RECORD: Brongniart, Alexandre. 1833. Rapport fait à l’Académie Royale des Sciences, sur les travaux de M. Gay. Annales des Sciences Naturelles 28: 394-402.
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Botanical Dept.
DES
PAR
MM. AUDOUIN, AD. BRONGNIART ET DUMAS,
COMPRENANT
LA PHYSIOLOGIE ANIMALE ET VÉGÉTALE, L'ANATOMIE
COMPARÉE DES DEUX RÈGNES, LA ZOOLOGIE, LA
BOTANIQUE, LA MINÉRALOGIE, ET LA GÉOLOGIE.
TOME VINGT-HUITIÈME,
ACCOMPAGNÉ DE PLANCHES.
PARIS.
CROCHARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
RUE ET PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, N° 13.
1833.
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RAPPORT fait à l'Académie royale des Sciences, sur les travaux géologiques de M. Gay;
Par M. ALEX. BRONGNIART.
L'étendue des terrains que M. Gay a observée, paraît peu considérable en comparaison du grand pays dont ils font partie; ce sont principalement, d'une part, les environs de Santiago, et de l'autre le bassin des Rio-Cachapual et Tinguiririca, sur lequel est Jan-Fernando. Il les a suivis presque depuis leur source, dans la Cordilière, jusqu'aux rivages du grand Océan où ils se rendent en formant par leur réunion le cours du fleuve Rapel.
Ce territoire n'ayant pas une grande étendue, M. Gay a pu consacrer tout son temps et ses moyens pour l'étudier.
Les terrains limités dans cet espace présentent peu de formations différentes; on peut même dire que l'auteur n'y a reconnu que trois grandes ou principales formations. La première est celle des terrains cristallisés, qui ne montrent aucun indice de l'action des feux volcaniques et sont nommés primitifs ou primordiaux. Ils sont au Chili, comme ailleurs, généralement inférieurs aux autres; mais ici ils sont presque toujours recouverts: on n'en connaît done la présence que par quelques pointes qui paraissent çà et là et semblent percer les terrains qui sont venus les recouvrir.
La seconde formation qui paraît immédiatement sur
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cette première, est celle des terrains que plusieurs géologues conviennent d'appeler typhoniens, parce que comme le géant Typhon ces terrains semblent avoir soulevé l'écorce de la terre, pour s'épancher à sa surface. Les uns massifs et sans stratification, mais aussi sans courans et sans soufflures, paraissent néanmoins avoir été fondus, ou au moins ramollis; les autres portent évidemment l'empreinte de l'action du feu, et par leur forme de coulée et par leur texture souvent bulleuse; ce sont les terrains nommés plutoniques et les volcaniques, terrains dominans dans le territoire étudié par M. Gay.
Enfin la troisième classe est aussi différente des premières et des secondes, tant par la nature de ses roches que par leur origine évidemment aqueuse. On les nomme terrains de sédiment en general; les terrains tertiaires ou thalassiques en font partie.
Une carte géologique dressée par M. Gay fait connaître la position géographique et l'étendue de chacun de ces terrains.
On voit que les typhoniens sont dominans, que les terrains de cristallisation, au contraire, rares et peu étendus, n'ont offert à l'auteur aucun fait remarquable. Mais il n'en est pas de même des deux autres classes de terrains, qui ont été pour lui des sujets d'observations assez remarquables.
Les terrains plutoniques, c'est-à-dire les terrains d'origine ignée, plus ou moins évidens, montrent presque toutes les roches qui les composent sur toute la terre, les porphyres, les basaltes, les trachytes, les argilophyres, les dolérites, etc., tantôt séparées par masses ou même par bancs irréguliers, et tantôt mêlées et
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comme se pénétrant sans ordre. Ces roches pyrogènes sont disposées en collines, en montagnes, en chaînes de montagnes (Cerro) d'un aspect fort singulier, déjà dépeint par les naturalistes qui ont visité ces contrées et des contrées analogues; mais M. Gay y a signalé deux faits qui nous paraissent dignes d'une attention particulière.
Le premier est relatif à la forme bizarre de ces collines, dont les sommets ou crêtes garnies de pointes contournées et recourbées, séparées par de nombreuses et profondes échancrures, ressemblent à des scies à larges dentelures, forme générale qui leur a fait donner le nom de Cerro. Les vallons qui séparent ces rangées de collines ressemblent à des fentes immenses par leur longueur et leur profondeur, et par la complète verticalité de leurs parois; disposition qui, sur une étendue quelquefois de dix lieues, rend leur sommet inaccessible, et qui n'a pas permis à M. Gay de déterminer la nature des grands filons blanchâtres qui coupent ces fentes sous une grande inclinaison (Vallée de Los Cypressos, Cordilière de Cauquenes.)
Le second fait est bien plus remarquable, et M. Gay a su en apprécier toute l'importance.
C'est dans l'hacienda de Cauquenes qu'il l'a observé avec tout son développement. Les vallons de ce canton sont comme ceux que nous venons de décrire, profonds, à parois escarpées et composées uniquement de basaltes ou de roches analogues. On ne voit pas d'autres roches, dit M. Gay, à vingt lieues à la ronde.
On ne connaît ni dans ces vallons, ni à leur origine, ni dans cette circonscription, aucun banc, aucun pic, aucune masse de granite en place; et cependant ces val-
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lons sont remplis, encombrés jusqu'au tiers de leur hauteur et comme obstrués par une accumulation immense de galets et de blocs de granite, accumulation qu'on peut appeler prodigieuse et inconcevable, malgré tout ce qu'on sait, tout ce qu'on a observé dans tant d'autres contrées, sur les galets ou blocs étrangers aux sols qu'ils recouvrent.
Voilà donc ce phénomène signalé depuis quelques années dans toute l'Europe, notamment sur les bords de la Baltique; ce phénomène dont l'explication a exercé la sagacité de presque tous les géologues, se représentant d'une manière encore plus inexplicable dans la partie occidentale de l'Amérique méridionale et sur un terrain d'une nature tout-à-fait différente de ceux où il s'est montré dans l'Europe septentrionale. Il remplit ici des vallons de dix ou douze lieues d'étendue et fermés de toute part par des collines escarpées que ces cailloux et blocs ne semblent pas avoir pu surmonter.
M. Gay ne trouve dans le pays qu'il a étudié aucune explication vraisemblable pour résoudre cette difficulté.
Le second ordre de descriptions et d'observations faites par M. Gay s'applique à des terrains d'une tout autre nature et d'une tout autre origine. Il y a bien encore ici quelques roches pyrogènes, mais elles ont été formées ailleurs; leurs débris seuls sont présens, et prouvent par leur alternance en couches régulières avec des roches de sédiment d'origine marine, qu'ils ont été amenés du lieu de leur origine, transportés dans le sein des eaux marines, et mêlés avec les débris des êtres vivans qui les habitent.
Les productions de la nature se font remarquer dans
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les règnes organiques par le tableau frappant de leurs variétés, non seulement suivant les climats, mais même suivant les longitudés. L'intérêt se compose dans cette partie de notre monde de l'immense variété des produits et de l'évidence des lois communes qui rattachent presque toutes ces productions à un petit nombre de types.
L'intérêt des produits inorganiques et des phénomènes géologiques se fonde sur une considération tout-à-fait opposée.
C'est leur ressemblance, c'est l'identité presque complète de ces produits, nonobstant la latitude, la longitude et les hauteurs, qui frappe l'esprit de l'observateur en lui indiquant que des lois encore plus simples, encore plus générales, ont présidé à la formation de cette immense partie de la nature terrestre, source et soutien des deux autres. Ainsi M. Gay nous montre au Chili, à plus de trois mille lieues de distance, sous un méridien et dans des zones entièrement séparées de l'Europe, non seulement par la distance, mais par leur position; il nous montre, dis-je, un terrain presque identique avec celui du Vicentin, je pourrais dire avec dix autres terrains du globe; et si je cite celui-ci, c'est que j'ai plus particulièrement eu l'occasion de l'observer et par conséquent de le connaître mieux que tout autre.
Les roches volcaniques, les roches plutoniques, les
aggrégats, les minéraux sont les mêmes, ou ne diffèrent que par quelques nuances.
Les débris organiques, tout en présentant les différences qui doivent résulter de leur position géographique, semblent participer à l'uniformité des productions minerals; car les corps organiques fossiles nous ont semblé
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moins différens des coquilles fossiles de l'Europe, qui appartiennent à la même époque géologique, que les coquilles vivantes des mers du Chili ne diffèrent des coquilles vivantes des mers méditerranées européennes avec lesquelles semblent liés les débris organiques du Vicentin.
La coupe du terrain de la Navidad, à l'embouchure du Rio-Rapel, que M. Gaya faite et qu'il a mise sous nos yeux, montre, comme dans le Vicentin, une alternance de lits composés, les uns de roches friables de sédimens, les autres de fragmens de diverses roches des terrains volcaniques, liées quelquefois par un ciment calcaire, ayant enveloppé des coquilles devenues fossiles, et qui appartiennent toutes à des genres si abondans dans les terrains tertiaires et à des espèces tellement voisines de celles de l'Europe méridionale, qu'il est quelquefois difficile d'en signaler réellement les différences.
Le nombre de ces espèces n'est pas considerable; mais pour les conséquences que nous tirons, d'une part le nombre des individus, et de l'autre l'absence de genres et d'espèces étrangères à ces terrains, peut compenser ce petit nombre; nous y avons reconnu des bivalves qui pourraient être des Cythérées, un Cardium, un Pectunculus, voisin du pulvinatus, qui ne manque à aucun terrain thalassique, une Pyrula, au moins trois Fusus, un Cassis, extrêmement voisin du Cassis intermedius de Brocchi, une Ancile, une Olive, une Perdix, deux Natices et un Sigaret très voisin du S. canaliculatus de Bordeaux.
L'agrégat qui les renferme ou qui les accompagne, tantôt à ciment calcaire, tantôt ne renfermant rien de calcaire, a la plus grande ressemblance avec l'agrégat du
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Vicentin que j'ai désigné autrefois sous le nom de Brecciole.
Mais il y a entre les lits de sédiment de la Navidad du Chili et ceux du Val-Nera du Vicentin une différence minéralogique notable. Ceux de la Navidad, qui, au premier aspect, paraissent être des marnes à grain plus ou moins fin, ne renferment rien de calcaire, à juger du moins de l'ensemble des lits par les échantillons que M. Gay nous a remis: ce sont des roches presque entièrement sableuses, à grain souvent très fin, tout-à-fait semblable à ce qu'on appelle dans les arts Tripoli ou Terre pourrie, nettoyant et polissaut même, comme ce dernier, le laiton et pouvant peut-être être appliquées à à cet usage.
L'absence du calcaire dans ces dépôts apporte entre eux et ceux du Vicentin une différence qui paraît notable; mais ce n'est qu'une différence minéralogique: or, on sait qu'en géologie, c'est de tous les points de ressemblance et de différence, celui auxquels on doit attacher le moins d'importance.
Il ne faut pas confondre ces terrains stratifiés, composés de lits de roches assez dures, renfermant des coquilles évidemment altérées et qu'on peut appeler pétrifiées, dans l'acception ordinaire de ce mot, des terrains qui ont plus de vingt-cinq mètres d'épaisseur, et par conséquent d'élévation au-dessus du niveau de la mer, qui en baigne le pied, avec des terrains d'alluvion tout récens, placés à quelques mètres seulement d'élévation au-dessus du niveau de la mer, composés de matières minérales sableuses et meubles et renfermant des coquilles marines placées, il est vrai, au-dessus du fond qu'elles
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Habitaient, mais à peine altérées et appartenant aux mêmes espèces que celles qui peuplent les mers du Chili, notamment au Concholepas, coquille caractéristique de ces côtes.
On connaît le phénomène qui a fait sortir ces coquilles du sein des mers, on a vu et décrit dans les Annales des Sciences le soulèvement remarquable qui, en 1822, a élevé de quelques mètres la côte du Chili dans les environs de Valparaiso, et avec elle toutes les coquilles qui l'habitaient.
Les causes qui ont formé les terrains de la Navidad peuvent être présumées comme étant très analogues à celles que nous venons de citer; mais je ne sache pas qu'on puisse rapporter la formation de ce terrain à aucune époque historique: elle est donc d'un tout autre temps et d'un tout autre ordre que celle que je viens de rapporter, et confirme, par ses différences d'état, de position, de nature, de structure, que les phénomènes anté-historiques et leurs résultats étaient notablement différens de ceux qui se passent actuellement à la surface du globe et même dans l'intérieur de la partie de son écorce où nous avons pénétré.
Ce que nous venons d'extraire des journaux de M. Gay, ce que nous venons de conclure des coupes et des échantillons qu'il nous a communiqués, doit mettre l'Académie à même de prendre une idée des travaux géologiques auxquels ce naturaliste s'est livré pendant son séjour au Chili. Ce rapport peut lui faire apprécier la nature et le mérite de ces travaux, en lui faisant voir que M. Gay ne s'est pas borné à une simple description des lieux qu'il a visités, mais qu'il a su remarquer et choisir les faits et les
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phénomènes qui étaient intéressans pour les sciences, les faire connaître convenablement par des coupes et des échantillons, et en faire ressortir l'importance par des considérations sages, considérations dans lesquelles il a quelquefois fait pressentir les grands résultats auxquels sont arrivés récemment les plus savans et les plus ingénieux geologies.
Nous pensons que l'Académie doit encourager M. Gay qui va retourner au Chili, à poursuivre avec le même zèle, la même exactitude et la même sagacité, des observations difficiles, mais d'une grande importance pour la géologie, cette partie à vues si élévées et si étendues de l'histoire naturelle du globe.
EXPÉRIENCES sur les excrétions des racines, extraites d'un Mémoire pour servir à l'Histoire des Assolemens;
Par M. MACAIRE.
Depuis long-temps M. De Candolle avait été conduit à se former une théorie particulière sur les assolemens, fondée sur cette hypothèse, que les racines étaient le siège de sécrétions d'une nature spéciale. Quelques faits déjà consignés par ce savant naturaliste dans la Flore française semblent lui avoir fourni la première occasion de porter sa pensée sur ce sujet important; il s'exprime ainsi p. 167: «M. Brugmans ayant mis des
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plantes dans du sable sec, a vu des gouttelettes d'eau suinter de l'extrémité des radicules.» Et plus loin, p. 191: «Enfin, les racines présentent elles-mêmes dans quelques plantes des sécrétions particulières; c'est ce qu'on observe dans le Carduus arvensis, l'Inula helenium, le Scabiosa arvensis, plusieurs Euphorbes et plusieurs Chicoracées.... Il semble que ces sécrétions des racines ne soient autre chose que les parties des sucs propres, qui, n'ayant pas servi à la nutrition, sont rejetées en dehors lorsqu'elles arrivent à la partie inférieure des vaisseaux. Peut-être ce phénomène, assez difficile à voir, est-il commun à un grand nombre de plantes. MM. Plenck et Humboldt ont eu l'idée ingénieuse de chercher dans ce fait la cause de certaines habitudes des plantes. Ainsi, l'on sait que le Chardon nuit à l'Avoine, l'Euphorbe et la Scabieuse au Lin, l'Inulé aulnée à la Carotte, l'Érigeron âcre et l'Ivraie au Froment, etc. Peut-être les racines de ces plantes suintent-elles des matières nuisibles à la végétation des autres. Au contraire, si la Salicaire croît volontiers près du Saule, l'Orobanche rameuse près du Chanvre, n'est-ce pas que les sécrétions des racines de ces plantes sont utiles à la végétation des autres?»
Étendant plus tard ces idées et les appliquant à la théorie des assolemens, soit dans ses cours publics, soit dans sa Physiologie végétale, M. DeCandolle admet que toutes les plantés, en pompant tout ce qui se présente de soluble à leurs racines, ne peuvent manquer de pomper aussi des particules qui ne peuvent servir à leur nourriture. Ainsi, lorsque la sève a été entraînée par la circulation dans
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tout le végétal, élaborée et privée d'une grande quantité d'eau par les feuilles, puis en redescendant a fourni aux organes tout l'aliment qu'elle contenait, il doit se trouver un résidu de particules qui ne peuvent s'assimiler au végétal, étant impropres à sa nourriture. Ces particules, après avoir traversé tout le système sans altération, M. De Candolle admet qu'elles retournent au sol par les racines, et le rendent ainsi moins propre à nourrir une seconde récolte de la même famille de végétaux, en accumulant des substances solubles qui ne peuvent s'assimiler; à peu près, remarque-t-il, comme on ne pourrait nourrir un animal quelconque de ses propres excrémens. De plus, il doit arriver aussi que l'action même des organes d'un végétal convertisse les particules ingérées en substances délétères pour la plante même qui les produit ou pour d'autres, et qu'une portion de ce poison soit aussi rejetée par les racines. Quelques expériences que j'ai eu l'honneur précédemment de communiquer à la Société, ont montré qu'en effet les végétaux peuvent souffrir de l'absorption des poisons qu'ils fournissent eux-mêmes. L'allongement continuel des racines rend l'effet fâcheux, nul pour la même génération de plantes; c'est la suivante de la même espèce qui en souffrirait, tandis qu'il est possible d'imaginer qu'au contraire ces mêmes excrémens pourront fournir une pâture saine et abondante à un autre ordre de végétaux. Les exemples tirés du règne animal s'offrent encore ici avec une force d'analogie remarquable. Il manquait peut-être encore à cette théorie si ingénieuse, et qui rendait si bien raison de la plupart des faits ob-
Citation: John van Wyhe, ed. 2002-. The Complete Work of Charles Darwin Online. (http://darwin-online.org.uk/)
File last updated 25 September, 2022