix d'une perte de force dans leurs luttes avec les mâles rivaux.

Chez les quadrupèd,s, lorsque les sexes diffèrent par la taille, ce qui arrive souven,, les mâles sont, presque toujours, les plus granss et les plus forts. M. Gould affirme que ce fait est absolu chez les Marsupiaxx australiens, dont les mâles semblent continurr leur croissance jusquàà un Age fort tardif. Le cas )e plus extraordinaire est celui d'un phoque (Callorhinus ursinus), dont la femelle adulte pèse moins de un sixième du poids du mâle adult~-. Le docteur Gili fait remarquer que, chez les phoquss mâles polygmes qui se livrent des combass furieux, les sexes diffèrent beaucoup au point de vue de la tallle; on n'observe pas ces différences chez les espèces monogam.es. On peut faire les mêmes remarques chez les baleinss relativement au rappott qui existe entre le caractère belliqueux des mâles et leur taille considérable comparativemtnt àcelle de la femelle. Les baleinss communes mâles ne se livrent pas de combass et ils ne sont pas plus grands que les femelles; d'autre par,, les mâles de la baleine franche combattent souvent les uns avec les autres et ils sont deux fois aussi gros que les femelles. La plus grande force du mâle se manifeste toujours, ainsi que Hunier l'a depuis longtemss remarqué", dans les parties du corps qui jouent un rôle dans les luttes entre mâles, - le cou massff du taurea,, par exemple. Les mammifères mâles sont plus courageux et plus beliiqueux que les femelles. Sans doute ces caractères sont dus en partie à la séleciion sexuelee mise en jeu par les victoires remportées par les mâles les plus' forts et les plus courageux, et en pariie aux effets héréditaires de l'usag.. Il est probable que les

237; et sur l'extension des cornes, Land and Water, p. 143,1869. Voy. Owen, Brit. Fou. Mammals, p. 447, 455, sur l'élan irlandais.

35.  Forât Creatures, parC. Boner, p. 60, 1861.

36.  Voy. le mémoire intéressant de M. J. A. Allen, dans Bull. Mus. CoMp. Zool. of Cambridge, United-States, vol. Il, n° 1, p.'s*. Un observateur soigneux, le Cap. Bryant, a vérifié les poids. Le docteur GUI, The Américain naturalisât. Janv. 187Î; le'prof. Shaier, s'ur la taille relative dès baleines mâles et femelles, Americainnaturalist, Janv. 1873.

T, Animal Economy.p. 4Ô.

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[Chapp XVIIJ CARACr. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES o67

modfiications successvves de force, de tallee et de courage (dues à ce qu'on appelle la variabilité spontanee ou aux effets de l'usage) et, dont l'accumulation a donné aux mammifères mâles ces qualités caractéristiques, ont appauu un peu tardivement dans la vie et ont, par conséquent, été limitées clans une grande mesure, dans leur transmission, au même sexe.

A ce point de vue, j'étais très désireux d'obtenrr des renseignements sur le lévrier courant écossais, dont les sexes diffèrent quant a la taille beaucoup plus que ceux. d'aucuee autre race (excepéé peut-être les limier)) ou d'aucune espèce canine sauvage que je connaisse. Je m'adressai en conséquence à M. Cupples, éleveur fort connu de ces chiens, qui, à ma demand,, en a pesé et mesuré un grand nombee et a recueilli avec beaucoup d'obligeance les faits suivants, en s'adressant de divers côtés. Les chiens mâles supérieur,, mesurés à l'épaule, ont vingt-huit pouces, hauteur minimum, mais plus ordinairement trente-trois et même trente-quatre pouce;; ils varient en poids entre 80 et 12.0 livre,, ou même davantage. Les femelles varient en hauteur de vingt-trois à vingt-sept ou ving--huit pouces; et, en poid,, de 50 à 70 ou 80 livres ». M. Cupples conclut à une moyenne assez exacte de 95 à 100 livres pour le mâle, et de 70 livres pour la femelle; mais certaines raisons font supposer qu'autrefois les deux sexes étaient plus pesants. M. Cupp)es a pesé des petits âgés d'une quinzaine de jours : dans une portée, le poids moyen de quatre mâles a dépaséé de six onces et demie celui de deux femell;s; une autre portée a donné moins d'une once pour l'excès de la moyenne du poids de quatre mâles sur une femelle; les mêmes mâles, à trois semaines, excédaient de sept onceset demie le.poids de la femelle, et à six semaines de quatorze onces environ. M. Wright, de Yelderseey House, dit dans une lettre adressée à M. Cupples : « J'ai pris des notes sur la taille et sur le poids des chiens d'un grand nombee de portées, et, d'après mes expériences, les deux sexes, en règle générale, diffèrent très peu jusquàà l'âge de cinq ou six mois: les mâles commencent alors à augmenter, et dépassent les chiennes en grosseur et en poids. A sa naissance et pendatt quelques semaine,, une chienne peut accidentellement être plus grosse qu'aucun des mâles, mais ceux-ci finissent invariablement par la dépasser. t M. Me Neill, de Colinsay,

38. Richardson, Manual of the Dog. p. 59. M. Me fleill a donné des rensei-

3e^c^sssrsruon de p"ail

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668                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PARTrB]

conclut que a les mâles n.'atteignntt leur croissance complète qu'à deux ans révolus, mais que les femelles y arrivent plus tôt. » D'après les remarques de M. Cupples, les mâles augmentent en taille jusquàà l'âge d'un an à dix-huit mois et en poids de dix-hutt mois à deux ans; tandss que. les femelles cessent de crottre en tallle de neuf à quatorze ou quinze mois, et en poids de douze à dix-hutt mois. Ces divers documents montrent ctairement que la dinërence complète de taille entre le mâle et la femelle du lévrier écossass n'est acquise qu'un peu tardivement clans la vie. Les mâles s'emploient presque seuls à la course, car, les femelle,, dit M. Me Neill, n'onnii assez de vigueur ni assez de poids pour forcer un cerf adulte. M. Cupples a prouvé d'après des noms relevés dans de vieilles légendes, qu'à une époque fort ancienn,, les mâles étaient déjà les

plus réputés, les chiennss n'é-^ -                                     tant mentionnées que comme

mère de chiens célèbres. En conséquence, pendant un grand nombee de générations, ce sont donc les mâles qui ont été princpalement éprouvss pouriaforce, pour la taille, pour la vitesse et pour le courag,, les meilleuss ayant été choisis pour la reproduciton. Comme les mâles n'ateignent leurs dimensions, complètes qu'un peu tardivement, ils ont dû tendre à transmettre leurs caractères à leurs descendants mâles seulemen,, conformément à la loi que nous avons souvent indiqué;; ce qui tend à expliqurr l'inégalité des tailles entre les deux sexes du lévrier d'Ecosse.

Quelques quadrupèdes mâles possèdent des organes ou des parties qui se développent uniquement pour qu'lls puissent se défendre contre les attaquss d'autres mâles. Quelques cerfs, comme nous l'avons vu, se servent principalement ou exclusivement, pour leur défense, des branchss supérieures de leurs bois; et t'antilopO Oryx, d'après M. Bartlelt, se défend fort habituellement à l'aide de ses longues cornes un peu recourbées, et qu'elle utiiise également pour l'attaque. Le même observateur remarque que les rhinocéros, quand ils se battent, parent les coups latéraux avec leurs corne,, qui heurtent fortement l'une contee l'autre comme les crocs des sangliers. Les sangliers sauvages se livrent des combass terrbbles, mais il y a raremnnt, dit Brehm, résultat mortel; les coups portent récipro-

Kiît. 6.->..- Têle de sanglier sauvage ordinaire dans la fleur de l'âge (d'après Brehm).

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES S69

quement sur les crocs eux-mêmes, ou sur cette couche cartilagineuse de la peau qui recouvee les épaules, et que les chasseurs allemanss appeleent ie bouclier. Nous avons )à une partie spéciaement modfiiée en vue de la défense. Chez les sangliers dans la force de t'age (/lg. 65), lescrocs de la mâchoire inférieuee servent à l'attaque; mais.Brehm constaee que, dans la vieillesse, les crocs se recourbent si fortement en dedans et en hau,, au-dessus du groin, quiils ne peuvent plus servir à cet usage. Ils continuent

Kig. 66.

Crâne de Babiroussa (Wallace, Maluy Archipelago).

cependatt à être uti)es, et même d'une manière plus efficace, comme moyens de défense. En compensation de la perle des crocs inférieuss comme armes offensives., ceux de la mâchoire supérieure, qui font toujouss un peu sailiie Iatéralement, augmentent si cons-dérablement de longueur avec l'Age et se recourbent si bien de-bas en haut qu'ils peuvent servrr d'armss offensives. Néanmonns, un vieux solitaire n'est pas si dangereux pour l'homme qu'un sanglier de six ou sept ans..

Chez le Babiroussa mâle adulte des Célèbes {flg. 66), les crocs inférieuss constituent, comme ceux du sanglier europénn lorsqu'il

39.Brehm,r^W^,If,p.729,732.

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S70                      LA DESCENDANCE DE L'HMMEE          [H" Partie]

est dans la force de l'âge, des armes formidables; mais les défenses supéreeures sont si allongée,, et la pointe, en est tellement enroulée en dedans (elle vient même quelquefois touchrr le front), qu'elles sont tout a fait inutiles comme moyen d'attaque. Ces défenses ressemblent beaucoup plus à des cornes qu'à des dents, et sont si visiblement impropres à rendee les services de ces dernière,, qu'on a autrefois supposé que l'animil reposatt sa tête en les accrochant à une branche d'arbre. Elles peuveni néanmoins, grâce a leur forme convexe bien prononcée, servir de garde contre les coups, lorsque la tête est un peu inclinée de côté; ces cornes sont en effet < généralement brisées chez les vieux individu,, comme si elles avaient servi au combat ~«. Nous trouvons donc là un cas curieux, celui des crocs supériuurs du Babiroussa acquérant régulièrement dans la force de l'âge une disposition qui, en apparence, ne les approprie qu'à la défense seule; tandis que, chez le sanglier européen, ce sont les crocs inférieuss opposés qui prennent, à un moindee degré, et seulement chez les individus très âgés, une forme à peu près analogu,, et ne peuvent servrr de même qu'à la défense.

Chez le PAacochoerus yElhiopicus (fig. 67), les crocs de la mâchoire supérieuee du mâle se recourbent de bas en hau,, quand il est dans la force de l'âge, et ces crocs, très pointus, constituent des armes offensives formidables. Les crocs de la mâchoire inférieuee sont plus tranchants, mais il ne semble pas possibl,, en raison de leur peu de longueu,, quills puissent servrr à l'attaque. Ils doivent toutefois fortfuer ceux de la mâchoire supéreeure, car ils sont disposss de manière à s'appliquer exactemeni contre leur base. Ni les uns ni les autres ne paraissent avoir été spécialement modi-Aés en vue de parer les coups, et pourtant, sans aucun doute, ils sont, jusquàà un certain poin,, armes défensive.. Le Phacochoerus n'est pas dépourvu d'autres dispositions protectrices spéciaees; il a, de chaque côté de la face, sous les yeux, un bourreett riglde quoique flexible, cartilagineux et oblong {flg. 67), faisant une sailiie de deux ou trois pouces; ces bourrelets, à ce qu'il nous a paru, à M.Bartlttt et à moi, en voyant l'animal vivant, se relèveraient, s'ils étaient pris en dessous par les crocs d'un antagoniete et prc* tégeraient ainsi très complètement les yeux un peu saillants. J'ajouterai, sur l'autorité de M. Bartlett, que, lorsque ces animaxx se batten,, ils se placent toujours directemen, en face l'un de l'autre.

Enfla le Po~omochoeruspenicellatus africain a, de chaque côté de

40. Voy. Wallace, the Malay Archipelago, vol. I, p. 435, 1869.

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[Cap. XVH] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 571

la face, sous les yeux, une protubérance cartllagineuse qui corres pond au bourrelet flexible du Phacochousus ; et, sur la mâchoin supérieure, au-dessus des narines, deux protubérances osseuses. Un sanglier de cette espèce ayant récemment pénétré dans la cage du Phacochoerus aux Zooiogicll Garden,, les deux animaux se battirent toute la nui,, et on les trouva le matin très épuisé,, mais sans b)cssure sérieuse. Fatt significatif et qui prouve que les excroissances et les protubérances que nous venons de décrire servent bien de moyen de défense ; ces parties étaient ensanglantées, lacérées et déchrrées d'une façon extraordinaire.

Bien que des membrss mâles de la famille porcine soient pourvus d'armss offensives et, comme nous venons de le voir, d'armss dé-

e

Fig. 67. - Phacochoerus sEthiopicus (Proc. Zool. Soc. ISG9).

(Je m'aperçois que ce dessnn représente la têee d'une femelle; elle peut servrr quelquefois

a indiquer, sur une échelle réduite, les caractères du mâle))

fensives, ces armes semblent avorr été acquises à une époque géologique comparativement récente LeDr Forsyth Major énumère" plusieuss espèces miocènes chez aucune desquelles les défenses ne paraissent avoir été très développées chez ]emâle; le professeur Rutimeyer a constaéé le même fait avec un certain étonnemens.

La crinière du lion constitue pour cet animal une excellenee défense contre le seul danger auxqul. il soit exposé, l'attaque de lions rivaux; car, ainsi que me l'apprend Sir A. Smith, les mâles se livrent des combass terrbbles, et un jeune lion n'ose pas approcher d'un vieux. En 1857, àBromwich, un tigre ayant pénétré dans la cage d'un lion, il s'ensuivit une lutte effroyabee : « le lion, grâce à

41. A Ui della Soc. Ilaliana Ai Se. NaL, 1873, vol. XV, fasc. IV.

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572                      LA DESCENDANCE DE L'MOMME           [Ile Pa„tie]

*sa crinière, n'eut le cou et la tête que peu endommagés; mais le tigre ayant enfin réussi à lui ouvrrr le ventr,, le lion expraa au bout de quelques minutes ». » La large colleretee qui entouee la gorge et le menton du lynx du Canada (Felis canadensis), est plus longue chez le mâle que chez la femelle, mais je ne sais pas si elle peut lui servrr comme moyen de défense. On sait que les phoquss mâles se livrent des combass acharnés, et les mâles de certaines espèces (Otaraa jubata) « ont de fortes crinières, qui sont fort réduites ou qui n'existent pas chez les femelles. Le babouin mâle du cap de Bonne-Espérance (Cynocephalus porcarius) a une crinière plus longue et des dents caninss plus fortes que la femelle; or, cette crinière doit servir de moyen de défense : j'avais demandé aux gardiens des Zoological Garden,, sans dire pourquoi, s'il y avatt des singes ayant l'habitude de s'attaquer spécialement par la nuque : ce n'étatt lecas pour aucun, le babouinen questinn excepté. Ehrenberg compaee la crinière de VHamadryas mâle adulte à celle d'un jeune lion, mais elle fait presque entièrement défaut chez les jeunes des deux sexes et chez la femelle.

Je croyass que l'énorme crinière laineuee du bison américain, qui touche presque le sol et qui est beaucoup plus développée chez le mâle que chez la femelle, devatt servir à protéger l'animll dans ses terriblss combats : un chasseur expérimenté a dit àJudgeCaton qu'll n'avait jamass rien observé qui confirmât cette opingon. L'étalon a une crinière beaucoup plus longue et beaucoup plus fournee que )a jument; or les rense.gnements que m'ont fournis deux grands éleveurs et dresseurs m'ont prouvé « que les étalons cherchntt invariablement à se saisir par le cou ». Il ne résulte cependatt pas de ce qui précède que la crinière se soit, dans l'origine, développée comme moyen de défense ; ceci n'est probabee que pourquelques animaux, et ainsi le lion. M. Me Neill m'apprend que les longs poils que porte au cou le cerf (Cervus e/epkas) constituent pour lui une véritable protection : c'est à la gorge que les chiens cherchent ordinarrement à le saisr;; il n'est cependatt pas probable que ces poils se soient spécialement développss'dans ce but, car les jeunes et les femelles partageraient ce moyen de défense.

Sur la ~référence ou le choix dans l'accouplement dont font preuve les mammifères des deux sexes. - Avant de décrire, ce que nous fe-

man' Q^^VVm^ ^ '^"Ïmô """^ ""' ÀUdubon ^^ ""S.' DocteufMuriï LToZTà, Protzœhoc:, p. 109, 1869. M. J. A. Allen, dans le travail cité ci-dessus (p. 75), doute que la garniture de poils, plus longue sur lecou chez le mâle que chez la femelle, mérite d'être appelée une crinière.

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[Chap. XVtf] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 573

rons dans le chapitre suivan,, les différences qui existent entre les. sexes dans la voix, l'odeur émise et l'ornementation, il est convenable d'examiner ici si les sexes exercent quelque choix dans leurs unions. La femelle a-t-elle des préférences pour un mâle particulier, avant ou après que les mâles se sont battus pour établir -leur supériorité; le mâle, lorsqu'il n'est pas polygam,, choisit-il une femelle particulière, D'après l'impression généraee des éleveur,, le mâle accepterait n'importe quelle femelle; ce fait, en raison de l'ardeur dont les mâles font preuve, doit être vrai dans la plupatt des cas. Mais il est beaucoup plus douteux, en règle générale, que les femelles acceptent indffféremment le premier mâle venu. Nous avons résumé dans le quatorzième chapitre, à propos des Oiseaux, un nombee considérable de preuvss directes et indirectes établissant que la femelle choistt son mâle; or, il seratt étrange que les femelles des mammifères, plus haut placées dans l'échelee de l'organisation des êtres, et douées plus heureusement sous le rappott de l'instinct, n'exerçassent pas fort souvent un choix quelconque. La femelle au moins peu,, dans la plupart des cas, échapprr au mâle qui la recherche, si ce mâle lui déplaît; et, quand elle est poursuivie par plusieuss mâles à la fois, comme cela arrive constamment, profiter de l'occasion que lui offrent les combats auquess ils se livrent entre eux, pour s'enfurr et s'accoupler avec quelque autee mâle. Sir Philip Egerton méprend qupon a souvent observé en Écosse que la femelle du cerf commun' agit ainsi. .

Il est difficile de savorr si, à l'état de nature, les mammifères femelles exercent un choix avant l'accouplement. Voici, cependant, quelquss détails fort curieux sur les habitudes que, dans ces circonstances, le Capt. Bryant a eu ample occasion d'observer chez un phoqu,, le Callorhinus Mrsinus» : « En arrivant à l'ile où elles veulent, dit-il, s'accoupler, un grand nombee de femelles parasssent vouloir retrouvrr un mâle particulier; elles grimpent sur les rochess extéreeurs pour voir au loin; puis, faisant un appe,, elles écoutent comme si elles s'attendaient à entendee une voix familière. Elles changent deplace, elles recommencent... Dès qu'une femelle atteint le rivage, le mâle le plus voisin va à sa rencontre en faisant entendre un brutt analogee à celui du gloussement de la poule entourée

A"5n'j! fjSi™BuU.ilui. Comp. Zool. Cambridge, U. S., vol. II, 1, 99.

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074                      LA DESCENDANCE DK L'HOMME            [Ile Pai.iik]

de ses poussins. Il la salue et la flatte jusquàà ce qu'il parvennee à se mettre entre elle et l'eau, de manière à l'empêcher de s'échapper. Alors il change de ton, et, avec un rude grognement, il la chasse vers son harem. Ceci continue jusquàà ce que la rangee inférieuee des harems soit presque remplie. Les mâles placés plus haut choisissent le moment où leurs voisins plus heureux ne sont pas sur leurs gardes, pour leur dérober quelques femelles. Ils les saisissent dans leur bouch,, et les soulèvent au-dessus des autres femelles; puis, les portant comme les chattes portent leurs petits, ils les placent dans leur propee harem. Ceux qui sont encore plus haut font de même jusqu'à ce que tout l'espaee soit occupé. Souvent deux mâles se disputent la possessinn d'une même femelle et, tous deux la saisissatt en même temps, la coupent en deux ou la déchrent horriblement avec leurs dents. Lorsque l'espace destiné à ses femelles est rempli, le vieux mâle en fait le tour pour inspecter sa famille; il gronde celles qui dérangent les autres, et expulse violemment les intru.. Cette surveillance est active et incessante. »

Nous savons si peu de chose sur la façon dont les animaux se courtssent à l'état de natuee que j'ai cherché à découvrir jusqu'à quel point nos quadrupèdes domestiques manifestent quelque choix dans leurs union.. Les chiens sont les animaux les plus favorables à ce genre d'observatio,s, parce qu'on s'en occupe avec beaucoup d'attention et qu'on les comprend bien. Beaucoup d'éteveuss ont sur ce point une opinion bien arrêtée. Voici les remarques de M. Mayhew : « Les femelles sont capabess de ressentir, de l'affection, et les tendres souvenirs ont autant de puissance sur elles que chez des animaux supérieurs. Les chiennss ne sont pas toujouss prudentes dans leur choix, et se donnent souvent à des roquess de basse extraction. Elevées avec un compagnnn d'aspett vulgaire, il peut survenrr entre eux un attachement profond que le temps ne peut détruire. La passio,, car c'en est réellement une, prend un caractère véritablement romanesque. , M. Mayhew, qui s'est surtout occupé des petites races, est convanncu que les femelles préfèrent beaucoup les mâles ayant une grande taille". Le célèbre vétérinaire B!aine" raconee qutune chienne de race inférieure, qui lui appartenait, s'étatt attachée à un épagneul, et une chienne d'arêt à un chien sans race, au point qu'aucune des deux ne voulut s'accoupler avec un chien de sa propee race avant que plusieuss semaines se fussent écoulée.. Deux exempess semblables très au-

46.  Dogs; Ikeir management, par E. Mayhew, M. K. C. V. S., 2° édit., p. 187-192.186t.

47.  Cité par Alex. AValker, On Intermarriage, p.276,1838. Voy.aussi page244.

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[Chap. XVII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMEFERES S75

thentiques m'ont été communiqués au sujet d'une chienne de chasse et d'une épagneule qui toutes deux s'étaentt éprises de chiens ter-

" Ï.Cupples me garantit l'exactitude du cas suivan,, bien plus remarquable encore : une chienne terrier de valeur et d'une rare intelligence s'étatt attachee à un chien de chasse appartenant à un voisin, au point qu'il fallait l'en-raîner de force pour l'en sépare.. Après en avoir été séparee définitivement, et bien qu'ayant souvent du lait dans ses mamelees, elle ne voulut jamass aucun autre chien, et, au grand regret de son propriétaire, ne porta jamais plus. M. Cupples a aussi constaéé qu'une chienne lévrier, actuellement (1868) chez lui, a porté tross fois, ayant chaque fois manffesté une préférence marquee pour le plusgrant et le plus beau, mais non le plus empressé, de quatre chiens de même race et à la fleur de l'âge, avec lesquess elle vivait. M. Cupples a observé que la chienne choistt ordinairement le chien avec lequel, elle est assocéee et qu'elle connatt ; sa sauvagerie et sa timidité la disposent à repouser d'abodd un chien étranger. Le mâle, au contraire, paratt plutôt préférer les femelles étrangères. Il est fort rare qu'un chien refuse une femelle quelconque; cependant M. Wright, de Yelderseey House, grand éleveur de chien,, m'apprend qu'il a observé quelques exemples de ce fait; il cite le cas d'un de ses lévreers de chasse écossais, qui refusa toujouss de s'occuprr d'une chienne dogue avec laquelle on voulait l'accoupler : on fut obligé de recourir à un autre lévrier. Il seratt inutlle de multiplier les exemples; j'ajouterai seulement que M. Barr, qui a élevé un grand nombre de limiers, a constaéé qu'à chaque instant certains individss particuliers de sexes opposés témoignent d'une préférence très décidée les uns pour les autre.. Enfin, M. Cupples, après s'être occupé de ce sujet pendant une nouvelle année, m'a dernièrement écrit : « J'ai vu se confirmrr complètement mon affirmation précédente, à savorr que les chiens témoignent, lorsqulil s'agtt de l'accouplement, des préférences marquées les uns pour les autre,, et se laissent souvent influencer par la taille, par la robe brillanee et par le caractère individue,, ainsi que par le degré de familiarité antérieure qui a existé entre eux. »

En ce qui concerne les chevau,, M. Blenkirô,, le plus grand éleveur de chevaux de courses qui soit au monde, m'apprend que les étalons sont souvent caprccieux dans leur choix; ils repoussent une jumen,, sans cause apparente, en veulent une autre : il faut avoir recouss à divers artifices pour les accoupler comme on le désire. On dut tromprr le célèbre Monarque pour l'accoupler avec la

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576                      LA DESCENDANCE DE L'HMMEE           [Ile Partie]

jument mère de Gladiateur. On comprend à peu près la raison qui rend si difficile dans leur choix les étalons de course. M. Blenkiron n'a jamais vu de jument refuser un cheval ; mais le cas s'est présenéé dans l'écuree de M. Wright, et il a fallu tromprr la jumen.. Pros-per Lucas conclut-, sur l'assertion de plusieuss savanss français, que « certanss étalons s'éprennent d'une jument et négligett toutes les autres ». -Il cite, en s'appuyant de l'autorité de Baëlen, des faits analogues sur les taureaux. M. H. Reaks affirmé qu'un fameux taureau, courtes cornes qui appartentit à son père refusa toujouss de salllir une vache noire. Hoffberg, décrivatt le renne domestique dela Laponie, dit : « Fœmina majorss etfortiorés mares prœ cœte-ris admttlunt, ad eos confugiunt, a juniribus agitatœ, qui hosin fu-gam conjiciutt ". » Un individu, éleveur de porcs, a constaté que les truies refusent souvent un verrat, et en acceptett immédiatement un autre.

Ces faits ne permettent pas de douter que la plupatt de nos quadrupèdss domestiques manffestent fréquemment de vives antipathies et des préférences individuelles, qui s'observent plus ordinairement chez les femelles que chez les mâles. Puisqu'il en est ains,, il est peu probabee qu'à l'état de nature les unions des mammifères soient abandonnées au hasard seul. 11 est a croire que les femelles sont attirées ou séduites par des mâles qui possèdent certains caractères à un plus haut degré; mais nous ne pouvons que rarement, sinon jamais, ' indiqurr avec certitude quels sont ces caractères.

CHAPITRE XVIII

CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES DES MAMMIFÈRES (SUITE)

Voix.-Particularités sexuelles remarquabtes chez les phoques. — Odeur. —

!le7a'Z"

sélection sexuelle. - Couleurs acquises à litre de protection.'- Couleurs, souvent dues à la sélection sexuelle, quoique communes aux deux sexes.-Sur la disparition des taches et des Les'chez les quadrupèdes aduUes.-Couleurs et ornements des Quadrumanes. - Résumé.

Les quadrupèdes se servent de leur voix pour satisfaire a des besoins divers; ils s'en servent pour s'indiquer mutuellement le dange~; ils s'en servent pour s'appeler entre eux : la mère, pour

48.   Traité de Crédité naturelle, vol. II, p. 296, 1850.

49.  Amœnilates Acad., vol. p. 168, 178S.

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[Chap. XVIII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 577

retrouvrr ses petits égarés, les petits, pour réclamer la protection de leur mère; ce sont là des faits sur lesquess nous n'avons pas besoin d'insister ici. Nous n'avons à nous occuper que de la différence entre la voix des deux sexes, entre celle du lion et celle de la lionne, entre celle du taureuu et celle de la vache, par exemple. Presque tous les animaux mâles se servent de leur voix pendant la saison du rut beaucoup plus qu'à toute autre époque; il y en a, comme la girafe et le porc-épcc ', qu'on dit absolument muets en dehors de cette saison. La gorge (c'est-à-dire le larynx et les corps thyroïdes)» grosssssant périodiquement au commencement de la saison du rut chez les cerfs, on pourrait en concluee que leur voix, alors puissante, a pour eux une hauee importance, mais cela est douteux. 11 résulte des informations que m'ont données deux observateuss expérimentés, M. Me Neill et Sir P. Egerton, que les jeunes cerfs au-dessous de trois ans ne mugissent pas; les autres ne commencent à le faire qu'au moment de la saison des amours, d'abodd accidentellement et 'avec-modération, pendant quilss errent sans relâche à la recherche des femelles. Ils préludent à leurs combats par des mugissements forts et prolongés, mais restent silencieux pendant la lutte elle-mêm.. Tous les animaux qui se servent habituellement de leur voix, émettent divers bruits sous l'influenee d'une émotion, ainsi lorsqu'ils sont irrités ou se préparent à la batallle : c'est peut-être le résultat d'une excitation nerveuee déterminant la contraction spasmodique des muscles; de même l'homme grince des dents et ferme les poings dans un vif état d'irritation ou de souffrance. Les cerfs se provoquent sans doute au combat mortel en beuglant; mais les cerfs à la voix la plus forte, à moins d'être en même temps les plus puissants, les mieux armés et les plus courageux, n'auraient aucun avantage sur leurs concurrents à voix plus faible.

Le rugissement du lion a peut-être quelque utilité réelle en ce qu'il frappe ses adversaires de terreu;; car lorsqulil est irrité il hérisee sa crinière et cherche instinctivement à paraître aussi terrible que possible. Mais on ne peut guère supposer que le bramement du cerf, en admettant même quelque utiltté de ce genre, ait assez d'importance pour avoir déterminé l'élargissement périodque de la gorge. Quelques auteuss ont pensé que le bramement servatt d'appll pour les femelles; mais les observateurs expér-mentéscités plus haut m'ont affirmé que les femelles ne recherchent point tes. mâles, bien que ceux-ci soient ardenss à la poursuite des

1Oven, Anal. ofVerteb-ate., W, p. SB* 2. Ibh p. 595.

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Ï578                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

femelles, ce qui ne nous surprend pas, d'après ce que nous savons des autres quadrupèdes mâles. La voix de la femelle, d'autre par,, lui amène promptement deux ou trois cerfs', ce que savent bien les chasseuss qui, dans les pays sauvages, imitent son cri. Si le voix du mâle exerçatt quelque influence sur la femelle, on pourrait expliqurr l'élargissemtnt périodique de ses organss vocaux par l'intervention de la sélection sexuell,, jointe à l'hérédité limttée au même sexe et à la même saison de l'année; mais rien ne nous la fait supposer, et il ne nous semble pas que la voix puissante du cerf mâle pendant la saison des amouss ait pour lui une utiltté spéciale, soit pour la cour qu'il fait aux femelle,, soit pour ses combats, soit pour tout autre objet. Mais l'usage fréquent de la voix, dans l'emportement de l'amou,, de )a jalousie et de la colère, usage continué pendant de nombreuses générations, n'a-t-il pas, à la longue, détermnéé sur les organes vocaux du cerf, comme chez d'autres animaxx mâles, un effet héréditaire? Dans l'état actuel de nos connasssances, c'est l'explication )aplus probable.

Le gorille mâle a une voix effrayante; il possède à l'état adutte un sac laryngien, qu'on trouve chez l'orang mâle*. Les gibbons comptent parmi les singes les plus bruyants, et l'espèce du Sumatr^Hylobalessyndactylus) est aussi pourvue d'un sac laryngien; mais M. Blyth, qui a eu l'occasinn d'étudier la nature et les mœurs des individus de cette espèce, ne croit pas que le mâle soit plus bruyant que la femelle. Ces singes se servent donc probablement de leur voix pour s'appeler, comme font quelquss quadrupèdes, le castor par exemple l. Un autre gibbon, le //. agilis, est fort remarquable en ce qu'il possède la facult, d'émettre la série complète et correcte d'une octave de notes musicales \ faculté à laquelle on peut raisonnablement attribuer une séduction sexuelle, mais j'aurai à revenrr sur ce sujet dans le chapitre suivan.. Les organss vocaux duMycetes caraya d'Amérique sont, chez le mâle, plus grands d'un tiers que chez la femelle, et d'une puissance étonnante. Lorsque le temps est chaud, ces singes font retentir maiin et soir les forêss du brutt étourdissant de leur voix. Les mâles commencent le concer,, les femelles s'y joignent quelquefois avec leur voix moins sonore,et ce concett se prolonge pendant des heure.. Un excellent observateur, Rengge\', n'a pu reconnaître la

3.  Major W. Boss King (The sporlsman in Canada, 1866, p. 53, 131), sur les mœurs de l'Élan et du Renne sauvage.

4.  Owen,o. c, vol. III, p. 600.

5.  M. Green, Journal of Linn. Soc, X. Zoology, 1869, p. 362.

6.  C. L. Martin, GeKeralIntrod. to Nat. Hist.of Mamm. Animais,184I,p.431.

7.  Naturg. der Saugeth. von Paraguay, 1830, p. 15, 21.

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[Chap. XVIII] CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES 879

cause de tant de bruit; il croit que ces singes, comme beaucoup d'oiseau,, se délectent à l'audition de leur propee musiqu,, et cherchent à se surpasser les tins les autre.. Ont-ils acquis leur voix puissante pour éclipser leurs rivaux et séduire les femelles, - ou leurs organss vocaux se sont-lls augmentés et fortifiéspar les effets héréditairesd'unusagelongtemsscontinuésansavantage spécial obtenu, - c'est ce que je ne prépenss point décide;; mais la première opinion paratt la plus probable, au moins pour VHylobates agita. Je mentionnerai ici deux particularités sexuelles fort curieuses, qui se rencontrent chez les phoques, parce que quelquss auteuss ont supposé qu'ellss doivent affecter la voix. Le nez du phoque à trompe (3facrorhinusproboscideus)mMe, âgé de trois ans, s'allonee beaucopp pendant la saison des amours; cette trompe peut alors ' se redresser, et atteint souvent une longueur d'un pied. La femelle ne présenee jamass de disposition de ce genr,, et sa voix est diffé- ' rente. Celle du mâle consiste en un brutt rauqu,, gargouillant, qui s'entend à une grande distance, et on croit que la trompe tend à l'augmenter. Lesson compaee l'érection de cette trompe au gonflement dont les caroncules des gallinacés mâles sont le siège quand ils courtssent les femelles. Dans une autre espèce voisine, le phoque à capuchnn (Cys<opAora cristata), ta tète est couveree d'une sorte de chaperon ou de vessie, qui, intérieurement supportée par la cloison du nez, se prolonge en arrière et s'élève en une crête de sept pouces de hauteur. Le capuchnn est revêtu de poils courts, il est musculeux, et peut se gonfler de manière à dépasser la grosseur de la tête! Lors du rut, les mâles se battent sur la glace comme des enragés en poussant des rugsssements si forts « qu'oi les entend à quatre milles de distanee ». Lorsqu'ils sont attaqués ils rugsssent égalemen,, et gonflent leur vessie toutes les fois qu'o. les irrite. Quelques naturalistes croient que cette conformation extraordinaire, à laquelle on a assigné encore divers autres usages, sert principalement à augmenter la puissance de leur voix. M. R. Brown pense qu'elle sert de protection contre tes accidents de tous genres. Cette manière de voir me semble peu fondée, car M. Lamon,, qui a tué plus de 600 de ces animau,, affirme que le capuchon ou la vessie reste à l'état rudimentaire chez les femelles et n'est pas développé chez les mâles encore jeunes».

8. Voy. sur l'Éléphant marin (Phoca proboscidea) un article de Lesson, DM. Class. Hist. Nat. XIII, p. 418. Sur le Cystophora ou Stemmatopus, Docteur Dekay, Ann. of Lyceum of Na.. His.. New-York, vol. I, p. 94,1824. Pennant a ausii recueilli de la bouche des pêcheurs de phoques des renseignements sur cet animal. La description la plus complète est celle de M. Brow,, Proc. Zoo.. Soc. 1868, p. 435.

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Odeur. - Chez quelques animau,, tels que la célèbre'mouffette d'Amérique, l'odeur infecte qu'ils émettent paratt constituer exclusivement un moyen de défense. Chez les Musaraignes (Sorex), les deux sexes possèdent des glandes abdominales odorantes, et, à voir comme les oiseaux et bêtes de proie rejettent leurs cadavres, il n'y a aucun doute que cette odeur ne leur soit un moyen de proteciion; cependant ces glandes grosssssent chez les mâles pendanla saison des amours. Chez beaucoup d'autres quadrupèdes, les glandss ont les mêmes dimensions chez les deux sexes », mais leur usage est inconnu. Chez d'autres encore, elles sont, ou réservées aux mâles, ou plus développées chez eux que chez les femelles, et augmentent presque toujouss d'activité pendant la saison du ru.. A cette époque, les glandes qui occupent les côtés de la face de l'éléphant mâle grossissent et émettent une sécrétion exhalant une forte s odeur de musc. Les mâles et plus rarement les femelles de plusieuss espèces de chauves-souris portent des glandes externes sur plusieurs parties du corps ; on crott que ces glandss sont odorfférantes. L'odeur rance du bouc est bien connue, et celle de certaiss cerfs mâles est singulièrement forte et perssstante. Sur les rives de la Plata j'ai pu sentir l'air tout imprégéi de l'odeur du Cervus cam-peslris mâle, à la distanee d'un demi-mille sous le vent d'un troupeau; et un foulard dans lequel j'avais remporté une peau à domiclle a conservé pendant un an et sept mois, bien qu'il servît beaucoup et fût souvent lavé., les traces de cette odeur qui s'en exhalait quand on le déployait, Cet animal n'émet pas une forte odeur avant t'age d'un an, il n'en a jamass si on le châtre jeune'». Outre l'odeur générale qui, pendant la saison des amours, paraît imprégnrr le corps entier de certains ruminan,s, le Bos Mos-chelus par exemple, beaucoup de cerfs, d'antilopes, de moutons et de chèvrss sonl pourvus de glandes odoriférantes placées sur divers poinss du corps et plus spécialement sur la face. On range dans cette catégorie les larmiers ou cavités sous-orbitaires. Ces glandes sécrètent une matière fétide, semi-liquide, quelquefois en assez grande abondance pour enduire la face entière, ce que j'ai observé chez une antllop.. Elles sont \ ordinairement plus grosses

9. Pour le castoreum du caste, voir rintéressant ouvrage de L. H. Morgan, The American Beaver, 1868, p. 300. Pallas (Spic. Zoolog. fasc. vm, p. 23, 1779) a discuté avec soin les glandes odorantes des mammifères. Owen (Anal. of Vertebrales, III. p. 634) donne aussi une description de ses glandes, comprenant celles de l'éléphant et de la musaraigne (p. 763). Sur les Chauves-Souris, M. Dobson, Proc. Zool. Soc. 1878, p, 241

10.  Rengger, Nalurg. d. Saugeth, etc.,'p. 355, 1830. Cet observateur donne quelques détails curieux sur l'odeur émise.

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chez les mâles que chez les femelles, et la castration empêche leur développement" ». Elles font complètement défau,, d'après Desmarest, chez la femelle de Y Antilope subgutturosa. Il ne peut donc y avoir de doute que les glandes odorantes ne soient en rapport intime avecess fonciions reproductrices. Elles sont quelquefois présentes et quelquefois absentes chez des formes voisine.. Chez le cerf musqué (Moschus moschiférus) mâle adulte, un espace dénudé autour de la queue est enduit d'un liquide odoran,, tandss que, chez la femelle adulte et chez le mâle au-dessous de deux ans, cet espace est couvert de poils et n'émet aucune odeur. Le sac du musc proprement dit est, par sa situation, nécessairement limité au mâle, et constitue un organe odorant suppéémentaire. La substance que sécrète cette dernière glande offre ceci de singulier que, d'après Pallas, elle ne changejamass de consistance et n'augmen,e pas en quantité à l'époque du rut ; ce naturaliste, tout en admettant que sa présenee se rattache à l'acee reproducteur, n'explique son usage que d'une manière conjecturale et peu satisfaisante ».

Dans )a plupatt des cas, il est probabee que, dans la saison du rut, torsque le mâle seul émet une forte odeur, celle-ci doit servrr à exciter et à attrrer la femelle. Notre goût ne nous constitue pas juge compétett sur ce point, car on sait que les rats sont alléchés par l'odeur de certaines huiles essentielles, et les chats par ta valériane, substances qui, pour nous, ne sont rien moins qu'agréables ; les chiens, bien qu'ils ne mangent pas les charognes, aiment à les sentir et à se rouler dessus. Les raisons que nous avons données en discutant la voix du cerf doivent aussi nous faire repousser l'idée que l'odeur des mâles sert à attirrr de loin les femelles. Un usage actif et continu n'a pu ici entrer en jeu, comme dans le cas des organes vocaux. L'odeur émise doit avoir une grande impotance pour le mâle, d'autant plus que, dans quelquss cas, il s'est développé des glandes considérables et complexes, pourvues de muscles qui permettent de retrousser le sac, d'en ouvrrr et d'en fermer l'orfiice. La sélection sexuelle explique le développement de ces organes, si l'on admet que les mâles les plus odorants sont-ceux qui réussissent le mieux auprès des femelles et ceux qui produisent par conséquent plus de descendan,s, héritiers de leurs odeurs et de leurs glandss graduellement perfectionnées.

11. Owen, o. c, III, p. 632. Docteur Mûrie, observations sur leurs glandes, Proc. Zool. Soc, p. 350, 1870. Desmarest, sur VAnUlopes subgutturosa; Mam-

^^IfcS. ***,„., fasc. x,„, p. 24,1799; Desmoulins, Dict. class.

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Développement du poil. - Nous avons vu que les quadrupèdes mâles ont souvent le poil du cou et des épaules beaucoup plus développé qu'il ne l'est chez les femelles, et nous pourrions citer grand nombee d'autres exemples. Bien que cette disposition soit quelquefois utile au mâle, comme moyen de défense dans ses batailles, il est fort douteux que le poil se soit toujouss spécialement développé dans ce but. Ainsi, lorsque ces poils ne forment qu'une crête mince, sur la ligne médiane du dos, ils ne peuvent servrr de protection, et le dos n'est pas d'allleuss un point exposé; néanmoins, ces crêtes ne se trouvent guère que chez les mâ)es, et quand elles existent dans les deux sexes, elles sont toujouss beaucoup moins développées chez les femelles. Deux espèces d'antilpes, les Tragelaphus scriptus » (/lg. 70, p. 325) et les Porlax picla, en offrent des exempees. Les crêtes de certaiss cerfs et du bouc sauvage se redressent lorsque ces animaux sont irrités ou effrayés-; mais on ne peut supposrr qu'elles aient été acquises dans le but d'effrayrr leurs ennemis. Une des antllopss précitées, le Portax picta, porte sur )a gorge unetouffe bien marquee de poils noirs, touffe beaucoup plus grande chez le mâle que chez la femelle. Chez un individu de la famllle des mouton,, ÏAmmotragus tragelaphus de l'Afrique du Nord, les membres antérieurs se trouvent presque cachés par une croissanee extraordinaire de poils partant du cou et de la moitié supérieure des membre;; mais M. Bartlett ne croit pas que ce manteau ait aucune utilité pour le mâl,, chez lequel il est beaucoup plus développé que chez la femelle.

Beaucoup de quaduupèdes mâles d'espècss diverses diffèrent des femelles en ce qu'ils ont plus de poils, ou des poils d'un caractère différen,, sur certaines parties de la face. Le taureau seul porte des poils frisés sur le front ». Chez trois sous-genres très voisins de la famille des chèvre,, les mâles seuls ont une barbe, quelquefois très grand;; chez deux autres sous-gnnres elle existe chez, les deux sexes, mais disparaît chez quelques-unes des races domestiques de la chèvee commun;; chez VHémilragus, aucun des deux sexes n'a de barbe. Chez le Bouqueti,, la barbe ne se développe pas en été, et elle est assez courte dans les autres saisons pour qu'on puisse l'appeler rudimnntaire ». Chez quelquss singe,, )a barbe est restrennte au mâle, comme chez l'oran,, ou elle est beau-

13. Docteur Gray, Gleanings from Ménager~e al Knowsley, pl. XXVIII.

. 15. Hunter's Essays and Observations, edited by Owen, 1861, vol. I, p. 236. 16. Docteur Gray, Cat. of Mammalia in Brit. Mus., III,'p. 144, 1852..

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[Chap. XVIII]

DEVELOPPEMENT DU POIL

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coup plus développée chez lui que chez la femelle, comme chez les Mycetes caraaa et les Pithecia satanas (ftg. 68). Il en est de même des favorss de quelquss espèces de macaques- et, comme nous

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l'avons vu, des crinières de quelquss babouins. Mais chez )a plupart des singes les diverses touffes de poils de la face et de la tête sont identiquss chez les deux sexes. Les divers membres mâles de la famllee bovine (Bovidœ) et de

17. Rengger, o. o, p. 14. Desmarest, Mammalogie, p. 66.

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certaines antllopss ont un fanon, ou fort repli de la peau du cou, qui est beaucoup moins développé chez les femelles.

Or, que devons-nous concluee relativement à des différences sexueless de ce genre? Personee ne prétendra que la barbe de certains boucs, le fanon du taureau, ou tes crêtes de poils qui garnissent la ligne du dos de certaines antilopss mâles, aient une utilité direcee ou habituelle pour eux. Il est possible que l'énorme barbe du Pithecia mâle, ou celle de l'Orang mâle, puisse servrr à leur protégrr le cou lorsqu'ils se battent, car les gardenss des Zoological Gardens m'assurent que beaucoup de singes essayent de se blesser à )a gorge; mais il n'est pas probabee que la barbe se soit déve~pppée pour un autre usage que les favoris, les mousaches et les diverses touffes de poils; or, ils ne sont pas utiles au point de vue de la protection. Devons-nous attrbbuer à une variabilité provenant du simpte hasadd tous ces appendices de la peau, et les poils qui se trouvent chez les mâle?? On ne peut nier que cela soit possible; car, chez beaucoup de quadrupèdes domestiques, certains caractères qui neparaiesent pas provenir d'un retour vers une forme parenee sauvag,, ont appauu chez les mâles et les ont seuls affectés, ou au moins se sont développés beaucoup plus chez eux que chez les femelles - par exemple" la bosse du zébu mâle de l'Inde, la queue chez les béliers de la race à queue grasse, la forte courbuee du front des mâles dans plusieuss races de moutons, et enfin la crinière, les longs poils sur les jambss de derrière elle fanon, qui caractérisent le bouc seul de la race de Berbura».-La crinière, chez le bélier d'une race africaine, constitue un véritable caractère sexuel secondaire, car, d'après M. Winwood Reade, ' elle ne se développe pas chez les mâles ayant subi )a castration: J'ai démontré dans mon ouvrage sur la Variation que nous devons être fort prudnnts avant de "contre qu'un caractère quelconque, même chez les animaux domestiques de peupess à demi civilisé,, n'est pas le résultat d'une sélection faite par l'homme et augmentée par lui; mais il est peu probable que tel soit !e cas dans les exemples que nous venons de citer, car ces caractères se présentent uni-quement chez les mâles ou sont plus développss chez eux que chez les femelles. Si nous savions d'une manière certaine que le bélier africain, avec sa crinière, descend.de la même souche primitive que les autres races de mouton,, ou le bouc de Berbura, avec sa cri-

1S. Voy. les chapitres concernant ces animaux dans mes Variations, etc., vol. I. Dans le vol. If, p. 73, aussi le chap.xx sur la sélection pratiquée par les peuples à demi civilisés. Pour la chèvre Berbura, docteur Gray, CataL, etc.,

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nière, son fanon, etc,, de la même souche que les autres races de chèvres, et que ces caractères n'ont pas subi l'action de la sélection-artificielle, nous dirions qu'ils sont dus à une simple variabilité, jointe à l'hérédité limitée à l'un des sexes.

Ilparait donc raisonnable d'appliquer la même expiication aux nombreux caractères analogues que présentent les animaux à l'état Me nature; cependant je ne puis croire qu'elle soit applicable dans beaucoup de cas, tel que le développement extraordinaire des poils sur la gorge et sur les membres antérieurs de Y Ammotragus mâle, ou de l'énorme barbe du Pithecia mâle. Les études naturelles qu'il m'a été donné de faire m'autorisent à penser que les parties ou les organss très développss ont été acquss à une période quelconque dans un but spécial. Chez les antllopes, où le mâle adulte est plus fortement coloré que la femelle, et chez les singes ou les poils du visage sont disposés de la façon la plus étéganee et affectent plusieuss couleurs, il semble probabee que les crêtes et touffes de poils ont été acquises dans un but d'ornementati,n, opinion que partagent quelquss naturalistes. Si cette opinion est fondée, on ne peut douter que ces ornements ne soient dus à l'intervention de la sélection sexuelle, ou au moins qu'lls n'aient été modifiés par elle; mais cette explication peut-elee s'appliquer àd'autres mammifèrer" C'est là un point au moins douteux.

Couleur dupoll et de la peau nue. - J'indiquerai d'abodd briève-vement tous les cas de coloration différenee entre quadrupèdes mâles et femelles, qui sont venus à ma connasssance. D'après M. Gould, les sexes ne diffèrent que rarement sous ce rappott chez les Marsupiaux; mais le grand kangourou rouge fait une exception rema-quable, < unbleu tendee chez la femelle étant la teinte dominanee des parties qui sont rouges chez le mâle- ». La femelle du Dide--phis opossum, de Cayenn,, est un peu plus rouge que le mâle. Le docteur Gray -dit,auu sujet des Rongeuss : < Les écureuils africains, surtout ceux des régions tropccales, ont une-fourrure de couleur plus claire et plus brillanee à certannes saisons de l'année, et celle des mâles revêt généralement des teintes plus vives que celles des femelles». » Le docteur Gray m'apprend qu'il a cité les écureuils africains, parce que la différence est plus apparente chez eux, en raison de la vivacité extraordinaire de leurs couleurs. La femelle

19. Osphranler Rufus, Gould. Mammals of Australie II, 1863. Sur le Dutel-

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Desmarest,o. c.,p.304.

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du Mus minutus, de Russie, a des tons plus pâles et plus laids que ie mâle. Chez beaucoup de Chauves-souris, la fourruee du mâle est plus claire et plus brillanee que celle de la femelle.. M. Dobson fait aussi remarquer par rapport à ces animaux : « Les différences provenant en partie ou en totalité de la possession par le mâle d'une fourruee affectant des teintes beaucoup plus brillantes ou remarquables par différentes tachss ou par la plus grande longueur de certaines parties se rencontrent seulement chez les chauves-souris frugivores qui ont le sens de la vue bien développé. » Cette dernière remarque mértte toute notre attention, car elle port* sur la question de savorr si les couleuss brillantes sont avanta . geuses pour les animaxx mâles en ce qu'eless constituent de simples ornements. On sait aujourd'hui, comme l'a constaté le docteur Gray, que les mâles d'un certain genre de paresseux « ont des ornements différenss de ceux des femelles, c'est-àddire qu'ils portent entre les épaules une touffe de poils courts et doux ordinairement de couleur orange et chez une espèce d'une couleur blanch.. Les femelles ne possèdnnt pas cette touffeD.

Les carnivores et les insectivores terrestres ne présentent que peu de différences sexuelees, et leurs couleuss sont presque toujours les mêmes dans les deux sexes. L'ocelot (Felis pardalis) fait toutefois exceptio,, car les couleuss de la femelle, sont < moins apparentes, le fauve étant plus terne, le blanc moins pur, les raies ayant moins de iargeur et les tachss présentant un plus pettt diamètre» D. Les sexes de l'espèce voisine, F. milis, diffèrent auss,, mais a un degré moindre, les tons généraxx de femelle étant plus pâles et les taches moins noire.. Les carnivores marins, ou phoques, au contraire, diffèrent considérablement par la couleu,, et offren,, comme nous l'avons déjà vu, d'autres différences sexuelles remaquables. Ainsi, VOtarianigrescens eile de l'hémisphère méridionll présenee sur la surface supérieure de son corps de riches teintes brunes, tandss que la femelle, qui revêt beaucoup plus tôt sa coloration, est en dessus gris foncé, et les jeunes des deux sexes couleur chocolat intense. Le Phoca groenlandica mâle èst gris fauve et porte sur ie dos une tache foncée qui affecte la forme curieuse d'une selle; la femelle, plus petite, offre un aspect tout différen,, car elle est « blanc sale ou couleur jaune pallle, avec une teinee fauve sur le dos.; les jeunss sont d'abodd blanc pur, et dans cet état peuvent

21.  J. A. Allen, Bull. Mus. Comp. Zool. of Cambridge, United States, p. 207, 1869, M. Dobson, sur les caractères sexuels des Chiroptères, Proc. Zool. Soc. 1873, p. 241. D' Gray, sur les Paresseux, Ibid, 1871, p. 436.

22. Desmarest, o.c, p. 220,1820. Sur le Felis nvilis, Rengger, o. c., p. 194.

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[Chap. XVIII] COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE            587

à peine se distinguer de la neige et des blocs de glace ; la couleur de leur robe leur sert ainsi de moyen de protection» ».

Les différences sexueless de coloration sont plus fréquentes chez les ruminants que dans les autres ordre.. Elles sont générales chez les antllopss à cornes tordues; ainsi Ienilghau mâle (Porter picto) est gris bleu bien plus foncé que la.femelle; il porte, en outre, beaucoup plus distinctes, la tache carrée blanche dela gorge, les taches également blanchss des fanons, et les taches noires des oreilles. Nous avons vu que, chez cette espèce, les crêtes et les touffes de poils sont également plus développées chez le mâle que chez la femelle sans cornes. Le mâle, m'apprend M. Blyth, revêt périodquement des teintes plus foncées pendant la saison des amours, sans cependatt que son poil se renouvelle. On ne peut distinguer le sexe des jeunes avant l'âge d'un an, et si on châtee le mâle avant cette époque il ne change jamass de couleu.. L'importance de ce dernier fait, comme preuve absolue de la coloration sexuelle, devient évidenee lorsque nous apprenons» que, chez le cerf de Virginie, ni le pelage d'été, qui est roux, ni celui d'hive,, qui est bleu, ne sont affectés par la castration. Dans toutes les espèces très ornées du Tragelaphus, ou dans presque toutes, les mâles sons plus foncés que les femelles sans cornes, et leurs touffes de poils sont plus développées. Chez cette magnifique antilop,, VOreas derbianus, le corps est plus rouge, tout le cou beaucopp plus noir, et la bande blanche qui sépaee ces deux couleuss beaucoup plus large chez le mâle que chez la femelle. Chez l'Elan du Gap (Oreas eanna) te mâle est légèrement plus foncé que la femelle».

Chez une antllope indienne (A. bezoartica), appartenant à une autee tribu de ce group,, le mâle est très foncé, presque noir; la femelle sans cornes est fauve. On observe chez cette espèce, m'apprend M. Blyth, une série de faits exactement semblables à ceux du Porlax picta, à savorr un changement périodique dans la coloration du mâle, pendant la saison des amours. La castration a les mêmes effets sur ce changement, et le pelage des jeunes des deux sexes est ideniiqu.. Chez VAntilope niger, le mâle est noir, la fe-

23. Docteur Mûrie, sur VOturia, Proc. Zool. Soc, p. 108, 1869. M. R. Brown,

pZ^tsï^S^P41^,^aussi sur la couleur des

£ LST^SttJÏZSS. ^i. !„, , 134,2, 1852; et nombreuses dans les jardins de la Zoological Society.

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melle et ]esjeunes sont de couleur brune; chez VA. sing-sing, la coloration du mâle est beaucopp, plus vive que celle de la femelle sans cornes, et son poitrall et son abdomen sont plus noirs; chez VA. caama mâ)e, les lignes et les taches des divers poinss du corps sont noires, elles sont brunes chez la. femelle; chez le gnou zébré (A. gorgon), les couleuss du mâle sont presque les mêmes que celles de la femelle, elles sont seulement plus intense,, et plus brillantes»». Je pourrais citer d'autres exemples analogues.

Le taureauBenteng (Bas sondaicus), del'archipel Malais, estpres-que noir avec les jambss et les fesses blanches; la vache est couleur fauve cjair, comme le sont les jeunes mâles jusquàà tross ans, Age où ils changent rapidement de couleu.. Le taureuu châtré revêt la coloratinn de la femelle. On remarque, comparées à leurs mâles respectifs, un ton plus pâle chez la chèvre Kemas, et une teinte plus uniforme chez la femelle du Capra œ~agrus. Les différencss sexuelles de coloration sont rares chez les cerfs. Judge Caton m'apprend cependatt que, chez les mâles du cerf Wapiti (CervusCana-clensis,, le cou, le venrre et les membres sont plus foncés que chez les femelles, mais que ces nuances disparaissent peu à peu pendant l'hive.. Je mentionnerai ici que Judge Caton possède dans son parc trois races du cerf de la Virgini,, qui présentent dans leur coloration de légères différence,, différencss portant presque exclusivement sur le pelage bleu de l'hiver ou celui de la saison des ' amours; ce cas peut donc être compaéé à ceux déjà cités dans un chapitre précédent, et relatifs à des espèces voisines ou représentatives d'oiseaxx qui ne diffèrent entre eux que par leur plumage nuptial». Les femelles du Cerms paludosus de l'Amérique du Sud, et lesjeunes des deux sexes, n'ont pas sur le poitrail et sur les naseaux les raies noires et la ligne brun noirâtre qui caractérisent les mâles adultes». Enfin le cerf axis mâle adulte, si magnifiquement coloré et tacheté, est, à ce que m'apprend M. Blyth, beaucoup plus foncé que la femelle; il n'arrivejamaisà cette nuance lorsqu'il a subi la castration. Le dernier ordee que nous ayons à considérer est celui des Prise. Sur VAn, niger, Proc. Zool. Soc,., 1850, p. 133. Sur une espèce voisine . présentant une semblable différence sexuelle de couleur, Sir S. Baker, The Albert Nyanza. I!, p. 327, 1866. Pour VA. sing-sing, Gray, Cal. Brit. Mus., p. 100. Desmarest, Mammalogie, p. 46S, sur VA. caama, Andrew Smith, Zool.

ofl O^ZÏ!fËienceS, p. 3, 5, Mai 1868

2S. S. Mûller, sur le Banteng, Zoo<. d. Indischen Archipel., 1839, p. 44, tab. XXXV. Raffles, cite par M. Blyth, dans Land and Waler, p. 476,1867. Sur

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[Chap. XVIII] COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE            589

mates. LeZemurmacoco mâle est noir de jais; la femelle est jaune rougeàtre, mais de nuance très variable». Parmi les quadrumanes du nouveau monde, les femelles et les jeunes duMicetes caraaa sont jaune grisâtre et semblables; !esjeunes mâles deviennent brun rougeàtre pendant la seconde année, et noirs pendant la troisièm,, à l'exception du poitrail, qui finit toutefoss par devenir entièrement noir pendant la quatrième ou la cinquième année. Il y a aussi une différence marquee entre les couleurs des sexes chez les Myce<es seniculus et chez les Cebus capucinus; les jeunes de )a première, et, à ce que je crois, ceux de la seconde espèce, ressemblent aux femelles. Chez le Pithecia ~eMcocephala, les jeunss ressemblent à ta femelle, qui est noir brunâtre en dessus, et en dessous d'une teinte rouille claire; les mâles adultes sont noirs. Le collier de poils qui entouee le visage de VAteles marginal est jaunâtre chez le mâle et blanc chez la femelle. Dans l'ancien monde, les Hylobates hoo-colk mâles sont toujouss noirs, une raie blanche sur les sourcils exceptée; les femelles varient d'un brun blanchâtre à une teinte foncée mêlée de noir, mais ne sontjamais entièrement noires ". Chez le beau CercopMecusdiana,U tète du mâle adulte est noirintense, celle de la femelle est gris foncé ; chez le premier; le pelage entre les deux cuisses est d'une éléganee couleur fauve, plus pâle chez . ia dernière. Chez le magnifique et curieux singe à moustaches (Cercopithecus cephus,, il n'y a différence pour la couleur du pelage des deux sexes que dans la queue, qui est châtain chez les mâles et grise chez les femelles; mais je tiens de M. Bartlett que toutes les nuances bien prononcées chez le mâle adulte restent pour les femelles ce qu'eless étaient dans le jeune âge. D'après les figures coloriées exécutées par Salomon Millier, te Semnopithecus chryso-melas mâle est presque noir, la femelle est brun pâle. Chez les Cer-copithecus cynosurus et grise6-viridis, les organes génitauxdu mâle sont vert ou bleu brillant et contrastent d'une manière frappante avec la peau nue de la partie postérieure du corps, qui est rouge vif. Enfin, dansaa famllle des Babouins, le Cynocephalushamadryss mâle adutte diffère non seulement de la femelle par son énorme crinière, mais aussi un peu par la couleur du poil et des callosités nues. Chez le drille (Cynocephale leucopAœMs), les femelles et les

Blyth, Land and Water, p. 135,1867. Sur le Semnopithecus, S. Huiler. Zoog. ' Ind. Archip., tab. X.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

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jeunes sont plus pâles et ont moins de vert dans leur coloration que les mâles aduttes. Aucun autre membee de la classe entière des mammifères ne présente de coloration aussi extraordinaire que le mandrill mtleadxûte(Cynocephalusmormon)(flg. 69). Son visage, à !'âge adutte, est d'un beau bleu, tandis que la crète et l'extrémité du nez sont d'un rouge des plus vifs. D'après quelquss auteurs, son

Fig. 69. . mt, de Maadrid (d'~prt. Gervais, Bis, „«, des mammiféreS).

visage seratt aussi marqué de stries blanchâtres, et ombré par places en noir; mais ces couleurs parasssenâ variables. Il poree sur le front une,touffe de poils, et unebarbe jaune au menton, « Toutes les parties supérieures des cuisses et le grand espace nu des fesses sont égalemeni colorés du rouge le plus vif, avec un mélange de bleu qui ne manque réellement pas d'étégance». » Lorsque l'animal est excité, toutes les parties nues revêtent une teinte beau-

31. Gervais, Hist. Nat. des Mammifères, p. 103, 1854 : il donne des figures

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[Chap. XVIII] COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE            S9t

coup plus'vive; plusieuss auteuss ont employé les expressions les plus fortes pour donner une idée de l'éclal de ces couleurs, quiils comparent au plumaee des oiseaux les plus resplendissants. Une autre particularité des plus remarquables distingee le mandrill : quand les grosses dents canines ont acquss touu leur développemen,, d'énormes protubérances osseuses se forment sur chaque joue, lesquelles protubérances sont profondément sillonnéss dans le sens de la longueu,, et lapeau nue qui les recouvee très vivement colorée, comme nous venons de le dire (figM). Ces protubérances sont à peine appréciables chez les femelles adultes et chez les jeunes des deux sexes qui ont les parties nues bien moins brillantes en couleu,, et le visage presque noir, teinté de bleu. Chez la femelle adulte cependant, à certains intervalles réguliers, te "nez se nuanee de rouge.

Dans tous les cas signalés jusquci,i, c'est le mâle qui est plus vivement ou plus brillamment coloré, et qui diffère à un plus haut degré des jeunes des deux sexes. Mais, de même que chez quelquss oiseaux se présentent des cas de coloration inverse dans les deux sexes, de même chez le Rhesus (Mccacus rhesus), la femelle a une large surface de peau nue autour de la queue, surface d'un rouge carmin vif, qui devient périodiquement plus éclatant encore, à ce que m'ont assuré les gardiess des Zoological Gardens ; son visage aussi est rouge, mais pâle. Chez le mâle adulte au contraire, et chez les jeunes des deux sexes, ainsi que j'ai pu le constater, on n'observe pas la moindee tache de rouge, ni sur la peau nue de l'extrémité postérieure du corps, ni sur le visag.. II paratt cependan,, d'après quelquss documenss publiés, qu'accidentellement ou pendant certaines saison,, le mâle peut présenter quelques traces de cette couleu.. Bien que moins orné que la femelle, il ne s'en conforme pas moins à la règle commune, d'après laquelle le mâle l'emporte sur la femelle par sa plus forte taille, des canines plus grandes, des favorss plus développés, et des arcadss sourcilières plus proéminentes.

J'ai maintenant indiqué tous les cas qui me sont connus de différences de couleur entre les sexes des mammifères. Dans quelques cas, les différencss peuvent provenrr de variations limitées à un sexe et transmises à ce sexe sans aucun résultat avantageux, et, par conséquent, sans intervention de la sélection. Nous avons des exemples de se genre chez nos animaux domestiques, certains chats mâles, par exemple, qui sont d'un rouge de roullle, tandss

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592                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Iee Pabtie]

que les femelles sont tigrée.. Des cas'analogues s'observent dans la nature; M. Bartlett a vu beaucoup de variétés noires du jaguar, du léopard, du phalanger et du wombat, et il est certain que la plupart, sinon tous, étaient mâles. D'autre par,, les individus des deux sexes, chez les loups, les renards et les écureuils américains, naissent quelquefois noirs. Il est donc tout à fait possible que, chez quelques mammifères, une différenee de coloration entre les sexes, surtout lorsqu'elle est congénitale soit simplement le résultat, sans aucune sélection, d'une ou plusieuss variations, dès l'abodd limitées sexuellement dans leur transmission. Toutefois on ne peut guère admettre que les couleuss si diverse,, si vives et si tranchées de certains mammifères, telles que celles des singes et des antilopes mentionnés plus hau,, puissent s'expliquer ainsi. Ces couleurs n'apparaissent pas chez le mâle dès sa naissance, mais seulement lorsqu'il a atteint l'état adulte ou quill en approche; et, contrairement aux varaations habituelles, elles ne se produisent pas lorsque le mâle a été châtré. En somme, la conclusion la plus probable, c'est que les couleurs fortement accusées et les autres ornements des quadrupèdes mâles leur procurent un avantage dans leur lutte avec d'autres mâles, et sont, par conséquent, le résultat de la sélection sexuelle. Le fait que les différences de coloration entre les sexes se rencontrent presque exclusivement, comme le prouvent les détalls précités, dans les groupss et les sous-groupes de mammifères présentant d'autres caractères sexuess secondaires distincts, égalemett le produtt de l'action de la sélection sexuele,, augmenee beaucoup la probabilité de cette opinion.

Les quadrupèdes font évidemment attention à la couleu.. Sir S. Baker a observé à de nombreuses reprises que l'éléphant africain et le rhinocéros attaquent avec une fureur toute spéciale les chevaux blancs ou gris. J'ai prouvé ailleurs» que les chevaux à demi sauvagss paraissent s'accoupler de préférence avec^ceux de la même couleu;; et que des troupeaux de daims de colorations différentes, bien que vivant ensemble, sont longtemss restés distincts. Un fait plus significatif, c'est qu'une femelle de zèbre, qui avatt absolument refusé de s'accoupler avec un âne, le reçut très volontiers, comme le remarque John Hunte,, dès quill fut peint à la manière du zèbre. Dans ce fait fort curieux « nous observons un instinct excité par la simple couleur, dont l'effet a été assez puissant pour l'emporter sur tous les autres moyen.. Mais le mâle n'en exigeatt pas autan;; le fait que la femelle était un animal ayant

„ vol. Il, 111 (trad. française,, 1869.

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[Cnar. XVIII] COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE            593

de l'analogee avec lui, suffisait pour éveiller ses passions»./ Nous avons vu, dans un des premiers chapitresde cet ouvrag,, que les facultés mentales des animaux supérieurs ne diffèrent pas en nature, bien qu'eless diffèrent énormément en degré, des facuttés correspondantes de l'homm,, surtout de celles des races inférieures et barbares; et il semblerait même que le goût de ces dernières pour le beau est peu différent de celui des Quadrumanes. De même que le nègre africann taille la charr de son visage de façon à produire des t crêtes ou des cicatrices parallèles faisant fortement saillie au-dessous de la surface normale, affreuses difformités qu'll considèee comme constituant un grand attrait personnel" », - de même que les nègres aussi bien que les sauvagss de beaucoup de parties du monde peignent sur leur visage des bandes rouges, bleues, blanchss ou noires, - de même aussi le mandrill africain mâle semble avoir acquss son visage profondément sillonné et fas-tueusement coloré, pour devenir plus attrayant pour la femelle. Il peu,, sans doute, nous sembler grotesque que la pariie postérieure du corps se soit colorée encore plus vivement que le visage dans un but d'ornementation, mais cela n'est pas plus étrange que les décorations spéciales dont la queue de tant d'oiseaxx forme le siège.

Il ne semble pas que les mammifères mâles se donnent la moindre peine pour étaler leurs charmss devant les femelles; les oiseaux mâles au contraire s'ingénient de toutes les façons pour y arrive,, et c'est là un des plus forts arguments en faveur de l'hypothèse que les femelles admirent les ornemenss et les couleurs étalés devant elles et se laissent séduire par ce spectacle. On observe toutefois un parallélisme frappant entre tes mammifères et les oiseaux au point de vue des caractères sexuels secondaires; les uns et les autres sont en effet pourvss d'armes pour combattre les mâles, leurs rivaux, d'appendices et de couleurs diverses constituant des ornements. Dans les deux classe,, lorsque )e mâle diffère de la femelle, les jeunes des deux sexes se ressemblent presque toujour,, et, dans la majorité des cas, ressemblent aux femelles adutes. Dans les deux classe,, le mâle revêt les caractères propres à son sexe au moment de parvenrr à i'âge adulte, et la castration l'empêche de jamass acquérrr ces caractères, ou les lui fait perdee plus tard. Dans les deux classes, le changement de couleur dépend quelquefois de la saison, et les teintes des parties nues augmnntent parfois d'intensité pendant la saison des amour.. Dans les deux

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894                 . LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

classe,, le mâle affecte toujouss des couleuss plus vives et plus brillantes que la femelle, et il est orné de plus grandss touffes de -poils ou de plume,, ou d'autres appendices. On remarque cependant dans les deux classes quelquss cas exceptionnels; la femelle est plus ornée que le mâle. Chez beaucoup de mammifères et au moins dans le cas d'un oiseau, le mâle émet une odeur plus forte que la femelle. Dans les deux classes la voix du mâle est plus puissante que celle de la femelle. Ce parallélisee nous condutt à admettre qu'une même cause, quelle qu'elle puisse être, agit de )a même manière sur les mammifères et sur les oiseaux; or, il me semble qu'en ce qui concerne les caractères d'ornementation, on peut, avec certttude, attribuer le résultat obtenu à une préférence longtemss soutenue de la part d'individus d'un sexe pour certains ' individus du sexe opposé, combinée avec le fait qu'ils auront ainsi réussi à laisser un plus grand nombre de descendants pour hériter de leurs attraits d'ordee supérieu..

yransmission égale aux deux sexes, des caractères ~'ornementation. -Chzz beaucoup d'oiseau,, l'anaoogie condutt à penser que les ornemenss ont été primitivement acquis par les mâles, puis tranmis également, ou à peu près, aux deux sexes : recherchons maintenant jusqu'à quel point cette remarque peut s'appliquer aux mammifères. Dans un nombee considérable d'espèces, et surtout chez les plus petites, les deux sexes ont, en dehors de toute intervention de la sélection sexuelle, acquss une coloration toute protectrice; mais, autant que j'en puis juge,, ce fait est surtout fréquent et frappatt dans les classes inférieures. Audubon nous dit qu'it a souvent confondu le rat musqué,, arrêéé sur les bords d'un ruisseau boueux, avec une motte de terre, tellement la ressemblance est complète. Le lièvre dans son glte est un exemple bien connu de l'animal dissimuéé par sa couleu;; cependatt l'espèce voisine, le lapin, n'est pas dans le même cas, car la queue blanche et redressée de cet anima,, quand il se dirige vers son terreer, le rend très visible au chasseur et surtout aux carnassiers qui le poursuiven.. On n'a jamais mis en doute, que les quadrupèdes habitant les régions couvertes de neige, ne soient devenus blancs pour se protégrr contre leurs ennemis, ou pour s'approcher plus facilemett de leur proie. Dans les contrées où la neige ne séjourne pas longtemps sur le sol, un pelage blanc seratt nuisible; aussi les espèces de cette couleur sont extrêmement rares dans les partiss chaudss

35. Fiber zibeMcus, Audubon et Bachman, The Quadrupels of N. America, 1816, p. 109.

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[Chap. XVJII] TRANSMISSION DES CARACT. D'ORNEMENTATION 89S

du globe. Un grand nombee de mammifères des zones tempérées, qui ne revêtent pas pendant l'hiver un pelage blanc, deviennent plus pâles pendant cette saison; ce qui, selon toute apparence, est le résultat direct des condiiions auxquelles ils ont été longtemss exposé.. Pallas » assure qu'en Sibérie un changement de cette natuee se produtt chez )e loup, chez deux espèces de mustela, chez le cheval domestique., chez l'hémione, chez la vache domestique, chez deux espèces d'antilope, chez le cerf musqu,, le chevreuil, l'élan et le renne. Le chevreuil, par exemple, a une robe rouge pendant l'été, et, pendant l'hiver, d'un blanc grisâtre, qui doit le protéger dans ses courses au travess des talllis sans feuilles, sau-. poudrés de neige et de givre. Que ces animaux se répandent peu à peu dans des régions toujours couvertes de neige, et la sélection naturelle rendaa probablement leur pelage d'hiver de plus en plus blanc jusquàà ce qu'ia devienne aussi blanc que la neige elfe-même.

M. Reeks m'a cité un curieux exemple d'un animal qui tire profit de ses couleuss particulières. Il a élevé, dans un grand verger entouéé de murs, cinquante ou soixanee lapins blancs et pie; il avait en même temps chez lui des chass affectant la même couleur. Ces chats, comme je l'ai souvent remarqué, sont très apparents pendant le jour, mais ils avaient l'habitude de chassrr pendant la nuit, de se tenir alors à l'entrée des terriers, les lapins ne pouvaient pas les distinguer de leurs compagnons pie. Il en résulta qu'au bout de dix-huit mois presque tous ces lapins pie avaient été détruits, et on a la preuve qu'ils avaient été détruits par les chats. La coloration rend à un autre anima,, le Putois, des services dont on trouve l'équivalent dans quelquss autres classe.. Aucun animal n'attaque volontairement une de ces créatures, à cause de l'odeur épouvantable qu'elle émet quand on l'irrite ; mais, pendant le crépuscue,, il est difficile de reconnaître le Putoss et les bêtes de proie pourraient se laisser aller à l'attaquer, M.Belt" croit que pour cette raison le Putoss est pouruu d'une grande queue blanche qui sert d'avertissement à tous les animaux.

Nous devons admettre que beaucoup de mammifères ont revêtu leurs nuancss actuelles comme moyen de protection ; il y a cependant une foule d'espèces dont les couleuss sont trop brillantes et trop singulièrement disposées pour que nous puissions leur attrbuer cet usage. Prenons pour exemple certaines antllopss : la tache blanche carree du poitrail, les tachss de même couleur sur

36.  'Nova, Species Quadrup. e Glirium ordine, 1778, p. 7. L'animal que j'ai appelé chevreuil est le Capreolus Sibiricus subecaudatus de Pallas.

37.  The naturalnl in Nicaragua, p. 249.

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596                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

les fesses, et les taches noires arrondies sur les oreilles, sont toutes beaucoup plus distinctes chez le mâle du Portax picta que chez la femelle; - les couleuss sont plus vives, lesétroites lignes blanchss du flanc et la large bande blanche de l'épauee sont plus tranchées chezle mâle de t'OressDerbyanus que chez la femelle; -une différence semblabee existe entre les sexes du Tragelaphus scriptus {fig. 70), si curieusement orné : - nous en conclurons que

Fig. 70.

Tragelaphus scriptus, mâle (ménagerie de Knowsloy).

! scnptv

(ménagerie

: Knowsloy)

des différencss de cette natuee ne rendent aucun service à l'un ou l'autre sexe relativement aux habitudes quotidiennes de l'existence. Il est beaucoup plus probable que ces divers ornements ont été primitivement acquss par la sélection sexuelle, augmentés par le même moyen et partiellement transférés aux femelles. Cette hypothèse admise, on peut penser que les couleuss également singulières, et les taches de beaucoup d'autres antilopes, bien que communes aux deux sexes, ont dû être produites et transmises de la même manière. Les deux sexes, par exemple, du Coudou (Strepsi-

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[Chap. XVIII] TRANSMISSION DES CARACT. D'ORNEMENTATION

597

ceros Kudu) (fig. 64), portent sur leurs flancs postérieurs d'étroites lignes verticales blanches, et une éléganee tache blanche anguaaire sur le fron.. Dans le genre Damalis, les deux sexes sont bizarrement colorés;' chez le Damalis pygarga, )e dos et le cou sont rouge pourpré, virant au noir sur les flancs, et brusquement séparés de l'abdomnn blanc et d'un large espace blanc sur les fesses; la tête est encore plus étrang,, car un large masque blanc oblong, entouéé d'un bord noir étroit, couvre la face jusqu'à la haueurr des

Fig. 71

- Damalis pygarga, maie (ménagerie de Knowsley)/

yeux (fig. 71); )e front poree tross bandes blanchss et les oreilles sont tachetées de blanc. Les faons de cette espèce sont d'un brun jaunâtre pâle uniform.. Chez ee Damasis albifrons, la coloration de . la tête diffère en ce qu'une unique raie blanche rempaace les trois raies dont nous venons de parler, et que les oreilles sont presque entièrement blanchss'8. Après avoir étudié de mon mieux les différences existant entre les mâles et les femelles de toutes les classes, je dois concluee que la sélection sexuelle a produtt chez beaucoup

38. Voir les belles planches de A. Smith, Zool. ofS. Africa, et docteur Gray, Gleanings frora the Ménagerie of Knowsley.

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S98                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IlePartte]

d'antilopes ces arrangements bizarres des couleuss qu,, bien que commuss aujourd'hui aux deux sexes, ont dû intervenrr d'abodd chez le mâle.

On doit peut-être étendee la même conclusion au tigre, l'un des plus beaux animaux qui existent, et dont les marchands de bêtes féroces eux-mêmss ne peuvent distinguer le sexe par la coloration. M. Wallace croi"» que la robe rayée du tigre « ressembee assez aux tiges verticales du bambou, pour contriburr beaucoup à le dissimuler aux regards de la proie qui s'approche de lui ». Mais cette expiication ne me paratt pas satisfaisante. Le fait que, chez deux espèces de Felis, des taches et des couleurs analoguss sont un peu plus vives chez le mâle que chez la femelle nous autorise peut-être à penser que la beauté du tigre est due à la séleciion sexuele.. Le zèbre est admrrablement rayé, et des raies, dans les plaines découvertes de l'Afrique méridiona,e, ne peuvent constituer aucune protection. Burchell", décrivant un troupeuu de ces animau,, dit : « Leurs côtes luisantes étincelantau soleil et leur manteau brillant, si régulièrement rayé, offrent un tableau d'une beauté que ne pourrait probablement surpasser aucun autre quadrupède ». Nous n'avons pas de preuves que la séleciion sexuelle ait joué ici un rôle, car les sexes sont, dans tous les groupss des Ëquidés, identique: par la couleu.. Néanmoins, si on attribee les raies verticales blanches et foncées des flancs de diverses antllopss à la sélectior sexuelle, on sera probablement porté à penser de même pour le Tigre royal et le Zèbre magnifique.

Nous avons vu, dans un chapitre précédnnt, que si les jeunes de classe quelconque, ayant les mêmes habitudes de la vie que leurs parents, présentent une coloration différente, c'est quiils ont hértté de quelque ancêtre éloigné et étein.. Dans la famllle des Porcidés et dans le genre Tapr,, les jeunes portent des raies longitudinal,s, et diffèrent ainsi de toutes les espèces aduttes de ces deux groupes. Dans beaucoup d'espèces de cerfs, les faons sont tachetés d'élégants poinss blanc,, dont les parenss n'offrent aucune trace. On peut établir, depuis l'Axis, dont les deux sexes sont, en toutes saisons et à tout âge, magnifiquement tachetés (le mâle étant plus fortement coloré que la femelle), - une série passatt par tous les degrés jusqu'à des espèces chez lesquelles ni adultes ni jeunes n'ont aucune tach.. Voici quelques termes de cette série : le Cerf Mant-chourien (Cervus Mantchuricus) est tacheéé toute l'année; mais, ainsi que je l'ai observé aux Zoological Garden,, les tacbes sont

39. Westminster Review, 1" Juillet 1867, p. 5. 40. Travels in South Africa, vol. II, 18^ F. H15.

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[Chap. XVIII] TRANSMISSION DES CARACT. D'ORNEMENTATION 599

moins distinctes l'hive,, alors que le pelage devient plus foncé et que les cornes acquèèrent leur entier développement. Chez le Cerf cochon (Hyelaphusporcinus), les taches, très apparentes pendant l'été, alors que la robe est brun rougeâtre, disparaissent entièrement à l'hive,, cette robe revêtant une teinte brune". Les jeunes-des deux espèces sont tachetés. Chez le Cerf de Virginie, les jeunes sont également tachetés, et Judge Caton m'informe qu'environ cinq pour cent des adultes qu'll possède dans son parc, portent temporairement sur chaque flanc, à l'époque où la robe rouge va être remplacée par la robe plus bleuâtre de l'hive,, une ligne de taches en nombre toujouss égal, bien que très variables quant à la netteté. De cet état à l'absenee complète de taches chez les adultes pendant toutes les saison,, et, enfin, comme cela arrive chez certaines espèces, à leur absenc,, à tous les âges, il n'y a qu'une très faible distance. L'exsstence de cette série parfaite, et surtout le fait du tachetage des faons d'un aussi grand nombre d'espèces, nous permettent de conclure que les individus actuess de la famille des cerfs descendent de quelque espèce ancienne qui, comme l'Axis, était tachetée à tout âge et en toute saison. Un ancêtre, encore plus ancien, a probablement dû ressembler jusquàà un certain point au Hyomoschusagualicus, car cet animal est tacheté, et les mâles, qui ne portent pas de cornes, ont de grandes canines saillantes dont quelquss vrass cerfs ont encore conservé les rudiments. L'Hyomosï chus aquaticus offre aussi un de ces cas intéressants d'une forme rattahhant deux groupes : il est, par certains caractères ostéolog--ques, intermédiaire entre les pachydermes et les ruminants, quton croyatt autrefois tout à fait distincts ».

Ici se présenee une difficulté curieuse. Si nous admettons que les taches et les raies de couleur aient été acqusses dans un but d'ornementation, comment se fait-ll que tant de cerfs actues,, descendant d'un animal primitivement tacheté, et toutes les espèces de porcs et de taprrs, descendant d'un animal primitivement rayé, aient perdu à l'état adutte leurs ornemenss d'autrefois? Je ne puis répondre à cette quesiion d'une manière satisfaisante. Il est à peu pris certain que les tachss et les raies ont dispauu chez les ancêtres de nos espèces actuelees, alors qu'ils étaient à l'état adulte ou à peu près, de sorte qu'eless ont été conservées par les jeune,, et,

41. Docteur Gray, Gleanings, etc., p. 6~. M. Blyth (Land and- Waler, 1869 p. 42), parlant du Cerf cochon de Ceylan, dit qu'il est, dans la-saison où, il cornes, beaucoup plus brillamment tacheté de blanc que l'es-

voi7i;P":ï(£"

renouvelle ses

^.pSeTet Cautiey, Proc. Geolog. Soc, 1843; et Faleoner, Pal, Memoirs,

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600                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Part1e]

en vertu de la loi d'hérédité, aux âges correspondants, transmises aux jeunes de toutes les générations suivantes. Il peut avoir été très avantageuxaliion et au puma, qui fréquentent habituellement des lieux découverts, d'avorr perdu leurs raies, et d'être ainsi devenus moins apparents pour leur proie; or, si les variations successives qui ont amené ce résultat se sont produites à une époque tardive dela vie, les jeunes ont conservé les raies, ce qui, nous le savon,, est en effet arrivé! En ce qui concerne les cerfs, les porcs et les tapirs, Frttz Millier m'a fait remarquer que la disparition des taches et des raies, provoquée par la sélection naturelle, a dû rendre ces animaux moins facilement visiblss à leurs ennemis, protection devenue d'autant plus nécessaire que les carnassiers ont augmenté en taille et en nombee pendant les périodss tertiaires. Cette explication peut être la vraie, mais il est assez étrange que les jeunes n'aient pas été également protégés, et plus encore que les adulses de quelquss espèces aient conservé partiellement leurs tachss ou toutes leurs taches pendatt une partie de l'anné.. Nous savons, sans pouvorr en expliqurr la cause, que, quand l'âne domestiqee varie et devient brun rougeâtre, gris ou noir, les raies de l'épaule et même celles de l'épine dorsaee disparaissent ordinairement. Peu de chevau,, les chevaux isabelee excepté,, portent des raies sur le corps, et cependant nous avons de bonnes raisons pour croire que le cheval primitif portatt des raies sur les jambes et sur la ligne dorsae,, et probablement aussi sur les épaules". La disparition des taches et des raies chez nos porcs, chez noscerss et chez nos tapirs adultes, peut donc provenrr d'un changement dans la couleur généraee de leur pelage, mais il nous est impossible de déterminer si ce changement est l'œuvre de la sélectson sexuelle ou de la sélection naturelle, s'il est dû à l'action directe des conditions vitale,, ou à quelque autre cause inconnue. Une observation faite par M. Sclater prouve notre ignoranee des lois qui règlent l'apparition ou la disparition des raies ; tesespèces d'Asinus qui habitent le continent asiatique neportent pas de raies, et n'ont ' même pas la bande en croix sur t'épaule; tandss que les espèces qui habitent l'Afrique sont nettement rayée,, à l'exceptinn de VA. tœniopus, qui n'a que la bande en croix sur l'épauee et quelques traces de barrss sur les jambes; or cette espèce habtle la région à peu près intermédiaire entre la hauee Égypee et l'Abys-sinie".

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[Chap. XVIII]                     QUADRUMANES                                  601

Quadrumanes. - Avant de conclur,, il est bon d'ajouter quelqus remarques à propos des caractères d'ornementation chez les singes: Dans la plupatt des espèces les sexes se ressemblent par la couleu;; mais les mâles, comme nous l'avons vu, diffèrent des femelles par la couleur des parties nues de la peau, le développement de la barbe, des favorss et de la crinièr.. Beaucoup d'espèces sont colorées d'une manière si belle et si extraordinaire, et sont pourvuss de

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Fig. 72. - Tête de SemnopUhecus rubicundus.

(Cetee figure et les suivantes, tirées de l'ouvrage du professeur Gervais, indiquent l'arangement bizaree et le développement des poils sur la tête.)

touffes de poils si curieuses et si élégantes, que nous né pouvons nous empêchrr de considérer ces caractères comme des ornements. Les figures ci-jointes (fig. 72 à 76) indiquent l'arrangemtnt des poils sur le visage et sur la tète de quelques espèces. I! n'est pas à croire que ces touffes de poils et les couleuss si tranchées de la fourrure et de la peau puissent être le résultat de simples variations sans le concouss de la sélection; il est probable que ces caractères puissent avoir une utiltté usuelle pour ces animaux. Ils sont donc probablement dus à l'action de la sélection sexuelle, quoique tranmis également ou presque également aux deux sexes. Chez beau-

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602                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME

coup de Quadrumanes, nous trouvons d'autres preuvss de l'action de la séleciion sexuell,, la plus grande taille et la plus grande force des mâles, par exemple, et le développement plus complet des dents canines chez les mâles et chez les femelles.

Quelques exemples suffiront pour faire comprendre les dispostions étrangss que présenee la coloratinn des deux sexes dans

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Fig. 73. - Semnopit~ecui coma~us.

Fig. 74. - Cebus capucinus.

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quelques espèces, et )a beauéé de cette coloration chez d'autres. Le CercopUhecus pelaurisla {fig. 77) a le visage noir, la barbe et les favoris blancs, et sur le nez une tache blanche arrondee bien distincee et couveree de courts poils blancs, ce qui donne à l'animll un aspect presqee comique. LeSemnopithecus frontatus a aussi le visage noirâtre avec une longue barbe noire, et, sur le fron,, une grande tache nue d'une couleur blanc bleuâtre. Le Macacus lasiotus a le visage couleur chair sale, avec une tache rouge bien définie sur chaque joue. L'aspect du Cercocebus œthiops est grotesque avec son visage noir, ses favoris et son collier blanc,, sa tête couleur mar-

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[Chap. XVI]I]

QUADRUMANES

603

ron, et une grande tache blanche au-dessus de chaque sourcil. Chez beaucoup d'espèce,, la barbe, les favorss et les touffes de poils qui entourett le visage ont des couleuss fort différentes du

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Fig. 77.

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Cercopitheci,

, pelaurista-\i\ipvix Brehm, édition française).

reste de la tête, et elles sont toujours alors d'une tennte plss claire", sott tout à fatt blanches, sott jaune brillant, sott rougeàtres. Le

45. J'ai observé ce fatt aux Zoological Gardess et on peut en voir de nombreux exemples dans les planches coloriées de Geoffroy Saint-Hilaire et de F. Cuvier, Hisl. na.. des Mammifères, t.18 1824.

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604                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Pabtie]

Brachyurus calvus de l'Amérique du Sud a le visage entier d'une nuance écarlate brillante, mais cette coloration n'apparaît pas avant la maturité du mâle".

La couleur de la peau nue du visage diffère étonnamment suivant les espèces. Elle est souvent brune ou de couleur chair, avec des taches parfaitement blanches; mais, souvent auss,, noire comme lapeau du nègre)eplus foncé. Chez ee Brachyurus, le visage est d'un écarlate plus brillant que ]a joue de la plus rougsssante Caucasienne; ou plus jaune parfois que chez aucun Mongolien, et dans plusieurs espèces il est bleu, passant au violet ou au gris. Dans toutes les espèces que connatt M. Bartlett, espèces chez lesquelles les adultes des deux sexes ont )e visage fortement coloré, les teintes sont ternes ou font défaut pendant la première jeunesse. On observe le même fait chez le Mandrill et chez le Rhésu,, chez lesquess le visage et la partie postérieure du corps ne sont vivement colorés que chez un seul sexe. Dans ces derniers cas, nous avons toute raison de croire que ces colorations sont dues à l'action de la sélection sexuelle; or, nous sommes naturellement conduits à étendre la même explication aux espèces précédentes, bien que les deux sexes, lorsqu'ils sont adultes, aient )e visage coioré de la même manière,

Les singes sont loin d'être beaux, mais quelquss espèces se font remarquer par leur é)égant aspect et leurs brillantes couleurs. Le Semnopithecus nemseus, quoique très singulièrement coioré, est, dit-on fort jol;; son visage teinté d'orange est entouéé de longs favoris d'une blancheur lustrée, avec une ligne rouge marron sur les sourcils; le pelage du dos est d'un gris délica;; une tache carrée d'un blanc pur marque les reins, la queue et l'avant-bras; un collier marron surmonee la poitrine; les cuisses sont noires et les jambes rouge-marron. Je citerai encore deux autres singes remaquablss par leur beauté, et je les choisss parce qu'iss offrent de légères différences sexuelles de couleu,, ce qui permtt de supposer queess deux sexes doivent à la sélection sexuelee leur élégance. C'est d'abodd )e Cercopithecuscephus, au pelage pommelé, verdâtre, avec la gorge blanch;; l'extrémité de la queue, chez le mâle, est marro;; mais le visage est la partie la plus ornée : peau gris bleuâtre, ombrée de noir sous les yeux; lèvre supérieure d'un bleu délica,, et bordée à la partie inférieuee d'une mince moustache noire; favorss orangés, noirs à la partie supéreuure et s'étendant.en bande jusqu'aux oreilles, et celles-ci revêtues de poils blanchâtres. J'ai

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s

46. Bates, The NaturaUU on the ~mazons, vol. II, 1863, p. 310.

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[Chap. XVIII]                           RÉSUMÉ                                        605

souvent entendu admirer par les visiteuss des Zoological Gardens la beauéé d'un autre singe, appelé avec raison Cercopithecus Diana (flg. 78); son pelage a une teinte généraee grise; la poitrine et la face interne des membres antéreeurs sont blanches; un grand es-

Fig. 1S. . CercopUHecus Biana (d'après Brehm, édition française)..

pace triangulaire bien défini, d'une riche teinte marron, occupe la partie postérieure du dos; les côtés intérieurs des cuisses et l'abdomen sont, chez le mâle, d'une délicate nuanee fauve, et le sommet de la tête est noir; le visage et les oreille,, d'un noir intense, contrastent très finement avec une crête blanche transversale au-

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606                      LA DESCENDANCE DE L'HOMMM           [lie Pa]tik]

dessus des sourcils, et une longue barbe à pointe blanche dont la base est noire".

La beauéé des couleuss de ces singes, et de beaucoup d'autres, la singuaarité de l'arrangement des teintes, et plus encore les dispositioss si diveress et si élégantes des crêtes et des touiïes de poits sur la tête, me donnent la conviction que ces caractères ont été acquss exclusivement dans un but d'ornementation par l'intevention de la sélection sexuelle.

Résumé. . La loi du combat pour s'assurer la possession de la femelle paratt prévaooir dans toute )a grande classe des mammfères. La plupatt des naturalistes admettront avec moi que la taille, la force et le courage plus grands du mâle, son caractère belliqueux, ses armes offensives spéciales, et. ses moyens particuliers de défense, ont tous été acquss ou modifiés par cette forme de sélection que j'appelle la sélection sexuelle.

Ceci ne dépend d'aucuee supériorité dans la lutte généraee pour l'existence, mais de ce fait que certains individss d'un sexe, généralement ceux du sexe mâle, ont réussi à t'emporter sur leurs rivaux et à laisser une descendance plus nombreuse pour hériter de leurs avantages.

Il est un autre genre de luttes, d'une natuee plus pacfiiqu,, dans lesquelles les mâles cherchent à attirer et à séduire les femelles par divers charmes. Ceci peut se faire par les odeurs qu'émettent les mâles pendatt la saison des amours, les glandss odorantes ayant été acquises par sélection sexuele.. Il est douteux qu'on en.puisse dire autant de la voix, car les organss vocaux des mâles, fortffiés peut-être par l'usage pendatt l'état adulte, sous les puissantes influences de l'amou,, de la jalousie ou de la colère, ont dû être transmis au même sexe. Diverses crêtes, diverses touffes et divers revêtements de poils, quiils soient propres aux mâles, ou simplement plus développés chez eux que chez les femelle,, semblent être, dans la plupatt des cas, des caractères d'ornementati,n, et cependant ils servent quelquefois de défense contre les mâles rivaux. On a même des raisons de supposer que lesandouillers ramfiés des cerfs et les cornes étégantes de quelquss-antllopes, bien que servant aussi d'armes offensives et défensives, ont été en partie modifiées dans un but d'ornementati.n.

Lorsque le mâle diffère de la femelle par sa coloration, il offre,

47. J'ai vu la plupart des singes ci-dessus décrits aux Zoological Gardens.

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[Chapp XVHI]                          RESUME '            .                    607

en gé néra,, des tons plus foncés et contrastant plus fortement entre eux. Nous ne rencontrons pas dans cette classe ces magnifiquss couleuss rouge,, bleues, jaunss et verte,, si communss aux oiseaux mâles et à beaucoup d'autres animau;; les parties nues de certains quadrumanes; souvent bizarrement placée,, présentent cependant parfois, chez quelquss espèces, les couleuss les plus vives. Les couleurs du mâle peuvent être dues à une simple variation, sans le concouss de la sélection; mais lorsque les couleuss sont diverses et fortement tranchées, lorsqu'elles ne se développent qu'à l'état adulte et que la castration les fait disparaître, nous pouvons en tirer la conclusion qu'eless sont dues à l'action de la sélectson sexuelle, qu'elles ont pour objet l'ornementation, et qu'elles se sont tranmises, exclusivement ou à peu près, au même sexe. Lorsque les deux sexes ont une coloration identique, lorsque les couleuss sont très vives et bizarrement disposées sans qu'elles semblent répondre à aucun besoin de protection, et, surtout, lorsqu'elles sont accompagnées d'autres ornements, l'analogie nous condutt à la même conclusion, c'est-à-dire à penser qu'elles sont dues à l'action de la séleciion sexuele,, quoique transmises aux deux sexes. II résulte de l'examnn des divers cas cités dans les deux derniess chapitres que, en règle générale, les couleuss diverses et tranchées, qu'eless soient restreintes aux mâles ou communss aux deux sexes, sont associées dans les mêmes groupss et dans les mêmes sous-groupss avec d'autres caractères sexuels secondaires, servant à la lutte ou à l'ornementation.

La loi d'égale transmission des caractères aux deux sexes, en ce qui a tratt à la couleur et aux autres caractères décoratifs, a prévauu d'une manière beaucoup plus étendue chez les Mammifères que chez les Oiseaux; mais, en ce qui concerne les arme,, telles que les corne,, les défenses et les crocs, elles ont été transmises plus souven,, soit plus exclusivement, soit plus complètement, aux mâles qu'aux femelle.. C'est là un fait étonnant, car les mâles se servent en général de leurs armes pour se défendee contre des ennemss de tous genre,, et elles auraiett pu rendee le même service aux femelles. Autant que nous en pouvons juge,, leur absenc,, chez ce dernier sexe, ne peut s'expliquer que par la forme d'hérédité qui a prévau.. Enfm, chez les quadrupèdes, les luttes pacifiquss ou sanglantes entre individss du même sexe, ont, à de rares exceptions près, été limitées aux mâles; de sorte que la sélection sexuelee a modfiié les mâles beaucoup plus généralement que les femelles, en leur donnant soit des armes pour se combattre entre eux, soit des charmss pour séduire l'autre sexe.

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608                   . LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [II* Partie]

CHAPITRE XIX

CARACTÈRES SEXUELS SECOXDAIRSS CHEZ L'HOMME

Différences entre l'homme et la femme. _ Causes de ces différences et d.«jr-

chaque particularité naturelle.

Les différences entre les sexes sont, dans l'espèce humanne, plus grandss que chez la plupatt des Quadrumanes, mais moindres que chez quelques-uns, le Mandrlll par exemple. L'homme est en moyenne beaucoup plus grand, plus lourd et plus fort que la femme; il a les épauess plus carréss et les muscles plus prononcés. Par suite des rapports qui existent entre le développement musculaire et la sailiie des sourcils', l'arcaee sourcilière estplus fortement accusée en général chez l'homme que chez la femme. Il a le corps et surtout le visage plus velu, et sa voix a une intonation différente et plus puissante. On assure que, dans certaines tribu,, le teint des femmes diffère légèrement de celui des hommes; Schweinfurth dit à propos d'une négresee appartentnt à la tribu de Monbultoas qui habite l'intérieur de l'Afriqu,, à quelques degrés au nord de l'équa-teur : « Sa peau, comme celle de toutes les femmes de cette tribu, est plus claire que celle de son mar;; on pourrait comparer cette teinte à celle du café & moiiié grillé». » Les femmes de cette tribu travaillent aux champs et vont tout à fait nues; il n'est donc pas probable que la couleur de leur peau diffère de celle de la peau des hommss par suite d'une exposition moindee aux intempéries. Chez les Européens les femmes sont peut-être plus brillamment colorée,, ainsi qu'on peut le voir lorsque les deux sexes ont été également exposés aux mêmes intempéries.

L'homme est plus couraguux, plus belliqueux et plus énergique que la femme, et il a le génie plus inventif. Le cerveau de l'homme est, absolument parlant, plus grand que celui de la femme; mais est-il plus grand relativement aux dimensions plus considérables de son corps? c'est là un point sur lequel on n'a pas, je crois, de données très certaines. La femme a le visage plus arrondi; les mâchoires et la base du crâne plus petites; les contouss du corps plus

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[Chap. XtX] CAItACT. SEXUELS SECONDAIRES CHEZ L'HOMME 609

r ronds, plus saillanss sur certaines parties, et le bassin plus large.».

. Mais ce dernier caractère constitue plutôt un caractère sexuel primaire qu'un caractère sexuel secondaire. La femme atteint la ma-turité à un âge plus précoce que l'homm..

Les caractères distinctifs du sexe mascuiin ne se développent complètement chez l'homm,, comme chez les. animaxx de toutes classes, qu'au moment où il devient adulte; ces caractères n'apparaissent jamais non ptus après la castration. La barb,, par exemple, est un caractère sexuel secondaire, et les enfants mâles n'ont pas de barbe, bien que, dès le jeune âge, ils aient une chevelure abondante. C'est probablement à l'apparition un peu tardive dans la .vie des variations successives qui donnent à l'homme ses caractères masculins qu'il faut attriburr leur transmission au sexe mâle seul, Les enfanss des deux sexes se ressemblent beaucoup, comme les jeunes de tant d'autres animaux chez lesquels les adultes diffèrent considérablement; ils ressemblent également beaucopp plus à la femme adulte qu'à l'homme adulte. Toutefois la femme acquiert ultérieurement certains caractères distinctifs, et par la conformation de son crâne elle occupe, dit-on, une posiiion intermédiaire entre l'homme et l'enfant ». De même encore que nous avons vu les jeunes d'espèce,.voisine,, quoique distinctes, différer entre eux beaucoup moins que ne le font les adultes, de même les enfants des diverses races humaines diffèrent entre eux moins que les adultes. Quelques auteuss soutiennent même qu'ôn ne peut distinguer dans le crâne de l'enfant les différencss de race.. Quantà la couleu,, le nègre nou-veau-ué est d'un brun rougeâtre qui passe bientôt au gris ardoisé; la coloration noire est complète à l'âge d'un an dans le Soudan- en Egypee elle ne l'est qu'au bout de trois ans. Les yeux du nègre sont d'abord bleus, et les cheveux, plus châtains que noirs, ne sont frisés qu'à leurs extrémités. Les enfanss australiens sont, à leur naissance, d'un brun jaunâtre, qui ne devient "foncé qu'à un âge plus avanc.. Ceux des Guaranys, dans le Paraguay, sont d'abord jaune blanchâtre, mais ils acquièrent au bout de quelquss semaines la nuanee brune jaunâtre de leurs parents..On a fait des observations semblables dans d'autres parties de l'Amérique'.

3. Ecker, trad. dans ~ntkrop. Re»ieu>, p. 351-356, Oct. 1868. Welckera étudié

française). 5. Schaaffausen, Anthrop. Review, p. 429. 6 Pruner-Bey sur les enfants nègres, cité par Vogt, Leçons sur l'homMe

t '.....                      39

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610                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PAHTIe]

' J'ai menlionné ces différencss entre les deux sexes de l'espèce humaine, parce qu'elles sont singulièrement les mêmes que chez les quadrumanes. Chez ces animaux, la femelle mûrtt à un âge plus précoce que le mâle, c'est du moins le cas chez le Cebus Azarœ\ Dans la plupatt des espèces, les mâles sont plus grands et beaucoup plus forts que les femelle,, cas dont le Gorille offre un exemple bien connu. Certains singes mâles, qui ressemblent sous ce rappott à l'espèce humaine, diffèrent même de leurs femelles par un caractère aussi insignifiant que peut l'être la proéminence plus prononcée de l'arcade sourcilière \ Chez le Gorille et chez quelqus! autres singes, le crâne de l'adulte mâle est pourvu d'une crête sagittale fortement accusée, qui fait défaut chez la femelle : etEcker a trouv,, entre les deux sexes des Australiens, les traces d'une différence semblable '. Lorsqee chez les singes il y aune différence dans la voix, c'est celle du mâle qui est la plus puissante. Nous avons vu que certains singes mâles ont une barbe bien développée, qui fait entièrement défau,, ou n'est que fort peu développée chez les femelles. Il n'y a aucun exempee de barbe, de favoris ou de moustaches qui soient plus développss chez un singe femelle que chez le mâle. Il y a même un parallélisme singulier entre l'homme et les quadrumanes jusque dans la couleur de la barbe; car lorsque, ce qui arrive souvent, la barbe de l'homme diffère de sa chevelure par la teinte, elle est invariablement d'un ton plus clair, et souvent rougeâtre. J'ai bien souvent observé ce fait en Angleterre, mais deux personnes m'ont dernièrement écrtt qu'elles font exception à la règle. L'une d'elle explique le fait par l'énorme différence qui existatt dans la couleur des cheveux du côté paternel et du coté maternll de sa famllle. Ces deux messieuss connaissaient de- ' puis longtemps cette particurarité (on accusatt souvent l'un d'eux de teindre sa barbe,, ce qui les avatt conduits à observrr d'autres homme,, et cette étude les convannquit que cette exceptinn est extrêmement rare. Le docteur Hooker qui a bien'voulu, à ma demande, porter son attention sur ce poin,, n'a pas rencontré une seule exception à la règle en Russie. M. J. Scot,, du jardnn Botanque, a eu l'obligeance d'observer à Calcutta, ainsi que dans d'autres parties de l'Inde, les nombreuses races d'hommss qu'on peut y voir

desGuaranys, Rengger, Sàugethiere, etc., p.3. Godron,Z)ci'espèce,II,p.S53,1859. Sûr les Australiens, Waitz, Inlrod. lo Anlhropology (trad. anglaise, p.99,1863).

I, p. 2,1824). S. Anthropolûgical Review; p. 353, Oct. 1868.

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[Cnap. XfX] CARACT. SEXUELS SECONDAIRES CHEZ L'HOMME 611

à savoir: deux races'dans le Sikhim, les Bhotheas, les Hindous, les Birmans et les Chinois. Bien que la plupatt de ces races n'aient que fort peu de poils sur le visage, il a toujouss trouvé que, lorsqu'il y avatt une différence quelconqee de couleur entre les cheveux et la barbe, cette dernière était invariablement dune teinte plus claire. Or, comme nous l'avons déjà constaté, la barbe, chez les singes, diffère fréquemment d'une manière frappante des poils de la tête par sa couleu;; or, dans ces cas, elle offre invariablement une teinte plus claire; elle est souvent d'un blanc pur, quelquefois jaunâtre ou rougeâtre».

Quant au degré de villosité généraee du corps, elle est moins forte chez les femmes, dans toutes les races, et, chez quelquss quadrumanes, la .face inférieuee du corps de la femelle est moins velue que celle du mâle.. Enfin les singes mâles, comme l'homm,, sont plus hardss et plus féroces que les femelles; ils conduisent la bande, et se portent en avant dans le danger. Nous voyon,, par ce qui précèd,, combien est complet le parallélisme entre les différences sexuelles de l'espèce humaine et celles des quadrumanes. Toutefois, chez certaines espèces de quadrumanet telles, par exemple, que les Babouins, le Gorille et l'Orang, il existe entre les sexes des différences beaucopp plus importantes que dans l'espèce humanne, principalement dans la grosseur des dents canine,, dans le développement et la coloration du poil, et surtout dans la coloraiion des parties de la peau qui restent nues.

Les caractères sexuels secondaires de l'homme sont tous très variables, même dans les limites d'une même racé, et diffèrent beaucoup d'une race à l'autre : ces deux règles se vérfiient très généralement dans tout le règne anima.. Dans les excellentes observations faites à bord de la Novara », on a trouvé que la taille des Australiens mâles n'excède en hauteur celle des femmes que

10..M. Blyth m'informe qu'il ne connait qu'un seul cas où la barbe, les favoris, etc., d'un singe soient devenus blancs dans la vieillesse, comme cela est si commun chez nous. Cela est cependant arrivé à un vieux Macacus cync

M. D. Forbes m'apprend, par exemple, qu'il n'a jamais vu un seul cas de cheveux blancs chez les Aymarras et chez les Quichuas de l'Amérique du Sud. ' 11. C'est le cas pour les femelles de plusieurs espèces de Hylobates; Geoffroy Saint-l.ilaire et F. Cuvier, Hnt. nat. des Mamm.~ t. J, voir sur klar., Penny Encycl., II, p. 149,150.

Ihropol. Ml, p. 216, Ml. m, 236, 239, 269, 1887.

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612                       LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [Ile Partie]

de 0-.065, tandss que chez les Javanais l'excès moyen est de 0-.218J de sorte que, dans cette dernière race, la différence de grandeur entre les deux sexes est plus de trois fois plus forte que chez les Australiens. De nombreux mesurages, faits avec soin, sur diverses races, relativement à la taille, à la grosseur du cou, à l'ampleur de la poitrine, à la longueur de la colonne vertébrale et des bras, ont prouvé que les hommes diffèrent beaucoup plus les uns des autres que les femmes entre elles. Ce fait indique que le mâle surtout s'est modif.é, en ce qui touche ces caractères, depuis que les races ont divergé de leur origine primordiale et

C Le développement de la barbe et la villosité du corps peuvent varier d'une manière remarquable chez des hommes appartenant à des races distinctes, et même à des familles différentes de la même race. Nous pouvons même observer ce fait chez nous, Européens. Dans l'île de Saint-Kilda, d'après Martin,, la barb,, qui est toujours très faible, ne pousse pas chez les hommss avant l'âge de trenee ans et au-dessus. Dans le continent europoo-asiatique, la barbe existe jusquàà ce qu'on ait dépaséé l'Inde; encore est-elle souvent absenee chez les indigènes de Ceylan, comme l'avatt déjà remarqué Diodore" dans l'antiquité. Au-delà de l'Inde la barbe disparait, chez les Siamos,, chez les Malais, chez les Kalmuk,, chez les Chinoss et chez les Japonais, par exemple; cependant les Aïnos », qui habitent les îles septentrionales de l'archipel du Japon, sont les hommss les plus poilus qu'il y ait sur la terre. La barbe est claire ou absenee chez les nègres et ils n'ont pas de favoris; chez les deux sexes, le corps est presque complètement privé de fin duvet.. D'autre par,, les Papous de l'archipel Malais, qui sont presque aussi noirs que les nègres, ont la barbe bien développée". Les habitants de l'archipel Fidji dans l'océan Pacifique ont de grandss barbés touffues, tandss que ceux des archipels peu éloignés de Tonga et de Samoa sont imberbes; mais ils appartienntnt à des races distinctes. Dans le groupe d'Ellice, tous les habitants appartienntnt à la même race; cependant, dans une seule île, celle

13.  Voyage à Saint-Kilda (3° édit., 1753, p. 37). ,

14.  Sir J. E. Tennent, Ceylan, II, p. 108, 18o9.

15. Quatrefages, Revue des Cours scienlifiques, p. 630, 1860. Vogt, Leçons sur l'homme, p. 164 (trad. française).

16-Sur la barbe des nègres. Vogt, o. c, p., 164; Wailz./ntrod. to Anthro-pology (trad. anglaise, I, p. 96 1863) Il est à remarquer qu'aux États-Unis (Investigations in Military and Anthropological statislics o ~mertcaM sol-diers, pÎ569, 1869)) les nègres purs ainsi que leur progéniture métis paraissent avoir le corps presque aussi velu que les Européens.

17. Wallace, The Maiay Archipelago, II, p. 178,1869.

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[Chap. XIX] CARACT. SEXUELS SECONDAIRES CHEZ L'HOMME 613

de Nunemay,, « les hommes ont des barbes magnifiques; tandss que dans les autres îles ils ne possèdent généraient, en fait de barbe, qu'une douzaine de poils épars

On peut dire que tous les hommes du grand continent américain sont imberbss; mais dans presque toutes les tribus quelques poils courss apparaissent parfoss sur le visage, surtout dans un âge avancé. Catlin estime que, dans les tribus de l'Amérique du Nord, dix-hutt hommes sur vingt sont complètement privés de barbe; mais on rencontre de temps en temps des individus qui, ayant négligé d'arracher les poils à l'âge de puberté, ont une barbe molle, longue d'un ou deux pouces. Les Guaranys du Paraguay diffèrent de toutes les tribus environnantes en ce qu'ils ont une pettte barbe, et même quelquss poils sur le corps; mais ils n'ont pas de favoris.». M. D. Forbe,, qui a particulrèrement étudié cette quesiion, m'apprend que les Aymaras et les Quichuas des Cordillères sont remarquablement imberbes; quelquss poils égarés apparaissent parfois à leur menton lorsqu'ils sont vieux. Les hommss de ces deux tribus ont fort peu de poil sur les diverses parties du corps où il croit abondamment chez les Européens, et les femmes n'en ont point. Cependatt les cheveux atteignent une longueur extraordinaire chez les deux sexes, ils tombent souvent jusquàr terre; c'est également le cas de quelquss tribus de l'Amérique du Nord. Les sexes des indigènss amérccains ne diffèrent pas entre eux- parla quantité des cheveux et par la forme générale du corps, autant que le font la plupatt des autres races humaines». Ce fait est analogue à ce qu'on observe chez quelquss singe;; ainsi les sexes du Chimpanzé sont moins différenss que chez le Gorille et l'Orang « . ., Nous avons vu dans les chapitres précédents que, chez les Mammifère,, chez les Oiseaux, chez les Poisson,, chez les Insectes, etc., un grand nombre de caractères, primitivement acquss par un seul au moyen de la sélection sexuelle, comme nous avons toute raison de le croire, ont été transférés aux deux sexes. Cette même forme de transmission a évidemment prévauu à un haut de-

18. Docteur J. Barnard Davis, sur les races océaniques; Antrop. Review,

P"lf clÏÏnfSlÏÏ^rto.» Indians, 3° édit., Il, p. 227, 1842. Sur les Guara-nys, Azara, voyage dans VAmêrique mérid., II, p. 58, 1809; Rengger, Sauge-

TC»?™™ et .adame Agassiz ^neyin^U, p. 530) ont r= c^xTrnèïrefe^

G™& Die Gren.en der THierveU (Considérations sur la loi de Dar-win), etc., 1868, p. 54.

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614                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [lie Part)e]

gré chez l'espèce humanne; nous éviterons donc une répétition inutlle en discueant l'orignee des caractères spéciaux au sexe mâle, en même temps que de ceux qui sont communs aux deux sexes.

Loi du comba., - Chez les nations barbares, les Australiens, par exempe,, )es femmes sont un prétexee continull de gueree entre les individus de la même tribu et ceux des tribus différentes. J) en était sans doute ainsi dans l'antiquité : « Nam futt ante Helenam mulier teterrima belli causa. » Chez les Indiens de l'Amérique du . Nord, la lutte est réduite à l'état de système. Un excelleni observateu,, Hearne », dit : « Parmi ces peuples, il a toujouss été d'usage, chez les hommes, de lutter pour s'assurer la possession de la femme à laquelle ils sont attachés; et, naturellement, c'est l'individu le plus fort qui emporee le prix. Un homme faible, à moins quil ne soit bon chasseur et fort aimé dans la tribu, conserve rarement une femme qu'un hommeplus fort croit digne de son attention. Cette coutume prévaut dans toutes les tribu,, et développe un grand esprit d'émulation chez les jeunes gens, qu,, dès leur en-

îrixL^attuT?les occasions pour éprouver leur force et

Azara dit que les Gnanas de l'Amérique du Sud ne se marient que rarement avant vingt ans ou plus, n'étant pas jusquàà cet âge en état de vaincee leurs rivaux.

Nous pourrions citer encore d'autres faits semblables; mais, les preuvss nous manquassent-elles, nous serions presque sûrs, d'après l'analogie avec les Quadrumanes supérieurs», que la loi du combat a prévauu chez l'homme pendatt les premières phasss de son développement. L'apparition accidentelle, aujourd'hui encore, de dents canines qui dépassett les autre,, et les traces d'un intervalle pour la réception des canines opposées, est, selon toute probabilité, un cas de retour vers un état antérieur, alors que les ancêtres de l'homme étaient pourvss de ces défenses, comme le sont tant de Quadrumanes mâles actues.. Nous avons fait remaquer, dans un chapitre précédnnt, que l'homm,, à mesure qu'il se redressa.t, et commençait à se servrr de ses bras et de ses main,, ou pour combattre avec'des bâtons et des pierre,, ou pour les autres usages de la vie, devatt employrr de moins en moins ses mâ-

f-AJcprney from Prince of Wales fort, in-8, Édition de Dublin, J796, «l'hi.hi Lu,bboc,1f(Ongm of Civilisation, p. 69, 1870) cite d'autres exemples semblables dans l'Amérique du Nord. Pour les Guanas de l'Amérique du Sud voir a™™ » « ti . iu                                                            H               '

r Azara, o. c, JI, p. 94.

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[Chap. XtX] DIFFÉR. DANS LES FACULTÉS DES DEUX SEXES 615

choires et ses dents. Les mâchoires avec leurs muscles et les dents se seront alors réduites par défaut d'usag,, en vertu des principes encore peu compris de la corrélation et de l'économee de croissance ; car partott nous voyons que les parties qui ne servent plus subissent une réduction de grosseur. Une cause de ce genre auratt eu pour résultat définitff de faire disparaître t'inégalité primitive entre les mâchoires et les dents des deux sexes chez la race humanne. Ce cas est presque identiqee à celui de beaucoup de ruminants mâles, chez lesquels les canines se sont réduites à de simples rudiments, ou ont disparu, en conséquenee évidemment du développement des cornes. La différence prodigieuse étant, entre les crânes des deux sexes chez le Gorille et chez l'Oran,, en rapports étroits avec )e développement énorme des dents canines chez les mâles, nous pouvons en conclure que la diminution des mâchoires et des dents chez les ancêtres primitifs mâles de l'homme a détermnéé dans son aspect un changement favorabee des plus frappants.

On ne peut guère douter que la plus grande taille et la plus grande force de l'homm,, quand on le compare à la femme, ses épaules plus larges, ses muscles plus développés, ses contouss plus anguleux, son plus grand courage et ses dispositions belliqueuses, ne proveennent principalemene par héritage de quelque ancêtee mâle qui, comme les singes anthropomorphes actuels, possédait ces caractères. Ces caractères ont dû se conservrr et même s'augmenter pendant les longues périodss où l'homme était encore plongé dans un état de barbarie profond;; car les individus les plus forts et les plus hardss ont dû le mieux réussr,, soit dans la lutte générale pour l'exsstence, soit pour la possession des femelle,, et ont dû aussi laisser le plus grand nombre de descendants. Il n'est pas probabee que la plus grande force de l'homme ait pour origine les effets héréditaires des travaxx plus pénibles auxquels.il a dû se livrer pour assurer sa subsistance et celle de sa famille; car, chez tous les peupess barbares, les femmes sont forcées de travailler au moins aussi laborieusement que les hommes. Chez les peuples civitisés le combat pour s'assurer la possessinn des femmes n'existe plus depuss .longtemps, mais les hommes ont, en généra,, à se livrer à un travall plus pénible que les femmes pour subvenrr à leur subsistance réciproque, et cette circonstance contribue à leur conserver leur force supérieure.

DifférencedanslesyacuUésinleUectuellesdesdeuxsexes.-Uest probable que la séleciion sexuelle a joué un rôle important dans les différences de cette natuee qui se remarquent entre l'homme

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616                   - LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ue PaBtfe]

et la femme. Je sais que quelquss'auteuss doutent qu'il y ait'auéune différence inhérente; mais l'anaoogie avec les animaux inférieurs,. qui présentent d'autres caractères sexuels secondaires; rend cette proposition tout au moins probable. Personne ne contestera que ie caractère du taureau ne diffère de celui de la vache, le caractère du sanglier sauvage de celui de la truie, le caractère de l'étalon de'celui de la jument; et, comme te. savent fort bien les gardeens de ménageries, le caractère des grands singes mâles de celui des femelles. La femme semble différer de l'homme dans ses facultés mentales, surtout par une tendresee plus grande et un égoïsme moindre, et ceci se vérfiie même chez les sauvages, comme le prouve un passage bien connu des voyagss de Mungo Park, et les récits de beaucoup d'autres voyageurs. La femme déploie à un éminent degré sa tendresee à l'égadd de ses enfants, par suite de ses instincts maternels; il est vraisemblable qu'elle puisse l'étendee jusqu'à ses semblables. L'homme est t'éga! d'autres homme,, il ne redouee point la rivalité, mais elle le condutt à l'ambition, et celle-ci à l'égoïsme. Ces facultés semblent faire partie de son malheureux héritage naturel. On admet généraeement que chez la femme les facultés d'intuition, de perception rapid,, et peut-être d'imitation, sont plus fortement développées que chez l'homm;; mais quelques-unes au moins de ces facultés caractérisent les races inférieures, elles ont, par conséquent, pu exister à un état de civilisation inférieure.

. Ce qui établit la distinction princppale dans la puissanee intelletuelle des deux sexes, c'est que l'homme atteint, dans tout ce qu'il entreprend, un point auquel la femme ne peut arriver, quelle que soit, d'ailleurs, la nature de l'entrepri,e, qu'elle exige ou une pensée profonde, la raison, l'imagination, ou simplement l'emploi des sens et des mains. Que l'on dresse deux listes des hommes et des femmes qui se sont le plus distinguss dans la poésie, la peinture, la sculpture, la musiqu,, y comprss la composition et l'exécution, - l'histoire, la science, et ]a philosophie : les deux listes d'une demi-douzaine de noms pour chaque art ou science, ne supporteront pas la comparaison. Nous pouvons ainsi déduiee de la loi de la déviation des moyennes, si bien expliquee par M. Galton dans son livre sur le Génie héréditaire, que si les hommss ont une supériorité décidée sur les femmes en beaucopp de points, la moyenne de la puissance mentaee chez l'homme doit excéder celle de la

Les ancêtres semi-humains mâles de l'homme et les sauvages, ont, pendant bien des générations, lutté les uns contre les autres

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[ChapP XIX] DIFFÉR. DANS LES FACULTES DES DEUX SEXES 617

pour la possession dés femelles. Mais les seules condiiions de force . et de taille corporelles n'auraient pas suffi pour vain'cre, si elles n'avaeent été unies au courag,, à la persévérance, et à une détermination énergique. Chez les animaux sociables, les jeunes mâles ont plus d'un combat à livrer pour s'assurer la possession d'une femelle, et ce n'est qu'à force de luttes nouvelles que les mâles plus vieux peuvent conserver les leurs. L'homme a-du encore défendre ses femmes et ses enfanss contre des ennemss de tous genres, et chasser pour subvenrr à leur subsistance et à la sienne propre. Mais, pour éviter l'ennemi, pour l'ataaquer avec avantage, pour capturer les animaux sauvages, pour inventer et façonner des arme,, il faut le concouss des facultés mentales supérieures, c'est-à-dire l'observation, )a raison, l'invention ou l'imagination. Ces diversss facultés auront donc été mises ainsi continuellement à l'épreuve, et auront fait l'objet d'une sélection pendant l'âge de la virilité, période durant laquelle elles auront été d'allleurs fortfiées par l'usag.. En conséquence, conformément au principe souvent cité, elles ont dû être transmises à l'âge correspondant de la virilité, et surtou. à la descendance mâle.

Or, si deux hommes, ou un homme et une femme, doués de qualités mentales'également parfaites, se font concurrence, c'est celui qui a le plus.d'énergie, de persévérance et de courage qui atteindaa au plus haut point et qui remportera la victoire, quel que soit d'allleuss l'objet de la lutte». On peut même dire que celui-là a du génie - car une hauee autorité a déclaré que le génie c'est la patience; et la patience dans ce sens signifie une persévérance inflexible et indomptable. Cette définition du génie est peut-être incomplète; car, sans les facultés les plus élevées de l'imagination et de la raison, on ne peut arriver à des succès importants dans bien des entrepris.s. Ces dernèères facultés ont été, comme les premières, développées chez l'homm,, en partie par l'action de la sélection sexuelle, - c'est-à-dire par la concurrence avec des mâles rivaux, - et en partie par l'action dela sélection naturelle, c'es-à-dire la réussite dans la lutte généraee pour l'existence; or, comiru dans les deux cas, cette lutte a lieu dans l'âge adutte, les caractères acquis ont dû se transmettre plus complètement à la descendanee mâle qu'à la descendanee femelle. Deux faits confirment l'opinion que quelques-unes de nos facultés mentales ont été modi-

24. J. Stuart Mil (The Sujétion of Women^. 122, 1869) remarque., que les choses dans esque es l'homme exce e le pus sur la femme sont celles qui exigent le travail le p!us laborieux et la longue étude de pensées isolées',. Qu'est-ce que cela, sinon de l'énergie et de la persévérance?

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fiées ou renforcées par la sélection sexuelle : le premier, que ces facultés subissen,, comme on l'admtt généralement, un changment considérable à i'age de la puberté»- )e second, que les eunuquss demeurent toute leur vie, à ce point de vue, dans un état inférieu.. L'homme a fini ainsi par devenrr supéreeur à la femme. Il est vraiment heureux que )a loi de l'égale transmission des caractères aux deux sexes ait généralement prévauu dans toute ia classe des mammifères; autrement, il est probable que l'homme seratt devenu aussi supérieur à la femme par ses facultés mentales que )e paon par son plumaee décoratif relativement à celui de la femelle.

Il faut se rappeler que la tendanee qu'ont les caractères acquis à une époque tardive de la vie par l'un ou l'autre sexe, à se tranmettre au même sexe et au même âge, et celle qu'ont les caractères acquis de bonne heure à se transmettre aux deux sexes, sont des règles qu,, quoique générales, ne se vérifient pas toujours. Si elles se vérifiaintt, toujouss (mais ici je m'éloigne des limites que je me suis imposées), nous pourrions concluee que les effets héréditaires de l'éducation première des garçons et des filles se transmettraient également aux deux sexes; de sorte que la présenee inégalité de puissanee mentaee entre les sexes ne pourrait ni être effacée par un cours d'éducation précoce analogu,, ni avoir été causée par une différence dans l'éducation première. Pour rendee la femme égale à l'homm,, il faudrait qu'elle fût dressé,, au moment où elle devient adulte, à l'énergee et à la persévérance, que sa raison et son imagination fussent exercées au plus haut degré, elle transmettrait probablement alors ces quaiités à tous ses descendants, surtout à ses filles adultes. La classe entière des femmes ne pourrait s'améliorer en suivant ce plan qu'à une seule condiiion, c'est que, pendant de nombreuses générations, les femmes qui posséderaient au plus haut degré les vertus dont nous venons de parler produisissent une plus nombreuse descendance que les autres femmes. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer à l'occasinn de )a force corporelle, bien que les hommes ne se battent plus pour s'assurer la possession des femmes, et que cette forme de sélection ait disparu, ils ont généralement à soutenir, pendant l'âge mûr, une lutte terrible pour subvenrr à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, ce qui tend à maintenrr et même à augmenter leurs facu)tés. mentales, et, comme conséquence, l'inégalité actuelee qui se remarque entre les sexes..

25.  Maudsley.Mnd and body, p. 31.

26. Il y a une observation deVogt qui a trait à ce sujet : « C'est que la diffé-

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[ChaP. XfX]          VOIX ET FACULTÉS MUSICALES                       619

Voix et yacultés musicales. - La puissanee de la voix et le développement des organss vocaux constttuent, chez quelquss espèces de Quadrumanes, une grande différence entre les deux sexes adultes; cette différence existe ausse dans l'espèee humanee et semble provenir, par héritage, des premiers ancêtres. Les cordes vocales de l'homme sont plus longues d'un tiers que celles de la femme, ou des jeunes garçon,, et !a-castration produtt sur lui les mêmes effets que sur ]es animaux inférieurs, car elle « arrête l'accrosssement qui rend la thyroïde saillante, etc,, et accompagne l'allongement des cordes vocales»' ». Quant à la cause de cette différenee entre les sexes, je n'ai rien à ajouter aux remarques faites dans le dernier chapitre sur les effets probables de l'usage longtemss continéé des organss vocaux par les mâles, sous l'influence de l'amou,, de la colère et de la jalousie. D'après Sir Duncan Gibb», la voix varie dans les différentes races humaines; chez les Tartares, chez les Chinois, etc,, on dit que la voix de l'homme ne diffère pas de celle de !a femme autant que dans la plupart des autres races.

Il ne faut pas entièrement omettre de parler de l'aptitude et du goût pour )e chant et pour la musiqu,, bien que ce ne soit pas, chez l'homm,, un caractère sexue.. Les sons qu'émettent les animaux de toute espèce ont des usages nombreux, mais ilest presque certain que les organss vocaux ont servi d'abord, en se perfectionnant toujours, à la propagation de l'espèce. Les insectes et quelquss araignées sont les seuls animaux inférieuss qui produsent volontairement des sons, et cela.au moyen d'organes de stridulatinn admirablement disposé,, souvent limités aux mâles seuls. Les sons ainsi produits consistent, à ce que je crois, dans tous les cas, en une répétition rhythmique de la même note»; note quelquefois agréabee même à l'orellee humanne. L'usage principal de ces sons et, dans certanss cas, leur usage exclusff paratt être d'appeler ou de séduree la femelle.

Les sons que produisent les poissons sont, dans quelquss cas, l'apanage des mâ)es seuls pendant la saison des amours. Tous les vertébrés à respiration aérienne possèdent nécessairement un apparence qui existe entre les deux sexes, relativement à la capacité crânienne, augmente avec la perfection de la race, de sorte que l'Européen s'élève plus au-dessus de l'Européenne, que le nègre au-dessus de la négresse. Welcker a trouvé la eonfirmation de cette proposition émise par Huschke, dans les mesures qu'il a relevées sur les crânes allemands et nègres. , (Leçons sur l'Homme, p. 99, trad. française). Mais Vogt admet que ce point exige, encore des observations.

Hist. XI, avril 1868.

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reil pour l'inspiration et l'expiration de l'air, appareil pourvu d'un tube qui peut se fermer à son extrémité. Aussi, au moment d'une vive excitation, alors que les muscles se contractent violemment, les membres primordiaux de cette classe ont dû certannement faire entendee des sons incohérents; or, si ces sons ont rendu un service quelconqee à ces animau,, ils ont dû facilement se modifier et s'augmenrer par la conservation de variations convenablement adaptées. Les amphibies sont les vertébrés aériens les plus inférieurs; or, un grand nombee d'entre eux, les crapauds et les grenouiless par exempe,, ont des organss vocaux, qui sont constamment en activité pendant la saison des amour,, et qui sont souvent beaucoup plus développss chez le mâle que chez la femelle. Le mâle de la tortue seul émet un bruit, et les alligators mâles rugissent et beuglent pendant la saison des amours. Chacun sait dans quelle mesure les oiseaux se servent de leurs organss vocaux comme moyen de faire leur cour aux femelles; quelquss espèces pratiquent également ce qu'on pourrait appeler de la musique in-

S Zr iVclasse des Mammifères, dont nous nous occupons ici plus particulièrement, les mâles de presque toutes les espèces se servent de leur voix pendant la saison des amouss beaucopp plus qu'à toute autre époque; il yen a même quelques-uns qui, en toute autre saison, sont abso;ument muets. Les deux sexes, dans d'autres espèces, ou les femelles seules, emploient leur voix comme appel d'amour. Si l'on considèee tous ces faits, si l'on considèee que, chez quelquss mammifères, les organss vocaux sont beaucoup plus développss chez le mâle que chez la femelle, soit d'une manière permanente, soit temporairement pendant la saison des amours; si l'on considèee que, dans la plupatt des classes inférieures, les sons produits par les mâles servent non seulement à appeler, mais à séduire les femelles, c'est la preuve complète que les mammifères mâles emploient leurs organss vocaux pour charmrr les femelle.. Le Mycetes caraya d'Amérqque fait peut-être exception, comme aussi l'un des singes les plus voisins de l'homm,, VHylobates agilis. Ce Gibbon a une voix extrêmement puissante, mais harmonieuse. M. Waterhouse" dit au sujet de cette voix : « Il m'a semblé qu'en montant et en descendant la gamm,, les intervalles étaient régulièrement d'un demi-ton, et je suis certain que la note la plus élevée était l'octave exacee de la plus basse. Les notes sont harmonieus,s, et je ne doute pas qu'un bon violoniste ne puisse reproduire la

30. Donné dans W. C. L. Martin, Gêneral Inlrod. to Nat. Rist. of Mamm. Animais, p. 432, 1841; Owen, Anatomy of Vertébrales, III, p. 600.

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[ChapP XIX]          VOIX ET FACULTÉS MUSICALES                      621

composition du gibbon, et en donner une idée exacte, sauf en ce qui concerne l'intensité. » M. Waterhouse en donne la notation. Le professeur Owen, qui est aussi un musicien, confirme ce qui précède, et fait remarquer, à tort il est vrai, < qu'on peut dire de ce gibbon qu'il est le seul des mammifères qui chanee ». Il paratt très surexcité après l'exécution de son chan.. On n'a malheureuement jamass observé avec soin ses habitudes à l'état de nature; mais à en juger d'après l'anaoogie avec tous les autres animau,, on peut supposrr qu'il fait surtout entendee ses notes musicales pendant la saison des amours.

Ce gibbon n'est pas la seule espèce du genre qui ait la faculté de chanter, car mon fils, Francis Darwin, a entendu aux Jardins Zoo-logiques, un H. leuciscus chanter une cadence de trois notes en observatt les intervalles musicau.. Il est plus surprenant encore que certains rongeuss émettent des sons musicau.. On a souvent cité, on a souvent exposé des sourss chantantes, mais la plupatt du temps, on a soupçonéé quelque tour de passe-passe. Toutefois nous possédons enfin une description faite par un observateur bien connu, le rév. S. Lockwood», relativement aux facultés musicales d'une espèce amérccaine, VHesperomyscognatus, appartentnt à un genre distinct de celui auquel appartient la sourss anglaise. Ce petit animal vivatt en captivitl et répétait souvent ses chanson.. Dans l'une des deux principales quill aimait à chanter, « il faisatt parfoss durer la dernière mesure pendant le temps qu'en auraient duré deux ou trois; parfoss aussi il allatt de do dièze et ré à do naturel et ré, et faisatt pendatt quelque temps une trille sur ces deux notes, puis terminait par un mouvemntt vif sur do dièze etre. Il observait admirablement les demi-tons, et les faisatt sentir à une bonne oreille ». M. Lockwodd a noté ces chants, et il ajoute que, bien que cette petite souris « n'att pas d'oreille pour la mesure, elle en a pour rester dans le ton de si (deux bémols) et strictement dans le ton majeur... Sa voix claire et douce baisse d'une octave avec toute la précision possible, puis en terminant, elle remonee a sa trille de do dièze à ré».

Un critique s'est demandé comment il pouvatt se faire que la sélection ait adapéé les oreilles de l'homm,, et il auratt dû ajouter d'autres animau,, de façon à distinguer les notes musicales. Mais cette question indique quelque confusion du suje;; un brutt est la sensation que nous causent plusieuss simples vibrations aériennss ayant diverses périodes, dont chacune s'entre-croise si fréquem-

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31. The American NaturaUst,im>P.^l.

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ment qu'on n'en peut percevorr l'existenee séparée. Un bruit ne diffère d'une note musicaee que par le défaut de continuité des vibrations et par leur manque d'harmonie inter se. En conséquence, pour que l'orellee soit capabee de distinguer les bruits, et chacun admet l'importance de cette faculté pour tous les animaux, il faut qu'elle soit sensible aux notes musicales. Nous avons la preuve que cette faculté existe chez les animaux placés très bas sur i'échelle : ains,, des crustacés possèdent des poils auditifs ayant différentes longueurs, et qu'on a vus vibrer quand on emploie certaines notes musicales». Comme nous l'avons dit dans un précédent chapitre, on a fait des observations semblables sur. les poils qui couvrent les cousin.. Des observateurs attentifs ont positivement affirmé que la musique attire les araignées. On sait aussi que certaiss chiens se metteni à hurler quand ils entendntt certains sons3'. Les phoquss semblent apprécier la musiqu;; les anciens connasssaient leur amour pour la musique; et les chasseurs de notre époque tirent avantage de ces dispositions.

Par conséquent on ne se trouve en présenee d'aucuee difficutté spéciale, qu'ie s'agssee de l'homme ou de tout autre anima,, en tant que l'on s'occupe seulement de la simple perception des notes musicales. He)mholtz a expliqu,, d'après les principes physiologiques, pourquoi les accords sont agréables à l'oreille humaine, les désaccords désagréables; peu imporee d'alleuurs, car l'harmonie est une inventinn récene.. La mélodie seule doit nous occupe,, et ici encore, selon Hetmholtz,.il est facile de comprendre pourquoi nous employons les notes de notre échelle musicale. L'oreille décompoee tous les sons pour retrouver les simples vibrations, bien que nous n'ayons pas conscienee de cette analyse. Dans un accord musica,, la note la plus basse est généralement prédominante, et les autre,, qui sont moins marquées, sont l'octav,, la douzièm,, etc., toutes harmoniques de la note fondamentate prédominante; chacune des notes de notre gamme a cette même proprié.é. Il semble donc évi- . dent que, si un animal désiratt toujouss chanter le même air, il se ' guiderait en essayant tour à tour ces notes qui font partie de plusieurs accord,, c'est-à-dire qu'il choisirait pour son air des notes qui appartienntnt à notre gamme.

Si l'on demandait en outre pourquii les sons disposés dans un

ï=œuÊ— &sl„......„

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[Chap. XIX]          VOIX ET FACULTÉS MUSICALES                      623

certain ordre et suivant un certain rhythme procurent un sentiment de plassir à l'homme et à d'autres animau,, nous ne pourroons répondre qu'en invoquant le plaisrr que font ressentir certaines odeurs et certaines saveurs. Le fait que beaucoup d'insectes, d'araggnées, de poisson,, d'amphibies et d'oiseaux font entendee ces sons pendant la saison des amours, nous autorise à conclure qu'ils évoquent un certain sentiment de plaisir chez les animau;; en effet, il faudratt croire, ce qui est impossible, que les efforts persévérants du mâle et les organes complexes qu'il possède souvent pour produire ces sons sont absolument inutiles, si l'on n'admettait que les femelles sont capables de les apprécier et se laissent exciter et séduire par eux ».

On admet que, chez l'homm,, le chant est la base ou l'origiee de la musique instrumentale. L'aptitude à produire des notes muscales, lajouissan.ee qu'elles procurent, n'étant d'aucune utilité directe dans les habitudes ordinaires de la vie, nous pouvons rangrr ces facultss parmi les plus mystérieuses dont l'homme soit doué. Elles sont présentes, bien qu'à un degré fort inférieur, chez les hommes de toutes les races, même les plus sauvages ; mais le goût des diverses races est si différent que les sauvagss n'éprouvent aucun plassir à entendee notre musiqu,, et que la leur nous paratt horrible et sans signification. Le'docteur Seemann fait quelquss remarquss intéressantes à ce sujet », « il met en doute que, même parmi les nations de l'Europe occidentale, si intimement liées par les rapports continuels qu'elles ont ensemble, la musique de l'une soit interprétée de la même manière par une autr.. En allant vers l'Es,, nous remarquons certainement un langaee musical différen.. Les chanss joyeux et les accompagnements de danses ne sont plus, comme chez nous, dans le ton majeur, mais toujouss dans le ton mineur ». Que les ancêtres semi-humains de l'homme aient ou non posséd,, comme le gibbon cité plus hau,, la capacité de produire et d'apprécier les notes musicales, nous avons toute raison de croire que l'homme a possédi ces facultés à une époque fort reculée. M. Lartet a décrtt deux flûtes faites avec des os et .des cornes de renne;; on les a trouvées dans les cavernss au milieu d'instrumenss en silex et de restes d'animaux éteints. Le chant et la danse sont aussi des arts très anciens, et sont aujourd'hui pratiqués par presque tous les sauvages, même les plus grossiers. La poésie,

34.  M. R. Brown Proc. Zool. Soc, p. 410,1868.

35.  Journal of Antrop. Soc, p. clv, Oct. ]870. Voir les derniers chapitres de Prehistoric Times de Sir J. Lubbock, 2' édit. 1869, qui contient une description remarquable des habitudes des sauvages. - ,q - - ......

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qu'on peut considérer comme la fille du chan,, est également si ancienne que beaucoup de personnes sont étonnées qu'elle ait pris naissanee pendant les périodss reculées sur lesquelles nous n'avons aucun document historique.                              .

Les facultésmusicales qui ne font entièrement défaufdans aucune race, sont susceptibles d'un prompt et immense développement, ce que nous prouvent les Hottentots et les nègre,, qui deviennent aisément d'excellents musiciens, bien que, dans leur pays nata,, ils n'exécutent rien que nous puissions appeler musiqu.. Toutefois, Schweinfurth a écouté avec plaisir quelquss simples mélodies du centre de l'Afriqu.. Mais il n'y a rien d'anormal à ce que les facultés musicales restent à l'état latent chez l'homm;; quelquss espèces d'oiseau,, qui naturellement ne- chantent jamais, apprennent à émettee des sons sans granee difficulté; ainsi un moineau a appris le chant d'une linotte. Ces deux espèces, étant voisines et appartenant à l'ordee des Insessores, qui renferme presque tous les oiseaux chanteuss, du globe, il est possibl,, probable même, qu'un ancêtre du moineau a été chanteur..Un fait beaucoup plus remaquabee encore est que les perroquets, qui font partie d'un groupe distinct de celui des Insessores, et qui ont des organss vocaux d'une conformation toute différente, peuvent apprendee non seulement à pareer, mais à siffler des airs imaginés par l'homm,, ce qui suppose une certaine aptituee musicae.. Néanmoins, il seratt téméraire d'afiirmrr que les perroquets descendent de quelque ancêtre chanteu.. On pourrait, d'alleeurs, indiqurr bien des cas analogues d'organss et d'instinct primitivemtnt adaptés à un usage qui ont été, par la suite, utilisés dans un but tout différent ». L'aptitude à un haut développement musical que possèdent les races sauvages humaines peut donc être due, soit à ce que leurs ancê-ttres semi-humains ont pratiqué quelque forme grossière de musique, soit simplement à ce qu'ils ont acquss dans quelque but distinct des organes vocaux appropriés. Mais, dans ce.dernier cas, nous devons admettre quills possédaient déjà, comme dans le cas préctté des perroquets, et comme cela paratt être le cas chez beaucoup d'animaux, quelque sentiment de la mélodie.

36. Depuis l'impression de ce chapitre j'ai lu un article remarquable de M. Chauncey Wright (North Amertcan Review, p. 293, Oet. 1870)) qui, discutant le sujet en question, remarque : . 11 y a beaucoup de conséquences des lois

actuels ou possibles qui la limitent, et que le principe d'utilité n'aura pas compris dans son action. D Ce principe a une portée considérable, ainsi que

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[Cnap.XIX]          VOIX ET FACULTÉS MUSICALES                      625

La musiqee excite en nous diverses émotion,, mais non par elle-méme, les émotions terribles de l'horreur, dela crainte, dela colère, etc. Elle éveille les sentiments plus doux de la tendresee et de l'amou,, qui passent volontiers au dévouement. « On peut au moyen de la musique, disent les annales chinosses, faire descendee le ciel sur la terre. » Elle éveille aussi en nous les sentimenss du triomphe et de l'ardeur glorieuee de la guerre. Ces impressions puissantes et mélangées peuvent bien produire le sens de la subimité.. Selon la remarque du docteur Seemann, nous pouvons résumer et concentrer dans une seule note de musique plus de sentiment que dans des pages d'écriture. Il est probable que les oiseaux éprouvent des émotioss analogues, mais plus faibles et moins complexes, lorsque le mâle luttant avec d'autres mâles fait entendee tous ses chanss pour séduree la femelle. L'amour est de beaucoup le thème le plus ordinaire de nos propres chants. Ainsi que le remarque Herbert Spence,, « la musique révellee des sentiments dont nous n'aurions pas conçu la possibilité, et dont nous ne con-naissons-pas la signification » ; .ou, comme le dit Richter, « elle nous parle de choses que nous n'avons pas vues et que nous ne verross jamais" ». Réciproquement, )orsqu'un orateur éprouve ou exprime de.vivss émotions, il emploie instinctivement un rhythme et dés cadencss musicales, et nous faisons de même dans le langage ordinaire. Un nègre sous le coup d'une vive émotion se met à chanter, < un autrelui répond en chantant auss,, et tous les assistants, touchés pour ainsi dire par une onde musicale, finissent par imiter les deux interlouuteurs ». Les singes se servent aussi de tons différents pour exprimer leurs fortes impressions, - la colère et l'impatience par des tons bas/ - la crainte et la douleur par des tons aigus.. Les sensations et les idées que la musique ou les cadences

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par M. Herbert Spencer, dans ses Essays, p. 359, 1858, dans laquelle l'auteur arrive àune supposition'exactement contr'aîre à l'a mienne* Il Sut, comme

autrefois Diderot, que les cadences employées dans un langage ému,fournissent la base d'après laquelle la musique s'est développée, tandis que je con-

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626                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Partie]

d'un discouss passionné peuvent évoquer en nous, paraissent, par leur étendue vague et par leur profondeur, comme des retouss vers les émotions et les pensées d'une époque depuss longtemps dis-

^Tous ces faits relatifs à la musique deviennent jusquàà un certain point compréhensibles, si nous pouvons admettre que les tons musicaxx et le rhythme étaient employés par les ancêtres semi-humains de l'homm,, pendant la saison des amours, alors que tous les animaux sont entraînés par l'amour et aussi par la jalousie, la rivalité ou le triomphe. Dans ce cas, d'après le princppe profond des associations héréditaires, les sons musicaux pourraient réveiller en nous, d'une manière vague et indéterminée, les fortes émotions d'un âge reculé. Nous avons raison de supposer que le langage articuéé est une des dernières et certainement une des plus sublimes acqussitions de l'homme ; or, comme le pouvoir instinctif de produire des notes et des rythmss musicaux existe dans des classes très inférieures de la série animale, il seratt absolument contraire au principe de l'évolution d'admettre que la facu'té musicale de l'homme a pour origine les diverses moduaations employées dans le discouss de la passion. Nous devons supposer que les . rythmss et les cadences de l'art oratoire provennnent au contraire de facultés musicales précédemment développée'". Ceci nous explique que la musiqu,, la danse, le chant et la poésie sont des arts ancien.. Nous pouvons même aller plus loin, et, comme nous l'avons déjà fait remarquer dans un chapitre précédent, affirmer que la faculté d'émettre des notes musicales a servi de base au développement du tangage". Certanss quadrumanes mâles ont les organes vocaux bien plus développss que les femelles, et te gibbon, un des singes anthropomorphes, peut employrr toute une octave de notes musicales et presque chanter; il. n'y a donc rien d'improbable à soutenrr que les ancêtres de l'homm,, mâles ou femelles, ou tous deux, avant d'avorr acquss la faculte d'exprimer leurs tendres sentiments en langage articulé, aient cherché à se charmrr l'un l'autre au moyen de notes mnsicales et d'un rythm.. Nous savons si peu de chose sur l'usage que les quadrumanes font de leur voix pendant la saison des amours, que nous n'avons presqee

„39; ™?r0V\T^^yrdom ofma!,im,P.m,etAfricainSlietch Book, 1873, vol. II, p. 313.

40. Je trouve dans Lord Monboddo. Origin of Langage, vol. 1 (1774)) p. 469, que le docteur Blacklock pensait également que le premier langage de

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[Chap. XtX] INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGES 627

aucun moyen de juger si l'habitude de chanter a-été acqusee en premier lieu par les ancêtres mâles de l'humanité ou bien par les ancêtres femelles. Les femelles sont généralement pourvues de voix plus douces que les homme,, et, autanl que ce fait peut nous servrr de guide, il nous autorise à penser qu'elles ont été les premières à acquérir des facultés musicales pour attirer l'autre sexe". Mais, si cela est arrivé, il doit y avoir fort longtemps, et bien avant que les ancêtres de l'homme fussent devenus assez humains pour apprécier et ne traiter leurs femmes que comme des esclaves utiles. Lorsque l'orateur passionné, le barde ou le musicien, par ses tons variés et ses cadence,, éveille chez ses auditeuss les émotions les plus vives, il ne se doute pas qu'il emploie les moyens dont se servaient, à une époque extrêmement recuiée, ses ancêtrss semi-humains pour exciter leurs passions ardentes, pendant leurs rivalités et leurs assiduités réciproques.

Influenee de la beauté sur les mariages humains. - Chez les nations civilisées, l'apparence extérieure de la femme exerce une influence considérable, mais non exclusive, sur le choix que l'homme fait d'une compagne ; mais nous pouvons laisser de côté cette partie de la question, car, comme nous nous occuposs surtout des temps primitifs, notre seul moyen de juger est d'étudier les habitudes des nations demi-civilisées et même des peupess sauvages actues.. Si nous pouvons établir que, dans des races différentes, les hommss préfèrent des femmes qui possèdent certaiss caractères, ou, inversemen,, que les femmes préfèrett certains hommes, nous aurons alors à rechercher si un tel choix, continué pendant de nombreuses générations, a dû exercer quelque effet sensible sur la race, soit sur un sexe, soit sur les deux; cette dernèère circonstance dépendant de la forme héréditaire prédominante.

Il est utile d'abodd de prouver avec quelquss détails que les sauvagss apportent une grande attention à l'extérieur personnll ".

41. Voy. une discussion intéressante sur ce sujet dans Hâckel, Generelle

^^'SfjiJÏ^SS^ow-r italien, donne une description excel-lente de la manière dont, dans toutes les parties du globe, les sauvages se décorent, dans « Rio de la Plata, Viaggj e Studj, 1867, p. 525-545 », et c'est à cTouvrage que nous avons emprunff.es documents suivants, lorsque nous n'indiquons pas uneautre origine. Voy.Waitz, Introd.to An hropology vol A, d 275 1863 (trad. anglaise). Laurence, Lectures on Physiology, 1822, entre uanfde granus détail! Depuis que j'ai écrit ce chapitre, Sir J. Lubbôck a publiésonOriginof Civilisation, 1870, contenant un intéressantchapitre sur le présentsujet; je lui ai emprunté quelques faits (p. 42, 48) sur l'habitude qu'ont . les sauvages deteindre leurs cheveux et leurs dents et de percer celles-ci.

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628                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ho Pabtie]

I[ est noto.re qu'ils ont la passion de l'ornementation, et un phllosophe anglass va jusquàà soutenir que les vêtemenss ont été imagnés d'abodi pour servir d'ornements et non pour se procurer de la chaleu.. Ainsi que le fait remarquer le professeur Waitz, « si pauvre et si misérable que soit un homme, il trouve du plaisir à se parer ». Les Indiens de l'Amérique du Sud, qui vont tout nus, attachent une importance considérable à la décoration de leur corps, comme le prouve l'exemple « d'un homme de hauee taille qui gagne avec peine par un travall de quinze jours de quoi payer le chica nécessaire pour se peindee le corps en rouge» A. Les anciens barbare,, qui vivaient en Europe à l'époque du renne, apportaient dans leurs cavernss tous les objets brillanss ou singuliers qu'ils trouvaien.. Aujourd'hui les sauvagss se parent surtout de plume,, de colliers, de bracelets, de boucles d'oreilles, etc., etc. Ils se peignent de la manière la plus diverse. « Si l'on avatt examiné ,, remarque Humboddt, « les nations peintes avec la même attention que les nation vêtues, on auratt vu que l'imagination la plus fertile et le caprice le plus changeant ont aussi bien créé des modes de peinture que des modes de vêtements D.

Dans une partie de l'Afriqu,, les sauvagss se peignent les paupières en noir, dans une autre ils se teignent les ongles en jaune ou enpourpre. Dans beaucoup de localités les cheveux sont teinss en diverses couleurs. Dans quelquss pays, les dents.sont colorées en noir, en rouge, en bleu, etc,, et dans l'archipel Malais on considère comme une honee d'avorr les dents blanchss comme un chien. On ne saurait, nommer un seul grand pays comprss entre les régions polarres au nord, et la Nouvelle-Zélande au mid,, où les indigènes ne se tatouent pas. Cet usage a été pratiqui par les anciens Juffs et es Bretons d'autrefois. En Afrique, quelquss indigènes se atouent, mais beaucoup plus fréquemment ils se couvrent de protubérances en frottant de sel des incisions faites sur diverses parties du corps; les habitants du Kordofan et du Darfou,, considèrent que cela constitue de g grands attraits personnels <. Dans les pays arabes il n'y a pas de' beauéé parfaite « tant que les joues ou les tempes n'ont pas été balafrées" „ Comme le remarque Humboldt, dans 1 Amérique du Sud, « une mère seratt taxée de coupabee indifférence envers ses enfants, si elle n'employait pas des moyens artificiels pour donner au mollet la forme qui est à la mode dans le

.U°The 'mie Tribularies, 1867; The Albert N'yanza, vol. I, 218,1866.

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[Chap. XfX] INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGES 629

pays. » Dans l'ancien, comme dans le nouveuu monde, on modifiatt autrefois, pendant l'enfance, la forme du crâne de la manière !a plus extraordinaire, et il existe encore des endroits où ces déformations sont considérées comme une beauté. Ainsi les sauvagss de la Colombe"" regardent une tête très aplatie comme « une condition essentielle de beauéé ».

Les cheveux reçoivent des soins tout particuliers dans divers pays; là, on les laisse croître de toute leur longueur jusquàà atteindre le sol; ailleurs, on les ramène en « une touffe compacee et frisée, ce qui est i'orgueil et la gloire du Papou" ». Dans l'Afriqee du Nord, un homme a besoin d'une période de hutt ou dix ans pour parachever sa coiffure. D'autres peupess se rasent la tête; il y a des parties de l'Amérique du Sud et de l'Afrique où ils s'arrachent même les cils et les sourcils. Les indigènes du Nil supérieur s'arrachent les quatre incisives, en disant qu'ils ne veulent pas ressembler à des brutes. Plus au Sud, les Batokss se cassent deux incisives supérieures, ce qui, selon la remarque de Livingstone", donne au visage un aspect hideux, par suite de l'accroissement de la mâchoire inférieure; mais ils considèrett la présenee des incisives comme une chose fort laide, et crient en voyant les Européens : « Regardzz les grosses dents ! f Le grand chef Sebituaii a en vain essayé de changrr cette mode. Dans diverses parties de l'Afrique et de l'archipel Malais, les indigènss liment leurs dents incisive,, et y pratiquent des dentelures semblables à celles d'une scie, ou les percent de trou,, dans lesquess ils sertissent des

Le visage, qui chez nous est la partie la plus admirée pour sa beauté, devient chez les sauvages le siège principal des mutilations. Dans toutes les régions du globe, la cloison, et plus rarement les ailes du nez, sont perforées de trous dans lesquess on insère des anneau,, des baguettes, des plumes et d'autres ornements. Partout les orellles sont percées et semblablement ornées. Les Boto-'cudss et les Lenguss de l'Amérique du Sud agrandissent graduellement le trou afin que le bord inférieur de l'oreille vienne touchrr l'épaule. Dans l'Amérique du Nord, dans l'Amérique du Sud et en Afriqu,, on perce la lèvre supérieure ou la lèvre inférieure; chez les Botocudos l'ouverture de la lèvre inférieuee est assez grande pour recevorr un disque en bois de quatre pouces de

45.  Cité par Prichard, PAys. Mis, of Mankiné, 4° éd., vo). I, p. 321, 1851.

46.  Sur les Papous, Wallace, Malay Archipelago, vol. II, p. 445. Sur la

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630                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile pARTra]

diamètre. Mantegazaa fait un curieux récit de la honte qu'éprouva un indigène de l'Amérique du Sud, et du ridicule dont il fut couver,, pour avoir vendu son tembeta, grosse pièce de bois colorée qui occupatt le trou de sa lèvre. Dans l'Afrique centrale, les femmes se percent la lèvre inférieuee et y portent un morceau de crista,, auquel les mouvements de la langue communiquent une agttation ' frétlllante, < qui, pendatt la conversation, est d'un comique indescriptible ». Le chef de Latooka a dit à Sir S. Baker~ que sa femme serait < bien plus jolie si elle voulatt enlever ses quatre incisives inférieures, et porter dans la lèvre correspondante un cristal a longue pointe >. Plus au mid,, chez les Makalolo, c'est la !èvre supérieure qui est perforé,, pour recevorr un gros anneau en métal et en bambou, qui s'appelle un pelélé. « Ceci détermnaa chez une femme une projection de la lèvre qui dépassait de deux pouces l'extrémité du nez; et la contraction des muscles, lorsque cette femme souriait, relevatt sa lèvre jusqu'au-dessus des yeux. » On demanda au vénérable chef Chinsurdi pourquoi les femmes portaeent de pareils objets. Évidemment étonné d'une question aussi absurde, il répondtt : < Pour la beauéé1 ce sont les seules belles choses que les femmes possèden;; les hommss ont des barbe,, les femmes point. Quel genre de personnes seraient-elles sans le pelélé? Elles ne seraient point du tout des femmes, avec une bouche comme l'homme mais sans barbe". »

Il n'est pas une pariie du corps qui ait échappé aux modification. artfficielles. Ces opérations doivent causer de très grandss souffrance,, car beaucoup réclament plusieurs années pour être complètes; il faut donc que l'idée de leur nécessité soit impérative. Les motifs en sont divers : les hommss se peignent le corps pour paraître terribles dans les combats; certaines mutilations se rattachent à des rites religieux; d'autres indiquntt l'âge de puberté, le rang de l'homm,, ou bien servent à distinguer les tribu.. Chez les sauvages, les mêmes modes se perpétuent pendant de longues période~"; par conséquent, des mutilations, faites à l'origine dans un but quelconque, prennent de la valeur comme marquss distin--tives. Mais le besoin de se pare,, la vantté et l'admiration d'autrui en parasssent être les motifs les plus ordinaires. Les missionnaires

48.rA^^^a,2a,vol.1,p.217.1866. j «^Uvingstone, Brilish Association, 1860; rapport donné dans VAthenœum,

'lu.TtBatr (o. c, I, 210), parlant des indigènes de l'Afrique centrale, dit que chaque tribu a sa mode distincte et invariable pour l'arrangement des cheveux. Voir, sur l'invariabilité du tatouage des Indiens de l'Amazone, Agassiz (Joumey in Brazil, p. 318, 1868).

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[Chap. X!X] INFLUENCE DE LA BEAUTE SUR LES MARIAGES 631

de la Nouvelle-Zélande m'ont dit, au sujet du tatouage, qu'ayant cherché à persuader à quelquss jeunes filles de renoncer à cette pratique, elles avaient répondu : « Il faut que nous ayons quelques lignes sur les lèvres, car autrement nous serions trop laides en devenant vieilles. e Quant aux hommes de la Nouvelle-Zélande, un juge compétent » dit que « la grande ambition des jeunes gens est d'avorr une figure bien tatouée, tant pour plaire aux femmes que pour se mettee en évidenee à la guerre ». Une étoile tatouée sur le front et une tache sur le menton sont, dans une partie de l'Afrique, considérées par les femmes comme des attraits irrésistibles ,. Dans la plupatt des contréss du monde, mais non dans toutes, les hommss sont plus ornés que les femmes, et souvent d'une manière différente; quelquefois, mais cela est rare, les femmes ne le sont presque pas du tou.. Les sauvagss obligent les femmes à faire la plus grande partie de l'ouvrage, et ne leur permettent pas de manger les aliments de meilleuee qualité; il est donc tout naturel qu'avcc son égoïsme caractéristique, l'homme leur défende de porter les plus beaux ornements. Enfin, fait remarquable que prouvent les citations précédentes, les mêmes modes de modifications dans la forme de la tête, l'ornementation de la chevelure, la peinture etle tatouage du corps, le percemett du nez, des lèvres ou des orellles, t'enaèvement et le limage des dents, etc,, prédominent encore, comme elles l'ont fait depuss longtemp,, dans les parties les plus différentes du globe. Il est fort improbable que ces pratiques, auxquelles tant de nat.ons distinctes se livren,, soient dues à une tradition provenant d'une source commun.. Elles indiquent plutôt, de même que les habitudes universelles de la danse, des mascarades et.de l'exécution grossière des images, une similitude étroite de i'esprtt de l'homm,, à quelque race qu'll appartienne.

Après ces remarques préliminaires sur l'admiration que les sauvages-éprouvent pour divers ornements, et même pour des déformations qui nous parasssent hideuses, voyons jusquàà quel point les hommes se laissent attirer par l'aspett de leurs femmes, et quelles idées ils se font sur leur beauté. On a affirmé que tes sauvages sont tout à fait indifférenss à la beauté de leurs femmes et quiils ne les regardent que comme des esclaves ; ils imporee donc de faire remarquer que cette conclusion ne s'accorde nullement avec le soin que les femmes prennent à s'embellir, non plus qu'avcc leur

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632                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile pAImE

vanité. Burchell » cite l'amusant exemple d'une femme boschimane qui employait assez de graise,, d'ocre rouge et de poudee brillante « pour ruiner un mari qui n'aurait pas été très riche e. Elle manifestait aussi « beaucoup.de vanité, et la certitude très évidente de sa supériorité ». M. Winwodd Ileade m'apprend que, sur la côte occidentale d'Afriqu,, les nègres discutent souvent sur la beauéé des femmes. Quelques observateurs compétents attribuent la fréquenee ordinaire de l'infancicide au désir qu'ont les femmes de conserver leur beauté ». Dans plusieuss pays les femmes portent des charmes et emploient des philtres pour s'assurer t'aufection des hommes; et M. Brown indique quatre plantes qu'emploient à cet usage les femmes du nord-ouese de l'Amérique ».

Hearne », qui a vécu longtemss avec les Indiens de l'Amérique, et qui étatt un excellent observateur, dit en parlant des femmes : « Demandzz à un Indien du Nord ce qu'est la beauté, il répondra : un visage large et pla,, de petits yeux, des pommettes saillantes, trois ou quatre lignes noires assez larges au travess de chaque joue, un front bas, un gros menton é!arg,, un nez massff en croche,, une peau bronzée, et des seins pendant jusquàà la ceinture. » Pallas, qui a visité les parties septentrionales de l'Empire chinois, dit : « On préfère les femmes qui ont le type mandchou, c'est-à-dire un visage large, de fortes pommettes, le nez très élargi et d'énormes oreilles »; » et Vogt fait la remarque que l'obliquiti des yeux, qui est particulière aux Chinoss et aux Japona,s, est exagérée dans leurs peintures, surtout lorsqulil s'agtt de faire ressortir la beauéé et la splendurr de leur race aux yeux des barbares à cheveux rouges. On sait, ainsi que Hue en a fait plusieuss fois la remarque, que les Chinoss de l'intérieur trouvntt que les Européens sont hideux avec leur peau blanche et leur nez saillan.. D'après nos idées, le nez est loin d'être trop saillant chez les habitants de Ceylan; cependant, « au septième siècle, les Chinois, habitués aux nez aplatis des races mongoles, furent si étonnés de la proémnnence du nez des Cingalais que Tsang les a décriss comme ayant le bec d'un oiseau avec le corps d'un homme..

53.TravelsinS.Africa,voLl,P.m,im.

54. Voir Gerland, Ueber das Aussterben der Naturvôlker, p. 51, 53, 55,1868; Azara, Voyage, etc., II, p. 116.

55 Sur les Productions végétales employées par les Indiens de l'Amérique du Nord-Ouest, Pharmaceulical Journal, X.

56. A Journey from Prince of. Wales For,, p. 89,1796.

" ~ité par Prichard, Phys. Hist. of Mankind, ~

57. CiW par Prich^rd, P^'HUrofMâ^^^iy, p. 519, 1844. Vogt,

arBra,«LiTp.,5s?sa- L'opinion des Chinois sur les

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[Chap.XK] INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MAR!AGES 633

Finlayson, après avoir minutiuusement décrtt les habitants de la Cochinchine, remarque qu'ils se caractérisent par leur tête et leur visage arrondis, et ajouee : « La rondeur de toute la figure est plus frappante chez les femmes, dont la beauté est estimée d'autant plus que cette forme est plus prononcée. » Les Siamoss ont de petits nez avec des narines divergentes, une large bouch,, des lèvres un peu épaisse,, un très grand visage, à pommettes très saillantes et très large.. Il n'est donc pas étonnant que < la beauté telle que nous la concevons leur soit étrangère. En conséquence, ils considèrent leurs femmes comme beaucoup plus belles que les Européennes-».

On sait que les femmes hottentotes ont souvent la partie postérieure du corps très développée, et sont stéatopyges; - particularité que les hommes, d'après Sir Andrew Smith », admirent beaucou.. Il en a vu une, regardée comme une beauté, dont les fesses étaient si énormément développées, qu'une fois assise sur un terrann horizontal, elle ne pouvaté plus se releve,, et devait, pour le faire, ramprr jusquàà ce qu'elee rencontrât une pente. Lé même caractère se retrouve chez quelquss femmes de diverses tribus nègre;; et, selon Burton, les hommss de Somal « choisssent leurs femmes en les rangeant en ligne, et prenant celle qui a <ergo a la plus forte saillie. Rien ne peut paraître plus détesaable à un nègre que la forme opposée ,.

En ce qui concerne la couleur, les nègres avaient coutume de ralller Mungo Park sur la blancheur de sa peau et la proémnnence de son nez, deux conformations qmi leur parasssaient « laides et peu naturelles». Quant à l,i, il loua lerefletbrillant de leur peau etla graceeuse dépression de leur nez, ce qu'ils prirent pour une flatterie; ils lui donnèrent pourtant de la nourriture. Les Maures africains fronçaient les sourcils et paraissaient frissonnrr à la vue de sa peau blanch.. Sur la côte orientale d'Afriqu,, lorsque les enfants nègres virent Burton, ils s'écrièrent : « Voyez l'homme blanc, ne ressemble-t-il pas à un singe blanc? D Sur la côte occidentale, m'a dit M. Winwood Reade, les nègres admirent une peau très noire beaucoup plus qu'une peau à teinte plus claire. Le même

58. Prichard, emprunté à Crawfurd et Finlayson, Pkys. HisL of Mankind, kP\ Idem ?û„sw...»us viator dixit «uhi pnecinetoHun, ve. tabu.an, ,em,.

optandam esse. r             ' . 'N

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634                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           pie paRtib]

voyageur dit qu'on peut attribuer leur horreurde aa couleurbaanche en partie à ce qu'lss supposent que c'est la couleur des démons et des esprits,.et en pariie à ce qu'ils croient que la couleur blanche de la peau est un signe de mauvaise santé.

Les Banyai sont des nègres qui habitent la pariie la plus méridionale du continent; mais < un grand nombre d'entre eux sont d'une couleur café au lait claire, qui est considérée, dans tout le pays, comme fort belle D. It existe donc )à un autre type de goû.. Chez les Cafres, qui diffèrent beaucoup des nègre,, < les tribus de la baie Delagoa exceptée,, la peau n'est pas habituellement noire, la couleur dominanee est un métange de noir et de rouge, et la nuance la plus commune celle du chocolat. Les tons foncés, les plus répandus, sont naturellement les plus estimé;; et un Gafre croiratt quuon lui fait injure si on lui disatt qu'il est de couleur claire, ou qu'il ressembee à un blanc. On m'a parlé d'un infortuéé qui étatt si peu foncé, qu'aucune femme ne voulait l'épouser D. Un des titres du roi du Zoulou est « Toi qui es noir «< ». M. Galton, en me parlant des indigènss de l'Afrique méridionale, me fit remaquer que leurs idées sur la beauté sont fort différentes des nôtres; il a vu dans une tribu deux jeunes filles minces, sveltes et jolies, que les indigènss n'admiraient point du tout.

Dans d'autres parties du globe, à Java, d'après madame Pfeiffer, une femme jaune, et non blanch,, est considérée comme une beauté. Un Cochinchinois « parlaitdédaigneusement de la femme de l'ambassadeur anglais à cause de ses dents blanchss semblables à celles d'un chien, et de son teint rose comme celui des fleurs de pommes de terre ». Nous avons.vu que les Chinoss n'aiment pas notre peau blanche, et que les tribus américaines du Nord admirent une < peau basanée ». Dans l'Amérique du Sud, les Yura-caras, qui habttent les pentes boisées et humides des Cordillères orientales, sont remarquablement pâles de couleu,, ce que leur nom exprime dans leur langue; néanmoins ils considèrent les femmes européennes comme très inférieures aux leurs ».

Chez plusieuss tribus de l'Amérique du Nord, les cheveux attegnent une longeur remarquable, et Catlin cite, comme une preuve curieuee de l'importance qu'on attache à ce fat,, l'élection du chef

s61. Mungo Park, Travels in Africa, p. 53, 131, 1816. L'assertion de Burton

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[Chap. XIX] INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGES 635

des Crows, H fut choisi parce que c'étatt l'homme de la tribu qui avait les cheveux les plus longs; ces cheveux mesuraient 3-285 de longueu.. Les Aymarss et les Quichuss de l'Amérique du Sud ont égalemntt les cheveux très longs, et je tiens de M. D. Forbss quiils les considèrent comme une telle marque de beauté, que la punitinn la plus grave qu'on puisse leur infliger est de les leur coupe.. Dans les deux moitiés du continent les indigènes augmentent la longueur apparente de leur chevelure en y entrelaçant des matières fibreuse.. Bien que les cheveux soient ainsi estime,, les Indiens du nord de l'Amérique regardent comme « très vutgaires x les poils du visage, et ils les arrachent avec grand soin. Cette pra-quPe règne dans°tout le continent américain, de l'ile Vancouver au nord, à la Terre-de-Feu au mid.. Lorsque York Minster, un Fué-gien à bord du Beagle, fut ramené dans son pays, les indigènss lui consellèèrent d'arracher les quelquss poils qu'il avatt sur le visag.. Ils menacèrent aussi un jeune miss.onna.re qui resta quelque temps chez eux de le déshabiller et de lui enlever tous les poils du visage et du corps, bien qu'il ne fùtpourtant pas un homme très velu. Cette mode est poussée à un tel point chez les Indiens du Paraguay, qu'ils s'arrachent les poils des sourds et des cils, pour ne pas ressembler, disent-ils à des chevaux63.

IÏ est remarquable que, dans le monde entier, les races qui sont complètement privées de barbe n'aiment pas les poils sur le visage et sur le corps, et se donnent la peine de les arracher. Les Kalmouks n'ont pas de barbe, et, comme les Américains, s'enlèvent tous les poils épars; il en est de même chez les Polynésiens, chez quelques Malais et chez les Siamois. M. Veitch constaee que les dames japo

naises « nous reprochent nos favoris, les regardant comme fort laids; elles voulaient nous les faire enlever pour ressembler aux Japonais ,. Les Nouveaux-Zélandais ont la barbe couree et frisée; ils s'arrachent avec soin les poils du visag,, et ont pour dicton : « It n'y a pas de femme pour un homme velu, — '- —

» mais la mode

paraît avoir chang,,peut-être à cause de ta présence des Européens et on affirme que les Maories admirent aujourd'hui la barbe.. Les races, au contraire, qui possèdent de la barbe, l'admirent

63. North American Indians, par G.Cattin,vol. J, p. 49; II, p. 227, 3° édit.,

^^r les Siamois, Prichard, o. c. IV, p. 533. Japonais, Veitch dans Garcl-lreSonPhysiolo9y,et,,p.™,lS22.           . .

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636                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Paiitib]

et l'estiment beaucoup. Chaque partie du corps, d'après les lois des Angto-Saxons, avatt une valeur reconnu;; « la perte de la barbe était estimée à vingt shelling,, tandss que ta fractuee d'une cuisse n'étatt fixée qu'à douze-. »

En Orien,, les hommss jurent solennellement par leur barbe. Nous avons vu que Chinsurdi, chef des Makalolos en Afrique, regardait la barbe comme un grand ornement. Chez les Fidjien,, dans le Pacifiqu,, « la barbe est abondante et touffue, et ils en sont très fiers <; « tandss que les habitants des archppels voisins de Tonga et de Samoa n'ont pas de barbe et détestent un menton velu ,. Dans une seule île du groupe Ellice, les hommes ont de fortes et grosses barbes dont ils sont très fiers».

Nous voyons donc combien l'idéal du beau diffère dans les diverses races humaines. Dans toute nation assez avancée pour façonner les effigies de ses dieux ou des législateurs déifiés, les sculpteurs se sont sans doute efforcés d'exprimer leur idéal le plus élevé du beau et du grand ». A ce point de vue, il est utlle de comparer Jupiter ou l'Apollon des Grecs aux statues égyptiennes ou assyriennes, et celles-cl aux affreux bas-reliefs des monuments en ruines de l'Amérique centrale.

Je n'ai rencontré que peu d'aseertions contraires à cette conclusion. M. Winwodd Reade. cependant, qui a eu de nombreuses occasions d'observer, non seulement les nègres de la côte occidentale d'Afriqu,, mais aussi ceux de l'intérieur, qui n'ont jamass été en relaiions avec les Européens, est convainuu" que leurs idées sur la beauLé sont, en somme, les mêmes que les nôtres. Le docteur Rohlss affirme qu'll en est de même chez les Bornous et dans les pays habités par lesPul.o. M. Reade s'est à plusieuss reprises trouve d'accodd avec les nègres sur l'appréciation de la beauéi des jeunes filles indigènes, et leurs idées sur la beauéé des femmes europénnnes correspondait souvent à la nôtre. Ils admirent les

s

longs cheveux et emploient des moyens artificiels pour en augmenter, en apparence, l'abondance; ils admirett aussi la barbe, bien quills n'en aient que fort peu. M. Reade est resté dans le doute sur le genre de nez qui est le plus apprécié. Une jeune fille ayant déclaré qu'elee ne voulait « pas.épouser un homme parce qu'il n'avatt pas de nez », il semble en résulter qu'un nez très aplaii n'est pas

65. Lubbock, Origin., etc., p. 321, 1870. au?P^eSr?^ j^^K ^ " ** M "*""

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[Chap. XIX] INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGES 637

admrré. Il faut toutefois se rappelrr que les types a nez déprimés très larges et à mâchoires saillantes des nègres de la côte occidentale sont exceptionnels parmi les habitants de l'Afriqu.. Malgré les asseriions qui précèdent, M. Reade admet que les nègres « n'ament pas la couleur de notre peau; ils ont une grande aversion pour les yeux bleus et ils trouvent notre nez trop long et nos lèvres trop minces ». Il ne pense pas que les nègres préfèrent jamais, « par les seuls motifs d'admiration physique, sa plus belle Européenne à une négresee d'une belle venue" ».

Un grand nombre de faits démontrent la vérité du principe déjà énoncé par Humboldt" que l'homme admire et cherche souvent à exagérer les caractères quelconque qui lui ont été départis par la nature. L'usage des races imberbes d'extirper toute trace de poils sur le visage et généralement sur tout le corps en est un exemple. Beaucoup de peuples anciens et modernes ont fortement modifié la forme du crâne, et il est assez probable qu'ils ont, surtout dans l'Amérique du Nord et du Sud, pratiqué cet usage pour exagérer quelque particularité naturelle et recherchée. Beaucoup d'Indiens américains admirent une tête assez aplatie pour nous paraître semblable à celle d'un idio.! Les indigènss de la côte nord-ouest compriment la tête pour lui donner la forme d'un cône pointu. En outre, ils ramènent constamment leurs cheveux pour en former un nœud au sommet de la tète, dans le but, comme le fait remarquer le docteur Wilson, « d'accrortre l'élévation apparente de la forme conoïde, qu'ils affectionnent ,. Les habitants d'Arabhnn admrrent « un front large et lisse, et, pour le produire, attachent une lame de plomb sur la tête des enfanss nouveau-nés ». D'autre par,, « un occiput large et bien arrondi est considééé comme une grande beauét chez les indigènes des îles Fidji " x.

68. a The Africain Sketch book ,, vol. H, 1873, p. 253, 394, 52i: a Les Fué-giens, me dit un missionnaire qui a longtemps résidé chez eux, regardent les

rieurs. J'ajouterai qu'un observateur expérimenté, le cap. Burton, croit qu'une femme que nous considérons comme belle est admirée dans le monde entier.

A&^i^,RÏ,i%.-an8.). Mantegazza, Viaggj e Studj,

1870.7 3« iSSÔBÎSL^améri^nTstNoit etG.lddon, TypesofMankind, p. 440, 1854; Prichard, o. c, 1, p. 321; sur les naturels d'Arakhan, »., IV,

un excellent résumé sur ce sujet.

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638                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [IleParle]

lien est du nez comme du crâne. A l'époque d'Attil,, les Huns avaient l'habitude d'aplatir, au moyen de bandages, lé nez de leurs enfanss « afin d'exagérer une conformation naturelle ». A Tahtti, la quaiification de nez long est une insulte, et, en vue de la beauté, les Tahitiens compriment le nez et le front de leurs enfants. I) en est de même chez les Malais de Sumatra, chez les Hottentots, chez certains nègres et chez les naturels du Brésl".. Les Chinoss ont naturellement les pieds forts petits", et on sait que les femmes des classes élevées déforment leurs pieds pour en réduree encore les dimensions. Enfin Humboldt croit que les Indiens de l'Amérique aiment à se colorer le corps avec un vernis rouge pour exagérer leur teinte naturelle, comme les femmes européennes ont souvent cherché à augmenter leurs couleurs déjà vives par l'emploi de cosmétiquss rouges et blanc.. Je doute pourtant que telle ait été l'intention de beaucopp de peuples barbares en se couvrant de peintures.

Nous pouvons observer exactement le même principe et les mêmes tendances vers le désir de tout exagérer à l'extrême, dans nos propres modes, qui manffestent ainsi le même esprtt d'émulation. Mais les modes des sauvagss sont bien plus permanentes que les nôtres, ce qui devient nécessaire lorsqu'elles ont artificiellement modffié le corps. Les femmes arabes du Nil supérieur mettent environ trois jouss à se coiffer; elles n'imitent jamais les femmes d'autres tribu,, « mais rivalisent entre elles pour la perfectinn de leur propee coiffure ». Le docteur Wilson, parlant des crânes comprimés de diverses races américaines, ajoute : « De tels usages sont de ceux qu'on peut le moins déraciner ; ils survivent longtemss au choc des révolutions qui changent les dynasties, et à des particularités nationales d'une bien autre importance". » Ce même principe joue un grand rôle dans l'art de la sélection et nous fait comprendre, ainsi que je l'ai expliqéé ailleurs'1, le développment étonnatt de toutes les races d'animaux et de plantes qu'on élève dans un but unique de fantaisie et de luxe. Les amateurs désirent toujouss que chaque caractère soit quelque peu exagéré; ils ne font aucun cas d'un type moyen : ils ne cherchent pas non

71. Sur les Huns, Godron, De espèce, vol. II, p. 300, 1859. Sur les Taïtiens, Waitz, Anthropologie, vol. 1c p. SO^tr. angl.); Marsden cité dans Prichard.

°'li Ce^aU l,^"v^né0.dansP'1f3voyage de ta Novara; partie anthropologique : docteur Weisbach, p. 265, 18678

74. La Variation des Animaux et desPlantes,^. vol.I, p. ;14; vol.ll, p.240.

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[Chap. XtX] INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGES 639

plus un changement brusque et très prononéé dans le caractère de leurs races; ils n'admirent que cequ'ils sont habitués à contemple,, tout en désirant ardemment voir toujouss chaque tratt caractéris- . tique se développer de plus en plus.

Les facultés perceptives de l'homme et des animaux sont certanement constituées de manière que les couleuss brillantes et certaines formes, aussi bien que les sonsrhythmiques et harmonieux, leur procurent du plaisrr et soient considérées comme choses belles; mais nous ne savons pas pourquii il en est ains.. Il n'exsste dans l'esprit de l'homme aucun type universel de beauté en ce qui concerne le corps humain. Il est toutefois possible, mais je n'ai aucune preuv,, que certains goûts puissent, avec le temps, être transmss par hérédité. Dans ce cas chaque race posséderait son type idéal inné de beauté. On a soutenu" que la laideur consiste en un rapprochemtnt vers la conformation des animaux inférieurs, ce qui est sans doute vrai pour les nations civilisées, ou l'intelligence est hautement appréciée; mais cette explication ne peut évidemment pas s'appliquer à toutes les formes de la laideu.. Dans chaque race, l'homme préfère ce qu'il a l'habitude de voir, il n'admtt pas de grands changements; mais il aime la variété, et apprécie tout tratt caractéristique nettement tranché sans être trop exagéré ». Les hommss accoutumss à une figure ovale, à des trails réguliers et drois,, et aux couleuss vives, admrrent, comme nous Européens, ces points, lorsqu'ils sont bien développés. D'autre par,, les hommes habitués àun visage large, à pommettes saillantes, au nez déprimé, et à la peau noire, admirent ces caractères lorsqu'ils sont fortement accusés. Les caractères de toute espèce peuvent sans doute facilement dépasser les limites exigées pour la beauté. Une beauté parfaite, impisquant des modifications particulières d'un grand nombre de caractères, sera donc dans toute race un prodige, comme t'a dit, il y a longtemps, le grand anatomiste Bicha,, si tous les êtres étaient coulés dans le même moule, la beauté n'exssterait plus. Si toutes nos femmes devenaient aussi belles que la Vénus de Médicis, nous serions pendant quelque temps sous le charm,, mais nous désirerions bientôt de la variété, et, dès qu'elle seratt réalisée, nous voudrions voir certains caractères s'exagérer un peu au-deàà du type commu..

75. Schaaffhausen, ArcKro für Anthropologie, p. 16*, 1866.

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640.

LA DESCENDANCE DE L'HOMME

[Hce Partie]

CHAPITRE XX

CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES CHEZ L'HOMME (SUITE)

semelle dans l'espèce tam.l».. - Sur I. ponlblllu <[«'ont les Temmes de

Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que toutes les races barbares apprécient hautement les ornements, les vêtement et l'apparence extérieure, et que les 'hommss apprécient la beauéé des femmes en se plaçant à des poinss de vue très différents. Nous avons maintenant à rechercher si cette préférence pour les femmes que les homme,, dans chaque race, considèrent comme les plus attrayantes, et la sélection continue qui en a été la conséquence, pendant de nombreuses générations, ont modifié les caractères des femmes seules, ou ceux des deux sexes. La règle générale chez les mammifères paratt être l'égale hérédité des caractères de tous genres par les mâles et par les femelles; nous sommes donc autorisés à penser que, dans l'espèee humanne, tous les caractères acquss par les femmes en vertu de l'action de la séleciion sexuelle, ont dn ordinairement se transmettre aux descendants des deux sexes. Si ce principe a amené des modification., il est presqee certain que les diverses races ont dû se modifier d'une façon différente, car chacune a son type propee de beauté,

Dans l'espèce humanne, surtout chez les sauvages, de nombreuses causes viennent s'immiscer dans les effets de la sélection sexuelle, en ce qui concerne l'ensembee du corps. Chez les peuples civillsé,, les charmes intellectuels des femmes, leur fortune et surtout leur postiion sociale exercent une influence considérable sur l'esprit des hommes; car ceux-ci choisissent rarement une compagee clans un rang de beaucoup inféreurr à celui qu'ils occupent eux-mêmes. Les hommes qui réusssssent à épouser les femmes les plus belles n'ont pas une meilleuee chance que ceux qui ont une femme moins belle de laisser une longue lignée de descendants, à l'exception du pettt nombre de ceux qui lèguent.leur fortune selon iaprimogéniture. Quant à la forme contraire de la sélection, celle des.hommes les plus beaux par les femmes, bien que, dans les pays civilisé,, celles-ci

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[Chap. XX] CARACT. SEXUELS SECONDAIRES CHEZ L'HOMME 6G1

aient le choix libre ou à peu près, ce qui n'est pas le cas chez les races sauvages, ce choix est cependatt considérablement influencé par la position sociale et par la fortune de l'homm;; or, le succès de ce dernier dans la vie dépend beaucoup de ses facultés intellec` tuelles et de son énergie, ou des fruits que ces mêmes facultés ont produtt chez ses aïeux. Il est inutlle d'invoquer une excuse pour traiter ce sujet avec quelques détails; comme le fait si bien remaquer le philosopee allemand Schopenhauer, « lebut de toutes les intriguss d'amour, que ce résultat soit comique ou tragique, a réellement plus d'importance que tous les desseins que peut se proposer l'homm.. En effet, il ne s'agtt de rien moins que de la composition de la génération suivante... il ne s'agtt pas ici du bonheur ou du malheur d'un individu, mais c'est le bonheur ou le malheur de la race humanee qui est en jeu « ».

Il y a toutefois des raisons de croire que la sélection sexuelle a produit quelquss résultats au point de vue de la modification de la forme du corps, chez certaines nations civiliséss ou à demi civilisées. Beaucoup depersonnes ont la conviction, qui me paratt juste, que les membres de notre aristocratie, en comprenant sous ce terme toutes les famlless opulentes chez lesqueless la progéniture a longtemps prévalu, sont devenus plus beaux, selon le type européen admis, que les membres des classes moyennes, par te fait qu'ils ont, pendant de nombreuses générations, choisi dans toutes les classes les femmes les plus belles pour les épouse;; les classes moyennes, cependant, se trouvent placées dans des conditions également favorables pour un parfait développement du corps. Cook fait la remarque que la supériorité de l'apparence personnelle « qu'on observe chez les nobles de toutes les autres iles du Pacfique se retrouee dans les îles Sandwich » ; ce qui peut principalement provenrr d'une meilleuee nourriture et d'un genre de vie moins rude.

L'ancien voyageur Chardin, décrivant les Persan,, dit que « leur sang s'est considérablement amélioéé par suite de fréquenss mélanges avec les Géorgiens et lesCircassiens, deux peuples qui l'emportent sur tous ceux de l'univess par leur beauté personnelle. Il y a en Perse peu d'hommss d'un rang élevé qui ne soient nés d'une mère géorgennee ou circassienee ». I) ajoute qu'ils héritent de la beauéé de leurs mères, et non de leurs ancêtres; car, sans le mélange en questio,, les Persans de distinction, qui descendent des

L < Schopenhauer and Darwinism » in Journal of Anthrop. Janvier 1871, p.323.

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642                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [He Partie]

Tartares, sont fort laids». Voici un cas plus curieux : les prêtresses attachées au temped de Vénus Erycina à San Giuliano, en Sicile, étaient choisies dans toute la Grèce entre les plus belles femmes; n'étatt pas assujetties aux mêmes obligations que les vestales, il en est résulté, suivant de Quatrefages', qu'aujourd'hui encore les femmes de San Giuliano sont célèbres comme les plus belles de l'île et recherchées comme modèles par les artistes. Les preuvss cependant sont évidemment douteuses dans les deux cas que nous venons de citer.

Le cas suivant, bien qu'ayatt tratt à des sauvages, mérite d'êtee rapporté comme très curieux. M. Winwodd Reade m'apprend que les Jollofs, tribu nègre de la côte occidentale d'Afriqu,, < sont remarquables par leur beauté D. Un des amis de M. W. Reade ayant demandé à l'un de ces nègres : « Comment se fait-ll que vous ayez tous si bonne façon, non seulemett vos hommes, mais aussi vos femmes? Lee Jollof répondit : « C'est facile à comprendre : nous avons toujouss eu l'habitude de vendre nos esclaves les plus laides. e Il est inutlle d'ajouter que, chez tous les sauvages, les femmes esclaves servent de concubines. Que ce nègre ait, à tort ou à raison, attribéé la belle apparence des hommss de sa tribu àune élimination longtemps continuée des femmes laides, n'est pas si étonnatt que cela peut paraître tout d'abord, car j'ai prouvé ailleurs* que les nègres apprécient pleinement l'importance de la sélection dans l'élevage de leurs animaux domestiques, fait pour iequel je pourrais emprunter à M. Reade de nouvelles preuves.

Sur les causes qui empêchent et limitent l'action de la sélection sexuelle chez lessauvages.-Les causes principales sont : premièrement, la promiscuité; secondement, l'infanticide, surtout du sexe féminin; troisièmement, les fiançailles précoce;; enf.n, le peu de cas qu'on fait des femme,, qui sont considérées comme de simples esclave.. Ces quatre poinss méritent d'être examinés avec quelquss

Si l'accouplement de l'homme ou de tout autre animal est une simple affaire de hasard, sans que l'un des deux sexes fasse un choix, il est évident que la séleciion sexuelee ne peut intervnn;r; la réussite plus complète de certains individus ne produira aucun effet sur

2.  Ces citations sont prises dans Lawrence (Lectures on PHys:ology, etc., p. 393,1822)) qui attribue la beauté des classes supérieures, en Angleterre, au fait que les hommes ont longtemps choisi les femmes les plus belles.

3. Anthropologie, Rev. des Cours scientifiques, p. 721. Oct. 1868.

4.  De la ~ariation, etc., vol. I, p. 219 (trad. franc., 1868))

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[Chap. XX] SUR LES CAUSES QUI EMPÊCHENT LA SÉLECTION 643

la descendance. On assuee qu'il existe des tribus qui pratiquent ce que Sir J. Lubbock appelee des mariages en commun; c'est-à-dire que tous les hommes et toutes les femmes de la tribu sont réciproquement marss et femmes vis-à-vis les uns des autres. Le dérèglment est très grand chez les sauvages, et pourtant de nouvelles preuvss seraient nécessaires avant d'admettre cette promiscuité absolue dans les relations des deux sexes. Néanmoins, tous les auteurs qui ont étudié de près le sujet , et dont les appréciations ont plus de valeur que les mienne,, croient que le mariage en commun (cette expressinn s'entend de deùx-ou trois façons différentes), que ce mariage en commun donc, y compris même le mariage entre frères et sœurs, a dû être la forme primitive et universelle dans le monde entier.

Feu A. Smith, qui a beaucoup voyagé dans l'Afrique austraee et qui a longuement étudié les mœurs des sauvagss en Afrique et autre par,, m'a affirmé qu'il n'exsste aucune race chez laquelle la femme soit considérée comme la propriété de la communauté. Je crois que son jugement a été largement influencé par la signiflca-tionqu'il donne au terme mariag.. Dans toute la discussinn suivante, j'attribue à ce terme le sens queimplique le mot monogam,, attrbué par un naturaliste aux animau,, c'est-à-dire que le mâle est accepté par une seule femelle, ou choisit une seule femelle et vit avec elle, soit seulement pendant l'élevage des jeune,, soit pendant toute l'année, s'assurant cette possesion par la loi de la force; ou le mot polygame, c'est-à-dire que le mâle vit avec plusieuss femelles. Nous n'avons à nous occuper ici que de cette seule espèce de mariage, car elle suffit pour évoquer l'action de la sélection naturele.. La plupatt des écrivains que j'ai cités plus haut attribuent au contraire au terme maraage l'idée d'un droit reconnu et protégé par la tribu.

Les preuvss indirectes qui viennent à l'appui de l'hypothèse du mariage en commun sont très fortes, et reposent surtout sur les termes exprimant les rapports de parenéé employss par les mem-

5. Sir J. Lubbock, Origin of Civilizalion, chap. ni, p. 60-67, 18708 M.Me

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644                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partir]

bres d'une même tribu; ces termes impiiquent parenté avec la tribu seule, et non avec des parenss distincts. Ce sujet est trop étendu et trop compliqué pour que je puisse même en donner ici un aperçu; je me bornerai donc à présenter quelquss observations. Il est évident que, dans le cas des mariages en commun, ou de ceux où le lien conjugal est très relâch,, la parenéé de l'enfant vis-à-vis de son père reste inconnu.. Mais il est presque impossible que la parenté de l'enfant avec sa mère puisse jamass avoir été ignorée complètement, d'autant plus que, dans ta plupatt des tribus sauvage,, les femmes nourrissent très longtemss leurs enfants; auss,, dans beaucoup de cas, les lignes de descendance ne se tracent que par la mère seule, à l'exclusion du père. Cependan,, dans d'autres cas, les termes employés expriment une .parenéé avec la tribu seule, à l'exclusion même de la mère''L'aide et la protection réciproques si nécessaires pour les individus d'une même tribu sauvag,, exposée à toutes sortes de dangers, ont pu donner une plus grande force, une importance beaucoup plus grand,, à l'union, à la parenéé entre ces différenss individus qu'à l'union même entre la mère et l'enfant : de là sans doute ces termes de parenéé qui expriment les rapports de chacun avec la tribu. M. Morgan ne trouve cette explication nullement suffisante.

D'après cet auteu,, on peut grouprr les termes exprimant, dans toutes les parties du mond,, les rapports de"parenté, en deux classes : l'une classificatoire, l'autre descriptive; c'est cette der-nière que nous employons. Le système classificateur condutt à la conclusion que les mariages en commun, ou de formes très relâchées, étaient à l'origiee universels. Mais il n'en résutte pas la nécessité de croire à des rapports de promiscuité absolue, et je suis heureux de voir que Sir J. Lubbock partage cette opinion. Dans le cas d'unions rigoureuses, en vue de la naissance de l'.enfant, mais temporaires, à la manière de grand nombee d'animaux inférieurs, il a pu s'introduire dans les termes exprimant la parenéé presqee autant de confusion que si l'on admet la promiscuité absolue. En ce qui concerne la sélection sexuele,, il suffit que le choix soit exercé avant l'union des, parents, et il importe peu que les unions durent toute la vie ou une seule saison.

.' Outre les preuvss tirées des termes de parenté, d'autres raisons viennent indiqurr que le maraage en commun a eu autrefois lapré-pondérance. Sir J. Lubbokk° expliqee l'habitude éLrange et si ré-

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[Chap. XX] SUR LES CAUSES QUI EMPÊCHENT LA SÉLECTION 645

pandue de l'exogamie, - c'est-à-dire que les hommes d'une tribu prennent toujouss leurs femmes dans une autre tribu, - en supposant que le communisme a été la forme primitive du mariage. L'homm,, selon Sir J. Lubbock, ne pouvatt avoir de femme à lui seul à moins de l'enlevrr à une tribu voisine et hostile; elle devenatt naturellement alors sa propriété particulière. Le rapt des femmes a pu naître ains,, et devenir ultérieurement une habitude universelle, en raison de l'honneur qu'il procurait. Cette hypothèse nous permet auss,, d'après Sir J. Lubbock, de comprendre < la nécesstté d'une expiation pour ee mariag,, lequel était une infractinn aux règles de la tribu, puisqu,, .selon les idées anciennes, un homme n'avatt aucun drott à s'approprier ce qui appartentit à la tribu entière t. Sir J. Lubbokk ajoute un ensemble de faits des plus curieux, prouvant que, dans les temps anciens, on honorait hautement les femmes les plus licencieuses, ce que/comme il l'explique, l'on ne compren,, qu'en admettant que la promiscuité a été une coutume primitive,.et par conséquent une coutume respectée depuis longtemps par la tribu'.

Bien que le mode de développemeat du lien conjugal soit un sujet obscur, comme semblé Je prouver la divergenceurur divers points, des opinions des trois auteuss qui ont étudcé ce sujet avec le plus de soin, MM. Morgan, Mc-Lennan et sir J. Lubbock, il paraît cependant résulter de diverses séries de preuvss que l'habitude du mariage ne s'est développée que graduellement, et que la promiscuité était autrefois très .commune dans le monde 8. Néanmoins, à en juger par l'analogie avec les animau,, et surtout avec ceux qui, dans la série, sont les plus voisins de l'homm,, je ne puis croire que la promiscuité absolue ait prévauu à une époque extrêmement reculée peu avant que l'homme ait atteint son rang actuel dans l'échelee zoologiqu.. L'homm,, comme j'ai cherché à le démontrer, descend certainement de quelque être simien. Autant que les habitudes des Quadrumanes nous sont connues, les mâles de quelquss espèces sont monogames, mais ne vivent avec les femelles qu'une partie de l'anné,, ce qui paratt être le cas de l'O-rang. D'autres espèces, plusieuss singes indiens et amérccains, par exemple, sont strictement monogames et vivent l'annee entière avec leur femelle. D'autres sont polygames comme le Gorille et plu-

7. Origin of Civilization, p. 86, 1870. Voir les ouvrages précités sur la parenté rattachée au sexe féminin, ou à la tribu seulement.

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646                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME            [Ile Pabtie]

sieurs espèces américaines, et chaque famllle vit à par.. Même clans ce cas, les familles qui habitent le même distritt ont probablement quelquss rapports sociaux; on rencontre quelquefo,s, par exemple, de grandes troupss de Chimpanzés. D'autres espèces sont polygames, et plusieuss mâles, ayant chacun leurs femelles, vivent associés en tribus; c'est le cas de pluseeurs espèces de Babounss». Nous pouvons même concluee de ce que nous savons de la jalousie de tous les mammifères mâles, qui sont presque tous armés de façon à pouvorr lutter avec leurs rivaux, qu'à l'état de natuee la promiscuité est chose extrêmement improbable. 11 se peut que l'accouplement ne se fasse pas pour la vie entière, mais seulement pour le temps d'une portée; cependatt si les mâles les plus forts et les plus capabess de pro;égrr ou d'assister leurs femelles et leurs petits choisissent les femelles les plus attrayantes, ceci suffit pour déterminer l'actinn de la sélection sexuele..

Par conséquent, si nous remontons assez haut'dans le cours des temps, et à en juger par les habitudes sociales de l'homme actue,, l'opininn la plus probable est que l'homme primitif a originellement vécu en petites communautés, chaque mâle avec une seule femme, et, s'il était puissant et fort, avec plusieurs femmes qu'il devatt défendre avec jalousie contre tout autre homm.. Ou bien, l'homme n'étatt pas un animal sociabee et il peut avorr vécu seul avec plusieurs femmes, comme le Gorille, au sujet duquel les indigènss s'accordent à dire « qu'on ne voit jamais qu'un mâle adulte dans la bande, et que lorsqu'un jeune mâle s'est développ,, il y a lutte pour le pouvoir; le plus fort, après avoir tué ou chaséé les autre,, se met à la tête de la communauté'» x. Les jeunss mâle,, ainsi expulsés et errants, réusssssent à la fin à trouvrr une compagne, ce qui évite ainsi des entre-croisements trop rapprochés dans les limites de la même famille.

Bien que les sauvagss soient actuellement très licencieux et que la promiscuité ait pu autrefois régner sur une vaste échelle, il existe cependatt chez quelquss tribus certaines formes de mariage, mais de natuee bien plus relâchee que chez les nations civilisée.. La polygamee est presque toujouss habituelle chez les chefs de tribu. Il y a, néanmoins, des peuples qui sont strictement monogames, bien qu'ils occupent le bas de l'échelle. C'est le cas des Veddahs

9. Brehm (Illuslr. Thierleben, I, p. 77) dit que le Cynocephalus hamadryas

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[Chap. XXI                             INFANTICIDE             "                           W

de Ceylan, chez lequels, d'après Sir J. Lubbock", on dit «que la mort seule peut séparerte mari de sa femme .. Un chef Kandyan, inteliigent et polygame bien entendu, « étatt fort scandalisé à la pensée qu'on pût vivre avec une seule femme, et qu'on ne s'en séparât qu'à la mor.. C'est vouloir, disait-il, ressembler aux singes Ouanderous ». Je ne prétends nullemntt faire des conjectures sur le point de savorr si les sauvages qui, actueleement, pratiquent le mariage sous une forme quelconque, soit polygam,, soit monogame, ont conservé celte habitude depuss les temps primitifs, ou s'ils y sont revenus après avorr passé par une phase de promiscuité.

Infanticide. - L'infanticide est encore très répandu dans le monde, et nous avons des raisons de croire quill a été bien plus largement pratiqué dans les temps anciens.2. Les sauvagss ont beaucopp de difficulté à s'entretenir, eux et leurs enfants; ils trouvent donc très simple de tuer ces derniers. Quelques tribus de l'Amérique du Sud avaient détrutt tant d'enfanss des deux sexes, ditAzara, qu'elles étaient sur le point de s'éteindre. Dans les îles Polynésiennes, il y a des femmes qui ont tué quatre, cinq et même jusqu'à dix de leurs enfants. Ellis n'a pu rencontrer une seule femme qui n'en ait tué au moins un. Partott où l'infanticide se pratique, la lutte pour l'existenee devient d'autant moins rigoureuse, et tous les membres de la tribu ont une chance égalemenr bonne d'élever quelquss enfanss qui survivent. Dans la plupatt des cas, on détrutt un plus grand nombee d'enfanss du sexe féminin que du sexe masculin; ces derniers ont évidemment plus de valeur pour la tribu; car, une fois adultes, ils peuvent concourir à sa défense, et pourvorr eux-mêmss à leur entretien. Mais plusieurs observateu,s, et les femmes sauvages elles-mêmes, mentionnent, comme autres motifs de l'infanticide, la peine que les mères ont à élever les enfants, la perte de beauté qui en résulte pour elles, la plus grande valeur des enfanss et le sort meilleur qui les attend s'ils sont en pettt nombre. En Australie, où l'infanticide des filles est encore fréquen,, Sir G. Grey estime que le nombee des femmes et des hommes indigènss est dans le rappott de un à trois; d'autres disent de deux à tros.. Dans un village situé sur la frontière orientale de l'Inde, le colonel Macculloch n'a pas trouvé un seul enfant du sexe féminin..

ll.Pr^0ric7W,1869,p.424.

12. M. Mc-Lennan^Prm^Uarriage, 1865. Voy. surtout, sur l'exogamie

^t»o*^\£\Z'$ebe*°das Aussterben der Naturvôlker, 1868) a recueilli beaucoup de renseignements sur l'infanticide; voy. les p. 27, 51, 54. Azara

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648                ' LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

La coutume de l'infanticide des filles, diminuant le nombee des femmes dans unetribu, a dû naturellement faire naître l'usage d'enlever celles des tribus voisine.. Toutefois, Sir J. Lubbock, comme nous l'avons vu, attribue surtout cet usage à l'existenee antérieure de la promiscuité, qui pousaait les hommss à s'emparer des femmes d'autres tribus afin qu'elles fussent defait leur propriété exclusive. On peut encore indiqurr d'autres causes, ainsi le cas où la communauéé était fort peu nombreuse, le manque des femmes à marier. De nombreuses coutumes, des cérémonies curieuses qui se sont conservées,.et dont M. Mc-Lennan fait unintéressant résumé, prouvent clairement que l'habitude d'enlevrr les femmes a été autrefois très répandue, même chez les ancêtres des peuples civilisés. Dans notre cérémonee moderne du mariage, la présenee du « garçon d'honneur » semble rappeerr le souvenrr du -complice et principal compagnnn du fiancé, alors que celui-ci cherchait à capturer une femme. Or, aussi longtemps que les hommes employèrent la ruse et la violence pour se procurer des femmes, il est peu probable quiils aient pris la peine de choisir les plus attrayantes; ils ont dû se contenter de celles qu'ils pouvaient enleve.. Mais, dès que s'est étabii l'usage de se procurer des femmes dans une autre tribu par voie d'échange, par le trafic, ce qui a encore lieu dans bien des endroits, ce sont les femmes les plus attrayantes qui ont dû de préférence être achetée.. Le croisement continull entre les tribus résultant nécessairement de tout commerce de ce genre aura eu pour conséquence de provoquer et de maintenir une certaine uniformitr de caractère chez tous les peuples habitant le même pays, fait qui doit avoir beaucopp diminué l'aciion de la sélection sexuelee au point de vue de la différencaation des tribu..

La disetee de femmes, conséquence de l'infanticide dont les enfants de ce sexe sont l'obje,, entraîne à une autee coutum,, la polyandrie, qui est encore répandee dans bien des parties du globe, et qui, selon M. Mc-Lennan, a universellement prévalu autrefois : conclusion que mettent en doute M. Morgan et Sir J. Lubbock-. Lorsque deux ou plusieuss hommes sont obligés d'épouser la même femme, il est certann que toutes les femmes de la tribu sont mariées, et que les hommss ne peuvent pas choisrr les femmes les plus attrayantes. Mais il n'est pas douteux que, dans ces circon-

(Voyaga, etc., II, p. 94,116) entre dans les détails sur ses causes. Voy. aussi Mc-Lennan (p. c, p. 139) pour des cas dans l'Inde.

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rChap.XX] FIANÇAILLES PRÉCOCES ET ESCLAV. DES FEMMES 649

stance,, les femmes de leur côté n'exercent quelque choix, et préfèrent les hommss qui leur plaisent le plus. Azara nous dit, par exemple, avec quelle ténacité marchande une femme Guana, pour avoir toutes sortes de privilèges, avant d'accepter un ou plusieuss marss ; aussi les hommes prennent-ils pour cette raison un soin tout spécial de leur apparence personnelle ». Chez les Todas de l'Inde qui pratiquent aussi la polyandrie, les femmes ont le droit d'accepter ou de refuser qui leur plaît. Les hommss très laids pourraient, dans ce cas, ne jamass obtenrr de femme, ou n'en obtenrr qu'à une époque fort tardive de la vie; quant aux plus beaux homme,, quoique réusssssant mieux à se procurer une femme, ils n'auraient pas, à ce qu'il nous semble, plus de chance de laisser un plus grand nombee de descendants pour hériter de leur-beauté, que tes marss moins beaux de ces mêmes femmes.

Fiançailles précoces et esclavage des femmes.- Chez beaucoup de peuples sauvages, il est d'usage de fiancer les femmes lorsqu'elles sont en bas âge, ce qui empêch,, des deux côtés, toute préférenee motivée sur l'apparence personnelle; mais cela n'empêche pas les femmes plus attrayantes d'être par la suite enlevées à leurs marss par d'autres hommss plus forts, ce qui arrive souvent en Australie, en Amérique, et dans d'autres parties du globe. L'usage presque exclusff que font de la femme la plupatt des sauvages, comme esclave ou comme bête de somme, aurait jusquàà un certain point les mêmes conséquences, quant à la sélection sexuelle. Toutefois, les hommss doivent toujouss choisrr les plus belles femmes esclaves d'après leur idée de la beauté.

Nous voyons ainsi quill règne chez les sauvagss plusieuss coutumes qui peuvent considérablemtnt diminurr ou même arrêter complètement f'action de la séleciion sexuelle. D'autre par,, les conditions de la vie des sauvagss et quelques-unes de leurs habitudes sont favorables à la sélection naturelle, qui entre toujouss en jeu avec la sélection sexuelle. Us souffrent souvent des famines rigoureuses; ils n'augmentent pas leurs alimenss par des moyens artfficiels; ils s'abstiennent rarement du mariage » et se marient ordinairement jeune.. Ils sont, par conséquent, souvent soumis à des

15.  Voyages,etc., II, p. 92-95. Colonel Marshall, «Amongsttke Todos ",p. 212.

16.  Burchell (TravelsinS. Africa, II, p. 58, 1824) dit que, chez les peuples sauvages de l'Afrique du Sud, te céllbat ne s'observe jamais, ni chez les hommes ni chez les femmes. Azara (o. c, II, p. 21,1809) fait précisément la même remarque à propos des Indiens sauvages de l'Amérique méridionale.

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6S0                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

luttes très rigoureuses pour l'existence, luttes auxquelles ne peuvent résister et survivre que les individus les plus favorisés. A une époque très reculée, avant que l'homme eût atteint sur l'échelee des êtres la posiilon qu'il occupe aujourd'hui, les conditions de son existenee devaient être très différentes de ce qu'elles sont à présen.. A en juger par analogee avec les animaxx infér'eurs, · il vivatt avec une seule femme ou pratiquait la polygamie. Les mâles les plus capabees et les plus puissants devaient mieux réussir à obtenrr les femelles les plus belles. Ils devaient mieux réussrr aussi dans la lutte généraee pour l'existence et dans la défense de leurs femelles et de leurs petits, contre leurs ennemss de tout genre. A cette époque primitive, les ancêtres de l'homme ne devaient pas diriger leurs regards vers des éventualités éloignée,, car leurs facultés intellectuelles étaient encore bien imparfaites; ils ne devaient donc pas prévorr que l'élevaee de tous leurs enfans,, et surtout des enfanss femelles, rendrait plus difficile pour la tribu la lutte pour l'existence. Ils devaient écouter beaucoup plus leurs instincss ' et beaucoup moins leur raison que les sauvagss actues.. Ils n'ont pas dû, à cette époque, perdre l'un des instincss les plus puissants, commun à tous les animaux inférieurs, celui de l'amour pour leurs petis,, et l'idée d'infanticide peut être écartée. Il ne devatt donc y avoir aucune rareté artificielle de femmes, et, comme conséquence, pas de polyandrie; car la rareéé des femmes est la seule cause assez puissante pour contre-balancer les instincls de jalousie que l'on rencontre chez presque tous les animaux, et le désir que chaque mâle éprouve déposséder.une femelle pour lui seul. La polyandrie me paraît mener directement à la promiscuité complète ou au mariage en commun; toutefois les meilleures autorités à ce sujet croient que la promiscuité a précédé la polyandrie. A cette époque primitive il ne devait pas y avoir de fiançallles prématurées, car cette coutume implique une certaine prévoyance. Les deux sexes, si les hommes le permettaient aux femmes, devaient choisir' leur compagnon, sans avoir égard aux charmss de l'esprit, à la fortun,, à la posiiion sociale, mais en s'occupant presque uniquement de l'apparence extérieure. Tous les adultes devaiene s'accoupler ou se marier, tous les enfanss devaient autant que possible s'éleve;; de sorte que la lutte pour l'existence devatt devenrr périodiquement très rigoureuse. Dans ces temps primitifs toutes les conditions favorables à l'action de la sélection sexuelle devaient donc exister dans une proportion beaucopp plus grande que plus tard, alors que les aptitudss intellectuelles de l'homme avaient progressé, et que les insticts avaient diminu.. Par conséquent, quelle qu'ait pu être

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[Chap. XX]

LA SÉLECTION SEX. DANS L'ESPÈCE HUMAINE         651

l'influenee de la sélection sexuelle pour produire les différences qui existent entre les diverses races humannes et entre l'homme et les quadrumanes supéreeurs, cette influence, à une époque fort reculée, a dû être beaucopp plus puissante qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Mode d'aciion de la sélection sexuelle sur l'espèce humaine. - Chez l'homme primifif placé dans les conditions favorables que nous venons d'indiquer, et chezlessauvageuqui.de nos jour,, contractent un lien nuptial quelconqee (lien sujet à diverses modifications selon que les pratiques de l'infancicide des enfanss du sexe féminin, des fiançallles prématurées existent plus ou moins, etc.), la sélection sexuelle a dû probablement agrr de la manière suivanee : les . hommss les plus forts et les plus vigoureux, - ceux qui pouvaient le mieux défendee leur famille et subvenir par la chasse à ses besoins, - ceux qui avaient les meilleures armes et ceux qui possédaient le plus de biens, tels que chiens ou autres animaux, ont dû parvnnir à élever en moyenne un plus grand nombre d'enfanss que les individus plus pauvres et plus faibles des mêmes tribu.. Sans doute aussi ces hommss ont dû pouvorr généralement choisrr les femmes les plus attrayantes. Actuellement, dans presque toutes les tribus du globe, les chefs parviennent a posséder plus d'une femme. Jusquàà ces derniers temps, me dit M. Mante», toute jeune fille de la Nouvelee-Zélande, jolie ou promettant de l'êtr,, étatt tapu, c'est-à-dire réservee à quelqu,.che.. D'après M. C. Hamilton ,, chez les Cafres, « les chefs ont généralemens le choix des femmes à plusieurs lieues à la ronde, et ils font tous leurs efforts pour établir ou pour confirmrr leur privilège ». Nous avons vu que chaque race a son propee idéal de beauté, et nous savons quill est naturel chez l'homme d'admirer chaque tratt caractéristique de ses animaxx domestiques, de son costum,, de ses ornements, et de son apparence personnel,e, lorsqulil dépasse un peu la moyenne habituelle. En conséqunnce, si on admet les propositions précédentes, qui ne parasssent pas douteuses, il seratt inexplicable que la sélection des femmes les plus belles par les hommss les plus forts de chaque tribu, qui réussiraient en moyenne à élever un plus grand nombre d'en,ants, ne modifiât pas, jusquàà un certann point et à la suite de nombreuses générations, le caractère de la tribu.

Lorsqu'on introduit une race étrangère d'animaux domestiques dans un pays nouvea,, ou qu'on entoure la race indigène de soins prolongss et soutenu,, qu'll s'agssee d'allleurs d'une race utile ou

V.Anthrop.Review. p. w,l*nv.l810..

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d'une race de luxe., on. remarque, lorsque les termes de comparaison existen,, qu'elee a éprouvé plus ou moins de changements après un certain nombre de générations. Ces changements résutent d'une sélection inconcciente poursuivie pendant une longue série d'années, c'est-à-dire dela conservation des individus les plus beaux, sans que !'é)eveur ait désiré ou attendu un parell résultat. Ou encore, si deux éleveuss attentifs élèvent pendant de longues années des animaux appartenant à une même famllle sans les comparer à un étalon commun ou sans les comparer les uns aux autres, ils s'aperçoivent, à leur grande surprise, que ces animau,, après un certain laps de temps, sont devenus un peu différenss x. Chaque éleveur, comme le dit si bien Nathusius, imprime à ses animaxx le caractère de son esprit, de son goût et de son jugement. Quelle raison pourrait-on donc invoqurr pour soutenrr que la sélection des femmes les plus admirées, par les hommes capables d'élever dans chaque tribu le plus grand nombee d'enfants, séleciion continuee pendanolongtemps, n'aurait pas des résultats analogues?Ce seratt une sélection inconsciente, car elle produirait un effet inattend,, indépendant de toute intention, de la part des hommss qui auraient manifesté une préférence pour certaines femmes.

Supposons que les individus d'une tribu dans laquelee existe une forme de mariage quelconqee se répandent sur un continent inoccupé : ils ne tarderont pas à se fractionner en hordes distinctes, séparées de diverses façons, et surtout par les guerres continuelles que se livrent toutes les nations barbares. Ces horde,, dont les habtudes se modffieront selon les condiiions dans lesqueless elles se trouveront placée,, finiront tôt ou tard par différer quelque peu entre elles. Chaque tribu isolée se constituerait alors un idéal de beauté un peu différent ' ; puis, par le fait que les hommss les plus forts et les plus influenss liniront par manffester des préférences pour certaines femmes, la séleciion inconsceente entrerait en jeu. Ainsi les différences entre les tribu,, d'abodd fort légère,, s'augmenteront graduellement et inévitablement.

A l'état de nature, la loi du combat a amené, chez les animau,, le développement de bien des caractères propres aux mâles, tels que la taillé, la force, les armes particulières, le courage et les dispositions belliqueus.s. Cette même cause a sans doute produtt des.

18. De la Variation, etc., II.

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modfiications chez les ancêtres semi-humains de l'homm,, ainsi que chez leurs voisins les Quadrumanes; or, comme les sauvagss se battent encore pour s'assurer la possessinn de leurs femmes, un mode semblabee de sélection a probablement continu,, à un degré plus ou moins prononcé, jusquàà nos jours. La préférenee de la femelle pour les mâles les plus attrayants a amené, chez les animaux inférieurs, le développement d'autres caractères propres aux mâles, ainsi les couleuss vives et les ornemenss divers. On remaque toutefois quelquss cas exceptionnels, car ce sont alors les mâles qui choisissent au lieu d'êtee l'objet d'un choix; dans ces cas, lés femelles sont plus brillamment décorées que les mâle,, - et leurs caractères décoratifs se transmettent exclusivement ou principalement à leur descendance femelle. Nous avons décrit un cas de ce

Kommeelatff *" ^ RhGSUS' ^ 1,0rdee ^^ aPParti6nt LÏZ'me a plus de puissance corporelle et intellectuelle que la femme; à l'état sauvag,, il la tient en outre dans un assujettissement beaucoup plus complet que ne le font les mâles de tous les autres animaux à l'égard de leurs femelles; il n'estldonc pas surprenant qu'il se soit emparé du pouvorr de choisir. Partout les femmes comprennent ce que peut leur beauté,-e,, lorsqu'elles en ont les moyens, elles aiment plus que les hommes à se parer d'ornemenss de toute nature. Elles empruntent aux oiseaux mâles les plumes que la natuee leur a données pour fasciner leurs-femelle.. Comme elles ont été pendant longtemss l'objet d'un choix à cause de leur beauté, il n'est pas étonnant que quelques-unes de leurs variations successives aient été limitées à un sexe dans leur tranmission, et qu'elles passent plus directement aux filles qu'aux garçons. Les femmes sont donc devenue,, ainsi qu'on l'admet généralemen,, plus belles que les homme.. Toutefois elles transmettent la plupatt de leurs caractères, la beauéé comprise, à leur progéniture des deux sexes; de sorte que la préférenee continue que les hommss de chaque race ont pour les femmes les plus attrayantes, d'après leur idéal, tend à modifier de ta même manière tous les individus des deux sexes.:

Quant à l'autre forme de sélection sexuelle (la plus commune chez les animaux inférieurs), celle ou les femelles exercent leur choix, et n'acceptent que les mâles qui les séduisen,, nous avons lieu de croire qu'elle a autrefois agi sur les ancêtres de l'homm.. Il est probabee que l'homme doit héréditairement sa barbe, et quelques autres caractères, à un antiqee aïeul qui avait acquss sa parure de cette manière. Cette forme de sélection peu,, d'allleurs,

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avorr agi accidentellement plus tard, car chez les tribus très barbares les femmes ont plus de pouvorr qu'on ne s'y attendrait, pour choisir, rejeter, ou séduree leurs amoureux, ou pour changrr ensutte de mar.. Ce point ayant quelque importance, je donnerai les détails que j'ai pu, recuelllir.

Hearne raconee qu'une femme d'une des tribu, de l'Amérique arciique avatt quitt' plusieuss fois son mari pour rejoindee un homme qu'elle aimait; Azara nous apprend que, chez les Charruas de l'Amérique du Sud, le divorce est entièrement libre. Chez les Abipone,, l'homme qui choisit une femme en débat le prix avec les parents; mais « il arrive souvent que la jeune Mie annule les tranactions intervnnues entre son père et son futu,, et repousee obstinément le mariage ,. Elle se sauve, se cache, et échappe ainsi à son prétendant.Le capitaine Muster,, qui a vécu chez les Paaagons, affirme que chez eux le mariaee est toujouss une affaire d'inclination : « Si les parents, dit-il, arrangent un mariage contraire aux volontés de la jeune fille, elle refuse et on ne la force jamais. » Dans les îles Fidji, l'homme qui veut se marier s'empare de la femme qu'll a choisi,, soit de force réellemen,, soit en simulant la violence ; mais, « arrivée au domiclle de son ravisseur, la femme, si elle ne consent pas au mariag,, se sauve et va se réfugier chez quelqu'un qui puisse la protéger; si au contraire, elle est satisfaite, l'affaire est désormais réglée ,. A la Terre-de-Feu, le jeune homme commence par rendre quelquss services aux parenss pour obtenrr leur consentement, après quoi il cherche à enlever la fille; mais, si celle-ci ne consent pas, « elle se cache dans les bois jusquàà ce que son admirateur se lasse de la chercher, et abandonee la poursuite, ce qui pourtant est rare ». Chez les Kalmuck,, il y a course régulière entre la fiancée et le fiancé, la première partant avec une certaine avance; etClarke dit : « On m'a assuré qu'il n'y a pas d'exemple qu'une fille ait été rattrapée, à moins qu'elle n'aime l'homme qui la poursu.t. » Il y a course semblabee chez les tribus sauvagss de l'Archipel Malais, et il résutte du réctt qu'en fait M. Bourien, comme le remarque Sir J. Lubbock, < que le prix de la course n'appariient pas au coureur le plus rapide, ni le prix du combat au lutteur le plus fort, mais tout simplement au jeune homme qui a la bonne fortune de plaire à celle quiil a choisie pour fiancée B. Les Korak,, qui habitent le nord-est de l'Asie, observent une coutume analogue.

En Afrique les Cafres achètent leurs "femmes, et les filles sont cruellement battues par leur père si elles refusent d'accepter un mari quill a choisi; cependant, il paratt résulter de plusieuss faits

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signalés par le Rév. Shooter qu'elles peuvent encore faire un choix. Ainsi les hommss très laids, quoique riche,, n'qnfpu se procurer de femme.. Les filles; avant de consentir aux fiançailles, obligent les hommes d'abodd à se montrer par devant, puis par derrière, et à « exhiber leurs allures ». Elles font souvent des propositions à un homme et se sauvent avec leur aman.. M. Leslie, qui connatt bien les Cafres, confirme ces observations et il ajoute : « C'est une erreur de supposer qu'un père puisse vendre sa fille comme il vendratt une vache. C Chez les Boschimans, dans l'Afrique méridionale, « lorsqu'une fille est devenue femme sans avoir été fiancée, ce qui arrive rarement, son prétendant doit obtenrr son consentement et celui des parents»» ». M. Winwood Reade, qui a étudié l'es habitudes des nègres de ['Afrique occidentale, m'apprend que, « au moins dans les tribus les plus intelligentes, les femmes n'ont pas de peine à obtenrr les marss qu'elles désirent, bien qu'on considèee comme peu digne de la femme de demandrr à un homme de l'épouse.. Elles sont très capables d'éprouver de l'amou,, de former des attachements tendre,, passionnés et fidèles ». Je pourrais citer d'autres exempees.

Nous voyons donc que, chez les sauvages, les femmes ne sont pas, en ce qui concerne le mariage, dans une posiiion aussi abjecte qu,on l'a souvent supposé. Elles peuvent séduire les hommss qu'eless préfèrent, et quelquefois rejeter avant ou après le mariage ceux qui leur déplaisent. La préférenee de lapart des femmes, agissant résolument dans une directinn donnée, affecteratt par la suite le caractère de la tribu, car les femmes choisiraient non seulement les plus beaux hommss selon leur idéa,, mais encore les plus capabess de les défendee et de les soutenir. Des couples bien doués doivent en général produire plus de descendants que ceux qui le sont moins. Le même résultat seratt évidemment encore plus prononéé s'il y avatt choix réciproque, c'est-à-dire si les hommes les plus forts et les plus attrayants, en choissssant les femmes les plus séduisantes, étaient eux-mêmss préférés par celles-c.. Ces deux formes de sélection semblent avorr dominé, simultanément ou

20. Azzra, Voyages, etc., II, p. 23. Dobrizhofïer, An Account ofthe Abipones, II, p. 207, 1822; Capitaine Musters, in < Proc. R. Geograph. soc», vol. XV, p. 47. Williams, Sur les Aabitants des îles Fidji, cité par Lubbock, Origin of Civilization, p. 79, 1870. Sur les Fuégiens, Kind and Fitzroy, Voyages of the Adventure and Beagle, II, p. 182, 1839. Sur les Kalmucks, Mc-Lennan, Primit.

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME             [Iee PARTffi]

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non, chez l'espèce humaine, surtout dans les premières périodss de sa longue histoire.

Nous allons actuellement étudier, avec un peu plus de détail,, quelques-uns des caractères qui distinguent les diverses races humaines entre elles, et qui les séparent des animaux inférieurs, à savoir l'absenee plus ou moins complète de toison sur le corps, et la coloration de la peau. Nous ne parlerons pas de la grande diversité dans la forme des traits et du crâne entre les différentes races, car nous avons vu, dans le chapitre précédent, combien l'idéal de la beauté peut varier sur ces points. Ces caractères, absence de toison plus ou moins complète sur le corps et coloratinn de la peau, ont subi l'action de la séleciion sexuelle, mais nous n'avons- aucun moyen de juger si elle a principalement agi par l'entremise du mâle ou par celle de la femelle. Nous avons déjà discuté les facutés musicales de l'homm..

a

Absencedetoisonsureecorpsetsondéveloppementsurlevisagett sur la tête. -La présence du duvet ou lanugo sur le fœtus humain, et des poils rudimentaires qui, à l'âge d'adulte, sont disséminés sur le corps, nous permet de concluee que l'homme descend de quelque animal velu et qui restatt tel pendant toute sa vie. La perle de la toison est un inconvénient réel pour l'homm,, même sous un climat chaud, car il se trouve exposé à des refroidissements brusques, surtout par des temps humides. Ainsi que le remarqué M. Wallace, les indigènss de tous les pays sont heureux de pouvoir protéger leur dos et leurs épaules nues avec quelquss légers vêtements. Personne ne suppose que la nudtté de la peau ait un avantage direct pour l'homm,, ce n'est donc pas l'action de la sélection naturelle qui a pu lui faire perdre ses poils.. Nous avons vu dans un chapitre précédent qu'il n'est pas à cro"re que la perte de la toison puisse être due à l'aciion directe des conditions auxquelles l'homme a été longtemss exposé, ni qu'elle soit le résu-tat d'un développement corrélatip.

L'absence de poils sur le corps est, jusquàà un certain poin,, un

21. Contributions <o the Theory of Natural Sélection. M. Wallace croit, p. 350, t que quelque pouvoir intelligent a guidé ou déterminé le développement de l'homme, ,'et considère l'absence d'e poils sur la peau comme résultant de ce fait. Le Rév. T. Stebbing, dans un commentaire sur cette opinion (Trans-actions ofDevonshireAssoc. for Science, 1870))faitla remarque que, si M. Wallace * avait appliqué son talent ordinaire à la question de la nudité de la peau humaine, il aurait pu entrevoir la possibilité de l'intervention de la

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[Chap. XX] ABSENCE DE TOISON SUR LE CORPS                  657.

caractère sexuel secondaire ; car, dans toutes les parties du monde, les femmes sont moins velues que les hommes. Nous pouvons donc raisonnablement supposer que ce caractère est le résultat de la sélection sexuelle. Nous savons que le visage de plusieuss espèces de singes, ainsi que de larges surfacss à l'extrémité du corps chez d'autres espèces, sont dépourvus de poils; ce que nous pouvon,, en toute sécurité, attriburr à la sélection sexuelle, car ces surfaces sont non seulement vivement colorée,, mais quelquefois, comme chez le Mandrlll mâle et chez le Rhesus femelle, le sont beaucoup plus brillamment chez un sexe que chez l'autre, surtout pendant la saison des amours. Lorsque ces animauxapprochent de l'âge adulte, les surfaces nues, dit M. Barlett, augmentent d'étendue relativement à la grosseur du corps. Le poil, dans ce cas, paratt avoir diS: paru, non en vue de la nudité, mais pour permettre un déploiement plus complet de la couleur de la peau. De même, chez beaucoup d'oiseau,, la tête et le cou ont été privés de leurs plume,, par l'action de la séleciion sexuelle, pour que les couleuss de la peau apparasssent plus brillantes.

La femme a le corps moins velu que l'homm,, et ce caractère est commun à toutes les race;; nous pouvons en conclure que nos ancêtres semi-humains du sexe féminin ont les premières perdu leurs poils, et que ce fait doit remonter à une époque très reculée, avant que les diverses races aient divergé de la souche commun.. À'mesure que nos ancêtres femelles ont peu à peu acquss ce caractère de nudité, elles doivent l'avorr transmis à un degré à peu près égal à" leurs enfanss des deux sexes; de sorte que cette transmission n'a été limitée ni par l'âge ni par le sexe, comme il arrive pour une foule d'ornements chez les mammifères et chez les oiseaux. Il n'y a rien de surprenant à ce que la perte d'une partie des poils ait été considérée comme une beauté par les ancêtres simiens de l'homme : nous avons vu, chez des animaux de toutes espèce,, que des caractères étrangss étaient considérés comme ornements, et qu'ils ont été par conséquent modfiiés par l'action de la sélection sexuelle. Il n'est pas non plus surprenant qu'un caractère quelque peu nuisible ait pu s'acquérir ainsi : nous savons qu'il en est de même pour les plumes de certains oiseaux, et pour les bois de certains cerfs.

Nous avons vu dans un chapitre précédent que les femelles de certains singes anthropomorphes ont la surfaee inférieuee du corps un peu moins velue que les mâles; or ce fait nous présenee peut-être les premières phases d'un commencement de dénudation. Quant à l'achèvement de la dénudation par l'intervention de la sélection sexuelle, il n'y a qu'à se rappeler le proverbe de la Nou-

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velle-Zélanee : « Il n'y a pas de femmes pour un homme velu. » Tous ceux qui ont vu les photographies de la famllle siamoise veuue, reconnaîtront que l'extrême développement du poil est co-miquement hideux. Aussi le roi de Siam eut-il à payer un homme pour qu'il consentît à épouser la premèère femme velue de tafamtlle, laquelee transmit ce caractère à ses enfanss des deux sexes..

Quelques races sont beaucopp plus velues que d'autres, surtout les hommes; ainsi les Européens; mais il n'est pas à supposer que ces races aient conservé leur élat primordial plus complètement que les races des Kalmucks ou des Américains. It est probable que le développement du poil, chez les premeers, est dû à une réversion partielle, les caractères qui ont été longtemss héréditaires étant toujouss aptes à reparaître. Nous avons vu que les idioss sont souvent très velus, et que souvent aussi ils affectent d'autres caractères qui les rapprochent de la brute. Il ne paraît pas qu'un climat froid ait exercé quelque influence sur cette réapparioion, sauf peut-être chez les nègres, depuis plusieuss générations, aux États-Unis», et chez les Aïnos qui habitent les îles septentrionales de l'archipel du Japon-. Mais les lois de l'hérédité sont si complexes que nous pouvonsbien rarement nous rendre compte de leur action. Si la plus grande villosité de certaines races est le résuttat d'une réversion nonllimitée par quelque forme de sélection, la variabilité considérable de ce caractère, même dans les limites d'une même race, cesse d'être remarquable»*.

En ce qui concerne la barbe, les Quadrumanes, nos meilleuss guide,, nous fournsssent des cas de barbes également bien déve-

22.  La Variation,etc.. H.

23. Investigations into Military and Anthropological Staiistics of ~mertcaM soldiers de B. A. Gould, p. 568, 1869. — Un grand nombre d'observations Sues avec soin sur la pilosité de 2,129 soldats noirs et de couleur pendant le

^ssrï^ïrssr.*-. *- -™*...

ail rencontré autant de défaveur que la présente explication sur la perle des poils .ta l'homme, grâce à l'action de la sélection s.™».; mais aucun des

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[Chapp XX] ABSENCE DE TOISON SUR LE CORPS                  659

loppées chez les deux sexes de beaucoup d'espèces; chez d'autres pourtant elles sont ou circonscrites aux mâles seuls, ou plus déve)oppées chez eux que chez les femelles. Ce fait, ainsi que le singulier arrangement et les vives couleuss des cheveux d'un grand nombre de singes, donnent à penser que les mâles ont d'abodd acquis leurs barbss par séleciion sexuelle et comme ornement, et qu'ils les ont ordinairement transmises à un degré égal ou presque égal à leurs descendants des deux sexes. Nous savons par Eschricht» que le fœtus humann des deux sexes porte beaucoup de poils sur le visage, surtout autour de la bouch,, ce qui indique que nous descendons d'ancêtres chez lesquess les deux sexes étaient barbu.. Il paratt donc à première vue probabee que, tandss que l'homme a conservé sa barbe depuis une période fort éloignée, la femme l'a perdue lorsque son corps s'est presque entièrement dépouiléé de ses poils. La couleur même de la barbe dans l'espèce humaine paraît provenir par héritage de quelque ancêtre simien; car, lorsqu'il y a une différence de teinte entre les cheveux et la barbe, cette dernière est, chez tous les singes et chez l'homm,, de nuance plus claire.

Chez les Quadrumanes, alors que le mâle a une barbe plus forte que celle de la femelle, elle ne se développé qu'à l'âge mûr; et les dernières phases du développement peuvent avoir été exclusivement transmises à l'humani.e. Contrairement à cette hypothèse, on peut invoqurr la grande variabilité dela barbe chez des races différentes, et, même dans les limites d'une seule race, ceci indique en effet l'influenee d'un retou,, car les caractères depuss longtemss perdus sont très aptes à varier quand ils réapparaissent.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas méconnaître le rôle que la sélection sexuelle peut avoir joué, même dans des temps plus récents; car nous savons que, chez les sauvages, les races sans barbe se donnent une peine infinie pour arracher, comme quelque chose d'odieu,, les poils qu'ils peuvent avoir sur le visag; ; tandis que les hommes des races barbuss sont tout fiers de leurs barbe.. Les femmes partagent sans doute ces sentiments, et, par conséquent, la sélection sexuelle ne peut manquer d'avoir produtt quelques effets dans des temps plus récents». 11 estpossible aussi que l'hab-tude d'arracher les poils, habitude continuee pendatt de longues générations, ait produit un effet héréditaire. Le docteur Brown-Séquadd a démontré que, si on fait subir certaines opérations à di-

25. Uebcrdie RicMung der Haare am memchlichen Kor~er, dans Muller's

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660                      LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile PAflTtEj

vers animaux, leurs descendanss sont affectés de certaines manières. On pourrait citer des faits nombreux relatifs aux effets héréditaires de certaines mutilations. Toutefoss M. Satvin a dernièrement reconnu un fait qui a une portée beaucoup plus directe sur la question qui nous occupe; il a démontré en effet que les Matmots ont l'habitude de ronger les barbes des deux plumes centrales de leur queue; or les barbes de ces plumes sont naturellement un peu plus courtes que celles des autres plumes ». Quoi qu'il en soit, il est probabee que chez l'homme l'habitude d'épiler la face et le corps n'a pas du surgrr jusqu'à ce que les poils aient été déjà réduits dans une certaine mesure.

Il est difficile de s'expliquer comment se sont développss les longs cheveux de notre tête. Eschricht» assure qu'au cinquième mois le fœtus humain a les poils du visage plus longs que ceux de la tête; ce qui implique que nos ancêtres semi-humains n'avaient pas de longs cheveux, lesquess par conséquent seraient une acquisition postérieure. Les différencss que présentent, dans leur longueur, les cheveux des diverses races, nous conduisent à la même conclusion : les cheveux ne formen,, chez les nègre,, qu'un simple mateass frisé; chez nous, ils sont déjà fort longs; et, chez les indigènes américains, il n'est pas rare qu'ils tombent jusqu'au sol. Quelques espèces de Semnopithèques ont la tête couverte de poils de longueur modérée, qui leur servent d'ornement, et qui ont probablement été acquis par sélection sexuele.. On peut étendre la même manière de voir à l'espèce humanne, car les longuss tresses sont admiréss aujourd'hui comme elles l'étaient déjà autrefois; les œuvres de presqee tous les poètes en font foi. Saint Paul dit : < Si unefemmeade longs cheveux, c'est une gloire pour elle; e et nous avons vu précédemment que, dans l'Amériqee du Nord, un chef avait uniquement dû son élection à la longueur de ses cheveux.

Co~oration de la peau. - Nous n'avons aucune preuve que, dans l'espèee humanne, la coloration de la peau provennee absolument de modifications dues à la sélection sexuelle; car hommes et femmes ne diffèrent pas sous ce rapport, ou ne diffèrent que peu et d'une manière douteuse. D'autre par,, beaucoup de faits déjà cités nous enseignent que, dans toutes les races, les hommes considèrent la coloration de la peau comme un élément de grande beauté;

27. M. Sproat (Scenes and Studies of Savage Life, p. 25, 1868)) Quelques eth-nologistes distingués, entre autres M. Gosse, de Genéve, sont disposés a croire que les modifications artificielles du crâne tendent à devenir héréditaires.

28.  Ueber die Richtung, ziz., p. 40.

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[ChapP XX]               COLORATION DE LA PEAU                          661

c'est donc là un caractère qui, par sa nature même, tombe sous l'action de la sélection, et nous avons prouvé par de nombrexx exemptes que, sous ce rapport, ce caractère a profondément modifié les animaux inférieurs. La" supposition que la coloration noir jass du nègre est due à l'intervention de la sélection sexuelee peut à première vue paraître monstrueuse, mais cette opinion se confirme par une foule d'anaoogies; en outre, les nègres, nous le savons, admirent beaucoup leur couleur noire. Lorsqu,, chez les mammifères, la coloration diffère chez les deux sexes, le mâle est souvent plus noir ou plus foncé que la femelle, et la transmission, aux deux sexes ou A un seul, de telle ou telle nuanee dépend uniquement de la forme de l'hérédité. La ressemblance qu'offre avec un nègre en miniature ie Pithecia salarias avec sa peau noire comme du jais, ses gros yeux blancs, et sa chevelure séparée en deux par une raie au milieu de la tête, est des plus comique..

La couleur du visage varie beaucoup plus chez les diverses espèces de singes que dans les races humannes; et nous avons toute raison de croire que les teintes rouge,, bleues, orange, blanches ou noires de la peau des singes, même lorsqu'elles sont communss aux deux sexes, ainsi que les vives couleurs de leur peiage, et les touffes de poils qui ornent leur tête, sont toutes dues à l'intervention de la séleciion sexuele.. On sait que l'ordee du développement pendant la croissance indique ordinairement l'ordee dans lequel les caratères d'une espèce se sont développss et se sont modffiés dans le cours des générations antéreeures : on sait aussi que les enfanss nouveau-nés des races les plus distinctes diffèrent bien moins en couleur que les adultes, bien que leur corps soit complètement dépourvu de poils; nous trouvons donc là une )égère indication que les teintes des différentes races ont été acquises postérieurement à la disparition du poil, ce qui, comme nous l'avons déjàconstaté, a dû se produire à une époque très reculée de l'existence de l'homm..

Résum.. - Nous pouvons concluee que la plus grande taille, la force, le courag,, le caractère belliqueux et même l'énergie de l'homm,, sont des qualités, qui, comparées à ce qu'elles sont chez la femme, ont été acquises pendant l'époque primitive, et qui se sont ensuite augmentées, surtout par les combass que se sont livrés les mâles pour s'assurer la possession des femelles. La vigueur intellectuelee et la puisaance d'invention plus grandss de l'homme sont probablement dues à la séleciion naturelle, combinée aux effets héréditaires de l'habitude; car ce sont les hommes les plus

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capabess qui ont dû le mieux réussrr à se .défendre, eux, leurs .femmes et leurs enfants, et à subvenrr à leurs propres besoins et à ceux de leur famllle. Autant que l'excessiee complication du sujet nous permet d'en juge,, il semble que nos ancêtres demi-smiens mâles ont acquss leur barbe comme un ornement pour attirer et pour séduire les femme,, et ont transmis cet ornemenr à leur descendance mâle seule. Il est probabee que les femmes ont les premières perdu leur toison, perte qui a constitué pour elfes un ornement sexue,, mais qu'eless ont transmis ce caractère presque également aux deux sexes. Il n'est pas improbable que, par les mêmes moyens et dans )e même but, les femmes aient été modffies sous d'autres rapports, qu'elles aient ainsi acquis des voix plus douces, et soient devenues plus belles que l'homme. H faut particulièremtnt remarquer que, dans l'espèce humaine, toutes les condiiions ont été beaucoup plus favorables à l'action de la sélection sexuelle à l'éppque très primitive où l'homme venatt de s'élever au rang humai,, qu'elles ne l'ont été plus tard. Nous sommes, en effet, autorisés à penser qu'alors il devatt se laisser conduire par ses passions instinctives plutôt que par la prévoyance ou par la raison. Chaque mâle devatt garder avec jalousie sa femme ou ses femmes. Il ne devatt ni pratiquer l'infanticide, ni considérer uniquement ses femmes commeddes esclaves utiles, ni leur être fiancé pendatt son enfance. Ces faits nous permettent de conclure que les différencss entre les races.humaines, dues à l'action de la sélection sexuele,, se sont produites surtout à une époque fort reculée. Cette conclusion jette quelque lumière sur le fait remaquable qu'à l'époque la plus ancienne sur laquelee nous possédions des documents, les races humannes différaient entre elles presque autant ou même tout autant qu'elles lefont aujourd'h.i.

Les idées émises ici sur le rôle que la sélection sexuelle a joué dans l'histoire de l'homm,, manquent de précision scientifiqu.. Celui qui n'admtt pas son action chez les animaxx inférieuss ne tiendra évidemment aucun compte de ce que renferment nos derniers chapitres sur l'homm.. Nous ne pouvons pas dire positivementque tel caractère, et non tel autre, ait été ainsi modifié; toutefois nous avons prouvé que les races humaines diffèrent entre elles, et diffèrent avec leurs voisins les plus rapprochés parmi les animaux, par des caractères qui n'ont aucune utilité pour ces races dans le cours ordinaire delà vie, ce qui rend extrêmement probabee que la sélection sexuelee a modifié ces caractères. Nous avons vu que, chez les sauvagss les plus grossiers, chaque tribu admire ses propres qualités caractéristiques, - la forme de la tété et du visage, la saillie

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des pommettes, la proéminence ou la dépression du nez, la couleur de la peau, la longueur des cheveux, l'absenee de poils sur le visage et sur le corps, ou la présenee d'une grande barb,, etc. Ces caractères et d'autres semblables ne.peuvent donc manqurr d'avorr été lentement et graduellement exagérés chez les hommss les plus forts et les plus acties de la tribu. Ces hommes, en effet, auront réussi à élever le nombre le plus considérable d'enfants, en chosissan-- pour compagnes, pendant de longuss générations, les femmes chez lesquelles ces caractères étaient le plus prononcés, et qui leur semblaienl par conséquent les plus attrayantes. Je conclus donc que, de toutes les causes qui ont détermiéé les différences d'aspett extérieur existant entre les races humannes, et, jusqu'à un certain poin,, entre l'homme et les animaux qui lui sont inférieurs, la sélection sexuelle a été la plus active et la plus efficace.

CHAPITRE XXI                           

Conclusion principale : l'homme descend de quelque type inférieur. - Mode de développement. - Généalogie de l'homme. - Facultés intellectuelles et morales. -Sélection sexuelle. - Remarques finales, .

Il suffira d'un court résumé pour rappeler au lecteur tes poinss les plus saillanss qui ont fait le sujet de cet ouvrag.. J'y ai émis beaucoup d'idées d'un ordre spéculatif. On finira, sans doute, par reconnaître que quelques-unes sont inexactes ; mais, dans chaque cas, j'ai indiqué les raesons qui m'ont condutt à préférer une opinion à une autre. Il m'a semblé quill.était utile de rechercher jusqu'à quel point le principe de l'évolution pouvatt jeter quelque lumière sur quelques-uns des problèmss les plus comprexes que présenee l'histoire naturelle de l'homm.. Les faits inexacts sont très nuisiblss aux progrès de la science, car ils persistent souvent fort longtemps; mais les opinions erronées, quand.elles reposent sur certaines preuves, ne font guère de mal, car chacun s'empresee heureusement d'en démontrer la fausseéé :5or, la discussion, en fermant une route qui condutt à l'erreu,, ouvre souvent en même temps le chemin de la vérité.

La conclusion capitale à laquelle nous arrivoss dans cet ouvrag,, conclusion que soutiennent actuellement beaucoup de naturalistes compétents, est que l'homme descend d'une, forme moins parfaitement organisée que lui. Les bases sur lesquelles repose cette conclusion sont inébranlabl,s, car la similitude. étrotte qui existe entre l'homme et les animaux inférieuss pen-

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dant le développement embryonnai,e, ainsi que dans d'innombrables poinss de structure et de constitution, poinss tantôt importants, tantôt insignifiants ; - les rudimenss que l'homme conserve, et les réversions anormales auxquelles il est accidentellement sujet, - sont des faits qu'on ne peut plus contester. Ces faits, connus depuis longtemp,, ne nous ont rien enseign,, jusqu'à une époque toute récente, relativement à l'origine de l'homm.. Aujourd'hu,, éclairés par nos connasssances sur l'ensemble dii monde organiqu,, nous ne pouvons plus nous méprendee sur leur signification. Le grand princpee de l'évolution ressort clairement de la comparaison de ces groupss de faits avec d'autres, tels que les affinités mutuelles des membres d'un même groupe, leur distribution géographique dans les temps passés et présents, et leur succession géologiqu.. Il seratt incroyabee que de tous ces faits réunss sortît un enseignement faux. Le sauvage crott que les phénomènes de la natuee n'ont aucun rappott les uns avec les autre;; mais celui qui ne se contenee pas de cette explication ne peut croire plus longtemps que l'homme soit le produit d'un acte séparé de créaiion. Il est forcé d'admettre que l'étroite ressemblance qui existe entre l'embryon humann et celui d'un chien, par exemple; -quela conformation de son crâne, de ses membres et de toute sa charpente, sur le même plan que celle des autrss mammifères, quels que puissent être les usages de ses différentes parties; - que la réapparition accidentelle de diverses structures, comme celle de plusieuss muscles distincts que l'homme ne possède pas normalement, mais qui sont communs à tous les Quadruman;s; - qu'une foule d'autres faits analogues, - que tout enfin mène de la manière la plus claire à la conclusinn que l'homme descend, ainsi que d'autres mammifères, d'un ancêtre commun.

Nous avons vu quill se présenee constamment chez l'homme des différences individuelles dans toutes les parties de son corps ef dans ses facultés mentales. Ces différences ou varaations parasssent être provoquées par les mêmes causes généraees, et obéir aux mêmes lois que chez les animaux inférieurs. Dans les deux cas, les lois de l'hérédité sont semblables. L'homme tend à augmenter en nombee plus rapidement que ne s'accroissent ses moyens de subsistance ; il est par conséquntt exposé quelquefois à une lutte rigoureuse pour l'existence; en conséquence la sélection naturelle a dû agir surtout ce qui est de son domain.. Une succession de variations très prononcées et de natuee identique n'est en aucune façon nécessaire pour cela, car de légères fluctuations différentes dans l'indvidu suffisent à l'œuvee de la séleciion naturelle; ce n'est pas d'ail-

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leurs que nous ayons raison de supposer que, chez une même espèce, toutes les partiss de l'organisme tendent à varier au même degré. Nous pouvons être certains que les effets héréditaires de l'usage ou du défaut d'usage longtemps continuss ont agi puissamment dans le même sens que la sélection naturelle. Des modifications autrefois importantes, bien qu'ayant perdu aujourd'hui leur utiiité spéciale, se transmettent longtemps par héritage. Lorsqu'unepartiesemodifie, d'autres changent en vertu de la corrélation, fait que prouvent un grand nombee de cas curieux de monstruosités corrélatives. On peut attriburr quelque effet à l'aciion directe et définie des condiiions ambiantes, telles que l'abondance de la nourriture, la chaleu,, et l'humidité; et enfin bien des caractères n'ayant qu'une faible importance physiologique, aussi bien que d'autres, qui en ont au contraire une très grand,, proviennent de l'action de la sélection sexuelle.

Sans doute l'homm,, comme tous les autres animau,, présenee des conformations qui, autant que notre peude connaissances nous permettent d'en juge,, ne lui sont plus utiles actueleement, et ne lui ont été utiles, dans une période antérieure, ni au point de vue des conditions générales de la vie, ni au point de vue des rapports entre les sexes. Aucune forme de sélection, pas plus que les effets héréditaises de l'usage et du défaut d'usage des parties, ne peut expliquer les conformations de cette nature. Nous savon,, toutefois, qu'un grand nombee de particularités bizarres et très prononcées de conformation apparaissent quelquefois chez nos animaux domestiques, et deviendraient probablement communss à tous les indivtdus de l'espèce, si les causes inconnuss qui les provoquent agissaient d'une manière plus uniform.. Nous pouvons espérerque, par la suite, nous arriverons à comprendre, par l'étude des monstruosités, quelques-unes des causes de ces modifications accidentelles; les travaxx des expérimentateurs, tels que ceux de M. Camille Dareste, sont pleins de promesses pour l'avenir. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la cause de chaque variation légère et de chaque monstruosité dépend plus, dans la plupatt des cas, de la natuee ou de la constitution de l'organisme que des conditions ambiantes ; des conditions nouveless et modfiiées-jouent cependant un rôle important dans les changements organiques de tous genre..

L'homme s'est donc élevé à son état actuel par les moyens que nous venons d'indiquer, et d'autres peut-être qui sont encore à découvrir. Mais, depuis quill a atteint le rang d'êtee humain, il s'est divisé en races distinctes, auxquelles il seratt peut-être plus sage

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d'appliquer le terme de sous-espèces. Quelques-unes d'entre elles, le Nègre et l'Européen par exempl,, sont assez distinctes pour que, mises sans autres renseignements sous les yeux d'un naturaliste, il doive les considérer comme de bonnes et véritables espèces. Néanmoins, toutes les races se ressemblent par tant de détails de conformation et par tant de particularités mentales, qu'on ne peut les expliqurr que comme provenant par hérédité d'un ancêtre commun; or, cet ancêtre doué de ces caractères méritait probablement qualification d'homm..

Il ne faut pas supposer qu'on puisse faire remonter jusquàà un seul couple quelconqee d'ancêtres la divergenee de chaque race d'avec les autres races, et celle de toutes les races d'une souche commun.. Au contraire, à chaque phase de la série des modifications, tous les individus les mieux adaptés de quelque façon que ce soit à supporter les conditioss d'exsstence qui les entourent, quoiquà des degrés différents, doivent avoir survécu en nombee plus grand que ceux qui l'étaient moins. La marche aura été analogee à celle que nous suivon,, lorsqu,, parmi nos animaux domestiques, nous ne chossissons pas avec intention des individus particuliers pour les faire se reproduire, mais que nous n'affectons cependant à cet emploi que les individus supérieurs, en laissant de côté les individus inférieurs. Nous modifions ainsi lentement mais sûrement la souche de nos animau,, et nous en formons une nouvelle d'une manière inconscennte. Auss,, aucun couple quelconqee n'auaa été plus atteint que les autres couples habitant le même pays par les modfiications effectuées en dehors de toute sélection, et dues à la natuee de l'organisme et à l'inlluenee qu'exercent sur lui les condtions extérieures et les changements dans les habitudes, parce que tous les couples se trouvent continuellement mélangés par le fait du libre entre-croisement.

Si nous considérons la conformation embryologique de l'homm,, - les analogies qu'il présenee avec les animaux inférieurs, -les rudiments qu'il conserv,, - et les réversions auxquelles il est suje,, nous serons à même de reconstruire en parti,, par l'imagi natton, l'état primitif de nos ancêtres, et de leur assignrr approxi mativement la place qu'ils doivent occuper dans la série zoologique Nous apprenons ainsi que l'homme descend d'un mammifère velu, pourvu d'une queue et d'oreilles pointues, qui probablement vivait sur les arbres, et habitait l'ancien monde. Un naturaltete qui auratt examiné la conformation de cet être l'aurait classé parmi les Quadrumanes, aussi sûrement que l'ancêtre commun et encore plus ancien des singes de l'ancien et du nouveau monde. Les Quadru-

oxi-ue.

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manes et tous les mammifères supérieurs descendent probablement d'un Marsupial ancien, descendant lui-mêm,, au travess d'une lpngue ligne de formes diverse,, de quelque être parell à un reptlle ou à un-amphibie, qui descendait à son tour d'un animal semblabee à un poisson. Dans l'obscurité du passé, nous entrevoyons que l'ancêtre de tous les vertébrés a dû être un animal aquatique, pourvu de branchies, ayant les deux sexes réunss sur le même individu, et les organes les plus essentiels du corps (tels que le cerveau et le cœur) imparfaitement ou même non développés. Cet animal paratt avoir ressemblé, plus qu'à toute autre forme connue, aux larves de nos Ascidies marines actuelles.

Il y a sans doute une difficulté à vaincee avant d'adopter pleinement la conclusion à laquelee nous sommes ainsi conduits sur l'origine de l'homm,, c'est la hauteur du niveau intellectuel et moral auquel s'est élevé l'homm.. Mais quiconque admet le principe général de t'évolution doit reconnaître que, chez les animaux supérieurs, les facultés mentales sont, à un degré très inférieu,, de même natuee que celtes de l'espèce humaine et susceptibles de développement. L'intervalle qui sépare les facultés intellectuelles de l'un des singes supérieurs de celles, du poisson, ou les facultés . intellectueless d'une fourmi de celles d'un insecte parasite, est immense. Le développement de ces facultés chez les animaux n'offre pas de difficutté spécial;; car, chez nos animaux domestiques, elles sontcertainemant variables, et ces variations sont héréditaires. Il est incontestable que la haute importance de ces facultés pour les animaux à l'état de natuee constitee une condition favorable pour que la séleciion naturelle puisse les perfectionner. La même conclusion peut s'appliquer à l'homm;; l'intelligence a dû avoir pour lui, même à une époque fort recueée, une très grande importance, en lui permettant de se servrr d'un langag,, d'inventer.et de fabriquer des arme,, des outils, des pièges, etc. Ces moyen,, venant s'ajouter à ses habitudes sociables, l'ont mis à même, il y a bien longtemps, de s'assurer la domination sur tous les autres animaux.

Le développement intellectuel a dû faire un pas immenee en avant quand, après un progrès antérieur déjà considérable, le langage, moit,é ar,, moiiié instinc,, a commenéé à se former; car l'usage continu du langage agissant sur le cerveau avec des effets héréditaires, ces effets ont dû à leur tour pousser au perfectionnement du langag.. La grosseur du cerveau de l'homm,, relativement aux dimensions de son corps et compaéé à celui des animaux inférieurs, provient surtout, sans doute, comme le fait remarquer avec

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justesse M. Chauncey Wrigh,', de l'emploi précoee de quelque simple forme de langage, - cette machnee merveilleuse qui attache des noms à tous les objets, à toutes les qualités, et qui suscite des pensées que ne sauratt produire la simple impression des sens, pensées qu,, d'alleeurs, ne pourraient se développrr sans le langage, en admettant que les sens les aient provoquées. Les aptitudes intellectuelles les plus élevées de l'homm,, comme le raisonnemen,, l'abstraction, la conscienee de soi, etc,, sont la conséquence de l'amélioration continue des autres facultés mentaees.

Le développement des qualités morales est un problème plus intéressant et plus difficile. Leur base se trouve dans les instincts sociaux, expression qui comprend les liens de la famille. Ces instincss ont une natuee fort complex,, et, chez les animaxx inférieurs, ils détermnnent des tendances spéciales vers certanss actes définis; mais les plus importants de ces instincts sont pour nous l'amour et le sentiment spécial de la sympathie. Les animaux doués d'instincts sociaux se plaisent dans la société les uns des autres, s'avertissent du danger, et se défendent ou s'entr'aident d'une foule de manières. Ces instincts ne s'étendent pas à tous les individss de l'espèce, mais seulement à ceux de la même tribu. Comms ils sont fort avantageux à l'espèce, il est probabee qu'ils ont été acquss par sélection naturelle.

Un être moral est celui qui peut se rappeler ses actions passées et apprécier leurs motifs, qui peut approuver les unes et désapprouvrr les autre.. Le fait que l'homme est l'être unique auquel on puisse avec certitude reconnartre cette faculté, constitue la plus grande de toutes les distinctions qu'on puisse faire entre lui et les animau.. J'ai cherché à prouvrr dans le quatrième chapitre que le sens moral résulte premièrement de la nature des instincts sociaux toujouss présenss et persistants; secondement de l'influenee qu'ont surlui l'approbationet le blâme de ses semblables; troisièmement de l'immense développement de ses facultés mentales et de la vivacité avec laquelle les événemenss passés viennent se retracer à lui, et par ces derniess points il diffère complètement des autres animau.. Cette disposition d'esprit entraîne l'homme à regarder malgéé lui en arrière et en avant, et à comparer les impressions des événements et des actes passé.. Aussi, lorsqu'un désir, lorsqu'une passion temporaire l'emporte sur ses instincts sociaux, il réfléchit, il compaee les impressions maintenant affaiblies de ces impulsions passées avec l'instinct social toujouss présent, et il éprouve alors

1. LimiU ofNatural Sélection, dans Norlh American Revient. 1870, p.295.

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[Chap.XXI]               CONCLUSION PRINCIPALE                           669

ce sentiment de mécontentement que laissen-- après eux tous les instincts auxquels on n'a pas obéi. Il prend en conséqunnce la résolution d'agir différemment à l'avenir, - c'est là ce qui constitue la conscienc.. Tout instinct qui est constamment le plus fort ou le plus persistant éveille un sentiment que nous exprimons en disant qu'il faut lui obéir. Un chien d'arrêt, s'il était capable de réfléchrr sur sa conduite passée, pourrait se dire : J'aurais dû (c'est ce que nous disons de lui) tomber en arrêt devant ce lièvre, au lieu de céder à la tentation momentanée de lui donner la chasse.

Le désir d'aidrr les membres de leur communauté d'une manière générae,, mais, plus ordinairement, le désir de réaliser certains actes définis entraîne les animaux sociables. L'homme obéit à ce même désir général d'aider ses semblables, mais il n'a que peu ou point d'instincts spéciau.. Il diffère aussi des animaux inférieuss en ce qu'il peut exprimer ses désirs par des paroles qui deviennent l'intermédiaire entre l'aide requise et accordée. Le motif qui le porte à secourir ses semblables se trouve aussi fort modifié chez l'homm;; ce n'est plus seulement une impulsion instinctive aveugle/c'est une impussion que vient fortemett influencrr la louange ou le blâme de ses semblables. L'appréciation de la louange et du blâme, ainsi que leur dispensation, repose sur la sympathie, sentiment qui, ainsi que nous l'avons vu, est un des éléments les plus importants des instincts sociaux. La sympathie, bien qu'acquise comme instinct, se fortifie aussi beaucoup par l'exercice et par l'habitude. Comme tous les hommes désirent leur propee bonheu,, ils accordent louange ou blâme aux actions et à leurs motifs, suivant que ces actions mènent à ce résultat; et, comme le bonheur est une partie essentielle du bien généra,, le principe du plus grand bonheur sert indirectement de type assez exact du bien et du mal. A mesure que la faculté du raisonnement se développe et que l'expérience s'acquiert, on discerne quels sont les effets les plus éloignés de certaines lignes de conduite sur le caractère de l'individu, et sur le bien généra;; et alors les vertus personnelles entrent dans le domaine de l'opinion publiqu,, qui les loue, alors qu'elle blâme les vices contraires. Cependane, chez les nations moins civilisées, la raison est souvent sujetne à errer et à faire entrer dans le même domaine des coutumss mauvaises et des superstitions absurdes dont l'accomplissement est regardé par conséquent comme une hauee vertu et dont l'infraction constitue un crime.

On pense généraeement, et avec raison, que les facultés morales ont plus de valeur que les facultés intellectuelles. Mais ne perdons pas de vue que l'activité de l'esprtt à rappeler nettement des im-

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pressions passée,, est une des bases fondamentales, bien que secondaire, de la conscience. Ce fait cons.ilue l'argument le plus puissant qu'on puisse invoquer pour démontrer la nécessité de développrr et de stimuler, de toutes les manières possibles, les facultés intellectuelles de chaque être human.. Sans doute, un homme à l'esprit engourdi peut avoir une conscience sensiblett accomplir de bonnes action,, si ses affections et ses sympathies sociales sont bien développée.. Mais tout ce qui pouraa rendee l'imagnnation de l'homme plus active, tout ce qui pouraa contribuerà fortifier chez lui l'habtude de se rappeler les impressions passées et de les comparer les unes aux autres tendaa à donner plus de sensibilité a sa conscienee et à compenser, jusquàà un certain point, des affections et des sympathies sociales assez faibles.

La natuee moraee de l'homme a attentt le niveau le plus élevé auquel elle soit encore arrivé,, non seulement par les progrès de la raison et, par conséquent, d'une jusee opinion publiqu,, mais encore et surtout par ia natuee plus sensible des sympathies et leur plus grande diffusion par l'habitude, par l'exemple, par l'instruction et par la réflexion. Il n'est pas improbable que les tendances ver-, tueuses puissent par une longue pratique devenrr héréditaires. Chez les races les plus civilisée,, la convictinn de l'existence d'une divinité omnisciente a exercé une puissante influence sur le progrès de la morale. L'homme finit par ne plus se laisser guider uniquement par la louange ou par le blâme de ses semblables, bien que peu échappent à cette influence; mais il trouve sa règle de conduite la plus sûre dans ses convictions habituelles, contrôéées par la raison. Sa conscienee devient alors son juge et son conseiller suprêm.. Néanmonss les bases ou l'origine du sens moral reposent dans les instincts sociaux, y compris la sympath,e, instincss quela sélection naturelle a sans doute primitivement développss chez l'homm,, comme chez les animaux inférieurs.

On a souvent affirmé que la croyance en Dieu est non seulement la plus grande, mais la plus complète de toutes les distinctions à établir entre l'homme et les animau.. Il est toutefois impossbble de soutenir, nous l'avons vu, que cette croyanee soit innée ou instinctive chez l'homm.. D'autre part la croyance à des agenss spirituels pénétrant partout paraît être universelle, et provien,, selon toute apparence, des progrès importants faits par les facutés du raisonnement, surtout de ceux de l'imagination, de la curiosité et del'étonnement. Je n'ignore pas que beaucoup de personnes ont invoqu,, comme argument en faveur de l'existence de

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Dieu, la croyanee en Dieu, supposée instinctive. Mais c'est là un argument téméraire, car il .nous obligerait à croire à l'existenee d'une foule d'esprils cruels et malfaisants, un peu plus puissanss quel'homm,, puisque cette croyanee est encore bien plus généralement répandee que celle d'une divinité bienfaisante. L'idée d'un Créateur universel et bienveillant de l'univess ne paratt surgrr dans l'esprtt de l'homme que lorsqulil s'est élevé à un haut degré par une culture de tongue'durée.

Celui qui admet que l'homme tire son origine de quelque forme d'organisation inférieuee se demandera naturellement quelle sera la portée de ce fait sur la croyanee à l'immortalité de't'âme. Ainsi que le démontre Sir J. Lubbock, les races barbares de l'humanité n'ont aucune croyanee définie de ce genre, mais, comme nous venons de le voir, les arguments tirés des croyances primitives des sauvages n'ont que peu ou point de valeu.. Peu de personnes s'inquiètent de l'impossibilité où l'on se trouve de détermnner à quel instant précss du développement, depuis le premier vestige qui paratt sur la vésicule germinative, jusqu'à l'enfant avant ou après la naissance, l'homme devient immortel. Il n'y a pas de raison pour s'inquiéter davantage de ce qu'on ne puisse pas détermner cette même période dans l'échelle organique pendatt sa marche graduellement ascendante'.

Je n'ignoee pas que beaucoup de gens repousseront comme hautement irréligieuses les conclusions auxquelles nous en arrivons dans cet ouvrag;; mais ceux qui soutiendront cette thèse sont tenus de démontrer en quoi il est plus irréligieux d'expliquer l'orgine de l'homme comme espèce distincte, descendatt d'une forme inférieure, en vertu des lois de la variation et de la séleciion naturelle, que d'expliquer par les lois de la reproduction ordinaire la formation et la naissanee de l'individu. La naissanee de l'espèce; comme celle de l'individu, constttue, à titre égal, des parties de cette vaste suite de phénomènes que notre esprtt se refuse à consdérer comme le résultat d'un aveugee hasard. La raison se révotte contre une pareille conclusion : que nous puissions croire ou non que chaque légère variation de conformation, - que l'appariage de chaque couple, - que la dispersion de chaque graine, - et que les autres phénomènes analoguss aient tous été décrétés dans quelque but spécial.

La sélection sexuelee a pris une place considérable dans cet ou-

2. Le llév. J. A. Piéton discute ce sujet dans son livre intitulé New Théories

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6~2         .             LA DESCENDANCE DE L'HOMME          [Ile Partœ]

vrage, parce que, ainsi que j'ai cherché à le démontrer, elle a joué un rôle important dans l'histoire du monde organique. Je n'ignore pas combien il reste encore de points douteux, mais j'ai essayé de donner une vue loyale de l'ensemble. La sélection sexuelie paratt n'avorr exercé aucun effet sur les divisions inférieures du règne animal; en effet, les êtres qui composent ces divisions restent souvent fixés pour la vie à la même place: ou les deux sexes se trouvent réunss chez le même individu, ou, ce qui est plus important, leurs facultés perceptives et intellectuelles ne sont pas assez développées pour leur permettre soit des sentimnnts d'amour et de jalousie, soit l'exercice d'un choix. Mais lorsque nous en arrivons aux Arthropodes et aux Vertébrés, même dans les classes les plus inférieurss de ces deux grands sous-règnes, nous voyons que la sélection sexuelle a produtt de grands effets.

Dans les diverses grandss classes du règne animal, Mammifères, Oiseaux, Reptiles, Poisson,, Insectes, et même Crustacés, les différences entre les sexes suivent presque exactement les mêmes règles. Les mâles recherchent presque toujouss les femelles, et seuls sont pourvus d'armss spéciaess pour combattre leurs rivaux. Ils sont généralement plus grands et plus forts que les femelles, et doués des qualités courageuses et belliqueuses nécessaires. Ils sont pourvu,, soit exclusivement, soit à un plus haut degré que les femelles, d'organes propres à produire ùne musique vocale ou instrumentale, ainsi que de glandss odorantes. Ils sont ornés d'appendices infiniment diversifiés et de colorations vives et apparentes, disposées souvent avec une grande élégance, tandss que les femelles restent sans ornementation. Lorsque les sexes diffèrent de structure, c'est le mâle qui possède des organes de sens spéciaux pour découvrir la femelle, des organss de locomotion pour la'joindre, et souvent des organes de préhension pour la retenir. Ces diverses conformations, destinées à charmrr les femelles et à s'en assurer la possession, ne se développent souvent chez le mâle que pendant une période de l'année, la saison des amours. Dans bien des cas, ces conformations ont été transmises à un degré plus ou moins prononéé aux femelles, chez lesqueless pourtant elles ne représentent alors que desimples rudiments. La castration les fait disparaître chez les mâles. En général, elle ne sont pas développées chez les jeunes mâles, et n'apparaissent que peu de temps avant l'âge où ils sont en état de se reproduire. Aussi, dans la plupatt des cas, les jeunes des deux sexes se ressemblent-ils, et la femelle ressemble-t-elle toute sa vie à sa progéniture. On rencontre, dans presque toutes les grandss classes, quelquss cas anor-

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maux dans lesquess oh remarque une transposition presque complète des caractères particuliers aux deux sexes, les femelles revêtant alors des caractères qui appartienntnt proprement aux mâle.. On comprend cette uniformité étonnante des lois qui règlent

les différences entre les sexes, dans tant de classes fort éloignéss les unes des autre,, si l'on adme,, dans toutes les divisions supérieures du règne anima,, l'action d'une cause commune : la sélection sexuelle. La sélection sexuelee dépend du succès qu'ont, en ce qui est

' relatif à la propagation de l'espèce, certains individss sur d'autres individss du même sexe, tandss que la sélection naturelle dépend du succès des deux sexes, à tout âge, relativement aux condiiions générales de la vie. La lutte sexuel,e est de deux sortes : elle a lieu entre individus du même sexe, ordinairement le sexe masculin, dans le but de chasser ou de tuer leurs rivaux, les femelles demeurant passives; ou bien la lutte a également lieu entre indi-dus de même sexe, pour séduire et attirer les femelles, généralement les femelles ne restent point passives et choisissent les mâles qui ont pour elles le plus d'attrait. Cette dernière sorte de sélection est anarogee à celle que l'homme exerce sur ses animaux domestiques, d'une manière réelle quoique inconsciente, alors qu'll choistt pendant longtemps les individus qui lui plaisent le plus ou qui ont le plus d'utilité pour lui, sans aucune inteniion de modifier

Les lois de l'hérédité déterminent quels sont les caractères acquss par sélection sexuelee dans chaque sexe, qui seront transmis au même sexe ou aux deux sexes, ainsi que l'âge auqull ils doivent se développer. Il semble que les variations qui se produisent tardvement pendant la vie de l'animal sont ordinairement transmises à. un seul et même sexe. La variabilité est la base indispensable de l'action de la sélection, et en est entièrement indépendante. Il en résutte que des variations d'une même nature générale ont été accumulées par la sélection sexuelle dans le but de servir à la propagation de l'espèc,, et accumulées aussi par la séleciion naturelle par rappott aux condiiions de l'existence. Il n'y a donc que l'analogie qui nous permette de distinguer les caractères secondaires sexuels des caractères spécifiques ordinaires, lorsqu'ils ont été également transmis aux deux sexes. Les modifications résultant de l'actinn de la sélection sexuelee sont quelquefois si prononcées, qu'on a fort souvent classé les deux sexes dans des espèces et même dans des genres distincts. Ces différences doivent certainement avoir une haute importance, et nous savons que, dans

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674                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME (          [lie Pabtib]

certains cas, elles n'ont pu être acquises qu'au prix non seulement d'inconvénients, mais de dangess réels.

La croyance à la puissanee de la séleciion sexuelee repose surtout sur les considérations suivantes. Les caractères que nous pouvons supposer avec le plus de raison produits par elle sont limités à un seul sexe; ce qui suffit pour rendee probable quiils ont quelquss rapports avec l'acte reproducteur. Ces caractères, dans une foule de cas, ne se développent complètement qu'à l'état, adulte, souvent pendant une saison seulement, laquelee est toujouss la saison des amours. Les mâles (sauf quelquss exceptions) sont les plus empressés auprès des femelles, ils sont mieux armés, et plus séduisanss sous divers rapports. Il faut observrr que les mâles déploient leurs attraits avec le plus grand soin en présenee des femelles, et quiils ne le font que rarement ou jamais en dehors de la saison des amours. On ne peut supposer que tout cet éta)age se fasse sans but. Enfin, nous trouvoss chez quelquss quadrupèdes et chez différenss oiseaux les preuves certaines que les individss d'un sexe peuvent éprouver une forte antipathie ou une forte préférence" pour certains individss de l'autre sexe.

D'après ces faits, et en n'oubliant pas les résutaats marqués que donne la sélection inconsceente exercée par l'homm,, il me paratt presque certain que si les individss d'un sexe préféraient, pendant une longue série de générations, s'accoupler avec certains individus de l'autre sexe, doués d'un caractère particulr,r, leurs descendants se modffieraient lentement, mais sûremnnt, de la même manière. Je n'ai pas cherché à dissimuler que, excepéé les cas où les mâles sont plus nombreux que les femelles, et ceux où prévaut la polygamie, nous ne pouvons affirmer comment les mâles les plus séduiaants réusssssent à laisser plus de descendants pour hériter de leurs avantages d'ornementation ou autres moyens de séduction que les mâles moins bien doués sous ce rapport; mass j'ai démontré que cela devatt probablement résulter de ce que les femelles, -surtout les plus vigoureuses comme étant les premèères prêtes à reproduire,-préfèrent non seulemntt les mâles les plus attrayants, mais en même temps les vainqueurs les plus vigoureux.

Bien que nous ayons la preuve positive que les oiseaux apprécient les objets beaux et brillants, comme les oiseaux d'Australie qui construisent des berceau,, etqu'ils apprécient le chan,, j'admets cependant qu'll est étonnant que les femelles de beaucoup d'oiseaux et de quelquss mammifères soient douées d'assez de goût pour produire ce que la séleciion sexuelee paratt avoir effectué. Le fait est encore plus surprenant quand il s'agtî de reptiles, de pois-

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[Chap.XXII               CONCLUSION PRINCIPALE                           678

sons et d'insectes. Mais nous ne savons que fort peu de chose sur l'intelligence des animaux inférieurs. On ne peut supposer, par exemple, que les oiseaux de paradss ou les paons mâles se donnent, sans aucun but, tant de peine pour redresser, étaler et agiter leurs belles plumes en présenee des femelles. Nous devons nous rappeler le fait cité dans un précédent chapitre, d'après une excellente autorité, de plusieuss paonnss qui, séparéss d'un mâle préféré par elles, restèrent veuves pendat, toute une saison, plutôt que de s'accoupler avec un autre mâle.

Je ne connais cependant en histoire naturelle aucun fait plus étonnant que celui de l'aptitude qu'a la femelle du faisan Argus d'apprécier les teintes délicates des ornemnnts en ocelles et les dessins éléganss des rémiges des mâles. Quiconque admet que les Argus ont été créés tels quiils sont aujourd'hui doit admettre aussi que les grandss plumes qui empêchent leur vol, et qui sont, en même temps que les rémiges primaires, étalées par le mâle, d'une façon tout à fait particulrere à cette espèce et seulement lorsqu'il fait sa cour, lui ont été données à titre d'ornement. Il doit admettre également que la femelle a été créée avec l'aptitude d'apprécier ce genre de décoration. Je ne diffère que par la convictinn que le faisan Argus mâle a graduellement acquis sa beauté, parce que, pendant de nombreuses générations, les femelles ont préfééé les individus les plus ornés : la capacité esthétique des femelles a donc progressé par l'exercice ou par l'habitude, de même que notre goût s'améliore peu à peu. Grâce au fait heureux que quelques plumes du mâle n'ont pas été modffiée,, nous pouvons voir distinctement comment de simples taches peu ombrées d'une nuance fauve d'un côté peuvent s'être développées par degré,, de façon à devenrr de merveilleux ornemenss ocellaires figurant une sphèee dans une cavité. Tout porte à croire qu'elles se sont réellemenr développées de cette manière.

Quiconque admet le principe de l'évolution, et éprouve cependant quelque difficulté à croire que les femelles des mammifères, des oiseaux, des reptilss et des poissons aient pu atteindee au niveau de goût que suppoee la beauéé des mâles, goût qui en général s'accorde avec le nôtre, doit se rappeeer que, dans chaque membre de la série des vertébrés, les cellules nerveuses du cerveau sont des rejetons direcss de celles que possédatt l'ancêtre commun du groupe entier : le cerveau et les facultés mentales peuvent parcourrr un cours de développement analogee dans des conditions semblables, et remplir, par conséquent, à peu près les mêmes fonc-

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076                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [I[e Partie]

Le lecteur qui aura pris la peine d'étudier les divers chapitres consacrés à la sélection sexuelle pouraa juger de la suffisance des preuves que j'ai apportées à l'appui des conclusions déduites. S'il accepte ces conclusions, il peut sans crainte, je le crois, les appliquer à l'espèce humanne. Mais il seratt inutlle de répéter ici ce que j'ai déjà dit sur la façon dont la sélection sexuelee a agi sur les deux sexes, pour provoquer les différencss corporelles et intellectuelles qui existent entre l'homme et la femme, pour provoquer aussi les caractères différenss qui distinguent les diverses races et l'organisation qui les écaree de leurs ancêtres anciens et inférieurs.

L'admission du principe de la sélection sexuelee condutt à la conclusion remarquable que le système nerveux règle non-seulement la plupatt des fonciions actuelles du corps, mais a indirectement influencé le développement progressif de diverses conformations corporelles et de certaines qualités mentales. Le courag,, le caractère belliqueux, la persévérance, la force et la grandeur du corps, les armes de tous genre,, les organes musicaux, vocaux et instrumentau,, les couleurs vives, les raies, les marquss et les appendices décoratifs ont tous été acquis indirectemene par l'un ou l'autre sexe, sous l'influence de l'amorr ou de la jalousie, par l'appréciation du beau dans le son, dans la couleur ou dans la forme, et par l'exerccee d'un choix, facultés de l'esprit qui dépendent évidemment du développement du système nerveux.

L'homme étudie avec la plus scrupuleuse attention le caractère et la généalogie de ses chevaux, de son bétall et de ses chiens avant de les accoupler ; précaution qu'il ne prend que rarement ou jamass peut-être, quand il s'agtt de son propee mariage. Il est pouséé au mariage à peu près par les mêmes motifs que ceux qui agissent chez les animaxx inférieuss lorsqu'ils ontle choix libre, et pouN tant il leur est très supérieur par sa hauee appréciation des charmes de l'esprtt et dé la vertu. D'autre par,, ll est fortement sollictté par la fortune ou par le rang, La sélection lui permettrait cependant de faire quelque chose de favorabee non seulement pour la constitution physique de ses enfants, mais pour leurs qualités intellectuelles et morales. Les deux sexes devraentt s'interdire le mariaee lorsquills se trouvent dans un état trop marqéé d'infériorité de corps ou d'esprit; mais, exprimer de pareilles espérances, c'est exprimer une utopie, car ces espérances ne se réaliseront même pas en partie, tant que les lois de l'hérédité ne seront pas complètement connues. Tous ceux qui peuvent contribuerà amener cet état de choses rendent service à l'humanité. Lorsqu'on aura mieux comprss les

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[Chap. XXI]               CONCLUSION PRINCIPALE                           677

princppes de la reproduction et de l'hérédité, nous n'entendrons plus des législateurs ignorants repousser avec dédain un plan destiné à vérifier, par une méthoee facile, si les maraages consanguins sont oui ou non nuisibles à l'homme.         . '

L'amélioration du bien-être de l'humanité est un problème des plus complexes. Tous ceux qui ne peuvent éviter une abjecte pauvreté pour leurs enfanss devraeent éviter de se marier, car la pauvrété est non seulement un grand mal, mais elle tend a s'accroître en entraînant à l'insouciance dans ië mariag.. D.'autrepart, comme l'a fait remarquer M. Galton, si les genspprudents évitent le mariage, pendant que les insouciants se marient,: les individus inférieuss de la société tendent à suppaanter les individus supérieurs.. Comme tous les aurres animaux, l'homme est certainement arrivé à son haut degré de développement actuel" par la lutte, pour l'existence qui est la conséquence de sa multiplication rapide; et, pour arriver plus haut encor,, il faut qu'il continue à être soumss à une lutte rigoureuse. Autrement il tomberait dans un état d'indolence, où les mieux doués ne réussrraient pas mieux dans le combat dela vie que les moins bien doués. Il ne faut donc employer aucun moyen pour diminurr de beaucoup la proportion naturelle dans laquelle s'augmente l'espèee humaine, bien que cette augmentation entraîne de nombreuses souffrances. Il devratt y avorr concurrence ouveree pour tous les hommes, et on devratt faire disparaître toutes les lois et toutes les coutumss qui empêchent les plus capables de réussrr et d'élevrr le plus grand nombee d'enfants. Si importante que la lutte pour l'existence ait été et soit encore, d'autres influences plus importantes sont intervenues en ce qui concerne la partie la plus élevée de la natuee humanne. Les qualités morales progressent en effet directement ou indirectement, bien plus par les effets de l'habitude, par "le raisonnement, par l'instruction, par la religion, etc,, que par l'aciion de la sélection naturelle, bien qu'on puisse avec certituee attribuer à l'action de cette dernière les instincts sociaux, qui sont la base du développement du sens mora..

Je regrette de penser que la conclusion principale à laquelle nous a condutt cet ouvrag,, à savorr que l'homme descend de quelque forme d'une organisation inférieure, sera fort désagréable à beaucoup de personnes: Il n'y a cependant pas lieu de douter que nous descendoss de barbares. Je n'oublierai jamass l'étonnement que j'ai ressenii en voyant pour la première fois une troupe de Fuégeens sur une rive sauvage et aride, car aussitôt la pensée me traversa l'esprit que tels étaient nos ancêtres. Ces hommss absolu-

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678                     LA DESCENDANCE DE L'HOMME           [Ile Partie]

ment nus, barbouillés de peinture., avec des cheveux longs et emmêlés, la bouche écumante, avaient une expression sauvag,, effrayée et méfiante. Ils ne possédaient presque aucun art, et vivaient comme des bêtes sauvagss de ce qu'ils pouvaient attraper; privés de toute organisation sociale, ils étaient sans merci pour tout ce qui ne faisatt pas partie de leur petite tribu. Quiconque a vu un sauvaee dans son pays natal n'éprouvera aucune honee à reconnaître que le sang de quelque être inférieur coule dans ses veines. J'aimerais autant pour ma part descendee du petit singe héroïque qui brava un terrible ennemi pour sauver son gardien, ou de ce vieux babouin qui emporaa, triomphalement son jeune camarade après l'avorr arraché à une meute de chiens étonné,, - que d'un sauvaee qui se platt à torturer ses ennemis, offre des sacrifices sanglants, pratique l'infancicide sans remord,, traite ses femmes comme des esclave,, ignore toute décence, et reste le jouet des superstitions les plus grossières.

On peut excuser l'homme d'éprouver quelque fierté de ce qu'il s'est élèvé, quoique ce ne soit pas par ses propres efforts, au sommet véritable de l'échelee organique; et le fait qu'il s'y est ainsi élevé, au lieu d'y avoir été placé primitivement, peut lui faire espérer une destinée encore plus hauee dans un avenrr éloigné. Mais nous n'avons à nous occuper ici ni d'espérances, ni de craintes, mais seulement de la vérité, dans les limites où notre raison nous permet de la découvrir. J'ai accumuéé les preuves aussi bien que j'ai pu. Or il me semble que nous devons reconnaître que l'homm,, malgr. toutes ses nobles qualités, la sympathie quill éprouve poulles plus grossiers de ses semblables, la bienveillance qu'ie étend aux derniers des êtres vivants; malgéé l'intelligence divine qui lui a permss de pénétrer les mouvements et la constitution du système solaire, -malgré toutesces facultés d'un ordre !i éminent,-sous devons reconnaître, dis-j&, que l'homme conserve encore dans son organisation corporelle le cachet indélébile de son origine infé-

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NOTE SUPPLÉMENTAIR

E

SUR LA SÉLECTION SEXULLEE DANS SES RAPPORTS AVEC LES SINGSS

(Pubiiée dans Nature, Londres, le 2 novembre 1876, page 18.)

Aucun point ne m'a plus intéressé et je puis ajouter ne m'a plus embarassé dans la discussion de la sélectinn sexuelle, quand j'écrivais laDescendante de l'homme, que les couleuss brlllantes qui décorent les extrémités postérieures et les parties adjacentes du corps de certains singe.. Ces parties sont plus brillamment coloréss chez un sexe que chez l'autre, et deviennent plus brillantes encore pendant la saison des amours ; je me crus donc autorisé à conclure que les singss avaient acquis ces couleuss comme moyen d'attraction sexuelle. Je comprenais parfaitemtnt qu'en adoptant cette conclusion je m'exposais à un certann ridicule, bien qu'en fait il n'y ait rien de plus surprenant à ce qu'un singe fasse étalaee de son derrière rouge brlllant qu'un paon de sa queue magnifique. Toutefois, a cette époque, je n'avais pas la preuve direcee que les singes fissent étalage de cette partie de leur corps pendant qu'ils courtisentlafemelle; or, quand il s'agit des oiseaux, cet étaaage constitue la meilleure preuve que les ornements des mâles leur rendent serviee pour attirer ou pour exciter la femele.. J'ai lu dernièrement un article de Joh. von Fischer, de Gotha, pubiié dans DerZoologische Garten, Avril 1876, sur l'attitude des singes au cours de diverses émotions; cet article mérite l'attention de quiconque s'intéreese à ce suje,,et prouve que l'auteur est un observateur habile et consciencieux. Von Fischrr décrtt l'attitude d'un jeune mandrill mâle placé pour la première fois devant un miroir, et il ajoute qu'au bout de quelquss minutes il se retourna et présenta au mirorr son derrière rouge. En conséquence, j'écrisis à M. Fischer pour lui demander ce qu'il pensait de cet acte étrange, et il a bien voulu me répondre deux longuss lettres pleines de détails nouveaux et très curieux. Il me dit que cet acte l'étonna tout d'abord, et qu'en conséquence il observa avec soin l'attitude de plusieuss individus appartenant à d'autres espèces de singes qu'il élève chez lui. Non-seulement le mandrill [Cynocephalus mormons, malsledrill (C. leucophœus), et trois autres espèces de babouins (Ç. hamadryas, sphinco II babouin), le Cynopithecus nige,, le Macacus rhésus et le Menestrinus tournent vers lui, quand ils sont de bonne humeur, cette partie de leur corps qui, chez toutes ces espèce,, affecte des couleuss plus ou moins brlllantes, et la tournent aussi vers d'autres Personnes quand ils veulent leur faire un bon accueil. Il s'est efforôé,

r

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LA DESCENDANCE DE L'HOMME

680

et il a consacré cinq ans à cet apprivoisement avant d'y parven,r, de faire perdee à un Macacus rhesus cette habitude indécen.e Ces singes, présentés à un nouveau singe, mais souvent aussi à un de leurs vieux compagnons, agissent tout particulièrement de celte façon, et, après cette exhibition, se mettent à jouer ensemble. Le jeune mandrill cessa spontanément au bout de quelqur temps de présenter le derrière à son maître. Mais il continua de le présenter aux étrangers et aux singes qu.l ne connasssait pas. Un jeune Cynopithecus niger ne se présenta qu'une fois ainsi à son maître, mass fréquemment aux étrangers. M.Fischer concutt de ces faits que les singes qui se sont conduits de cette façon devant un miroir, c'est-à-dire le mandrill, )e dril,, le Cynopithecus niger, le Macacus rhésus et le Macacus menestrinus, ont pensé que leur image dans le miroir étatt un nouveau singe. Le mandrill elee dril,, dont le derrièreest particulièrement ornementé, l'exhbbent dès la plus tendee jeunesse, plus fréquemment et avec plus d'ostentation que tes autres espèces; puis vient le Cynocephalus hamadryas, et ensuite les autres espèce.. Toutefois les individus appartenant à une même espèce varient sous ce rapport, et les singes très timides ne font jamais étalage de cette partie de leur corps. Il faut noter avec soin que von Fischrr a consaaté que les espèces dont le derrière n'est pas coloré n'attirent jamais l'attention sur cette partie de leur corp;; cette remarque s'applique au Macacus cynomolgus et au Cercocebus radiatus (très prochss voisins du M. rhésus), à trois espèces de Cercopithèques et à plusieurs singes américains. L'habitude d'accueillir un vieil ami ou une nouvelle connaissance en lui présentant son derrèère nous sembee sans doute fort étrange; toutefois, elle n'est certainemtnt pas plus extraordineire que quelques habitudes analogues des sauvages, qui, dans la môme occasoon, se frottent réciproquement le ventre avec la main ou se frottent le nez l'un contee l'autre. L'habitude chez le mandrill et chez le drill paraît instinctive ou héréditaire, car on l'observe chez de très jeunss animaux; mais, comme tant d'autres instincts, elle a été modifiée par l'observation, car von Fischrr affirme que ces singes se donnett la plus granee peine pour que l'exhibition ne laisse rien à désirer, et, s'il se trouee deux observateurs en présence, ils s'adressent de préférence à celui qui sembee les examnner avec le plus d'attention.

Quant à J'origine de cetee habitude, 'von Fischer fait remarquer que ces singes aiment à ce qu'on caresee les partiss nues de leur derrière, et quiils font alors entendre des grognements de plassir. Souvenr aussi ils présentent cetee partie de leur corps aux autres singe,, pour que leurs camarades enlèvett toutes les poussières qui pourraient s'y trouver, et les épines qui pourraient s'y être fixées. Mais, chez les singes adulte., l'habitude dont nous parlons semble, dans une certanee mesure, en rapport avec les sentiments sexues;; von Fischer, en effet, a surveillé un Cynopithecus niger femelee et qui, durant plusieurs jours, « umdrchte und dem Mânnchnn mit gurgelnden Tônen die slark gerôthete Sitzflache zeigte, was ich früher nie an diesem Thierbemerkthatte. Beim Anblick dieses Gegenstandes erregee sich das Mannchnn sichtlich, denn es pol-teree hefiig an den Stabe,, ebenfalls gurgelnde Laute ausstossend. » Comme tous les singes qui ont le derrière plus ou moins brillamment coloré habitent, selon von Fischer, des endroits rocheux et découverts, .il crott que ces couleuss servent à rendre un sexe plus voyant que l'autre

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NOTE SUPPLEMENTAIRE                              681

mass les singes étant des animaux très sociables, je n'aurais pas cru qu'il fût nécessaire que les sexes pussent se reconnaître à une grande distanc.. Il me sembee plus probablt que les brillantes couleuss qui se trouvent soi sur la face soit sur le derrière, ou, comme chez le mandrill, sur ces deux partiss du corps, constituent un ornement sexuel et une beauté. Quoi qu'il en soit, comme nous savons aujourd'hui que les singes ont l'habitude de présenter leur derrière à d'autres singe,, il cesse d'être surprenant que cette partie de leur corps ait acquss une décoration plus ou moins brllaante. Le fait que, autatt qu'on le sait du moins jusqu'à présen,, les singes ainsi décorés sont les seuls qui agissent de cetee façon, nous poree à nous demander si cetee habitude a été acquise par quelque cause indépendante, et si les parties en question ont reçu une coloration comme ornement sexue;; ou si la coloration et l'habitude de présenter le derrière ont été acquises d'abord par variation et par sélection sexuelle, et si l'habitude s'est conservée ensuite comme un signe de plaisir et de bon accueil, grâce à l'hérédité. Ce dernier principe se manfeste dans bien des occasion:: ains,, on admtt que le chant desoiseaux constitue principalemtnt une attraction pendatt la saison des amours, et que les lefts ou grandss assemblées du tétras noir ont un rappott intime avec la cour que se font ces oiseaux; mass quelques oiseaux, le rouge-gorge, par exemple, ont conservé l'habitude de chanter quan, ils se sentent heureux, et le tétras noir a conservé l'habitude de se réunrr pendatt d'autres saisons de l'année.

Je demanee la permsssion d'ajouter quelquss mots sur un autre point relatif à la sélection sexuelle. On a objectl que cette forme de sélection, en ce qui concerne au moins les ornements du mâle, implique que toutes les femelees, dans une même région, doivent possédrr et exercrr exactement les mêmss goûs.. Toutefois il faut se rappeler en premier lieu que, bien que l'étendue des variations d'une espèce puisse être considérable, elle n'est certes pas infinie. J'ai cité à cet égard un excelleni exempee relatif au pigeon: on connaît au moins cent variétés de pigeons différant beaucoup au point de vue de la coloration, et au moins une vingtaine de variétés de poules différant de la même façon; mais, chez ces deux espèce,, la gamme des couleuss est extrêmement distincte. En conséquenc,, les femeless des espèces naturelles n'ont pas un choix illimité. En second lieu, je crois qu'aucun partisan du princpee de la sélectinn sexuelee ne suppoee que les femeless choisissent des poinss particuliers de beauté chez les mâles; elles sont simplement excitées ou attirées à un plus haut degré par un mâle que par un autre, et cette séduction sembee souvent dépendre, surtout chez les oiseaux, de la coloration brllaante. L'homme lui-même, sauf peut-être l'artiste, n'analyse pas chez la femme quill admire les légères différences de traits qui constituent sa beauté. Le mandrill mâle a non seulement le derrière, mass la face brillamment colorée et marquée de traits obliques, une barbe jaune et d'autres ornements. Les phénomènes que présnnte la variation des animaux à l'état domestique nous autorisent à pensrr que les divers ornements du mandrill ont été graduellement acquis tantôt par la variation d'un individu dans un sens, tantôt par la variation d'un autre individu dans un autre sens. Les mâles les plus beaux ou les plus attrayants aux yeux des femelles ont dû s'accoupler plus souven,, et laisser, par conséquent, plus de descendants que les autrss mâles. Les descendants de ces plus beaux

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682                        LA DESCENDANCE DE L'HOMME

mâles, bien que croisss de toutes les façons, ont dû hériter des caractères de leur père, et transmettre à leurs propres descendants une forte tendance à varier de la même façon. En conséquence, le corps tout entier des mâles habitant une môme rég.on doit tendee à se modifirr presque unfformément, par suite des effets d'un croseement continu, mais cela très lentement; tous enfin doivent tendee à devenrr plus attrayants pourles femelles. C'est en somme le même procééé que celui auquel j'ai donné le nom de sélection inconsciente par l'homme, et dont j'ai cité plusieurs exemples quill est bon peut-être de rappeler. Les habitants d'un pays aiment un cheval ou un chien léger et rapide; les habitants d'un autre pays recherchent au contraire un cheval lourd et puissant; dans aucun des deux pays on ne procèee au choix d'animaux individuels ayant un corps plus lourd ou plus léger; toutefois, après un laps consdérabee de temp,, il se trouve que les animaux dont nous venons de parler ont été modifiés presque uniformément, ainsi que le désirent les habitants, et qu'on arrive àune sorte d'extrême dans chaque pays: Dans deux régions absouument distinctes habitées par une même espèce dont les individu,, depuis des siècles, n'ont.pu se croisrr et où, en outre, les variations n'auront pas été identiquement les mêmes, la sélectinn sexuelle pourrait faire différer les mâles. L'hypothèse que les femelles placées dans des milieux différents, environnées par d'autres objets, pourraient acquérir des goûss différenss relativement à la forme, aux sons et â la couéeu,, ne me paratt pas tout à fait imaginaire. Quoi qu'il en soit, j'ai cité dans le préseni ouvrage des exemples d'oiseaux très voisins habitant des régions distinctes chez lesquelles les jeunss ne peuvent se distinguer des femelles, tandss que les mâles adultes en diffèrent considérablemen,, et, en toute probabilité, on peut attrbbuer ce résultat à l'action de la séleclinn sexuelle.

FIN.

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INDEX

A

Abbott, C., sur les combats de pho-AbÏucteur., présence d'un muscle, sur le

res de la femelle, 227; différences des sexe,, 321. Abercrombie, docteur, sur l'influence des maladies du cerveuu sur le langaee articulé, 93.

îEE=«.'"'*"'

Acalles, stridulation chez tes, 336. Acanthodactylus capens,,, différences

sexuelles de coloration chez 1', 392. Accentor modularts, 520. Acclimatation, différente chez les diverses

races humaines, 183. Accroissement, son taux, 43; nécessité

1Ct^s^^P£rîe1;^,3H; organes rudimentaires chez la femelle, 316.

Acilius sulcatus, élytres de la femelle, 301.

Acomus présence d'ergote chez la femelle, 4"3.

Acridides, organes de stridulation chez les, 311, i-ucfimentaires chez les femel-

Actinies., brillantes couleurs des, 287. Adoption des jeunes d'autres animaux par

des singss femelles, 73. Aeby, différences entre les crânss humains

et ceux des quadrumanes, 163.

A^CT^r^e'lL2. 72; ses manifesta-

partiee de la sélection naturelle, 112; s'observe vis-à-vis de certaines persones chez les oiseaxx en captivité, 451; mutuelle parmi les oiseaux, 450. Afrique, lieu probable de la naissance de l'homm,, 169: population croisée dans le Sud, 190; conservation du teint des Hol-

^aœd,fii.;coiflurede3indigène3

AGASSiz, L,, sur la conscience chez les chien,, 110; sur la coïncidence entre les races humaines et les provinces zoologiques, 185; nombee d'espèces huma-

nes, 190; sur tes assiduités des mollus-ques terrestres, 290; belles couleuss qu'ont les poissons maies pendatt a saison de la reproduction, 3/4 sur la protubérance frontale des mâles de Geo-phagus et Cichla, 372, 380 ; légères différences sexuelles chez les Américains du Nord, 613 ; tatouage des Indiens de l'Amazon,, 630. AGE, nu poin. de vue de la transmission des caractères chez tes oiseaux, 509; variations qui y correspondent chez eux, 531.

Aigleà à tête blanche, reproduisant pendant

A.^sarorésPT^^ravecd5e32nou-

veaux individus, 447. Aigrettes indiennes, 533 ; plumaee de no-

A^.d^s1b^e^-M1.

lS^^;Sunesdu,536. Alca tarda, jeunes d\ 534.

AL^rMuence probable trss grande sur l'appariage d'osseaux de di-

tenîeeS30                    S0B           "Ce          *

AlÏen,'J--A. sur la taille relative des deux sexe, chez le Callorhinus ursinus, 566 ; sur la crinière de VOtarta jubata, 572; sur l'appariage des phoques, 579.

printanfère de YHerodias bubulcus, 430.

Amabavat^Bengali), caractère belliqueux

AmadfnaAmami, étalage des plumss des

mâles, 440. Amadina castanotis, étalage des plumss

desmâles, 440. AMAZON^ lépidoptère» de l', 276; pois-

A^3s^a^d^iUOn<!Ue Américains, leurvaste extension géographi-

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G84

INDEX

que, 27: différences avec les nègres, 190; aversion qu'ils professent pour tout poil sur le visage, 635, variabilité des ind--

AMÉRiQU^'variation dans tes crânss des indigènes, 24; leur vaste extension, 184; poux des indigènes, 185; leur défaut général de barbe. 613.

Amérique du Nord, lépidoptères de 1', 275-276; les femmss sont chez les Indiens un motif de discordet 6M; notions des In-diens^sur ta beauéé du sexe féminin,

Amérique du Sud, caractère des indigè-

- tics, 190; piles de pierres dans 1', )96; extinction du chevaf fossile, 203; oiseaux du désertl 538; légèrss différences uexuex-

AmmophUa, mâchoiree de 1', 303.

^er^d^t^''^65^-Amphibia, leur affinité aux poissons ga-

noïdes, 180; leurs organes vocaux, 620-6 Amphibiens,5172, 3~2: reproduisent avant

AMUNOPH UI, caractères nègres des traits

'1™ «outa et boscha,, leur plumage mâle,

Anas'histrionica, 532.

Anastomvs oscitam, sexes et jeunes, 534;

leur plumagi nuptial blanc, oll. Anasc jttmus, différence des sexes, 319. Ancêtres primitifs de l'homme, 163. Ane, variations de couleur de l', 600. Anglais, succès des, comme colonisateurs,

AngloJaxons, appréciation de la barbe

AnimAux,'cruauté des sauvages pour les, 126; les domestiques sont%lus fécond, que les sauvages, 44; caractères communs à l'homme et aux, 159-100; changemenss de races dans les domestiques, Bol.

Antmaux domestiques, racss d', 193; chan-

âTtedêsSos"5 ces raoes , ;

Annélides, 292 (Anneléss.

Anobmm iessellalum, sons produits par les,

Anolis cristatellus, crêee du maie, 389; son caractère belliqueux, 3S9; et sa poche

Anser cygnoïdes, 454; bouton a la base du

Anscrhyperborevs, blancheur de 1', 541. antennes, munies de coussins chez le

AntWvm'iïanifaîum, grand mftle de 1', 307. Antlwcharis cardamines, 339,343; différence

de couleur sexuelle dans 1', 355. Anthocharis ~emuia, 313-344. Anthochuris sara, 343-344.

an^oV^Ioo: 429" .

Antigua, observations sur la fièvre jaune

Antilopeniger,&inq-smq,caamaetgnrgon différences sexuelles de couleur: —

,5S7.

Antilope orea,, cornes, 257.

Antilope saiga, mœurs polygames de, 238.

^^^fd^ati; ssr^rs?-

Antipathqe qu'éprouvent les oiseaxx captifs

pour certaines personne,, 451. Anura (Anoures), 384. Apatama muliebris, mâle inconnu, 2~0. Apathus, différences entee les sexe,, 321.

Apro,smicks scapulalus 502.

Aquatiques, oiseaux, fréquence chez eux du plumage blanc, 542.

Aouilachrysaëtos,™.

Arabes, coiffur, particulière et très compliquee chez les femmes, 638; balafres que se font les hommes sur les joues et les tempes, 628.

Arachnides, 299.

Araignées, 299-300; activité supérieure des

^i.^s'œS3^SeXC^S0;PC'

Arboricola, jeune,, 514. Arc, usage de 1', 197.

A^TZE^'Sio„des,34, .

Ardaa cœrulea reproduisant dans son jeuee plumage, 532.

j4543a549rteHs' changement de plumaee>

Ardaa herodias. gestes amoureux du mâle,

maîee533'aigrette Ct dCS penn<!S danS '° A^deanycticorax, cris de, 401.

A^i^^m-;^plumage,506.

420, 441, 507; étalage de

l'homme entre le bien et le ma,, .135; sur la faiblesee physqque de l'homme, 65 ; sur

   sa civilisation primitive, 155-156 ; sur le

   plumage du maie du faisan argu,, 436 ;

[page break]

INDXX

685

sur Vroslicle Benjarnini, 4S4 ; sur les nids

Argy^nt^'agfaia, coloration de la surface

inférieure, 346.         

Arçons ep,tus, différences sexuelles des

AR^T^développement^,

Artère, effet de la ligature sur les branches

1Si!S?1M.^BSE^^ les rochers de P, 291.

Ascidia, affinités avec l'Araphioxus, 174; larves en forme de têtards des, 174.

Ascidiens, 2S9; couleuss vives de queques, 287.

Asinus, espèces asiatiquss et africaines,

Asinùs tœniopus, 000.

Astéries, couleuss brillantes de quelques,

Alelei, effets de l'eau-de-vie sur un, 4;

A^^t^ore'mesdelM, Atelei marginale, couleur do la collerette,

Athalia, proportion des sexes chez P, 279.

ATan?ma'u°'VeS manifestatioûS cheZ les

A»ÎSÏÏiVf.nr un parasite ïiyménoptér., dont le mâle est sédentaire, 243.

Audubon, J.,J., sur le caractère belliqueux, des oiseaxx mâles, 39S; Telrao cupido, 403; sur Ardeo nylocoraa>,i^;Slumella ludoviciana, 403; organes vocaux du Telrao cupido, 403; sur le brutt du tambour du Telrao umbellus mâle, 412; sons produits par l'engoulevent, 412; sur VArdaa ~erodiaset Calhartes jola, 41V, sur un changement prmtanier de couleur dans quelques pinsons, 431 ; sur ll Mimus polyglottes, 451 ; sur le diudon 45S-160; variations dans le tangara écarlate maie, 461; sur les mœuss du Pyranga œstiva, 497 ; sur des différence. locales dans les nids des mêmes espèces d'oiseaux, ~97-49S; sur les mœuss des pics, 502; sur Bombycilta oarolinensis, 506 ; sur le plumage précoce des grives, 510; sur le plumage précoce des oiseau,, 511 et suiv. ; sur tes oiseaux qui reproduisent ayant encoee leur plumage précoce, 532 ; croissance de la crêta et aigrette dans le mâle Ardea ludoviciana, 533; sur les changements de couleur dans quelques espèces d Ardea, 043; sur le spéculum du Mergus cucullatus, 260; sur le rat musqué, 594.

Audubon et Bachmann, sur les combass d'écureuils, 550; sur le lynx du Canad,,

Austen, N.-L,, sur Anolis crislatellus, 390.

AUSTRALIE, destruction de métis -par les indigène,, !S6; ponx des naturels deP, 186; n'est pas le lieu de naissance de l'homme, 169; prépondérance de l'infanicide du sexe femelle, 647.

Australie méridionale, variation dans les crânes des indigènes, 24.

^arSle0^rSr6ÏÏrtmm^

étant une cauee de guerre chez les, 614. Autruche, africame, sexes et incubation,

A=M^^s^Œ^ique,,a..

AvCrtem^t!4^ JrXatnt'd^; 45. Axis cerf, différence sexuelle de cou.eu,,

Ayma.raS mesures des, 32 ; absence de cheveux blancs, 611; visaee imberbe des 613; longueur de leurs cheveux, 635.

Azara, proportion entre les hommss et les femmss chez les Guaranys, 268; Palame-~ea cornula, 400; barbes des Guaranys, 613 ; luttes des Guanas pour les femmes, 614; sur l'infanticide, 632; sur la po-

K =ue^;r- ^s°t

B

BABBAGE, C, sur la proportion plus-grande

de naissances illégitimes féminines, 26:).

Bandes, de couleurs, conservées dans dos. groupes d'oiseaux, 463; leur disparition chez les mâles adultes, 599.

BabIroussa, défense du, 569.

Babouin, utilisant un paillasson pour s'abriter du soleil, 87; manifestation de mémoire, 77 ; protégé par ses camarades.

BS^^dt^qup^keuses sur les, 4; oreilles, 12; manifestation d'affection maternellee 72; emploi de pierres et bâtons comme armes, 85; coopération, 107; silenee observé dans leuss expéditions de vol, 111 ; diversité de leuss facultés mentales, 25; leuss mains, 50;

. habitudes, 51 ; variabilité de la queu,, 58 ;

Bacman, docteur, fécondité des mulâtres,

bJSS^T^ÏS Vertus sociales chez les hommes primiti,s, 125; la valeur de l'obésssance, 140 ; le progrè; humain, 143; sur la persistance des racss sauvages dans les tempsclassiques. 201.

Bailly, E.-M., sur les combass des cerfs, 560; sur le mode de combtt du buffle italien, 558.

Bain A., sur le sentiment du devoir, 103;

kr.\CIrlldêltPadpepr!)abarretthc: m\

117; sur l'idée de beauté, 639. Baird, W,, différence de couleur entre les

mâles et les femelles de quelques Ento-

zoaires, 287. Baker,. M., observation sur la proportion

afS^f .sr-ï -bes-o^;

^-rëtréSSui^s

- défigurations en usage chez les nègres, 593° balafres que les Arabes se font sur : les joues et les tempes, 628; coiffures des Africains du Nord, 629; perforation de la lèvre inférieure chez les femmes de La-touk,, 630; caractères distinctifs de la

[page break]

686

INDEE

cofffure des tribus de l'Afrique centrale, a 631; sur ta coiffuee des femmss arabes,

Bals du Tétras noir, 399, 443.

Bandes, colorées, conservées dans certains

fSesmaSsS^^- d^"

1=,^»des nations civili-

sées, 155. Barbe, développement de la, chez l'homme,

Sr^an»;^rrso1ie! veloppement dans les diverses races humaines 612; appréciation de cet appedice chez les nations barbues, 630; son origine probable, 659.

tion des, 500. Barr, M,, sur la préférence sexuelle chez . les chien,, 575. Barrington, naines, langage des oiseaux, 91 t gloussement de la poule, 402 s but du

ruflâr^tr^o^x-cS:

rsreonc„6eiLUsrfiemeTes?4?4dePUi3SanCe Barrow, sur les oiseaux mâles, 441. Bartlett, A.-D., sur le Tragopan, 241; développement des ergoss dans Crossopl;-lon aurilum, 259; combass entrs mâles de Plectroplervs gambensis, 400; sur la houppe, 428; étalage chez les mâle,, 432; étalage des plumes chez le mâle Poty-2Hectront43i] surcs Crossoptilonaurilum et Phasianus VaUichii, 438 ; sur les mœuss du Lophophorus. 460; couleur de la bouche dansiWros Mcomta.m; sur l'incbation du casoar, 525; sur le buflle du Cap, 559; sur l'usag; des cornes dans

n^hedz1es^s,6645V. B" * "*~ BaKtham, sur les assiduités de l'alligator

maie, 386. Basque, langage très artificiel, 96-97. Bassin, dMére.Tce du, dans les deux sexe,,

BatÉ C.-S., sur l'activité supérieure des

BaTe^H.-w'^v^Ls dans la forme de la têee des Indiens de l'Amazone, 26; sur la proportion entre tes sexes des papillons <fe l'Amazone, 275-278 ; différences sexuelles dans les ailes des papillo,s, 305; sur le grillon des champs, 312; sur le Pyrodes pulcherrimus.m; sur les cornes des coléoptères lamellicornes, 328; surlescouleureFdes2?pî-ca«œ,etc.,.339; sur la coloration des papillons tropicau;, . 342; sur la variabihVdes Papilio Se-sostns et CMldrenœ, 351; sur des papil-

Ions habitant des stations différentes suivatt leurs sexes, 351; sur l'imitation, 355; sur la chenilte d'un Sphinco, 358 sur les organes vocaux du Cephalopterus, 410 ; sur les Toucans, 540 ; rur le Bra-

BA^s?fo„^leurs deux incisives

BAÏ&m^s comme outi.s et armss

par les singes, 85. Batraciens3 384 ; ardeur du male, 243.

et chez les quadrumanes, 593. Beauté, sentiment de la, chez les animaux,

98 ; son appréciation par les oiseau,, 452;

son influence, 627. Beavan, lient., sur le développement des

cornss chez le Cervus Eldi, 257. Bec, différences sexuelles dans sa form,,

394s dans sa couleur; 420 ; présente de

vives couleurs chez quelques o seaux, 641. Becs-croises, caractères des jeunes, 510. Bécasse, bruit re tambour delà. 412-41.;

sa coloration, 540; arrivée du maie avant

Me™™ "in2; mâ'e belli<!neuî['396; d0tt-

BÉsen£Es'deTab444rS<:0toî'aa! ""^ ™~ BeCcSsteTnc oisexx femelles choisissant les

Beddoe, docteur, causss des différences de

tallle, 29. Belg.que, anciens habitants de la, 199. BélIer mode de combat du, 557; crinière

d'un africain, 584; a queu, grasse, 584. Belll Sir O muscles grandeurs des, 40;

muscles sur la main, 51. Bell, T,, proportion numérique des sexes

chez la taupe, 272; sur les tritons, 383;

sur le coassement de la grenouille, 385;

différenee de coloration des sexes dans

footoca vivipara,393; combass de taupes,

BennÉtt, A.-W., sur les mœuss du Dro-mœns irroro/u». 526.

Bennett, docteur, oiseaux de paradis, 431.

Bernache, maie «'étanx apparié avec une oie du Canada, 451.

Bernicta anlarctica, couleuss de la, 541.

Bétail, domestique, différences sexuelles se développant tardivement, 259 ; son augmentation rapide dans l'Amérique du Sud, 1Ll°2?JU' %S,' 5S7;pr°P°rt'onnumé-

308' dlfferenCes se*uelles dans le Se"",

Bile.. colorée, chez beaucoup d'animaux

Bimanes, 162.

Birgus latro, mœuss du, 297.

B.rkbeçk, M., aig.es dorés trouvant de nouvelles compagnes, 417.

Bischoff, prof accodd entre le cerveau humain et celui de l'orang, 2 ; figure de l'embryon du chien, 6; circonvolutionscéré-

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INDEX                                              687

braies du foetus humain, 7-8 ; différence entee les crânes de l'homme et des qua-

o^rSÏÏ'd^hoZe'Sd^^r^

Biziuratobata, odeur musquée du mâle, 394;

Bi8aIwa,1" J.fbigage de la pie, 95; hirondelles abandonnant leurs jeunes, 115; ac-

leuss del'Antilope bezoarticas 587; sur le développement des cornes dans les ant--lopes koudou et Elan,, 596 ; couleur du

tivit

é supérieure des araignées maies, 24<;

proportion des sexes chez les araignées, 280; variations sexuelles de couleu? chez-ces animaux, 299; araignées mâle,, 300-

BLAiiiE, sur les affections des chien,, 575. Bi.A.Ri docteur, disposition des Européens

a avorr la fièvre jaune, 213. Blake, C.-C., sur la mâchoire de la Nau-

BlIkJston, cap,, sur la bécasee américaine, 414; danses du Tetraophasianelrvs, 417.

Blasius, docteur, sur les espèces d'oiseaux européens, 462.

Sledius taurus, appendlces cornas du mâle,

Blenkiron M., préférenses sexuelles chez le cheva,, 57o.

B=JTrepro1.S^t,r^^

BMhtsàmuitipunctala, stridulation chez la,

B,Son"'l7r4OPOrti0n des seX6S daDS les P°iS" Blume'nbach, sur l'homm,, 26 ; grosseur des cavités nasales chez les indigènes de l'Amérique 32; situation de l'ho „me, 162; sur le nombe; des espèces humaines, 190. Blyth, E,, observations sur les corbeaux indiens, 109; structure de la maiifdans les Hylobales, 51; différences sexuelles de couleur dans le Hylobatcj ftooîoc* 589; caractère belliqueux des mâles de la Galh-nuta crislata, 396 ; présence d'ergots dans la femelle Euplocamus erylhrophthalmus, 400 ; sur le caractère belliqueux de l'am--davat, 402 ; sur le bec en cuiller, 411 ; mues de YAnthus, 429; mues chez, les outardes, pluviers et Gallus bankiva, 430; sur la buse (Pemisc-Ma)a) de l'Ind,, 464; différences sexuelles dans la coloration des yeux des callaos, 466; sur l'Ortoiw mela-nocephalusJiOa; sur le Palœormsjavani-eus, 506; sur le genre Ari.ll., 506 ;.sur le faucon pèlerm, 506e sur de jeunes o.seaxx femelles prenant des caractères masculins 507; sua le plumage des oiseaxx non adultes, 5 0; espècea représentatives d'oiseau,, 514; sur les jeunes Turnix 522-523 x jeune; anormaux de Lanius rvfus et Cotymbus glacialis, 530; sur les sexes et les jeunes des moineaux, 530 ; dimorphisme chez quelques hérons 532 ; orioles reproduisatt ayant encore leur jeune plumage, 532; sur les deux sexes et les jeunes de Buphus et Anastomus, 534; sur les jeunes

555; sur la manière de combattre de VOvis cycloceros, 558 ; sur la voix des Gibbons, 578;-sur la crête du bouc sauvage, 582; couleurs du Porta* picta, 587; cou-

rus porcinm), 599 ; sur un singe dont la barbe est devenue blanche avec l'âg,, .

Bohémiens, uniformité des, dans toutes les

BoPr^D*tCo°rnb1e;^nsmission des parti-cularites sexuelles chez les pigeon,^;

JeK^^^tattale^:

riïë'405'                  '        hJ        Ctsté-

BOMBET,''>'variabilité du type de beauéé en

FoS^ifférenee dans les sexes du, 321. Bombicd* leur coloration, 344 ; leur appa-

nage, 319. Bombycilla carolinensis, appendices rougss

du, 506.

Bombyx Pernyi, proportion des sexes de,

Bombyx Yamamai, 306; M. Personnat, sur le, 276; proportion des sexe,, 278.

Bonaparte, C.-L., sur les notes d'appll du dindon sauvage, 411

Bond, K sur des corbeaux ayant renouvelé leurs femelles, 446.

Bonef, C., transmission a une viellee femelee

. de chamois de caractères mâles, 553 ; sur tes bois du cerf commu,, 561 ; mœurs des mâles, 566 ; appariage du cer,, 573.

porR-ACNHô^.(^-S™W''164-

Borevs hyemalis, rareté du mâle, 280.

BORY SAINT-V.NCENT, nombee, d'espèces humaines, 19t ; couleurs du Labrus pavo, 376.

Bos gaurus, cornes du, 555.

I|p=:S du, 555; couleurs du,

B°o^rË„uP!Xr6^r^StaS exagérée d'une femm,, 632.

^=?,l^eedeviedesf6;leur habitude de se défigurer les oreilles et la lèvre inférieure, 629.

Bourbon, proportion des sexes chez une espèce de Papitio de 1 île, 276.

Br^h^=is?^--— -

ÏÏS-S; ^-ttaq^fùnT/uane (Emberiza scbœniclus),452; on vérifie le sexe des jeunes dans le nid en arrachant des plumes pectorales, 532; distingue les personnes, 4o0 ; r.vahté entee femelles,

Bovidés, fanons-des, 584.

BRACHIOPODES, 2S9.

Brachycephalique, explication possible de

la conformation, 57. Brachyura, 297.                , , t' „„,

»=E:1o,ct^^^nte^6du-climat, 30.

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688

INDEX

la diminution des canines, 53. BrauHach, professeui, sentiment quasi re-

ligieux qu'éprouve le chien pour son maître, 102; sur la contrainte <fu chien vis-à-vis de lui-même, 110.

BRauer F., dimorphisme chez le Neurolhe-

BRKHM..effes» des liquides spiritueux sur les singes, 4; reconnaissance des femmes par les Cynocéphales mâles, 5 ; vengeance des singes, 72; manifestations dlaffection ma-ternelle chez les singes, 72; leur terreur instinctive des serpents, 75; babouin se servant d'un paillasson pour s'abriter du soleil, 87; usagl de pierres comme projectiles par lee babouinr, 86; cris de si-gnaux des singes, 92; des sentinelles qu'ils postent, 107; la coopération des animaux, 107; cas d'un aigle attaquant u un jeune cercopithèque, 108 ' babouins captifs évitano la punition de l'un d'eux, 110; habitudes des babouins lorsqu'ils sont en expédition pour un pillage, 111; diversité dans les facultés mentales des singe,, 25; mœuss des babouins, 51;

Is^su^o^^mé^e^

^^^ppa^r^^ç

Brème, proportion des sexes dans la, 27o.

BRaiï?nesM457OOUr ^ " ""*         ^'^

. Bllsi'iTcrtnes trouvés dans des cavernes

du! 181; population du, 190; compression

du nez chez les indigènes, 638. Breslau, proportion numérique des nai--

sances masculines et féminines, 267. Bridgman Laura, 93.

lection naturelle, 62; sur l'hybridité chez l'homm,, 186; restes humains des Eyzies199; cauee de la différence entre les Européess et les Indiens, 211.

Brochet mâle dévoéé par les femelles, 274.

Brochet américain, mâle du, vivement co-

BSSe«ti0D d"3 d'eS" Bronze, période du, hommss en Europe de

Bœ^S|m«07^

5b5,r=eh0=io^,l^^éfe^s chez la femelle du morse, 552; snr le pho-queà capuchon(Cj/s(o»horo crts<a(a),57- ; couleurs des sexes dans le Phoca groen-landica, 586; amour de la musique chez les phoques, 621 ; plantes que les femmes de l'Amérique du Isord emploient comme philtres, 632.

Bruant des roseaux (Emberiza shœnïclus), plumes de la tête cl.cz le mâle, 440; atta-

B^^cârSrlstslLnes.510. Bruce, usage des défenses de l'éléphant,

BrUlerie, P. de la, mœurs de l'A/««Au* cicatricosus, 330; stridulation de VAteu-

BrunnIch?corbeaux-pies des îles Féroë, 465. BRyant, capit., sur la mode de courtiser du

CoUorhinuSursinus,5',3. Bubas bison, projection thoraciqûe du, 327. Bucephalu, capensis, différence de couleur

des sexe,, 3S6. Bueeros, nidification et incubation, 49~. . Buceros biscornis, différences sexuelles dans

la colbration du casque, bec et bouche,

BïeCbtcs f^v'9a~US'dilIérence sexuelle dans Buchne,r, surl'emploi du pied humann comme orgaee préhensile, 52; mode de progression des singes, 52-53. Buckinghamshire, proportion numérique des naissances mâles et femelles dans le,

Buckland F,, proportion numérique des sexes chez le rat, 272; cheé la truite, 274; sur C~imœra monslrosa, 878.

Buckland, W,, complication des cnuoidcs,

Buckler, W., proportion des sexes chez ^^^S?^ntenSdescaro--

JJudytes Rail, 232.

Buffle du Cap 559 ; indien, cornesdu, 555;

italien, mode de combattre du, 5o8 Buffon, nombee d'espèces chez l'homme,

Buist, R,, proportion des sexes chez le saumon, 274 ; caractère belliqueux du sau-mon mâle, 366.

Bulbul caractère belliqueux du mâle, 395 ; son étalage des plumes qui sont sous les couvertes, 440.

5chan"emèntT couleu,6 513 ** JeUne5' ' BURCH|eLL?°docteurt sur'leszèbre, 598; exagération d'unu femme boschiman; dans son ornementation, 632; célibat inconuu chez les sauvages du sud de l'Afrique, 649; coutumss de mariage des femmes boschi-

BuTke? nombee d'espèces d'hommes, 191.

Burton, capit., idéeè des nègres sur la beauéé féminine, 634; sur un idéal unversel de beauté, 637.

BUSE, indienne i/ernis cristata), variation dans la crête de, 464.

Busk.G., prof sur l'existence du trou supra-condyloïde de l'humérus humain, 19.

Butler, A.-G., différences sexuelles sur les ailes de AWcoris epitus, 305; coloration des sexes dans les espèces de Thecla, 340; ressemblance de Iphias glaucippe a une feuillei 344; rejet de certaines phalènes ^chenilles par les lézards et grenouilles,

Butors nain,, coloration des sexe,, 506.

Buxton, C, observations sur les perroquet,, 108; sur un exemple de bienveillance chez un perroquet, 450.

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INDEX

689

C

CACATOÈS, 540-542; bâtissant leur nid, 450;

CAmanx deTe'à?' perCepti<m par les an'

CA™É?goûtaes"8ingespourles4

Cafre, diastème existant dans le crân,, 39.

CApres, poux des, 185; leur couleur 634; possession des femmes les plul belles par tes chefs, 651; coutumes nuptiales des

Cairinamoschata, mâle fort belliqueux, 397.

c^^snrti^naers

bation, 498.

Caioies nigrilabrmi, différence sexuelle de

couleur, 393. Cambridge, O. Piçkard, sexes des ara-

sSSrr

Campbell, J,, *ur l'éléphant indien, 239;-proportion entre les naissancei mâles et femelles dans les harems de Siam, 270.

Campytopterus hemileucurus, 274.

C=kd^5^K^d^éjld^ CMAKDiQuïrquedula ocula), sarcelle s'ap-

parianLaveo un Blffleur (^areca p""*-

lope), 454.

belliqueux du mâle, 396.

CAft^va^ses5dtfférences sexuelles, 241 ; miroir et caractères mâles du, 259; appariage avec une sarcelle, 454.

Canards, reconnus par les chiens et les chats, 451; sauvées, deviennent polygames sous l'influence de la domestica-

CajStaris? polygamie des, 241; changement de plumage aprss la mue, 261-262; sélection par la femelle'du mâle chantant le mieu., 403-404 ; chant d'un hybride stérile, 405; chan; chez la femelle, 404; choix d'un verdier, 455; appariage avec

nêst4a5in'          reconnaisâent les Person-

CA^DOLLÉ, de, Alph., cas de mobilité du

scalpe, 10. Canestrini, G. caractères rudimentaires, 8; mobilité de l'oreille chez l'homme, 11; variabilité de l'appendice vermiforme, 18; division anormale l'os malaire, 37; conditions anormales de l'utérui humain, 37e persistance chez l'homme de la suture frontale, 37 ; proportion des sexes chez le ver à soie, 275. CaNiNes, dents, chez l'homm,, 39; diminution chez l'homm,, les chevaux, et disp--

rition chez les Ruminants mâles, 54; étaient fortes chez les premiers ancêtres

^cXTdes1^ned»Pementi~

S=^nt de couleur des deux

sexes d'une espèce de, 324. Capitonidés, couleur et indication des, 500.

CXLXSe^deCc1ueieudr, &* ^

Cap^imu^gus, brutt que font avec leuss ailes

les mâles. 412. Caprimulgusvirgtniçmus,appariagedu,402. . Carabides, vives couleurs des, 6o3. CaractèRes mâle,, développés chez les fe-

sexuels secondaires, transmis par les deux sexe,, 250.

CaISSS^o'u^^W ports de la polygamie avec les, 237; gradation des, chéries oiseau,, 471; transmis par les deux sexes, 2o0.

Carbonnier, hist. naturelle du brochet, 274; grosseur relative des sexes chez les

cSrlfneauieT, différenee sexuelle de couleur

WgœS.'SlSïl-. sexuel,es du

CaÏnIvores marins, habitudes polygames,

239; différences sexuelles de couleur, .586.

CApre, proportion numérique des sexes,

Carr.R., sur le vanneau huppé, 402. Carus, V ,prof., développement des cornss

chez le mérinos, 258. Casoar, sexes et incubation du, 525.

Catharles jota, gestes amoureux du mâle,

Catl.in, G., développement de la barbe chez les Indiens de l'Amérique du Nord, 613; grande longueur de la chevelure

l4nrdq635          tnbUS         1Amén1ue du

Caton ' J.J)., développement des cornes chez les Cervss virginiamm etstrongylo-cero,, 257; sur la présence de vestiges de cornes chez la femelle du wapiti, 554 ; combats de cerfs, 561 ; crêee du wapiti mâle, 582 ; couleur du cert de Virginie, 587; différences sexuelles chez le wapiti,

caquss et les babouins, 59; occlusion de leue base, dans le corps des singes, 59-60.

CAVITÉS sous-orbitaires des Ruminants, 580;

Cebus, affection maternelle chez un, 72; graduation des espècss de, 191.

44

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690

INDEX

:Cebus Azarœ, sujet aux mêmes maladies : nue l'homm,, 3; sons distincts qu'il pro-

dmt, 89; précocité de la femelle du, 610. Cebu, capucinus, polygame, 238 ; différences

sexuelles de couleua, 589; chevelure cé-

phalique du, 602. Cebus vellerosus, cheveux sur la tête du,

C6cidomyides, proportion des sexe,, 279.

^==airt m * — Chephalopterus ornatus, 409 Cephalopterus penduUger, 410. Cerambyx héros, organe stridulant, 333. Ceratophora asperc,appendices nasaux,391. CeratophoraStoddartii, corne nasaeedu,391.

g^rsœ^(»voris,etc,,602.

"Xr^l^rnVtordéflni^fdel

espèces de 151. .Cercopithecus cephus, différences sexuelles

CWpW/iecws Diana, différences sexuelles de coloration, 589, 60S.

Cercopithecus griseoviridis, 107.

CereopitAecusp^auWsta, favoris,etc.,de,603.

Cekf, taches des jeunes, 509; bois des. 552, 5=6; leurs dimensions, 565d femelle sappariant avec un mâle tandis que d'autres se battent pour elle, 573 ; mâle attiré par la voix de la femelle 577; odeur émise par le mille, 580; développemett des bois, 257; bois d'un cerl en

voie de modification, 563.

lCeurF58l3' diŒérence seIuelle dans la cou-CERU/ma„tchourien, 598. Cerf virginien, 587; sa couleur n'est pas

dfsSSi PM 'a castaUi0n' 587; coule"s Certornis Temminckiigonflement des ça-

CER—\S?„n ct'cordtS T'a4^ celuA des animaux inférieurs, 2; circovolutions du, dans l'embryon humain, 7; plus grand chez quelq/es mammifères actuels que chez leurs prototypes tertiires 85 ; rapports entre sPon décernent et les progrès du langage, 93; maladie du, affectant la parole, 93; influence du développement des facultés mentales sur le volume du, 55; influence de son accrosssement sur la colonee épinière et le crâne, 56; différence des circonvolutions dans les diverses races humaines, 182.

Cervulus, armss du, 56~.

CerD«i«smosc/! (U«s,cornesrudimentaires de la femelle, 553.

Cervus alces, 257.

g^SSSc'^ctLschez.a

r^cfrê^LllTil^Sr;^:m&

Cervus elaph,s, bois avec de nombreuses pointes, 560.

%zzBJ££L~,**. ..-.:'

Cervss paludosus, couleurs du, 588. : Cervus strongyloceros, 257.,                      ;

CSooâ3nTSS,257ib0l8de,..enVOie;de

Ceryle, mâle & bande noire dans quelques

Ceylan, absence fréquente de barbe chez les indigènes de, 612.

Chacal apprenant par les chiens à aboyer,75.

Chalcophaps mdicus, caractères des jeunes, 510.

Chateosoma atlas, différences sexuelles,325.

Chaleur, effets supposés de la chaleur,

Chamœleon différences sexuelles, dans le

Chamœleon bifurcus CAamœleon Owenii, 3!

Owenii, 392

' ii/.«*/Vï//l»« T"<.

391.

Chamœpetes unicolor. rémige modifiée dans

le mâle, 414. Chameau, denss canines du mâle, 551.

res mâles5553. Chant des oiseaux mâles, son appréciation par les femelles, 98; son absence chez tes oiseaxx à plumage éclatant, 439 ; des oiseaux, 494 ; constituant une attraction

cSSS^éSZ^i^St^m; des larités sexuelles chez les pigeons 253;

OSS Pers.s. 641.

dans le, 395; cour du mâle, 439.

^uneT?^' *' rAméri<>Ue du Nord' CHARDMES™'porfcS8 par les femme,, 631. Charruas, liberéé de divorce chez tes, 654.

leurs, 691. Chauve-souris, différences sexuelles de couleur, 586.

c^o„^»re^rractèressexueU

Chenilles, vives couleuss des, 359.

Chera progne, 430, 459.

Cheval, polygame, 238; canines chez le mâle, 551; changement pendant l'hive,, 59d; extinction dans l'Amérique du Sud du cheval fossile, 201; sujet4 aux rêves, 78; accroissement rapide dans l'Amérique

p^^en^ve^^ér^;^

g=^e arssJï

592 ; autrefois rayé, 600.

Cheveux, développement chez l'homme, 16 ; leur caractère supposé être déterminé

. par la chaleur et ta lumièle, 30; leur distribution 57, 656; changés peut-être

. dans un but d'ornemen,, 51 ; arrangement et direction des, 164; des premilrs ancêtres de l'homme, 175; leur structure .. différenee dans les races distinctes, 182-

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INDEX

691

183; corrélation entre -ta couleur des cheveux et celle de la peau, 217; leur développement chez les Mammifères, 585;

S?, rssîr a&rwft

CHÈVRE, mâle sauvag,m tombant sur ses

^ef^'ketardiiSe^uet dans la couleu,, 588; différences sexuelles dans les cornes, 252 ; cornes, 258-259,

&4£ra."iï1S£ rmXue,

261; barbss de, 582 ; mode de combattre,

Chevreuil, changement d'hiver chez le, 595. Chevrotain musqué, canines du mâle. 262-

279; organes odoriférants du mâle, 580;

modification de la robe pendant l'hive;,

Chevrotains, dents canines des, 561.

Chiasognalhus, stridulation du, 336.

Chiasognathus Orantii, mandibules de, 330.

Chiens, atteints de fièvre tierce, 4; mémoire chez les, 77 ; progrès faits en qualités morales chez les chiens dometiques, 84; sons distincts émss par les, 89e parallélisme entre l'affectior qu'il ressent pour son maître et le sentiment religieux, 102; sociabilité du, 106; sympathie d'un chien pour un chat malade, 109; sympathie pour son maître, 110; utilité possible des poils couvrant les pattes antérieures du, 164; races de, 193; s'éloigntnt entee eus lorsqu'ils arrivent

£ avec le traîneau sur la glace mince, 78; rêves des, 77; leur faculte raisonnante, 82; ils ont une conscience, 110; propotion numérique de naissances maie/ et

, femelles, 271; affection sexuelle entre individus, 574; hurlements provoqués par certaines notes, 622; habitude de se vautrer dans les immondices, 581.

niuL.0a5onTe1?S.iDdiSèDe3de,185:PO-

Chimœramonstrosa apophyse osseuee sur la tête du mâle, 372.

Chiméroïdes poissons, organss préhensiles des mâles, 364.

Chimpanzé 613; oreilles du, 11 j plates-formes qu ll construit, 68; ,oix qu'il casse avec une pierre, 85; ses mains, 50; absenee d'apophyses mastoïdes, 53; direction des ^poVsur les bras, 164; évolution supposée du, 194; mœurs polygames et sociales du, 64d.

Chine du^Nord, idée de la beauéé fém-

ChTI méridionale, habitants de la, 216.

Chinois, usage d'instruments de silex chez les, 157; diffeculté de distinguer les races des, 182-183; couleur delà barbe, 611; défaut général de barbe, 612; opinion des, sur 1 aspect des Européens et des Cingalais, 633; compression des pied,,

Chinsurdi, opinion de, sur la barb,, 636. Chromidés, protubérance frontale du mâle,

374; différences sexuelles de couleur, 380. Chrysemys yicla, longues grfffel du mâle,

Chrysococcycc, caractères d'es jeunes, 510. Chrysomél.des, stridulation chez les, 332. Ctcadapruinosa, 311 Ctcada seplemdecim, 310.

C^S^tcheJzl^f^^3l0deSOns

cSfo^^^^eiesd^dans' leso bronches de la, 411 ; son bec rouge,

Cigognes, 540; différences sexuelles dans

la couleuG des yeux des, 466. Cils, arrachementx des cils pratiqués par

les Indiens du Paraguay, 635\ Cimetière du Sud, Paris, 19-20. Cincle, couleuss et modification du, 499. Cincloramprm cruralis, grandeur du mâle,

C3ncius aquaticus, 499.

Cingalais, opinion des Chinoss sur l'aspett

Sv=oC^riaes«?u.

r^^s^ions,^-8"13—" Claparède, E., sélection naturelle appli-

CigU coTumes"nuptiales des Kalmucks,

Classification, 160.

Claus, C, sexes duSaphirina, 298.

CUmacterù erythrops, sexes du, 526.

Climat, 33; froid, favorable aux progrès del'humanité,143-144;aptitudedel'hom,ne à supporter les extrêmei de, 199 ; défaut de connexion avec la coloration, 211.

Cloacal, passage, existant dans l'embryon

CS^Sne!l75^lesMCê,re3

cS^r^S,t^-332-

COHRA, ingéniosité d'un, 3S7.

Coccyx', 80;" de l'embryon humain, 7; corps enrouéé à' l'extrémité du, 21; enfoui dais

cSî«"mtécteles

CrsMde^imea.ltZlespremieraanCê' Cœlenterata .absencdee caractères sexuess

C^R^ïdtyon humain, 7.

Coleoptera, 323; leurs organss de stridulation, 331.

Colère, manifestée par les animaux, 71

Collingwood, C., caractère belliqueux despaplllons de Bornéo, 337; papillons attrés par un spécimnn mort de la même-

Colombie, tites aplaties des sauvages de..

Colonne épinière, modifications de la,

Colonisateurs, succès des Anglais comme,.

Coloration, protectrice pour les oiseau,,-.

Colquhoun exemple de raisonnement cher

un chien de chasse, 81. Colymbus glacialùr, jeunes anormaux de 530.-Combat, loi du, 154"u chez les coléoptères

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692

INDEX

. 329; les oiseaux, 394; les mammifères,

550; chez l'homme, 614. Combattant supposé polygame, 240-241;

proportion des sexes du, 273; caractère b belliqueux du, 395,402; double mue, 429;

?eusroebJet58 ar*du'par

Commandement de soi, habitude du, héré-

Co^Au^conservation des variations

utiles A la, par sélectinn naturelle, 63. Composées, gradations d'espèces chez les,

Conditions vitales, action de leur change-ment, sur l'homm,, 28; sur le plumage

1Co^S^crêee du, 467.

queCquN criminels, 124. Cotation de soi-même, instinct de la,

Consomption, mal auquel est sujet le Cebus

4S^SmZdâ.la'dan3les Convergence, 193.

^^S%iot:rd6edeîle1s1la„dwieh,64]. Cope, E.-D.snrlesDinoSaurieni,173. Cophotis ceylanica, différences sexuelles, ^«59, 392._

C^pVà'lsîdi,, différences sexuelles, 325. Copris lunaris, stridulation du, 333. " Coq, de combat, tuatt un milan, 398; aveugle nourii par ses camarade,, 109; crête et caroncules du coq, 441 préférence du,

Coquilles, diflérences deformes des, dans les Gastéropodes mâles et femelles, 2S9 ;

^^^fvar^'p^desuls^^ Cordylus, différence sexuelle de couleur

Cot^^t^p^onde,^

Cornélius, proportion des sexes chez le Lucanus cervus, 279.

Cornes, de cerf, 552, 556, 565; et canines, développement inverse des, 564; différencss sexuellesr chez les moutons et les chèvres, 2ô3; leur absenee dans les brebis mérinos 353; leur développemenchez le cerf, 256 ; chez les antilopess 257; occupant la tête et le thorax dans les coléoptères mâles, 324.

Corps de Wolff, 175; leur concordance avec les reins des poissons, 7.

Corrélation, sonmfluence sur la produc-

Sst^trcomLtre de W>

Corvss garculus, bec rouge du, 540. Corvrn pica, assemblée nuptiale du, 445. Corydalis cornu(«S:grosses mâchoires du,303. Cosmetornis, 507.

cv^zn:Lv%%arh a"onsemenfc des

Cotingides, différences sexuelles des, 240; coloration des sexes, 504; ressemblance entee les femelles des espèces distinctes,

Cottwscorpius. différences sexuellesdu,370. Cou, proportion du, ainii que du cou-de-pied chez les soldats et les marins, 30.

^"S^ifeS* de U .u-

Slfcoule^etfe^^^ct tains poisons et parasites, 213; but de la, chez les Lépidoptères, 34S; rappott de la, aux fonctions sexuelles chez les poisson,, 374; différences de, dans les sexechez les serpents, 387; différences sexuelles chez les lézard,, 393 ; l'influence de la, dans l'appariags d'oiseaux de diverses espèces, 456; rapports avec la nidification, 497, 501 ; différences sexuelles, chez les mammifères, 591; reconnaissance de lap par les quadrupèdes, 592 ;,des enfanss dans les différentes races humaines, 609 ; de la peau chez l'homme, 660.           L

Couleurs, admirées également par l'homme et les animaux, 98; brillantes, dues & une sélection sexuelle, 287; vives chez

les animaux inférieurs. 288; vives, protectrices pour les pavillon; et pha,ène, 345 ; brillantes, chez les poissons mâles, 369, 374: leur'transmission chez les oi-seaux, 490.

Courage, variabilité du, dans la même estfcel 71!mhaute aPP^ciation unive-rlctt .Smet;n6.17mPOrtanCe' ""' °a"

CrAne, variation du, chez ' l'homm,n 23-24;

et de capacité dans différentes races humaines, 182; variabilité de sa forme, 190 ; différences suivatt le sexe chez l'homm;, 6086 modifications artificielles à la forme

CraUnz, sur l'hérédité de l'habileté a captu-

rerles phoques, 31. Crapaud, 385; mâle, soignant quelquefois

les œufs, 178; mâle prêt \vant \ femelle

& la reproduction, 232. Crawfurd, nombee d'espèces humaines, 191, Crécerelles, remplaçant leurs compagnes

perdues, 44,. CrenUabrusmassaetmelops,nids construits

par les3 379. CRête, développement de la, chez les vo-

Crêtes et" caroncules dans les oiseaxx mâle,, 514.

Cris des oies, 403.

Cristal que quelque femmss de l'Afrique centrale portent sur la lèvre inférieure,

Crocodiles, odeur musquée, pendant la

saison de reproduction, 386. Crocodiliens, 386. Croisements chez l'homme. 188-189; effets

du croisemeflt'des race,, 211.

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INDEX

693

Croisés, becs, caractères des jeunes, 510.

blables chez le, 505.

Cl£TCS' ,G. R' stridalati0tt des coléoptères, 332, 334; chez le Heliopathes, 335; chez

CR^ws"lnd?e3â. longueur des cheveax des,

Cruauté des sauvages pour les animaux,

CRUSTACÉS, amphipodes, mâles jeunss étant déjà sexuellement développés, 533; parasites, perte des membreé chez la fe-melle 227; pattes et antennes préhen-siles des, 230; mâles plus actifs que les

l^^tlrUPseSgSndS £

Culbutait, pigeon, changement de plu-Cu^ÎIidés, 227.

cr^Smk,r4io.poohe de la gorge

Culture des plantes, origine probable de

Cupples, M., proportions numériques des sexes chez les chiens, bétall et Mutons, 271; sur le lévrier d'Ecosse, 567; préférence sexuelle chez les chiens, 575.

Curculionidés, différenee sexuelle chez

C^I'SSS'dfchezdesani-

CuTsSr'e's*' absenee comparative de différences sexuelles chez les, 240.

Curtis, J proportion des sexes dans Athalia, 279.

Cuvier, F., reconnaissance des femmss par les quadrumanes mâles, 5.

Cuvier, & opinion, sur la position de 'homme, 162; instinct et intelligence, 69; nombre de vertèbres caudales%hez le mandrill, 59; position des phoques,

<£^£SœViSk de cou-leur, 501; plumage jeune du, 513.

C2leura347" ' àiBéKalX ^'"^ de C°n-CygSÉ' & c.ou noir, 542; blan,, jeunss du,

Cyllo Leda, instabilité des tachss ocellées,

Cynànthus, variation dans le genre, 464.

SZ»OTSE£ -é^unes et adultes, 5; mâle reconnaissant les femmes^ o^habitudea ponygames d'es-

Cynofephàlus chacma 73.

Cynocephalus gelada, 85.

Cynocep7io(«sAomodryos,différencesexuelle

C589%9°'"S leuCophus- couleur des sexes> C%H4"'"S mormon, couleurs du mâle,

Cynocéphale porcarius, crinière du mâle, 5 572, 679.

Cynomorpha, 221. Cynopithecmntger,619. Cypridina, proportion des sexes, 281.

C?69IN3?TNTIDâS, différences sexuelle3> Cyvr'inusauratus, 377, Cypris, rapports des sexes chez le, 281. Cystophora crista,a, capuchon du, 579.

D

Dacelo, différence sexuelle de couleur. 502. Dacelo Oaudichaud<, jeune mâle, 513.

592S, troupeaux diffiéremment colorés de, Dal-Ripa , sorte de ptarmigan, 273.

DiTTpy^°::^:naes spéciaIe3'597;

Danaidées, 339.

Danses d'oiseaux, 417; danse, 195.

Daniell, docteur, expérience de sa résidence dans l'Afrique méridionale, 214.

Darfour, protubérances articiciellement produites dans le, 628.

Darwin, F., stridulation chez le Dermestes murinns, 332.

Datychlra pudibunda, différenee sexuelle de couleur chez la, 3-17.

Dauphins, nudité des, 57.

Davis. A.-H , caractère belliqueux du lucane mâle, 329; sur les habitudes des sauvages, 202.

Davis, J.-B., capacité du crâne dans di-

PoTenésleinssS613UmaineS' ^ ^^ *" De Candie, Alph,, cas de mobilité du scalpe, 10.

Declicus, 314.

tuant un mâles 301. Dendrocygna, 510.

îsST^r^&^SrA de

parenté entre les habitants des îles Nor-

DennyH,. pour des animaxx domestiques,

Dents, incisives rudimentaires chez les Ruminants, 8; molaires postérieures,

ferrmdmifèrl°ramLsm;55rnrfdu^ ' rSn'-or^^Srleur^^

sauvages, 127 ; obstacle à la population,

Dermestes murinus, stridulation de, 332. Descendance, retracée par la mère seule,

Déserts, couleurs protectrices pour les

animauh habitant les, 539. Desmarest, absence de fosses sous-orbi-

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694

INDEX

mlmrfu5,586; sur la coloration de l'ocelot, 5S6 ; des phoques, 5S6 ; sur VAnlope Caama, 588; sur les couleurs des chèvres, 588; différenee sexuelle de couleur dans Ateles marginales, 538; sur le

"«Telo. 59°: sur le Macacus cyMomo'-

DesLoulins, nombee des espèces humaines,

191; sur le cerf musqué, 581. Desor, imitation de l'homme par les singes,

d~spine, P., sur les criminels dépourvus

de toute conscience, 124. . Développement, embrynnnaire, de l'homme

5,7; corrélatif. 467.

Diable, les Kuégiens ne croient pas au,

Diadema, différences sexuelles de coloration dans les espèces de, 339.

Diastemac chel l'homme, 39.

Diastylidées, proportion des sexes des, 251.

Dicrun,smacrocercus, changement de p)u-

DidUlphis opossum, différences sexuelles

dans la couleur, 5S5. Dieu, absence d'idée de, dans quelques

races 99. Différences comparatives entee diverses

espèces d'oiseaux du même sexe, 517. Différences sexuelles chez l'homm,, 5. Dimorphisme, dans, femelles de Coléoptères

aquatiques, 296; dans Neurolhemis et

DiNDON^'onflement des caroncules du mile, 418; variété avec une huppe sur la tète, 422; reconnaissance d'un chien par un| 481; jeuee mâle sauvage fort belliqueu,, 402; femelles domestiques acceptant le mâ;e sauvage, 458; notes du, sauvage, 411; premières avances faites par les te-melfes âgées aux mâles, 460 ; touffes de soies pectorales du, sauvag,, 506.

Dindon sa manière de racler le sol avec ses ailes 412; sauvage, étalage de son plumag,, 393; habitudes belhqueuses du,

DiodÔrus, absence de barbe chzz les indgènes de Ceylan, 612. Dipelicus Cantori, différences sexuelles, 326. DWopoda, membres préhensiles du mâle,

Dipsàs cynodon. différenee sexuelle dans la

Dixon, K-S habitudes des pintades, 241 ;

D°ABbRipoHnesFE655 C°UtUmeS ^ mariaSes des Doigts, supplémentaires plus fréquents ih,eJ^0mme S?/ la femm,' 245iits sont e^oce^î?5' kUr dé™'™'t Doliçhocéphalique, structure, causes possibles de, 56.

Domestication, influence de la, sur la diminution de la stérilité chez les hybrides,

D1OrbignV A.d influence de la sécheresee et de l'humidité sur la couleur de la peau, 212 ; sur les Yuracaras, 634.

r^LE^fdifTérences sexuelles dans

Do^LE^3&fpXSôrS des sexes dans

pSt^^^rS

^S^L^IU'^ruc^t l'A geronia feront*, 3S8; sur les papillons blancs s'abattant sur le papier, 349. Douglas, J.-W. différences, sexuelles des Hémiptères, 300; couleur des Homop-

Drlco, appendices en poches gutturales du,

390. Drill, différence sexuelle de couleur dans

Droite.9attitude de l'homme, 51.

Vromœua irroratus, 525.

Dromolœa, espèce saharienne de, 500.

Drongo, mâle, 506.

Drongos, rectrices en forme de raquettes

D!uioèdSs^u,551;nuditédn,57.

D^EbrI;ùxS1easrinr^ £ ^^ Duncan, docteur, fécondité des mariages

DuProN0T,eM-!°existence du trou supracondy-

DS^T-^^desTùs-és1! varia-

DUVAUCEL, femelle Hytobates lavant son

Duvet des oiseau,, 127. Dyaks, orgueil des, pour homicide, 125. Dynastes, grosseu, des mâles, 307. Dynastini, stridulation des, 333. Vytlscus, dimorphisme des femelles de, 304; élytres sillonnés des femelles, 301.

E

IcAfdnf Î7SÔJeaneSdeS' 533.

EchinSdermes, absence de caractères sexuess secondaires chez les, 286.

Ecker, figuee de l'embryon humain, 6; différences sexuelles du bassin humain,

.^kPu=ns,d^crêtesagltta'eChM

S^tfSffi^ «: afr-cains, différences sexuelles dans la co-

BnE^^rStr^VépandusenAm, riqu,, 185; absence de caractères sexuels secondaires, 239.

Nord'iTOM ^ Paî""°          Amér'qUe du

Eg^rton, Sir P., usage des bois des cerfs,

560; appariage du cerf ordinai,e, 573;

su; les mugsssements; des mâles, 577.

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INDEX

695;

Ehrenberg, crinière du mâle du C. toi»

dryas, 572. Eksteom, M., sur Hareldaglacialis, 461. ElacMstarufocinerea, mœurs du mâle, 277.

B^ttC—eT^'565. Elaphomia, différences sexuelles de, 308. Ijnp&rws «KptaonM, stridulation, 333.

Eléphant, nudité de l', 57; taux dé son

o"u ris5592 at'aqUe ^ cheVaUI bla°CS ElIvSon du^ol habité, influence modifi-

ELunNATioi'dœ'indmdus inférieurs, 148. Ellice, îles, barbes des indigènes, 612. Elliot, R,, proportion numérique des sexes

dans les jeunsr rats, 272. proportion des

sexes chez les moutons, 271. Elmott,D.-G., Pelieanus crythrorhyncus,

Elliott, sir W., habitudes polygames du

^tlSÏÏS^ .-infanticide en Po-

reconnaître les races indigènes de l'Ind..

Elytres, des femelles de Dyliscus, Acilius, Hydroporus, 304. .

blance entre les embryons des Mamm-EmStÎon, H9.

nifestées parles animaux, 73. Emulation des oiseaux chanteurs, 404. Emu, sexes et incubation de V, 526. Energie, caractéristique de l'homm,, 617. Enfants légitimes et illégitimee, propo-

tion des sexes dans les, 266-268. Engleheart M, étourneaux s'étant réap-

panés avec de nouvelles femelles, 448. Engoulevent, -rirginien, appariage do l',

1=^^ de couleur entre les mâles et les femelles de quelquss espèces d', 287.

Eï'chrmer.td.%divergence possible de

Epeira, 300; E. nigra, petitesse du mâle, Efhe.mbkidje, 302, 318.

^niîrvilium'organes st*

Ep°cDalia, 'différences sexuelles de couleur EP^RÏ.œe^cationdela,pour

Erateina, coloration de, 347.

ERGOTS, leur présenc, dans les volailles du xexe femelle 250, 253; leur dévelo-pement dans diverses espèces de Pha-

*,=: irirunTmotta^ ifnuz

Èe^sépSon'e^ l^ronr

et le scalpe dans quelquss enfantss 165 ;;

arrangement des pâb dans le fœtus hu-- main, 16o ; sur la villosité du visage des

deux sexes de l'embryon humain, 659. Esclavage, prédominance de 1', 126; des

femmes, 649.

Ese^fdedsrn^renideschamps

Esmeralda, différence de couleur entee les

EsoTl'ulius, 274.

Esox reticulatm, 374.

Espagne, décadence de l', 153.                     :

Espèces, causes du progrès des, 48; leuss caractères distinctifsr 181 ; ou races humaines, 190; leur stérilité ou fécondité lorsqu'on les croise, 187; gradation des espèces, 183; difficulté de les définir, 191; représentatives chez les oiseaux, 514; d;oiseaxx distinctes, comparaison des

. différences entre les sexe,, 517.

ES^=dpe?dL6ioppée chez

les sauvages, 100. Esirelda amandava, mâle belliqueux de, 402. Etalage, couleuss des Lépidoptères, 343;

du plumage des oiseaux mâles, 431, 440.

Ks.Tutorlrë le2. deux pour atta-

les progrès des, 154 ; modifications qu'y ont éprouvées les Européens, 216.

Etourneau, tross habitant le môme nid, 448; remplacement de leurs femelles, 447.

Eubagis, différences sexuelles de coloration

Euchirn'Xngiman^, son produit par, 334. Eudromias morinellus, 525. Euler, taux d'accroissement des États-Unis, 43. i?-wmo?no(asuperctifa™s, rectricesaraquette

Européens, leurs différences avec les Hindous, 205, leur villosité due a une révesion, 658.

KS^SntsILortions de ,a

,^a^d^r^sdseii. dans les

espèces d', 395 ; jeunss de, 536. ExAgestion, par l'homme des caractères

IxpRESs'iON^ressemblance dans I'. entre l'homme et les singes, 163.

Extinction des racest cause, 198.

Eyton, T.-C observations sur le développement des bois chez le daim, 257.

Eyzies, restes humains des, 199.

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696

INDEX

F

Fabre, M,, mœuss des Cerceris, 320. Face^os de la, causes des modifications

'Slftj^ïïa. & ses: ^Ls^ssr&r"^par Ia sé-

Facultés mentales variations des, dans une même espèce, 18; leur diversité dans

F^m^^^%uST^ de son plumage gâté, 4o9.

476; gradation des couleuss chez le, 476.

H^u^'i^r-p^

Faisans, époque à laquelle ils revêtent les caractères mâles danl la famille des,

259; longueur de la queue, 488, 495. Faisan Kalij, brutt de tambour du mâle,

Faisan polygame, 240; production d'hy-

FAWrCe^gueur de la queue du, 511.

Secheazriel47imMe' ^ marqU<!8 ** F^mVindiens. tortures subies par les, 127.

^0^»^ combattre de ,,-léphant indien, 564; canines chez un femelle, 565; sur Hyomoschus aqu--

Falkland,.îlcs, chevaux des 198. Famines, fréquence des, chez les sauv-

FA?ONs!chez le bétall et les antilopes, 582.

FARR, docteur, structure de l'utérus, 36; effets du dérèglement, 149; influence du mariage sur la mortalité, 151.

Fabrar, F.-W., sur l'origine du langage, 91 ; croisement et mélange des langues, 96; l'absence de l'idée d'un Dieu dans certaines races humaines, 99; mariages

mlyeTl tua*" PaUVre8' "9i "* "

^aîsîe nlT48SSaDt ^ **** ""V^™ Fauvett" & tête noire, arrivée du mâle

wèft-eet en Russie, 267; sur la morta-

Fécondité, diminution de la, causée par

l'inconduite des femmes; 207 ; peree de la, chez les femmes, 202.

Felis canadewis, fraise de, 572.

Felis pardalis, et F. mitis différences sexueles dans la coloration, 386.

Femblle, conduite de la, pendatt l'époqee

FE|ÉLLEsr'd'oi3S'eaux, différence* dans tes,

Femelles, présence d'organes mâles rudi-mentarres^chez les, 176; leur préférence

dTcarac^ ^xuels ^airT^s les, 245; développement des caractères mâles par les femelles, 249.

Femelles et mate, mortalité comparative des, pendant le jeune âge, 236; nombres comparatifs de, 235.

Fémur et tibia, proportion chez les Indiens Aymaras, 33. '

Fenton, diminution de ïa population dans la Nouvelle-Zélande, 203; augmentation de la population en Irlande, 203 ; causes de diminution chez les Maories, 203.

%!tt^'%&» protectrice du

F,ârrp„u?ie^3.desnègre3etdesmu-

Fièvre tierce, chien affecté de, 4.

Fui, lies, barbes des naturels, 636; coutumes nuptiales des, 655-655.

Fijiens enterrant vivanss leurs parenss vieux ét.malades, 109; appréciation de la baree

raTgToSpu6f6371rUradmirati0a^un

&^rL2Unchinois,63, , Fischere sur le caractère belliqueux du

cours de diverses émotions, 679. FlEches, têtes de, en pierre, ressemblance

la situation des phoques, 163; sur la poche gutturale de l'outarde mâle, 410.

Fœtus humain, couverture laineuee du, 16; arrangement des poils sur le, 165.

Folie, héréditaire, 20.

Forbes, D., sur les Indiens Amayras, 32; sur tes variations locales de couleur chez les Quechuas, 215; absenee de poils des Aymaras et Quechuas, 613; longueur des chevexx chez ces deux mêmes peuples,

Forel, F., sur les jeunss cygnss blancs,

Formica ru/a grosseur des ganglions cervicaux des, 55.

FossIles, absence de tous, rattachant l'homme aux singes, 171.

Fou., oies, blancs seulement à, l'âge adulte,

Fourmis, 159: se communiquent entre elles par les antnnnes, 94 ; ganglions cérébraux très grands, 55; diBférences entre les sexes, 321d se reconnaissent entre elles, après séparation, 321.

Fourmis blanchss (termites., mœurs des, 321.

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INDEX                                              697

Fourrure, blanche en hiver chez les an--

maux arctiques, 252. Fouarures, animaux à, sagacité acquise

Fo" wl-D.'s sur quelques canards sauvages devenus polygames après un dem--apprivoisement, et la polygamie chez la pintade et le canari, 241 ; proportion des sexes dans le bétail, 272; caractère belliqueux du paon, 339; assemblée nuptiale de pies, 444; renouvellemenl des femelles par les corbeaux, 446 ; perdrix vivant trois ensemble, 448; appanage dune oie avec un mâle chinois, 455. .

FRA,, des poissons, 374, 379 et suiv

France, proportion numérique des naissance, mâles et femelles. 266-267.

Fraser, C, couleuss différentes dans les sexes chez une espèce de ««««la, 298.

Fringilla cannabina, 431.

Fringilla trislis changement de couleur

an printemps, 431. Fringillidés, ressemblance entee femelles

d'espèces différentes, 516. Froid, effets supposés du, 30; aptitude de l'homme à supporter le, 216. . FRONTAL, os, persistance de la sutuee dans

1, 38. FRUITS vénéneux, évités par les ani-

FuTgiens,.capacité mentale des, 67; sentiment, quasi-religieux des, 101; puissance de leur vue, 32; leur adresee à lancer les pierres, 49; résistance- à leur climat rigoureux, 65 ; genre de vie des, 216 ; leur aversion pour les poiss sur le visage, 635; admirent les femmss européennes, 637.

Fulgorides, chanss des, 310.

G

Gjertener, stérilité des plantes hybrides,

Ga\lîcrècc, différenee sexuelle a dans la couleur des iris des, 466.

Qallicrex cristalus, caroncule rouge appa-raissant chez le mâle pendant la saison

GAdLLiNAC0Ét0pÔ°ygamie et différences sexueles fréquentes chez les, 240; gestes amoureux des, 415; plumes décomposées,

OSSJ»! des m,

zzbiïren forme de raquette

GaLinula chloropus, mâle belliqueux, 396. GaUinula cristata, mâle belliqueux, 396.

°alT iwnieyi'caractère belUqueu*du

Gaston, M., lutee entre les impulsions sociales et les personnelles, 134; génie héréditaire, 25; sur les effess de la sélection naturelle sur les nations civiiisées, 144; sur la stérilité des filles uniques,

147; degré de fécondité des hommss de génie, 148; mariages précocss des pauvres, 149; des Grecs anciene, 152; moyen âge, 153; rrogrès des Etats-Unis, 151; notions de la beauéé dans l'Afrique du Sud, 634.

Ganoides, poisson, 180.

GAOUR, cornei du, 55o.

Gardener, sur un exempee de raison chez

un Gelasimus, 298. Gardon, éclat du mâle pendatt la saison

de la reproduction, 374.

Gatlrophora, ailes brillamment colorées en

GaSs", défaut d'humanité chez les, 132. Gaudry, M., sur un singe fossile, 167.

Gsa£/n ^îngement de plUmage aTCC la Geai? jeunes" du, 529; du Canada, jeunes,

ns^,-ïsSKWdœ -

Gelasimus, emploi des grosses pincss du mâle, 295; caractère belliqueux des mâles 298; proportion des sexes dans une

G^ALSe^omme,170. Génie, 616; héréditairee 25-26; fécondité des hommes et des femmss de génie, 148.

sur l'existence d'une queue rudimentaixe chez l'homme, 20; monstruosités, 28; anomalies semblables à celles des animaux dans la conformation humaine, 38; corrélation des monstruosités, 42; répartition du poil chez l'homme et les singes, 58; sur les vertèbres caudales des singes, 59; sur la variabilité corrélative, 59-60; classification de l'homme, 159; long;'cheveux occupant la tête d'espèces de Semnopilheeus, 164 ; développement de cornss chez les femelles de cerfs, 553; et F. Cuvier, sur le mandri,l, 590; sur l'hylobates, 610.

GSrEspéc^^ezpr^om,nt GeometrIe, vivement colorées en dessous

Geo4hmos'protuWranco frontale du mâle'

gJÔr'gie,' changement de coloration chez des Allemands établis en, 215.

Geotrupes, stridulation des, 333, 335.

Gerbe"m., sur la nidification des Crenila-brusmassaetC.mèlops.m.

Gerland, docteur, prédominance de l'infanticide, 125, 632, 647i sur l'extinction des races. 195,' 199-bo.         .

Gervais P., viUosité du gorllle, 58; mandrill, 590.

divêrses races humaines, 619.

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698

INDEX

Gibbon, Hooloçk, ne* du, 164. Gtbbons, voix des 378.

Glareoles, doubee mue des, 427. Olomeris limbata, différences de couleuss dans les sexes, 302.

gSrSSÏÏ^S^. la cou-leur, 587.

Gobemouches, couleur et nidification des, 499; amér.cam, reproduisant avant d'avoir son plumage adulte, 532.

Gobies, nidification des, 379.

G='d1-'t^29ÎriSe^^ nexion entre le climat et la coloration de ~apeau, 212; odeur de la peau, 217; coloration des enfants, 610.

^^=^1^X1.^ " Goncpteryœ Rhamni, 343; différenee sexuelle

GooVsmTprofeteur, affinité entre l'Am-

G^^Sse1mtdroitedu,,;

mode de combattre du mâle, 614. Gosse, P.-H., caractère, belliqueux des

Gs]1duSa5^l'mo<iification3 arti-

des soldats américains 29-31 ; proportions des corps et capacité des poumoss dans différentes races humaines, 1S3n vitalité inférieure des mulâtres, 187. GouLd, J,, arrivées des bécasses maies avant les femelles, 232; proportion nu-ménque des sexes chez les oiseau,, 273 ; sur le Nemorpha, 395; sur les espèces à'Eustephanu*. 395 ; sur le canard musqéé australien, 394 ; grandeur relative des sexes dans Bisiura tobata et Cincloram-phus cruralis, 394 ; sur Lobivanellus loba-<us 401; moeurs du Menura Albert!, 407; rareté du chant chez les oiseaux parés de vives couleurs, 407; sur Selasphorut platycercus. 414; survies oije™£ con-

struisant des berceaux, 418, 444; plumage d'ornement des oiseaux-mouches, 423; mue du ptarmigan, 428- déploiement de

1----- TlInmaO-O n,1r 1«! Aicoonv.mnii^oo

leur plumage par les oiseaux-mouches maies, 432; sauvagerie des oiseaux males ornés, 441 s décoration des berceaxx

les oiseaux de couleur obscure construi-t^^S&,1„8i;^!e1

Sratnn^^Wlrjeu^dl AUhur-ns polytmus, 53è; couleurs des

becs de toucans, 641; grosseur relative des sexes dans les Marsupiaux australiens, 566; couleuss des Marsupiaux, 585.

GoUt, chez les Quadrumanes, 593.

Goutte, transmission sexuelle de la, 261.

Gradation des caractères secondaire^ chez tes oiseau,, 471.

Grallatores, manquent de caractères secondaires, -'40; doubee mue dans

GroW.'noTnidification des, 498.

Gratiolet, professeur, sur les singes anthropomorphef, 167; sur leur évolution, 194; sur les cerveaxx humains, 220-224.

Graveurs, sont myope,, 32.

GposLAÎ91gradati011 dœ eSPèCeS de C°m"

GIFy' LE' vert,èbres saudales des singcs'

. 59; présence de rudiments de cornes chez la femelle du Cervutus moschatus. 553; sur les cornes des chèvres et des mouton,, 553; barbe de l'ibex, 582; chèvres de Berbura, 584; différences sexueles dans la coloratio; des Rongeurs, 585 ; couleurs des créa,, 587; sur l'antilope sing-sing, 5&8; sur les couleuss des chèvres, 588 ; sur le cerf-cochon, 599.

Grec, W.-R., mariages précocss des pauvres, 150; sur les anciens Grecs, 153; effets de la sélection naturelle sur les nations civilisées, 144.

Gregory, M., diminution de naissances chez les indigènes de Queensland, 202.

GRENOUiLLlsfS^Té'ceptacles temporaires existant chez les maies pour recevoir les œufs, 227; mâles prêts avant les femelles pour la reproduction, 232; organss vocaux des, 29.

Gpey. Sir G.,, sur l'infancicide féminin en Australie, 647.

Grillon, des champs, stridulation du, 312; caractère belliqueux du mâle, 317; de mabon^ridulation, 317; différences

Grive! appariée à un merle, 454; couleuss et nidification do la, 499; caractères des jeune,, 510.

Grosse gorge, pigeon développement tadif de l'énorme jabot du. 261.

Grube, docteur, présence d'un trou supra-condyloïde dans l'humérus de l'homm,, 19.

Grvs amerlcanus, âge du plumage adulte, 534; reproduit ayfnt encore le plumage

^3«^n,u^rtridUlati0n g^Œ^'ixuellesdubecde^.

^té?' °0mbas8 dCS' 550; leUrS can'" GuTnas, 'luttes pour les femmes chez les,

614; polyandrie chez les, 6-13. Guanches, squelettes, trou supra-condyloïda

de l'humérus, 20. Guaranys, proportion entee les hommss et

iîsra^wr des —

GulpiEEERSA407XeS HWevthra' m-GWLPmN^L.,.stridulation chez les Locu--

GuÎLLÊMÔT;Yariétédu,465.

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INDEX

699

Guinée, joutons de, les mêles seuls sont

GuS^k, docteur, - hermaphrodisme chez le Serranus, 176; poissons miles couvatt les œufs dans la bouch,, 178. 380 ; poissons femelles sfeiles pris pour des mâIes, 274; organes préhensiles des pois-

S^Œ d^cesdseS ^^^VÎs^hl^pSeS

nouilles et des crapauds, 334; différences sexuelles chez les Ophidiens,'386 ; diffé-

3^8°etsu1vnS tes seMS Ch6Z tes 'éZardS' GimnantaIsis, taches ocellées du, 469.

H

Habitudes, mauvais,s, facilitées par la familiari'é, 132; variabilité de la force

Hjckel,.e., caractère; rudimentai,es, 7; dents canines chez l'homme, 39; sur la mort causée par inflammation de l'appendice vermiforme, 19; degrés qui ont amené l'homme à êtee bipède, 52; l'homme comme membre du groupe Catarrhin, 169; situation des Lemundée, 171; généa-

log;e des Mammifères, 170; sur l'am-phioxus, 173; transparence des animaux pélagiques, 2S8; sur les capacités muscales de la femm,, 627.

Hagen, H,, et Walsh2 B.-D., sur les Né-

Hanches, proportion des, chez les soldass et les matelotr, 31.

HdibCr0aC^'hâ''28SUleUrS *"* M<"1USqUeS nU" HARCOURTrÉ. Ve'rnon, sur FHngilla canna-

HaTetda glacialis, 461.

Harlan, docteur différenee entre les esclaves des champs et ceux de la maiso,, 216.

Harl gradd (Mergus merganser), jeunss du, ofSn trachée du mâle, 410.

Harris, J.-M., relations entee la com-plexion et le clima,, 214.

HARRis, T.-W., sur'le Platyphillum, 311-312; sur la stridulation des sauterelles, 91=;. a,,- vrr,„*.,k... „.-,.„;,s 318t colora-coloration du

315 ; sur l'Œcanthus nivalis, 318; coloration des Lépidoptère- *^ »i™«™ *-SatumiaIo,Zil.

Hartman, docteur, chant.de la Cicaaa sep-temdecimtè\0.

Hayes, docteur, chiens de traîneau divegean, sur la glace mince, 78.

Hearne, contestations entee les Indiens de l'Amérique du Nord au su et des femme,, 614; leurs notions sur la beauté féminine, 632-633; enlèvements répétés d'une Indienee de l'Amérique du Nord, 654.

Hec<ocolyU 290

?eGpaon 259 PPm                 "*

HiucMiDiM, 339; leur imitation par d'au-

ffgpaa«PÀeS0,nstri°dulation propee au mâle,

Heliotrix am-iculata, jeunss d\ 513. Hélix pomatia, exempee d'attachement individuel dans un, 290. Hellins, J., proportion des sexes de Lépi-

HE^T^raS polls auditifs *. Crustacés, 622.

2=^ deux sexes imberbes, 58, Hémorrhagie, tendance à une abondante,

hÈpb'urn, M., chant d'automne du cincle,

H%ialus humuli, différenee sexuelle de couleur dans le, 348. Herbes vénéneus,s, les animaux évitent

Hérédité, 25; effets de l'usage des organes vocaux et morau,, 93; des tendances morales, 133; de la vue longue et

s^iftX^ "256:

Hermaphrodisme des embryons, 176.

Siie^S^oiSco^ue^ crête et des huppes chez quelques mâles, 533; changement de couleur, 543.

Hekon, Sir R,, moeurs des paons, 459-460.

Helœrina, différences dans les sexes, 319; proportion dans les sexes, 280

Helerocerus, stridulation du, 332.

Hewitt, M sur un coq de combtt tuant un milan, 398; canards reconnaissant des

. chiens et des chats, 454 ; apparia ge d'une cane sauvage avec une sarcelle mâle,

^^^o«tr^av^

hSM^SMSU.*—t de" nouvelles femelles, 447.

Hindous, horreur des à rompee avec leur caste, 131, 134; différences locales quant a. la taille, 31 ; différences avec les Européens, 205 ; couleur de leur barb, 610

Hipparchia Jamra, instabilite des taches ocellées de 1', 469.

Hippocamp-us, développement de 1', 178; réceptacles marsupiaux du mâle, 380.

sr0sE,rdîSd?if52, 5=^^»=^, i,,

Hochequeues indien,, jeunes des, 513. Hodgson, S,, sur le sentiment du devoi,,

Hoff.berg, boss du renne, 553; préférences sexuelles manifestées par les renne,,

HoIland Sir H., effets des maladies non-

HoÏi^dais, conservation de leur couleur

dans l'Afrique méridionale, 212. Homme, variabilité de 1', 23; regardé à tort

comme plus domestique que d'autres an-

gSr^l^f^im^^trit

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700

INDEX

premiers ancêtres, 175; ses caractères

STm»"00                  état primltif

Hi°=ns.Tati0° CWréIatiTO dœ Homoptères, 310 ; discussion de la stridulation chez les, ainii que les Orthoptères,

Honduras, Quiscalus major dans 1\ 274. Honneur, loi de r, 130.

Honneur, loi de 1

W/^rt^CTD .T/\ci ru

H?homSeJ610.C°UleUr ** '* barb6 ^^ HOOLO^GIBBON, nez du, 164. ~oplopterus armatus, ergots alarres de 1",

Hori^gers, vue couree de», 31,

HSEantS-co=n =fœUt"eTfdet

lézards et des oiseaux, 318. Hottentotes, femme,, particularités des.

Hott.entots, pour des, 186; font de bons musiciens, 624; leurs notions sur la

638des femmeS' 633 ' comprœsioa du

"S: k % ^TttiLSt

rées, 321. Hu,, ïes opinions chinoises sur l'aspett des Européeni, 632.

|=,ia-io,

Humanité, inconnee aux sauvages, 127,

Humb.oldt, A. von, sur le raisonnement des mulets, 82; perroquet ayant conservé le langage d;une tribu éteintt, 198; sur les arts cosmétiques des sauvages, 628; exagération des caractères naturels par

américmaens636àpeintUre ""^ ^ lDdien3 HUME^DTs'ur les sentiments sympathiques; 116.

365PHRETS' H"N" mœUrS d<! répinoche' Huns anciens, aplatissement du nez chez

les, 638. HunTer, J., nombee d'espèces humaines, ' 190; caractères sexuess secondaires, 226; conduite générale des femelles pendant qu'elles sont courtisées, 243; musclea du larynx dans les oiseaux chanteurs, 407; poils frisés sur le front du taureau, 582;

Tla\âne repouséé par une feraelle

de zèbre, 592.

iSà^iSES^ donnais-sait les personnes, 451.

Hutton, cap,, sur le bouc sauvage tombant

„--«»»»; W*?-^ le „ de l'hommT et celuo des animaux, 2; âge adulte de l'orang, 5; développement embryonnaire de l'homme 6-7, origine de l'homme, 8; variation dans les crânss des.indigènes australiens, 24; abducteur du cinquième métatarsien dans les singe,, 41; sur la position de l'homme, 163; sous-

ordres des Primates, 166; sur des Lému-ridés, 171; sur les Dinosauriens, 173; sur les affinités des Ichthyosauriens avec les Amphibiens, 173; variabilité du cràne dans certaines races humaines, 190; sur les races humaines, 193; structure et développement du cerveau chez l'homme et chez les singes, 219.

Hybrides, oiseaux, production d', 454.

Hydrophobie, pouvant se communiquer des animaux à. l'homme, 3.                   4

Hydroporu,, dimorphisme des femelles de,

Hyelaphusporçirws.599.

&&X'c3ha.n,antesde,385.

Hylobates, affection maternelle, 72; absence de pouce, 50-51; marche relevée de quelques espèces, 52; direction des poite sur tes bras, 165; femelles moins velues en-dessou, que les mâles, 611.

^^aa^^s^UiaS;

Hylobaiec 1er, 51 ; poils des bra,, 165.

Hylobales leuciscus, 51.

Hylobales syndaclylus, 51 ; sac larynéé du,

HY§dr=aux3^, «stïïJsjk

ceux pourvus d'un aiguillon, 307 ; un hy-ménoptère parasite dont le mâle est sédentaire, 243.

Hyomoschus aquaticus, 599.

Hypplhra, proportion des sexes dans I',

Hypo'gymna dispar, différences sexuelles

dans la coloration, 347. Hypopyra, coloration de l', 346.

1

ibex mâle tombant sur ses corne,, 558; sa barbe, 582.

Ibis écalarto, jeunes du, 528; blanc, modfications dans la cou,eur des parties nues

duct?onpe4a27 pendatt la saiSOn de rePr°' mTtMtalus., âge auquel il revêt son plumage adulte, 531 ; reproduisant dans son plumage antérieur, 532. Ibis^ plumss ^ décomposées, 421; blancs,

%ÈEïï£ïSr des — 3n-

Idées générales, 97. IDIOTS^microcéphales, facultés imitatrices

Imagination, existe chez les animaux, 78.

IM7r Sanii t IFS. ff jsvî-a

Imprégnation, influence sur le sexe, de

INc^^^ùSe de que.ques sauvages de les briser ou de les limer,

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INDEX

701

INdâneNm'lâVerSi<>n P°Ur' Un<! veruU m°"

Inde™ difficulté de distinguer les races in-

. digènes des. 182; Cyprinides des, 377;

couleud de la baràe Sans les races de,

Ind'iens de l'Amérique du Nord, honneur pour celui qui a scatpé un homme d'une autre tribu, 125.

Sr^acouleuss des sexe,, 503.

Infant.c.de, prépondérance de 1', 45, 125;

cause supposée, 632 ; prévalence et causes,

Infériorité physique supposée chez l'hom-

In?lÀmmation d'entrailles se présentant

chez le Cebus Azarœ, 3. Influences locales, effet des, sur la taille,

Inqu'Is.t.on, influence de 1', 153.

Insectes, grosseur relative des ganglions cérébraux des. 54 : poursuite des femelles par les mâles, 232, époque du dévelop-

=itddrs6of9ractère5seiuds>259istri-

Instinct migrateuï, dominant l'instinct maternel, 114. Inst.nctIfs, actes, résultat de l'hérédité,

Instinctives, impulsions, différences dans leur puissance, 117; leur alliance avec les impulsions morales, 122.

Instincts 69, leur origine compliquée, par sélection naturelle, 69-70; origine possible de quelques-uns., 69-70 ; acquss. par les animaux domestiques, 110; variabilité de leur force, 114; différence d'intensité entre les sociax; et les autres, 117,

Instinct migratoire, - voyez Migratoire.

Instruments, employss par les singes 85;

façonnement d', propres à l'homme, 87.

N4™7l5NTALE, muS'que' chez l6S °'SeaUX'

Intell.gence, M. H. Spencer, sur l'aurore

de 1', 69 ; son influencc sur la sélection

naturelle dans la société civilisé,, 146.

Intempérance, admise chez les sauvages,

Ivresse, chez les singe,, 4.

ifirsTaSen^^uêlle de couleur chez les oiseaux, 420-466.

luius, suçoirs tarsaux des mâles, 302.         ..

J

Jacquinot, nombee d'espèces humaines, 190.

Jaeger, docteu,, difficulté d'approcher les troupeaux d'animaux sauvages, 107; ac-

croissement de longueur des os, 30; destitution d'un mâle de faisan argenté, pour cause de détérioration de son plu-

JaSbes,, variations de longueur des, dans l'homme, 24; proportion des, dans les soldats, et les matelots, 30; antérieures, atrophiées dans quelques ; papillons mâ-

les, 303 ; particularités dans des insectes , mâles, 302. Janson, K.-W., proportion des sexes du

îlnSle! Vil">sus-279i colé°Ptères stridu-

.Tapon,' encouragement a la débauche au, 46.

Japonais, généralement imberbes, 612; ont

une avers.on prononcée pour les favoris,

JarWe, Sir W,, sur le faisan argu,, 421,

Jar'rold, docteur, modifications du crâne causées par des positions non naturelles,

Javanais tallee relative des sexes, 612;

leurs notions sur la beauéé féminine, 634. Jeffreys, J--Gwyn, forme de la coquilee

suivant les sexes des Gastéropodes, 289 ;

influence de la lumière sur la couleur

des coqullles, 290. Jenner, docteur, sur la voix du corbeau,

4H1 ; pies trouvant de nouvelles femelles,

J3iÎ5;hr^^°mrs

tant en dehors de la saison voulue, 449.

396; AeVOrtygornisgularis 399;ergots du Qalloperdtx, 400; mœursdu Lobivanellus, 401; sur le bec en cuiller, 411; bruit dé tambour effectué par le faisan kalij, 413 ; sur l'Olis bengalensis, 417 ; sur les huppes auriculaires du Sypheotides awritus, 422 ; doubles mues chez certains oiseaux, 429; mues des Nectarinides, 429 ; étalage des mâlesr 431; changement printanier de couleur chez quelques pinsons, 431 ; étalage des tectrices inférieures par le bul-bul mâle, 440; sur le busard de l'Inde, 461; différences sexuelles dans la couleur des yeux des calaos, 466; marques du faisan tragopan, 470; nidification des orioles, 511; nidification des calaos 512; sur la mésange sultane aun,, 503 ; sur Palœornis javanicus, 506; plumage des jeunes oiseaux, 511 etsuiv.; espèces re-présentatives d'oiseaux, 514; habitudes du Turnioc, 522; augmentation continue de la beauéé du paon, 533; de la colortion dans le genee Palœornis, 543.

Jevons, W.-S., migrations de l'homme, 47.

JOH3S%°9NE, "eUt'' SUr 1,éléphant indien'

SsTSAS,;^=^e^xes dans'

J^TErLéEroSurmoucbesde,536.

JTe^neSex:T5%5rieuf'uni;Sïé

^«ondiïimSér?queie3dt8lSanc2eJ masculines et féminines parmi les, 266; chez les anciens, pratiques du tatouage,

Jumeaux, tendance héréditaire a produire

Junontà. différences sexuelles de coloration

dans les espèces de, 340. Jupiter, statues grecques de, 636.

K

KaUima, ressemblance a une feuille flétrie

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702

INDEX

Kalmucks, aversion des, pour les poils sur la | figur,, 635; coutumes matr.moniales,

KANGOUROU.gand rouge, différencs semelle ^S^i/n^^^e^es

KÊSSp^^de'a-nerdes

KlNG, W.-R., organes vocaux du Tetrao cupido, 408; bruit de tambour du grouse, 412; sur le renn,, 553; attraction du ceri maie par la voix, de la femelle, 578.

King et Fitzroy, coutumss matrimoniales des Fuégiens, 655.

382SLEY' °'' S°nS pr0duitS par VUmbrina'

Kibry et Spence, cour des insectes, 242;

différences sexuelles sur la longueur de

LtŒ^3^ScuÏÏH^dK

?etuvededes ?£ £fc Siff^" luminosité des insectes, 307; sur les Fui'

forme de corne chez les Curculionides

l'homme, 19e traits du jeuee Memnon,

Koala, longueur du cœcum, 18.

Kobus elhpatprymnus, proportion des sexes,

Kœlr buter, stériUté des plantes hybrides,

Eœppen, F.-T., sur la sauterelle émigrante.

Kord.ofan, protubérances articiciellement

produites en 628. Koudou, développement des cornss du,

2o7 -, marquel du, 597. Kowalevsky, A., affinité des Ascidiens

avec les Vertébrés, 174. Kowalevsky W caractères belliqueux

d mlngerao1sdeaT,é,t410S2.raMe' ^ ^'^ du

Krause, corps enrouéé placé & l'extrémité

de la queue dans un Macacus et un cha,,

Kupper, prof,, affinité des Ascidiens aux Vertébrés, 174.

LabidoceraDarwMi, organes préhensiles

du mâle, 293. Labrus, belles couleuss des espèces de,

376. tîbZl%?: ^^—.103,371.

^cX^iSn?^^» ResNaye, M. de, oiseaux du paradis,

Laideur,. consistant soi-disatt en un rapprochement vers les animaux inférieurs,

LamÊllibrancAiata2 289. Lamellicornes, coléoptères, apophyses en forme de cornes portées par la tête et le

thoraxl 324; analogie avec les Ruminants 328; influence exercée sur eux par la sé- lection sexuelle, 330; stridulation, 333-331. Lamont, M., défenses du morse, 551 ; sur

l'usage qu'en fait l'animal, 504. La™Vgm'PorphyruruS, C°U'eUr9 *" '* *" LaT^re femelle état aptère de la, 227; LA^T^dTia,^.

312; sur leDeUicui,314; organes stridulants des Acridiensi 315; présence d'organes stridulants rudinventaires dans quelques Orthoptères femelles, 317; strsdulation du Aecrophorus, 332; organe stridulant du Cerambyx héros, 333 ; organes stridulants

passas a/5S a:

lanfc du Geotrupes, 3.i3. Langage, un art, 90; origine du, articulé, 91; rapports entre ses progrè, et le développement du cerveau, 93; effets de l'hérédité sur la formation du, 93; sa complication chez les nations barbares 96; sélection naturelle du, 96; gestes, 195; primitif, 197; d'une tribu éteintt, conservé par un perroquee, 198-199.

complication n'est poinm un critérium de perfection ni une preuve de leur création spécialer 97; ressemblances entee les.. prouvant leur communauté d'origine, 161.

Ll4ÏÏ4?rêfStsRde^Z^sTP?.nS: pérance, 149.

Lanugo, du fœtus humain, 17, 656.

Lapin, queue blanche du 594; signaux de danger chez les lapins, 106 ; domestique, allongement du crâne chez le, 57; mod-fication apportée au crâne par la chuee de l'oreille, 56; proportion numérique des sexee dans le, 27Ô.

Lapon, langage, très artificiel, 96.

Larmiers des Ruminants, 5S0.

LARTET, E., grosseur du cerveuu chez les Mammifères, 8b; comparaison des volumss des crânes de Mammifères récenss et tertiaires, 55; sur le Dryopitheats, 169.

Larm, changement périodique de plumage,

Larynx, muscles du, chez les oiseaux chan-

Lasiocàmpa quercus, attraction des mâles

par les femellec, 277; différences sexuelles

de couleur, 347.

Latham, H.-G., migrations de l'homm,, 47

1-ATOOKA^me du, se perforent la lèvre

LaurillIrd, division anormale de l'os malaire dans l'homme, 37. Lawrence, W sur la supériorité des sau-

fu^^^:39i.ractoebeIliîaeux

L

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INDEX

703

Laycock docteur, sur la périodicité vitale, 4. Lecky. M., sur le sens du devoir, 103; suicide 156 ; pratique du célibat 128 ; opinion sur les crimes des sauvages, t28; éié-vation graduelle de la moralité 134. Leconte, J.-L., organe stridulànt des Co-prini et Dynastinn, 333.

^&35£%£ DUmériqUe ^ Se"8

L^es^^S8^b-^0rti0ndes Leguay, sur l'existence du trou supra-con-

tEdKttxr^Lhr^iS;443.

l leur, 589.

LE166RS, utér°3 d63' 37i espèC6S saDS qUeUC' LÉMUEiDÉs, 166; leur origine, ISO; leur position et dérivation, 171 ; orellles des 13i variabilité de leuss muscles, 40. LENGUAS,,défigurent leuss oreilles, 630.

Ltpidotiren, 173, 180.

^p«toL«, différence de couleuss des

les hirondelles abandonntnt leurs jeunes, LessÉ, vallée de la, 20.

Z,ed'esrmmàles2,3270",S' caractèl'es belli<lueux Leuckart^'r.'; sur la vésicule prostatique,

21 ; influence de l'âge des parents sur le

sexe des descendant?, 269. Lèvres, percement des lèvres par les sau-

vages, 630.

Libellulides, appendices de l'extrémité caudak 30! e grosseur relative des ~exes,

L.çhtenstein.suW*™,™,,»*, 459.

LS enïre^e?SgST" *" ^ ^ Lieu de naissance de l'homme 169. Lilfort, lord, attrait qu'ont les objess

£=^«,273.

Linné, vues de, sur la position de l'homme,

162; son opinion sur l'homme, 220. LINOTTE, proportion numérique des sexes

chez la, 273o front et poitrail écarlates

de la, 430; assiduités de cour, 438. LION, polygame, 239; crinière du, défensive

571 ; rugissement du, 577 ; raies chez les

jeunss du, 509. Lion marin, 239. Lithobius, appendices préhenslles de la

femelle, 302. Lilhosi,, coloration.de la, 345. Liltorina litlorea, 289. . .

fr^S^r-aprè'^avrS/^au^ climat froid, 213; sur l'oie à ergots alaires 400; sur des oiseaux tisseurs; 410; sur un engoulevent (Cosmetomis) africain, 420, 441u cicatrices des blessures faites aux Mammifères mâles de l'Afrique du Sud, 550z enlèvement des incisives supérieures

L.S, Snt numérique des nais-sances mâles et femelleé en, 267.

LloYd, L sur la polygamie du grand coq de bruyère et de l'outardes 210 ; proporfon numérique des sexes dans le grand coq de bruyère et le noir, 273 ; sur le saumon, 368; couleur du scorpion de mer, 370; caractère belliqueux du grouee mâle, 399: sur le caperlailzie et le coq noir, 405 ; appel du capercailzie, 411; réunion de grouses et de bécasses, 444; appariage d'un Ta-dornavulpansèr avec u^cana^rd commu,, 454; combats de phoques, 550; sur l'élan,

Lobivanellus, ergots aux ailes, 401. Locales, effet des influences, sur la taille, 29. Lockwood M., développement de VHippo-campus, 178.

L=Sdei:^tioiichezI-3ll!

Longicornes coléoptères, différences de couleur dans les sexes, 323; stridulation

LonsÔale., M., exemple d'attachement pe-sonnel observé chez un Helixpomatia, 290.

LOdes°màlesC381S' réceptadeS marsuPiaa» Ç&S^nc^^esdecou-

foi?5:r^i—„,367.

309NE,           ~ SUr MUS°a VOmit0ria' U<

Loxià, caractères de, jeunes du 510 Lubock,Sir.J., capacités men,ales des sauvages 57; origine des instruments 86 ; simplification des langues, 97; sur lab-sence de touee idée de Dieu'dans cer-taines races humaines. 99; origine des croyances aux agents spirituels, loo ; sur les superstitions 102; sens du devoir, 103;

128; sur la parl prise par M. Wallace a l'origine de l'idée de la sélection naturelle, 49i absenee de remords chez les sauvages 142; barbarisme antérieur des nations civilisées, 155; améliorations des arts chez les . sauvages, 157; sur les ressemblances des caractères de l'esprit dans différentes racss

fn=Pr^«ariPS^chez

vages, 6276 appréciation de la barbe chez les Anglo-Saxons, 636; déformation artificielle du crân,, 637; mariages commu-

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704

INDEX

naux, 642; exogamie, 645; sur les Yed-dans, 646-647 ; la polyandrie, 648

LUcanides, variabilité des mandibules chez les mâles des, 330.

Lueanus, grande tailee des mâles de, 307.

Lucamytrvut, proportion numérique des

Lumière, effets supposes de la, 30; son influene, sur les couleurs des coquilles, 289. Luminosité chez les insectes, 304.

iïïSrSfiîWÏ- trouvés dans des Lu|r^^e^chez,,omme,151)

&n|~TeUe^eda^47les es-

Ly^/sifc.; parallélisme entre le développement de l'espèce et celui des langues, 95; extinction des langues, 96 ; sur l'inquisit;on, 153 ; les restes fossiles des Vertébrés, 171 ; fécondité des mulâtres, 186. Lynx canadien collerette du, 572 LyRe, oiseau (Mermra superba., 444.

M

Macacus, oreilles de, 14;' corps enroulé &

^d^qrad=^r^;

^^o^treades sourcilières, 610; barbe et favorss blanchissant avec l'âge 611.

Macacu, rhésus, différence sexuelle dans la couleur du, 591 ; habitude indécente du,

    l'homme que chez la ferame, 245.

MAC Clelland, .,., cyprinides indiens, 378.

MAC Culloch Col , village indien ne ren-

fermant point d'enfante du sexe ferai-

Mac'culloch, docteur, fièvre tierce chez

un chien, 4. Mac Giluvray. W., organss vocaxx chez

Sb=^p-lit^^;

    ferlesV^ef dt ïïïï"5

d'une grive, 454; sur les corbeaux-pies, 465l sur les couleurs des mésanges. 502;

non adulte des oiseaux; 511 et.

Machetes, sexes et jeunes des, 533.

Jlfac^^^Mffna^proportionnumériquedes sexes 273; supposé polygame, 240; mâle très-belliqueux, 396; double mue chez

Mâchoire, influence des muscles de la,

sur la physionomie des singes, 54. MAchoires, suivett danseur rapetisse-- ment le même ; taux que les extrémités

31; influence de la nourriture sur la grosserr des, 31; leur diminution chez Phomme 54; réduction des, par corrélatioe chez l'homme, 615. Macintosh, sur le sens mora,, 103; on-

M!cnLACHLAN,R,,surApa(a«iam«i«e!.r«et

Shlsifcbr^^^e de dispositions belliqueuses chez les libellules mâles, 320; sur les phalènes (Hepialus hnmuli) des iles Shetlanl, 350. Mac Lennan, M., sur l'origine delà croyance à des agents spirituels, 100; prédomi-nanee de aa débauche chez tes sauvages, 127; sur l'infanticide, 45, 647; sur l'état barbare primitif des nation; civilisées, 155e traces de la coutume delà capture forcée des femmes, 157, 647; sur la po-

mKmara, M., sur la sensibilité des habitants des iles Adaman, 206.

Mac Neill, M., usage des boisuu cer,, 561 ; sur le lévrie, d'Ecosse, 5C8 ; poils allongés de la gorge du cer,, 572; mugisse-

M^EU^noi^d^ncesexueUe de couleur chez la, 540; bec brlllant du mâle,

Jl/ocrorft(m«sî)ro6osc«de«s1strucluredunez,

Maillard, M., proportion des sexes chez

MA^T'g-des chez des campagnards, 31; conformation des, dans les quadruman;s, 49; la liberéé de mouvement des, et des bra,, est en corrélation indirecte avec la diminution des

mSTÀlo,lo, perforation de la lèvre supérieuee chez tes, 630. Maladie, engendrée par le contact des

M^SS»à l'homme et aux animaux' inférieurs 3; différences que présentent différentes races humaines dans leur aptitude a contracter certaines maladies, 182; effets de nouvelles, sur les sauvages, 199; limitation sexuelle

MALADE; os, division anormale de, chez

MalaTs? archipel, coutumes nuptiales des

se teindee des dents, 628; leur aversion pour les poils sur le visage, 635.

Mr?èmaeïens:ra23ine-PaUrdeIurP°rsT recherche de celles-ci 241; sont en général plus modifiés que les femelles, 241; différets de même manière des femelles et des jeunes, 257.

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INDEX

703

loQnlige' 236; "°mbee C°mParatif d(!

mIlt^W le taux d'accroissement ffïi^^&Sii chez tes Mamm-

SE ,^«^0^1,=^-

Mamelons, absence de, chez les Monotrè-

MammifÈres, classification des, du professeur P. Hubert, 159; généalogie des, 172; leurs caractères sexuell secondaire;; 550: armss des, 551; comparaison de la capacite du crâne des récents et tertiires, 55; grosseur relative des sexes, 566; poursuit? des femelles par les mâles, 2,2; parallélisme, quant aux caractères secondâmes sexuels, entre eux et les oiseaux, 59;; voix des, servant spécia-ment lors de la saison reproductricer 620.

Mandans, corrélation entre la couleur et la texture des cheveux, 217.

Mandibule, gauche, agrandie chez le maie du Taphroderes dislortus. 305. .

Mandibules, leur usage dans i'AmmpphUa, 303 ; grosses, du Corydalis carnutus, 303 ; dans le mâle du Lucanvs elaphus, ,03.

Mandrill, nombre de vertèbres caudales du, 59; couleuss du mâle, 590, 593, 604.

Mantegazza, professeur, sur les ornements des sauvages, 627 et suiv. ; absence de

^r^;isN:=fSeis-r

Zélande, 651. ManlU dispositions belliqueuses d'espècss

de3 31». MAORiES,delaNouvellc-Zélande,202; causes . de la diminution des, 203 ; recensement

Marc-2a°urèi.e, sur l'influence des pensées habituelles, 132.

£ïïia£. sur tes moeurs, 127-12S; entraves au mariage chez les sauvages, 46; influence du, sur la mortalité 151 développement du, 614.

Mariages, communaux, 642, 644; précoces, i50.

MenTrEsSd'oTsêluxvée6S da"3 *** g''°UPeS MARSHALL^ircérveau dune femme bos-chimane, 183.

mlntde^em^^cti^ï^ abdominaux, 227; taille relative des

SB^=fi^par un

?^n64?rMeïuntrf

^s^^o^S'^^ofè Martin, barbes des habitante de Saint-Kilda, 612.

lion de l'appendice vermiforme, 19.

MARTINS-PÊCHEURM07; couleuss et nidifications des, a00, oOl, o03; plumage antérieur A celui de l'état adulte, 513-514; jeunss des, 598-529; rectrices caudales en raquette chez un 421.

MASTOiDiENNES.apophyses chez l'homme et les singe,, 53.

Bridgman, 93l développemens des organes de la voix, 93.

MZ?!ù cTine"37d7omeStiCatiOU ^ P°US°U MayheI", E.'.Tffection entee chiens de sexes

MaInTr^c"4. sexes du Chrysemis pieta.

Meckel, variation corrélative entre les

muscles du bras et de la jamb,, 43. Médvses, couleurs brillantes de quelques,

Mégalithiques, prédominance de construc-

Mègapicusjalidns, différenee sexuelle de

couleur, 502. Megasoma, grande taille des mâles, 307.

MSsdef^ain^d!^s^3 *

MÉLIPHAG.DES, australiens, leur nidifica-ilèîh'a, caractères sexuels secondaires des, Meloë, différence de couleur dans les sexes

MÉMoîEES,Pm.andifés3ta'îions de, chez les animau,, 77.

Mentale, puissant, différences dans les deux sexes de l'espèee humaine, de la,

Menura Alberti, 444 ; chant du, 407. Mennra superba, 444; longue queue des

Mergan^r3,trachée du mâle, 410.

^::=r:'n5S^edu'431.

M^^ér=-V=fedUd^-,e,240; sexes, 541 ; appariage avec une grive,

coloration, 540. Merle, à plastron, 499. ' Mésanges, différences sexuelles de couleur

dans les, 502. Messager, pigeo,s développement tardif

des caroncules dans le, 262. Metalhira, rectrices splendides du, 4S5. Methoc* ichneumonides, grand mâle du, 307. Meves, M., bruit de tamboud de la bécasse,

Mexicains, civilisation des, non étrangère,

Meye'r, corps enrouéé a l'extrémité des queues d'un Maoacus et d'un chat, 21.

Meyer, docteur, A., sur l'accouplement de phryganides d'espèces distinctes 303. .

^'GRA^rS^ie^oistaux,,!,; prépondérance sur l'instinct maternel, 114,120.

45

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706

06

INDEX

Milan, tué par un coq de combat, 397. Mill, J.-S., origine du sens moral, 04; principe au <ï plus grand bonheur», ;2y;

Milvago leucurus, sexes et jeunss'du, 526.

Miroir, alouettes attirées par le, 4~2. Mivart, Saint-Georges, réduction des organes, 9i oreille des Lémuroïdes, 1-; variabilité des muscles chez les Lémuroïdes, 40; verteb.es caudales des singes, 58; classification des Primates, 167; sur l'orans et l'homm,, 168 ; différences danses Lémuroïdes, 168; crêtes du Tri-

Mo°DE?,â|oen|ue durée des, chez tes sauv-

M&SSs inutile, 63.

"^M^»ï cdanta linotte, 407; coloration, du, 581; plumage prématuré précédant l'adulte du, 512; trouvant de nouvelles compagnes. 447;

terl'? jeUneS dU' 530; aPPrend à'Cb!ln" Mo^EAu'a couronee blanche, jeuee (~rin-

M^^^Sa^-artincienedes,^. MollieneHopetenensis, différence sexuelle,

Ks^Ss formss et couleuss des,

Mongols, perfection des sens chez les, 32.

MzrÉ=:si9p2:«7. K^is^rdSi^nt»

membrane nictitante chez les, 15; glades lactifcres, 177.

Monstruosités, analogues dans l'homme et tes animaux inférieurs, 27 ; causées par arrêt de développement, 34 ; leur corrélation, 42; leur transmissioni 189.

Montagu. G., mœurs des grouses norr et rouge, 241 ; caractère belliqueux du combattant, 396 ; sur le chant des oiseaux, 404 ; la double mue de la sarcelle mâle,

Monteiro, M., sur Bucorax abyssinicus,

Montes de Oca, M., caractère belliqueux des oiseaux-mouches mâles, 396.

=™^°l tribus éteintes,

MOQUEUR^migration partielle du, 451 ; jeu-

"Ssi&JlV""133; dérive des

Morales, alliance des impulsions instinc-tives et, 117n influence des facultés mo-raies chez l'homme sur la sélection natrelle, 137; distinction entee les règles morales supérieures et inférieures. 131; hérédité des tendances, 133.

Morgan, L.-H., sur le castor, 69; pusssance

de raison chez le castor, 78; sur le rapt des femmes par la force, 167; mariage inconuu dans les temss primitifs, 643; sur

MORR.0s-rF!dp.!'fatfcoss nourrissant un oi-seau orphelin dans le nid. 449.

MSses oIT5 dl" 551, 556; emPl0i d6S MortaSI iaux de, plus élevé dans les villes que dans tes campagnes, 43; comparative entee les milles et les femelles,

MOR6TO2N,4,no6rnbre d'espèces humaines, 191. Morve, peut se communiquer des animaux a 1 homme, 3.

Mâ'achm n">schifer''s: oreanes odorants

Molàciltâ, indiens, jeunes, 514. MoTMOT.rectrieesc.. raquette de la queue

Mouette, exempee de raisonnement chez

p^age9^rar^an?n^rS ^

Moustaches/chez les singes, 163. Moutons, signaux de danger, 106-10/ ; différences sexuelles dans les cornes de,

qulXeWp^^sS

dr^t'^l^'mo^dfcomb-at^î

Mu^Œ^efL oiseaux, 531; dou-b^.pannuelles chez les oiseaux, 427;

Mulâtres,' fertilité persistante des, 186-187; leu, immunité contre la fièvre jaune,

Mulet, stérilité et forte vitalité du, 187. .

viensR157 '' ^ '^ Mexicain3et PérU-Muller!5Fritz, sur les maies nstomes de Tanate, 227; disparition de taches et de raies sur les Mammifères adultes, 600; proportion des sexes dans quelques Crustacés, 281; caractères sexuels secon-.laires dans divess Crustacés, 293; larve lumineuse d'un Coténptère, 305; luttes musicales entre Çicadss m8.es, 310 ; maturation sexuelle de jeunes Crustacs

MulleT J,' membrane nictitante et pli

semi-lunaire, 15 ; Muller, Max, origine du langage,92; lutte

pour l'existence des mots et des lan-

Muller96S., sur le banteng,588; couleurs dn Semnopithecus chrysomelas, 5S9.

MUNGO-PARK- voyez PARK.

Mûrie, J., sur la réduction des organes, 9; oreilles des Lémuroïdes, 13; variabilité des muscles chez les Lémuroïdes,40, 47; vertèbres caudales basilaises enfouies dans le corps du Macacus brunneus, 61 ; différences dans les Lemuroïdes, 168; poche de la gorge de l'outarde mâle, 410 e crinière de Oturia jfbala, 572; fosses sous-orbitaires des Ruminants, 580 ; cou-

MurrÂy^F-A?; sur la fécondité des fem-

mes australiennes avec les blanc,, 186. Mus coninga, SI.

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INDEX

707

Mus minutes, différenee sexuelle de cou-leur, 586.

Muscicapct rulicilla, reproduisant avant d a-

et du défaud d'usage sur les, 30 ; anoma-

mains et les pieds, 47; influence des muscles de la mâchoire sur la physiono-

É^sat^mliinSKTd^^ la face, 57; chez les ancêtres primitifs de l'homm;, 175 ; pins grande variabilité des mufles chez l'hommd que chez la

MvT^tt'ernalis, professeur Turner sur

*fe 195; d'oiseaux 403; attraits qu'a la musique discordante pour les sauvages, 416; appréciation variable chez les divers peupler de la, 625; origine de la, 624-625 ; effets de la, 6ï5; perception des cadences musicales chez tes animaux, 6:<3; aptitude de l'homme, 619.

^rœg^deux^^rde,-M=è^,œstrrtree^r-

MuMela, changement hibernal chez deux espècss de, d9o.

Mutilations, guénson de, 4..

Mutilla europœa, stridulation chez la, 323.

Mutillidées, absenee d'ocelles dans les femelles des, 302.

Mycele*earaya, polygame, 238 ; organes vocaux du, 578; barbe du, 583; différences sexuelle, de couleur du, 589; voix du,

Myfetus ™i«'' di«ren<:e3 sejuel":s de

couleur 4u, 5S9. Myriapodes~ 302.

N

N^gbli, influence de la sélection naturelle sur les plantes, 62 ; sur- les gradations des espècst de plantes, 19K

Naissances, proportion numériq-oe des, des deux sexes chez l'homme et les animaux, 235-236; proportion en Angleterre, 266.

Naissants, organes, 8.

Naples, plus granee proportion d'enfanss illégitimes du sexe féminin à, 267.

Narval, défenses du, 551, 556

Nasales, grandeur chez les indigènss amé-

Nl=h^ot' r^es améliores du porc, 193-W4 ; élevage^reproduction des

NÂ^ELLE^érec^onNes- effess sur les premiers .ancêtres de l'homme, 47; son influence sur l'homm,, 61, 64, limitation du principe de la, 62; son influence sur les animaux sociable;, 64; limitation a la, due, selon M. Wallace, a l'influence des facultés mentales humaines, 137; son inlluence sur les progrès des Etats-Unis, 154:

Naulette (la,, mâchoire de, grosseur de ses

nÊandIrVSal, capacité du crâne de, 55. Necrophorvs, stridulation chez le, 332. Nectarinia, jeunes du, 514.

*£££"»' nidificati°n dCS' 5H; leUrS Nè™k, ressemblances avec les Européens par les caractères d'ordee mental, 195; caractères des, 190; poux, 185; noirceu; des, 188, 646; variabilité des, 19;-191; lenr immunité pour la fièvre jaune, 213; différences avec les Américains, 217; défiguration pratiquée par les, 594; couleur des nouvean-nés, 6f9; son, relativement imberbes, 613; deviennent aisément mus-

la beauté, 6*5 s compression du nez pratiquée par quelques, 638. NéOresses, bienveillance des, pour Mung--

NÉôYiràiQUE, période, 157.

Neume"ster, changements de couleuss chez

Névration, différencedans la, entee lesdeux ter" d3e0SJnelqUe3 P;lPillona et Hymén°P-Névroptères, 280.

N^N^r^ntsaS^1fe= de deux espèces d'Oxynotm, 516; mœurs

N^r^^e'^^me-^L-ges, 164 ; perforation et ornementation du

Nicholson, docteur, tes Européens bruns ne^sont pas ménagss par la fièvre jaun,,

Nidification des poissons, 379; rapports entre la, et la couleur 497-501; des oiseaux d'Anglete,re, 4V8.

Nids,construits par tes poissons, 379; déco-ration de ceux des oiseaux-mouches, 452.

Ntlghau, différences sexuelles de couleur,

Ni™, professeur, ressemblance enlre les têtes de flèches de diverses provenances. 195-196 ; développemenr des bois dn renn,,

Nitzs'ch, C.-L., duvet des oiseaux, 427. Noctuées, coloration brillantu en dessous,

N^ctuidés, coloration desr 344. Nomades, mœuss peu favorables aux progrès de l'humanité, 143. Nordmann, A., sur le Telrao urogallotdes,

NORVEGE, proportion des naissances masculines et féminines, 267.

Note supplémentaire sur la sélection sexuelle dans ses rapports avec les sin-

Nott e6t Gliddon, traits de Ramesès II, 181; traits d'Amunoph III, 1SI; crânes des cavernes du Brésil, 184; immunité des nègres pour la fièvre jaune, 213; sur la déformation des crânss dans les tribus américaines, 637.. ;

Nudibranches^ mollusques, coueeurs bri-

NuamkÏatio,n romaine, signes de la, 156 ~unemaya, indigènes barlms de, 613.

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708                                         INDEX

0

Obéissance, importance de l', HO. Observation, capacité des oiseaxx pour 1',

°=^Sne^?S<ef^sUs^^

oS^absetfd^ctz les Mutil.idées

femelles, 302 ; formation et variabilité chez

les oiseaux des, 469. Ocelot, différences sexuelles de couleur

danl ,', 586. Ocyphaps lophotei, 440. Odeurc corrélation entre 1', et la coloration

de la peau, 217; quéémettent les serpents

TdZelt fotaloria, différence sexuelle de

couleur, 347. Odorantes, glandss chez les Mammifères,

Odorat,'sens de V, chez l'homme et les

Œcâ'Xs'nLto, différenee de couleuss dans les sexes, 318.

Œil, destruction de 1' changement deposition dans 1\ 56; obhqutiéde 1', regardée comme une beauéé par les Chinosa et le~ Japonais, 632; différence de coloration dans les sexes des oiseaux, 458; poréé par un pilier dans le mille du Cléon, 302..

Œufs, couvés par des poissons mâles, 380.

Oidemia, 540.

Ote, antarctique, couleurs de 1', 541 ; du Ca-nada, appariée avec une bernache maie,

Oie, chinoise, tubercule sur le bec del', 467. Oie, égyptienne, 400; de Sébastopol, plumag,, 422; oie de ne.ge blancheur ieV,

e"ot 401 gyPtC' *          ' P°rtant Un

Oiseaux aquatiques, fréquence du plumage

blan,, 572. OISEAUX, imitatt le chant d'autres oiseaux, 76; rêves des, 78' leur langage, 90; leur sentiment de'la beauté, 99; plaisir de couver, 111; incubation par le mâle, 178; connexions entee les oiseaxx et les reptiles, 180; différences sexuelles dans Te bec, 228; migrateurs,maies arrivantavant les femellesNsi ; rapport apparent entre la polygamie et des différences sexuelles prononcées, 239 ; monogames devenant polygames sous domestication, 241; ar-Wa du maie à rechercher la femelle, 242; proportion des sexes chez lesz 272 ; caractèrer sexuels secondaires chez les, 394; différences de tallee dans les sexes, 396; combats de mâlles, auxquels assistent des femelles, 401 ; étalages du maie pour captivel les femelles, 402; attention des, aux chants des antres, 405; pouvatt apprendre le chant des paren s qui les nourrissent, 407 ; les oiseaux brillants rarement chanteurs, 407; danses et scènes d'amour, 415; coloration des, 423 et suiv;; non couplés, 445; mâee chantant hor. de saison, 448; mutuelle affection, 449; distnnguent

S^^c^Se^SaÇ; 471 ; de coloration obscure, construisant des

nids cachés, 498; femelle jeune, revêtant des caracteses mâles, 507 ; reproduction dans le plumage qui précède l'adulte, 532; mues 532; fréquence du plumage blanc dans les. aquatiques, 542; assiduités vocales des, 619 ; peau nue du cou et de la tête chez les, 657. Oiseaux-Mouche,, rectriecs en raquette

^;1^C^nSUS^esm^

^^^^:^.

leurs ses femelles, 498. Olivier, ^ons produsts par le Pimelia

Omalopïîa brunnea, stridulation de la, 333.

Ombre. coloration du mâle pendatt la saison reproductrice, 374.

Ongles, coloration en Afrique en jauee ou pourpre des, 628.

On<tis furetfer, apophyses des fémuss antérieurs du mâle; et de la tête et du thorax de la femelle, 327.

Onthophagu. ranger, différences sexuel-les, 325; variations des cornes dumàle,325.

Ophidiens, différences sexuelles, 3S6.

Opossum, vasee d1Stribut,on en Amérique,

OPTerQteEd'e"œii tor°Phie pr°V°qUée par '* Orpang-outa°ng, 6i4i concordance de son cerveuu avec celui de l'homme, reconnue par Bischoff, 2; âge adulte de 1', 5 ; ses oreilles 11; appendice vermiforme,

^ntX^jeX— cSïa nuit de feuilles de Pandanus, 87; ses main,, 49; absence d'apophyses mastoïdes, 53 ; direction des poils sur les bras, 104 ; caractères aberrantl, 167-168; évolution supposée de 1', 191; sa voix, 57S; hable monogames de 1', 615, barbe chez

ORA™GEes,0épluchées par les singes, 50. Orchesiia Darwin», dimorphisme des mâles,

œ^^ur^rmbresdu'29J-

S^^W,' 10; conque

Snn^.re^&,\V;P^ foration et décoration des oreilles, 629. Organes naissants, - voyez Naissants.

tairII rud,mcntaires' - v°y- r™»'en-

Org^Ses*' préhensiles, 229; utilisés à de

nouveaux usages, 621. Organes sexuels primaires, - voyez Pri-

&es^^;^u,ant avant

^5=a^oîSm53ia

Ornements', prévalence d' semblables, 196;

feTutxd^as:8a2KeSPOUrleS'6 ! e3°'" Ornithoptera crœsus, 276. Ornithorhynchus, 170; ergtt dt mâle, 552;

tendance vers le reptile de l',173.

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INDEX

709

Orocetesorythrogastrad jeunes de F, 535.

rX^^^ncedeco^aes sexes, 324.

°ma1„L,8gr°S' S°D étatdansl'embry°nhl1-Orthoptères, 311; métamorphoses des, 260; appareil auditif de ceux pourvus d'organes stridulants, 313; couleurs des, 318; organes de stridulation rudime,-taires chee tes femelles, 317; discussion de la stridulation chez les, et les homop-tère,, 317.

°'dfmâleS399ar" P°S'tl0n3belli,UeUSeS

Oryctes, stridulation chezl', 333; différences

sexuelles des organez qui la produisent,

Oyx leucoryx, usage des cornss chez l',

Os, accroissement en longueur et en épaisseur des, lorsqu'ils ont plus de poids i. porter, 30; fabrication d'instruments en

°iul4ê9"rer5S5M/"S' différe"Ce seXUeUe ^ Otariaajûbat., crinière du mâle, 572. Otaria «igrescens, différence de.coloration

des sexes, 586. Otis bengalensis, prouesses du mâle en

cour, 417.

»^Te'240; p°'he de la

^L^:"d^=^uelles et po,y-

garnie chez les, 241. Ovibos moschatus, cornss de 1', 5o5. Oot, cycloceros, mode de combat de l',

Ovule humain, 5.

Owen, professeur, sur les corps de Wolff, 7; gros orteil de l'homme, 8s membrane nictitante et repii semi-lunaire, 15; développement des molaires postérieures dans diverses races humaines, 17 ; longueur du ciecu.n daus le koala, 18 ; vertèbres coçcygiennes, 20; conformations rudiinentaires appartenant au système reproducteur, 21 ; conditions anormales de l'utérus humain, 37; nombee de doigts dans les Ichthvoptérygiens, 36; canines dans l'homme, "39; mode de progression

^oldTSInslLsSgfssupéS^s!

monogamie chez les antilopes, 238 m cornss de VAntUocapza americana 258; odeur musquée des crocodiles pendatt la saison de leur reproduction, 3S6; glandes odorantes des serpents, 387; subies dugon,, cachalot et 0,-niihorynch-us, 552 ; sur les bois du cerf commun, 561; dentition des Camélidés , 564; sur les défenses du mammouth, 565; sur les bois de l'élan

lation sur les organes vocaux de l'homme, 620; voix deï-ffylobates agitis, 620; sur des singes américains monogames,

Oxyno~m, différences entre les femelles de deux espèces d', 516.                           ,. .

P

Sr=pApen;3e9nt anorma.de cheveux

-la'p^r^ie&e^fa»-

S^^di^cêsS^^cou-

leur, 543. Palœornisjavanicus, couleur du bec du, 506. Palœornis rosa, jeunss du, 513. Palamede* cumula, ergots aux ailes de la,

Paléolithique, périod,, 157.

Palestine, habitudes du pinson en, 273.

Pallas, perfection des sens chez les Mongolienst 32; absence de connexion entre le climat et la couleur de la pea,, 211 ; polygame chez l'Antilope Sniya, 239; couleur plus claire du cheval et du bétall en Sibéree pendant l'hiver, S52; sur les dé-

Pangénèse, hypothèse de la, 250. SrifS^,-.  '

P^e,S!i^sp^iorbe^^ 399; bruit qu'il produit en agitant ses

queue, 421, 440 amour de 1 étalage, 432, 471e taches ocellées du, 472; inconvénients qu;a pour la femelle la longue queue du mâle, 486, 495; augmentation continue de la beauté du, 533. Paonnes, leur préférence pour un mâle particulier se manifeste parce qu'elles font les premières avances vis-à-vis du mâle,

Palflio, différences sexuelles de coloration dans les espècss de, 340; proportion des sexes dans les espèces de l'Amérique du Nord, 270; coloration des ailes, 316.

Zptuop^Tr^'Jchildrenœ, variabilité

PapÙ3oTurnus, 276.                ;

l^A^L^U^odéut^^^ft

PA^duV 312-313.

Papillons, proportions des sexes dans les,

dans les nervures des ailes, 304 ; caratèee belliqueux du mâle, 338 ; ressemblance protectrice de leur face inférieure, 312-313; étalage des ailes par les, 345e

^SfebS^^ne^ des, 629; contraste des caractères des,. et des Malais, 183. .....

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710

INDXX

Paradis, oiseaux du, 444, 507; supposés polygames par Lesson 210; brutt Qu'ils produisent en Mitant tes tiges de leurs pennes, 412; plumes en raquette, 421;

r-fia sPYiiAllai d» nnnlcnr. 422:

différences sexuelles de couleur, «2; plumes décomposées, 421, 441 ; déploi-meut de son plumaee par le mâle, 432. Paradisea apod,, absener de barbss sur les plumes de la queue du, 422; plumage

mVes^'Hr""''''' divergenCe deS fe" pÀ^AGUAyTIndièns du, s'arraohant les cils

et les sourcils, 635. Parallélisme du développement des es-

considérés comme preuve d'identité ou fon^^aSn1^™—

pS=oï ^"résuatat partie! de la sélection naturelle, 112; influence

nfturf 26-"' 5Ur '" S"e ^ 'CUr progé" Parinès', différence sexuelle de couleur, 502.

^n^me^d^S^^e-n! veillance avec laquelle il fut traité par

su^cMancsfcT dM- "èSreS

piStEériar9rentre,ecerïeauetla

Parthénogenèse, chez les Tenthrédinés, gO; les> Cynipides, 279; les Crustacés,

Parus cevuleus, 502.

Passer, sexes et jeunes de 530.

Passer orachydaclylus, 531.

Passer domesticus et montanus, 499, 531.

Patagontens, se sacrifiant aux leurs, 119.

Patterson, M., sur les A.jrionides, 319.

Patteson, réyêque, aur les indigènes des

Nouvelles-Hébrides, 204. Paulistas, du Brésil, 190. Pavo cristatus,JÔ9, 472.

Paoonigripenni4^iW.

Payaguas, Indiens, jambss grêles et bras

épais des, 31; proportion des sexes chez

le mouton, 271.

Pl^^l^lîiï^* de

l'homm;; 185. Pedionomus lorquatus australien, sexes du,

Peinture, 195.

PElagiques, transparence des animau,,

Pelecanus ervthrorhynchus, crête cornee sur le bec du mâle pendant la saison de reproduction, 427.

Pa;_0„Ocro,a(«,lplumageprintanier,

Pélé'PéL 630.

Pélican, aveugle nourri par ses cama-

3£ i&09^raSUbieenxrJe: mâles, 396 ; péchanc plusieurs de concert,

Pelobius Hermanni, stridulation, 333. phoque à capuchon, 3Ô1.

Pensées, contrôle des, 132.

Penlhe, coussins des antennes du mâle,

Perche,^ beauté du nulle a l'époque du

415; vivant a ;rois, 418; couvées printa-nièrei de maies, 443; reconnaissant les personnes, 451.

PS^IxtîSaPPOrtSdela,&la

^s^^^rre^Sttx?^"

Pdan0tDaEuxd263la Vi6' ^''^ C0'Te3p°n-PÉRiomcnÉ vitale, d'après le docteur Lay-

sexes d'une espèce de, 323. Pernis cristata, 464. PERROQUET.pennesaraquettedanslaqueue

(ïun, 421 ; cas de bienveillance chez un,

Perroquets, facultés imitatives des, 76 ;

de coloration. 542S leur nidification, 500,

Perses, améliorés par mélanee avec les

Géorgiens et les Circassieng, 441. Persévérance, caractérisant l'homm,, 617. Personnat, M., surleifo.no,,* Yamamai,

PéruvJens, civilisation des, nou étrangère,

Pétrels couleurs des, 542

So^'5a3r"ea'jeuuesde'53a-

Pbé1autr031Ida' idées javanaiSeS 8Ur la Phacôchœra's asthiopicus, défenses et bou--

PhIla'nger, renard, variétés noires du,59..

Phalaropus fulicarius hyperboreus, 525.

Phalènes, 344; bouche manquant chez queques mâles, 227 ; femelle aptère, 227; usage préhensile des tarsss par les maies, 229 ; mâle attiré par lé femelles, 276; couleur de,, 315 différences sexuelles dé couleur, 347.

^Sfi'r;"""eœ'Yuriation descornss du

Phanœus~°faunus, diïférences sexuelles du, PlCanœus lancifer, 324.

srs:ïïS^M'»

de colorationdu, 5S6.

classification, 163; différencel sexuelles dans la coloration des, 587; leur goût pour la musique, 621: combats de maies, 550; caninei du mile, 551 ; habitudes poly-

S^J5£àS$Sr de8' 5W: "* Phosphorescence des insectes, 305.

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INDXX

711

PHtfnc'tesNI303S' aCC0Uplemeilt d'esPèi:es dis"

Phrœnis'cus nigricam, 384.

Physique, infériorité supposée chez l'homme,

P.c%élection du màle par la femelle, 456. Pics, 407 ; leur usage de frapper, 412; cou-

Sdis^e^rs^fe538—

s^«n4mïS!r^'100.

Pieu* auralus,39S.

p^«;'=iéS;^^r^!î

Pied, préhensile che, les ancêtres primitifs de l'homme, 175 ; aptitude préhensili conservee chez quelques sauvages, 52; modification des pieds chez a l'homme, 52;

des'3o!3imeDt de U P6aa SUl' les pla"teS PiiSs^ évités par les animaux, 83; usage

P.ÉÏmES,3imitation des, femelles, 357.

Pierre, instruments de, difficulté de fabriquer les, 50 ; traces de tribus éteintes, 199.

Pierres, usage des, par les singes pour brise, des fruits à coque duee et comm'-projectiles, 50 ; armss de, 196.

Pigeon, messager, développement tardif des barbes, Soi; races etWraces du, 505; développement tardif du jabot dans le grosse-gorge, 261 ; femelle abandonnant un mâle affaibli, 231.

Pigeons, dans le nid, nourris par le produit du jabot des deux sexes, 178; changement de plumage, 251e transmissiog des particularitéa sexuelle;, 253; changement de couleur après plusieurs mues 202; proportion numérique des sexes, 272 ; roucoulement du, 410 ; variation, de plumage. 422; étalage que fait le màle de sou plu-

a^Ss41jmSeiPc£delefm^ grosse-gorge et messager, 4S3; nidification du°49S; plumage précoce, 512 ; aus-traliens.Ml^belges avec des maie; rayes

P'f^oFioi' ^ém6.nts P^chiiue3 de la re"

pSàslriata, sons produits par la femelle,

PiNcÈsdes Crustacés, 293.

gïïMTiffi en forme de ra-

quette d'un, 422. Pinsons changements printaniers de cou-

5l7?cfu!.ider4838e.S,le3,en.A,18leterre' Pintades monogames, 241 ; polygamie oc- .

casionnelle, 241 ; marque; des, 471. P1P.IS (A»l*«), mues des, 429 Pipra, rémiges secondaires modifiées dans

le mâle, 415.

œilP^idulationdu^lO.

pïtâTÛÎÏucMephala, différence sexuelle

P,dLCc°ia "saleras, barbe du, 583; ressemblanee au nègre, 661.

?LIcÉ^S.K™0a7t,ldeS497.

Plantes, cultivées, plus fertiles que les sau-

Plutalea 4111 ; changement de plumaee chez

la femelee de l'espèce chmo.se, 506. Platyblenmus, 318. P^jcercus, jeunes du, 529.          .

Plaiyphyllum eoncuvum, 311-312, 314.

^S^Sfib167.

pS'n^es^^7^haliques du

Plecostomus barbalm, barbe particulière du

Pleclr'ûpterus gamben., ailes à ergtt du, 400.

Plie, coloration de la, 379.

Ptoceus, 406.

Plumage, hérédité des changements dans le, 251;'tendance à la variation analogsque du, 422 ; étalage que font les mâles de

-^v^p^tirsr^'---

Se^u'^cerSu^J^poS

Plumes, différences des, ornant, d'après le

sexe, la tète des oiseaux, 49o. PLUViEK^ergoss des ailes des, 400; doubee

Pnoumord, conformation du, 315. Pceppig, contact des races sauvages et civilisée,, 200.

P°^h^îts-out^2n:PP°m ™mé-

PoTsons,' proportions des sexes chez les, 274; ardeur rdu mâle, 242; reins des, représentés dans l'embryon humann par les corps de Woff,, 7r mile,, couvant les ceufsdans leur bouche, 178; réceptacles pour les œufs, 226; grosseur relative des sexes, 368r d'eau douce dans les trop-

P^N^couleurVT^;m0. Polonaise, race galline, origine de la crête,

ca^^ix^ote^dts'^it sauces femelles qu'on lui attribue, 269; chez l'épinoche, 3ë5.

POLYGÉNISTES, 192.

Polynésie, prevaleuce de l'infanticide en,

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712

INDEX

Polynésiens, leur aversion pour les poils de la face, 635; vasee extensiol géogra-phique des, 87; différences de taille parmi tes.29; croisements, 190 ; variabilité des, 190; leur hétérogénéité, 211. .

Potyplectron, déploiement de son plumaee

Population indigène des iles Sandwich, 204.

PORC, origine des races amélioréei du, 193; proportion numérique des sexes, 272 , raies des jeunes, olO 598; témoignant des pré-

pfSmul't'^de l,po,ue du ru,,

Pores. excréteurs, leurs rapports numé-. riques avec les poils, chez te mouton, 217. Porpita, couleurs vives de quelques, 2S7. Portai vicia, crêee dorsaee et collerette de

p^^rçiïû^X^

jaune, 213. Poumons, agrandissement des poumonschez les Indiens Quechua et A%,aras, 32; vessee natatoire modnfiée, 174; volum; différent des, dans les races humaines, 1S2.

°hom,nes lS5m>aUX do,"est,'ues et de P0WÊ™;nDi, différentes couleurs des sexes

dans une espèce de Squilt,, 298. Powys, M., Lvbitudedu pinson à Corfou,

Préé.minbnce de l'homm,, 48. Préférence d'oiseaux femelles pour les

^slf^r'ap^il^!63 Mam"

SiE-l£3b?^,^hez6^

Polynésiens, 29 ; sur la connexion entee la largeur du crâne ses Mongols et la perfection de leurs sens, 32; capacité des crâne, anglais a divers âge,/»; têtes

bus américaines et les naturels d'Ara-khan, 629.

S^'^^S^ Queues de

PrTc'tôtr'eius muUlmaculalus, 393.

Progrès n'est pas la règle normale de la sociééé humaine, 143; élémenss dn, 152.

Proportions, différences des, dans les races distinctes, 182-183.

Protecteur, but, de la coloration chez les

Lépidoptères, 311; lézards, 392; oiseaxx 52J, 538; Mammifères, 595; des sombres couleus; des Lépidoptères femelles, 313,

PRo^ctrices, ressemblances, chezles pois-

Protozoa; absence de caractères sexuels

. secondaires chez les, 286.

Pkuner-Bey, présence dutrou supra-con-dylo.de dans l'humérus de 1 homme 19; snr la couleur des enfants nègres, 609.

Prusse, proportion numérique des naissance, mâler et femelles, 267.

Psocus, proportions des sexes, 2S0.

^t^rd^d^slréltonfnupT

^ndprotSi..^r^20dU' ^ —

»^&Ztâ?2U. bel,,-queux du mâle, 396; étalage par te mâle des rectricel inférieurel, A

PVtZamiva' conco"rs "Me

PyroTs, différenee de couleur des sexes, 324

Q

Quadrumanes, mains de,, 49-50 ; différences entee l'homme et les, 163; leur dé-

ESHÏ £ S, ëfc Ssel

^nSme^éstié^^x-les des, 610; combats entre mâles pour la possession des femelles, 614; monogamie, 645 ; barbss chez les, 658.

QUAIN, R,, variation . des muscles chez l'homme, 24.

QuatrefaGes, A. de, présence occasionnelle d'une queue rudiinentaire chez l'homme, 20; sur le sens moral comme dis -tinction entee l'homme et les animaux, 103 ; variabilité, 27 ; sur la fécondité des femmes australiennes avec les blancs, 186; sur les Haulistas du Brésil, 189; évolution des races de bétail, 193 ; sur les juifs, 212; susceptibilité des nègres aprèi un séjour dans un climat froid, pour les fièvres tropicales, 213; différence entee les esclaves de campagne et ceux de la

QUE^^lSlên^^aiions locales

613; et longueur des cheveux des, 635. §u"E7Errlime=c^,,om,ne,20;corp3

58; sa variabilité dans quelques Macacuz et babouins, 09; présenee d'un., chez les ancêtres primitifs de l'homme, 175 ; longueur de la chez les faisans, 48S, 495; différences de longueur dans les deux sexes des oiseaux, 495

gFS%rHZduras^rdesSeXe3,en

R

Races, caractères distinctifs des, 182; ou espèces humaine,, 183; fécondité on sté-

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INDEX                                              713

ritité des races croisée., 186; variabilité des racss humaines, 190; leur ressemblanee par leurs caractère; mentaux, 195; formation des, 197; extinction des racss humaines, 199; effets des crossements de, 201; formation des, humaines, 211; enfante . des humaines, 609; aversion chez les imberbea pour la présence de

RrD'^^oTdeèfs;19,

Haia&aHs, dents de la,368. Raia clavata, épines du dos de la femelle, ^différencss sexuelles dans les dents-

RÎVmacuiala, denss de la, 368.

Raies, organes préhensiles des mâles, 361,

L^^^cZTesois7e9aUx,449.

s^TiEr* <--»"«*

Ramsay, M., sur le canard musqué australien, 391; sur l'incubation du Mesura su-perba, 494; sur l'oiseau-régent, 453.

Rana esculenta, sacs vocaux de la, 385.

Rat commun, sa distribution générale, une conséquence d'une ruse développée, 85; remplacement dans la Nouvelle-Zélande du rat indigène par celul d'Eu-

3rJïïi^ii.Fïïïï^r,i propo-

SS-y^W?^ essentiel-

ReaV Winwood, sur les moutons de Guinée, 258; défaut du développement des cornss chez les béliers de cette race castrée 554; présence d'une crinière chez un bélier africain, 581; appréciation par les nègres de la beauté de leurs femmes, 632; admiration des nègres pour une peau' noire, 63,i; notions sur ht beauté, chez les nègres, 637; les Jollofs, 612; coutumes nuptiales des nègres, 657.

Rl^^r^ulat^h^lS. Régénération partielle chez l'homm,, de Rpart;esoperdues,4.

R^SnS^^^<isrraces'

Remèdes, produisant les mêmes.effets chez

l'homm, et les singes, 3. Remords. 121 ; absence du, chez les sau-

«igS^chLs^s & ta

Snnë^^^sm^SSinï 80-81; emploi de pierres par les singes pour briser la coque des noix dures, 85; sons proférés par le Cebus Azarœ, 89 ; cris slgnaux des singes, 92; diversité de leuss facultés mentales, 25; sur les Indiens Payagnas, 31 ; infèrioriié des Européens aux sauvages quatt à la finesee des sens, 32; habituden polygamss du Myceces caraya, 238; voix des singes hurleurs, 570; odeur du Cervus campestris, 580 ; barbes de Mycetes caraya et fithecia salarias, 583; couleurs du Cerous paludo-sus, 588 différences sexuelles de couleur dans les Mycetes, 589; couleur de l'enfant guaranys, 609; précocité de la matura-tion de la femelle du Cebus Azarœ, 610; barbss des Guaranys, ;1s; notes expri-

mant des émotions chez les singes, 625; singss américains polygames, 645. Renne, bois du, garni de pointes nom-breuses, 560; préférences sexuelles manifestées par le, 576 ; changement hibernal-

melieC5°53batS' ^ C°rneS Représentatives, espèces, chez les oi-

ReSucteur, systèm,, conformations ru-dimentaires_dans le, 21; partiss acce-

REPRODUCTION.'uniéé du phénomène de la, dans l'ensemble des Mammifères, 5; pé. riodes de, chez les oiseaux, 532.

Rept.les, 385 ; connexions entee les, et les oiseaux, 180.

Requins, organes préhensiles des, mâles,

Ressemblances, petites, entee l'homme et

"REeTOURf35; cauee probable de quelquss dispositions défectueuses, 150

RSiSgrla croyance «r^^d^16"dans les

=vaud;a™Lr^;55962?latta^ Rhynchœa, sexes et jeunes du, 523.

Ig^pTplionlu. par les animaux, Richard, M,, muscles rudimentaires chez

RichTrdson.. Sir .1., appariage chez le Te-irao u»i(.eH««,4(i3;Surle Tetrao uropha-sianus,m; bruit de tambour du grouse, 413; danses du Tetraophasianellus, 418; assemblées de tétras, 444; combats entre cerss maies, 550; sur le renne,_553; sur les cornes du bœuf musquér 555; sur les andouilles du renne à nombreuses pointes, 561 ; sur l'élan américain, 565.

Richardson, sur le lévrier d'Ecosse. 567.

Richter, Jean-Paul, sur l'imagination, 77.

Riedel, sur les femelles déréglées de pi-

RfpeAn(Sle4père,, sur la difficulté de distinguer les races chinoises, 182. Rivalité pour le chant entre oiseaux du

RmèREfanalogie des, avec les îles 173.

Robertson, M.i remarques sur le développement des bois chez le chevreuil et le cerf commun, 257.

Robinet, .différence de grosseur des cocons déversa soie mâles et femelles 306

Rolle, I'.. changement opéré chez les familles allemandes établies en Géorgie, 215.

Romain^ anciens, spectacles de gladiateurs

Rongeurs, utérus chez les, 36; absenee de caractères sexuels secondaires, 238; différences sexuelles dans les couleurs,

Roseaux, bruant des, plumes céphaliques du^mâlo, 439; attaqué par un bouvreuil,

Rossignol, mâle arrivant avant la femelle, 232;Jmt du chant du, 403; réappar.age

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714

INDEX

Rossler, docteur, ressemblance entee l'é-corce d'arbres et la face inférieure de quelquss papillons, 342.

Rostre, différence semelle dans la longueu, du, chez quelquss charançons, 228.

Roucoulement des pigeon,, 410.

Rouge-gorge, caractère belliqueuxdu màle, 395; chant d'automne du mile, 403;

RuS^;iE^^I;originedes,22.

RUuèsE96S' PréSfenC<J dC' da"â          1UU"

Ruuolphi, absence de connexion entre le

RS^^ra^C^%enss canines chez les, 481, 6U;-généralement

taires des, 580; différences sexuelles de couleur, 5S6.

'RmPalê<"432C433ea' ^^ du P'Umage du Ru^ÈI'l! canines chez les cerss, et autilo-

R&, proportion numérique des naissances des deux sexes en, 26/.

"ikrenoes'^Ss^ts

RE='d=^d^t:^.des

S

Sachs, professeur, mode d'action des élémenss mâles et femelles dans la fécon-

SA^àfd'é soi, chez les sauvages, IIS;

SA^^àins,^.

S1GIATuItr'lieflsem0eZ *"* ""^ '"^ * SAHAKAU,Soiseaxx du, 500 ; animaux du, 537. Saisons, changements de couleurs chez les oiseaux suivant les, 427; changemenss de leur plumage en rapport avec les. 507; hérédité aux, correspondantes,

Saint-John, M, attachement d'oiseaux appariés, 450.

Salvin O., proportion numérique des sexes chez les oiseaux-mouches, 273,536 ; sur les Chumœpates et Pénélope, 414 ; sur le Se-

636A, ' in ènCS 3' 'mberbeS' 612-Sanu'wich, îles, variations dans les crânss des indigènes des, 24; supériorité des nobles des, 641; poux des habitant des,

SANGartériel, couleur rouge du, 290. San-Giuliano, femmss de, 642 Sanglier sauvage, polygame dans l'Inde, SSS^sage des défenses du, 564; combats

Santali,. accroissement rapide et récent

^^^^s^^de,290.

Sarkidioruis melanonotus caractères des

S^rs, 0'.,Dsur Pontoporeia o/yinis, 293. Salurnia carpini, attraction des mâles par

les femelles, 277. Salurnil /o, différences sexuelles de cou-

Safârl'indél] coloration des, 345.

Saumon, bondsssant hors de l'eaut 115; le mâle prêt à la reproduction avant la femelle^ 232 proportion des sexes chez le, 275; dispositions belliqueuses du mâle, 363 caractères du mâle à l'époque du frai, 365, 374; frai du, 379; le mâle reproduisant avant d'avorr atteint l'état

Sa^ut, eentre"i'homme et tes singes, 163.

S^AG^^rrS^des^.^; causes de leur basse moralité, 128; exa-

^ts^^x^nte^nt^oî; de leur accroissement, 43-44; leur conservation de l'aptitude préhensile du pied, 52; tribus se supplantant entee elles, I3S; progrès des arts parmi les, .36, arts des, >; leur goût pour une musique grossière, 416; attention qu'ils accordent à l'apparence personnelle, 627 ; relations entre les sexes chez les,

Savage, docteur, combass de gorilles mâles.

614 sur tes mœuss du gorille, 646. Savage et^VYMAN, mœurs polygames du

SaiTcoto râicola, jeunes du, 536.

Scalpe, mouvement du, 10.

Schaafhausen professeur, sur le développement des molaires postérieures dans (différentes races humaines, 18; mâchoire de la Naulette, 39; corrélation entre le développement musculaire et tes arcades sus-orbitaires saillantes, 43; apophyses mastoïdes chez l'homme, 56; modifications des os du crân,, 57; su; tes sacrifices humains; 156; sur l'exte--

antCô^n^l^a^ns^btS

^ufX'agf^r^tie^^rst

différences de races, 609; sur la laideur, SchaÛm, H^èlytres des Dytiscus et Hydro-

l~stridula\m»»(?^„S,33,

S^^u'ples,non<c'Si96.desUnSUea-Schlegel, professeur, sur le TanyHplera,

Schleiden, professeur, sur le serpent a

sonnettes. 387. Schomburgk, Sir R,, caractère belliqueux

Schoolcraft, M., difficulté de façonner

SctinoSsrcaŒ'beïliqueuxdes màles^SlS; proportion des sexes chez

Sclater, P.-L,, rémiges secondaires mod-fiées dans les mâles de Pipra, 415; plumes allongées chez les Engoulevent,

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INDEX

715

nâe m"murmacaco' ^; des raies de

Scolbcida,' absenee de caractères sexuess secondaires chez les, 236; Scopulax fre-nota, rectrices des, 4U.

Scotopa* gallinag,, bruit de tambour du,

Scolopaxjavensis, rectrices du, 414.

rences sexuelles du, 370. Scott, J., couleur de la barbe caezl'houime,

Scrope, caractère belliqueux du saumon

mâle, 365; combats de cerfs, 550. Scuduer, S.-H. stridulation chez les Acri-

str1du1k?k.n: 6Î9 ^          * déV°aieD' 317 ''

Scu[™"nexprèSsion de l'idéal de beauté, par la, 636.

fEEB=;b?„tamsde,26,

S~^^Y'Sa^deT'-u;

SeugVick, W., sur la tendance héréditaire

à produire des jumeaux, 44. SelaspAorus platycercus, amincissement, &

leur extrémité,, des régimes primaires,

Selby, P,-J., mœuss des grouses (lagopèdes) noir et roug,, 240.

nadiers prussiens, 27; sexuelle, influence de la, sur ta coloration des Lépidoptères,

»&T$ longs cheveux sur, tête de quelques espèces de, 164, 660.

^rïïa^^ssr-differencC5 snfrsu,sa'"s,poilsd'ornement

tête, 601. SENS, infériorité des Européens vis-à-vis des sauvages, quatt à la finesse des,

iSESSldifTérence des sexes,

^po—'ppet^,^- — Serpents, terreur instinctive des singes

pour les, 69, 74; différences sexuelles

«es, 3*6; ardeur des miles, 387 Serran-us, hermaphroduisme du, 176. Sexe, hérédité limitée par 1«, 244. Sexes, proportions relatives des, dans

d^Ssftmm^rSrr^.-^

Sexuelle, sélection, explication de la, 22S, 231, 241; soninauence sur la colo-ration des Lépidoptères, 352; sou action dans l'humant, 650; similarité sexuelle,

Sexuelles, ditférences chez l'homm, 5 Sharpe, R.-B,, Tanustplerasi/tvia,49o; Ce-

mle, 501 ; jeune maie de Dacelo Gaud<-

chaudi, 513. SHmaTè 365 oaractère belli5ueax dut saumna ShT^' J.,°'sur les décorations des oiseau,,

Shooter, J sur les Cafre,, 634; coutumes

Sn'uŒ^t3' Pences sexuel.es dans les ailes des Hyménoptères, 305

sr;Se«°m^3r9r- "; dl;

Siam. proportion de naissances mâles et

femelles, 270. Siamois, généralement imberbes, 612 ; leurs

notions sur la beauté, 633 ; famille velue

Siebold,. C.-F,, von , appareil auditif des

Orthoptères stipulante, 312 Sionaux, cris de, des singes,-92.

ISEnP^^dlvisiondes.180.

l^SerSis?^ rhésus, diffé-

sens ïes femmes, 53 vengeances des, 72

affection materne,le, 72; variabilité de la faculté d'attention, 77 l usage de pierres et de bâtons, S5; facultée imitatives; 92-93; cris, signaux des, 92; sentinelles postées. 107 ; diversité des facultés mentales, 25.; attentions réciproques, 107 : eurs mains, 49; brisant les fruits au moyen de pierres, 50; vertèbres caudales basilaires enfouies dans le corps, 59-60i caractères humains des, 163; eradation dans les espècss de, 190; barbe des, 580; caractères d'ornementation des, 60,; ana-logies entre les différence, sexuelles des, avec celles des hommes, 609; divess degrés de différence dans les sexes des, 613; expression des émotions par les,

mturs^>t^nchr^u1s,ot

SnnTr^r^^ = américains, 81; direction des poils sur

15kSs:S^s des sexes, 32!. ft

Smith, Sir A., exemple Je mémoir1 chez un babouin. 77; Hollandais fixés dans l'Afrique méridionale conservans leurs couleurs. 212; polygamie des antilopes de l'Afrique du Sud, 237-238; proportion des sexes dans le Kobus eUipsiprymnus, -272; sur le Bucevjiulus cupensis, 366, sur les combats des gnous, 550; cornss des rhinocéros, 555; combass des lion,, 572; couleurs du cama ou élan du Cap, 587 couleur du gnou, 587; notions des Hottentots sur le Seau, 633.

Smtth, K sur les Cynipidés et Tenthrédi-nées, 279; grosseur relative des sexes

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716

INDEX

chez les Hyménoptères à aiguillon, 307;

Smynthurus Meus, eanière de faire la cour des, 30S.

SocIabimté, connexion entee la, et le sentiment du devoi,, 103; impulsion vers la, chez les animaux, 108; manifestation de dans ta; instinct de la, dans les

Sop-Tvjeprobable des hommss primitifs, 61; son influenel sur le développement

S^û^=pa^^;raued"

dans les proportions des, 29. Solenpstoma, vives couleurs et poche ma--

supiale des femelles .e, 381. Sons, admirés par les animaux comme par

mâles, 385; prc-'.,;.. -....- - d tru.nenlal,

mâles, 385; produstu d'une manière ins-

, par les oiseaux, 412 et suiv.

Sovex, odeur des, 580. ' ==uv^s^esr^ ™»

l'Afrique, <J20; leue enlèvement par les Indiens du Paraguay, 635. Sourcilière, arcade, chez t'homme, 610.

if=CS,r,drreneedecou-

leur dans les sexes du, 299. Spectrum /emoratum, différence de couleur

dans les sexes, 318. Spel, du tétras noir, 411. Spencer, Herberi, sur l'aube de l'intelli-

gence, 69; origine de la croyance 4 des

ES? .UWJîSi^rJ^

ture sur la grosseur des mâchoires, 31 ;

ipiiiaèoS^.345.

^S^'Srsett'18' Cr°yanCe e"'

Sprengel, C.-K., sexualité des plantes, 232.

Sproat, M., extinction des sauvages dans

l'ile Vancouver, 200; enlèvement des

Squilla différence de couleur dans les sexes d'une espèce de, 29.

Staley, sur l'alimentation des classes

S^bury20 Cap,, observations sur les pé-

StaphyLinidés, apophyses en cornss des maies3 à.y.

Stark. docteur, taux de la mortalité dans les villes et les districts ruraux, 150; influenee du mariage sur la morta ,é, 151; plus granee mortalité dans le sexe'mas^ culiu en Ecosse, 263.

STATUESgrecqueygyptiennes.assyriennes,

sirE^P!dt^Kptes'

ST053B"<G' T"R" "Udité du C°rPS llUmai"' Stemmalopus, 579. S<|»o&o/Aru^ra«oru»i,organessfridulants,

Stérilité, générale des filles uniques, 147; un caractère distinctif de l'espèce lors d'un croisement, 181.

Stores, cap., habitudes dune 'grande es.

ST^^^'Tsoiseaux satins, 418. Strcpvceros kudu, cornss du, 562; masqee

Stretch' M proportion numérique des

S^^HÎ^ *.»„*,..

301 ; discussion de la, des Orthoptères et

Sr.'SS^îL. de modifications de,

pracondyloïde dans l'humérusliumain, 19. Sturnella ludoviciana, caractère belliquexx

^^m^e^t^or^'chel't

Sulivan, Sir B.-J., sur deux étalons atta-SrTRr^pSon5dunezdesMa,ais

SïvSe^1p— ^.-— Superstitieuses, coutumes, 102. Superstitions, 157 ;leurprédominance, 131. Supracondyloide, trou, dans les ancêtres primitifs de l'homme, 175.

STenrmmeSqued0e^ g"J£ïï£

me5n;t"récoce 8»' ""' '"" déVel°fpe-S ™AYnSLANDè3M.,0arrivée des oiseaux mi-'

SwÎshoe,8'r., 'rat commun à Formosa et en Chine, 84: sons émis par la huppe, mâle, 413; sur le Dicruruimacroce/cu.*, et la spatule, 506; jeunss ardeola, 514; mœuss des Tumix, 523 e mœurs du Jihyn-

If'^^nserouïu^taérienne

du mâle, 417. Sympathie, 115; chez les animaux, 108;

sa base supposée, 114. Sympathies, extension graduelle des, 132. Syngnathes, poisson,, poche abdominale du

m&le, 17S. Sypheolides aurilus, rémiges primaires du

mâle, effilées à leur extrémité, 414 ; touffes

auriculaires du, 422. Système reproducteur

- voy. Reproduc-

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INDEX

717

T

Tabanidés, mœuss des, 227.

Taches, se conserva,t chez des groupes

iïïïK^.Mrde9'chez les

Tadorna variegata, sexes et jeunes de, 526. TadomavulpanSer, appariéau canad, commun, 4o4. Tahitiens, compression du nez chezles,638. Taille, ^dépendance de la, d'influences lo-

TAiT^Lawson, effets de la sélection naturelle sur les nations civilisées, 144. TALOM"ble^ saillie du, chez tes Indiens

TaI^-aSiS^a, âge auquel le, revêt son SSf&tn^m^les

TA^,«rSdesseXesdela,275; aspect brillant du mâle pendant le fra,,

Tank.erville. combats des taureaux sau-

^SSsjî4.déterminées<raprès

Tanypipterasylvia, longuss rectrices de la, Taphroderes distortus, grosee mandibule T^raleV^i^alesdes jeunes,.,

Tarliuirme Colé0',tèresm:1IeS' 301-TasmTni'e, métis tués par les indigènss de la, 186.

"Iro^xCestr^^on^^

^^rcoLb^rs:^^^."1"3

Taylor, G., sur le Quiscalus major, 274. Teebay, M., changements de plumage chez la L race gallme pailletée de Hambourg,

Tegetmeier, M, abondance des pigeoss mâles, 272; sur les barbillons du coq de combat, 4.11-442; sur les assiduités de courdes races gallines, 457; sur des pi-

tIx;»437-

Ténébrionidés, stridulation des, 332.

Tennent, Sir J.-E., défenses de l'éléphant de Ceyian, 557, 565; absence fréquente de barbe chez tes naturels de Ceyian, 612; opinion des Chinoss sur les Cinga-la>s,632.

Tennyson,a., sur le contrôle de la pensée, 132.

Tenthrédinidées, proportion des sexes

T^Wornis, jeunes de, 514. SR;=«2commussauxani-

Tête, situation modifiée de la, chez l'homme, en conformité avec sa station verticale, 53; chevelure de la, chez l'homme, 58; apophyses de a, chez les Coléoptères

»srtd:r*dS;

Te£aTphaSianellus, danses du, 417; leur

Tetraoscoticus, m, 5l\,5lS.

Tetrao telriœ, 499, 511, 518; dispositions belliqueuses du mâle, 399.

Titrai umbellus appariage chez le, 403; combats de, 403; bruit de tambour produit par le mâle, 412.

Tetrao urogalloides, danses du, 443.

Teirao urogallm, caractère belliqueux du

ii»smX;^"flementdel'œ80-

Thamnobia, jeunes du, 514. S^dffiSïïJKSlîï de cotation

Theriiion, 300; stridulation des mâles du, Theridion lineatum, variabilité du, 300.

™o=^^^de^rrencesde

.Thompson, J.-H., combats des cachalots,

Thompson, W., coloration de l'ombee mâle pendant l'époque du frai, 374; caractère belliqueux des mâles de Gallinula chloro-pns, 396; pies renouvelant leur appariag, 446; même observation sur le fau-con pèlerin, 44/.

Thorax appendices au, chez les Coléoptères mâle,, 324.

Thorell, T., proportion des sexes chez les

THTc:gr»un,126.

^irinTaiê "ira6 d"' P°UrVU dDne P°Che TfB^d°lâ«Echez0lèmàIeda Crabro cribra-T.B'r'ET°FEMUR, proportions des, chez les T^Houtritirques du, 598; d,

T^'^^^ÏL de

couleur, 324. Tim.dwé, variabilité dans une même espèce

de la, 71. Tomicusvillosns, proportion des sexe,, 279.

636A,           lnd,Sener >m°erbes des, 612,

Tortures supportées par les Indiens Américains, 125.

SS^leuSl^n^ch^les,500; béeset serres des, 540.

l'homme, i1. Trachée, moulée et placée dans le sternum de quelques oiseaux, 410; sa conformation, chez le Rhynchœa, 523.

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7!8

INDEX

Tragelaphvt, différences sexuelles de coloration, 587. TragelaplwMcriptu*, crête dorsale du, 5S2;

TragTan gonflement des barbillons du mâle penda„t qu'il courtise les femelles, 420; déploiement de son plumage, 433;

^r&ïiï Se^xuelles de

couleurs, 3S7. Trahison, évitée par les sauvages vis-à-vis

TRlslFERT'dTcaractèret'mates aux oiseaux femelles, 517.

Transmission égale, des caractères d'ornmentation aux deux sexes, chez les Mammifères, 594.

Transparence des animaux pélagiques, -

Tribus éteinte», 139 ; extinction des, 199. TncWt^. différemcea die-couleuss entee les

sexes d'une espèce de, 32*. TrtmenR R., proportion des sexe-- cires les

des coléoptères, 324; vive coloration des phalènes sur leur face inférieure, 317; imitation on mimique chez tes papillon;, 356; le GynaMti M», et taches ocellées des Lépidoptères, 469; sur le Cyllo Leda,

Trin'ga, sexes et jeunes de, 533.

Tringacorn«ta,m

Triphœna, coloration des espèces de, 344

Tr.stram H.-B., régions insalubres de l'Afriqu, du Nord, 213 ; mœuss du pinson en pjjertine, 274'; animaux habitant le

TrtàncApL^pahnip^tpunclat^m. TroTsaoSôs,s/stridulation du, 333.

^Ss^,^r^-f-0"

Turdus mernla, 499; jeunes du, 53a. Turdu» migralonus,D\0. TurdusmuBicvs,^.. Turduspolyglotlus jeunss du, 53o.

T^RNdER,Tro^V.%- des fascicules musculaires* de l'homme se rattachant au

^rrctd^rda^lCShunS!

loppement des glandss mammaires, 1,7 ; poissons mâles couvatt les œufs dans leur bouch,, 17S; terminaison du coc-

^rnte.'sexes de quelquss espèces de, 522. Tuttle, H,, nombel d'espèces humaines,

Tylo.r, E. B., cris d'émotion, etc., gestes de l'homme, *?.; origine^desj!roj;an_ce»_à

des agenss spiritue

tuels,

10O; éta

état barbaee

primitif des nations civilisées, 156 ; origine de l'att de compter; 156; ressem-

blances des caractères mentaux d'hommes de différentes races1 195. Type de conformation, prépondérance du

u

Vpupa epop,, sons produits par le mâle,

Uran.idés, coloration chez les, 345.

UHa troue variété de V (lacrymans), 465.

IjRODELES, 3S-.

Urosticte Benjamini, différences sexuelles,

Usage et défaut d'usage des parties, effets de 1', 30; leur influence sur les races humaine;, 216.

Utérus, retour de 1\ 37 ; plus ou moins di-

^z^aSr^ffdelio^me?

v

VAccnraTCKt, influence de la, 145. Vancouver Sles.de, M. Sproat sur les sau-

rmâîés"S4oT''S"""S' tut,ereutss-*laires des rwetXsSO; ressemblance de fa face in-

férieure du corps avec t'ëcorce des- ai-

hres, 313.

fhizd7esToSmhmrTu:SerzSeIUfefnnTeds: 244; époques de la, leurs rapports avec la sélection sexuelle, 263; des oiseaux, 462; des caractères sexuels secondaires chez l'homm,, 611. Variation,-corrélative, 42: lois de la, 31;

Variété, la, un but de la nature, 542.

^^rTu^dXfdis^cLtïs^^

^n;auxiX=:3WedCl'h0mmaa-

HlS^t54f'e P" ^ "' Yeduahs. habitudes monogames des, 645. Veitch, M, aversion de? damss japonaises pout lssfavons,.635. Vengeance, instinct de

VffMIIC Ci-nKlnn T.-.

la, 1?0. es de la, i

Venus Erycina, prêtresses'de la, 642.' Verdier, choisi par une femelee de canari,

Vérité, n'est pas rare entee membres de la même tribu, 127; plus appréciée par

V^^ÂuW^^dJn^reuxm, es par la femelle d'un Bombyx austra-

Vertebres, caudales, leur nombee dans les Vmtè'res; 361; leur origine commune,

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INDEX

719

172; leurs ancêtres les plus reculés, 179 ;

"rfenne^ V°iX danS '* re5piràtioU Vertus, primitivement sociales, )25; appréciatioi graduelle des1 143.

ruïtf pros"""!t",< hom°loSuc <le rut«-Vijri'ssÉs, représentés par de longs poils

^V,°5uoTls'16.

Vidua axillaris, 240.

Vn.LERMÉ,M,.i:

la taille, 29.

M,, influence de l'abondanc

isur

Vinson,Aug., maie de VEpeira »igro,.0L Vipère, différence des sexes chez la, 586. ViREY~ nombre d'espèces humaines, 190. Viscères, variabilité dans l'homme, 25.

V^ST^s^e'rS^,^ les

sexes d'oiseaux, 407; usage primifif se rattachant a la propagation de l'espèce,

des racss humaines, 193 J formation du crâne chez la femme, 609'; sur l'accrois-sèment des différences crâniennes dans tes sexes avec le développement de la race, 618; obliquité^ l'œil chez les Chinois et Japonais, 632. Voix, chez les singes et l'homme, 610; chez l'homme, 618; origine de la, chez les Vertébrés à respiration aérienne, 620.

V°cLmeerhtoSrab,^,2ringerS' °0nSidéré

VuM-ro^e^^iSaïcré^e le cerveau de l'homme et celui des singes ies plus élevés, 3.

w

Wagner, R., occurrence d'un diastème sur un crâne cafre, 39; bronches de la cigogne noire, 411.

Waïtz, professeur, nombee d'espèces humaines, 191; couleur des'enfants austra-liens, 610; absenee de barbe chez les Nègres, 612 ; goûc de l'humanité pour les ornements, .627; susceptibilité des ne-grès vis-a-vis des fièvres tropicales après qu'ils ont habité un climai froid, 218;

îdts sufïï ff„£ M» S

^c^SSéfG4ervais,Myriapodesl302.

:*§»&*£: ::

WaliÎace30 doc"teur A., usage préhensile des tarses dans les phalènes milles, 229;

élevage du ver à soie de l'Ailanthe, 277 ;

sur la propagation des Lépidoptères,

«r»»* «*"*'" *°'< féconaati°n des

phalènes, 353.

WAu-ACE,A-R.,pouvoirdel'imitationchez l'homm,. 71 ; usage, par l'orang, de projectiles 86; appréciation variable de la vérité chez les différentes tribus, 131 ; limitss dé la sélection naturelle chez l'homme, 48; du remords chez les sauvage,, 142; effets de la sélection naturelle chez les nations civilisée,, 144 ; but de la convergence du poil vers le coude de l'orang, 161; contraste entre les caractères des Malais et des Papous, 183; ligne de séparation entre les Papous, et les

L^ne^lefinseS^;^^ Sre^™des Sd«^

. protégeant les papillons, 345; variabilité des Papilionidés, 351 ; papillons mâles et femelles habitant des stations différentes, 351; avantages protecteurs des couleurs . ternes des pipillons femelles, 352; de l'imitation chez les papillons, 356 ; imitation des feuilles par les Phasmides, 356; couleurs v,ves des chenilles, 308 ; sur la fréquentation des récffs par des poissons brillamment colorés, 377 ; serpent-corail, 388 ; Paradisea apoda, 4~2, 424 ; étalage du plumage par les oiseaxx du paradis mâles, 432 ; réunions des oiseaux du paradis, 444; instabilité des tachss ocellées chez ÏHipparchia Janira, 469 ; sur la lim-tation sexuelle de l'hérédité, 487 ; coloration sexuelle chez les oiseaux, 497, bl9 ; 522, 526 ; relation entee la coloration et la nidification des oiseaux, 496,500; colora-tion des Cotingidés, 504; femelles des Paradisea apoda et papuana, 516; sur l'incubation du casoar, 525; colorations protectrices chez les oiseaux, 538; cheveux des Papous, 629 ; sur le babiroussa, 5S9; marques du tigre, 598; barbe des Papous, 612; distribution des poils sur le corps humain, 656. Walsh, B.-D., proportion des sexes chez les Papilio Turm<s. 276 ; sur les Cynipidés et Cecidomyidés, 279; mâchoires d'A«i-

phylivm çvncapw, 314; sexes de, Eph--méndes, 318; différenc; de couleurs des sexes du Spectrttm femoratum, 318 ; sexes des Libellules, 318; différence, dais les sexes des Ichneumonides, 321; sexes chez VOrsodacna alra, 324 ; variations des cornes du Phanœus carnifex mâle, 325 ; coloration des espèces i'Anlhocaris, 343. Wapitia combats du, 550; traces de cornes

War.ngton, R-l mœuss des épinoches, 365,

379; vives couleurs de l'épinoche mâle

pendant la saison du frai, 374. Waterhouse, C.-O,, sur les Coléoptères

aveugles 323 ; différenee de couleuss dans

les sexes des Coléoptères, 323. Waterhouse, G.-R., voix de VHylobates

w7terton,'c, appariage d'une oie du Ca-

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720

INDEX

nada avec un bernache mâle, 454; com-

ch«»d4^èvre9' ^^ 8Urle ChaSm°rhyn-WeÂ'lÈ, j.:itari, sur une chenille du midi

CjK les dents de sagesse,

Wedgwood, Hensleig, origine du langage,

Wei.rs Harrison, proportion numérique des sexes chez les porcs et les lapins, 272; sexes des jeunes pigeons 272 ; chant des oiseaux, 40o; pigeons, 4o0; antipathie des pigeons bleus pour les variétés d'autres codeurs, 457; figeons femelles abandonnant leur mâle, 458.

We.r, J.-Jenner, sur le rossignol et. la fauvette à tête noire, 232 ; maturation sexuelle relative des oiseaux, 233; pigeons femelles délaissant an mâle affai-

sion des oiseaux pour quelques chenilles, 358; différences sexuellel du bec chez le chardonneret, 395; sur un bouvreuil sif-fleur, 405; but du chant du rossignol,401 ; oiseaux chanteurs, 405; caractère belliqueux des oiseaux mâles à beau plumage, 438x cour que se font les oiseaux, 439; faucoss pèlerins et crécerelleu remplaçann leur compagne, 447; bouvreuil et San-sonne,, 447; cause pou; laquelle il reste des oiseaxx non appariés, 445 s sansonnets et perroquets vivant par trois, 448 ; reconnaissance des couleurs chez les oiseau,, 451; oiseaux hybrides, 454; choix d'un verdier par une femelle de canari, 455; cas de rivalité entre femellea de bouvreuils, 460 ; maturité du faisan doré, 531. Weisbach, docteu,, mesures d'hommes de diverses race,, 182; plus granee variabilité chez l'homm; que chzz la femme, 245; proportisns relatives des sexes dan, les diverses races humaines, OU.

W^!^=Sdes races colo-rées pour certains poison,, 212.

Westphalie, plus forte proportion d enfants illégitimes du sexe féminin en, 26'.

WESTRING, docteur, stridulation du Redu-vius personatus; 310 ; organes stipulants des Coléoptères 332; sons produits par le Cychrus, 331; stridulation des Theridions mâles, 300; des Coléoptères; 331, de VO-matopia brunnea, 333

WSe?Sme^dtneCtaTon?196de CCr-Westwood, J.-O.; classification des Hym-noptères, 161; sur les Culicidés et Taba-nidPés,227;HyménoPtère parasite mâle se-dentaire, 243 ; proportions des sexes chez le Lueanus cervn? et Siagonium, 279 ; absence d'ocellechez les Mntillides.femelles, 302; mâchoires de ÏAmmophUa 303;accou-pleinent d'insectes d'espèces différentes, 303; mâledu Crabrocribrarip*,304 ;carac-tère belliqueux des Tipules mâles, 30S; stridulatioe du PiratesslridiUm, 310; sur les Cicadés, 310; organes stndulants des 6auterelles,3l2;surP«e«moro,31o-Kphip-

ÊSSSSSïS

;r..«ri1iv.T.fs,ï,S;

Tenthrédines, 321 ; mêmes dispositions chez le Lucane mâle, 331 ; sur les Btedius taurusrtSiagonium,329; surles Lamelh-corne.,33lieolo»tionehailaUUb»te,3l5. Whately, Arch,, langage pas spécial à

l'ToSme'r-' cmhsatl°" P"'mtlïe de WH^LÛ^professeur, sur l'affection ma-

Wm™',leGilbert, proportion des sexes chez la perdrix, 273 ; sur le grillon domestique, 311; but du chatt des oiseau,, 405; hi' bous blancs trouvant de nouvelles corn-

dTmâlef 4;4CSOUV66S printanièreS <le pel> WiL'cKENsT'docteur, modification des animaux domestique-* dans les régions montagneuses, 33; rapport numérique entre

mfu&ll.163 P0^ """^ '*" " wTlder"'docteur Bur,, plus grande fréquence de doigss surnuméraires chez la (Urne que chez l'homme, 245. Williams, coutumes nuptiales des Fidgiens, 65%

ETir.Qi

Wii.son, docteur, têtes coniques des peuples du nord-ouest de l'Amérique, 637 ; les Kidgiens,^; persistance de l'usage de comprimer le crâne, 638.

Wolff, variabilité des viscères dans l'hom-

£[=^.^^^«^,305;

Wombat, variétés noires du, 592. Wonfor, M., particularités sexuelles dans

les ailes des papillons, 305. Wood, J,, variations musculaires, ?4, 40,

^^^'irSet^S du Menvra Albevti, 407; sur le Telroo cnpido, 408; déploiement du plumage des faisans mâles, 434; tachss ocellées du fatona^TOi habitudes de la femelle

W00LNER7jM.r observation, sur l'oreille

Wormalo, M... coloration de Hypopyra 346. Wright, C-A., jeunes de Orocetes et Pelro-cincla. 53a.

aversion d'une jument pour un cheval, 576.

WR.GHT, Chauncey, acquisition corrélative,

fc4; agrandissement du cerveuu humain,

WR|GH,,4W, plumage protecteur du Ptar-

Wy^an,' professeur, prolongation du coccyx dans l'embryon humain, 7; état du ~ros ortell chez le même embryon, 7; variation dans les crânss des indigènes des iles Sandwich, 24 ; œufs couvés dans la boucee et cavités' branchiales des pois-sons mâles, 178, 380.

x

Xéfarque, sur les Cicadées, 310.              '

Xenorhynchus, différence sexuelle dans la coloration des yeux du, 466.

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INDEX

721

Xtphophorus Hellerii, nageoire anale particulière au mâle du, 371. Xylocopa, différence dans les sexes, 321.

Y

Yareell.W., habitudes des Cyprinides,279 ; sur la Raia clava,a, 364; caractères du

seauL chanteurs, 4053 trachée du cygn,, é4ch0^rers^3tnat,deM30;SUrles^UneS

YîeJbéIâif258éTelOPPement des corns3daDS YueSA.crRAsdn.otions de beauéé chez les, 631.

z

Zèbre, refus d'un âne par une femelle de,

592, raies du, 598. Zébus, bosse des, 584.

Zlmentationréld9°6ninanCe *"' da"S ''°rn-"

1 ri{ue!'I'I'émi^ati0n <mr0Péen,le en Amé" Zootocà vivipa.a. différence sexuelle dans

la couleui du, 393. Zygénidés, coloration des, 345.

FIN DE L'INDI

.X.

46

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En venee à la Librairie C. REINWAJLDjc C, à Paris. ARCHIVES

ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GENERELE

aisioiEî unuui - ranouo - ibnlmi - imnui m mm

publiées sons la direction de HENRI DE LACAZE-DUTHIERS

Membre de l'Institut de France (Académie des sciences). (École des Hautes Étudesn

Les Archives de Zoologie expérimentale et générale paraissent par caniers trimestriels, Quatre_5^,«m numéro. ^atn^e^Va^^ot'

Départements et Etranger, 42 fr

,^i=.r;s„.., oo,„ri,.. « * «--- iSfc-%

orne XIV (année 1886) fonue le IV-vo

' (année 1887 forme le V. volume l

Deuxième Série - Le tome XVI (annee 1888) forme le VI» volume de la Deu>

(annee 1883) formt le I" volume de la Deuxième Série. -Le tome XIMannéel; forme le II' volum— J ' ~—-=*— <"~- t » —»» yttt i™»»» irk^ fnrm III- volume de la de la Deux*me T^^S^^,^

^x.-.^^?,..... liii» e„™x, li VI. v„l„m„ rl<> la Deuiième

îr^ïv^(^»£^)f^ïr^^lim,delaD.«i*m. Série.              .

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Le tome XIX (année 1891) est en cours de publication.

Il a paru en outre de la collection :

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Malgré le gradd nombee de planches, le prix de ces volumss est le même que celui des Archives.

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SUR LA PRODUCTION ARTIFICIELLL

DES                -

MONSTRUOSITÉS

ou

ESSAIIS

DE TERATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE

Docteur es sciences et en médecine - Ancien professeur a la Faculté des sciences de Lille - Directeur

x_ , -,____..:.. J.T.l.-l„ln»io J, l'É..I. ri., tt.nl - ~—x--         i-----— *- IM„.»,X„,

PAR

M. CAMILLE DARESTE

r es scencese,. e.. médecine -Ancien professeur a la Faculté des scie

du Laboratoire de Tératolosie à l'École des Hautes Étude.. - Lauréat de l'Institut.

(Prix Ahiumbert, 1862. - Priae Lacaze, 1877. - Prix Serres, 1890)

DEUXIÈME ÉDITION REVEE ET AUGMENTÉE

Un fort vo.. gr. in-8, avcc 62 fig. intercalées dans le texee et 16 pi. en chromolithographie.

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Citation: John van Wyhe, ed. 2002-. The Complete Work of Charles Darwin Online. (http://darwin-online.org.uk/)

File last updated 25 September, 2022